• Shutdown aux États-Unis :: Double attaque contre les travailleurs

    Shutdown aux États-Unis :: Double attaque contre les travailleurs

    Aux États-Unis, la plupart des services publics sont à l’arrêt. Un petit jeu politique entre républicains et démocrates ? Pas du tout, mais plutôt l’expression des tentatives de la classe capitaliste, dans le monde entier, d’imposer des économies aux travailleurs et de rogner sur leurs acquis sociaux.

    Bert De Belder

     

    Depuis le 1er octobre, les États-Unis connaissent un « shutdown » (fermeture ou mise à l’arrêt temporaire) : un grand nombre de services publics sont fermés du fait qu’il n’y a plus d’argent, et 800 000 fonctionnaires sont donc à la rue. Cela provient du fait que les Républicains, remontés par les purs et durs du « Tea Party » et en compagnie de la majorité de la Chambre des représentants, ne veulent pas approuver le nouveau budget du gouvernement Obama. Le 17 octobre, sans nouveau budget, les États-Unis atteindraient le plafond de la dette - défini légalement – de 16 000 milliards de dollars avec, éventuellement, une faillite du pays à la clef. Mais on n’ira pas jusque-là : les Républicains avaient déjà fait une première concession, de sorte que le délai avait été reporté au 22 novembre, et cela donne suffisamment de temps pour concocter un autre compromis. Mais ceux qui ne s’en trouvent certainement pas mieux, ce sont les simples citoyens américains…

    Si les républicains sont tellement hostiles au budget d’Obama, c’est en raison des moyens qui y sont prévus pour la nouvelle loi sur la maladie, surnommée l’« Obamacare » en langage populaire, les soins de santé d’Obama, mais désignée officiellement sous l’appellation « Affordable Care Act » (Loi sur les soins de santé accessibles). Même si d’importants passages de cette loi sont rédigés à l’aune des entreprises médicales et pharmaceutiques et des compagnies d’assurance et qu’elle ne propose certainement aucune solution aux 47 millions et plus d’Américains sans assurance maladie, pour les Républicains, elle va encore trop loin. Ils lui imposent donc un blocus.

    Une mise à sec sélective

    Sans l’approbation du budget, les pouvoirs publics sont contraints de fonctionner en appliquant un service minimal. Mais seuls les services « non essentiels » sont paralysés. Et quels sont donc ces services ? Les programmes qui proposent des avantages sociaux aux couches pauvres de la population, tels les bons de nourriture, les allocations financières pour les mères, les bébés et les enfants, ou encore les repas scolaires. Les programmes censés exposer et rectifier une politique déplorable ou les infractions des entreprises, telle l’inspection alimentaire ou l’inspection environnementale. Et les programmes qui assurent des services essentiels à la population, comme les services postaux et ceux de la santé publique.

    Il est très aisé de bien déduire les priorités du gouvernement en consultant sur la liste les catégories de travailleurs qui sont perçus comme « essentiels » ou « non essentiels ». Parmi les non essentiels, 95 % des fonctionnaires du ministère de l’Enseignement, 52 % de la Santé publique, 45 % des services publics de l’Alimentation et des Médicaments et 96 % de ceux du Logement et du développement urbain. Essentiels, par contre, 88 % des services de la Douane et de la Surveillance des frontières – dont les tueurs de la US Border Patrol – et 85 % du ministère de la Justice. En ce qui concerne la Défense, les vétérans de guerre recevront leur pension trop tard et les employés seront envoyés en congé non payé, mais tous les militaires en service actif seront payés normalement. Et les drones qui balancent des roquettes sur le Pakistan, le Yémen ou la Somalie, ne resteront bien sûr pas non plus dans leurs hangars.

    Comment saigner la population ?

    Ce serait une erreur de considérer la crise accompagnant le « shutdown » comme imputable à tel ou tel parti ou groupe politique, ou comme un vulgaire petit jeu de pouvoir entre politiciens. C’est au contraire l’expression des tentatives au niveau mondial de la classe capitaliste d’imposer des économies aux travailleurs et de rogner sur leurs acquis sociaux. Et même s’il y a des divergences de vues entre les partisans du Tea Party et l’ensemble des Républicains et des Démocrates sur les impôts qui peuvent être augmentés ou sur la célérité et la profondeur des coupes sombres dans les programmes sociaux, au fond, ils ont le même agenda. Ils sont d’accord sur le principe qu’il faut réduire à tout prix le déficit budgétaire et que cela ne peut se faire en rognant sur les cadeaux aux banques ou sur le carburant de la machine militaire.

    Autre élément pervers, le fait aussi que les actuelles chamailleries entre Obama et les Républicains ont complètement soustrait à l’attention un autre mécanisme d’économies particulièrement pesant : le fameux « séquestre », une sorte de coupe-tranche à l’aide duquel, depuis le 1er mars 2013, on prélève automatiquement, en vertu de la loi, un certain pourcentage des budgets publics (entre 5,5 et 10 % selon le poste), et ce, durant les huit années à venir. Seuls certains programmes d’aide sociale restent épargnés. De « Medicaid », l’assurance maladie pour les personnes âgées et les handicapés, on « ne » retire « que » 2 %. Les démocrates avaient longtemps essayé de remplacer cette méthode d’écrémage par d’autres mesures d’économie mais, désormais, dans les négociations concernant le « shutdown », on ne les entend plus formuler la moindre critique sur le « séquestre ».

    Un lock-out massif

    Au moins 800 000 fonctionnaires des services publics dépendant des autorités fédérales sont temporairement dans la rue, dont une partie sans traitement. David Cox, président syndical de l’American Federation of Government Employees (Fédération américaine des employés du gouvernement) qualifie carrément la chose de lock-out, « car nos membres sont exclus de leurs emplois. Ils veulent aller travailler aujourd’hui même. Ils veulent servir la population américaine. » Le « shutdown » est donc non seulement une catastrophe pour les bénéficiaires des services publics, mais aussi pour les gens qui y travaillent. Aussi y a-t-il déjà plusieurs manifestations syndicales de fonctionnaires qui ont mis le cap sur Capitol Hill, où se trouve le parlement (le Congrès) américain. D’ailleurs, cela fait bien plus longtemps déjà que les fonctionnaires ont de bonnes raisons de manifester leur mécontentement. Depuis 2010 déjà, ils doivent subir entre autres un blocage des salaires et leur revenu réel ne cesse de régresser (par exemple, de 0,8 % le deuxième trimestre de cette année).

     

    Une crise bien plus profonde qu’un « shutdown »
    Sous le président Reagan, Paul Craig Roberts travaillait au ministère américain des Finances en tant qu’adjoint à la politique économique, après quoi il a été corédacteur en chef du Wall Street Journal. Avec ses chroniques très critiques, il fait fureur sur Internet. Il part de la crise du « shutdown » pour mettre à nu un phénomène de crise plus important du capitalisme et qu’en termes marxistes, on appelle une crise de surproduction.« La vraie crise n’est pas le ‘shutdown’ des services publics, ni la crise du plafond de la dette. La vraie crise réside dans le fait que les entreprises américaines ont tellement d’emplois à l’étranger, où les salaires sont plus bas. De la sorte, elles ont déplacé en permanence des États-Unis vers la Chine, l’Inde et d’autres pays une partie des recettes fiscales, du produit intérieur brut et du revenu disponible des consommateurs autorités, dans l’intention de réaliser des profits d’entreprise plus élevés. Aux États-Unis, cela a abouti à la pire répartition du revenu de tous les pays développés et même de bien des pays sous-développés. Et ces bénéfices plus substantiels ne sont qu’une question de court terme car, en bloquant la progression du revenu des consommateurs, la liquidation des emplois a détruit le marché local de la consommation. » (paulcraigroberts.org, 3 octobre 2013)
    En d’autres termes, avec la destruction des emplois et en raison des salaires plus bas, le pouvoir d’achat de la population laborieuse est devenu trop petit pour pouvoir acheter les produits des capitalistes. L’octroi artificiel de crédit, surtout pour les crédits dans le logement, a permis d’édulcorer pendant quelque temps aux États-Unis cette contradiction inhérente au capitalisme, jusqu’à ce que cette bulle explose en 2007-2008 et qu’éclate dans toute sa virulence la crise de surproduction.

     http://www.ptb.be/nouvelles/article/shutdown-aux-etats-unis-double-attaque-contre-les-travailleurs.html


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