• Nicolas Doze est un chroniqueur de BFM TV. Il y présente régulièrement sa "chronique éco", où il récite de manière régulière et très soutenue le catéchisme libéral : les retraites coûtent trop cher, l'État est trop gras, les grévistes ne servent à rien, le capital est trop taxé, nous payons trop d'impôts... c'est d'ailleurs sur ce dernier sujet qu'il s'exprimait Lundi 3 Septembre. L'expert entendait nous expliquer les méfaits du gel du barème et des "sauts de tranche" en matière d'impôt sur le revenu. Très bien, sauf que... les "sauts de tranche", au sens où il les entend, cela n'existe tout simplement pas.

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     Un mythe très répandu

    Tous les spécialistes de la fiscalité vous le diront : la croyance en l'existence du fameux "saut de tranche" est très répandue. L'argument est simple : puisque les revenus sont imposés à différents taux (0%, 5.5%, 14%, 30% et 41%), le fait de passer d'une tranche à une autre (suite à petite augmentation de salaire, par exemple) pourrait, dans certains cas, entraîner une imposition supplémentaire supérieure au gain en rémunération.

     

    Reprenons le barème d'imposition :

    • jusqu’à 5 963 € = 0 %

    • de 5 963 € à 11 896 € = 5,5 %

    • de 11 896 € à 26 420 € = 14 %

    • de 26 420 € à 70 830 € = 30 %

    • plus de 70 830 € = 41 %

    Fréquemment, ce barème est interprété de la manière suivante : une personne gagnant (par exemple) 25 000 € (je parle bien sûr de "revenu net imposable") serait imposée à hauteur de 14% sur l'ensemble de ses revenus. Passer à 27 000 € la ferait "sauter de tranche" : elle serait donc imposée à 30%. Le gain en rémunération serait donc bien plus faible que la perte due à l'imposition.

     

    Cette conception est purement et simplement erronée : en dehors des éléments pouvant parasiter le calcul (comme les crédits d'impôt), si la rémunération augmente, il est impossible de payer plus (en impôt) que ce que l'on reçoit (en revenus).

     

    D'où vient l'erreur ? Tout simplement du fait que beaucoup de contribuables font l'amalgame entre taux marginal d'imposition et taux moyen d'imposition. Le revenu est réparti au sein des tranches d'imposition en commençant par celle à 0%. Une fois la tranche complétée, on passe à la suivante, et ainsi de suite. La tranche dans laquelle les revenus se "terminent" correspond au taux marginal d'imposition. Une notion fort différente du taux moyen d'imposition, comme nous allons le voir.

     

    Prenons un exemple

     

    Dans le cas d'une personne percevant un revenu net imposable de 25 000 €, nous avons donc :

    [5 963 x 0%] + [(11 896 – 5 963) x 5.5%] + [(25 000- 11 896) x 14%] = 0 + 326.315 + 1 834.56, soit environ 2 161 € d'impôt à payer.

    Le taux marginal d'imposition est de 14%.
    Le taux moyen d'imposition est de 8.64% (on obtient bien 2161 € en multipliant 25 000 par 8.64%).

     

    Si maintenant le revenu passe à 27 000 €, nous obtenons le calcul suivant :

    [5 963 x 0%] + [(11 896 – 5 963) x 5.5%] + [(26 420- 11 896) x 14%] + [(27 000 – 26 420) x 30%] = 0 + 326.315 + 2033.36 + 174, soit environ 2 534 € d'impôt à payer.

    Le taux marginal d'imposition est de 30%.

    Le taux moyen d'imposition est de 9.39%. Un taux certes plus élevé, mais très proche au précédent.

     

    Vous pouvez vérifier ces calculs par vous-mêmes en utilisant le simulateur proposé par le ministère de l'économie et des finances.

     

    Pour un gain de 2 000 € en revenu net imposable, il y aura donc 373 € d'impôt supplémentaire à régler. Soit tout de même un solde positif de 1 627 € ! Le fameux "saut de tranche" n'est donc, comme nous venons de le voir, qu'une fable.

     

    De la même façon, dès qu'il est question de créer une tranche à 75%, le débat est simplifié à l'extrême et laisse systématiquement entendre qu'une personne gagnant 1 000 002 € devrait verser au moins 750 000 € d'impôt, ce qui est faux : comme je viens de le rappeler, seuls les revenus dépassant la limite du million d'euros seraient imposés à 75% (dans cet exemple : 2 €). Le taux moyen d'imposition serait en réalité d'un peu plus de 40%, même avec la mise en œuvre d'une telle mesure.


    Pourquoi ce rappel ? Tout simplement car c'est en partant de ce postulat erroné que Nicolas Doze a articulé sa critique de l'action du gouvernement. 

     La chronique éco de Nicolas Doze, le 3 Septembre 2012

    Grossir le trait pour critiquer la politique fiscale du gouvernement ?

     

    L'objectif est clair : montrer que les socialistes sont des incompétents, que la France est un enfer fiscal et que les plus pauvres seraient les premières victimes de ce changement. Jouant sur les fantasmes d'une partie des téléspectateurs, Nicolas Doze laisse même entendre que le gel du barème découragerait le travail.

     

    "Y'a-t-il des gens, parmi ceux qui nous écoutent, qui finalement ont déjà renoncé à des augmentations ou préféré travailler moins pour, au bout du bout, payer moins d'impôts ?"

     

    Voilà la question qu'il nous pose. Quel dommage qu'elle ne tienne pas la route une seconde, comme nous venons de le voir ! Et tout est l'avenant dans cette malheureuse chronique. Le gel du barème est bien une hausse généralisée des impôts si l'on considère que les revenus des Français augmentent légèrement chaque année, comme l'avait dénoncé Solidaires Finances Publiques dès le mois de Novembre (au moment de l'annonce de quelques mesures d'austérité par François Fillon). Cependant, cela n'a rien à voir avec un prétendu "saut de tranche".

     

    Par ailleurs, si certains contribuables pourraient effectivement avoir à payer un impôt dont ils ne devaient pas s'acquitter auparavant, en dépit du mécanisme de la décote et du non-recouvrement de l'impôt inférieur à 61 €, cela ne vient pas non plus du fameux "saut de tranche".

     

    Le gouvernement Ayrault est probablement très critiquable, mais soyons attentifs : cette remise en question doit se faire à partir de véritables arguments. Pas à partir d'inventions. Cette petite chronique aura au moins eu le mérite de nous montrer une chose : les éditos de nos experts sont loin d'être parole d'évangile...

    http://duvalyohann.over-blog.fr/


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  • En 1968, un philosophe aujourd’hui oublié, Herbert Marcuse, nous mettait en garde : nous ne pourrions bientôt plus critiquer efficacement le capitalisme, parce que nous n’aurions bientôt plus de mots pour le désigner négativement. Trente ans plus tard, le capitalisme s’appelle développement, la domination s’appelle partenariat, l’exploitation s’appelle gestion des ressources humaines, et l’aliénation s’appelle projet. Des mots qui ne permettent plus de penser la réalité, mais simplement de nous y adapter en l’approuvant à l’infini. Des «concepts opérationnels» qui nous font désirer le nouvel esprit du capitalisme, même quand nous pensons naïvement le combattre. Notre langage est doucement fasciste, si l’on veut bien comprendre le fascisme comme l’élimination de la contradiction. Georges Orwell ne s’était pas trompé de date : nous avons failli avoir en 1984 un «ministères de l’intelligence». Assignés à la positivités, désormais, comme le prévoyait Guy Debord : Tout ce qui est bon apparaît, tout ce qui apparaît est bon… Ainsi, par exemple, nous sommes tous plus ou moins conscient de l’impérieuse nécessité de nous opposer à la « démarche qualité », s’agissant de l’intervention sociale, culturelle, éducative, ou médico-sociale. Mais à moins d’avoir sérieusement approfondi la question, cette nécessité reste pour le moment au niveau d’une intuition. Il nous semble que quelque chose ne va pas dans cette démarche. Mais comment s’opposer à la « qualité » à moins de passer pour un fou ou un saboteur ? Nous ne le pouvons pas ! A moins de dévoiler le mensonge du langage, nous sommes désormais condamnés à accepter TOUT ce qui se présente sous cette démarche.

    La question stratégique qui se pose à nous est donc : « comment nous réapproprier un langage critique » qu’on nous a interdit, volé, maquillé, dont on nous a dépossédé ? De quelle manière ? Cela est-il simplement possible, et à quel prix ?

    Nous appelons “éducation populaire”, ce travail de réappropriation, d’interrogation des évidences, et de reconquête d’une pensée critique.

    http://feudeprairie.wordpress.com/2012/08/31/novlangue/

     

    Dictionnaire Collectif de la Langue de Bois et des concepts opérationnels


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  • Les ambiguités de la direction du PCF à l'origine de la défaite du Front de Gauche aux législatives?

    extrait de l'analyse du M'PEP

     

    Doit-il y avoir des ministres issus du Front de gauche ?

    À cette question, Jean-Luc Mélenchon et le PG ont très clairement répondu non. Ils ont raison. Quant à la direction du PCF, ses ambigüités ont certainement coûté beaucoup de voix au Front de gauche.


    Tout a commencé pendant la campagne de la présidentielle. Pourtant, l’affirmation qu’il n’y aurait pas de ministres du Front de gauche dans un gouvernement socialiste aurait du être faite le plus tôt possible pour rassurer les électeurs. En entretenant l’incertitude, la direction du PCF, sans nul doute, a contribué à limiter la progression du candidat du Front de gauche. Les déclarations se sont en effet multipliées, du côté de la direction communiste, pour laisser entendre qu’il pourrait y avoir des ministres communistes dans un gouvernement socialiste. Ainsi, dans l’Humanité des 31 mars et 1er avril, Pierre Laurent expliquait que « c’est quand les électeurs se seront exprimés à la présidentielle et aux législatives sur ces choix que nous serons en mesure d’apprécier la réponse à cette question [celle de la présence de ministres communistes] en consultant les communistes ». Ce type de commentaire ne pouvait que contribuer à rejeter le Front de gauche vers les partis politiques pro-système et réduire à néant tout le travail réalisé justement pour rompre avec le système. C’est en effet avant les élections que les électeurs ont besoin d’être éclairés sur les intentions des candidats, et non après.


    Pour Pierre Laurent, « il n’y aura pas de participation des communistes au gouvernement sans que les communistes eux-mêmes soient consultés » (Le Figaro, 19 mars 2012). Cette déclaration a contribué à semer la confusion. Car Pierre Laurent ne dit pas que les communistes n’iront pas au gouvernement en expliquant pourquoi. Les raisons sont pourtant assez simples : François Hollande est une sorte de Papandréou ou de Zapatero à la française. Il n’a pas eu un mot de réprobation à l’égard de ses camarades « socialistes » grecs, espagnols, portugais qui ont écrasé leurs peuples avec la complicité du FMI et de l’Union européenne. François Hollande et le PS feront pareil. Pourquoi ne pas avoir dit clairement que les conditions n’étaient absolument pas créées pour une participation communiste ou du Front de gauche au gouvernement ?


    Pierre Laurent ajoutait : « C’est le rapport de force dans la possible majorité de gauche » qui pourra infléchir « vraiment à gauche » la politique d’un gouvernement socialiste. Oui, ce n’est pas faux. Encore faudrait-il ajouter que c’est la raison pour laquelle le Front de gauche doit passer devant le PS aux élections, et qu’en attendant aucune participation du Front de gauche à un gouvernement socialiste n’est souhaitable. Il faudrait d’ailleurs se souvenir que Georges Marchais avait rassemblé 15% de l’électorat à la présidentielle de mai 1981, et que cela n’avait pas empêché le PS de virer à droite quelques mois plus tard malgré la présence de quatre ministres communistes…


    En 1936, au moment du Front populaire, le PCF n’a pas participé au gouvernement mais l’a soutenu. Il n’aurait pas pu impulser le mouvement de grèves s’il avait eu des ministres. Aujourd’hui, comme le Front de gauche savait qu’il serait minoritaire par rapport au PS, il aurait du préparer ses électeurs à un mouvement social. Les hésitations du PCF ont non seulement été nuisibles électoralement, mais aussi pour l’avenir du mouvement social.


    Des ministres du Front de gauche minoritaires dans un gouvernement socialiste ne parviendront pas à faire bouger le PS vers sa gauche, ils seront des otages. La direction du PCF n’aurait donc rien appris de l’histoire, et notamment du bilan calamiteux de la « gauche plurielle » ? Pour le M’PEP, la position la plus logique est la suivante : des ministres du Front de gauche seront possibles quand le Front de gauche passera devant le PS.


    Après la campagne électorale, on a pu observer une position étrange de la part des dirigeants du PCF. Ceux-ci ont adopté, le 18 juin, un texte destiné aux adhérents de ce parti, les invitant notamment à rejeter la participation de ministres communistes. On pourrait s’en réjouir, mais l’argumentation de Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, dans son rapport, demeure fondamentalement non pas ambigüe comme on pourrait le croire, mais au contraire très claire sur la volonté des dirigeants du PCF d’être socialo-compatibles. Pierre Laurent écrit en effet : « si nous estimons que les conditions de notre participation au gouvernement Ayrault ne sont pas aujourd’hui réunies, notre objectif est de modifier cette situation. Nous restons disponibles si ces conditions évoluaient ».


    Décryptons ce texte. D’abord, il aurait fallu indiquer avant les élections et non après que les conditions d’une participation communistes n’étaient pas réunies. Pourquoi ? Encore une fois parce que le programme du PS est un programme parfaitement compatible avec la doxa néolibérale et les préceptes de l’eurolibéralisme. Comme le M’PEP l’a écrit dans un texte, la gauche radicale ne peut pas et ne doit pas participer à un gouvernement avec le PS, sauf lorsqu’elle passera devant ce dernier. L’inverse n’est pas possible et signifierait l’alignement de la gauche radicale sur les positions social-libérales du PS. Le PCF dit qu’il reste « disponible » si les conditions « évoluaient ». Dommage qu’il ne dresse pas la liste de ces « conditions ». En tout cas, cette position du PCF est désespérante pour le Front de gauche, c’est un coup de poignard dans son dos.


    Comment les dirigeants communistes peuvent-ils envisager un seul instant, dans le cadre politique, idéologique et électoral actuel, de participer à un gouvernement avec les socialistes ? Le programme de François Hollande ne contient aucune avancée sociale digne des grandes poussées de la gauche comme en 1936, 1945, 1981. C’est même le contraire puisque le nouveau président de la République se fixe comme priorité le désendettement de la France, c’est-à-dire l’austérité, alors qu’il faudrait annuler et restructurer la dette publique. Le PCF est-il d’accord avec l’objectif de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB fin 2013, alors que ce n’est possible – et encore ! – qu’au prix d’une austérité renforcée ?


    Avant même les élections il était parfaitement évident que le rapport des forces qui serait issu de la présidentielle et des législatives ne permettrait pas au Front de gauche de faire admettre la moindre proposition significative de son programme au PS. Qu’iraient faire des ministres communistes dans cette galère ? Seules des luttes sociales puissantes seront susceptibles de permettre des avancées sociales que le PS refuse aujourd’hui.


    Cette décision du conseil national du PCF d’organiser une consultation des adhérents de ce parti sur l’entrée de ministres communistes au gouvernement socialiste est une fiction de démocratie interne et en réalité un très mauvais coup porté au Front de gauche. Les électeurs, en effet, sont en droit d’attendre des réponses franches. Que pèseraient quelques ministres communistes dans un gouvernement totalement contrôlé par les socialistes ? La désastreuse expérience de la « gauche plurielle », où il y avait 3 ministres communistes, n’a-t-elle pas été suffisante ? En mars 1999, la guerre contre la Serbie menée par l’OTAN, a été cautionnée par les ministres communistes : « Nous n’entendons pas miner la cohésion gouvernementale, nous resterons au gouvernement quoi qu’il fasse, même s’il y a engagement des troupes françaises au sol en Serbie » (Marie-George Buffet, FR3, 28 mars 1999, émission Dimanche politique). Les ministres communistes ont accepté le Pacte de stabilité, le traité d’Amsterdam, l’euro : ils ont accepté l’Europe fédérale. Le PCF s’est rallié de fait au quinquennat.


    Le PCF n’a-t-il pas suffisamment payé pour cette succession d’erreurs pour avoir envie de recommencer ? Si cela ne concernait que lui, après tout, il pourrait faire ce qu’il veut ; mais en l’espèce, l’attitude du PCF concerne toute la gauche de gauche. Certes, la décision n’a pas été prise. Mais le seul fait de laisser entendre qu’elle aurait pu l’être à la suite de cette consultation crée une confusion dans les esprits dommageable au rayonnement du Front de gauche.

    http://reveilcommuniste.over-blog.fr/


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  • C'est la rentrée. Nos chères petites têtes blondes se préparent à prendre le chemin de l'école, pendant que nous, parents, descendons à la cave planches à voile, chaises de plage et parasols et tremblons à la perspective de devoir arpenter les allées des grandes surfaces liste de fournitures scolaires en main. D'ailleurs, est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi l'expérience des coopératives d'achat qui marchent si bien dans certaines écoles - avec l'avantage supplémentaire d'obliger les enseignants à standardiser leurs demandes, ce qui est peut-être un petit pas pour l'enseignant, mais c'est un grand pas pour l'humanité - ne sont pas généralisées. Voilà un champ que la « gauche radicale » pourrait investir. Cela lui permettrait de montrer qu'elle est capable d'organiser une activité solidaire avant de prétendre devant les électeurs organiser l'Etat. J'y reviendrai.

     

    Mais à côté de la joie des enfants de retrouver leur école et leurs copains - car, contrairement aux fantasmes de quelques soixante-huitards attardés, l'immense majorité des enfants aime aller à l'école - on sent chez les adultes un certain air de morosité dans cette rentrée. Surtout, paradoxalement, à gauche. A droite, c'est la guerre de tous contre tous, mais au moins la défaite a fait naître le désir de la reconquête. Chacun sent qu'il y a des équilibres à bousculer, des places à prendre, des futurs à écrire. A gauche, c'est tout le contraire: En 1981, il avait fallu deux ans pour que le rêve socialiste s'évapore. Trente ans plus tard, trois mois on suffit. Après une victoire sans enthousiasme et la nomination de l'équipe gouvernementale la plus terne et la moins enthousiaste de la Vème République (le fait qu'un Pierre Moscovici se prenne pour le ministre des finances vous donne une idée de l'état des choses), après un été poussif fait de symboles - le président qui voyage en TGV et baisse son salaire - alors que tous les clignotants sont au rouge, la gauche socialiste a perdu toutes ses illusions ou presque. C'est l'horreur: il va falloir gouverner cinq ans, dans un contexte économique très dégradé et qui, en l'absence d'une rupture avec le système euro-libéral que les socialistes ne sont même plus capables de concevoir et encore moins de réaliser, ne peut que se dégrader encore plus.

     

    Le 6 mai dernier, les socialistes ont gagné - et pour cinq ans - le droit de devenir les pères fouettards de la Nation, avec la mission d'administrer au peuple français les potions amères concoctées à Bruxelles. Pour refuser ce rôle, il faudrait la capacité d'imaginer quelque chose de différent. De toute évidence, les socialistes français en sont incapables. Trois mois après une victoire électorale sans véritable projet, ils en sont à organiser des « conférences » et « états généraux » de toutes sortes. On nous explique qu'il s'agit d'un exercice démocratique, que ces machins servent à faire participer la « société civile » aux décisions. Foutaises: l'exercice démocratique a déjà eu lieu, lors du débat électoral. C'est là que le peuple français approuve ou rejette un projet. L'idée qu'on va discuter pendant six mois pour élire un président qui ensuite aura besoin de six mois de discussions avec la « société civile » - en fait, les lobbies associatifs et syndicaux qui participent à ce genre de manifestation - pour savoir ce qu'il fera est une négation du processus démocratique lui-même. S'il ressort des « conférences » une politique opposée à celle qui avait été discutée pendant la campagne électorale, c'est une trahison. Et s'il en ressort la même, à quoi aura servi la « conférence » ?

     

    Chez la « gauche radicale », ce n'est guère mieux. La séquence électorale étant finie, quelques questions lancinantes se posent: à quoi sert un parti politique lorsqu'il n'y a pas d'élection en vue ? Comment maintenir les militants mobilisés et disponibles alors qu'on est marginalisé et que la seule perspective qu'on peut leur proposer est une logique de témoignage ? Les flottements actuels chez les partenaires du Front de Gauche sont la manifestation de cette problématique. Mélenchon, qui à défaut d'avoir une véritable vision politique reste un habile opérateur des médias, a réussi à se faire remarquer en critiquant le bilan du gouvernement. Mais Le FdG ne peut espérer tenir cinq ans en jouant le rôle du roquet qui mordille les chevilles des socialistes. A défaut de proposer une alternative crédible, cette critique deviendra vite lassante, et les militants que la dynamique électorale avait réussi à mobiliser iront voir ailleurs.

     

    Il faut dire que la « gauche radicale » ne s'est pas préparé à une situation qui est tout à fait nouvelle, même si elle était prévisible. Pour la première fois depuis la Libération, nous avons un gouvernement de gauche sur lequel le PCF - et à fortiori l'extrême gauche - n'a aucun poids. Sous la IVème République, avec un groupe parlementaire puissant, son réseau d'élus municipaux, et le prestige acquis dans la résistance, il exerçait une pression énorme sur les socialistes ne serais-ce que par son pouvoir de nuisance. Sous la Vème, tous les gouvernements de gauche ont eu besoin des voix communistes. Et jusqu'aux années 1990, le PCF, qu'il soit dans la majorité ou pas, avait un poids politique sur tous les gouvernements, de gauche comme de droite, à travers la « courroie de transmission » syndicale. 2012 marque une nouveauté: pour la première fois, le parti socialiste gouverne véritablement seul, et sans avoir besoin d'alliés à gauche. Cette configuration traduit un rapport de force infiniment défavorable au Front de Gauche. Disons-le clairement: son poids sur les évènements est comparable à celui de Cassandre sur la guerre de Troie. Et encore, Cassandre avait au moins la certitude que ses prédictions étaient exactes, ce qui est loin d'être le cas pour le Front de Gauche.

     

    Dans ce contexte, la stratégie gauchiste fondée sur l'action est une stratégie vouée à l'échec.

     

    Organiser des manifestations une fois par mois pour protester contre ceci ou cela, demander des « référendums » qui n'ont aucune chance d'aboutir ne peut que mettre en évidence la faiblesse du Front et épuiser les militants inutilement. Le Front de Gauche a attiré pendant la campagne électorale des milliers de sympathisants idéalistes persuadés que la victoire serait au bout de la campagne - à ce propos la lecture des commentaires sur le blog de Jean-Luc Mélenchon est éclairante - et qui après la défaite (1) croient encore au « grand soir » pour demain et sont déçus que leur idole ne le déclenche pas. Eh bien, c'est le moment de sortir de l'impatience infantile et comprendre que la politique est une affaire de long terme. Le problème de la « gauche radicale », c'est qu'elle n'est pas organisée pour travailler sérieusement et dans la durée. Elle n'a toujours pas compris que pour avoir une chance de peser sur les évènements, un candidat charismatique et un programme démagogique et vague ne suffisent pas. Qu'il faut un appareil de formation pour prendre en main les sympathisants et en faire des véritables militants. Qu'il faut des organes de réflexion capables d'attirer et d'organiser l'expertise pour produire un projet crédible. Qu'il faut enfin des instances de décision qui fonctionnent et qui transcendent les personnalités pour garantir la pérennité de l'institution au-delà des hommes.

     

    Ceux qui connaissent l'histoire du PCF le savent. Le Parti a pu peser en 1940 parce qu'il disposait d'un appareil patiemment construit, des militants formés et disciplinés, et une « vision » partagée au point que celui qui ne la partageait pas prenait la porte. Mais il faut aussi comprendre que le PCF n'a pas conquis la classe ouvrière seulement avec des promesses et des programmes. Sa force fut de mélanger une « vision » de long terme avec une pratique de terrain de court terme. Les militants communistes ne promettaient pas seulement l'avenir radieux, ils organisaient des associations sportives et des syndicats, des colonies de vacances et des maisons de la culture, des associations de voisins et des mouvements pour la paix dans une logique de contre-société qui se voulait une préfiguration de la société à construire plus tard.

     

    Et ce n'est pas le seul exemple de cette modalité: plus près de nous, c'est la stratégie de beaucoup d'organisations islamistes dans des pays comme l'Egypte ou l'Algérie, qui mélangent le prêche eschatologique avec une pratique très terre-à-terre de bâtir des réseaux de solidarité, d'aide sociale, de dispensaires médicaux... et même une « justice » alternative là où les tribunaux sont corrompus.

     

    Le Front de Gauche ferait bien de s'inspirer de ces exemples. Organiser un réseau de coopératives pour l'achat des fournitures scolaires et pour l'aide scolaire serait politiquement bien plus productif que les imprécations contre Ayrault ou les « marches » et « pétitions » diverses et variées. Car, comme disait mon grand-père qui était un sage, le chemin vers le cerveau des gens passe par leur estomac.

     

    Bien entendu, une telle politique nécessite des militants formés, disciplinés, et  - last but not least - qui soient prêts à donner de leur temps non pas quelques semaines dans la chaleur d'une campagne électorale, mais dans l'environnement difficile et quotidien d'un quartier et cela pendant des années (2). Ce qui, croyez-moi, n'est pas du tout évident si vous n'avez pas derrière vous une institution qui vous promet le paradis pour vos peines...

     

    Putain ! Cinq ans... c'est long, mes amis.

    Descartes

     

    (1) Car il s'agit bien d'une défaite. Je ne parle pas bien entendu de gagner l'élection présidentielle - seuls les partisans les plus aveuglés de Mélenchon pouvaient croire qu'il avait la moindre chance - mais de peser d'un poids suffisant pour pouvoir infléchir la position du PS. De toute évidence, Hollande n'a pas un instant craint un mauvais report des voix du Front de Gauche sur sa candidature et donc le besoin de faire la moindre concession dans son programme. Et les faits lui ont donné raison. Aux législatives, ce fut encore pire.

    (2) Pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu, il faut se procurer le film « Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes ». Je peux certifier, pour l'avoir vécu, que tout ce que raconte ce film est parfaitement exact. La scène de la lecture du journal à l'ancien déporté devrait être diffusée dans toutes les écoles de formation des militants.


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  • Les enjeux d’une motion gauche socialiste sur les questions sociales au coeur du congrès du PS

    Chacun sent que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault  nommé par François Hollande est sur une ligne de crête en cette rentrée 2012. Le combat est rude entre les pressions des banques et « marchés » d’un côté et celles des exigences sociales, de la majorité des électeurs de l’autre. Chacun comprend que ce combat va s’intensifier non seulement dans les mois qui viennent mais qu’il va traverser tout le quinquennat. Ca déterminera in fine si François Hollande peut faire une deuxième quinquennat comme nous le souhaitons tous, ou si la catastrophe de la droite et extrême droite recommence.

     

    Doit on affronter la finance qui fait chantage, le patronat qui, délibérément, parie sur l’échec de la gauche et multiplie les licenciements ?  Doit-on conserver une ligne médiane, prudente mais paralysante alors que la récession frappe à la porte et que le chômage dépasse 5 millions, battant tous les records.

     

    Dans le cadre même des 60 propositions victorieuses du candidat Hollande, il y a place pour des interprétations, des inclinaisons, et des choix au jour le jour s’imposent. Atteindre 3 % de déficit maximum en 2013 et 0,5 % en 2017 étant un parcours imposé, comment le monnayer ?

     

    Avaler le traité Merkozy dit « TSCG » et le faire voter sans qu’il y ait de croissance ni de compensation devient une gageure. Comme l’a fort bien résumé Jacques Delors : « la règle d’or est un piège à cons ». Tout le monde sait que s’il y avait un débat libre et suivi d’un referendum, ce TSCG serait battu par une très large majorité de nos concitoyens, – comme toutes les autres règles inhumaines de « l’économie du malheur » imposées par les intégristes néolibéraux allemands et français.

    Cette pseudo « règle d’or » est le fruit d’une bataille intérieure entre les « landers » allemands riches et pauvres qui peinent à réguler leurs propres budgets, et elle est nous est indument transposée comme un enjeu dans toute l’Europe. La « règle d’or » existe pourtant dans la constitution allemande depuis 1949 et ils l’ont violé 12 fois : l’Allemagne a même en 1953 négocié à Londres, l’annulation de la moitié de sa dette. Le critère de Maastricht à 3 % de déficit et à 60 % du PIB de dette fixé en 1992 a été violé maintes fois depuis 20 ans dans tous les états de l’euro, ce n’est pas pour que le critère de 0,5 % passe… il y a une sorte de folie irrationnelle collective dans cette fuite en avant. L’austérité aggrave la récession qui aggrave la dette.

    Chacun sait que JAMAIS la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la France… ne paieront leurs dettes actuelles, produits de spéculations indignes et que ce TSCG du 29 juin 2012 ne parviendra JAMAIS – pas plus que les 22 sommets européens précédents organisés par Sarkozy – à solutionner la crise des dettes publiques en Europe.

    Comme le FESF qui l’avait précédé, le MES avec ses 550 milliards escomptés est totalement en dessous du niveau des dettes considérées. Ce sont donc les dettes elles mêmes qu’il faut remettre en cause, soumettre à audit, renégocier et annuler en partie. Il faut que la BCE arrête de prêter à 1 % à des banquiers privés qui re-prêtent scandaleusement aux états à 3, 4, 6 , 7 ou 8 %. Rassurer les marchés c’est jeter des steaks aux requins, ils en veulent toujours plus. Il faut au contraire que les banquiers sentent la poigne des états, stoppent leurs spéculations, leurs tricheries (comme celle du LIBOR). La BCE doit prêter directement aux états, comme l’a réclamé déjà maintes fois publiquement François Hollande.

    On nous dit qu’il est actuellement impossible de faire passer cela face à Merkel. On peut entendre mais souligner que le SPD, en aidant Merkel à imposer le TSCG, s’affaiblit lui-même pour les élections de 2013 et qu’on ne gagne jamais à faire la politique de l’adversaire de droite, il faut s’appuyer sur son propre camp, la gauche, le salariat. Les 31 députés du SPD qui ont voté « contre » le TSCG ont bien eu raison, et montrent la voie aux députés français.

     

    Attendra t on seulement que la Cour de Karlsruhe ait tranché en Allemagne sur la constitutionnalité du traite adopté le 28 juin dernier ? Une fois le TSCG ratifié, la loi organique et ses applications adoptées, prochainement (on nous dit que tout cela sera fait entre le 19 septembre et les premiers jours d’octobre 2012) que restera t il au choix des militants socialistes lorsqu’ils auront à élire le 11 octobre leurs délégués pour le congrès des 28-29 octobre ?

    Dire frontalement à leur gouvernement qu’il s’est trompé et lui demander de se déjuger…  reste sans aucun doute  juste mais… ne semble pas la tâche ni la plus facile, ni la plus efficace.  Le temps que des millions de citoyens comprennent, sans débat, sans référendum, dans quoi ils ont été « embarqués », des problèmes sociaux plus directs, immédiats, décisifs surgiront de la vie quotidienne.

    Des dizaines de plans de licenciements sont cyniquement préparés par le patronat. Les salaires sont si bas que la vie devient intenable. Le droit du travail est rongé par la souffrance au travail, la précarité, les licenciements boursiers abusifs. Le chômage est un cancer qui mine tout, nos banlieues, nos cités, nos écoles, nos hôpitaux, nos institutions. Sécu et retraite sont en difficultés.

    On peut contourner les conséquences de l’absurde nouvelle « règle d’or » :  en décomptant à part les investissements ! en intensifiant les impôts sur le CAC 40 et sur les dividendes et les immenses fortunes arrogantes de ce pays ! Ils veulent un budget stable ? Que les riches paient mais pas les salariés, 93 % des actifs, qui produisent toutes les richesses et n’en reçoivent plus depuis longtemps la part qu’ils méritent. 10 points ont été pris par les profits aux salaires, qu’ils soient rendus ! Le CAC 40 a fait 86 milliards de bénéfices en 2012 et distribué 36 milliards de dividendes, que l’impôt les reprenne, cela vaudra mieux que leur dilapidation dans les Iles Caïman et les caves à subprimes. Pierre Moscovici annonce que « 50 % des efforts feront l’objet de recettes en plus » et « 50 % feront l’objet de dépenses en moins » : comment seront répartis ces 50 % ? Car Sarkozy avait fait cadeau aux riches de 110 milliards de recettes à reprendre, et il est possible d’économiser 30 milliards de dépenses en supprimant l’assistanat au patronat, soit 30 milliards d’exonérations de cotisations récupérées. Pierre Moscovici a déclaré que la question du « coût du travail » n’était pas « taboue » : assurément, le coût du travail doit augmenter, les salaires doivent faire un bond en avant, condition de la relance et les dividendes doivent être lourdement taxés condition d’un rééquilibrage du budget.

     

    Nous avons des solutions, et voulons redistribuer les richesses à l’intérieur même de nos frontières, ni l’Europe libérale, ni la mondialisation, ne peuvent nous en empêcher si le gouvernement en a la volonté. Cela, précisément cela, doit être débattu et c’est l’enjeu des mois et années qui viennent.

     

    C’est pour cela que, nous le disons, il faut une motion de la gauche socialiste lors de ce congrès. Il faut que le point de vue des salaires et des salariés se fasse entendre. Qui le fera, à part nous ? Il faut qu’une énergie militante se manifeste au sein de notre grand parti socialiste, en lien avec le mouvement et les exigences sociales. Car s’il n’y a pas de motion, pas débat, pas d’énergie mobilisée, non seulement le congrès des 28 et 29 octobre ne servira à rien, mais ensuite, il n’y aura pas de résistance organisée, de contre poids collectif conscient, de parole suffisamment forte dans nos rangs susceptible d’influer sur les choix quotidiens du gouvernement, de l’alerter, de le faire pencher du bon coté de la ligne de crête. Il faut une motion qui soulève vigoureusement les questions sociales centrales,  celles qui sont décisives pour le succès ou l’échec du quinquennat. Il faut un courant de gauche socialiste militant, déterminé, collectif, démocratique, constant.

     

    Oh, il y a aussi mille questions qui sont en jeu, économiques, écologiques, démocratiques, institutionnelles, et nous ne les sous-estimons pas une seule seconde. Mais nous savons et nous disons que ce qui est déterminant c’est la question sociale. Elle détermine tout le reste. Il ne faut pas diluer le message. Salaires, salariés, emploi, sécurité sociale, retraites. C’est par cela qu’il faut commencer, c’est par cela qu’il faut gagner, c’est l’écoute attendue, souhaitée, prioritaire, et comme nous le disait un vieux militant socialiste à propos de notre contribution qui pose en premier la question des salaires : «  – T’as bien parlé, t’as parlé à mon portefeuille ».

     

    Les contributions en présence :

    1°) celle de Barbara Romagnan est entièrement consacrée à l’Europe et au TSCG, elle s’y oppose,  et demande une autre Europe. Mais si Benoit Hamon et Henri Emmanuelli ont tellement exprimé leurs doutes et hésitations à propos d’une pareille motion, à La Rochelle, lors de la réunion UMA (Un monde d’avance) c’est qu’ils n’ont pas la même perspective. Benoit Hamon l’a déclaré : il faut « séparer son sort personnel de ministre », de cette question. Il est rappelé vivement par le 1er ministre et la 1ere secrétaire à la solidarité gouvernementale sur le TSCG et poussé à le défendre. Certes la vingtaine de députés pro UMA peut se distinguer au sein du groupe parlementaire dans un vote interne préalable, mais ensuite quid de la discipline ? Les rappels à la discipline et pressions de groupe vont être virulents avant les votes finaux. Que vont faire en pratique ces nouveaux députés qui n’ont naturellement pas de mandat impératif ? Certains veulent s’abstenir, d’autres voter contre, se dissocier ne serait pas heureux, et croire qu’une abstention serait un compromis adroit n’est guère mobilisateur ni clarificateur. Comment un mini groupe parlementaire peut il tenir, sans mobilisation militante derrière lui ? Défendre une motion, c’est LA façon d’exister, de défendre des idées dans le parti socialiste, ne pas le faire, quoi qu’on dise, c’est forcément y renoncer.

    Et comment demander aux militants socialistes de voter le 11 octobre, une motion réduite à la contestation a posteriori du TSCG si, quelques jours plus tôt le traité a été ratifié à l’Assemblée et au Sénat, sauf certaines abstentions ?

    D’où l’impasse et la prudence à estimer et à renégocier les positions acquises : que veulent les mandataires UMA ? Que veulent les premiers fédéraux  du courant UMA ? Quel poids risque d’avoir une nouvelle démarche ? Donnera t elle plus ou moins de voix qu’à Reims ?

    Les questions tactiques l’emportent alors nettement sur les questions de fond, comme ce fut le cas à la réunion de la Rochelle le 27 août, l’essentiel, les questions sociales ne sont même plus évoquées. UMA doit il se dissoudre comme l’idée a jailli et été ? Pour mieux s’élargir ? Se restructurer sur des questions nouvelles (écologie, juste échange, nouvelles technologies…)  Avec qui ? Avec une « gauche durable » ? Mais recentrée ? A demi mot, on nous a fait comprendre qu’UMA se passerait bien des militants de D&S trop « sociaux »… Et les deux dirigeants principaux Hamon, Emmanuelli qui n’avaient pas déjà fait vivre UMA collectivement depuis Reims (réunions de direction pas tenues, promesses pas tenues, absence de fonctionnement démocratique lors des primaires, absence partielle lors des retraites en 2010, quasiment deux ans sans réunions sur quatre ans d’existence) manifestent devant tous leur hésitation plutôt que leur volonté de combat.  Alors que 80 % au moins des 400 militants présents à La Rochelle étaient favorables à une motion, dont les jeunes, on dit qu’il n’y en aurait pas. Ce serait la preuve définitive hélas, de la sous estimation de l’enjeu des questions sociales dans la réussite ou non du quinquennat.

     

    2°) La contribution de Marie Noëlle Lienemann (gauche avenir, ou « le temps de la gauche ») s’apparente en partie à la nôtre, elle comprend qu’il faut bien sûr, s’opposer au TSCG mais que cela ne peut constituer, une fois qu’il sera ratifié, une base d’orientation suffisante, durable et positive à soumettre au vote des militants le 11 octobre et pour les deux années à venir jusqu’au prochain congrès.

    Il faut aborder les questions du quinquennat, de sa réussite ou de son échec : si le chômage de masse ne se réduit pas, il y aura échec. Il ne peut y avoir de réduction du chômage sans réduction du temps de travail. Il ne peut y avoir de relance sans redistribution des richesses. Toute austérité serait un enfoncement dans l’échec comme en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal. Il ne peut y avoir de sortie de crise, sans effort volontariste de l’état pour l’emploi, le renouveau de la production avec une transition écologique. Il faut une fiscalité quasi révolutionnaire directe et progressive. Il faut reconstruire un droit du travail entièrement : il faut « faire du bien » au salariat, pour qu’il appuie le gouvernement, le soutienne face au patronat et à la finance. Il faut que la BCE prête aux états et mener bataille pour une autre Europe, sociale.

    Il est donc possible d’écrire une motion commune : mais c’est un texte tellement important qu’il ne peut s’écrire sur un coin de table, sans prendre le temps de faire bien et surtout de mettre les questions sociales au cœur.

    Il nous faut aussi un parti socialiste mobilisé, tonique, relais des aspirations sociales vers le gouvernement et non pas « godillot » comme le fut l’UMP.  Nous voulons œuvrer à l’unité de toute la gauche, dans l’action, dans les luttes et au gouvernement. Rien de grand ne s’est fait dans notre pays sans unité de toute la gauche. Avec Marie Noëlle Lienemann nous partageons aussi ces idées d‘un parti vivant,  et d’une grande gauche unie.

    Nous avons proposé, dés le début de cet été et toujours à La Rochelle,  une motion commune à partir des trois contributions majeures publiées le 18 juillet. Nous  avons été les seuls à la réclamer à la réunion de La Rochelle – cette unité des trois principales contributions ( et au delà car au congrès de Reims, il y avait eu pas moins de six contributions pour fonder UMA) : la contribution Romagnan a récolté 1500 signatures, celle dite de Filoche a récolté 1000 signatures, celle de Lienemann a récolté 500 signatures, cela ferait une excellente  addition, avec une proportion respectable et respectée entre les trois sensibilités militantes, une présence dans tous les départements.

    Nous sommes le 2 septembre, la date butoir de dépôt des textes est le 11 septembre à minuit. Nous réunissons les délégués départementaux de nos signataires RLR-RLC le samedi 8 septembre, Marie Noëlle Lienemann aussi, nous avons proposé une réunion commune

    3°) Il y a d’autres contributions plus modestes, mais à prendre en compte bien évidemment : une contribution dite « GPS » des amis de Pierre Larrouturou, « Roosevelt 2012 », une autre dite « d’initiative citoyenne », une autre dite « altermondialiste, pôle écologique », celle dite « d’Utopia », celle « changer la réalite pour aller à l’idéal » et une « contribution féministe », avec lesquels il y a manifestement des approches communes possibles.

    Nous les lisons, les respectons, et souhaitons un accord aussi avec elles. Nous avons pris les contacts et quelques-unes (en tout cas, « Initiative citoyenne ») nous ont contacté directement aussi.

    Nous voyons bien des possibilités d’arriver à un cadre commun : mais nous ne voulons tromper personne, le message essentiel, clef, central, ne doit pas être embrouillé, il s’agit de mettre les questions sociales au cœur.

    Nous avons des réponses face aux banques, à la finance (lire « Dette indigne » Ed. JC Gawsewitch et la revue D&S chaque mois sur tous les principaux sujets en débat). Nous avons depuis des années lutté pour la priorité aux salaires et au salariat, à l’emploi, au droit du travail : il n’est pas question de diluer ce message central, ce serait tout simplement contre-productif, nous avons une image, un message, une bataille et pas mille combats éparpillés. Dans la mesure où nous pouvons compléter, enrichir ce message, nous ferons ensemble l’effort d’écriture, dans les 8 jours à venir pour arriver à une motion lisible et solide, claire et préhensible par le maximum de militants.

     

    Voilà un état des réflexions en ce 1er septembre. Nous le communiquons à tous pour que le maximum de militants le comprennent. Avec une volonté unitaire qui ne s’est jamais démentie : nous avons toujours voulu et voulons toujours que la gauche socialiste soit la plus large possible,  mais cet objectif est inatteignable sans une orientation combative, sans un soin démocratique, collectif à écrire et à agir ensuite en commun. Il s’agit d’un combat pour les deux années à venir, pour la réussite du changement.

     

    Nous sommes conscients, très conscients que si le gouvernement de la gauche, notre gouvernement, échouait, toute la gauche échouerait. Ce serait le retour de la droite et non pas d’une autre gauche. Nous ne sommes pas en embuscade, l’embuscade ca ne sert a rien. C’est en amont qu’il faut influer, faire gagner les idées. Nous sommes résolument constructifs, nous voulons aider, contribuer, éclairer, stimuler, faire gagner François Hollande, Jean-Marc Ayrault tout comme nous l’avons fait dans la campagne contre Sarkozy et l’UMP/FN, avec la réussite des belles victoires du 6 mai et du 17 juin.

     

    Le 2 septembre nous sommes à J – 9.

    Une semaine pour régler les questions soulevées ici.

     

    Nous nous adressons à tous les militants socialistes pour qu’ils s’engagent aussi dans cette bataille et nous aident. Nous sommes connus pour notre sérieux militant, notre loyauté aussi, on fait ce qu’on dit, on dit ce qu’on fait, nous souhaitons avoir des réponses, vite, nous souhaitons unifier le meilleur de chaque contribution, et faire une excellente motion de combat, de fond, « le social au cœur ».

     

    Gérard Filoche, les 1 et 2 septembre 2012


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  • 1021103509_41d8079ef7.jpgA la vue des déconfitures de la banque DEXIA ou de la situation du Crédit immobilier de France, il devient urgent de mettre en place un pôle financier public au service de l’intérêt général.

     

    Ce pôle financier public reposerait sur la mise en réseau d’un ensemble d’institutions financières de statut public et semi-public exerçant des missions d’intérêt général ;

     

    Il serait placé sous contrôle public et social : responsables des établissements, élus (nationaux et locaux), représentants de la société civile (salariés, associations).

     

    La question du financement étant cruciale pour un autre type de croissance au service du plein emploi solidaire et du développement humain durable, le pôle financier public pourrait jouer un rôle important au service de ces objectifs :

     

    • en répondant à des besoins sociaux fondamentaux comme le logement, la santé … ;

    • en finançant des grands projets d’infrastructures, par exemple dans le domaine des transports terrestres notamment ferroviaires ;

    • en permettant de financer la relance d’une nouvelle politique industrielle ;

    • en soutenant l’aménagement et le développement solidaire des territoires ;

    • en soutenant des actions en faveur du développement durable ;

    • en présentant une alternative à des montages financiers comme les LBO (Leverage Buy Out) dont l’un des objectifs est la prise de contrôle d’une entreprise dans un but spéculatif.

     

    Ce pôle financier public interviendrait notamment dans les domaines suivants :

    • soutien au développement des PME et du tissu économique local ;

    • financement du logement social (logement locatif social et accession sociale à la propriété) ;

    • politique de la ville ;

    • infrastructures de transports ;

    • politique industrielle ;

    • aide à l’innovation ;

    • contribution au financement des collectivités locales.

     

    L’existence d’un pôle financier public ne peut pas déresponsabiliser le secteur privé et mutualiste de ses obligations dans l’économie.

     

    Ce qui existe aujourd’hui

     

    Un certain nombre d’institutions financières se sont vues confier par la loi des missions d’intérêt général.

     

    Il s’agit essentiellement de la Banque de France, qui contribue au développement économique non seulement par la gestion de la monnaie, mais également par son rôle très important d’information économique (elle dispose notamment de bases de données sur la plupart des entreprises à partir desquelles elle réalise des diagnostics économiques et financiers qu’elle propose aux entreprises et aux collectivités publiques), de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de ses filiales, et des anciennes institutions financières spécialisées.

     

    A l’instar de l’ensemble de l’économie et dans un contexte de désengagement de l’État, ce secteur financier public a été confronté à un puissant mouvement de restructuration et une grande partie de ses entreprises a été privatisée.

     

    Actuellement, hormis la Banque de France, seuls restent publics la Caisse des dépôts et consignations, OSEO (regroupement de la BD PME, de l’ANVAR et de la SOFARIS), UBI-France (Agence française pour le développement international des entreprises) et la Banque postale, née d’une filialisation des services financiers de La Poste.

    Principal établissement à statut public, la Caisse des dépôts et consignations a toutefois perdu une partie de son poids financier du fait de la cession de certaines filiales.

     

    La loi dite de « modernisation de l’économie » a décidé de « banaliser » la distribution du Livret A, qui est désormais distribué par l’ensemble des réseaux bancaires.

     

    Le taux de centralisation du Livret A (et du Livret de développement durable) est fixé à 65 % des montants collectés par les banques. Ce taux correspond au montant que l’ensemble des banques doit reverser à la CDC au titre du financement des logements sociaux et de la politique de la ville.

     

    Les moyens pour y parvenir

     

    Les modalités d’intervention du pôle financier public se feraient sous forme de distribution des crédits, aides et garanties, voire de participation au capital.

     

    Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas de socialiser les pertes mais d’intervenir sur les choix de gestion de ces entreprises.

     

    En tout état de cause, cette possibilité ne doit pas servir de prétexte pour le changement de statut, l’ouverture du capital voire la privatisation des établissements.

     

    Ce pôle devrait également contribuer au développement et à la sécurisation de l’épargne populaire, via la centralisation intégrale de la collecte des Livret A et Livret de développement durable auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

    Son affectation doit répondre au financement de projets d’intérêt général comme définis dans ses objectifs.

     

    Il convient de souligner que cette proposition est complémentaire avec celle de fonds pour l’emploi et le développement solidaire des territoires.

     

    Le pôle financier public tel que défini ci-dessus serait constitué, en fonction des missions confiées et de l’évolution des structures ci-dessous, à partir :

     

    • des établissements suivants : Banque de France, Caisse des dépôts et consignations, la Banque postale, le Crédit Foncier, OSEO, UBI-France, CNP, l’Agence française de développement, Ledom, la Coface,

    • des institutions suivantes : le Fonds Stratégique d’Investissement, la Société des Participations de l’État et la Société de Financement de l’Economie Française,


    DUPIN Bernard Administrateur CGT Groupe La Poste

    http://dupin-bernard.over-blog.com/


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  • Le texte ci-dessous est la traduction par Gilles, un lecteur régulier, d'un article du Guardian. L'auteur, essayiste à succès dans le domaine économique, y explique comment Mundell, théoricien des zones monétaires optimales mais aussi apôtre du reaganisme, considérait l'euro comme une arme. Privés de l'arme monétaire, les gouvernements seraient contraints de sabrer dans leurs budgets. Nous sommes donc en plein dans cette phase. J'ajoute, par pure mesquinerie, que le Front de gauche soutient toujours l'euro.

     

    Robert Mundell, le malin génie de l'euro

    Par Greg Palast

     

    L'idée selon laquelle l'euro aurait échoué est dangereusement naïve. L'euro fait exactement ce que le géniteur des principes de l'euro ( et le 1% des plus riches qui en avaient soutenu le principe) avait prévu et planifié qu'il fasse.

    Le géniteur des principes de l'euro est l'ex-économiste de l'Université de Chicago  : Robert Mundell. Le théoricien de « l'économie de l'offre » est maintenant professeur à l'Université de Columbia, mais je le connaissais à travers son lien avec mon professeur de l'Université de Chicago : Milton Friedman, ceci bien avant la recherche de Mundell sur les devises et taux de change. Ce sont les recherches de Robert Mundell sur les devises et les taux de change qui ont généré le modèle de l'union monétaire européenne et celui de la monnaie unique européenne.

    Mundell, alors, était plus préoccupé par ses arrangements de salle de bains. Le professeur Mundell, qui a à la fois un prix Nobel et une ancienne villa en Toscane, m'a dit, exaspéré :

    « Ils ne me laisseront même pas avoir un WC. Ils ont des règles qui me disent que je ne peux pas avoir un WC dans cette salle ! Pouvez-vous imaginer cela ? »

    Il se trouve que je ne peux pas l'imaginer. Mais comme je n'ai pas une villa italienne, donc je ne peux pas imaginer la frustration du à des règlements régissant l'emplacement des pièces.

    Mais Mundell, un canado-américain volontaire et obstiné, était résolu à faire une chose: trouver une arme qui pourrait balayer la législation gouvernementale et le droit du travail. (Il détestait vraiment les plombiers syndiqués qui l'avaient empêché de déplacer son trône.)

    « Il est très difficile de licencier des travailleurs en Europe », se plaignit-il. Sa contre-attaque : l'euro.

    L'euro fera vraiment son travail quand la crise aura frappé, expliquât alors Mundell . Le retrait du contrôle du gouvernement sur la monnaie empêchera alors l'utilisation des politiques monétaire et budgétaire keynésiennes par les vilains petits élus pour sortir une nation de la récession.

    « L'euro mettra la politique monétaire hors de la portée des hommes politiques », a-t-il dit. « Et sans la politique budgétaire, la seule façon pour les nations pour pouvoir conserver des emplois est la surenchère dans la réduction des règles du commerce. »

    Il citât, alors les lois du travail, les règlements environnementaux et, bien sûr, les taxes et les impôts. Tout cela serait éliminé par l'euro. La démocratie ne serait pas autorisé à interférer avec le marché ( ou avec la plomberie ).

    Comme un autre lauréat du prix Nobel, Paul Krugman l'avait remarqué, la création de la zone euro violait une observation de base de l'économie concernant les « zones monétaires optimales ». Cette observation pratique avait pourtant été théorisée par Robert Mundell en personne.

    Pour lui, ce n'était pas une objection qui tienne. Pour Robert Mundell, le but de l'euro n'était pas de faire de l'Europe une puissante unité économique unifiée. Son but était approximativement le même que celui de Reagan et Thatcher : la révolution conservatrice.

    « Ronald Reagan n'aurait pas été élu président sans l'influence de Robert Mundell », a écrit Jude Wanniski dans le Wall Street Journal. L'économie de l'offre mise au point par Mundell est devenu le modèle théorique des Reaganomics, la révolution économique conservatrice - ou comme George Bush Père l'avait appelée :  « l'économie vaudou »: la croyance magique en la panacée du libre-marché qui a également inspiré les politiques de Mme Thatcher.

    Mundell m'a expliqué que, en fait, l'euro est fait d'une pièce avec les Reaganomics :

    « La discipline monétaire s'imposera aussi bien que la discipline budgétaire sur les politiciens. »

    Et quand une crise arrivera, les nations économiquement désarmées n'auront plus comme solution que déréglementer le droit du travail, privatiser les entreprises d'Etat en masse, réduire les impôts et d'envoyer les États-providence en Europe dans les égouts.

    Ainsi, nous voyons que le Premier ministre (non élu) Mario Monti exige la "réforme" du droit du travail en Italie pour rendre plus facile le licenciement pour les employeurs comme Mundell voulait le faire pour les plombiers toscans. Mario Draghi, la tête (non élue) de la Banque centrale européenne, appelle à des « réformes structurelles » - un euphémisme pour l'écrasement des protections légales des travailleurs. Tous deux citent la théorie nébuleuse selon laquelle cette « dévaluation interne » à chaque nation devra la rendre plus compétitive. En oubliant soigneusement de préciser que si toutes les nations de l'UE l'appliquent, cette « compétitivité » s'annule et que les seuls qui en profitent dans ce cas, ce sont les employeurs.

    Monti et Draghi ne peuvent pas expliquer de manière crédible comment, si tous les pays du continent déprécient leur main-d'œuvre, que tous puissent ainsi acquérir un avantage concurrentiel.

     
    Mais ils n'ont pas à expliquer leurs politiques; ils n'ont qu'à laisser les marchés travailler sur les obligations de chaque nation. Par conséquent, l'union monétaire est la lutte des classes par d'autres moyens.

    La crise en Europe et les flammes de la Grèce ont produit la lueur chaleureuse de ce que les acolytes du « roi-philosophe » Joseph Schumpeter appelaient la« destruction créatrice ». L'acolyte de Schumpeter et apologiste du libre marché Thomas Friedman s'est rendu à Athènes pour visiter le « sanctuaire impromptu » constitué par la banque incendiée où trois personnes sont mortes après avoir été brûlées par des manifestants anarchistes, et profité de l'occasion pour offrir une homélie sur la mondialisation et « l'irresponsabilité grecque.»

    Les incendies, le chômage de masse, le bradage des biens nationaux, amènerait ce que Friedman a appelé une « régénération » de la Grèce et, en fin de compte, de toute la zone euro. Alors à ce moment-là, Mundell et les autres possesseurs de villas pourront mettre leurs sacrées toilettes partout où ils voudront.

    Loin d'échouer, l'euro, qui était le bébé de Mundell, a réussi probablement au-delà rêves les plus fous de son géniteur.

    http://www.lalettrevolee.net


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  • Par Sophie Chapelle (4 septembre 2012)

    Rien ne va plus pour les agriculteurs, les jardiniers et les artisans semenciers. Vendre ou échanger des semences de variétés anciennes, libres de droit de propriété et reproductibles est devenu quasi mission impossible. L’association Kokopelli en fait aujourd’hui les frais. Un récent arrêt de la Cour de justice européenne consacre le monopole de l’industrie semencière sur les plantes. La réforme en cours de la réglementation des semences n’augure rien de bon pour l’autonomie des paysans et la liberté de planter.

    Elle a commis plus de 3 400 infractions. Et a été condamnée à payer une amende de 17 130 euros. Le nom de cette dangereuse contrevenante ? Kokopelli. Une association, dont le siège est à Alès (Gard), qui commercialise 1 700 variétés de plantes potagères, céréalières, médicinales, condimentaires et ornementales. Toutes les semences de Kokopelli sont libres de droit de propriété et reproductibles. Ce qui donne la possibilité de conserver une partie des semences de sa récolte pour les ressemer l’année suivante. L’association contribue à faire vivre la biodiversité agricole. Elle est pourtant considérée aujourd’hui comme hors-la-loi par les juridictions française et européenne. Son délit ? Vendre des semences de variétés non inscrites au catalogue officiel. Et ne pas avoir indiqué clairement leur destination exclusivement non commerciale (usage amateur, conservation ou recherche).

    Depuis 1949, pour pouvoir être commercialisées, toutes les espèces ou variétés végétales doivent obligatoirement être inscrites au « catalogue officiel des espèces ou variétés ». Pour y figurer, elles doivent remplir plusieurs critères, évalués par un comité composé de représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et de représentants des semenciers. Pour les espèces potagères, les conditions d’inscription sont au nombre de trois : la « distinction », l’« homogénéité », et la « stabilité ». La variété proposée au catalogue doit être distincte des variétés existantes, donc nouvelle. Elle doit être « homogène », c’est-à-dire que les plantes d’une même variété doivent toutes être identiques. Enfin, la variété doit être stable génétiquement, ne pas évoluer au gré de ses reproductions ou multiplications.

    Des semences standardisées pour l’industrie

    Pourquoi les variétés commercialisées par Kokopelli ne sont-elles pas inscrites au catalogue officiel ? Selon l’avocate de l’association Blanche Magarinos-Rey, « ce catalogue pose des conditions incompatibles avec les caractéristiques mêmes des variétés vendues par l’association ». C’est l’homogénéité qui pose le plus de problèmes à l’association. « La base génétique de ces variétés est très large, car elles sont le fruit de nombreux croisements entre individus, explique-t-elle. Cela leur confère une capacité d’adaptation et d’évolution au fil du temps et selon les terroirs. Cela signifie également que ces variétés ne sont pas définitivement "fixées". » Leur stabilité, au sens de la réglementation, n’est donc pas assurée. Les plants et les fruits issus des reproductions et multiplications ne sont pas tous exactement les mêmes. Les tarifs d’inscription au catalogue sont également prohibitifs. « 500 euros en moyenne pour chaque variété, précise l’avocate de Kokopelli, sans compter les droits annuels à payer pour les différents types d’examens obligatoires. »

    Alors que la diversité biologique est fondamentale pour affronter la crise alimentaire, le catalogue officiel se révèle être un facteur de réduction de la biodiversité. Entre 1954 et 2002, 80 % des variétés potagères auraient été radiées du catalogue selon le Réseau semences paysannes. Des 876 variétés inscrites en 1954, il n’en restait plus que 182 au catalogue officiel français en 2002. La raison de ces radiations ? Le poids de l’industrie semencière, qui, depuis cinquante ans, cherche « à standardiser les semences pour les adapter partout aux mêmes engrais et pesticides chimiques, estime le Réseau semences paysannes. « Il n’y a que dans les lois dictées par les lobbies industriels qu’on peut prétendre les rendre homogènes et stables ; dans la vraie vie, cela revient à les interdire. »

    Rude bataille judiciaire

    En 2005, Kokopelli est assignée devant les tribunaux par la société Graines Baumaux, près de Nancy, pour « concurrence déloyale ». L’entreprise prétend que l’activité de Kokopelli, dont les semences ne sont pas inscrites au catalogue officiel à la différence des siennes, lui causerait un préjudice. Le procès, favorable en première instance à Baumaux (janvier 2008), est actuellement en appel au tribunal de Nancy. En février 2011, Kokopelli obtient de la cour d’appel une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

    La Cour de justice européenne doit répondre à une question : les directives européennes sur le commerce des semences potagères sont-elles bien compatibles avec les principes fondamentaux qui régissent le droit européen comme la préservation de la biodiversité, le libre-échange ou la liberté d’entreprise ? Le 19 janvier dernier, l’avocate générale, Juliane Kokott, rend publiques ses conclusions. Elle donne raison à Kokopelli (lire notre article). La disposition qui interdit de commercialiser des semences d’une variété dont il n’est pas établi qu’elle est distincte, stable et suffisamment homogène, est jugée invalide. « Pour bon nombre de "variétés anciennes", ces preuves ne peuvent pas être apportées », constate l’avocate générale. Elle demande donc aux juges européens de se positionner pour déterminer si cette restriction aux échanges de semences sont vraiment justifiés.

    La biodiversité sacrifiée sur l’autel de la productivité

    Malheureusement pour Kokopelli, le 12 juillet 2012, les juges européens décident de ne pas suivre les conclusions de l’avocate générale. Pour la Cour de justice, l’établissement de règles unifiées est la garantie « d’assurer une productivité accrue (…) conformément aux objectifs de la politique agricole commune ». [1]

    Extrait de l’arrêt page 14

    Par cet arrêt, la cour consacre « le paradigme productiviste », dénonce Kokopelli, au détriment de la commercialisation des semences de variétés anciennes. « Ces semences [standardisées] sont incapables de s’adapter à l’amplification des changements climatiques, pointe le Réseau semences paysannes dans un communiqué. Elles imposent toujours plus d’engrais et de pesticides chimiques qui nous empoisonnent, détruisent l’environnement et la biodiversité sauvage et font apparaître des pathogènes toujours plus virulents. »

    Une cour de justice sous influence des lobbies semenciers ?

    Dans les 20 pages de son arrêt, la cour qualifie à deux reprises les semences anciennes de « potentiellement nuisibles ». Rien n’est dit en revanche sur les semences enrobées de pesticides Cruiser ou Gaucho, inscrites au catalogue. Faut-il y voir le résultat des pressions de certains lobbies semenciers ? Ceux-ci ont pris soin, durant la procédure, de faire connaître à la cour leur désaccord avec l’avis de l’avocate générale.

    C’est le cas notamment d’European Seed Association (ESA), très active dans les couloirs de Bruxelles pour affaiblir la directive européenne sur l’étiquetage des semences OGM. Elle a fait parvenir un courrier aux juges en février 2012 pour exprimer « ses préoccupations socio-économiques » [2]. L’ESA s’est également empressée de publier un communiqué suite à l’arrêt pour marquer sa totale convergence de vues avec la Cour européenne de justice…

    Un autre catalogue pour les variétés anciennes ?

    Autre possibilité, expliquent les juges européens dans l’arrêt : Kokopelli pourrait inscrire ses semences anciennes dans un catalogue annexe, pour les variétés dites « de conservation ». Une proposition qui n’est pas jugée satisfaisante : ce registre reste limité aux variétés anciennes produites à de très faibles volumes et obéissant là encore aux critères d’homogénéité et de stabilité. « Il faut également faire la démonstration que la variété est menacée d’érosion génétique, ce qui n’est pas une mince affaire », ajoute l’avocate de Kokopelli. « En deux ans et demi d’existence de ce nouveau catalogue, moins de dix variétés françaises y ont été enregistrées : n’est-ce pas la preuve de son échec ? », interroge le Réseau semences paysannes.

    Le dossier revient maintenant devant la cour d’appel de Nancy. L’appréciation des juges européens n’augure rien de bon pour Kokopelli. La société Graines Baumaux demande à ce que l’association soit condamnée à lui payer 100 000 euros de dommages-intérêts, ainsi que la cessation de toutes ses activités. « L’étau se resserre, s’inquiète l’avocate de Kokopelli. Cette jurisprudence européenne qui vous dit que l’objectif d’une productivité accrue justifie tout y compris la dégradation de la biodiversité, est un mauvais signe pour les développements futurs de la législation. »

    « Celui qui détient les graines contrôle les peuples »

    Bruxelles travaille actuellement sur une réforme générale de la législation sur le commerce des semences. Un cycle de consultation des opérateurs concernés est ouvert, mais les associations de sauvegarde de la biodiversité n’ont pas été invitées à la table des négociations. « Dans la nouvelle proposition de la Commission, c’est l’Office européen des brevets qui sera chargé d’inscrire les variétés. Avant, cela relevait des organismes nationaux rattachés au ministère de l’Agriculture, pointe l’avocate de Kokopelli. En clair, la législation organise le monopole des variétés protégées par des droits de propriété. » La concentration des pouvoirs entre les mains de la commission européenne et de l’Office européen des brevets confirme la perte de compétence des États et la disparition de toute gestion locale des semences au profit des détenteurs de titres de propriété industrielle. « Celui qui détient les graines contrôle les peuples », dénonce Dominique Guillet, président de Kokopelli.

    Aujourd’hui, dix firmes contrôlent les deux tiers du marché mondial de la semence [3]. Face à une industrie semencière toute-puissante, la résistance s’organise aux côtés de Kokopelli. Des associations comme les Croqueurs de carottes promettent de continuer de vendre des semences de variétés traditionnelles refusées ou non inscrites au catalogue. « D’abord parce qu’elles donnent entière satisfaction aux jardiniers, aux maraîchers et à leurs clients, précisent les Croqueurs. En outre, parce que les directives européennes autorisent encore cette commercialisation tant qu’elle ne vise "qu’une exploitation non commerciale" comme le jardinage pour l’autoconsommation. » Mais les projets de réforme en cours menacent de supprimer ce dernier espace de liberté. Au sein du collectif Semons la biodiversité, plusieurs associations mènent campagne pour une loi de reconnaissance des droits des paysans, des jardiniers et des artisans semenciers à utiliser, échanger, vendre et protéger leurs semences. L’autonomie des paysans et le maintien de la biodiversité sont en jeu.

    Sophie Chapelle

    Photo : GNU Free Documentation License

    Notes

    [1] Télécharger l’arrêt de la Cour européenne de justice.

    [2] Télécharger le courrier de l’ESA (en anglais)

    [3] Selon le rapport 2008 de l’ONG ETC Group.


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  • Les Malices de Pif

    Les Malices de Pif

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  • "Le ciel se fait lourd...... les roses se fanent ".

    Jean Ferrat chantait le temps des derniers tziganes avec ce refrain qui sonnait comme une oraison désespérée à l'orée d'un temps nouveau qui aurait oublié de préserver ses racines.
    La dictature du présent fait que certains osent trouver l'histoire ennuyeuse quand d'autres prétendent sans vergogne être né avant leur grand-mère. Y-a-t-il pire prison que celle d'un aujourd'hui réduit à lui-même ?
    Bien sûr quand c'est la loi du plus fort qui domine le monde il est pratique d'oublier à qui et à quoi chacun doit son présent, c'est tout ce qui fait monter la sève des religions marchandes d'éternité ou grimper l'audimat des productions télévisées qui font confondre aux gogos spectateurs écran télé et miroir du salon. Confiner le peuple au présent a toujours été le meilleur outil du pouvoir sans partage qui donne l'illusion du changement en discourant sur la difficulté du présent pour mieux justifier la peine à y faire face.
    L'avenir, le futur, le réveil demain ou l'espoir d'après-demain, tout ce qui n'est pas encore n'est aujourd'hui qu'utopie et dessein de liberté en perspective, à une condition suffisante mais aussi nécessaire, c'est que demain ne soit pas que l'abandon d'hier.
    L'idée de changement qui fait le fond de tous les discours, même des plus conservateurs, ne porte de promesse qu'à condition qu'elle s'inscrive dans le temps d'un processus liant les trois temps de l'histoire du passé à demain pour faire de l'action d'aujourd'hui le chaînon manquant ou le levier d'aiguillage assurant l'orientation, le cap sur lequel mobiliser les énergies et tisser le lien social et citoyen.
    La starisation du monde politique d'aujourd'hui, la course aux mandats ou aux "compétences", tout concourt au désaisissement des citoyens de leur destinée dans un monde où les rendez-vous électoraux seraient les seuls moments d'exercice de la citoyenneté politique. De ce fait, et au-delà des aléas de quelques alternances, il n'y a souvent que l'âge qui vienne à bout de mandats politiques aujourd'hui très professionnalisés.

    Avec le temps, les roses se fanent, les fleurs séchées peuvent garder quelques effluves, mais elles auront perdues l'éclat ou la délicatesse de leur couleur comme de leur parfum.
    Il serait fort utile d'en soigner la culture, en jardin comme en jardinière, en pépinières ou en plein champ, d'en préserver les espèces pour la ressource des futures générations sans s'interdire quelques greffes utiles au renforcement du caractère ou de la résistance.

    Le front de gauche existe, mais la jachère fleurie ne fait pas un parterre.


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