• Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 11,12 et 13)

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 11 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 11 : « Promouvoir l’emploi » 1ère partie : mobilisation générale pour le Capital

    « Le bon fonctionnement du marché du travail constitue un facteur déterminant de la compétitivité de la zone euro ». Toujours la compétitivité, au cas où on n’aurait pas compris. Comme indicateur de bon fonctionnement de ce marché, le texte préconise : « taux de chômage de longue durée et de chômage des jeunes, et taux de participation au marché du travail. ».

    On notera d’abord qu’il ne s’agit pas du taux de chômage en général, mais du taux de chômage des jeunes et de longue durée. Certes, ce sont des problèmes qui méritent une attention particulière. Mais ne pas mettre en valeur le taux de chômage global dans la partie du texte qui traite du marché du travail en général, cela attire l’attention. Nous sommes donc prévenus : si le déficit budgétaire dépasse 3%, ou si la dette publique dépasse 60% du PIB, voire si rien que la tendance dans un pays fait craindre un dépassement à terme, c’est la sanction immédiate. Par contre, nul objectif chiffré en matière de chômage. Cela s’appelle considérer l’emploi comme la variable d’ajustement de la compétitivité du capital. Armée de réserve, Garde à Vous !

    La dernière partie de la phrase aussi est intéressante, mais pour bien la comprendre, il faut faire un petit rappel. Parmi la population en âge de travailler, il y a :

    Groupe 1 : la « population active », qui est la somme des personnes ayant une activité professionnelle ET des personnes en recherche d’emploi.

    Ce groupe 1 contient le sous-groupe A des personnes ayant une activité professionnelle rémunérée, et le sous-groupe B des personnes en recherche d’emploi.

    Groupe 2 : Les autres personnes, qui ne sont donc répertoriées ni comme ayant une activité rémunérée, ni comme en recherche d’emploi.

    Le « taux de participation au marché du travail » est le rapport entre le nombre de personnes dans le premier groupe et le nombre de personnes en âge de travailler, soit Groupe 1 divisé par le total Groupe 1 + Groupe 2.

    C’est donc tout à fait différent du taux d’emploi, qui est lui directement lié au taux de chômage (lorsque le taux de chômage est de 10%, le taux d’emploi est de 90%). En effet, le taux d’emploi est le rapport, à l’intérieur du groupe 1, « sous groupe A divisé par le total sous-groupe A + sous-groupe B », c’est-à-dire « sous-groupe A divisé par groupe 1 ». Les personnes du groupe 2 ne comptent pas dans le calcul du taux de chômage, ou du taux d’emploi.

    Ce que le texte dit, c’est donc que la priorité est, non pas la diminution du taux de chômage, mais la diminution du nombre de personne qui n’ont aucune activité professionnelle rémunérée. D’autre part, par l’expression « marché du travail », cette population est surtout appelée à se salarier. Ce qui signifie que le capitalisme estime qu’il existe en Europe une force de travail non disponible pour le marché qu’il va s’agir de capter rapidement (Vive la liberté !), tout en ne donnant aucun objectif chiffré en matière de chômage. Autrement dit, ce texte professe la captation par le marché du travail d’une armée de réserve sans aucune garantie sur les conditions d’embauche, pire, en négligeant sciemment de donner le moindre objectif en matière de taux de chômage. Le sous-entendu est donc la précarisation, autrement appelé dans la suite de cet œuvre la « flexisécurité » (voir épisode suivant, n°12)

    On attend impatiemment quelles mesures pratique le texte préconise pour arriver à ce résultat admirable. Vivement l’épisode 12 !

     

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 12 )

     

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 12 : « Promouvoir l’emploi » 2ème partie : tout ça pour ça !

    Nous sommes en 2011, que diable. Les entrepreneurs qui nous gouvernent vont nous surprendre, innover, révolutionner ! Et bien non. En guise de mesures pratiques, nous avons la litanie classique ruminée et prédigérée depuis des années, mais qui évidemment prend de l’ampleur dans un texte programmatique aussi cohérent.

    Première citation : « Favoriser la flexisécurité, accroître la participation au marché du travail, réduire le travail non déclaré ».

    Où est donc répétée la nécessité d’augmenter le taux de participation au marché du travail, cela nous aide à faire le lien avec l’épisode 11. Mais on trouve aussi la flexisécurité. On peut rappeler qu’il s’agit de ne rien changer aux principes capitalistes et financiers qui déterminent les licenciements et l’embauche (en fait de les encourager au nom de la compétitivité), donc de masquer les causes réelles du chômage, de manière à faire peser sur les salariés et les politiques publiques les responsabilités de chômage. Le principe de base de la flexisécurité, c’est l’employabilité comme facteur déterminant du chômage. Salariés pas assez mobiles, Pôle Emploi incapable de lier offre et demande, droit du travail trop rigide, indemnités chômage trop importantes font partie du diagnostic de base pour élaborer une bonne recette de flexisécurité.

    Autrement dit, la flexisécurité est un marché du sous-emploi, conséquence de la liberté totale donnée au capital, et huilée par le non-droit collectif. Autrement dit, c’est l’exact négatif de la Sécurité Sociale du Travail, mais ceci est un autre débat, ou plutôt justifierait un développement spécifique.

    La fléxisécurité fait donc partie intégrante de la régression générale des conditions de vie. Dans ce contexte, on se demande ce que signifie « réduire le travail non déclaré », qui devrait être nécessaire précisément pour protéger les droits des salariés (et aussi pour améliorer les rentrées fiscales), alors que le texte ne cessent de vouloir détruire ces droits. Et bien, à mon avis, la réponse est que la réduction  du travail non déclarée se fera, non pas en obligeant les patrons fraudeurs à se conformer au droit du travail, mais à adapter le droit du travail pour le conformer au pouvoir absolu du patronat fraudeur. Autrement dit, pour réduire le travail non déclaré tout en « diminuant les lourdeurs administratives, et en améliorant le cadre législatif » (voir épisode 10), il suffit de rendre licite au moins en partie les pratiques du patronat fraudeur, et le tour est joué.

    C’est un peu le même principe de retournement que pour le Droit Au Logement (voir l’article sur ce blog), ou lorsque certains prétendent donner « la liberté de choisir l’âge de départ à le retraite » sans rien changer fondamentalement aux conditions de répartition de la valeur ajoutée, c’est-à-dire sans toucher à la liberté du capital qui a la force pour elle.

    Dans le cas du droit du travail, évidemment, cela sera plus facile en s’allégeant du poids des organisations syndicales dans les négociations salariales (voir aussi l’épisode 10), ou en détruisant l’Inspection du Travail et la Médecine du Travail, œuvre en cours depuis maintenant plusieurs années.

    -« l’éducation et la formation tout au long de la vie; »

    On ne peut que se féliciter de l’évocation de l’éducation et de la formation. De là à se féliciter de ce qui en est dit (c’est-à-dire rien), et de là à se féliciter que cela soit dans un texte qui prêche ouvertement la privatisation ainsi que la subordination de l’éducation à la performance du marché du travail et à la compétitivité, il y a un gouffre infranchissable.

    Il existe donc une priorité au-dessus de l’emploi considéré comme condition de vie des hommes. Or, quelle est la priorité des priorités de ce texte ? La compétitivité. Conclusion : compétitivité = accumulation du capital au détriment de l’emploi. Non qu’on pouvait en douter, mais encore une fois, la nouveauté de ce texte tient aussi dans son degré d’avancement vers l’institutionnalisation de ces principes, et donc dans les barrières politiques auxquelles ils s’attaquent.

    La suite et la fin du paragraphe « promouvoir l’emploi » concerne la fiscalité. Cela mérite un épisode spécifique. A suivre…

     

    Pacte pour l’euro : un FMI européen ( 13 )

    Comment la Commission Européenne est en train de faire un FMI européen.

    Épisode 13 : « Promouvoir l’emploi » 3ème partie : alléger le poids pesant des charges

    Voici donc la classique intervention sur les « charges ». Citons : « réduction des charges fiscales pesant sur le travail, afin de rendre le travail financièrement attrayant tout en préservant le niveau global des recettes fiscales, et les mesures destinées à faciliter la participation au marché du travail des personnes assurant une seconde source de revenus »

    Première chose : quelles sont les charges « fiscales » évoquées ici, qui « pèsent sur le travail » ? CSG, CRDS en France ? Cotisations sociale dans leur ensemble, mais qui ne sont pas en France des charges fiscales proprement dit ? Probablement le tout, qualifié de « fiscal » pour que tout le monde s’y retrouve, voire pour suggérer la fiscalisation de la protection sociale, ce qui serait là encore particulièrement habile pour s’assurer le concours d’une certaine gauche.

    Deuxième chose : cette phrase sous-entend que si les salaires sont insuffisants, c’est à cause de la fiscalité. C’est d’autant plus scandaleux d’écrire ça quand on a développé quelques lignes auparavant toute une théorie visant à prôner la baisse des salaires pour renforcer la compétitivité. Autrement dit, le texte explique que la compétitivité nécessite de limiter les salaires, pour ensuite expliquer que s’ils sont trop bas, c’est à cause des cotisations sociales ou de la fiscalité. Contradictoire ? Meuuuu non. Voici la logique :

    1-Parce que je suis compétitif, je baisse le salaire que, moi patron, je paie, et qui contient les cotisations patronales et le salaire brut.

    2-Il reste donc au salarié un salaire brut en baisse, sur lequel seront prélevées les cotisations.

    3-Après cotisation, il reste au salarié un net minable.

    Conclusion : il faut supprimer l’étape 2, ou les cotisations dans l’étape 1 en priant pour que cela suffise pour la compétitivité. Logique, non ? Oui. Tout pour l’accumulation du capital.

    Évidemment, le texte nie totalement que les cotisations et la fiscalité sont des revenus dus aux salariés parce que ce sont eux qui produisent les richesses à l’origine de ces cotisations et de cette fiscalité, et que ces revenus servent à la solidarité et au budget de l’état, donc à la population, mais aussi au patronat (équipement…). Ce texte ment aux salariés comme un capitaliste. Et comment va-t-on se soigner quand les cotisations auront  disparues ? Rassurez-vous, d’autres capitalistes sont là pour vous « assurer ». Voila donc résumé comment l’emploi, les salaires, et les retraites seront pour les mille ans à venir les variables d’ajustement de l’accumulation du capital. Quand je dis mille ans, c’est une façon de dire leur ambition, pas un pronostic.

    Troisième chose très importante dans ce paragraphe : réduction des charges fiscales tout en préservant le niveau global des recettes fiscales. Comment réussir cela ? Un des moyens, c’est la TVA « sociale », c’est-à-dire le remplacement des cotisations par une TVA. Autrement dit, on protège le capital au moment de payer les salaires à la fois en diminuant les cotisations et en imposant la maîtrise des salaires bruts, et pour ne pas augmenter les déficits publics, on se récupère sur les salaires nets par une nouvelle TVA. Double peine au moins, avec dans l’ordre, moins de protection sociale (superbrut et brut), et une nouvelle taxe sur les salaires nets, avec en prime la fiscalisation de la protection sociale, facilitée par la mise à l’écart des syndicats dans les négociations. Double ? Non, pire, car il y a aussi la volonté de sacrifier l’action publique, c’est-à-dire les services publics, l’investissement public dans le logement par exemple. C’est multiple peine. « Leurs capitaux le valent bien… »

    Dernière chose dans ce paragraphe : « mesures destinées à faciliter la participation au marché du travail des personnes assurant une seconde source de revenus. »

    Alors là, on est dans un petit flou intéressant : faut-il entendre seconde source de revenu pour l’individu, comprendre faciliter l’accession à un second emploi, ou faut-il entendre seconde source de revenu pour le ménage quand il est composé de plus d’un adulte ? Dans le premier cas, on est dans l’implacable logique sarkozienne du « travailler plus pour gagner plus » quand les salaires sont minables, inutile d’insister. Dans le second cas, on est dans la logique du texte concernant l’emploi : augmenter le taux de participation au marché du travail. Mais qu’est ce qu’on qualifie de « seconde source de revenu » ? Serait-ce une attaque sournoise contre le statut des femmes, qui reviendrait ainsi au rang de travailleuse d’appoint ? A creuser.

    Cette partie était donc abusivement intitulée « promouvoir l’emploi ». On pourrait remarquer cependant qu’en période de chômage, « développer l’emploi » aurait été plus « attractif », mais aurait été un plus gros mensonge encore, d’autant que le chômage global n’est pas un problème dans le Pacte pour l’Euro, au contraire des salaires, qui eux, constituent LE véritable problème pour la compétitivité. Souvenez-vous des épisodes consacrés à la compétitivité, d’où on concluait que dans l’équation « compétitivité = productivité divisé par salaire », il était surtout question des salaires. Cette conclusion est plus que confirmée par ce paragraphe sur l’emploi dont nous avons fait le tour.

    Nous avons vu aussi dans cette partie qu’on commençait à parler des finances publiques à travers les retombées du « bon fonctionnement » du marché du travail. L’épisode 14 va nous en dire plus à ce sujet.

     


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