• Pacte pour l’euro : un FMI européen

    Pacte pour l’euro : un FMI européen

     

  • Pacte pour l’Euro : un FMI européen (1)

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.
     

    Premier épisode : présentation et genèse du Pacte pour l’Euro

    En Europe, la crise économique récente (et toujours active) a poussé les états membres à prendre position sur la question de savoir ce que devait ou pouvait être une action financière commune en cas de difficulté majeure rencontrée par l’un d’entre eux. Cette question s’est avérée plus urgente et plus importante encore dans la zone euro, puisque la maîtrise de la monnaie est un pilier de la construction européenne actuelle, et que les difficultés rencontrées par l’un des états de la zone euro sont susceptibles de rejaillir sur cette monnaie.

    Un Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) a été mis en place dans l’urgence le 28 octobre 2010 suite à la crise particulièrement dure connue en Grèce. Doté de 440 Milliards d’Euros (Md€), il a été utilisé pour apporter des « liquidités » aux pays les plus en difficulté, mais sous conditions politique, budgétaire, fiscale et sociale, qui ont consisté dans un premier temps à durcir le Pacte de Stabilité. Mais en réalité, plusieurs pays, particulièrement l’Allemagne et la France, ont profité de ces circonstances pour obtenir en contrepartie, non seulement un renforcement de la discipline budgétaire, mais aussi une surveillance accrue des Etats, donc un contrôle des choix politiques et budgétaires des Etats Membres à long terme. Dès octobre 2010, un système de sanctions plus dur est élaboré, prévoyant par exemple la suppression de certaines subventions ou l’obligation de constituer un dépôt bancaire bloqué dès lors que l’évolution du déficit d’un pays fait craindre qu’il ne dépasse les 3% de Maastricht, donc avant qu’il ne le dépasse (voir LeMonde.fr des 28-29 et 30 octobre 2010). Une sanction « préventive » en quelques sortes, tout à fait dans la ligne de pensée d’un certain Nicolas Sarkozy qui s’était écrié à l’Assemblé Nationale lorsqu’il était ministre de l’intérieur : « la meilleure des préventions, c’est la sanction ».

    Mais, si le minimum était obtenu à ce moment là, l’ambition de formaliser une mise à jour ultra-libérale de la doctrine européenne n’était pas encore atteinte. On le verra dans les épisodes suivants, l’essentiel de cette doctrine consiste en effet à faire de l’UE un outil politique encore plus puissant de contrôle des politiques publiques nationales au bénéfice du grand capital européen et international. La crise devra servir de bras de levier pour faire accepter cette mise à jour, grâce au chantage du FESF.

    Car en réalité, c’est là qu’est le cœur de l’histoire : comment aménager le terrain pour que le capitalisme international retrouve ou accroisse ses marges de profits eu Europe, et faire en sorte que les Etats ne puissent plus empêcher de faire des profits pendant longtemps (assurer de la « lisibilité » aux marchés). C’est bien ce problème qui est grave, et non la question de savoir si c’est une bonne chose d’ouvrir ses frontières à une collaboration internationale en général, européenne en particulier. Oui c’est une bonne chose, mais non, l’UE actuelle n’est pas une ouverture, mais un pas supplémentaire dans l’enfermement de la guerre économique généralisée.

    C’est ainsi que, quelques mois plus tard, sont nés

    1/ Le « Mécanisme Européen de Stabilité », ou MES : c’est le cadre général qui contient l’actualisation de la doctrine européenne, la pérennisation du FESF et son mode de fonctionnement, ainsi que le « Pacte pour l’Euro » qui décrit avec plus de détail les conditions politiques auxquels devront se soumettre les Etats membres.

    2/Le Semestre Européen : c’est une procédure politique qui prévoit que l’examen des projets de budgets nationaux par la Commission Européenne doit désormais précéder au cours du premier semestre de chaque année l’élaboration de ces budgets par les parlements nationaux.

    Le « Pacte pour l’Euro » est donc le texte politique qui définit la nouvelle révolution ultralibérale de l’UE pour les années à venir, révolution au terme de laquelle la Commission entend bien devenir le FMI de l’Union Européenne.

    Dans le prochain épisode, nous commencerons à suivre le fil de ces textes, à commencer par les principes financiers du FESF. A suivre…

    Pacte pour l’euro : un FMI européen (2)

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Episode 2 : un principe financier prometteur pour les interventions du Fonds Européen de Stabilité Financière

    Les principes sur lesquels repose la mise à jour de la doctrine européenne sont regroupés dans un texte intitulé « Conclusions des chefs d’ États ou de gouvernements de la zone euro du 11 mars 2011 ». Il possède 2 annexes : le fameux « Pacte pour l’Euro », à la fois programme et boîte à outils, et la « Déclaration de l’Euro-Groupe du 28 novembre 2010 ». Cette mise à jour a été réalisée au prétexte de la pérennisation du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF). Cette doctrine à aussi un nom : « Mécanisme Européen de Stabilité » (MES).

    Nous évoquerons tout cela en détail, mais, cet épisode de notre petite saga expose un grand principe financier des « Conclusions » du 11 mars 2011.

    Citation : « L’assistance financière sera subordonnée à une stricte conditionnalité dans le cadre d’un programme d’ajustement macroéconomique», le « Pacte pour l’Euro » faisant partie de ce programme. On est d’emblée mis dans la logique d’ensemble.

    Eas d’intervention du FESF, je cite, « il convient de revoir à la baisse la fixation des taux d’intérêt du FESF afin de mieux tenir compte de la soutenabilité de la dette des pays bénéficiaires, tout en restant au-dessus des coûts de financement du fonds, en ménageant une marge appropriée pour faire face au risque, et conformément aux principes de fixation des taux d’intérêt du FMI. Les mêmes principes s’appliqueront au MES. »

    Diminuer le taux d’intérêt pour tenir compte de la situation des pays, c’est plutôt une bonne chose (on allait tout de mêmes pas attendre de l’UE qu’elle préconise l’annulation sans conditions de la dette pour défendre les pays membres contre la finance internationale).

    Ceci dit, qu’est ce que la « soutenabilité » ? Quel sont les critères d’appréciation ? Par exemple, le fait qu’il existe une sécurité sociale, un salaire minimum, ou qu’il existe un secteur public seront-il des éléments qui fera dire à la Commission Européenne : « ce pays a encore des marge de manœuvre budgétaire » puisqu’il lui reste beaucoup « d’économies » possibles, parmi lesquelles réduire l’action de sa Sécurité Sociale, baisser les salaires, détruire les salaires minimum, ou privatiser.

    Et ceci n’est pas une vue de l’esprit. C’est simplement la réalité des positions dominantes dans l’UE actuelle, et ce sera un fil conducteur de tout le « Pacte pour l’Euro ». S’il fallait une preuve tout de suite, il suffit de citer les remarques formulées à l’attention de quelques pays en difficulté dès le début des « Conclusions des chefs d ’États ou de gouvernement » du 11 mars. Ainsi à propos de la Grèce, on peut lire un encouragement à « mener à bien entièrement et rapidement le programme de privatisations et de valorisation du patrimoine foncier de 50 milliards d’euros qu’elle a annoncé ». Autre exemple concernant le Portugal : « En particulier, les chefs d’État ou de gouvernement, le président de la Commission et le président de la BCE accueillent favorablement et soutiennent le train de mesures d’envergure annoncé aujourd’hui par le Portugal concernant les réformes budgétaires, financières et structurelles ». Rappelons la teneur principale des mesures prises au Portugal : gels et diminutions de salaires, suppression d’aides sociales ou encore augmentation de la TVA (mesures semblables à celles prises en Grèce : réduction des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite et augmentation des impôts).

    Donc, l’objectif de ce principe d’intervention est d’augmenter les taux d’intérêt pour les pays jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de marge de manœuvre, ce qui peut se traduire par « tant que tu n’as pas tout privatisé, on va faire payer ton peuple pour lui apprendre à refuser de se faire exploiter pas nos grands groupes d’assurance ».

    Ensuite, lorsque le texte dit : « ménager une marge appropriée pour faire face aux risques », il s’agit bien entendu des risques que prendrait le FESF à prêter des capitaux, non pas des risques qu’on fait prendre à la population en encourageant la destruction des secteurs publics.

    Mais là où les choses sont tout à fait claires, c’est dans l’expression « marge appropriée […] conformément aux principes de fixation des taux d’intérêts du FMI ». La citation du FMI dans ce texte signé à plus haut niveau est extrêmement significative. Cette référence sera utilisée de manière presque caricaturale dans la « Déclaration de l’Eurogroupe du 28 novembre 2010 » (un épisode lui sera consacré). D’autre part, mais en conséquence, il s’agit d’une « aide » qui rapportera des intérêts à l’UE, information qui pourra intéresser les salariés à qui on va diminuer les salaires, ou les précaires à qui on va supprimer les allocations.

    La référence au FMI est donc claire dès le début. Mais l’Union Européenne veut faire mieux : elle entend se donner les moyens politiques d’imposer ses orientations aux États membres, et pour longtemps ! A suivre dans le troisième épisode…

    Pacte pour l’euro : un FMI européen (3)

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Episode 3 : une volonté d’augmenter la pression politique de l’Union Européenne sur les politiques nationales, et de graver pour longtemps dans le marbre les orientations ultralibérales de cette UE.

    Dans l’épisode 2, nous avons évoqué un grand principe financier exposé dans les « Conclusions des chefs d’Etats ou de gouvernements de la zone euro du 11 mars 2011 », qui posait le premier jalon de l’ambition de l’UE de devenir le FMI des pays européens. Cette tendance va se confirmer, se renforcer, s’affirmer au fur et à mesure du texte. Mais il existe une grande différence avec le FMI : compte tenu des différents traités déjà adoptés (y compris en dépit de la volonté des peuples), l’UE dispose de moyens politiques, législatifs et juridiques beaucoup plus puissants que le FMI, et ce texte dit clairement la volonté d’aller toujours plus loin dans cette direction.

    Ainsi, la phrase de l’épisode sera : « Ce pacte met surtout l’accent sur des domaines qui relèvent de la compétence nationale et sont cruciaux pour renforcer la compétitivité et éviter tout déséquilibre préjudiciable». On ne peut être plus clair quant à la volonté de soumettre encore plus les politiques nationales aux instructions de l’UE, mais surtout, ce texte affirme que cette volonté a un but et un seul : la compétitivité. Cette notion est détaillée dans le pacte, et il nous faudra quelques épisodes pour en faire le tour. Mais n’anticipons pas.

    Concernant le niveau d’engagement politique et juridique des Etats dans le Pacte réclamé par l’UE, on peut lire ce morceau de phrase répété plusieurs fois : « instaurer un cadre budgétaire strict et stable, avec la base juridique la plus solide possible ». Pour bien comprendre cette phrase, il est utile d’anticiper un peu (des fois, il le faut) sur le « Pacte » lui-même, en citant en particulier un passage qui traite des règles budgétaires nationales : « traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l’UE [en utilisant un] « instrument juridique » […] « par nature suffisamment contraignant et durable (par exemple, la Constitution ou une législation cadre) ». L’UE va donc jusqu’à faire quelques suggestions pratiques au cas où ce ne serait pas assez clair. Une constitution ou une loi cadre (loi organique en France) sont des textes supérieurs à toute autre loi, c’est-à-dire que toute loi doit respecter les principes écrits dans une constitution ou dans une loi cadre. L’UE réclame donc que l’engagement des États se situe à un niveau législatif tel qu’il pourra cadenasser toutes les futures lois ou orientations que voudraient prendre les représentations nationales sur les politiques économiques, fiscales et sociales, à moins de modifier une nouvelle fois la constitution. Ainsi, par exemple, une nationalisation pourrait devenir anticonstitutionnelle. Rien que ça. Nous l’avions déjà expliqué lors de la campagne du referendum du Traité Constitutionnel Européen. Cela revient pas la fenêtre.

    Et rappelons pour finir cet épisode que le principe qui est au dessus de tous les autres, qui détermine cette volonté politique forte, c’est la compétitivité. Ce texte européen entend par là soumettre officiellement tous les pays membres à l’impératif suivant : il faut de la « lisibilité » pour les marchés. Tout le reste est subordonné… même la démocratie….. (voir dans l’épisode 4….).


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  • Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 4 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Episode 4 : la « démocratie » de la compétitivité.

    Le maître-mot qui définit la cohérence de cette UE du Pacte de l’Euro est « compétitivité ». Ce mot répété inlassablement sera défini dans les « objectifs » du Pacte. Mais pour donner dors et déjà un aperçu du sens de ce mot, rappelons les compliments faits à la Grèce et au Portugal dans les « Conclusions des chefs d’État ou de gouvernement du 11 mars » :

    -pour la Grèce : « mener à bien entièrement et rapidement le programme de privatisations et de valorisation du patrimoine foncier de 50 milliards d’euros qu’elle a annoncé ».

    -pour le Portugal : « En particulier, les chefs d’État ou de gouvernement, le président de la Commission et le président de la BCE accueillent favorablement et soutiennent le train de mesures d’envergure annoncé aujourd’hui par le Portugal concernant les réformes budgétaires, financières et structurelles ». Il est utile de rappeler la teneur principale des mesures prises au Portugal : gels et diminutions de salaires, suppression d’aides sociales ou encore augmentation de la TVA, mesures semblables à celles prises en Grèce : réduction des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite et augmentation des impôts.

    Et la démocratie dans tout ça ?

    Citons : « Ces nouveaux engagements seront ensuite intégrés aux programmes nationaux de réforme et de stabilité et relèveront du cadre de surveillance régulier, la Commission tenant un rôle central important dans le suivi de la mise en œuvre des engagements ». C’est donc la Commission, c’est-à-dire les représentants des gouvernements, donc l’organe exécutif de l’UE, qui est chargé du suivi. Rappelons qu’en matière économique, le Parlement, composé des députés que nous élisons, n’a qu’une fonction consultative.

    Vous allez dire : c’est un procès d’intention. Les gouvernements européens sont des démocraties, c’est bien connu. Oui, ce texte nous explique clairement que c’est c’est une démocratie de la compétitivité. Qu’est-ce que ça donne ? D’abord, il faut nier le vote des peuples qui se sont prononcés contre les traités qui forment la base de cette mise à jour de la doctrine européenne. Et comme cela risque de ne pas être assez claire, un peu d’ingérence directe peut aider à faire comprendre qui commande. Ainsi, alors que le parlement portugais rejetait le 4ème ( !) train de mesure que voulait imposer José Socrates, Angela Merkel intervenait directement pour juger ce parlement : « À présent, il est très important que tous ceux qui parlent au nom du Portugal disent clairement qu’ils se sentent liés par l’objectif de ce programme (« L’Humanité » du 25 mars 2011). L’ingérence directe des pays les plus puissants dans les débats des différents pays ne semble pas poser de problème à cette Europe là, qui s’approche de la démocratie censitaire (non pas « un homme, une voix », mais « un euro, une voix ») qui a cours dans tous les bons conseils d’administration du CAC 40 et du FMI. D’ailleurs, comme par hasard, quelques jours après la démission de José Socrates suite au vote négatif du parlement portugais, les marchés et les agences de notation augmentaient la pression, et faisaient franchir aux taux d’intérêt des emprunts portugais à dix ans le seuil des « 8 % pour la première fois depuis l’entrée du pays dans la zone euro » (« L’Humanité du 01 avril 2011).

    L’alliance explicite des politiques libéraux et du capital n’est plus à démontrer. C’est ça, la démocratie de la compétitivité… des capitaux. La démocratie de la compétitivité nous réserve beaucoup d’autres douceurs que nous détaillerons au fil des épisodes. Mais une surprise nous attend dans l’épisode 5 ! A suivre…

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 5 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen

    Épisode 5 : l’Union Européenne taxe le capital !!

    Dans les épisodes précédents, en particulier les 2, 3 et 4, on a vu comment d’emblée les chefs d’États ou de gouvernements expliquent leur volonté de faire de l’UE un FMI des pays européens, mais avec des moyens politiques plus puissant que le FMI. Cette orientation ne fera que se confirmer et s’amplifier tout au long des différents textes dont il est question dans cette petite saga, et qui vont toujours plus loin à la fois dans les principes économiques ultralibéraux et dans les contraintes politiques, juridiques, fiscales, sociales qui seront appliquées aux États membres.

    Mais, une lueur d’espoir jaillit quand on lit, toujours dans les « Conclusions des chefs d’États ou de gouvernements de la zone euro du 11 mars 2011 », l’expression « taxer le capital ». La lueur disparaît malheureusement assez vite.

    Voici donc le passage du jour : « Les chefs d’État ou de gouvernement conviennent de la nécessité de réfléchir à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières et de faire avancer les travaux aux niveaux de la zone euro et de l’UE ainsi que sur le plan international ». La seule mesure qui toucherait un peu au capital international consiste à « convenir d’une nécessité de réfléchir ». Le contraste avec la pression politique (voir les épisodes précédents), institutionnelle et financière est saisissant, à la limite du mépris. Quant à « faire avancer les travaux sur le plan international », c’est une manière de dire que sur la question de la taxation du capital, l’UE n’avancera pas sans un accord avec ses « concurrents » sur le grand marché mondial, stratégie dont on a vu l’efficacité quand il s’est agit des négociations sur le climat.

    Cet épisode était le dernier consacré aux grands principes des « Conclusions des chefs d’Etats ou de gouvernements de la zone euro du 11 mars 2011 ». Il est temps de rentrer dans le cœur du réacteur : le Pacte pour l’Euro. A suivre donc…


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  • Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 6 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 6 : les « règles directrices » du Pacte pour l’Euro

    Cet épisode nous fait entrer dans la première annexe des « Conclusions des chefs d’Etats ou de gouvernements de la zone euro du 11 mars 2011 » : le fameux « Pacte pour l’Euro ».

    Il s’agit dans un premier temps d’énoncés les 4 règles directrices. Ces règles formulent de manière synthétique les principes expliqués dans les 5 premiers épisodes, et serviront de base à l’exposé des « objectifs » (voir dans les épisodes suivants). Citons donc ces règles pour mémoire :

    « 1/ Renforcer le modèle de gouvernance de l’UE actuelle ».

    C’est là en particulier que le texte fait référence aux traités existants : Europe 2020, pacte de stabilité et de croissance, semestre européen, dont nous dirons un mot dans des épisodes ultérieurs.

    « 2/ Au niveau des chefs d’état et de gouvernement, définir des objectifs communs pour favoriser la compétitivité et la convergence, en mettant l’accent sur les domaines de compétences qui incombent aux états. »

    « 3/ Chaque année, les chefs d’état prennent devant la commission des engagements nationaux qui seront analysés chaque année. Les chefs d’états prendront exemple sur les pays les plus performants. »

    Là encore, se cache sous le mot « performant » toute l’idéologie dominante. Tout est dans le non dit ici : quelle performance, au bénéfice de qui. C’est le même principe pour « compétitivité » : on n’explicite jamais de qui ou de quoi il faut augmenter la compétitivité. Or, il s’agit bien sûr, non pas même de la compétitivité de l’économie, mais bien celle des capitaux, c’est-à-dire que l’ambition est de devenir la place mondiale où les capitaux sont les mieux portants et les plus rentables, toujours pour attirer ces fameux investisseurs dont découleront le plein emploi et la consommation heureuse. C’est aussi une des raisons principale de l’importance qui est donnée à « l’Euro fort », principe maître de ce Pacte. En effet, les capitaux investis en Europe seront d’autant plus valorisée que la monnaie est forte.

    « 4/ Respecter le marché unique et en achever la mise en place. »

    L’Union Européenne nous a expliqué qu’elle voulait la démocratie de la compétitivité. Il était temps qu’elle nous parle un peu de cette compétitivité. C’est ce qu’elle fait, puisque celle-ci est le 1er objectif du Pacte pour l’Euro. Mais croyez-moi, ça valait le coup d’attendre. Il nous faudra 4 épisodes pour en venir à bout. A suivre donc…


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  • Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 7 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 7 Compétitivité 1ère partie : une définition bien étrange.

    Nous voila entrés dans le cœur du réacteur. La compétitivité, maître-mot des principes qui ont guidé la rédaction de ce texte européen, répété à l’envie voire plus, est l’objet du « premier objectif » du « Pacte pour l’Euro ».

    Citons : « Objectif 1 : Renforcer la compétitivité ». […] « Les progrès seront évalués sur la base de l’évolution des salaires et de la productivité ainsi que des besoins d’ajustement en matière de compétitivité. »

    D’abord, notons que cette phrase est en partie tautologique, et ce n’est pas une maladresse. En effet, il est écrit que les progrès en matière de compétitivité seront évalués sur la base de deux choses : l’évolution des salaires et de la productivité d’une part, et « les besoins d’ajustement en matière de compétitivité » d’autre part. Autrement dit, il est écrit que « les progrès [de compétitivité] seront évalués sur la base de l’évolution […] des besoins d’ajustement en matière de compétitivité ». Une tautologie sert à ne pas définir de quoi on parle. La question est donc : sachant que l’UE écrit un texte crucial, politiquement très puissant, historiquement déterminant puisqu’il reprend tous les traités en vigueur et qu’il est destiné à s’inscrire dans la durée, tout cela en s’appuyant principalement sur la notion de compétitivité, pourquoi, y compris dans la partie destinée à l’expliquer, laisse-t-elle cette notion partiellement dans l’ombre ? L’UE montre là qu’elle cherche à cacher à la population le sens de ses principes fondamentaux. En matière de démocratie, c’est évidemment significatif.

    Pour interpréter plus avant le mot « compétitivité », il nous reste bien sûr l’expérience des politiques adoptées et de leurs conséquences, les déclarations des uns et des autres, mais, pour ce qui concerne le texte, il nous reste la première partie de la phrase, portant sur les salaires et la productivité, laquelle est complétée par la phrase suivante : « Afin de déterminer si les salaires évoluent en accord avec la productivité, le Coût Unitaire de la Main-d’œuvre (CUM, voir définition à la fin de l’épisode) fera l’objet d’un suivi sur une période déterminée ».

    Une première remarque s’impose, qui finira cet épisode. Il s’agit de veiller à ce que les salaires évoluent « en accord avec la productivité ». Or, dans un processus de concurrence, la productivité consiste à produire en utilisant moins de force de travail, en particulier grâce au progrès technique. Ce faisant, la valeur des objets produits diminue. Or la valeur de la force de travail (le salaire) se mesure par la valeur des biens de consommation nécessaires aux salariés. Comme la valeur des biens diminuent, la valeur de la force de travail diminue, et son prix (le salaire) aussi. Donc, productivité et valeur de la force de travail (donc salaire) ne sont pas en accord, mais évoluent en sens contraire. Sauf que, dans toute l’histoire du capitalisme, il apparait que lorsque le monde du travail se mobilise, il peut réussir à imposer une élévation du niveau de vie (améliorer l’équipement, imposer des services publics et donc une fiscalité redistributrice, imposer des hausses de salaires pour augmenter la norme de consommation) qui compense la perte de valeur de la force de travail, sans remettre en question la productivité, voire même en l’encourageant, puisque l’élévation des normes de consommation peuvent faire apparaître de nouveaux débouchés (le marché intérieur).

    Dans ces conditions, par principe, « l’accord » entre salaire et productivité n’existe pas. Au contraire, ce n’est que par les luttes ou des décisions politiques que productivité et pouvoir d’achat peuvent progresser ensemble. L’aspect consensuel de l’expression fait partie des outils de langages mis en place depuis 30 ans environ pour faire passer le capitalisme pour une sympathique équipe de football, à l’instar des « ouvriers » devenus « opérateurs », ce qui sentait encore trop l’huile de machine, puis d’opérateurs à « collaborateurs », entrant ainsi dans la communauté du personnel surexploité des serveurs de MacDo ou des employés de plateaux téléphoniques. Mais il faut tout de même se demander quelle est la décision politique que prend l’UE, et qu’elle qualifie ou maquille sous le terme d’accord entre salaire et productivité.

    En résumé de cet épisode, on peut constater que le texte nous fait entrer dans la notion maitresse du « Pacte pour l’Euro » par la porte de l’enfumage et de la propagande. Reste donc à découvrir les intentions réelles de ce pacte en matière de productivité et de salaire. Vivement la suite…

    Définition du Coût Unitaire de la Main d’œuvre (CUM) selon l’OCDE : ratio entre les coûts totaux de la main d’œuvre et la production en volume ou de façon équivalente, au ratio entre les coûts moyens de la main d’œuvre par heure travaillée et la productivité du travail (production horaire).

    …..à suivre…

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 8 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Episode 8 : Compétitivité 2ème partie : des intentions claires.

    On a vu dans l’épisode 7 que la poutre maitresse, la compétitivité, était l’objet d’un enfumage tout à fait raccord avec la relative démocratie européenne telle qu’elle semble vouloir se consolider à travers de Pacte pour l’Euro. Mais ce pacte ne peut quand même pas se contenter de ne rien dire. Il affirme des choses importantes. En partant du fameux CUM (Coût Unitaire de la Main d’œuvre, c’est-à-dire « salaire divisé par productivité), le Pacte établi une équation assez simple : « compétitivité = productivité divisé par salaire », c’est-à-dire l’inverse du CUM. Cela signifie que le CUM et la compétitivité évoluent en sens inverse.

    Après avoir prétendu faire évoluer les salaires et la productivité « en accord », ce qui semblait curieux, le texte se fait plus précis. Citons : « Les augmentations significatives et durables [du CUM, donc du rapport « salaire / productivité »] pourraient provoquer une érosion de la compétitivité ». Il ne faut pas que le CUM augmente. Autrement dit, il faut

    -soit que CUM diminue, ce qui peut être obtenu : 1/ par une productivité qui augmente plus vite que les salaires, 2/ par des les salaires qui augmentent moins vite que la productivité, 3/ en empêchant les salaires d’augmenter à productivité constante ou à productivité croissante, 4/ en diminuant les salaires, toujours à productivité constante ou croissante,

    -soit que le CUM reste stable, c’est à dire que la productivité augmente aussi vite que les salaires.

    Toute la question est donc de savoir si le Pacte pour l’Euro donne des priorités. La réponse est OUI (aïe…). Citons encore : « veiller à ce que les accords salariaux dans le secteur public viennent soutenir les efforts de compétitivité consentis dans le secteur privé (en gardant à l’esprit que l’évolution des salaires dans le secteur public constitue un signal important); »

    La phrase est à la fois habile et sournoise, ce qui est normal pour une démocratie de la compétitivité. En fait, il faut la lire à l’envers, et comme nous sommes habitués depuis quelques épisodes à la technique de l’enfumage, il faut prêter une attention toute particulière à la parenthèse. Il est clairement dit qu’il faut comprimer les salaires dans le public, ceci pour « soutenir les efforts » dans le privé, ce qui est donc une manière de dire qu’il faut comprimer les salaires partout. La référence au public appelle bien sûr d’autres commentaires, mais pour cet épisode, l’important est de noter que le Pacte pour l’Euro considère que les efforts de compétitivité doivent avant tout être de la modération salariale, et que cette annonce est, comme d’habitude, caché derrière une fumée.

    Ceci dit, le terme « productivité » n’est pas oublié dans l’équation « productivité divisé par salaire = compétitivité ». Citons : « consentir des efforts spécifiques pour améliorer les systèmes d’enseignement et encourager la R&D, l’innovation et les infrastructures »

    Cette phrase, qui résume les préconisations du Pacte pour l’Euro en matière de progrès du processus de production, est un aveu. En effet, que dit-elle de nouveau ? Rien. Même les efforts demandés ne sont ni « supplémentaires », ni « nouveaux », ni « particuliers ». Ils sont justes « spécifiques », c’est-à-dire qu’ils sont dédiés en propres à ce à quoi ils sont destinés. Il n’y a strictement rien dans cette phrase. Si, une chose : les efforts en matière d’enseignement doivent être spécifiquement réalisés au bénéfice de la compétitivité. Adieu la culture.

    L’aveu, c’est donc que dans l’équation « productivité divisé par salaire = compétitivité », la cible de l’UE, ce sont les salaires, et le reste suivra, ou pas. La compétitivité des élites européennes du XXIème Siècle, c’est le capitalisme de la fin du XIXème Siècle, celui qui ne comptait que sur la possibilité de forcer à travailler 12 heures par jour, enfants compris mais seulement 10, sans protection sociale, sans congés… et sans retraite ! Ce n’est évidemment pas par hasard si ce texte tombe juste après une lutte dans plusieurs pays d’Europe contre des réformes des retraites similaires qui allongent la durée du travail tout au long de la vie. Ce n’est pas non plus par hasard si parmi les deux qui ont pris l’initiative de ce texte, figure l’auteur du « travailler plus pour gagner plus » (c’est-à-dire, rappelons-le, si tu veux pouvoir payer ton loyer sans rogner sur l’aspirine, tu n’as plus qu’à allonger les heures ou à chercher un 2ème emploi, parce qu’il n’est pas question d’augmenter le salaire horaire. Baisser la valeur du travail, c’est bien ce qu’il a promis, et ce que l’UE demande maintenant, conformément à la démocratie de la compétitivité).

    Vous n’êtes pas convaincus ? Alors, reportez-vous à l’avis autorisé d’Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, modèle du Pacte pour l’Euro (le FMI, pas Olivier Blanchard), cité dans « l’Humanité » du 22-23-24 avril 2011 : « Les pays européens doivent améliorer considérablement leur productivité, ou baisser leurs salaires, ou les deux».

    Mais pourquoi les capitalistes reviendraient-ils à des recettes si veilles ? Parce que la mise en concurrence des économies des pays récemment jetés dans le capitalisme, ainsi que la présence des pays maintenus sous la dépendance des économies dominantes, permettent d’exercer une pression terrible sur le résultat des luttes qui ont eu lieu tout au long du XXème siècle. Les capitalistes européens voient bien les marges de profits que renferme la mise en concurrence avec les pays dont le salaire moyen est plus faible, et dont les normes de consommation et de politiques publiques sont très différentes. Cette concurrence amène à un nivellement par le bas énorme. Le capital européen compte bien s’en servir pour nous faire revenir quelques décennies en arrière. Cela s’appelle la Restauration… des profits.

    Vous n’êtes toujours pas convaincu ? Alors, à ce stade, il peut être utile de se rappeler de Denis Kessler, ex-vice président du Medef, qui expliquait le 4 octobre 2007 dans le magasine « Challenges », que le but de la droite au pouvoir était, je cite, de « défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance », programme qui contenait entre autres la Sécurité Sociale et les retraites. Défaire le progrès social : quoi de plus cohérent avec l’idée d’un capital qui cherche à restaurer ses profits en faisant revenir en arrière les pays les plus avancés socialement ?

    Mais la nouveauté ici, c’est que le Pacte tend à institutionnaliser ce principe capitaliste tout en excluant les syndicats de la lutte (voir dans la suite), et tout en verrouillant les processus politiques dans les Etats membres.

    Oui, ce 8ème épisode était important. Mais il reste pas mal de pépites à déguster, en particulier l’éclairage sur le charge contre le secteur public dans l’épisode 9 dont on va voir qu’elle en cache d’autres ! A suivre…

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 9 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Episode 9 : Compétitivité 3ème partie : « public is bad »

    Nous avons vu dans l’épisode 8 ce qui se cachait sous la sympathique expression « les salaires évoluent en accord avec la productivité » : tout simplement augmenter la plus value absolue en maintenant les salaires et en augmentant la durée du travail, et si possible augmenter la plus value relative en d’investissant, mais on sait que le capital à d’autres priorités. On se croirait revenu au rapport de forces du XIXème Siècle. Mais bien sûr, la situation à changé depuis le cette époque. En particulier, il existe une sécurité sociale, un code du travail, des procédures de négociations et des services publics. Qu’à cela ne tienne. Citons : « Ouvrir davantage les secteurs protégés en prenant des mesures au niveau national pour lever les restrictions indues qui pèsent sur les services professionnels, ainsi que sur le secteur du commerce de détail, afin de renforcer la concurrence et l’efficacité »

    Traduction : privatiser et ouvrir les magasins le dimanche. Le programme est clair, court. Bien sûr, il n’est pas argumenté, et là encore, le lecteur doit se demander : efficacité pour qui et pour quoi ? Réponse intangible : pour la compétitivité. Quant à la question « pour qui »…

    Autre question : pourquoi qualifier certains secteurs de protégés ? Réponse : rappelons la citation de l’épisode précédent : « veiller à ce que les accords salariaux dans le secteur public viennent soutenir les efforts de compétitivité consentis dans le secteur privé (en gardant à l’esprit que l’évolution des salaires dans le secteur public constitue un signal important); »

    Nous avons développé une partie de l’analyse de cette phrase dans l’épisode 8, qui nous a fait comprendre que la « maîtrise » des salaires était l’axe privilégié. Mais au plan politique, culturelle et idéologique, il faut absolument prêter la plus grande attention au passage « soutenir les efforts de compétitivité consentis dans le secteur privé », et se souvenir de la tentative de rendre consensuel la défense de la compétitivité. Dans ces conditions, quiconque défendra son salaire dans le public deviendra un traitre à la cause de la compétitivité. Et là se révèle le sens véritable du langage consensuel largement utilisé : faire croire que nous avons tous (patronat, actionnaires et salariés) les mêmes intérêts dans la grande guerre économique. Cela permet de présenter les salariés qui défendront leur salaire (privé ou public) comme des traitres, de même que les grévistes sont des preneurs d’otages ou sont responsables de la faillite de l’économie, et de même que les syndicats « trop revendicatifs » sont rétrogrades. Autrement dit, je déclare la guerre économique générale (compétitivité), et immédiatement après, j’indique le traître à la patrie. Dans ce contexte, les salariés du secteur public seront particulièrement visés. Après la poursuite du gel de leur rémunération et la poursuite de la suppression des postes, la rhétorique qui sera utilisée contre leur protestation est déjà prête.

    Le terme « protégé » vise donc à insinuer l’idée des traitres qui défendent leur pouvoir d’achat, en renforçant l’idée d’une guerre économique donc nous sommes les soldats. Ici, « protégé » veut dire « planqué ».

    Mais, allez-vous dire, il ne s’agit que des salariés du public dans ce texte ! Pourquoi insinuer que cela concerne aussi les salariés du privé ?

    Réponse dans l’épisode 10…

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 10 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 10 : Compétitivité 4ème et dernière partie : fin de la récré pour les classes dangereuses.

    Dans la grande équation de la compétitivité, on a vu que la cible était les salaires, avant de se donner les moyens d’une augmentation de la productivité. On a vu aussi que le secteur public était nommément dans le collimateur. Comment faire alors avec les salariés du privé, et les autres ? Il reste, parait-il, des hommes et des femmes qui n’acceptent pas l’évidence du bon sens de la guerre économique, des traitres qui voudraient défendre leur salaires, voire leur retraites, voire leur école, voire leur santé…

    Qu’à cela ne tienne, le pacte Sarkozy-Merkel est là. Citons : « Réexaminer les dispositifs de fixation des salaires et, le cas échéant, le degré de centralisation du processus de négociation, ainsi que les mécanismes d’indexation, l’autonomie des partenaires sociaux dans le cadre du processus de négociation collective devant être préservée »

    Traduction de la première partie : fin des dispositifs d’indexation des salaires sur l’inflation par exemple, ce qui est particulièrement intéressant en ce moment, où l’inflation en France va dépasser 2%, au point que le SMIC va précisément « bénéficier » d’un ajustement automatique dans les semaines à venir. C’est donc une mesure de compression salariale (rien d’étonnant vu les épisodes précédents). Le refus du gouvernement français actuellement de revaloriser le SMIC au delà de l’inflation est donc tout à fait en accord avec ce principe.

    Traduction de la seconde partie : recentralisation de la négociation dans le respect de l’autonomie (et non de rôle dans les décisions) des « partenaires sociaux» (encore un euphémisme pour convaincre du consensus). Il s’agit ni plus ni moins que de retirer aux syndicats de salariés le pouvoir de négociation salarial, puisqu’encore une fois, ce qui doit être préservé n’est pas l’influence des syndicats sur les négociations, mais simplement leur autonomie. Etre autonome sur une île déserte, ça ne gène personne. Pourquoi insister sur les syndicats de salariés dans l’interprétation que nous faisons du texte ? Parce que les organisations patronales ont leurs relais institutionnels bien en place (depuis les chambres consulaires jusqu’aux commissions d’experts en tous genre) et qu’ils sont de toutes façons représentés politiquement par les gouvernements en place qui servent leurs intérêts. Ceux qui avaient un doute à ce sujet en ont peut-être moins à la lecture du « Pacte pour l’Euro ».

    On voit là un autre aspect de la démocratie européenne, après ce qui a été signalé plus haut : plutôt que des députés élus (que l’on confine à un rôle consultatif) ou des syndicats de salariés, on préfère le lobbying et les chambres consulaires pour faire sa cuisine. C’est plus sûr.

    Dernière élément de ce merveilleux paragraphe à propos de « l’environnement » des entreprises, en particulier les PME : « [éliminer] les lourdeurs administratives et [améliorer] le cadre législatif ». Quel code va disparaître en premier ? Celui du travail, ou celui des marchés publics ? Les paris sont ouverts, et nous verrons que cette proposition mainte fois rabâchées prendra tout son sens dans les préconisations pour l’emploi (en particulier dans l’épisode 12).

    Nous voici à la fin de la partie du « Pacte » spécifiquement consacré à la compétitivité. En dépit du terme consensuel utilisé (« accord ») entre salaire et productivité, et qui semblait contradictoire, il est clair que le but est de baisser les salaires tout en augmentant la productivité. Les gouvernements et les chefs d’entreprise, dont on voit à quel point ils sont à l’écoute de la population, pourront imposer des baisses de pouvoirs d’achat en s’appuyant sur un texte européen.

    C’est donc bien une déclaration de guerre. Et là où c’est fort, c’est qu’en introduisant l’objectif « compétitivité », l’UE n’entrouvre même pas un éventuel débat concernant la répartition des gains de productivité, d’autant qu’elle a pris soin d’écarter les syndicats des discussions. Tout pour les méchants capitalistes ? Non, rassurez-vous. On l’a vu, tout pour la compétitivité ! Tout pour gagner. Ça sonne mieux, ça sonne « tous ensemble OUAIS », ça sonne « fleur au fusil », ça sonne Marseillaise, ou plutôt « Hymne à la Joie ». Le patronat européen déclare la guerre à tous les salariés (en emploi ou privés d’emploi) et à toute la population, puis va nous faire croire que cette guerre est celle que nous ont déclarée les autres peuples pour nous manger notre croissance sur le dos. Toujours dans l’idée d’une guerre économique qui devrait provoquer l’union autour d’une grande cause nationale, cela permet aussi bien sûr de présenter le salarié étranger dans son pays étranger comme un ennemi. Et vive la préférence communautaire, l’étranger mangeur de pain et dépensier d’argent public, voleur d’emploi. Attention, danger ! Nous sommes tous les cibles. Le « Pacte pour l’Euro » est assez clair à cet égard.

    Episode suivant : promouvoir l’emploi. On tremble déjà…


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  • Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 11 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 11 : « Promouvoir l’emploi » 1ère partie : mobilisation générale pour le Capital

    « Le bon fonctionnement du marché du travail constitue un facteur déterminant de la compétitivité de la zone euro ». Toujours la compétitivité, au cas où on n’aurait pas compris. Comme indicateur de bon fonctionnement de ce marché, le texte préconise : « taux de chômage de longue durée et de chômage des jeunes, et taux de participation au marché du travail. ».

    On notera d’abord qu’il ne s’agit pas du taux de chômage en général, mais du taux de chômage des jeunes et de longue durée. Certes, ce sont des problèmes qui méritent une attention particulière. Mais ne pas mettre en valeur le taux de chômage global dans la partie du texte qui traite du marché du travail en général, cela attire l’attention. Nous sommes donc prévenus : si le déficit budgétaire dépasse 3%, ou si la dette publique dépasse 60% du PIB, voire si rien que la tendance dans un pays fait craindre un dépassement à terme, c’est la sanction immédiate. Par contre, nul objectif chiffré en matière de chômage. Cela s’appelle considérer l’emploi comme la variable d’ajustement de la compétitivité du capital. Armée de réserve, Garde à Vous !

    La dernière partie de la phrase aussi est intéressante, mais pour bien la comprendre, il faut faire un petit rappel. Parmi la population en âge de travailler, il y a :

    Groupe 1 : la « population active », qui est la somme des personnes ayant une activité professionnelle ET des personnes en recherche d’emploi.

    Ce groupe 1 contient le sous-groupe A des personnes ayant une activité professionnelle rémunérée, et le sous-groupe B des personnes en recherche d’emploi.

    Groupe 2 : Les autres personnes, qui ne sont donc répertoriées ni comme ayant une activité rémunérée, ni comme en recherche d’emploi.

    Le « taux de participation au marché du travail » est le rapport entre le nombre de personnes dans le premier groupe et le nombre de personnes en âge de travailler, soit Groupe 1 divisé par le total Groupe 1 + Groupe 2.

    C’est donc tout à fait différent du taux d’emploi, qui est lui directement lié au taux de chômage (lorsque le taux de chômage est de 10%, le taux d’emploi est de 90%). En effet, le taux d’emploi est le rapport, à l’intérieur du groupe 1, « sous groupe A divisé par le total sous-groupe A + sous-groupe B », c’est-à-dire « sous-groupe A divisé par groupe 1 ». Les personnes du groupe 2 ne comptent pas dans le calcul du taux de chômage, ou du taux d’emploi.

    Ce que le texte dit, c’est donc que la priorité est, non pas la diminution du taux de chômage, mais la diminution du nombre de personne qui n’ont aucune activité professionnelle rémunérée. D’autre part, par l’expression « marché du travail », cette population est surtout appelée à se salarier. Ce qui signifie que le capitalisme estime qu’il existe en Europe une force de travail non disponible pour le marché qu’il va s’agir de capter rapidement (Vive la liberté !), tout en ne donnant aucun objectif chiffré en matière de chômage. Autrement dit, ce texte professe la captation par le marché du travail d’une armée de réserve sans aucune garantie sur les conditions d’embauche, pire, en négligeant sciemment de donner le moindre objectif en matière de taux de chômage. Le sous-entendu est donc la précarisation, autrement appelé dans la suite de cet œuvre la « flexisécurité » (voir épisode suivant, n°12)

    On attend impatiemment quelles mesures pratique le texte préconise pour arriver à ce résultat admirable. Vivement l’épisode 12 !

     

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 12 )

     

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 12 : « Promouvoir l’emploi » 2ème partie : tout ça pour ça !

    Nous sommes en 2011, que diable. Les entrepreneurs qui nous gouvernent vont nous surprendre, innover, révolutionner ! Et bien non. En guise de mesures pratiques, nous avons la litanie classique ruminée et prédigérée depuis des années, mais qui évidemment prend de l’ampleur dans un texte programmatique aussi cohérent.

    Première citation : « Favoriser la flexisécurité, accroître la participation au marché du travail, réduire le travail non déclaré ».

    Où est donc répétée la nécessité d’augmenter le taux de participation au marché du travail, cela nous aide à faire le lien avec l’épisode 11. Mais on trouve aussi la flexisécurité. On peut rappeler qu’il s’agit de ne rien changer aux principes capitalistes et financiers qui déterminent les licenciements et l’embauche (en fait de les encourager au nom de la compétitivité), donc de masquer les causes réelles du chômage, de manière à faire peser sur les salariés et les politiques publiques les responsabilités de chômage. Le principe de base de la flexisécurité, c’est l’employabilité comme facteur déterminant du chômage. Salariés pas assez mobiles, Pôle Emploi incapable de lier offre et demande, droit du travail trop rigide, indemnités chômage trop importantes font partie du diagnostic de base pour élaborer une bonne recette de flexisécurité.

    Autrement dit, la flexisécurité est un marché du sous-emploi, conséquence de la liberté totale donnée au capital, et huilée par le non-droit collectif. Autrement dit, c’est l’exact négatif de la Sécurité Sociale du Travail, mais ceci est un autre débat, ou plutôt justifierait un développement spécifique.

    La fléxisécurité fait donc partie intégrante de la régression générale des conditions de vie. Dans ce contexte, on se demande ce que signifie « réduire le travail non déclaré », qui devrait être nécessaire précisément pour protéger les droits des salariés (et aussi pour améliorer les rentrées fiscales), alors que le texte ne cessent de vouloir détruire ces droits. Et bien, à mon avis, la réponse est que la réduction  du travail non déclarée se fera, non pas en obligeant les patrons fraudeurs à se conformer au droit du travail, mais à adapter le droit du travail pour le conformer au pouvoir absolu du patronat fraudeur. Autrement dit, pour réduire le travail non déclaré tout en « diminuant les lourdeurs administratives, et en améliorant le cadre législatif » (voir épisode 10), il suffit de rendre licite au moins en partie les pratiques du patronat fraudeur, et le tour est joué.

    C’est un peu le même principe de retournement que pour le Droit Au Logement (voir l’article sur ce blog), ou lorsque certains prétendent donner « la liberté de choisir l’âge de départ à le retraite » sans rien changer fondamentalement aux conditions de répartition de la valeur ajoutée, c’est-à-dire sans toucher à la liberté du capital qui a la force pour elle.

    Dans le cas du droit du travail, évidemment, cela sera plus facile en s’allégeant du poids des organisations syndicales dans les négociations salariales (voir aussi l’épisode 10), ou en détruisant l’Inspection du Travail et la Médecine du Travail, œuvre en cours depuis maintenant plusieurs années.

    -« l’éducation et la formation tout au long de la vie; »

    On ne peut que se féliciter de l’évocation de l’éducation et de la formation. De là à se féliciter de ce qui en est dit (c’est-à-dire rien), et de là à se féliciter que cela soit dans un texte qui prêche ouvertement la privatisation ainsi que la subordination de l’éducation à la performance du marché du travail et à la compétitivité, il y a un gouffre infranchissable.

    Il existe donc une priorité au-dessus de l’emploi considéré comme condition de vie des hommes. Or, quelle est la priorité des priorités de ce texte ? La compétitivité. Conclusion : compétitivité = accumulation du capital au détriment de l’emploi. Non qu’on pouvait en douter, mais encore une fois, la nouveauté de ce texte tient aussi dans son degré d’avancement vers l’institutionnalisation de ces principes, et donc dans les barrières politiques auxquelles ils s’attaquent.

    La suite et la fin du paragraphe « promouvoir l’emploi » concerne la fiscalité. Cela mérite un épisode spécifique. A suivre…

     

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 13 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 13 : « Promouvoir l’emploi » 3ème partie : alléger le poids pesant des charges

    Voici donc la classique intervention sur les « charges ». Citons : « réduction des charges fiscales pesant sur le travail, afin de rendre le travail financièrement attrayant tout en préservant le niveau global des recettes fiscales, et les mesures destinées à faciliter la participation au marché du travail des personnes assurant une seconde source de revenus »

    Première chose : quelles sont les charges « fiscales » évoquées ici, qui « pèsent sur le travail » ? CSG, CRDS en France ? Cotisations sociale dans leur ensemble, mais qui ne sont pas en France des charges fiscales proprement dit ? Probablement le tout, qualifié de « fiscal » pour que tout le monde s’y retrouve, voire pour suggérer la fiscalisation de la protection sociale, ce qui serait là encore particulièrement habile pour s’assurer le concours d’une certaine gauche.

    Deuxième chose : cette phrase sous-entend que si les salaires sont insuffisants, c’est à cause de la fiscalité. C’est d’autant plus scandaleux d’écrire ça quand on a développé quelques lignes auparavant toute une théorie visant à prôner la baisse des salaires pour renforcer la compétitivité. Autrement dit, le texte explique que la compétitivité nécessite de limiter les salaires, pour ensuite expliquer que s’ils sont trop bas, c’est à cause des cotisations sociales ou de la fiscalité. Contradictoire ? Meuuuu non. Voici la logique :

    1-Parce que je suis compétitif, je baisse le salaire que, moi patron, je paie, et qui contient les cotisations patronales et le salaire brut.

    2-Il reste donc au salarié un salaire brut en baisse, sur lequel seront prélevées les cotisations.

    3-Après cotisation, il reste au salarié un net minable.

    Conclusion : il faut supprimer l’étape 2, ou les cotisations dans l’étape 1 en priant pour que cela suffise pour la compétitivité. Logique, non ? Oui. Tout pour l’accumulation du capital.

    Évidemment, le texte nie totalement que les cotisations et la fiscalité sont des revenus dus aux salariés parce que ce sont eux qui produisent les richesses à l’origine de ces cotisations et de cette fiscalité, et que ces revenus servent à la solidarité et au budget de l’état, donc à la population, mais aussi au patronat (équipement…). Ce texte ment aux salariés comme un capitaliste. Et comment va-t-on se soigner quand les cotisations auront  disparues ? Rassurez-vous, d’autres capitalistes sont là pour vous « assurer ». Voila donc résumé comment l’emploi, les salaires, et les retraites seront pour les mille ans à venir les variables d’ajustement de l’accumulation du capital. Quand je dis mille ans, c’est une façon de dire leur ambition, pas un pronostic.

    Troisième chose très importante dans ce paragraphe : réduction des charges fiscales tout en préservant le niveau global des recettes fiscales. Comment réussir cela ? Un des moyens, c’est la TVA « sociale », c’est-à-dire le remplacement des cotisations par une TVA. Autrement dit, on protège le capital au moment de payer les salaires à la fois en diminuant les cotisations et en imposant la maîtrise des salaires bruts, et pour ne pas augmenter les déficits publics, on se récupère sur les salaires nets par une nouvelle TVA. Double peine au moins, avec dans l’ordre, moins de protection sociale (superbrut et brut), et une nouvelle taxe sur les salaires nets, avec en prime la fiscalisation de la protection sociale, facilitée par la mise à l’écart des syndicats dans les négociations. Double ? Non, pire, car il y a aussi la volonté de sacrifier l’action publique, c’est-à-dire les services publics, l’investissement public dans le logement par exemple. C’est multiple peine. « Leurs capitaux le valent bien… »

    Dernière chose dans ce paragraphe : « mesures destinées à faciliter la participation au marché du travail des personnes assurant une seconde source de revenus. »

    Alors là, on est dans un petit flou intéressant : faut-il entendre seconde source de revenu pour l’individu, comprendre faciliter l’accession à un second emploi, ou faut-il entendre seconde source de revenu pour le ménage quand il est composé de plus d’un adulte ? Dans le premier cas, on est dans l’implacable logique sarkozienne du « travailler plus pour gagner plus » quand les salaires sont minables, inutile d’insister. Dans le second cas, on est dans la logique du texte concernant l’emploi : augmenter le taux de participation au marché du travail. Mais qu’est ce qu’on qualifie de « seconde source de revenu » ? Serait-ce une attaque sournoise contre le statut des femmes, qui reviendrait ainsi au rang de travailleuse d’appoint ? A creuser.

    Cette partie était donc abusivement intitulée « promouvoir l’emploi ». On pourrait remarquer cependant qu’en période de chômage, « développer l’emploi » aurait été plus « attractif », mais aurait été un plus gros mensonge encore, d’autant que le chômage global n’est pas un problème dans le Pacte pour l’Euro, au contraire des salaires, qui eux, constituent LE véritable problème pour la compétitivité. Souvenez-vous des épisodes consacrés à la compétitivité, d’où on concluait que dans l’équation « compétitivité = productivité divisé par salaire », il était surtout question des salaires. Cette conclusion est plus que confirmée par ce paragraphe sur l’emploi dont nous avons fait le tour.

    Nous avons vu aussi dans cette partie qu’on commençait à parler des finances publiques à travers les retombées du « bon fonctionnement » du marché du travail. L’épisode 14 va nous en dire plus à ce sujet.

     


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  • Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 14 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Episode 14 : « Améliorer la viabilité des finances publiques »

    Deux points principaux dans ce paragraphe.

    Le premier s’intitule : «Viabilité des retraites, des soins de santé et des prestations sociales ». Il s’agit de « mesurer la viabilité du niveau d’endettement sur la base des politiques menées, notamment les régimes de pension, les systèmes de soins de santé et les régimes de prestations, et en fonction des facteurs démographiques ».  Il est préconisé  en particulier « d’adapter le système de retraite à la situation démographique nationale, par exemple en adaptant l’âge réel de la retraite à l’espérance de vie ou en accroissant le taux d’activité; »

    Sur le fond de l’affirmation, il s’agit de tout le débat sur les retraites, et du mensonge de l’argument démographique. Impossible donc d’y revenir en détail ici, et je vous renvoie au rapport sur les retraites publiés sur ce blog.

    Signalons simplement que l’UE prend position dans cette histoire, ce qui ne surprendra personne, et que cette position est parfaitement cohérente avec l’ensemble du texte. Comme nous l’avions dit, et beaucoup d’autres avec nous, le problème des retraites est un chapitre de la bataille sur la répartition de la valeur ajoutée, non un problème indépendant des autres, ce que tendraient à faire croire ceux qui préconisent les comptes personnels et autres comptes notionnels.

    L’UE prend position de la plus forte manière qui soit en l’incluant dans un programme complet, mais aussi de la manière la plus efficace qui soit, puisque c’est autour de cet incroyable rideau de fumée de la démographie que Socialistes et autres socio-libéraux ou socio-démocrates se sont trouvés des points communs avec les auteurs des réformes sur les retraites. Ce point n’est donc pas prêt d’être contesté par une majorité au parlement européen. C’est peut être même la raison principale de sa présence dans ce texte, qui doit obtenir le plus large consentement possible, d’une part pour être dans son rôle de « consensus », et d’autre part pour être appliqué dans toute sa force.

    Le deuxième s’intitule « Règles budgétaires nationales ». Il s’agit d’un engagement des pays membres à traduire les règles budgétaires du pacte de stabilité et de croissance dans leur législation nationale au plus haut niveau possible (constitution ou loi cadre, est-il suggéré). La discipline budgétaire devra être appliquée « au niveau national et aux niveaux inférieurs », ce qui signifie que l’UE entend régler les politiques budgétaires depuis l’assemblée nationale jusqu’aux municipalités. La commission « aura la possibilité d’être consultée » avant adoption. Il s’agit par ce morceau de texte de verrouiller les marges de manœuvre budgétaires des pays européens de la zone euro. A ce stade de la lecture, ce n’est pas surprenant, sinon qu’on peut encore une fois « palper » à quel point est favorable le rapport de force dans lequel le capital européen estime se trouver.

    Pour ce qui est du contenu des règles budgétaires, il faut se reporter au pacte de stabilité et de croissance. Ceci étant, la conséquence qui se fera rapidement sentir, et qui est l’objet de ce paragraphe, est l’interdiction peu ou prou de la création de déficit public, ce qui signifie le désengagement de l’état et des collectivités territoriales. Ce texte va donc justifier le fait d’inscrire dans la constitution l’interdiction des déficits et/ou de la dette publique. Ce travail est imminent en France. L’interdiction du déficit est la négation des besoins de la population. C’est un outil essentiel de la privatisation générale, donc de la fin d’une garantie d’accès aux soins, à l’éducation, etc…Faut-il rappeler que grâce aux investissements publics, le patrimoine détenu par chaque citoyen français est supérieur au montant de la dette publique, en tout cas tant que les déficits sont utilisés pour investir, non pour renflouer le secteur financier. Il y a évidemment beaucoup de choses à dire que la question de la dette publique, mais restons sur l’objet principale du feuilleton : l’analyse du Pacte pour l’Euro. On ne s’étonnera pas dans ce contexte que ce Pacte préconise à la fois la « maîtrise » des salaires, la réduction de la fiscalité et des cotisations sociales, et la réduction des dépenses publiques. «Entraidons-nous et Assure-toi sont dans un bateau. Sarkozy en pousse un à l’eau. Qui reste-t-il ? « Le-ciel-t-aidera », répond Latran ».

    Trèves de billevesées. Reste à voir le dernier paragraphe du pacte, intitulé « renforcer la stabilité financière ». A suivre dans l’épisode 15.

     

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 15 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 15 : « Renforcer la stabilité financière »

    Une réforme globale du cadre européen de supervision et de régulation du secteur financier est en cours. Le texte prévoit de mettre en place une législation nationale en matière de résolution des défaillances bancaires. Des tests stricts de résistance des banques, coordonnés au niveau de l’Union, seront menés régulièrement. Le niveau de l’endettement privé des banques, des ménages et des entreprises non financières sera suivi de près pour chaque État membre. On est donc là dans l’outillage technique d’une politique de l’euro fort qui est à l’œuvre depuis maintenant longtemps, mais qui prétend avoir tenu compte de la crise récente. Sauf que la crise récente n’est pas que financière… mais c’est un autre débat. Continuons.

    Premier point : « coordination des politiques fiscales ».

    Ce point là mérite plus ample réflexion. « Les États membres s’engagent à entamer des discussions structurées sur les questions de politique fiscale, en vue notamment d’assurer l’échange des bonnes pratiques, sur la prévention des pratiques nuisibles ».

    Toute la phrase tient dans le mot « bonne » et donc dans le mot « nuisible ».

    « Établir une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés pour garantir la cohérence des régimes fiscaux tout en respectant les stratégies fiscales nationales et sans incidence sur les recettes. » Cette phrase assez obscure ne laisse rien présager de bon. Les éléments pour apprécier correctement cette partie du texte sont à trouver dans les prises de positions antérieures de l’UE en matière fiscale. Cela méritera donc une réflexion plus poussée. Il y a en particulier quelque chose à comprendre au fait que la seule proposition pratique soit ciblée sur l’impôt sur les sociétés.

    Second point : « engagements annuels concrets ».

    « Les États membres de la zone euro conviendront chaque année, au niveau le plus élevé, d’une série d’actions concrètes à mettre en œuvre dans un délai de douze mois ».

    « Le choix des mesures politiques spécifiques à mettre en œuvre restera du ressort de chaque pays, mais ce choix sera guidé en particulier par l’examen des éléments mentionnés précédemment. Ces engagements se refléteront également dans les programmes nationaux de réforme et dans les programmes de stabilité présentés chaque année, qui seront évalués par la Commission, le Conseil et l’Eurogroupe dans le cadre du semestre européen. »

    Ce dernier paragraphe du Pacte pour l’Euro est un rappel des hiérarchies politiques déjà explicitées dans le texte. Pour le comprendre et pour se faire une idée du rapport de force institutionnel entre le « ressort de chaque Etat » et le « guide », il faut savoir ce qu’est le « cadre du Semestre Européen ». Ce point, ainsi que des éléments concernant la stratégie « Europe 2020 », feront l’objet des derniers épisodes.

    Nous voici donc arriver au terme de l’examen du Pacte pour l’Euro. Rappelons que ce « Pacte » est la première annexe des « Conclusions des Chefs d’Etat ou de Gouvernement du 11 mars », qui formalisent la mise à jour de la doctrine européenne pour les années à venir, si nous laissons faire. Avant d’évoquer le Semestre Européen et Europe 2020, il nous faut entrer dans la seconde annexe de ces « Conclusions du 11 mars », annexe appelée « Composantes générales du futur mécanisme, déclaration de l’Eurogroupe du 28 novembre 2010 ». Il s’agit des principales règles du « Mécanisme Européen de Stabilité » lorsqu’il va s’agir de l’octroi d’une aide à un pays de la zone Euro. C’est un texte relativement court, mais très instructif. En effet, on croyait que la hiérarchie des politiques économiques au bénéfice d’une Union Européenne était un but en soi, même si devine que la démocratie de compétitivité cache quelque chose. Et bien effectivement, il y a quelque chose au-dessus de l’Union Européenne. Venez le découvrir dans l’épisode 16.


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  • Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 16 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 16 : « Composantes générales du futur mécanisme, déclaration de l’Eurogroupe du 28 novembre 2010 »,

    1ère partie : Saint-FMI priez pour nous.

    Cette déclaration reprend les principales étapes de la mise en place du « Mécanisme Européen de Stabilité » (MES), et donc du Pacte qui en est un outil. Elle rappelle en particulier

    -que « Le MES complétera le nouveau cadre pour le renforcement de la gouvernance économique, qui vise à mettre en place une surveillance économique efficace et rigoureuse »,

    -que « L’aide accordée à un État membre de la zone euro sera fondée sur un programme rigoureux d’ajustement économique et budgétaire ».

    Le premier point rappelle et renforce, s’il était besoin, la hiérarchie politique que ce texte vise à imposer, et dont une partie opérationnelle est le Semestre Européen (voir épisode 18).

    Le second point est un rappel de la fameuse « conditionnalité », dont il a été question dès le début de cette saga.

    Intéressons-nous à ce qu’apportent plus particulièrement ces « Composantes ».

    D’abord, un peu de statistique : ce document de 2 pages cite le FMI à 6 reprises. La BCE, elle, est citée… 3 fois. Et encore, il s’agit pour la BCE du même morceau de phrase répété à 3 endroits. Ce morceau de phrase est : « en liaison avec le BCE ». Par contre, ce qui est dit du FMI, ne serait-ce que par comparaison, et beaucoup plus intéressant, en particulier dans trois de ces six citations : « parfaite cohérence avec les politiques menées par le FMI », « totale conformité avec les pratiques du FMI », « en conformité avec les pratiques du FMI ». Entre « parfaite cohérence, totale conformité, conformité », et « en liaison », il n’y a pas photo. Cela vient donc renforcer le titre de notre saga ; plutôt qu’une BCE, un FMI européen. Mais pourquoi donc ? Continuons.

    Premier élément : la décision de l’octroi d’une aide par le « Fonds Européen de Stabilité Financière » (FESF) dans le cadre du MES devra être prise à l’unanimité. Cette règle implique une totale cohérence des Etats membres, ce qui va accroître la pression politique dans chaque état, du type « je fais revoter quand le résultat n’est pas le bon », ou du type intervention d’Angela Merkel contre les députés Portugais. Attention, ceci n’est pas anodin. La pression politique va s’accompagner d’une augmentation de la pression idéologique, culturelle, donc éducative. Bientôt sortiront les programmes scolaires européens, on peut le parier.

    Le deuxième et dernier élément vaut le détour. On va enfin savoir qui est au-dessus de la Commission Européenne… mais cela mérite un épisode à part. Rendez-vous donc dans l’épisode 17.

     

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 17 )

     

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 17 : « Composantes générales du futur mécanisme, déclaration de l’Eurogroupe du 28 novembre 2010 », 2ème Partie : l’Empire contre-attaque

    Ces Composantes apportent des éléments pratiques très importants dans le « Mécanisme Européen de Stabilité » (MES), en particulier concernant les conditions d’utilisation du « Fonds Européen de Stabilité Financière ». Après avoir précisé que la décision d’octroi d’une aide à un Etat membre devrait être prise à l’unanimité, le texte précise QUI peut financer.

    Citons : « Les règles seront adaptées afin de permettre une participation au cas par cas des créanciers du secteur privé ». Autrement dit, le MES prévoit dors de déjà d’impliquer le secteur privé dans la procédure de « soutien » financier aux pays européens, même si « les créances privées seront subordonnées aux créances publiques ». Cette participation ne pourra pas intervenir avant mi-2013. Pour le cas, considéré comme « peu probable », où les Etats bénéficiaires de l’intervention financière seraient insolvables, l’intervention privée devra se faire dans le cadre de « Clauses d’Actions Collectives » (CAC) conformes aux législations britanniques et états-uniennes adoptées suite au G10 consacré à cette question (il s’agit essentiellement de traiter les dettes en un bloc).

    Nous voici donc devant un Mécanisme Européen de Stabilité institué par les Etats Membres, et dont il est prévu dès l’origine la privatisation. Les nuances apportées ici et là ne trompent personne quant aux intentions. Et comme l’entrée est prévu dès 2013 pour une création en 2011, on pourrait donc presque dire que le MES est par nature un mécanisme conçu pour être alimenté par des financements privés. L’Huma du 23 mars 2011 rapporte des propos tenus par Christine Lagarde  le 21 mars, signifiant que l’accord permettait « d’avoir un Fonds qui est solide, qui est simple et qui peut s’expliquer aux marchés ». On voit bien qui est l’interlocuteur privilégié de Christine Lagarde, ce qui confirme les remarques faites dans cette analyse concernant le masquage intentionnel d’un certain nombre de principes fondamentaux de l’action européenne aux yeux de la population. Répétons-le donc : le MES est un mécanisme européen prévoyant que le soutien financier aux Etats Membres sera directement alimenté par les marchés financiers, ceux qui ont précipités la crise de 2008, ceux qui précipité les crises récentes de l’alimentation… et le fait que ce soit éventuellement progressif ne change strictement rien. On comprend maintenant pourquoi la BCE soit mise en arrière par rapport au FMI !

    Pourquoi les Etats européens choisissent-ils, pour alimenter le MES, d’emprunter aux marchés financiers plutôt que d’acheter des bons du trésor nationaux ?

    -l’émission de bonds est une création monétaire. A mon sens, les dirigeants actuels de l’UE veulent limiter la création monétaire à l’initiative des Etats, pour préserver la force de cette monnaie.

    -parce que pour eux, le « régulateur » économique doit être le marché.

    -parce que pour eux, une BCE ou des bons nationaux, c’est encore trop donner à une politique publique.

    -pour que tout ce qui fait l’environnement du marché, agence de notations, cercles des investisseurs, patronat international, doit être préservé, entretenu. C’est là que se trouve l’actualité de l’économie mondiale, la puissance financière.

    -un autre élément explicatif de ce choix est formulé par « L’Huma » du 14 mars 2011 : « ce sont les marchés qui continueront à fixer les taux d’intérêts des Etats ». Ainsi, la semaine précédant le sommet, le taux d’intérêt de la dette grecque a explosé à 12,8 % (contre 3,2 % pour l’Allemagne). Donc, ce qui est recherché à travers ce mécanisme est tout simplement d’entretenir les intérêts des actionnaires en organisant pour eux le marché de la dette des Etats européens, voire même de le couvrir d’une protection politique, donc de dégager les actionnaires d’une éventuelle responsabilité publique (sinon politique) en interposant entre eux et les populations un dispositif européen par lequel va transiter en fait l’argent et les ordres du marché financier.

    Tout aussi fondamentalement, l’idée est donc de préparer pour un avenir proche, non pas un MES contrôlé par la Commission, mais un MES boursier supervisé par la commission, une sorte de marché de la dette européenne qui servirait d’intermédiaire entre les actionnaires et les Etats, le tout supervisé de loin par la Commission. Ce serait d’ailleurs cohérent avec la volonté de limiter les budgets publics en général. Ce qui signifie donc que, après avoir institué la subordination des politiques économiques, budgétaires, fiscales et sociales des Etats à l’Union Européenne, le texte prévoit d’instituer la subordination de l’intervention financière de l’Union Européenne aux spéculateurs. Ce n’est quand même pas rien ! D’où l’idée de l’Union Européenne devienne officiellement, sous nos yeux, institutionnellement, un Conseil d’Administration des grands capitaux mondiaux commandant les politiques économiques, budgétaires, fiscales et sociales des Etats.

    Evidemment, dans toute cette mécanique, il y a un problème. LEUR problème, c’est NOUS, nous la population, nous les salariés, nous les privés d’emploi, nous le peuple !

    Vous n’êtes pas encore convaincu ? Alors rendez-vous dans l’épisode 18 pour détailler la procédure politique européenne dite du « Semestre Européen »

     

    Pacte pour l’euro un FMI européen ( 18 )

     

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

     

    Episode 18 : le « Semestre Européen »

    Il s’agit d’un processus de coordination des politiques économiques et budgétaires des états de la zone euro. Le but de ce processus est de s’assurer que chaque Etat adopte une politique budgétaire, fiscale, sociale suffisamment conforme aux différents principes dominants, dont les plus importants sont énumérés dans le Pacte pour l’Euro.

    Mais une coordination existait déjà.  Les travaux de coordination se faisaient en novembre, donc sur la base des budgets déjà votés par les parlements (votes qui ont lieu entre septembre et octobre), et procédaient à un bilan de l’année écoulé, et à une réflexion prospective sur 3 ans.

    L’originalité du « Semestre Européen » est double :

    -le processus de coordination doit se faire AVANT les débats parlementaires nationaux

    -il est le premier processus à s’appuyer sur le Pacte pour l’Euro, sans oublier le pacte de stabilité et la stratégie Europe 2020.

    Ce processus a été proposé par la Commission en mai et juin 2010. Il a été mise en place dès 2011. Je ne sais pas si c’est le record de rapidité, mais ça ne doit pas en être loin. Comme quoi ça doit être important.

    Le « Semestre Européen » est un calendrier annuel, dont voici la teneur :

    -janvier : publication de l’examen annuel de croissance, sorte de base commune d’analyse macroéconomique débattue au Parlement et au Conseil.

    -mars : énoncé par le Conseil Européen des orientations stratégiques à suivre dans tous les pays.

    -avril : sur la base de ces orientations, les Etats membres présentent leur stratégie budgétaire ainsi que leurs projets de réforme touchant l’emploi, la recherche, l’énergie, l’innovation ou l’inclusion sociale (liste non exhaustive).

    -juillet : la Commission qui aura évalué les projets nationaux formule des orientations spécifiques à chaque pays. Les critères de cette évaluation sont : « réalisme macro-économique », « consolidation fiscale », « compétitivité » ou « déséquilibres budgétaires ».

    C’est au terme de ce processus qui s’étend de janvier à juillet que les projets de budgets sont présentés à l’automne devant les parlements nationaux. Evidemment, aucune limite n’est fixée à la manière dont la Commission formulera ces orientations pour chaque pays. Rappelons-nous cependant que dans le Pacte pour l’Euro, l’Union Européenne se donne le droit de sanctionner un pays avant qu’il ne dépasse les critères de Maastricht. On imagine donc aisément que les avertissements seront donnés au moment du semestre européen, ce qui signifie que les parlements se verront soumettre des projets de budgets sous menace, voire carrément condamnés à l’avance.

    C’est dans ce contexte que la documentation officielle peut se permettre de préciser : « le nouveau cadre ne représente en rien une limite à la souveraineté des parlements nationaux ». C’est tout à fait probant de ce que l’Union Européenne fait de la notion de souveraineté.

    Voila comment l’Union Européenne compte canaliser les débats dans les différents pays de la zone euro. C’est clair, non ?

     

     


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