• Troisième jour de manifestation au Bangladesh

    Monde - le 23 Septembre 2013

    Manifestation monstre au Bangladesh pour un salaire minimum

    Des centaines de milliers d'ouvriers du textile du Bangladesh ont déversé leur colère dans la rue lundi, au troisème jour de leur mouvement, afin d'obtenir un salaire minimum de 100 dollars par mois, cinq mois après un dramatique accident industriel.

    La police de Gazipur, près de la capitale Dacca, où plusieurs centaines d'usines textiles sont implantées, a compté jusqu'à 200.000 manifestants. Les manifestations contre les faibles salaires et les mauvaises conditions de travail ont secoué le secteur de l'habillement du Bangladesh depuis l'effondrement en avril du Rana Plaza, qui a tué plus de 1.100 personnes. Un dirigeant syndical, Shahidul Islam Sabuj, a prévenu que les manifestations pourraient se prolonger tant que les salaires ne sont pas augmentés. "100 dollars c'est le minimum que nous demandons. Un ouvrier a besoin de bien plus pour pouvoir vivre décemment", a-t-il dit à l'AFP. "Les prix de toutes les denrées principales ont augmenté mais nos paies n'ont pas bougé depuis des années", a déclaré l'un des manifestants.

    Des milliers d'entre eux, bâtons à la main, ont bloqué les routes reliant la capitale Dacca au nord et à l'ouest du pays, interrompant la circulation pendant plusieurs heures. Le vice-président de l'association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh rapporte qu'au moins deux usines ont été incendiées dans le faubourg de Savar, où l'immeuble s'est effondré. La police fait état d'affrontements entre les ouvriers manifestants et les forces de sécurité.

    Blocage du patronat

    Les ouvriers de ces usines de confection ont de quoi être en colère. Les propriétaires d'usine ont rejeté la demande formulée par les syndicats d'établir un salaire mensuel minimum de 8.114 taka (100 dollars US)  , affirmant qu'ils pouvaient augmenter les salaires de seulement 20% à 3.600 taka, en raison de la conjoncture économique mondiale morose. Or, le Bangladesh reste le deuxième exportateur de vêtements au monde, fournissant notamment des grands noms tels que l'américain Walmart, le français Carrefour ou encore le suédois H&M. Pilier de l'économie, le secteur avec ses 4.500 usines représente 80% des exportations annuelles s'élevant à 27 milliards de dollars. Mais la grande majorité des 3 millions de travailleurs ne gagnent qu'un salaire de base mensuel de 3.000 taka (38 dollars américains) -soit un des plus bas au monde- suite à un accord tripartite entre les syndicats, le gouvernement et les fabricants signé en août 2010. Le groupe de travail mis en place par le gouvernement pour examiner les salaires se trouve donc dans l'impasse.


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  • Syrie : pourquoi la guerre et pourquoi maintenant ?

    Ali Akika

    Les grands évènements de l’histoire, comme la chute des empires ou l’émergence de nouvelles puissances, ne résultent pas de petits accidents, ils sont plutôt engendrés par les volcans dont la grande histoire a le secret. Ainsi, ce n’est pas un hasard si la chute de Grenade (1492) a eu lieu au moment de la découverte de l’Amérique (1492). Ce n’est pas non plus un hasard si c’est un Italien, Christophe Colomb (du pays de la Renaissance en Europe) qui fut armé par la puissante Espagne pour aller à la découverte du nouveau monde.

    Ces deux faits historiques nous ont fait assister à la naissance d’un nouveau mode de production, le capitalisme qui ouvre de nouveaux horizons balayant tout sur son passage par le feu et le fer. Les Indiens et les esclaves africains en savent quelque chose. Mais l’empire « arabo-musulman », stagnant dans le mode de production féodal avec son cortège de déchirures internes, va lui aussi en faire les frais et connaître son crépuscule (voir Ibn Khaldoun sur la décadence des sociétés). Les évènements auxquels nous assistons aujourd’hui dans le monde arabe sont aussi les produits de bouleversements de même nature que ceux que nous venons de décrire. Il faut bien entendu tenir compte de certaines particularités, fruits elles-mêmes du temps qui passe.

    Quels sont ces bouleversements de notre époque ?

    1) La mondialisation, nouvelle étape qualitative du capitalisme.
    2) La défaite militaire américaine en Asie face à la Chine (Corée) et au Vietnam ainsi que sa défaite morale et politique en Irak, Afghanistan….
    3) La chute du Mur de Berlin et l’implosion de l’URSS.
    4) Entrée en scène de pays dit émergents.
    5) Entrée fracassante de l’islamisme politique sur la scène mondiale.

    Le déclin des Etats-Unis, suite à leurs aventures militaro-impérialistes et l’implosion de l’URSS introduisent de nouveaux paramètres dans les relations internationales.

    Comment ces nouvelles données vont-elles « s’investir » dans le monde arabe ? Une des données, la mondialisation va être dévastatrice pour les sociétés de ce monde là. Pays vivant pour la plupart d’entre eux essentiellement de la rente pétrolière ou du tourisme, important 80% de leurs besoins, soumis à des régimes politiques où la démocratie est une denrée rare sinon une obscénité, cadenassés par un conservatisme mortifère et/ou infantilisant, la mondialisation est vécue à la fois comme un paradis fantasmé et un enfer redouté. La chute des deux superpuissances va fragiliser tous ces pays. Il y aura les orphelins comme Saddam Hussein et Kadhafi abandonnés par la Russie encore malade de l’éclatement de l’URSS et des frasques de son guignol Eltsine. Les roitelets et autres princes d’opérette se jetteront carrément dans le lit des Etats-Unis, incapables de défendre leurs frontières et paralysés par la peur panique de leurs peuples. Incapables de mettre sur pied une économie productrice de vraies richesses, allergiques aux progrès et à la démocratie, ne comprenant rien à la mondialisation et donc malmenés par celle-ci, ces pays se vidèrent de leur substance intellectuelle tout en abandonnant leurs populations à la misère et à des lendemains sans une once d’espoir. A cela, il faut ajouter le vide idéologique qui a été favorisé par le bouleversement des retombées de la mondialisation. Ce vide fut vite rempli par l’islamisme politique qui s’empressa d’occuper l’espace. Cette occupation de l’espace politique était d’autant plus facile que la démocratie vantée par l’Occident agit comme un épouvantail. Il ne faut pas oublier que cet Occident, hier prix Nobel des guerres coloniales et aujourd’hui voulant introduire « sa démocratie » dans ses chars accompagnés de missiles tirés à bonne distance « dans la plus belle tradition chevaleresque », n’a pas bonne presse. Ces leçons, ces mensonges, son hypocrisie et son arrogance dans tous les conflits qui saccagent le monde arabe l’ont disqualifié. Son aveuglement et ses préjugés lui font perdre la notion et de la réalité et de la justice. Ainsi, la France menace directement et militairement la Syrie, et quand le président de ce pays affirme que cette éventuelle agression ne restera pas sans réponse, il devient l’agresseur. Quand une députée du parti des Verts dit naïvement qu’elle fait confiance aux services secrets de son pays qui ont conclu à l’utilisation des gaz par la Syrie, on reste bouche bée. Cette naïve députée ne sait-elle pas que la raison d’être des services secrets est de fabriquer n’importe quoi pour déstabiliser l’ennemi. Ne sait-elle pas que tous les pays, à commencer par le sien, fabriquent des preuves. Par exemple contre les Irlandais de Vincennes, contre le bateau de Green Peace (vert comme elle) qu’ils ont fait sauter en Nouvelle-Zélande sans parler des exploits de la Main rouge pendant la guerre d’Algérie. Dans quelle misère est tombée cette classe politique !

    Quant à l’autre idéologie, le marxisme, elle connaît, c’est le moins qu’on puisse dire, une hibernation, suite, entre autres, aux échecs de l’URSS et à l’introduction d’un capitalisme sauvage en Chine avec la bénédiction du Parti communiste chinois. En résumé, nous assistons dans le monde arabe, comme à l’époque de l’Andalousie, à un face-à-face entre un capitalisme mondialisé et des sociétés à la fois fragilisées et traversées par une dynamique de luttes politiques. Dans ce face-à-face, les acteurs remplissent chacun de son côté leur rôle. Les peuples se révoltent sans demander la permission à personne pour se donner de l’oxygène et échapper à l’indignité de la misère. Le capitalisme mondialisé ne peut renoncer à ses tendances « naturelles » à savoir élargir ses territoires où il peut accaparer les richesses et déverser ses gadgets à bon marché. J’ouvre ici une parenthèse pour me débarquer des idéologues qui sévissent ici et là. En Europe, pour cacher les méfaits criminels de la mondialisation, on veut faire croire que les interventions extérieures se font pour favoriser et établir la démocratie. Chez nous, certains nous disent que les soulèvements populaires ne sont que le fruit des manipulations de puissances étrangères. Hier, l’Occident nous bassinait avec les guerres de libération qui seraient téléguidées par la main de Moscou. Aujourd’hui, des timorés chez nous voient la main de la CIA derrière les soulèvements comme si tous les peuples arabes étaient de simples marionnettes.*

    Ce genre de lectures réductrices des faits historiques brouillent les données et nous empêchent de comprendre l’histoire en train de se faire. Par honnêteté et rigueur intellectuelles, je me fonde uniquement sur des faits concrets et historiques que tout un chacun peut connaître et dont il peut « contrôler » la pertinence de leur place dans l’analyse que je propose.

    Les guerres donc « chez nous » se déroulent dans un champ occupé essentiellement par deux acteurs politiques locaux, à savoir le nationalisme (et la démocratie) et l’islamisme sous toutes leurs formes.

    L’issue de cette bataille intéresse évidemment les puissances étrangères qui possèdent de gros intérêts dans la région. Mais ce champ de bataille est ouvert à tous les vents, et ces vents là drainent derrière eux des puissances étrangères dominatrices. Et ces mêmes vents de la mondialisation introduisent des paramètres économiques, sociaux et culturels qui modifient les équilibres traditionnels de toutes les sociétés.

    Comme des puissances bien installées dans « nos » régions veulent maintenir le statu quo pour continuer à siphonner le pétrole de la région et protéger Israël, leur enfant chéri, ils élaborent leurs stratégies et fourbissent leurs armes pour influer sur le cours des événements. Se pose à eux un dilemme cornélien. Quels sont les acteurs du champ politique avec lesquels ils peuvent s’entendre ? Leur dilemme cornélien est en réalité de façade ; en réalité, ils ont fait leur choix, ça sera l’islamisme. Car ils pressentent que la dynamique de la mondialisation a plus de chance de servir les forces démocratiques. La mondialisation en effet a tous les défauts, y compris celui de briser les racines féodales de l’économie et de la culture. Ces « défauts » sont un danger pour leurs protégés, ces princes d’opérette qui se satisfont d’acheter des clubs de footballs. L’Occident a fait l’expérience des forces populaires (hier l’Iran de Mossadegh, et aujourd’hui le Venezuela qui ont nationalisé leur pétrole). Il sait que ces forces populaires d’aujourd’hui ne braderont pas les richesses du pays et trouveront des alliés (qui ont manqué à Mossadegh) parmi les pays émergents qui ont connu la domination coloniale ou tout simplement les affres du sous-développement (voir Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Argentine etc). En revanche, avec les islamistes, ces puissances occidentales avec leur légendaire pragmatisme, trouvent toujours un modus vivendi(**). Cet arrangement est d’autant plus facile à trouver que les islamistes sont des partisans zélés de l’économie du marché et adeptes d’un conservatisme à toute épreuve. Marché et conservatisme ne sont-ils pas les deux mamelles des sociétés dites libérales ?

    Il faut donc cerner la dynamique propre à tous les acteurs de l’histoire pour mieux saisir les liens qu’ils entretiennent entre eux. Il ne faut pas commettre l’erreur qui détourne de l’identification du facteur qui régit tel ou tel phénomène.

    L’histoire nous enseigne que tous les phénomènes sociaux réagissent d’abord à leurs contradictions internes.

    Le facteur extérieur peut intervenir pour jouer un certain rôle sur les dits phénomènes mais, sur le long terme, les contradictions internes reprennent le dessus. Les chars de Bush, une fois partis d’Irak, les vieilles et solides contradictions de ce pays s’en donnent à cœur joie. La France et ses 132 ans de présence dans notre pays a repris le chemin du retour et nous nous débattons aujourd’hui avec nos contradictions (culture féodale, tribalisme, bigoteries et intolérance religieuse etc.).

    Pour rester dans les bouleversements dans le monde arabe, nous avons vu que les Occidentaux, pris au dépourvu en Tunisie et en Égypte, ont pris le train en marche. Comme ils ne pouvaient pas arrêter le mouvement enclenché, ils se sont appuyés sur leurs « alliances internes » pour accompagner les évènements en sacrifiant les Ben Ali et autres Moubarak. Ceux-ci n’étaient plus des agents sérieux sur lesquels ils pouvaient compter. En revanche, ils se sont cassé les dents en Iran lors de l’agitation qui a suivi l’élection de Ahmadinejad et aujourd’hui en Syrie où ils connaissant un fiasco diplomatique. Ils essaient mais ne peuvent modifier de l’extérieur les données internes de ces sociétés qui ont des ressources pour résister.

    Ces quelques repères conceptuels et politiques nous éclairent sur les attitudes des pays arabes face à la mondialisation et leurs rapports avec l’Occident. Cet éclairage nous permet de mieux saisir les différences entre les processus qui se déroulent en Tunisie, en Égypte, douloureux certes, mais sans commune mesure avec le carnage en Syrie qui se fait avec la bénédiction de pays arabes valets des Occidentaux. Il est visible que ce carnage est dû à la position de la Syrie sur l’échiquier de la région. La Syrie, ami de l’Iran, bête noire de l’Arabie et ennemi irréductible d’Israël, constitue un obstacle fort gênant pour les rêves fous de ces pays qui fondent leur identité et leur histoire sur la religion. Il faut donc donner la place qu’il mérite à chaque paramètre.

    Il faut comprendre pourquoi tel paramètre est opératoire ici et impuissant ailleurs. Il faut comprendre pourquoi de tels facteurs se combinent et que la mayonnaise finit par prendre. Enfin, pourquoi des facteurs internes se conjuguent avec des éléments externes dans un pays et pas dans un autre.

    Pourquoi la guerre maintenant ?

    Une guerre ne se déclenche pas sur un coup de tête, elle n’est déclenchée que lorsque des intérêts des pays sont menacés, quand des puissances se lancent dans une aventure qui peut rapporter gros comme on dit vulgairement. Les guerres ininterrompues depuis la première guerre du Golfe en 1991 sont le produit de cet ouragan appelé « mondialisation ».

    Chaque acteur de la scène du Moyen-Orient noue des alliances dans la région. Les uns pour se protéger, les autres pour maintenir leurs intérêts convoités par d’autres. Tant qu’un équilibre n’est pas trouvé entre les nouvelles puissances et les anciennes qui ne veulent rien lâcher de leurs privilèges, les guerres semblent être le nouvel horizon dans cette région du monde. Hier, c’est le pauvre Irak en train de se fortifier qui a été perçu comme un danger. Aujourd’hui, le « méchant » Iran cherche à se développer jusqu’à construire une industrie du nucléaire. Et ça fait peur à qui ? Tiens tiens ! A l’Arabie Saoudite et Israël. Et comme on ne peut pas surprendre l’Iran comme le naïf Saddam Hussein, on commence par le couper de ses alliés du coin, l’isoler pour mieux le défaire. Et la pauvre Syrie paie pour que les sentinelles de l’obscurantisme, l’Arabie Saoudite et Israël atteignent leurs objectifs. Mais pour toutes ces puissances qui s’agitent, les aventures guerrières aujourd’hui sont plus risquées. Poutine n’est pas Eltsine, et les Iraniens ne sont-ils pas les inventeurs du jeu d’échec qui comporte comme on le sait d’infinies combinaisons possibles. Mais surtout les peuples du monde arabe sont sortis et n’évacueront plus les places publiques. Après moult sacrifices, ces peuples finiront par imposer l’équilibre qui leur sied.

    L’Asie a bien imposé le respect à l’arrogant Occident. Cet objectif est à la portée du monde arabe. Ce monde comme l’Asie est l’héritier d’une grande civilisation, il n’y a aucune raison de ne pas parvenir à se faire respecter. Pour cela, il faut avoir en tête le déclin du monde arabe après la chute de Grenade. Cela est possible si on sait « négocier » notre rôle dans la mondialisation et nous en défendre. Si on ouvre les vannes de la connaissance, si on cesse ces rivalités et guéguerres qui se nourrissent des balivernes du tribalisme, du chauvinisme et autre philosophie de Monoprix etc. Si on fait tout ça, les rodomontades du père fouettard F. Hollande qui veut punir un pays dont l’âge se confond avec celui du Temps, ne nous feront pas peur, elles nous feront plutôt rire. Punir, il a sorti ce mot de l’arsenal du vocabulaire religieux du temps où les papes et les rois de droit divin punissaient les récalcitrants qui osaient les défier. Il oublie juste que nous sommes au XXIe siècle. Il devrait se souvenir que le socialisme auquel en principe il adhère est né au XIXe siècle, précisément pour dénoncer et abattre le capitalisme dont il est aujourd’hui le petit soldat et le supplétif du grand frère américain ayant lui-même quelque parenté avec l’Afrique esclavagisée par le même capitalisme.

    Ali Akika
    cinéaste

    *) L’Iran, bien que République islamique, n’a pas au mis au rancart son nationalisme ni oublié sa grandeur depuis Darius.

    **) J’ai écrit ici même des articles sur les bouleversements dans le monde arabe pour ne pas revenir ici par le détail.

    lesoirdalgerie.com

    * http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/09/19/article.php++cs_INTERRO++sid=1543...
    URL de cet article 22548
    http://www.legrandsoir.info/syrie-pourquoi-la-guerre-et-pourquoi-maintenant.html

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    Turquie :: L’humour des manifestants face à la violence d’Erdogan

    Une délégation de Comac, le mouvement de jeunes du PTB, est à Istanbul depuis le 14 juin pour quelques jours afin d’exprimer sa solidarité avec le mouvement populaire en Turquie. Cela fait maintenant près de 3 semaines que les protestations contre Erdogan mobilisent des dizaines de milliers de personnes tous les jours.

     

    Max Vancauwenberge et Nele Van Parys

    Des centaines de tentes et des milliers de gens sont installés dans le parc Gezi, en face de la place Taksim à Istanbul afin de protester contre la politique néolibérale et autoritaire du premier ministre Erdogan. Ce sont surtout des jeunes étudiants ou diplômés.

    Gezi Park forme à présent presque une mini-société basée sur l’entraide. Toilettes et nourriture sont ainsi accessibles gratuitement, mais il y a également une bibliothèque ou un espace de jeux pour enfants qui a été aménagé. Le parc est très grand et l’ambiance conviviale. Les différentes tâches organisationnelles comme le nettoyage ou la cuisine sont remplies à tour de rôle par les gens installés dans le parc.

    Les discussions sur la politique d’Erdogan ont lieu continuellement et des débats improvisés se produisent constamment. Lorsque nous posions des questions à des gens, il est d’ailleurs arrivé que d’autres viennent se joindre à la discussion, au grand désarroi de notre interprète qui devait traduire simultanément les propos de plusieurs personnes en même temps.

    Si le mouvement est très convivial, il est également déterminé et combattif. Nous avons par exemple déjà assisté à plusieurs manifestations spontanées et les gens avec qui nous avons discutés sont pour la plupart catégoriques. « Nous irons jusqu’au bout », nous disaient par exemple Cem et Berkay, deux jeunes étudiants d’une vingtaine d’années. Un autre étudiant, Baturhan, disait que ce mouvement était le premier d’une longue série : « Aujourd’hui, nous avons appris à dire non et à nous lever pour défendre nos libertés démocratiques. Alors peut-être qu’ils arriveront à reprendre le parc bientôt, mais nous apprendrons de nos erreurs. Et demain nous construirons un mouvement encore plus fort et plus large. » Principal grief : l’immixtion d’Erdogan dans leur vie privée, son arrogance, son agressivité et la violence dont il fait preuve envers les manifestants.

    La place de l’humour est très importante dans le mouvement, ce qui peut paraître étonnant vu l’agressivité et la brutalité d’Erdogan. Le nom du mouvement, « çapulcu », fait ainsi directement référence à la manière dont Erdogan avait traité le mouvement à ses débuts en parlant des manifestants comme des « va-nu-pieds ». La masquotte du mouvement, un pingouin, est une manière de se moquer des médias. CNN Turquie avait en effet préféré montrer un documentaire innocent sur les pingouins lors des premiers affrontements avec la police.

    Les « çapulcu » sont très soutenus par la société civile en Turquie. Ainsi, le vendredi 14 juin, nous avons pu assister aux mères venues soutenir leurs enfants à continuer la lutte contre la politique d’Erdogan. Le samedi 15 juin, quelques heures avant l’attaque policière, c’était le DISK, le plus important syndicat ouvrier du pays, qui était venu les soutenir.

    Nous étions dans les locaux du Part Communiste de la Turquie, le TKP, à une rue seulement de la place Taksim, lorsque la police a attaqué les manifestants et les a chassés du parc. La brutalité de la répression fut grande : gaz lacrymogène et auto-pompes furent utilisés sans modération par la police et le campement fut démoli. Rapidement, des milliers de gens ont afflué de partout dans la ville vers le parc pour venir soutenir les manifestants, en chantant Bandiera rossa et Bella ciao. La police les a accueillis à sa manière habituelle, en tirant des capsules de gaz. L’un des membres du TKP fut d’ailleurs atteint à l’œil et emmené à l’hôpital. Un hôtel non loin de là, dont le rez-de-chaussée était transformé en hôpital pour l’occasion, fut également attaqué au gaz par la police. Mais les manifestants, nullement impressionnés par la répression, continuèrent à scander « Taksim est partout, la résistance est partout ». La police les attaqua jusqu’aux petites heures de la nuit.

    http://www.ptb.be


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  • Erdogan devant des milliers de militants de l'AKP samedi à Ankara

    Monde - le 16 Juin 2013

    Turquie : la démonstration de force d’Erdogan

    Les policiers turcs ont évacué samedi soir à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau les manifestants qui occupaient encore le parc Gezi. Dans le même temps, il organise d’impressionnantes démonstrations de forces, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de militants de l’AKP, son parti. Samedi à Ankara, il devrait reproduire le rassemblement ce dimanche à Istanbul.

    Deux heures après un dernier ultimatum d’Erdogan, les forces de l'ordre sont passées à l'action avec violence et détermination.  "Ils sont entrés de force, avec beaucoup de gaz. Ils nous ont frappés, même les femmes", a raconté à l'AFP un des manifestants. "J'étais à l'intérieur de la tente-hôpital (...), ils ont lancé des grenades lacrymogènes et des dizaines de policiers sont entrés".
    La police a poursuivi les manifestants dans toutes les rues environnantes jusque tard dans la nuit, y compris dans le hall d'un hôtel luxueux ou sur les rives du Bosphore, où les forces de l'ordre ont dispersé la foule à l’aide des canons à eau de véhicules antiémeute et de tirs de balles en caoutchouc.
    Plusieurs dizaines de manifestants auraient ainsi été blessés. La coordination des manifestants, baptisée collectif Solidarité Taksim, accuse le gouvernement qui "a transformé le parc Gezi, Istanbul et le pays en zone de guerre". "Cette attaque brutale de la police doit s'arrêter. Le parti au pouvoir sera tenu pour responsable des événements".

    Gouvernement qui se félicite de l’efficace évacuation des manifestants. "J'espère que nous pourrons oublier tout ça, comme un mauvais rêve ou un cauchemar" a dit le vice-Premier ministre Huseyin Celik. Samedi, Erdogan avait lancé un ferme ultimatum aux manifestants, lors d'un discours prononcé devant plusieurs dizaines de milliers de ses partisans réunis dans la banlieue d'Ankara. Un nouveau meeting du genre, véritable démonstration de force de l’AKP, doit se tenir ce dimanche après-midi à Istanbul. "Nous avons une réunion publique demain à Istanbul. Je le dis clairement : si la place Taksim n'est pas évacuée, les forces de sécurité de ce pays sauront comment l'évacuer" avait prévenu samedi Erdogan. "Personne ne peut nous intimider (...) nous ne prenons d'ordre ou d'instruction de personne sauf de dieu".

    Le ton s’affermit dans les deux camps, à mesure que le bilan humain s’alourdit : quatre morts et plus de 7.500 blessés. "Nos revendications dépassent les limites du parc Gezi, à présent, il s'agit d'un mouvement contre le gouvernement", a expliqué à l'AFP une étudiante, avant d'ajouter: "Nous allons continuer et personne ne nous arrêtera". "C'est le point de non-retour", a renchéri un autre manifestant, estimant qu'"il s'agit de défendre la liberté en Turquie". Le principal mot d’ordre est devenu la démission d’Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir islamiser la société turque. Ce dernier, légitimé par sa victoire aux législatives de 2011, promet de l’ordre face aux "pillards" ou d'"extrémistes", comme il qualifie les manifestants.


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  • Le soi-disant miracle économique d’Erdogan

    Manifestations en TurquieIl n’y a pas si longtemps, une grande partie de la presse internationale ne tarissait pas d’éloges sur la Turquie, capable selon elle de produire de la richesse et d’assurer un développement comme peu d’autres pays avaient pu le faire ces dernières années. Hier encore, le modèle turc avait presque valeur d’exemple aux yeux des démocraties européennes touchées par la crise et engluées dans des processus décisionnels européens technocratiques. La Turquie n’a-t-elle pas connu un taux de croissance extrêmement favorable au point de devenir la seizième économie mondiale ?

     

    Les manifestations de la place Taksim et la répression violente de la police ont depuis douché les plus optimistes. Les canons à eau, les gaz lacrymogènes, les blindés envoyés contre la foule rassemblée au parc Gezi et les coupures de réseau Internet ont soudainement éclipsé les bons résultats de l’économie. Les cinq mille blessés et le millier d’arrestations survenus lors des manifestations ont montré le vrai visage du président Erdogan à une opinion internationale jusque-là accaparée par les gratte-ciels qui ont poussé comme des champignons dans les riches quartiers d’Istanbul. Il est vrai qu’aux yeux de certains (la majorité ?), la Turquie avait accompli un petit miracle économique appuyé par des méthodes pour le moins musclées.

     

    Si nous nous contentons d’une analyse superficielle qui englobe l’intégralité du pays en ignorant les Turcs dans leur individualité, M. Erdogan pourrait aisément passer pour un champion du capitalisme moderne. En suivant à la lettre les recommandations du Fonds monétaire international, le président turc a sorti son pays de la crise dans laquelle la Turquie était engluée jusqu’en 2001. En dix ans à peine, son PIB a triplé en valeur et ses exportations ont décuplé. Les infrastructures rivalisent quant à elles avec ce qu’on peut trouver sur la rive nord de la Méditerranée.

     

    Le pays connaissait depuis dans une certaine euphorie. Aux environs de 2040, d’après les prévisionnistes de Goldman Sachs, Ankara ne devait-elle pas dépasser Paris en termes de PIB et se hisser au neuvième rang mondial ? Nageant à contre-courant, de rares observateurs avaient cependant fait remarquer que le fossé ne cessait de se creuser entre les classes sociales les plus aisées et les autres. Dans le barème établi périodiquement par l’OCDE pour mesurer l’inégalité des revenus au sein de ses 34 membres, la Turquie occupe ainsi sans surprise une peu glorieuse troisième place. L’institut turc de la statistique tirait d’ailleurs la sonnette d’alarme quelques mois en arrière : la moitié de la population percevait un salaire inférieur à 230 $ mensuels (données 2008). Quant aux 20 % des ménages les plus riches, ils gagnent huit fois plus (25.894 $ par an) que les 20 % les plus pauvres (3.179 $). Pis, 16 % de la population vivaient en 2011 sous le seuil de pauvreté. Allez parler à ces gens-là de parler de miracle économique…

     

    Mais ce n’est pourtant pas tout. La Turquie occupe un pitoyable 90ème rang dans l’indice de développement humain développé par les Nations-Unies. Rien d’étonnant quand son sait que c’est l’un des pays où les enfants qui travaillent ont le plus gros volume horaire, soit 51 heures par semaine (la Turquie n’occupe que le 132ème rang mondial en matière d’alphabétisation). La seizième économie du monde n’est manifestement pas prête à tenir tête en matière de qualité de vie à des pays comme la Roumanie, l’Albanie, le Costa Rica, le Liban ou Palau.

     

    Ce n’est pas tout. Obéissant à des objectifs à courte vue, la Turquie n’a quasiment pas porté attention à la qualité de son aménagement urbain. Istanbul, littéralement envahie par les hôtels de luxe, des gratte-ciels déprimants et des dizaines de centres commerciaux, en est un bien triste exemple. La capitale turque est devenue la ville européenne avec le plus faible pourcentage d’espace vert. Le dernier espace bucolique du centre-ville était justement le parc Gezi, un des rares lieux de détente et de sociabilisation entre les habitants. Ces derniers ont tenté de le défendre face à la fureur destructrice des bulldozers. Les arbres doivent disparaître pour laisser la place à la reconstruction d’une ancienne caserne qui avait été démolie en 1940. Depuis quelques jours, les manifestations représentent la cristallisation d’un certain ressentiment social, d’une frustration, face à un gouvernement qui utilise des méthodes de plus en plus autoritaires, voire liberticides. Les raisons de se révolter ne manquent pas. Les gens n’ont plus peur. 

    Capitaine Martin

    http://www.resistance-politique.fr/


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    Le soulèvement d’Istanbul, le côté pile de la lutte anticapitaliste
    vendredi, 7 juin 2013 

    Il semblait que le monde était entré dans l’âge des émeutes contre l’austérité. Et puis vint Istanbul. Qu’il n’y ait pas de méprise, Istanbul ne peut pas être confondue avec Athènes, Barcelone, Lisbonne ou New York. Ce qui se passe en Turquie est le côté pile de la lutte anticapitaliste. C’est un soulèvement contre le développement. C’est une bataille de la rue pour des villes qui appartiennent aux gens et pas au capital. C’est une résistance contre un régime autoritaire enhardi par un boom économique.

    Ce qui se déroule sous nos yeux dans les rues d’Istanbul est la convergence entre d’une part, une petite, mais croissante gauche anti-capitaliste qui a organisé diverses campagnes à caractère social ces dernières années, et d’autre part une large part de la population urbaine loyale aux idées kémalistes de modernisme, sécularisme et nationalisme. Cela étant dit, la situation en Turquie est extrêmement complexe et nécessite une compréhension de nombreuses situations politiques différentes qui ont été développées durant la dernière décennie.

    Taksim

    Comme beaucoup le savent déjà, l’origine du soulèvement actuel prend sa source dans la proposition de développement d’un parc près de la place Taksim, au cœur d’Istanbul. Le développement du parc de Gezi est seulement une partie d’un important projet de rénovation urbaine que le premier ministre truc, Recep Tayyip Erdogan, a prévu tant pour la ville que pour le pays tout entier. Il inclut des schémas de gentrification pour les quartiers les plus pauvres des villes comme Tarlabasi, la construction d’un troisième pont pour relier les deux continents qu’Istanbul couvre et même un énorme projet pour ouvrir un troisième canal reliant la Mer noire à la mer Marmara, afin de faciliter le passage de bateaux containers. Ce plan a été dénommé le « projet fou » d’Erdogan.

    Le quartier de Taksim est l’endroit où un grand nombre de projets de développement urbain se développent et où il existe une riche tradition de rébellion et de protestation. Pour placer les événements dans leur contexte, il est utile d’examiner l’importance de la place Taksim comme point de rébellion et de convergence.

    Le 1er mai 1977, un demi-million d’ouvriers et de révolutionnaires affluèrent vers la place Taksim pour l’une des manifestations les plus épiques jamais connues à ce jour. Cette manifestation survint six ans après le sanglant coup d’État au cours duquel trois étudiants turcs révolutionnaires, accusés d’être des ennemis de l’État, furent pendus par un tribunal militaire. Leur mémoire immortalisée, la gauche turque s’est relevée durant les années 70, de l’endroit même où les révolutionnaires avaient été exécutés. Elle l’a fait avec force, et se multipliant en nombre. Durant cette année de manifestations, 34 personnes furent tuées sur la place. Certains furent abattus par ce qu’on pense être des tireurs paramilitaires qui étaient placés sur les toits. D’autres furent abattus dans la panique qui suivit.

    En plus d’être la porte d’entrée sur Beyoglu, la partie culturelle la plus dynamique d’Istanbul, avec sans doute plus de bars et de café au mètre carré que n’importe quelle autre ville d’Europe, la place Taksim porte aussi ce souvenir tragique et particulier depuis le massacre de 1977.

    À chaque premier mai, les émeutes qui ont pris place durant les sept dernières années se sont toutes centrées autour de manifestants essayant de rejoindre la place Taksim. Le premier de ces affrontements s’est produit en 2007, lorsque la gauche turque a voulu célébrer le trentième anniversaire du massacre. L’État l’en a empêché et des militants d’extrême gauche ont répliqué dans les rues avec des cocktails Molotov et des pierres. La situation est restée la même jusqu’il y a deux ans, en 2011, lorsque le gouvernement a finalement reconnu son erreur et a autorisé la gauche à disposer de la place pour ce jour.

    Mais les choses ont évolué depuis deux ans et le gouvernement AKP d’Erdogan a décidé d’introduire un plan important de rénovation urbaine pour Istanbul qui incluait aussi une révision de la place. Prétextant transformer la place en zone piétonnière, le gouvernement d’Erdogan (qui a aussi en charge la municipalité d’Istanbul) a adopté des plans, sans consulter les habitants, pour démanteler des larges parts de Taksim et y construire à la place divers centres commerciaux et autres projets pour les riches. La bataille pour tenir des manifestations sur la place Taksim le 1er mai a donc pris fin cette année alors que le gouvernement a décidé d’utiliser la rénovation de la place comme un prétexte pour empêcher les manifestations qui devaient avoir lieu.

    Le parc de Gezi est le point de mire de la rébellion. Sa démolition a été prévue pour construire à la place la réplique d’une caserne militaire de l’ère ottomane, Topçu Kışlası, qui sera surtout utilisée à des fins commerciales. Ce n’est pas une coïncidence pour le gouvernement AKP et ses racines islamiques : ces casernes étaient à l’origine le lieu d’un important soulèvement islamique en 1909. Ceci se rajoute à la décision d’appeler le troisième pont du nom du sultan Yavuz Selim, tristement célèbre pour avoir assassiné en masse la population alévie d’Anatolie.

    Ceux qui ont défendu le parc de Gezi y sont depuis longtemps. En plus de grands syndicats, beaucoup de participants viennent d’une relativement nouvelle gauche indépendante, avec des générations plus jeunes embrassant des tendances écologiques plus antiautoritaires qui mettent l’accent sur des activismes du genre « droit à la ville ». Elles convergent toutes sous la bannière de la plate-forme Taksim Solidarity dont le principal cheval de bataille est d’empêcher la transformation de la ville en un terrain de jeu capitaliste encore plus élaboré, construit en lieu et place des espaces publics. Ce n’était pas leur première campagne contre la rénovation urbaine. Il y a deux mois, des affrontements ont éclaté entre des cinéastes et la police qui a déployé les gaz et les canons à eau. Les cinéastes essayaient de sauver un célèbre cinéma turc, Emek, condamné à devenir lui aussi un énième centre commercial.

    Il est important de noter que certains des protagonistes qui sont impliqués dans la bataille pour le parc de Gezi sont aussi derrière les manifestations de solidarité avec les immigrés et des actions telles qu’offrir des repas aux immigrés ou organiser des manifestations devant les centres de détentions d’immigrés à Istanbul.

    La bataille pour sauver le parc de Gezi n’était pas portée à la conscience du public turc jusqu’à ce que la police organise des raids deux matins d’affilée les 29 et 30 mai. L’outrage de la brutalité policière a été l’étincelle qui a embrasé le pays tout entier et qui a transformé la bataille en une rébellion nationale contre l’actuel gouvernement.

    Néolibéralisme islamique

    L’AKP, le parti au pouvoir, devrait être observé à la lumière du paysage géopolitique du Moyen-Orient qui est en pleine mutation. Il a des racines fortes dans l’islam politique et perpétue la tradition d’autres partis politiques issus des années 90 qui avaient été réprimés par l’armée, parfois alors qu’ils étaient au pouvoir. En fait, Erdogan lui-même a d’abord été emprisonné pour avoir incité publiquement à une « sédition islamique ». L’aspiration avouée d’Erdogan et de ses cadres est le « projet néoottoman » qui tend à faire de la Turquie la principale puissance économique et politique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les coups de force politique d’Erdogan en Syrie et en Libye doivent être contextualisés avec ces aspirations.

    À la différence de l’Union européenne et des États occidentaux, la Turquie a connu ces dernières années un important boom économique (avec une croissance annuelle de presque 10 %). Bien que le déficit commercial et le taux réel de chômage soient élevés, bien que ce qui restait dans les mains publiques soit bradé au travers de privatisations massives, la crise est contenue en Turquie et le gouvernement actuel a le vent en poupe sur ce plan. C’est ce qui fait de la révolte d’Istanbul une révolte à part. C’est une révolte contre le développement du boom économique, contre les projets destructeurs de rénovation urbaine et l’hyper modernisation des villes. Le soulèvement d’Istanbul illustre le pôle opposé dans la lutte permanente contre le capitalisme, et complète les combats menés contre l’austérité ces dernières années.

    La Turquie a été l’une des premières cibles de la restructuration néolibérale des années 80, durant laquelle le premier ministre Turgut Özal a facilité des privatisations massives portant sur ses usines, ses mines et de manière générale, sur toutes les infrastructures du pays. Le gouvernement AKP, et Erdogan en particulier, a réussi à faire entrer ce régime néolibéral dans le 21e siècle, recouvert d’un populisme islamique. De plus, sur le marché mondial, il a réussi à promouvoir en tant que forces néolibérales les entreprises qui avaient une base islamique. Ceci peut être notamment observé dans le nord de l’Iraq où la majeure source de capitaux est en réalité turque. Nous devrions nous rappeler que le modèle turc a été proposé par les puissances occidentales comme une issue possible pour les soulèvements qui ont marqué les printemps arabes. Grâce aux combats menés ces derniers jours dans les rues de Turquie, ce modèle de néolibéralisme islamique est maintenant remis sérieusement en question.

    Erdogan et la lutte kurde

    Les aspirations d’Erdogan n’ont pas totalement été épargnées par la contestation. Il y a eu des menaces variées contre son régime, notamment de la part d’un cadre de généraux et d’intellectuels qui se voient comme des défenseurs de la Turquie en tant qu’État-nation séculaire. Ils ont envoyé à Erdogan plusieurs signaux d’avertissement ces dernières années. La contre-réaction d’Erdogan la plus significative est survenue lorsqu’il a lancé une opération policière dans plusieurs villes contre une douzaine de membres de l’armée, d’intellectuels et de figures publiques alléguant qu’elles préparaient un coup d’État. Ces opérations de police ont débouché sur des affaires criminelles connues sous le nom d’Ergenekon qui sont toujours en cours. Il est impératif de réaliser tout l’impact de ces arrestations et des procédures judiciaires qui ont suivi. Il s’est produit quelque chose sans précédent dans cette nation qui a connu des coups d’État militaires successifs : les arrestations et les procès d’officiers militaires de haut rang et d’autres personnes ont rencontré des ralliements et des manifestations autour de la Turquie alors que des foules immenses qui se sont trouvées mêlées à la montée de l’AKP ont défendu l’élite de l’ancienne garde séculaire. Ces arrestations et ces emprisonnements expliquent aussi pourquoi il n’y a toujours pas eu de réponse de l’armée turque à la situation actuelle, alors qu’elle est traditionnellement un acteur majeur dans la politique turque.

    La prolifération du sentiment nationaliste turc dans l’actuel soulèvement est une conséquence directe d’événements menés ces dernières années. Les partis de centre gauche nationalistes avaient organisé des « flag-demos » ou des « Rassemblements pour la république » contre l’actuel gouvernement AKP. À ce moment précis de la rébellion, nous sommes donc témoins de l’opportunisme de ces forces politiques qui essaient d’influencer ce qui apparait de loin comme un véritable soulèvement populaire.

    N’importe quelle analyse de l’actuel soulèvement turc doit prendre en considération la relation avec le mouvement kurde de libération. Le point central des politiques turques ces dernières années a été indubitablement la guérilla kurde pour l’autonomie lancée par le PKK en 1978. Au cours des derniers mois, Erdoğgan a effectivement négocié un accord de paix avec le chef du PKK, Abdullah Öcalan, qui a croupi dans une île-prison turque depuis 1999. Erdogan tente de se positionner comme le leader qui a résolu le problème le plus urgent dans le pays. Ça ne lui a pas seulement fourni une carte blanche pour les politiques turques (son régime a brutalement oppressé et emprisonné de nombreux gauchistes et autres figures de l’opposition ces dernières années), mais ça l’a aussi amené à se présenter comme un pacificateur entre deux ethnies. La convergence récemment redynamisée entre une large part de la gauche turque et le mouvement kurde est devenue plus fragile du fait de l’accord conclu par Erdogan. Les gens se demandent toutefois quelle part joue le processus de paix dans ses desseins néoottomans.

    C’est sans doute l’une des principales questions du moment : comment le mouvement dans les rues va-t-il se figer et quel type de relations aura-t-il avec la lutte kurde ? La grande majorité de ceux qui ont initié l’occupation du parc de Gezi et qui ont combattu la vision d’Erdogan sur le développement d’Istanbul sont en totale solidarité avec le peuple kurde. Mais pour les masses qui ont inondé les rues avec des drapeaux turcs, c’est une autre histoire. Au mieux, elles critiquent le fait qu’Erdogan utilise le processus de paix pour renforcer son emprise. Au pire, ce sont des gros racistes qui voient les Kurdes comme des terroristes. Malgré le danger, les récents développements dans la rue sont prometteurs. Des gens rapportent avoir été les témoins de déploiement de drapeaux mêlant l’étendard turc et le portrait d’Ocalan ou de l’imbrication de chants qui d’un côté souligne la fraternité entre les différentes ethnies et de l’autre célèbre l’identité nationale turque.

    L’insidieux conservatisme social

    Le soulèvement contre Erdogan est nourri par un insidieux conservatisme social poussé par l’AKP en vue de cultiver sa base. Ces politiques conservatrices se sont manifestées dans différents domaines : accès coupés à des cliniques d’avortement, contrôle plus strict sur Internet et les communications, restrictions et taxes sur la consommation d’alcool et amplification des vacances islamiques parrainées par l’État. Ces mesures politiques ont rencontré des manifestations soutenues par des milliers de participants qui ont défilé dans les mêmes rues que celles où se concentre l’actuelle rébellion. Elles ont précédé le mécontentement actuel.

    Le style personnel d’Erdogan en tant que premier ministre est un facteur majeur qui influence la colère viscérale observée dans les rues. Dans presque tous ses discours publics, que ce soit dans un rassemblement politique ou lors d’une interview télé, Erdogan attaque, menace et se montre condescendant envers tous les segments sociaux-politiques, excepté le sien. Cela va de l’insulte flagrante au renvoi proféré avec le ton énervé d’un chien enragé de la politique. Ces dernières déclarations durant le soulèvement étaient exemplaires et n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu alors qu’il désignait de manière arrogante les personnes descendues dans la rue comme « une poignée de pillards et d’extrémistes ».

    Le lien crucial entre la politique culturelle conservatrice de l’AKP et sa politique économique néolibérale doit être révélé. De cette manière, la classe moyenne kémaliste qui a massivement participé au soulèvement réalisera qu’elle ne peut pas repousser le conservatisme culturel sans se confronter aux politiques économiques. Si elle réussit, elle pourra être ralliée par les classes plus pauvres qui sont actuellement enclines à soutenir l’AKP sur sa base culturelle.

    Le premier jour de ce soulèvement populaire a été totalement spontané et hors du contrôle de n’importe quel parti politique. Toutes les contradictions, par exemple celle entre la gauche radicale et les nationalistes turques, ont été momentanément mises de côté pour combattre la police et construire des barricades qui permettraient de tenir les places et les boulevards d’Istanbul. Ce qui reste à voir, c’est si oui ou non ces grands espaces publics tels que le parc de Gezi ou la place Taksim seront le théâtre où les contradictions entreront dans un dialogue révolutionnaire pour donner naissance à un mouvement que nul ne pourra arrêter en Turquie.

    Par Ali Bektas le 06/06/2013 Source originale : Counterpunch

    Transmis par Linsay

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7884


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  • Le PC turc analyse les derniers événements en Turquie

    tr}tkp4Sur les derniers événements en Turquie

     

    « Ouvrir une perspective dans les intérêts de la classe ouvrière »

     

    Communiqué du Parti communiste turc

     

    Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    1 – Cela fait plusieurs jours que la Turquie est le théâtre d'un authentique mouvement populaire. Les actions, manifestations qui ont commencé à Istanbul et se sont étendues à toute la Turquie sont autant massives, légitimes qu'historiques. Le plus important, c'est le changement frappant dans l'état d'esprit de notre peuple. La peur et l'apathie ont été surmontées, et le peuple a pris confiance.

     

    2 – Le Parti communiste de Turquie a été partie intégrante du mouvement populaire dès le premier jour et a mobilisé toutes ses forces, essayé de renforcer le caractère prolétarien et révolutionnaire du mouvement, s'efforçant d'apporter une forme de discipline et de maturité, organisant un certain nombre d'actions et de manifestations. Dans le processus, les forces de police ont mené une charge virulente contre le siège de notre parti à Ankara. Dans toute la Turquie, plusieurs membres du parti ont été arrêtés et blessés. Il y a eu même certaines tentatives d'enlèvement de cadres de notre parti. Mais ces provocations contre notre parti ont été mises en échec.

     

    3 – L'accent que nous mettons sur le rôle du TKP ne vise pas à minimiser la nature spontanée du mouvement ou la contribution d'autres acteurs politiques. Au contraire, le TKP insiste bien sur le fait que ce mouvement a une dimension qui va bien au-delà de l'impact de tel acteur politique ou de quelle que forme d'opportunisme politique que ce soit.

     

    4 – L'appel lancé par les masses à la démission du gouvernement est un fait dans ce mouvement. Bien qu'il soit évident qu'une alternative de gauche ne puisse pas être construite « dès maintenant », cette exigence doit être portée haut et fort. Une perspective favorable à la classe ouvrière ne pourra se dessiner qu'en profitant de l'énergie qui sortira de ce moment historique. Le TKP se concentrera sur ce point et dénoncera la véritable portée de fausses alternatives telles que la « formation d'un gouvernement national », qui vont être mises en avant et tromperont les travailleurs en leur faisant croire que la crise pourra être surmontée de cette façon.

     

    5 – Sans aucun doute, les tenants de l'ordre politique tenteront de calmer le peuple, de reprendre le contrôle des événements et y compris essaieront de retourner la situation à leur avantage. Ils pourront obtenir des succès temporaires. Même dans ce cas, le mouvement populaire ne doit pas être une opportunité manquée. Le TKP est prêt pour une phase de lutte obstinée mais intense.

     

    6 – Afin d'agir ensemble, les différentes branches du mouvement socialiste partageant les mêmes objectifs et les mêmes préoccupations doivent prendre immédiatement la mesure de l'émergence de ce mouvement populaire. Le TKP, sans interrompre ses missions et activités quotidiennes, va agir de façon responsable sur cette question et s'efforcer de créer une plate-forme commune sur la base des exigences urgentes ci-dessous.

     

    7 – Afin de mettre en échec les plans du gouvernement visant à diviser le mouvement populaire entre une partie illégitime et l'autre légitime, toutes les forces doivent éviter toute action qui pourrait nuire à la légitimité du mouvement. C'est le pouvoir politique qui attaque. Le peuple doit légitimement se défendre sans tomber dans le piège de la provocation tendu par le gouvernement.

     

    8 – Quand les masses scandent leur slogan « Démission du gouvernement », les négociations limitées à l'avenir du parc Taksim-Gezi n'ont aucun sens. Le gouvernement feint de ne pas comprendre que les vieux équilibres ont été complètement bouleversés et qu'ils ne pourront pas être rétablis. Tout le monde sait que le mouvement populaire n'est pas le produit du seul souci pour les arbres du parc Gezi. La colère du peuple porte sur les projets de rénovation urbaine, la toute-puissance du marché, les interventions envahissantes dans la diversité des modes de vie, l'Atlantisme et la subordination aux États-Unis, les politiques réactionnaires, et l'attitude belliciste vis-à-vis du peuple syrien. L'AKP ne peut pas tromper le peuple turc avec son discours du « Nous planterons plus d'arbres que ceux que nous allons déraciner ».

     

    9 – Il faut nous retrousser les manches, afin de créer une alternative dans les intérêts des travailleurs, il faut que le mouvement se porte sur certaines revendications concrètes. Ces revendications peuvent être actées en cas de démission du gouvernement ou d'Erdogan :

     

    a) Le gouvernement doit annoncer que les projets qui comprennent la démolition du parc Gezi et du Centre culturel Ataturk sont annulés ;

     

    b) Ceux qui ont été placés en garde à vue durant la résistance doivent être libérés et toutes les charges contre eux doivent être abandonnées immédiatement ;

     

    c)Tous les agents de l’État dont les crimes sont avérés par les rapports des commissions formées par le Syndicat des associations du barreau et autres associations d'avocats locales doivent être relevés de leurs fonctions ;

     

    d)Les tentatives de faire obstacle au droit du peuple à obtenir de véritables informations sur les événements doivent cesser immédiatement ;

     

    e)Toutes les interdictions concernant les réunions, manifestations et défilés doivent être levées ;

     

    f)Tous les obstacles de fait ou de droit qui empêchent la participation politique du peuple, y compris le seuil de barrage à 10% et les articles anti-démocratiques de la « loi sur les partis politiques », doivent être supprimés ;

     

    g)Toutes les initiatives qui tentent d'imposer un seul mode de vie à tout le monde doivent cesser ;

     

    10 – Ces revendications urgentes n'affecteront d'aucune manière notre droit et notre devoir consistant à s'opposer au pouvoir politique. La riposte populaire au gouvernement doit être renforcée, et les efforts doivent se concentrer sur l'élaboration d'une véritable alternative sur la scène politique.

     

    11 – Le drapeau turc, avec étoile et croissant, qu'on a tenté d'utiliser pour offrir une couverture aux attaques réactionnaires et chauvines contre les travailleurs, les militants de gauche, les Kurdes après le coup d'Etat militaire fasciste du 12 septembre 1980, est désormais repris des mains des fascistes par le peuple turc et a été remis entre les mains de Deniz Gezmis [NdT : militant révolutionnaire fondateur d'un groupe armé d'extrême-gauche après 1968, axé sur la libération de la Turquie de l'emprise de l'impérialisme américain, il est arrêté puis exécuté en 1972], un drapeau parmi les patriotes turcs.

     

    12 – Le mouvement populaire, depuis le début, n'a cessé de lutter contre la sinistre stratégie consistant à monter une communauté contre une autre en Turquie. Il nous faut maintenir cette attitude, ne cédant aucune place au chauvinisme ou au nationalisme trivial.

     

    13 – En lançant un appel à nos frères et nos sœurs kurdes, nous avons déjà déclaré qu' « il ne peut y avoir aucun accord de paix avec l'AKP ». Il ne peut y avoir aucun accord avec un pouvoir que son propre peuple désavoue, et dont la véritable face a été révélée. Les dirigeants politiques kurdes doivent abandonner « tout espoir d'aller plus loin dans le rapprochement avec l'AKP », et doivent devenir une composante forte d'un mouvement populaire uni, patriotique et éclairé.

     

    14 – Nos citoyens qui ont perdu leurs vies, victimes des forces de police du pouvoir en place, ont sacrifié leurs vies au nom d'une lutte juste et historique. Notre peuple n'oubliera jamais leurs noms, et ceux qui sont responsables de leur mort doivent en payer le prix devant la justice.

    Tous les projets en Turquie sont chamboulés

    Le rédacteur en chef du quotidien soL et membre du Comité Central du Parti Communiste de Turquie, Kemal Okuyan, répond aux questions sur la révolte du parc Gezi qui connaît un franc succès. Okuyan a apporté des éclaircissements aux questions récemment débattues : Où va la Turquie ?, Peut-on parler de révolution ?, Peut-on qualifier les récents événements de Printemps turc ?

    Le Parti communiste de Turquie

     

    S’attendait-on à un mouvement social de cette ampleur ?

    Kemal Okuyan. Personne n’aurait pu prévoir la tournure qu’allaient prendre les événements. Le gouvernement n’aurait pas pu, l’opposition n’aurait pas pu, ni même la gauche. Il existait certes quelques indices laissant penser que la situation atteindrait un stade critique, mais personne n’aurait pu prévoir ce qui est en train de se produire aujourd’hui. C’est important. Le climat politique et idéologique de la Turquie n’est plus le même qu’il y a 4-5 jours. Il n’est pas totalement différent, toutefois il a changé dans une mesure qu’on ne peut sous-estimer.

    Que se cache-t-il derrière le succès et l’ampleur du mouvement ?

    Kemal Okuyan. Il s’agit purement et simplement de l’exacerbation à un degré inimaginable du sentiment d’opposition, voire de haine, vis-à-vis du gouvernement de l'AKP et plus particulièrement vis-à-vis d’Erdoğan. Nous pensions tous le savoir, pourtant nous oubliions une chose, c’est que ce sentiment de haine envers Erdoğan s’est renforcé et intensifié au fur et à mesure qu’Erdoğan a développé son arrogance et a commencé à élargir ses prérogatives. Tayyip Erdoğan est devenu un point de mire, comme peu d’autres le sont devenus avant lui.

    Est-ce aussi simple que cela ? Je veux dire, toute cette affaire se résume-t-elle à un sentiment de rage envers Erdoğan ?

    Kemal Okuyan. Bien sûr que non. Erdoğan n’est qu’un catalyseur avec un effet multiplicateur. Ce que veut le mouvement c’est régler ses comptes avec les tendances et la mentalité qui prévalent au sein de l’AKP… Le premier ministre ne s’est pas rendu compte du sentiment de rage et de haine qu’il a suscité…

    La tendance dominante de l’AKP est le marketisme… Où est le lien ?

    Kemal Okuyan. On ne peut en effet esquiver le débat en se contentant de répondre que tout cela n’est qu’une réaction de la classe moyenne. Car si la réaction de la classe moyenne a atteint un tel niveau en Turquie, il nous faut nous poser d’autres questions. S’il est vrai que la classe moyenne joue un rôle important, il faut savoir qu’il y a également eu une forte mobilisation dans les quartiers ouvriers, en particulier à Istanbul et à Ankara. Si nous ne tenons pas compte de ce que nous savons et proférons des paroles en l’air, nous commettrons des erreurs. Premièrement, la Gauche a durant des années étiqueté de « Turc blanc » ce secteur… Il faut éviter les simplifications excessives. Deuxièmement, il y a la structure de la classe ouvrière en Turquie. Il n’est pas facile d’organiser sur le lieu de travail une masse laborieuse instable, en perpétuel mouvement, et confrontée au chômage. Il est temps de considérer la situation du travailleur avec une logique nouvelle. Des dizaines de milliers de personnes cataloguées de « classe moyenne » ont protesté d’un point de vue anticapitaliste. La raison est que la plupart de ses personnes sont des personnes dont le travail est exploité.

    Est-il approprié de parler de « Printemps turc » ?

    Kemal Okuyan. La référence au « Printemps turc » dans les médias impérialistes est un message adressé à Erdoğan. En réalité, ils sont satisfaits d’Erdoğan et ils n’ont pas l’intention de le remplacer, mais ils lui rappellent ainsi où sont ses limites. Il ne fait aucun doute qu’il est question de révolte populaire. Les gens sont en colère. Ceux qui sous-estiment l’opposition à Erdoğan et à l’AKP feraient bien de revoir leur jugement. Ceux qui pensent que la paix et la démocratisation seront possibles avec Erdoğan devraient faire de même. C’est d’un mouvement social qu’il est question et il ne va pas s’arrêter là. Les derniers événements ont contribué à organiser le mouvement populaire.

    La Gauche turque était-elle prête ?

    Kemal Okuyan. D’une part, il y a le caractère spontané du mouvement. Et d’autre part, le fait qu’en de nombreux endroits les gens réclament la coordination de l’organisation. Si l’on prend en compte l’ampleur des événements, la contribution directe de la gauche organisée est plutôt limitée, toutefois c’est des forces de gauche que dépend la détermination des gens.

    Comment pourrait-on définir la situation ? S’agit-il d’une crise révolutionnaire ?

    Kemal Okuyan. Non, bien sûr. Nous avons affaire à un déchaînement social d’une incroyable puissance, tant en ce qui concerne son étendue que son effet. Mais pour pouvoir parler de crise révolutionnaire, il faut que certains critères marxistes soient réunis. Et nous sommes loin de les avoir réunis, du moins pour l’instant….

    http://www.ptb.be


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  • « Ce n’est pas l’islamisme que les manifestants turcs rejettent, c’est le néolibéralisme »

    « Ce n’est pas l’islamisme que les manifestants turcs rejettent, c’est le néolibéralisme »

    Le 4 juin, Nadeen Shaker interviewait Ozan Tekin pour Ahram online (http://english.ahram.org.eg/). Ozan Tekin est un auteur turc, éditeur du site Marksist.org, « un site d’information turc ancré à gauche ».

     Ahram online (AO) : Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont des rassemblements qui ne réunissaient qu’une poignée de personnes mobilisées contre la destruction d’un parc ont pu se transformer en une vague de manifestations anti-gouvernementales à l’échelle nationale ?

    Ozan Tekin (OT) : Dans la nuit de mardi dernier, une dizaine de militant•e•s ont accouru dans l’enceinte du Parc Gezi au moment où les bulldozers y pénétraient pour commencer l’arrachage des arbres. Quelques heures plus tard, les bulldozers ont dû se retirer et quelques milliers de personnes ont alors occupé le parc. La police a pris d’assaut le parc aux premières heures du jour afin de permettre aux bulldozers d’y pénétrer une nouvelle fois. Au troisième jour, on a pu assister à une véritable explosion de mécontentement, et des dizaines de milliers de personnes ont rejoint la lutte sur la place Taksim afin de préserver le parc et pour manifester contre la violence policière.

    AO : Qu’est-ce qui peut expliquer un tel mécontentement vis-à-vis de la politique menée par Erdogan ?

    OT : Les plans gouvernementaux de restructuration de la place Taksim participent d’un programme néolibéral plus vaste. Ils veulent transformer Taksim, le centre de la ville, en lieu dédié aux classes supérieures, et ce en chassant les gens ordinaires. Ce gouvernement est conservateur et néolibéral, et les gens en ont eu plus qu’assez non seulement de la restructuration de la place Taksim – qui a été imposée sans aucune concertation citoyenne – mais également d’un contexte général marqué par une vague de réformes néolibérales, de la prolifération absolument non régulée des centres commerciaux, de la loi datant du mois dernier qui vient interdire la vente d’alcool après 22h et de l’intervention musclée trop fréquente de la police à l’occasion de manifestations parfaitement démocratiques. L’arrogance du Premier ministre Erdogan et sa trop grande fermeté ont également attisé le mécontentement.

    AO : Quelle est l’ampleur de la mobilisation ? Qui y prend part ?

    OT : Les premier•e•s à être entré•e•s en résistance sont essentiellement des militant•e•s de gauche, des militant•e•s  écologistes, des militant•e•s  non-organisé•e•s, etc.  La violence déployée par la police à leur encontre a suscité la mobilisation de plus larges secteurs de la société. Des milliers de jeunes militant•e•s non encarté•e•s – et qui, pour beaucoup, prenaient ici part à une activité politique pour la toute première fois – sont descendu•e•s dans les rues pris•e•s de colère. Tous les partis de gauche étaient mobilisés. Quelques syndicats – mais peut-être pas à grande échelle – ont également rejoint la lutte. Le principal parti d’opposition (CHP) et quelques autres groupes de droite nationalistes/pro-armée ont eux aussi rejoint les cortèges. Mais leur influence a été très limitée lors des journées de vendredi et samedi.

    AO : En quoi consiste ce que certain•e•s appellent le « Printemps turc » ? Quelles sont ses implications au niveau régional ?

    OT : Erdogan prétend soutenir les mouvements révolutionnaires au Moyen-Orient. Mais tandis qu’il fait face à une vague de révoltes à bien plus petite échelle, son gouvernement ne se prive pas de faire usage de la violence policière d’une manière brutale pendant des heures et des heures contre les manifestant•e•s. C’est de l’hypocrisie – cela montre combien le gouvernement turc ne peut en aucun cas servir de « modèle » aux attentes des masses égyptiennes ou syriennes.

    Mais 50% de la société turque vote pour l’AKP (le Parti pour la justice et le développement, parti au pouvoir d’Erdogan) parce que les gens pensent qu’il réalise progressivement les avancées qui ont été obtenues par des mobilisations de masse au Moyen-Orient. La Turquie a une longue tradition d’intervention de l’armée dans la politique par des coups d’État militaires sanglants. Les généraux ont également comploté afin de renverser le gouvernement de l’AKP, prétextant qu’il voulait faire de la Turquie « une sorte d’Iran » en imposant la Charia.

    De nombreuses sections de base de l’AKP veulent un changement et soutiennent Erdogan parce que ces gens sont convaincus qu’il résoudra tout cela – l’exclusion de l’armée de la sphère politique, une solution pacifique à la question kurde, une amélioration en terme de justice sociale. Cela met l’AKP dans une position contradictoire – un programme néolibéral de droite d’un côté, et des millions de votant•e•s au nom d’un « espoir » de liberté de l’autre. Même au plus fort de la contestation, la place Taksim était loin de Tahrir en terme de mobilisation, et son contenu politique ressemblait plus au « Tahrir contre Morsi » qu’au « Tahrir contre Moubarak ».

    AO : En quoi la réponse d’Erdogan à la situation a-t-elle un impact sur le cours de la mobilisation ? D’autres grèves couvrant d’autres aspects du mécontentement sont-elles prévues ?

    OT : Un porte-parole de l’AKP a reconnu que le mouvement avait seulement « réussi à rassembler de nombreux groupes disparates dans la rue. » L’arrogance d’Erdogan et son entêtement à ne jamais faire marche arrière aide la mobilisation à grossir. C’est là la véritable cause de sa première défaite sérieuse depuis onze ans – la police a dû se retirer de Taksim et des dizaines de milliers de personnes ont occupé le parc et l’ont transformé en scène de festival. Désormais le principal but du mouvement consiste à sauver le parc de la destruction et à s’opposer aux plans gouvernementaux de restructuration de Taksim comme un tout.

    AO : Qu’en est-il de l’usage de la brutalité policière et de la récente revendication qui en appelle à la démission du ministre de l’Intérieur ?

    OT : Le ministre de l’Intérieur a fait savoir que 1 730 personnes avaient été arrêtées pendant les manifestations. Des centaines ont été blessées par les assauts de la police qui s’est montrée vraiment brutale, et pas seulement à Istanbul mais dans tout le pays. Dès lors, la démission du ministre de l’Intérieur, comme celles du préfet d’Istanbul et du chef de la police constituent des revendications importantes.

    AO : Qu’en est-il de votre propre expérience dans les manifestations ? Avez-vous vraiment appelé la place Taksim  « Tahrir » ?

    OT : Les manifestations de masse dans la rue ont vraiment été enivrantes pendant deux jours – vendredi et samedi. L’âme du mouvement était comme celle de Tahrir. De nombreux et nombreuses militant•e•s ont fait explicitement référence à la place Tahrir. Des dizaines de milliers ont résisté à la police sans crainte.

    Quand le Parc Gezi a été repris, des tas de gens ordinaires ont célébré cela, puis ils et elles ont rejoint leurs maisons et leurs boulots. Puis est advenue l’influence grandissante des nationalistes pro-armée, pour la plupart des électeurs du CHP, qui ont tenté de transformer les manifestations en quelque chose qui puisse pousser l’armée à passer à l’action contre le pouvoir. Ces gens-là sont hostiles aux Kurdes et à la communauté arménienne, ils s’opposent aux négociations de paix engagées avec les Kurdes (ce qui constitue un point crucial dans l’histoire pour la démocratie en Turquie) et ils désignent le Premier ministre sous le terme de « traitre à la nation ».

    En 1997, des manifestations massives emmenées par la gauche contre « l’État profond1 »  ont été instrumentalisées par l’armée pour forcer le gouvernement islamiste de l’époque à prendre congé. Des groupes essaient aujourd’hui de faire la même chose – leur présence constitue une menace grandissante à l’encontre du mouvement de masse. Cela nous divise et nous affaiblit. Mais ils n’ont pas encore réussi à saboter le mouvement.

    Il s’agit là d’une très sérieuse bataille idéologique que nous devons gagner. Nous ne sommes pas contre ce gouvernement parce qu’il est islamique, mais parce qu’il est conservateur et néolibéral. C’est un gouvernement élu et légitime, et nous ne voulons donc pas qu’il soit renversé par les forces armées qui, elles, ne sont pas élues. Nous voulons que ce gouvernement soit renversé par le mouvement de masse du peuple.

     

    Traduit de l’anglais par Stella Magliani-Belkacem

    Source : http://english.ahram.org.eg/News/73116.aspx

    Photographie: #occupygezi

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    • 1. L’État profond ou « État dans l’État », désigne en Turquie l’idée qu’existe un réseau souterrain de relations entre personnel politique de haut rang, services de renseignement et pouvoirs mafieux, policier et militaire.
    05/06/2013 - 14:42
    Ozan Tekin
     

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  • Estambul chante "Bella Ciao"

     
     

    En vidéo : l’arrivée des « indignés » turcs sur la place Taksim

    Par Rédaction (3 juin 2013)

    Un 1er juin ensoleillé, sur les rives du Bosphore, aux côtés des milliers de manifestants qui convergent vers la place Taksim pour protester contre la politique et la répression menées par le gouvernement conservateur turc.


    Ce samedi 1er juin, des milliers de manifestants arrivent par bateaux entiers sur les rives du Bosphore et convergent vers la place Taksim, au centre d’Istanbul. Objectif : occuper la place, nouveau symbole de la contestation du gouvernement de droite conservatrice de l’AKP (Parti « pour la justice et le développement ») et de son Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. La révolte est née d’un projet d’aménagement urbain polémique – un centre commercial à la place d’un parc – et s’est muée en contestation de la politique autoritaire et répressive du gouvernement, dont la police a procédé en deux jours à 1 700 arrestations.

    Voici un « No comment » en images de l’arrivée des manifestants :

    http://www.bastamag.net/article3105.html

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  • Témoignage de la révolte populaire massive en Turquie

    Asiye Riban 1er juin 2013

    Témoignage de la révolte populaire massive en Turquie

    Quelque chose d’incroyable s’est passé en Turquie cette nuit. Tout a commencé avec une petite manifestation dans le parc Gezi contre son projet de démolition afin de construire un centre commercial à sa place. Ce parc se trouve dans le centre du quartier historique d’Istanbul, sur la place Taksim.

    Cette place est aussi un symbole du mouvement ouvrier turc et, chaque année, au Premier mai, des confrontations entre la police et les manifestants se déroulent sur cette place. C’est un endroit important que nous voulons récupérer alors que les manifestations sont interdites dans ce parc. Défendre celui-ci est un enjeu considérable car nous ne pouvons pas accepter qu’il soit transformé en centre commercial. En outre, ce parc compte de magnifiques arbres très anciens, et c’est l’un des rares lieux verts de la ville.

    Occupy Gezi

    Tout a commencé donc avec un petit groupe de jeunes écologistes qui défendaient ces arbres. Ce rassemblement s’est maintenu et n’a cessé de grandir depuis le lundi 27 mai. La police a attaqué le groupe et les a repoussés. Vendredi matin, la police a mené une attaque très violente. Des personnes qui n’étaient pas dans la manifestation se sont jointes aux manifestants pour les soutenir.

    Pendant toute la journée, la situation s’est aggravée, la répression policière s’est faite plus brutale encore ; gaz aux poivres, lacrymogènes, tirs avec des munitions en plastique dur, jets d’eau à très haute pression et des centaines de policiers. Nous avons eu très peur pendant toute la journée qu’il y ait de nombreux morts. Et c’est arrivé. Deux personnes sont mortes.

    Cela a constitué le point de non-retour pour le peuple d’Istanbul. Grâce au fait que c’était vendredi en fin de journée, beaucoup de gens ont alors rejoint la place Taksim après leur travail. D’abord 10.000, puis 20.000 personnes, et leur nombre a augmenté, encore et encore. La police, encore très sûre de ses propres forces, a continué à attaquer brutalement la foule. C’était réellement un état de guerre. Pas loin de 250.000 personnes se sont alors rassemblées à Istanbul. Mais nous continuions à avoir peur que la police frappe encore plus fort, n’utilise de véritables munitions et multiplie le nombre de morts.

    Et là, quelque chose de magique s’est produit. Des gens qui étaient conscients de ce danger ont commencé à défendre le peuple qui se battait à Taksim. Pendant ce temps, des manifestants de la place Taksim ont envahi d’autres rues. Dans le voisinage, des gens ont fait clignoter les lumières, puis en parlant entre eux, puis en sortant de chez eux. Tout s’est passé en quelques heures seulement… et maintenant, les manifestations ont gagné toute la Turquie.

    Le gouvernement AKP est remis en question

    On dirait que personne ne dort cette nuit. Plus d’un million de personnes sont maintenant dans les rues d’Istanbul. Tout est bondé et les manifestants marchent à nouveau sur la place Taksim. A Ankara, le peuple marche vers le Parlement et dans les autres villes ils se dirigent sur les bâtiments de l’AKP (parti au pouvoir).

    La police attaque de plus en plus lourdement et il y a une escalade dans l’usage de la force. Les gens sont d’abord arrivés en colère, mais deviennent de plus en plus confiant. Ils reculent un moment devant les gaz chimiques, mais continuent ensuite à marcher.

    Le gouvernement de l’AKP est maintenant directement remis en cause. C’est la première fois que quelque chose de ce genre se passe en Turquie sous ce gouvernement. Encore hier soir, cela ressemblait à une sorte de mouvement « Occupy », mais maintenant, c’est une protestation populaire massive qui manifeste contre le gouvernement pour demander sa démission.

    Taksim-Tahrir

    Il faudra analyser plus avant la nature de mouvement, mais pour l’instant il semble évident que c’est un soulèvement pour la démocratie… Qui sait, peut-être que Taksim sera la prochaine Tahrir dans les jours qui viennent. Les revendications vont se construire à l’intérieur de mouvement.

    Il y a le risque que le mouvement soit récupéré par la gauche réformiste nationaliste. Cet enjeu dépendra aussi des villes kurdes. Si elles se joignent au mouvement, ce qu’elles semblent commencer à faire, alors nous pourrions combiner ce soulèvement pour la démocratie avec un véritable processus de paix en Turquie. Peut-être que la paix ne pouvait arriver qu’avec un soulèvement de ce genre, et cela en dépit du fait que l’ouest du pays est dominé par des tendances nationalistes pour le moment.

    Si on m’avait demandé hier matin si je pensais que quelque chose de cette ampleur allait se passer, j’aurais certainement répondu non. C’était magnifique de voir ce peuple prendre de plus en plus de confiance dans son pouvoir et dans son combat pendant qu’il résistait collectivement.

    Les habitants des quartiers sont très solidaires avec les manifestants. Tous les commerçants essayent d’aider et de pourvoir le nécessaire pour les soins.

    Il paraît qu’il y a plus de 150 policiers à Istanbul qui ont arrêté de gazer les gens et se sont joints aux manifestants et certains ont déclarés qu’ils démissionnaient de la police. Un chauffeur de bus qui était au volant d’un bus municipal a conduit son véhicule contre un blindé de la police pour le bloquer et créer une barrière entre la police et les manifestants.

    Il y a tant d’espoir dans ce qui est en train de se passer !

    Istanbul, 1er juin 2013

    Les femmes résistent aussi !

    Les femmes se rebellent ! Et vous ne nous arrêterez pas avec des gaz, des tanks et des matraques ! Les femmes résistent avec les autres groupes opprimés depuis deux jours. Travailleurs, Kurdes, LGBT, Alaouites, Musulmans, non-musulmans, athées et tous les opprimé(e)s, exploité(e)s, insulté(e)s et blâmé(e)s comme des « traîtres » sont en train de se rebeller en Turquie. La résistance qui a commencé dans le parc Gezi de la Place Taksim à Istanbul est en train de déborder sur de nombreuses autres villes.

    Nous, les femmes, sommes sur le front de cette résistance. Nous rejoignons la rébellion parce que :

    • Le Premier ministre Tayyip Erdogan et sa clique ont cherché à promouvoir le lynchage des femmes par les hommes ;
    • Ils ont tolérés l’assassinat de femmes par des hommes avec leur loi sur les « provocations injustifiées » ;
    • Ils n’ont pas ouverts de lieux d’accueil pour permettre aux femmes d’échapper à la violence domestique des hommes ;
    • Ils ont stigmatisés les femmes violées et harcelées en les traitant d’immorales et de non-chastes ;
    • Ils ont mis la pression sur les femmes violées pour qu’elles accouchent des enfants issus de ces viols ;
    • Ils ont qualifiés l’avortement de meurtre ;
    • Ils n’ont pas ouvert de crèches mais ont imposés aux femmes de donner naissance à au moins trois enfants ;
    • Ils nous ont condamnés à la pauvreté, au travail précaire, aux emplois incertains et à vivre dans des conditions proches de l’esclavage ;
    • Ils ont définis le travail domestique comme le devoir des femmes ;
    • Ils se sont acharnés sur les femmes et les familles qui vivaient de manière indépendante des hommes avec leurs lois.

    Mais nous, femmes, nous résistons !

    Parce que le Premier Ministre Tayyip Erdogan et sa clique nous ont condamnés à subir l’oppression et l’exploitation des hommes, nous appelons toutes les femmes à descendre dans la rue et à se rebeller pour notre libération !

    Socialist Feminist Collective
    Traduction française pour Avanti4.be : Sylvia Nerina

    http://www.avanti4.be/analyses/article/temoignage-de-la-revolte-populaire-massive-en

    Resim-290.jpgDes centaines de milliers de personnes se sont soulevées en Turquie!

     

    Communiqué du Parti communiste de Turquie

     

    Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

     La résistance au parc Taksim Gezi, qui se poursuit depuis plusieurs jours, s'est transformée en mouvement populaire ce 31 mai. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Istanbul et dans plusieurs régions de Turquie pour protester contre l'offensive inhumaine et délirante du gouvernement AKP.

     

    Personne n'a le droit de tromper le peuple, d'essayer de tirer de fausses conclusions du déroulement des événements ou d'essayer de profiter de l'occasion pour en tirer des petites victoires politiques ou réaliser des démonstrations de force personnelles. Le mouvement historique et massif d'hier fut une éruption de colère populaire, qui est l'aboutissement de 11 ans de gouvernement AKP. Ces personnes qui partagent la même colère se retrouvent dans des tendances politiques différentes mais elles se retrouvent dans leur riposte commune contre le gouvernement.

     

    Il ne s'agit pas d'un « printemps turc » comme les médias occidentaux aiment à le définir. Ce mouvement qui monte prend un caractère anti-impérialiste et laïque. Il est étroitement lié à l'opposition populaire à la politique belliciste du gouvernement en Syrie et à l'islamisation rampante de la vie publique. Ainsi, il diffère des autres soulèvements au Moyen-orient.

     

    En dépit d'une brutalité policière sans limites et du manque de direction dans le mouvement, les manifestants ont soigneusement évité toute provocation. Depuis hier matin, plusieurs centaines de milliers de personnes défilent dans les rues sans crainte, parcourant en tout des milliers de kilomètres sans mener la moindre action qui puisse laisser un espace pour dénigrer cette résistance populaire légitime.

     

    La terreur d’État qui s'est fait jour hier a fait plusieurs milliers de blessés et conduit à l'arrestation de centaines de manifestants. Cependant, cela n'a pas fait fléchir la résolution et la détermination populaire. Désormais, la riposte va bien au-delà du projet gouvernemental de construction d'un centre commercial à Gezi Parkı près de la place Taksim. Le gouvernement AKP porte l'entière responsabilité de l'escalade des événements. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a essayé de minimiser les protestations et il doit désormais être prêt à affronter une dure réalité : les gens n'ont plus peur de son gouvernement et ils veulent s'en débarrasser le plus vite possible.

     

    Notre parti va maintenant proposer de nouvelles initiatives pour améliorer la coordination de la lutte contre ces plans illégitimes du gouvernement.

     

    Le Parti communiste de Turquie appelle ses adhérents et sympathisants à se rassembler place Taskim à 15 h.

     

    Nous appelons notre peuple à boycotter les médias dominants, qui ignorent, déforment les nouvelles des manifestations et minimisent systématiquement le nombre des manifestants. Les gens doivent soutenir les médias alternatifs, qui sont la véritable source d'information.

     

    Maintenant que le peuple s'est soulevé, la fin de ce gouvernement cruel est proche !

     

    Solidarité contre le fascisme !

     

    A bas la dictature du capital !


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