• Marx aussi a été jeune !

    Contrats d'avenir sous Sarko, Emplois d'avenir pour Hollande, lointains héritiers des contrats bleus, des emplois-jeunes et autres avatars intermédiaires qui devaient apporter une solution à l'emploi des jeunes, chaque gouvernement se doit de proposer un dispositif visant telle ou telle catégorie des victimes du capitalisme... avec le succès que l'on sait quand on en évalue les résultats.
    Mais dans ce domaine comme dans d'autres l'important est plus d'occuper l'antenne des médias à l'annonce que de les voir enquêter sur la mise en oeuvre et le résultat de l'action.
    En tout état de cause, peut-être faudrait-il s'interroger sur la pertinence d'une telle approche qui fait de la jeunesse une jeunesse nécessairement smicarde -fut-elle formée à bac + 5- et fonctionnaire au rabais dans un statut dont le seul alinéa est au titre de Précarité.
    Ne devrait-on pas souligner un paradoxe compliqué à dépasser quand on prétend faire de la formation une priorité pour ensuite renvoyer une jeunesse formée dans la négation de son utilité ?
    La galère de la jeunesse n'a rien d'inéluctable ; elle est construite dans la double perspective du verrouillage social et de l'accentuation de l'exploitation des travailleurs.
    En instillant sournoisement l'idée que le démarrage dans la vie professionnelle ne peut qu'être difficile, déconnecté de ses envies et de ses compétences on satisfait à l'appétit capitaliste des chantres du "marché du travail" qui considèrent les travailleurs comme des marchandises avec un coût ajustable à coup de licenciements et de pression salariale. Stages parkings, emplois parkings, comme si le passage par l'expérience de la misère était indispensable pour entrevoir l'eventualité d'un bonheur ordinaire.
    Une société qui condamne sa jeunesse au sort désespérant de l'inutilité, ou d'une utilité accessoire se tire une balle dans le pied, et une autre dans la tête.
    La balle dans le pied l'empêche d'avancer, et ce n'est pas par hasard que le même problème de l'emploi des jeunes continue de se poser ; ce n'est pas un problème pour ceux qui en sont les promoteurs, c'est un de leurs outils pour mieux asservir le peuple.
    La balle dans la tête l'empêche de réfléchir, et ce n'est pas par hasard que toutes les mesures sociales libérales me sont qu'emplâtres sur jambes de bois, leur compatibilité avec les "lois du marché" les inféode assez efficacement aux ordres des marchands.
    Pourquoi la jeunesse devrait-elle expier les impérities de ses aînés ? Pour leur faire dire plus tard à leur progéniture : "Tais-toi, moi aussi j'étais passé par là ! ça toujours été comme ça..." ? 

    La conscience qu'il n'y a pas de fatalité à désespérer la jeunesse a toujours inspiré les progressistes.
    L'éducation était au coeur du programme de la Commune de Paris comme elle avait hanté la réflexion de quelques révolutionnaires de 89 et autres philosophes des Lumières. La sortie de la seconde guerre mondiale résonne encore aux accents du Plan Langevin-Wallon... Cette dernière grande contribution des communistes à l'usage de la République dans le domaine éducatif a toujours été d'autant plus évoquée que les gouvernements s'affranchissaient de ses valeurs !

    Ce n'est pas d'un bricolage à la marge dont les jeunes ont besoin aujourd'hui, mais d'un projet de société qui n'isole pas les atomes de société dans des catégories qui leur interdisent la construction moléculaire. Tous les hommes doivent faire société ; jeune et vieux, valide ou bancal, noir ou blanc, homme ou femme, toutes les configurations mélangées possibles et imaginables doivent inspirer le même respect et pouvoir contribuer sans entrave au bonheur commun.

    Petite exigence accessoirement fondamentale : la République Française est laïque et doit de ce fait échapper au fait communautaire.
    Après, qu'il soit de la mosquée, de la synagogue, du temple, de l'église, de la pagode, ou de la cabane du jardin, il importe qu'on range ce qui fait la différence dans l'intime de l'individu à sa place privée, c'est peut-être la fondation du respect qui fait qu'on ne confonde pas croyance et conviction.
    La croyance par nature s'affranchit de l'argumentaire raisonné qui fait la conviction ; c'est peut-être aussi ce qui peut faire la différence entre le militantisme et le prosélytisme, 


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    Jérôme Gleizes - 1er septembre 2012

     1 Le positionnement sur le TSCG ne doit pas relever d’un choix tactique mais être un positionnement de fond

    Le résultat du vote sera structurant pour les années suivantes. Tout comme le positionnement sur le Traité de Maastricht a été complexe et difficile, celui sur le TSCG l’est aussi. Hormis les deux positionnements extrêmes, les eurosceptiques et les libéraux, le choix va se faire entre celles et ceux qui pensent que voter contre va aggraver la crise politique en Europe et celle et ceux qui pensent que ratifier le traité va amplifier la crise économique plutôt que la résolver. Le positionnement ne peut se limiter à une crainte que la France soit dans une situation singulière vis-à- vis du reste de l’Europe.

    Deux pays sont déjà non signataires du TSCG, le Royaume-Uni et la République Tchèque. François Hollande avait promis de le renégocier mais il n’a pas réussi à le faire.

    2 Tout traité doit être replacé dans son contexte historique

    Le Traité de Rome était dans sa structure d’inspiration profondément libérale mais il n’a empêché aucune politique d’intervention publique pendant 30 ans (PAC, fonds structurels,...). Mais depuis la signature de l’acte unique en 1986, l’intervention publique recule pour laisser place aux seuls marchés. C’est le tournant néo-libéral ou social-libéral européen. Le contexte politique n’est plus aujourd’hui à une action européenne concertée. Le repli nationaliste se manifeste dans de nombreux pays européens. Il faut relancer la coopération européenne, ce que le TSCG ne permet pas.

    3 Le TSCG est la conséquence directe de la crise de 2007-2009

    Il prétend régler le risque non prévu, par le Traité de Maastricht, de sortie d’un pays de la zone euro, en renforçant les contraintes budgétaires du Pacte de Stabilité et de Croissance, adoptées lors du traité d’Amsterdam en 1997. Or, comme nous allons le voir, le TSCG généralise les politiques d’austérité déjà en œuvre en Irlande, Grèce, Espagne, au Portugal et bientôt en Italie qui n’ont pourtant pas encore démontré leur efficacité.

    4 Quelques rappels pour illustrer l’intensité de la crise

    L’Europe n’arrive pas à revenir aux niveaux de richesse produite en 2007, contrairement aux États- Unis ou de pays comme la Turquie. De plus, les prévisions de 2012 sont en train d’être revues à la baisse. L’Allemagne est un peu l’exception mais pourrait être très affectée comme en 2009 du fait de sa dépendance au commerce international et notamment intra-européen. Par contre, les pays qui ont subi des cures d’austérité sont dans des situations très difficiles.

    L’impact sur le chômage est très important, ce qui augure mal pour les prochaines années. La France a vu une importante hausse de son niveau de chômage, bien que son PIB ait légèrement progressé. Cela est dû à une modification de sa structure d’emploi, notamment la non reconstitution d’emplois industriels détruits. Les pays sous austérité ont doublé ou triplé leur chômage.

    La crise financière de 2007-2008 a fait exploser le niveau des dettes publiques, soit du fait d’une transformation des dettes privées des banques en dettes publiques, soit du fait de politique de soutien à l’activité économique comme aux États-Unis. Le premier critère du Traité de Maastricht de 60 % d’endettement maximum a ainsi implosé, y compris en Allemagne bien que ce pays soit le seul pays ayant réussi à réduire son déficit en 2011 (voit tableau 4). Par ailleurs, les pays ayant appliqué des politiques d’austérité n’ont pas réduit leur niveau d’endettement, en raison de la hausse des taux d’intérêt et/ou d’une réduction des déficits publics moins importante que celle du PIB.

    Rappelons que le deuxième critère de Maastricht impose un déficit inférieur à 3 % du PIB. Il était relativement bien respecté en 2007. Le déficit grec a été rectifié après la découverte d’une manipulation secrète de son montant entre le gouvernement de droite et la banque Goldman Sachs. Ensuite, pour faire face à la crise de 2008-2009, les gouvernements ont augmenté leurs dépenses pour suppléer à la baisse de la demande privée et/ou renflouer les banques comme dans le cas extrême de l’Irlande. Les pays de la zone euro ont moins soutenu l’activité économique que les autres pays et sur une durée plus courte. Par ailleurs, ceux qui ont subi les politiques d’austérité ont eu une récession amplifiée et faiblement réduit la part de leur déficit dans le PIB.

    5 Un dilemme socio-économique impossible

    « Par le présent traité, les parties contractantes conviennent, en tant qu’États membres de l’Union européenne, de renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro, en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de croissance durable, d’emploi, de compétitivité et de cohésion sociale » (article 1).

    Le TSCG a vocation à réussir avec des critères de déficit budgétaire et d’endettement public plus stricts, dans un contexte économique beaucoup plus mauvais, ce que le Traité de Maastricht et d’Amsterdam n’ont pas réussi !

    6 Un traité uniquement d’austérité budgétaire

    L’article 3 réduit les objectifs de l’article 1 au seul quasi équilibre budgétaire : « La règle (...) est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du PIB aux prix du marché » (article 3 alinéa 1a).

    Alors que le Traité de Maastricht demandait un déficit budgétaire de 3 %, le TSCG exige 0,5%. Le cœur du TSCG est de réduire l’impact des politiques budgétaires (voir point 12) sans s’attaquer à la compétition fiscale entre pays. C’est un retour de plus d’un siècle en arrière, de l’avant Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de Keynes. Dans les phases de grande dépression, Keynes a montré que l’État doit intervenir pour suppléer la baisse de la demande privée et stopper les anticipations auto-réalisatrices de crise. Ce ne sera plus possible en Europe. Même le libéral Royaume-Uni a compris que cela n’est pas dans son intérêt et refuse le TSCG. Il y a néanmoins une légère souplesse : dans le cas où l’endettement du pays serait faible (sensiblement inférieur à 60% ), « la limite inférieure de l’objectif à moyen terme (...) peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d’au maximum 1,0 % du PIB » (article 3 alinéa 1d).

    7 Un traité aux bases juridiques floues

    L’article 3 introduit le concept de solde structurel annuel et de déficit structurel. Dans l’alinéa 3, il est précisé que « le solde structurel annuel des administrations publiques signifie le solde annuel corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires ».

    Cette notion repose sur peu d’éléments scientifiques même si les modèles mathématiques utilisés sont sophistiqués. Elle est basée sur des tendances passées projetées dans le futur. De plus, les modèles utilisés considèrent souvent qu’il n’y a pas d’effet keynésien, c’est-à-dire que la dépense publique ne génère pas de croissance supplémentaire sur le moyen terme car les ménages anticipent une hausse future d’impôt qui annihilera les effets initiaux de la relance (équivalence ricardienne). De plus, il n’y a aucune analyse qualitative des effets des dépenses comme financer les énergies renouvelables ou le nucléaire. La projection de tendances passées signifie qu’il n’y a aucune analyse critique de la notion de croissance. Ainsi, la conjoncture va tenir compte de l’écart de la croissance effective à la croissance potentielle, « niveau maximal de production que l’on peut obtenir ». Les méthodes et les résultats divergent sensiblement. Ainsi, avant la crise de 2007, la croissance potentielle de la France était estimée à 1,8 % par an par l’OCDE, à 2,1 % par le FMI, 2,2 % par la Commission européenne et 2,4 % par le Trésor français. L’estimation retenue de la croissance potentielle influencera donc sensiblement le calcul final du déficit structurel.

    Pour illustrer le flou conceptuel de ce critère que l’on veut légaliser, la Direction Générale du Trésor écrit dans un document de travail de 2009 : « Le solde structurel présente deux grandes limites : Le solde structurel mesure imparfaitement la part conjoncturelle du solde public puisqu’il repose sur une évaluation par nature imparfaite de la position de l’économie dans le cycle. (...) Deuxième limite, le concept de solde structurel se borne à une analyse agrégée, qui (...) ne permet pas de donner des éléments suffisants aux décideurs publics pour définir (...) les marges de manœuvre de relance des différents sous-secteurs des administrations publiques (État, organismes divers d’administration centrale, administrations publiques locales, administrations de sécurité sociale) ».

    8 Un contrôle non démocratique

    « Les parties contractantes veillent à assurer une convergence rapide vers leur objectif à moyen terme respectif. Le calendrier de cette convergence sera proposé par la Commission européenne, compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques de chaque pays. Les progrès réalisés en direction de l’objectif à moyen terme et le respect de cet objectif font l’objet d’une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, conformément au pacte de stabilité et de croissance révisé  » (article 3 alinéa 1a).

    La Commission européenne est investie d’un pouvoir très important. Elle est le juge et l’exécuteur de la décision. C’est elle qui détermine le niveau de déficit conjoncturel acceptable à partir de ses modèles économétriques. Ensuite, c’est elle qui exécute les sanctions. Normalement, ce pouvoir est dévolu au parlement élu démocratiquement. Jamais, un exécutif n’a été investi de tels pouvoirs sans contrôle.

    Les États signataires du TSCG devront respecter les avis de la Commission sauf si une majorité qualifiée des membres du Conseil européen s’y oppose, mais le vote exclut « la partie contractante concernée » (i.e. le pays accusé). (article 7) Cet article marque aussi une rupture, dite de la majorité inversée. Alors qu’auparavant une recommandation de la Commission devait, pour être adoptée, être explicitement appuyée par le Conseil, c’est la logique inverse qui prévaut désormais. La nouvelle règle signifie que les sanctions proposées par la Commission ne peuvent être contestées par le Conseil que s’il se dégage une majorité qualifiée contre. Toute décision de la Commission (désormais compétente au même titre que le Conseil) sera réputée adoptée. Au lieu de renforcer les pouvoirs du parlement, on renforce ceux de la commission.

    9 Des règles automatiques sans contrôle politique

    Outre les aspects non démocratiques du contrôle de la règle, l’application de celle-ci sera automatique, ce qui permet de douter de l’efficacité de celle- ci. Le Traité de Maastricht avait déjà des mécanismes qui se sont avérés inefficaces. « Un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l’obligation pour la partie contractante concernée de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée » (article 3 alinéa 1e).

    Ce mécanisme précisé dans l’article 4 est très brutal : « Lorsque le rapport entre la dette publique et le PIB d’une partie contractante est supérieur à la valeur de référence de 60 % (...) ladite partie contractante le réduit à un rythme moyen d’un vingtième par an. »

    L’exemple grec nous montre que malgré plusieurs plans d’austérité, un effacement partiel de la dette, le ratio a continué d’augmenter car le PIB s’est trop réduit et que la charge de la dette a augmenté avec la hausse des taux d’intérêts. Et comme cela ne suffit pas, des sanctions sont possibles jusqu’à 0,1 % du PIB, 2milliards d’euros pour la France. (article 8, alinéa 2) De plus, au regard du tableau 3, la sanction est applicable dès la ratification du traité puisque tous les pays dépenses les 60%, soit 23,5 milliards pour la France.

    10 Une coordination des politiques économiques et convergence de façade

    Plusieurs articles (de 9 à 11) concernent ce point mais tous rappellent les dispositifs déjà à l’œuvre dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne et le Traité sur l’Union Européenne. L’article 10 est là pour la façade : « Conformément aux exigences établies par les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, les parties contractantes sont prêtes à recourir activement, chaque fois que cela est indiqué et nécessaire, à des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro (...) ainsi qu’à la coopération renforcée (...) pour les questions essentielles au bon fonctionnement de la zone euro, » mais toujours dans un cadre libéral « sans porter atteinte au marché intérieur. »

    11 Une gouvernance de la zone euro inter-gouvernementale

    Le TSCG institutionnalise l’échec de la politique inter-gouvernementale de ces 5 dernières années au lieu d’initier un fédéralisme budgétaire. « Les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro se réunissent de manière informelle lors de sommets de la zone euro auxquels participe également le président de la Commission européenne » (article 12 alinéa 1).

    Il faut rédiger des traités pour dire que les chefs d’État se réunissent informellement ! Cet article est symptomatique du bâclage juridique. Ce traité a pour seul objectif son titre I, à savoir l’imposition d’une règle budgétaire contraignante. Il confirme également l’absence de respect du parlement européen. Ainsi, au lieu que le président soit invité de droit, « le président du Parlement européen peut être invité à être entendu » (article 12 alinéa 5).

    12 Une idéologie ultra-libérale

    Le principe de la constitutionnalisation d’une règle budgétaire est une idée ancienne de l’école de Chicago de Milton Friedman et de l’école du Public Choice. L’école de Chicago, dans la continuité de la Société du Mont Pèlerin fondée par Hayek s’est toujours opposée au paradigme keynésien de l’efficacité de l’intervention de l’État. Les mécanismes de prix de marché sont pour eux plus efficaces et l’intervention publique toujours nuisible.

    En 1977, Kydland et Prescott ont théorisé que les politiques discrétionnaires ne maximisent pas le bien être social et qu’il faut encadrer l’action gouvernementale par des règles budgétaires contraignantes. Le passage de l’économie au droit est logique. Constitutionnaliser une règle budgétaire permet de contraindre et de lier les mains des politiques. La boucle est bouclée : toute politique keynésienne devient impossible, laissant les marchés s’équilibrer naturellement. C’est l’institution de la primauté de l’économique sur le politique.

    13 Une zone euro en danger

    Le TSCG a pour objectif théorique de répondre à la crise en cours et d’éviter l’éclatement de la zone euro. Le principal signe de crise de la zone euro est le différentiel de taux d’intérêt. Dans une même zone monétaire, on échange la même monnaie. Un euro grec n’est pas différent d’un euro allemand. Il s’échange de la même manière contre les mêmes biens, donc le coût de sa création devrait être sensiblement le même, d’autant plus qu’il y a liberté de circulation des capitaux. La convergence des taux d’intérêt était d’ailleurs l’un des critères pour entrer dans la zone euro. Leur divergence actuelle mesure le degré de risque d’éclatement de la zone d’euro, ce que les économistes appellent la prime de risque.

    En 2007, les écarts de taux étaient faibles. Le Royaume-Uni avait même une prime de risque d’être en dehors de la zone euro. En 2009, les écarts étaient encore raisonnables avant de s’élargir, notamment en Grèce où les taux d’intérêts sont devenus usuriers. Plus ce pays réduit ses dépenses, plus les intérêts augmentent ! La spéculation qui avait disparu avec la création de l’euro vient de réapparaître en Europe. La spéculation sur les taux d’intérêt remplace celle sur les taux de change.

    Loin d’améliorer la situation actuelle, le TSCG va amplifier la crise et les comportements spéculatifs en généralisant le cercle récessif grec : récession-hausse des taux d’intérêt-alourdissement coût de la dette-aggravation de la récession. Le risque d’éclatement de la zone euro va augmenter. Le coût de l’inaction augmente avec les taux d’intérêts. Le TSCG ne règle pas la question du coût de la dette. La force des États-Unis et du Royaume-Uni est de maîtriser les taux d’intérêts à travers l’action de leur banque centrale.

    14 Une politique écologiste impossible

    Le TSCG repose sur une analyse erronée de la crise. Celle-ci serait de nature financière. Il suffirait d’assainir les comptes publics à travers les politiques d’austérité. C’est la stratégie de choc classique qui a été imposée sans succès dans les pays du Sud à travers les plans d’ajustement structurel, dégradant les systèmes de santé et éducatifs comme au Mali et aujourd’hui en Grèce. Pour autant, la crise n’est pas non plus uniquement de nature économique. Penser qu’il suffirait d’une politique de relance pour sortir de la crise comme le propose une partie des opposants au TSCG, est erroné.

    Une simple politique budgétaire évite seulement une dégradation de la crise sociale. Pour nous, c’est la crise du libéral-productivisme3 avec à la base une crise climatique, de la biodiversité, des ressources non renouvelables, alimentaire ... des crises écologiques. Lors des élections européennes, nous proposions un emprunt européen de 1000 milliards d’euros pour faire les investissements nécessaires à la résolution des crises écologiques, ce que le TSCG ne propose pas, ni le pacte de croissance.

    Pour conclure, le TSCG n’apportera rien sauf perdre du temps. C’est pour cela que pour la première fois de son histoire, la Conférence Européenne des Syndicats s’oppose à un traité européen. Il amplifiera la crise avec une inévitable implosion de la zone euro. Il y a des décisions plus importantes que d’autres. Loin faciliter une Europe fédérale, le TSCG en renforçant les pouvoirs de la Commission et de l’inter-gouvernemental va engager l’Europe dans une impasse. Il faut avoir le courage de s’opposer à un traité inefficace économiquement, dangereux socialement et antidémocratique.


     

    Source : Courriel à Reporterre

    Jérôme Gleizes est membre du Comité exécutif d’EELV

    Photo : UPR

    Pour aller plus loin : Jérôme Gleizes et Yann Moulier-Boutang, "Une lecture écologiste de la crise, la première crise socio-écologique du capitalisme" in EcoRev’ n°32, printemps 2009

    Lire aussi : Le traité Merkel-Sarkozy : un krach démocratique


     

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  • Alimentation : Les Bourses préparent de nouvelles émeutes de la faim

    Depuis mai, le prix 
du blé a augmenté 
de près de 40 %, 
celui du maïs de plus de 60 %. Le soja suit la tendance. Ces hausses spéculatives se traduiront par une flambée des prix alimentaires. Les paysans français, acheteurs de céréales pour leur bétail, sont les premiers à payer 
la facture.

    Une spéculation durable est engagée sur le blé, le maïs et le soja depuis plusieurs semaines. Par effet de contagion, la hausse des prix touche aussi les céréales secondaires, comme l’orge et les oléagineux, et les plus cultivés en Europe : le colza et le tournesol. Depuis juin, le prix du blé a augmenté de près de 40 % et celui du maïs de plus de 60 % à la Bourse de Chicago. La tendance est la même sur les autres places financières où s’échangent chaque jour des milliers de tonnes de grains sans bouger de leurs silos. Plus sidérant encore, les récoltes de 2013, 2014 et même 2015 peuvent être partiellement prévendues sur le marché à terme très au-dessus de 200 euros la tonne car une sécheresse sévère sévissant au États-Unis, en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan pousse les spéculateurs à considérer que les prix resteront élevés plus longtemps que lors de la crise de 2007-2008, qui déboucha sur des émeutes de la faim dans près de 40 pays.

    Pour le blé, la production mondiale pourrait être cette année de 662 millions de tonnes, auxquels s’ajoute un stock de report de fin de campagne de 177 millions de tonnes. Il n’y a donc pas de risque de pénurie. Mais les stocks sont inégalement répartis. Les pays structurellement déficitaires n’étaient guère enclins aux achats, ces dernières semaines, car ils voulaient connaître la qualité des blés récoltés avant de s’engager. Dans le même temps, les trois gros pays exportateurs que sont la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan ont une récolte en baisse de 34 % par rapport à 2011. Dès lors, leurs capacités d’exportation seront moindres. La Russie a déjà beaucoup exporté cet été et le souci de stabiliser les prix des denrées alimentaires sur leur marché intérieur peut inciter ces trois pays à relever leurs stocks de sécurité. Il n’en faut pas plus pour qu’on anticipe d’énormes profits en spéculant sur les céréales dans les salles de marché.

    S’agissant du maïs, les États-Unis tablent désormais sur une récolte de 273 millions de tonnes, au lieu des 375 millions de tonnes envisagés au mois de mai dernier. Comme ce pays utilise 40 % de son maïs pour produire de l’éthanol destiné aux véhicules, la part des réservoirs entre en concurrence avec celles de la consommation humaine et animale. Du coup, les spéculateurs tablent aussi sur une pénurie de maïs et sur des prix en forte hausse.

    Selon les dernières prévisions de FranceAgrimer, rendues publiques le 10 août dernier, la production française de blé tendre sera de 36,5 millions de tonnes en 2012, contre 34 millions en 2011. Le rendement moyen sera de 75 quintaux à l’hectare, soit quatre de plus que la moyenne des cinq dernières années. La qualité des blés panifiables est tout à fait correcte en dépit de quelques aléas climatiques. Il en va de même pour le blé dur, destiné à la production de pâtes, ainsi que pour les orges, dont la production est en hausse de 30 % par rapport à 2011.

    Beaucoup des ces céréales ont été vendues depuis plusieurs mois sur les marchés à terme par des agriculteurs ou par l’intermédiaire de leurs coopératives. Le prix effectif a souvent été de 170 à 180 euros la tonne, tandis que celui du blé rendu à Rouen s’affiche aujourd’hui à plus de 260 euros. Nul doute que la différence aura été empochée par les spéculateurs et autres réassureurs qui ne produisent aucune richesse mais font payer leurs interventions parasitaires au consommateur final.

    En France toujours, les professionnels les plus malmenés par cette politique spéculative sont les éleveurs de volailles, de porcs, les producteurs de lait de vache, de chèvre ou de brebis et, dans une moindre mesure, les engraisseurs de bovins et d’agneaux. Les fabricants d’aliments pour le bétail répercutent l’augmentation du prix des céréales et des tourteaux de soja dans celui des aliments composés qu’ils livrent aux éleveurs. Mais ces derniers ne fixent pas librement le prix des animaux de boucherie ou du lait. Ces prix fluctuent selon la loi de l’offre et de la demande dans un bras de fer permanent qui oppose les distributeurs aux transformateurs, lesquels reportent leurs propres difficultés sur les éleveurs.

    Aux dernières nouvelles, les États-Unis, la France et le Mexique envisageraient de réunir prochainement le Forum de réaction rapide, mis en place lors du G20 agricole de juin 2011 à Paris, afin de voir s’il est possible de freiner la spéculation sur les denrées alimentaires. Ce G20 parisien entendait « améliorer la transparence sur les marchés agricoles » et « coordonner les dispositifs d’observation satellitaires de la planète » en vue de « réduire les effets de la volatilité des prix pour les pays les plus vulnérables ». Il préconisait enfin de « favoriser l’accès à des outils de gestion du risque pour les gouvernements et les entreprises des pays en développement ».

    À aucun moment il n’a été question de constituer des stocks publics céréaliers de sécurité lors de cette réunion du G20, alors qu’il s’agirait du seul dispositif susceptible de casser la spéculation. Il est vrai que les pays exportateurs net de céréales et de soja n’en voulaient pas, à commencer par les États-Unis et le Brésil. Dès lors, une prochaine réunion de ce « machin » se limitera à regarder les spéculateurs spéculer alors que, de l’aveu même du commissaire européen Michel Barnier (1), les échanges de « dérivés agricoles » sur les marchés boursiers ont été multipliés par quatorze entre 2002 et 2008, sans compter l’accélération des quatre années qui ont suivi.

    Tout démontre désormais que le pilotage de la production agricole à partir d’un marché mondialisé perverti par la finance crée une situation ingérable économiquement, explosive socialement et dévastatrice pour les nécessaires équilibres écologiques. Nous sommes désormais sur une planète en phase accélérée de réchauffement qui doit impérativement réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le moment de la « planification écologique » est arrivé, avec, pour reprendre une autre expression lancée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne de l’élection présidentielle, la « règle verte » comme boussole.

    Si on veut nourrir le monde au XXIe siècle, il faut pratiquer une agriculture « écologiquement intensive », que l’on peut caractériser par des associations de plantes dont certaines utilisent l’azote de l’air comme engrais, tandis que d’autres permettent de réduire les herbicides, les fongicides et les labours. Il faut recréer des ceintures vertes autour de nos grandes villes afin de limiter les transports de denrées périssables comme les fruits et les légumes frais en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il faut privilégier l’herbe dans la nourriture des ruminants alors que l’association du maïs ensilé et du soja importé fragilise les vaches, pollue les sols et conduit notre pays à dépenser de précieuse devises pour importer du soja.

    Il faut aussi réhabiliter l’arbre nourricier (2), adapter à grande échelle et aux conditions de notre époque une forme moderne d’agriculture médiévale que de nouveaux pionniers ont commencé à mettre en route avec une variété déjà remarquable de produits de qualité. C’est le cas avec un arbre comme le châtaignier qui pousse sur les terres pauvres, acides, pentues et inculte, produisant des tonnes de nourriture à l’hectare pour les humains, les porcins et les petits ruminants que sont les brebis et les chèvres. Mais c’est aussi le cas de l’olivier, du noyer, du noisetier, de l’amandier, du figuier, des fruits dont la production est déficitaire en France alors que les terres susceptibles de les produire sont souvent en friche.

    Le XXIe siècle sera aussi celui de la mise en place de l’agroforesterie, qui associe la production de bois d’œuvre aux cultures annuelles, céréalières et autres. Des essais de rangées d’arbres en plaine céréalière menés en France depuis une quarantaine d’années ont fait la démonstration de la pertinence de cette forme d’agroforesterie pour augmenter le rendement global des parcelles et améliorer la qualité des sols, tout en protégeant les cultures annuelles des dégâts spécifiques aux périodes caniculaires.

    Nous ne sommes que dans la seconde décennie d’un siècle qui va se caractériser par la cherté des énergies fossiles, des engrais, par une plus grande rareté de l’eau. Il va falloir réapprendre à jardiner la planète, plutôt que de persévérer dans la fumeuse théorie des avantages comparatifs, théorisée voilà deux siècles par le spéculateur David Ricardo, quand la planète ne comptait encore qu’un milliard d’habitants.

    Le soja sera de plus en plus cher : L’Union européenne (UE) importe chaque année 34 millions de tonnes de soja pour nourrir ses animaux d’élevage. Il entre dans la composition des aliments des volailles, porcins et bovins essentiellement. Le taux de couverture de l’UE en protéines végétales pour animaux d’élevage n’est que de 44 %, celui de la France de 65 %. Environ 30 % du soja exporté d’Amérique du Nord et du Sud part en Chine et 28 % en Europe. Les chiffres étaient de 38 % pour l’Europe et 18 % pour la Chine en 2004-2005. Avec 212 millions de tonnes produites en 2008-2009, la production mondiale de soja a été multipliée par 8 en cinquante ans avec une déforestation accélérée aux conséquences écologiques et climatiques préoccupantes. Il est à plus de 500 euros la tonne et sera de plus en plus cher.

    (1) Le Monde du 11 août 2012.

    (2) Ces rappels renvoient au dernier livre 
de Gérard Le Puill, Bientôt nous aurons faim, avril 2011, Pascal Galodé Éditeurs.


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  • La direction d’ArcelorMittal veut licencier beaucoup plus que les 795 travailleurs annoncés à Liège

    Les mauvaises nouvelles s'accumulent en matière de suppressions d'emplois dans la sidérurgie liégeoise. La direction d’ArcelorMittal a en effet précisé ses intentions et vient d'annoncer officiellement qu'elle va passer de 581 à 795 suppressions d'emplois. Mais ce n'est pas tout. En fait, la direction compte supprimer beaucoup plus que ces 795 annoncés.

    Service de presse du PTB
     

    Rappelons que le géant de l’acier indien a annoncé, via son rapport annuel, la volonté de procéder à des « désinvestissements d’actifs non stratégiques » afin de réduire sa dette qui s’élève à 22,5 milliards de dollars. Le plan présenté au conseil d’entreprise place le bassin liégeois dans la catégorie des bassins non prioritaires de la division Plat Carbone Europe qui est au cœur de la cure d’amaigrissement que Mittal impose à son groupe.
    Outre la fermeture de la phase liquide et la réduction de 25 % des effectifs sur les plus de 1000 employés et cadres, le plan présenté par la direction prévoit aussi une baisse de la capacité de production à 1 million de tonnes par an, contre 3 millions de tonnes aujourd’hui, soit 30 % de charge de travail. Pour y arriver, Mittal a identifié toute une série d’outils qu’il qualifie de « non stratégiques » dans le froid et dans le chaud (hors phase liquide) : les lignes hp3 et 4, tico, le recuit base kessales, la galvanisation 4 et 5 et le train à large bande. Outils qui sont donc classés comme « non prioritaires » dans un bassin classé « non prioritaire » et dont l’avenir est incertain. Sans parler de Ferblatil qui rentre en concurrence directe avec Florange où Mittal possède une gamme plus étendue qu'à Liège.

    Comment la direction veut-elle faire fonctionner les outils à l'avenir ? Premièrement, il n'y a aucune garantie en effectifs sur les outils stratégiques (la galvanisation 7, la ligne peinture, la ligne hp5 et le recuit-continu). En revanche, leur charge de travail sera de 80 %, ce qui laisse entrevoir une baisse d'effectifs à ce niveau-là aussi. Deuxièmement, concernant les outils non stratégiques, la production se fera à la carte avec un effectif réduit utilisable « à la carte » aussi, soit une suppression de postes. « En fait », explique Damien Robert, en charge du dossier sidérurgie pour le PTB, « la direction ment : ce ne sont pas 795 emplois directs qu'elle veut supprimer mais bien plus ».

    Pour Damien Robert, « on assiste à la fermeture progressive en forme de saucissonnage de notre sidérurgie intégrée ». « Si on laisse faire, rajoute l’auteur de l’étude du PTB “Sidérurgie, emploi et reconversion dans la sidérurgie liégeoise”, il ne restera, à terme, que quelques lignes de production qui cadrent dans la logique globale du géant mondial de l’acier qui laissera à Liège un quasi-désert sidérurgique ».

    Le cynisme de Mittal, plus habitué à dorloter ses dollars que ses travailleurs, a encore atteint un pic dans ce dossier. Damien Robert: « Mi-juillet, nous expliquions dans un communiqué que les investissements annoncés étaient improbables et qu'ils étaient de la poudre aux yeux pour limiter les revendications sociales des travailleurs dans les plans de fermeture. Ces craintes sont maintenant confirmées, puisque que la direction a annoncé avoir suspendu les investissements ».

    Damien Robert conclut : « Le monde politique doit ouvrir les yeux. Mittal veut faire de Liège un quasi-désert sidérurgique. Le seul avenir possible pour les 10 000 emplois passe par la reprise en main du secteur par le public. C’est ce que les travailleurs attendent. Il faut en finir avec les promesses. Maintenant, il faut des actes. Et ces actes doivent se faire maintenant car, une fois les travailleurs licenciés, qui va faire tourner les outils ? »

    http://www.ptb.be/


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  • Les 270 mineurs arrêtés le 16 août lors de la fusillade policière à Marikana en Afrique du Sud ont été inculpés jeudi du meurtre de leurs 34 camarades en vertu d'une clause technique de la loi, a indiqué jeudi le parquet à l'AFP.
(c) Afp

    Les 270 mineurs arrêtés le 16 août lors de la fusillade policière à Marikana en Afrique du Sud ont été inculpés jeudi du meurtre de leurs 34 camarades en vertu d'une clause technique de la loi, a indiqué jeudi le parquet à l'AFP. (c) Afp

    Les négociations se poursuivaient jeudi pour tenter de trouver une issue au sanglant conflit social de la mine sud-africaine de Marikana (nord), tandis que les grévistes arrêtés après la fusillade policière du 16 août ont été inculpés pour meurtre.

    Les pourparlers engagés sous l'égide du gouvernement se poursuivaient dans la soirée à Rustenburg, la principale ville des environs, entre le groupe minier Lonmin et les syndicats.

    Ils étaient "toujours en cours" après 18H00 (16H00 GMT) a indiqué à l'AFP Sue Vey, porte-parole de Lonmin.

    Nouveauté de la journée, le noyau dur des 3.000 foreurs qui se sont mis en grève le 10 août pour réclamer un triplement de leurs salaires a accepté de se faire représenter par les syndicats.

    Seuls 6,6% des 28.000 employés de la mine se sont rendus au travail jeudi, selon l'entreprise.

    A quelques dizaines de kilomètres de là, un tribunal de la banlieue de Pretoria a formellement inculpé du meurtre de leurs 34 camarades abattus par la police les 270 mineurs arrêtés le jour de la fusillade du 16 août, en vertu d'une bizarrerie du code pénal sud-africain.

    "La cour a inculpé aujourd'hui (jeudi) tous les mineurs de meurtre, conformément à la loi", a indiqué le porte-parole du parquet, Frank Lesenyego.

    Cette clause légale prévoit que soient inculpées de meurtre toutes les personnes arrêtées sur le site d'une fusillade impliquant la police, que les victimes soient policiers ou non.

    Le juge Esau Bodigelo qui les a entendus jeudi a fixé la prochaine audience au jeudi 6 septembre, le temps de vérifier leurs adresses --une gageure car la plupart d'entre eux vivent dans des bidonvilles-- et a ordonné leur maintien en détention.

    "Je comprendrais si le cas avait à voir avec le meurtre de deux policiers (tués dans les jours précédents, ndlr), mais les inculper pour la fusillade de la police sur leurs camarades est étrange", a réagi Vincent Nmehille, juriste à l'Université de Witwatersrand, s'étonnant de la façon dont le juge Bodigelo a interprété la loi.

    Dix hommes, dont 2 policiers, ont été tués entre le 10 et le 12 août dans des affrontements intersyndicaux. Puis 34 personnes ont été abattues par la police le 16.

    Le jeune tribun populiste Julius Malema, expulsé en avril de l'ANC, le parti au pouvoir, a assisté à l'audience de jeudi.

    "C'est de la folie", a dit l'ancien président de la Ligue de jeunesse de l'ANC à des journalistes en entendant prononcer l'inculpation.

    "Les policiers qui ont tué ces mineurs ne sont pas en prison, pas un seul d'entre eux", a-t-il lancé.

    Malema avait fait parler de lui le 23 août en attaquant le gouvernement et appelant les grévistes à la révolution, lors d'une cérémonie en hommage aux victimes de Marikana.

    Plus tôt jeudi, il a encore menacé: "nous allons mener une révolution minière dans ce pays. Nous allons rendre ces mines ingouvernables jusqu'à ce que les boers (les Blancs, qui ont gardé l'essentiel du pouvoir économique, ndlr) viennent à la table" des négociations pour augmenter les salaires, a-t-il dit aux ex-employés d'une mine fermée aux environs de Johannesburg.

    Le photojournaliste Greg Marinovich, qui a passé quinze jours à Marikana, a parallèlement affirmé jeudi sur le site d'information Daily Maverick que la plupart des grévistes tués par les forces de l'ordre l'ont été de sang-froid.

    Après la fusillade en direct à la télévision, qui aurait fait une dizaine de victimes, "des policiers très armés ont pourchassé et tué les mineurs de sang-froid", écrit le photographe sud-africain.

    "Une minorité a été tuée lors de l'événement filmé où la police dit qu'elle a agi en état d'autodéfense. Le reste a été un meurtre à grande échelle", certains mineurs ayant été abattus à bout portant, affirme-t-il.

    La seule version officielle à ce jour affirme que les policiers ont ouvert le feu pour protéger leur vie lorsque la foule des mineurs, armés de lances, de machettes et de quelques armes à feu, les a chargés.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/


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