• Le cidevant Arnault Bernard à la frite fiscale et nous le fait savoir.

     

    Encore un petit peu de patience, La Canaille très rapidement aura l'occasion d'y revenir plus en détail, mais la haine du B.A. de luxe  pour le collectivisme même relativisé à la sauce Ayrault lui donne des boutons et incite à thérapie efficace.

     

    Tel César en colère franchissant le Rubicon, le nanar de l'art moderne tente de passer le Quiévrain. Avec armes, valeurs, trésors culturels et bagage.

     

    Pour cadrer les choses, rien de plus simple que mettre à plat le contenu du bagage : Un festival d'œuvres d'art et divers impédimenta culturels adossés à une capitalisation formant rentes elle même issues de le surexploitation sans frein des salariés sous la férule du dit sieur.

     

    Vous n'avez qu'à demander aux copines de la Samar ce qu'elle pense du philanthope qui navre les roses bobos parisiens par son annonce.

     

    Par contre silence sur la nature et les conditions d'accumulation de ce patrimoine.

     

    Les réactions plus que timides incitent à hausser le ton et commande à poser la question de la récupération collective du fruit de ses spoliations.

     

    Par exemple (et cela vaut pour d'autres sites et activités), La Canaille propose que le conseil de Paris auditionne le nouveau maire du 4eme arrdt qui comme un des bras droits de la déesse de l'accumalation a valorisé sur son CV d'être un des adjoints du dit Arnault lequel usa de ses compétences du dit adjoint pour s'approprier la Samaritaine et son patrimoine immobilier et d'en licencier les personnels.

     

    D'ailleurs, puisque monsieur Arnault se parfume de devenir un koblencien fiscal, pourquoi ne pas mettre au gout du jour la mémoire historique de Paris tel que le maire de la capitalene manque jamais (à juste titre) de le rappeler : mise sous séquestre de ses bien immobiliers, dévolution au musée nationaux du patrimoine culturel, retour de l'outil industriel aux salariés de chez Vuitton (maroquinerie) , Moët (champagne) Hennessy (cognac), pour ne rien dire des vignobles aquitains (dont le grandiose Chateau d'Yquem qui comme le Louvres ou la Tour Eiffel devrait apparttenenir à la nation) où d'ailleurs, toute une main d'œuvre compétente capable outre de se payer et même de s'augmenter, pourra contribuer à la richesse nationale et de pérenniser des savoir faire représentatifs de la France certainement mieux que le conservateur des coupons qui les prends en otages.

     

    Le foncier non agricole ou industriel pour faire du logement social, les outils culturels versés au patrimoine public du pays, les avoirs internationaux pour y installer des ambassades de la coopération culturelle et mis à disposition de l'Unesco. Cela aurait de la gueule, ne trouvez vous pas ?

     

    En plus comme avertissement à ceux qui auraient de vélléité d'imitation, cela ne manquerait pas d'exemplarité. 

     

    Pourquoi ne pas poser cela publiquement les 15 et 16 sptembre, journées du patrimoine ? Il semble que des moments politiques s'y préteraient avec à propos si toutefois ceux qui les organisent ont encore en mémoire ce type de solutions.

    Par canaille le rouge


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  •   Oui, encore deux ans de rigueur et d'atermoiements devant le capital, quitte à s'abaisser carrément devant lui et renier toute idée de justice, de souveraineté et de progès social pour la France.

      Ce fut cela hier le discours de François Hollande: rien contre les licenciements boursiers, rien contre l'augmentation du pouvoir d'achat, rien pour la relance de la consommation et donc de l'économie dans notre pays, rien contre les marchés et la spéculation. Rien non plus, ou si peu audible, contre Bernard Arnault (1ère fortune de France et 4ème au monde) passant la frontière belge, ses poches bourrées de fric et ses coffres-forts bien installés dans quelques paradis fiscaux. Bernault Arnault, Grand officier de la Légion d'honneur depuis juillet 2011 par Nicolas Sarkozy, car l'un de ses potes présents au Fouquet's pour célébrer la victoire des riches et du patronat en mai 2007.

     

      Il va falloir vous serrer la ceinture, braves gens qui m'avez accordé les pleins pouvoirs en me plaçant sur le trône de l'Elysée, a dit hier à la télé, sur TF 1, la chaîne privée de Bouygues (un symbole de plus).

      Aussi, je vais augmenter les taxes et les impôts de 10 milliards d'euros. Je vais aussi ponctionner 10 milliards d'euros sur les services publics, sur celui de la Santé, sur celui de la Poste ou de la SNCF, sur celui des collectivités territoriales et même sur celui des sapeurs-pompiers ou de l'Inspection du travail, puisque ne seront épargées que la justice, l'école et la sécurité. Encore que, sur l'école par exemple (et on peut dire la même chose pour la justice et la sécurité), avec la suppression de 60 000 emplois opérée par Sarkozy, on est loin du compte avec les 1000 promis par le gouvernement de Hollande pour cette rentrée.

     

    Voilà, vous peuple de France, vous jugerez de mon action en 2017, a conclu François Hollande, roi élu de notre Vème République. Sinon, mangez de la brioche en attendant.

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com


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  • Intervention du Président Hollande sur TF1, les réactions de Pierre Laurent "l'agenda social est oublié par le Président"

    Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a regretté hier soir que François Hollande, dans son intervention télévisée, ait semblé "remettre à plus tard le changement annoncé", et surtout "oublie complètement le changement social qui est bien à l'ordre du jour". Dans un communiqué intitulé "L'agenda social oublié par le président", le numéro un du PCF écrit que "l'austérité des comptes publics n'est pas la solution, elle est le problème. Et ce sont bien des ressources nouvelles qu'il faut dégager, à commencer par récupérer celles accaparées par les marchés".

     

    "L'agenda social est oublié par le Président"

    "Tout en prenant acte de l'impatience des Français qui après 10 ans de droite au pouvoir attendent une action gouvernementale à la hauteur des urgences et attentes sociales, le président de la République a fait un discours de la méthode qui au risque de se répéter sera très vite inopérant", dit Pierre Laurent. "L'agenda qui fixe à deux ans 'le rythme du redressement du pays' avant d'envisager 'la construction d'une société de solidarités' semble remettre à plus tard le changement annoncé et surtout oublie complètement le changement social qui est bien à l'ordre du jour", ajoute-t-il.

    Ainsi, poursuit-il, "alors que c'est aujourd'hui qu'il faut un moratoire sur les plans de licenciements boursiers, et que les salariés menacés doivent sentir que le pouvoir est dans leur camp, ceux de PSA apprennent qu'ils seront +accompagnés+ par l'Etat dans les plans de reconversion". "Au surplus, son silence absolu sur le Traité européen soumis à ratification alors qu'il n'a pas été renégocié d'une virgule est très préoccupant. Les Français ont droit à ce débat, ils ont le droit de décider", écrit encore le dirigeant du PCF.

    Le PCF et le Front de gauche sont, plus que jamais, disponibles pour un tournant politique, celui de la justice sociale et de la relance économique et écologique.


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  • Monde Diplo

     

    Pour en finir avec la crise

    Peugeot, choc social et point de bascule

     

    Plusieurs centaines de milliers de manifestants ont défilé dans toute l’Espagne, en juillet, pour dénoncer le durcissement de l’austérité. Au point d’inquiéter le président du Parlement européen, M. Martin Schulz. « Une explosion sociale menace », a-t-il prévenu. En France, la crise se rappelle brutalement au bon souvenir du monde politique, jusqu’ici accaparé par les échéances électorales, avec une vague de fermetures d’usines. Le gouvernement, qui a fait de la réindustrialisation l’une de ses priorités, se trouve désormais dos au mur.

     

    Par Frédéric Lordon, août 2012 Le Monde Diplomatique Aout 2012

     

    Dès l’annonce de son portefeuille à l’intitulé ronflant, il faut bien le dire, on souffrait par anticipation pour ce pauvre M. Arnaud Montebourg. On ne sait s’il faut le mettre sur le compte de sa naïveté personnelle ou d’une redoutable perversité de M. François Hollande, ou encore d’un radieux accord des deux sur le pouvoir magique des mots, mais rarement on aura vu ministère proclamant, par son nom même, des ambitions si impressionnantes et par ailleurs doté de ressources si indigentes. Il ne faut pas se tromper sur le sens des ressources en question, qui demandent ici moins à être mesurées en milliards d’euros qu’en volonté politique matière en laquelle les déficits ne sont pas moins voyants. C’est que l’infortuné « ministère du redressement productif » se trouve de fait établi comme le lieu de totalisation de toutes les tensions du capitalisme mondialisé… mais sans aucun moyen — structurel — d’y apporter la moindre réponse. Si c’était une vilénie de M. Hollande destinée à faire de la guipure d’un rival politique encombrant, autant l’en avertir tout de suite : il finira happé par sa propre machine et en sortira lui aussi en guenilles. Car le ministère de la transformation du capitalisme mondialisé sans aucun désir de transformation du capitalisme mondialisé fait partie de ces turbines à claques qui promettent de laisser les joues rouges à leurs malheureux ingénieurs.

     

    Entre plans sociaux électoralement cadenassés par le sarkozysme finissant et déchaînement des forces de la récession, M. Montebourg, cilice bien serré et couronne d’épines à peine de travers, s’apprêtait à enquiller la série des plans sociaux comme autant d’étapes d’un calvaire annoncé : Doux, Technicolor, Arcelor, Fralib, LyondellBasell… Arrive Peugeot société anonyme (PSA). Mystère de la politique comprise comme vie passionnelle collective : survient un jour un événement qui ne fait en apparence que prolonger une série, et qui pourtant la précipite dans une rupture qualitative où rien n’est plus perçu comme avant.

     

    PSA pourrait bien être ce cas de trop, celui qui condense toute une situation et précipite un point critique. Sans doute y a-t-il l'effet du nombre : huit mille emplois directs, plusieurs dizaines de milliers de salariés concernés en incluant la sous-traitance et les services... On reste abasourdi. Ajoutons-y celui du nom et d'une histoire industrielle, et l'on aura tous les ingrédients du choc symbolique parfait. En vérité, le choc n'est si grand que pour survenir dans un climat de crise extrême du capitalisme, dont il réalise en quelque sorte une synthèse complète. PSA peut alors devenir à lui seul l'em­blème de tout un monde et, par le traite­ment haïssable qui est infligé à ses ouvriers, signifier en une seule circons­tance que ce monde est haïssable.

     

    L'effet de taille en tout cas promet d'être d'une terrible cruauté pour le gouvernement de M. Hollande, en venant souligner tout ce qui se joue dans le cas PSA — comme d'ailleurs dans tous les plans sociaux en cours et à venir —, c'est-à-dire en venant exposer à la face du public et les forces réelles qui produisent ce désastre et le renoncement de la poli­tique actuelle à s'y opposer vraiment. Car c'est la mondialisation tout entière qui est à l'œuvre, c'est-à-dire la configura­tion même du capitalisme présent, contre laquelle on n'a jamais vu M. Hollande se révolter — les socialistes modernes ne revendiquent-ils pas comme un signe, donc, de modernité de prendre le monde tel qu'il est? « C'est une illusion de penser que l'on peut échapper à la compétition où il faut nécessairement rester, il faut se dire que nous appartenons à ce monde-là », s'enfonce M. Alain Bergounioux, membre du secrétariat national du Parti socialiste (PS) (1). Précisément : ce que vient signifier PSA à la face de ces socia­listes-là, c'est que ce monde, ils seront bientôt les derniers à en vouloir encore.

     

    Enfermement austéritaire des poli­tiques économiques sous la surveillance des marchés financiers; « libre-échange » — disons plutôt concurrence terriblement distordue avec des pays à standards socio­ environnementaux inexistants, prolongée en libéralisation extrême des déloca­lisations ; contrainte actionnariale : voilà le cadre triangulaire du capitalisme mondialisé, dont PSA occupe le bary­centre. C'est pourquoi la dénonciation des patrons voyous de Peugeot fait proba­blement fausse route. PSA n'est pas Kohlberg Kravis Roberts & Co (KKR), fonds de private equity (2) d'une rapa­cité légendaire, mais un capitaliste assez ordinaire, broyé par les forces du capita­lisme même — quoique, comme capita­liste, il en fasse supporter les consé­quences aux seuls salariés !

     

    C'est dire, dans un premier temps, que la colère doit moins être dirigée vers M. Philippe Varin et la famille Peugeot que vers ces choses plus lointaines, plus abstraites et moins tangibles que sont les structures du capitalisme mondialisé, entités imperceptibles et impersonnelles mais vraies causes de la condition sala­riale présente, qui réunissent pour leur infortune les PSA comme les Doux, les Technicolor ou hier les Conti, et aux­quelles il faut maintenant contraindre le gouvernement à s'en prendre, pour mettre enfin un terme à la série.

     

    Sans doute ces causes sont-elles à l'œuvre depuis longtemps, disons depuis deux décennies. Mais c'est leur intersec­tion avec la crise financière de 2008, aggravée depuis 2010 en crise euro­péenne, qui produit cette déflagration.

     

    M. Hollande ne devrait donc pas tarder à s'apercevoir que dire « croissance » et obtenir des cacahuètes au dernier sommet européen (un plan grandiose de relance de... 1 % du produit intérieur brut [NB]) pouvait faire illusion cosmétique par beau temps, mais pas en pleine décapilo­tade — évidemment aggravée par toutes les mesures qu'il a par ailleurs avalées d'un maître coup de jabot : le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) (3), qu'il se gardera bien de soumettre à référendum, est par excel­lence la machine à produire de la réces­sion, qui fait les avalanches de plans sociaux. On voudrait beaucoup être neurone espion pour voir ce qui va se passer dans les cervelles « socialistes » au moment où se fera la conscience que l'Europe libérale, l'Europe sacrée, l'Eu­rope à tout prix, va leur coûter des vagues de chômeurs par paquets de cent mille... Ce n'est pas que l'Europe ne produisait pas déjà du chômage, à coups de con­currence libre et non faussée et de libé­ralisation des mouvements de capitaux, mais la baignoire se remplissait lente­ment ; pas de quoi émouvoir un éditoria­liste. Or voilà que toutes les canalisations viennent de sauter d'un coup, et le dégât des eaux devrait devenir visible même des plus obtus.

     

    PSA, comme tout le cortège des entre­prises en perdition, crève de l'effondre­ment de ses marchés dans un univers ultra-concurrentiel, c'est-à-dire d'abord de l'austérité généralisée et de la politique insensée qui prétend avoir trouvé le secret de la croissance au fond de la rigueur. On pouvait hélas annoncer de longue date (4) que la stupide fatalité des règles européennes conduirait nécessai­rement à des politiques économiques de restriction, soit l'exact contraire de ce qu'appelle la situation présente. Le Graal de la coordination européenne enfin découvert... mais pour le pire.

     

    Stupide fatalité des règles européennes

    L'ALLEMAGNE, au premier chef, a voulu ces règles et les a imposées. L'Allemagne a voulu la surveillance constante des poli­tiques économiques par les marchés financiers, les marchés financiers et l'Allemagne veulent l'ajustement immé­diat des finances publiques, l'Allemagne refuse toute solution ne satisfaisant pas à ses orthodoxies (budgétaire et moné­taire) ; la France veut le couple franco-allemand, donc elle consent implicitement à l'Europe de l'Allemagne. Tout cela est très bien ; maintenant, il faut vouloir les conséquences de ce qu'on veut. Ou bien changer un grand coup.

     

    Sur ce front-là, le changement consiste d'abord à enfin ouvrir les yeux, pour au moins accéder à ce réflexe élémentaire de survie qui consiste à réaliser que, si l'Allemagne impose à l'Europe un modèle conduisant toute l'Union sauf elle (et quelques-uns de ses voisins) dans la « grande dépression », alors le couple franco-allemand est une illusion toxique dont il est urgent de s'extraire par le rapport de forces, voire l'ultimatum. Soit l'Alle­magne s'engage dans une révision profonde de ses principes fondamentaux de politique économique, soit il faudra tirer l'échelle, constater l'impossibilité de faire union monétaire avec elle et consentir à des destins séparés : fracture en sous-blocs de la zone euro ou retour aux monnaies nationales. Et cela pour pouvoir enfin s'au­toriser quelques-uns des gestes qui sauvent, à choisir entre mobilisation intensive de la Banque centrale pour écrabouiller la spécu­lation et financer les déficits publics, orga­nisation de circuits hors marché de recy­clage des épargnes nationales vers les emprunts publics, défaut total ou partiel sur les dettes souveraines — au moins sur la part d'entre elles qui revient à l'évidence aux désastres de la finance privée, soit tout ce qui s'est accumulé depuis 2008 par la contraction du crédit consécutive à la crise des subprime —, puis transformation radi­cale des structures bancaires à cette occa­sion, etc. (5).

     

    Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que la crise ne fait qu'amplifier les tendances de fond du capitalisme mondialisé, aimablement relayées par la construction européenne — et PSA reçoit le tout de plein fouet. Avec l'aimable concours des socialistes français, MM. Jacques Delors et Pascal Lamy en tête, l'Acte unique européen de 1984, puis les remarquables avancées de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont eu l'heureux effet de mettre en concurrence salariés et territoires du monde entier sous un régime qui n'a de « non faussé » que le nom, puisqu'on imaginerait à peine concurrence plus faussée que celle qui oppose, dans un parfait plain-pied, des modèles sociaux si radicalement différents.

     

    Il en a résulté un mouvement extrême­ment profond de restructuration de la divi­sion internationale du travail qui a quasi­ment mondialisé les chaînes de valeur. Les grandes entreprises capitalistes opti­misent désormais leur sous-traitance à l'échelle globale, et parfois jusqu'à l'as­semblage, à l'image du rêve éveillé de M. Serge Tchuruk qui, en 2001, alors qu'il était patron d'Alcatel, avait fantasmé à voix haute le point ultime d'une entre­prise sans usine (6).

     

    Le capitalisme néolibéral mise beau­coup sur les effets d'irréversibilité de cette gigantesque transformation. Il a tort. Le mouvement est plus symétrique qu'il ne croit, et les restructurations peuvent procéder dans les deux sens, conduites toujours par le même paramètre directeur, à savoir les incitations inscrites dans les coûts. Une autre structure de coûts déter­minerait donc à nouveau un réaménage­ment de la division internationale du travail, et ce sont les Etats qui en détien­nent le levier : la fiscalité. Puisque les capitalistes ne connaissent que le langage des incitations, on va donc le leur parler. Une taxe kilométrique bien appuyée aurait ainsi la vertu de modifier sensi­blement les optimisations qui, en ce moment, envoient chercher les consom­mations intermédiaires (7) aux quatre coins du monde... pour les rapatrier en bateau. Pendant un moment encore, on n'enverra pas des carburateurs ou des pneus par courriel : c'est là qu'il faut taper.

    De rustiques droits de douane compléteront opportunément le dispositif — et tant pis pour les âmes sensibles qui s'effrayent du mot « protectionnisme » (8).

     

    Dans l'un et l'autre cas, il y a à l'évi­dence un avantage à procéder à une échelle régionale... même s'il n'est pas moins évident que cette échelle ne sera pas celle de l'Europe actuelle ! Mais qui peut dire ce que sera cette Europe d'ici douze mois? Ou plutôt, pourquoi ne pas envisager qu'une nouvelle union, entre un nombre plus petit de pays plus homo­gènes, d'accord pour rompre avec les excès les plus manifestes du néolibéra­lisme européen d'aujourd'hui, ne se pose comme une solution de sortie groupée d'une monnaie unique aussi néfaste qu'elle est proche d'éclater?

     

    La contrainte actionnariale est le dernier côté du triangle. Sans doute PSA n'est-il pas exactement le parangon de l'avidité dans ce domaine, et n'offre-t-il pas le plus beau des cas repoussoirs pour en instruire le procès : sous contrôle de la famille Peugeot (9), donc dans un environnement capitalistique plutôt stabilisateur, le groupe ne verse pas de dividendes en 2010 au titre de l'exercice 2009; son retour sur capi­taux propres (return on equity, ROE) est de 8 % cette même année, assez loin donc des fameux 15 % (10); il tombe même à 4 % pour 2011.

     

    Un « ébranlement ininterrompu »

    PAS D'ILLUSIONS, cependant : pour être, en termes tout à fait relatifs, moins fréné­tique que le reste du CAC 40, le groupe n'en exécute pas moins consciencieuse­ment quelques-unes des figures imposées du capitalisme actionnarial, car il faut bien lâcher quelques billes à la « famille ». Ainsi l'année 2011 voit-elle le versement d'un dividende de 287 millions d'euros, et surtout l'une de ces opérations aber­rantes de rachat par l'entreprise de ses propres actions (buy-back), pour 200 mil­lions d'euros tout de même, présentée ici à des fins d' autocontrôle, mais en fait destinée à augmenter le bénéfice par action et à soutenir les cours. Soit près de 500 millions d'euros par la fenêtre...

     

    PSA n'est certes pas l'illustration la plus gratinée du capitalisme actionnarial, mais celle-ci se trouve aisément ailleurs. Ainsi, par exemple, Sanofi s'apprêterait-il à supprimer entre mille deux cents et deux mille cinq cents postes, alors qu'il a fait quasiment 6 milliards d'euros de profits en 2011, versé 1,3 milliard aux actionnaires (3,1 milliards l'année précé­dente) et racheté pour 1 milliard de ses propres actions (11); et nous sommes heureux d'apprendre que le premier trimestre 2012 s'est déjà montré très prometteur. De ce que tout va bien Sanofi n'omet pas de conclure que tout pourrait aller encore mieux. Et que les salariés feront l'appoint.

     

    C'est ce genre de chose, modéré parfois, déboutonné le plus souvent, auquel il faut mettre un terme. Dans une panoplie bien étagée de contre-mesures actionnariales qui vont de la cessation de la cotation en continu (12) à la fermeture pure et simple de la Bourse (13), on pour­rait recommander ici le shareholder limited authorized margin (SLAM), gentille guillotine fiscale qui fixe (par secteur) une rémunération actionnariale limite autorisée et prélève à 100 % tout ce qui dépasse (14) — avec pour effet bien net de cisailler à la base toutes les incita­tions des actionnaires à pressurer les entreprises pour leur faire cracher un surplus de rentabilité, puisqu'il le leur sera immanquablement confisqué !

     

    Mais peut-être la mesure la plus urgente, et la plus accessible, consisterait-elle, en attendant, à faire enfin payer au capital le prix des désordres qu'il recrée indéfiniment dans la société par le travail sans fin de ses déplacements et de ses restructurations. Karl Marx et Friedrich Engels avaient de longue date noté — dans le Manifeste du parti communiste, en 1848 — que le capitalisme « ne peut exister sans révolutionner toujours plus avant les instruments de production (...). Le boule­versement continuel de la production, l'ébranlement ininterrompu de toutes les catégories sociales, l'insécurité et le mouvement éternel distinguent l'époque bourgeoise de toutes celles qui l'ont précédée ».

    Que ce soit la logique même du capital, et que nous ayons à la souffrir pour n’avoir pas trouvé encore le moyen de sortir de son ordre, c’est notre lot.

    Mais il n’entre pas nécessairement dans celui-ci que la société doive subir sans mot dire les catastrophes sociales et humaines permanentes que le jeu des capitalistes réengendre continûment.

    Si donc nous ne savons pas encore comment arrêter le mouvement infernal, nous pouvons au moins d'abord songer aux moyens de le ralentir, et ensuite remettre à qui les causes l'obligation de réparer les dégâts.

     

    Tels pourraient donc être les termes d'un grand compromis politique, le seul qui puisse rendre le capitalisme tempo­rairement admissible, en fait le minimum que devrait revendiquer une ligne sociale-démocrate un peu sérieuse : « Nous prenons acte qu'il entre dans la logique de l'accumulation du capital de tout désta­biliser uns cesse; pour l'heure, nous ne pouvons pas faire autrement que de l'ac­cepter à un certain degré ; vous êtes donc encore libres pour un moment de vous adonner à votre jeu. Mais sous certaines conditions structurelles seulement. Et sous l'impératif sine qua non que, de votre mouvement perpétuel, vous assumiez tous les dommages collatéraux. »

     

    Que la division du travail soit soumise à un processus incessant de restructuration — par l'arrivée constante de nouveaux produits, de nouveaux procédés et de nouveaux concurrents —, soit ! Mais c'est au capital lui-même que revient d'en supporter les coûts sociaux, par exemple en finançant seul un fonds de restructu­ration ayant à charge de satisfaire les obli­gations légales réelles qui accompagne­raient tout plan social :

     

    • Retrouver un emploi à chacune des victimes (sous des critères exigeants d'adéquation géogra­phique et professionnelle);
       
    • Financer les mobilités volontaires;
       
    • Prendre à sa charge des programmes de formation étendus pendant toute la durée du retour à l'emploi.

     

     

    Il n'est évidemment pas question que ce fonds de restructuration, financé exclusivement par le capital — puisqu'il s'agit de ses propres nuisances —, soit sous son seul contrôle — puisqu'il s'agit de la vie des salariés. Ce sont donc ces derniers, et leurs représentants, qui en géreront les allocations, et notamment qui définiront les critères de l'emploi admissible ; eux encore qui décideront de ce qui meublera le temps du retour à l'emploi, à propos de quoi on leur sug­gère de ne pas manquer d'imagination : loin de s'arrêter aux formations profes­sionnelles, ces programmes pourraient tout aussi bien valider des enseignements très généralistes, passages à l'université ou dans des institutions ad hoc, telles que le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), à multiplier, consacrées à la reprise d'études, à tous niveaux, des adultes « non-étudiants », ou encore, pourquoi pas, des moments d'investisse­ment dans des associations militantes ou des causes collectives.

     

    Il y a quelque chose de réjouissant à l'idée que des salariés en transition pour cause de plans sociaux pourraient se retrouver à étudier l'histoire politique et celle des mouvements sociaux, ou bien l'économie critique (ou ce qu'ils veulent, d'ailleurs), perspective qui, en soi, et en plus du prélèvement obligatoire spécial destiné au fonds, pourrait décider les entre­prises à y regarder à deux fois avant de licencier, une opération aussi coûteuse, et à tous les titres, devenant la solution de tout dernier ressort. Le capitalisme, dit-on, n'est qu'inventivité. Gageons donc qu'il saura déployer toute sa créativité pour faire son chemin parmi les obstacles d'un coût du licenciement rendu prohibitif, exactement comme il a su le faire parmi ceux du renchérissement des matières premières, ou jadis des taux d'intérêt.

     

    Sans doute ce fonds, comme tout fonds de mutualisation, -créera-t-il à court terme des inégalités... au sein du capital, entre les entreprises durablement créatrices d'emplois et celles qui en détruisent régu­lièrement, les premières payant pour les secondes. Mais, à long terme, toutes les entreprises finissent par passer de la première dans la deuxième catégorie, et deviendront donc bénéficiaires du système. Entre-temps, on pourra laisser au groupe du capital le soin de régler lui‑même ses petits problèmes de coordina­tion interne et de définir pour son propre compte ses critères à lui de l'équité ; du moment que l'enveloppe globale du fonds est acquittée, le reste ne nous intéresse pas.


     

    On pourrait également ajouter ceci : a fortiori quand l'entreprise est conduite à la faillite, mais avant même, une décision de licenciement collectif est une atteinte suffisamment rude à la vie des salariés pour justifier qu'ils se réapproprient leur destin commun de producteurs. Un plan social pourrait donc ouvrir des préroga­tives élargies aux représentants des sala­riés, comme l'octroi d'une majorité au conseil d'administration et la pleine parti­cipation aux organes de direction. Si le capitalisme est la soumission du travail, celle-ci n'aura de légitimité que tant que le capital... créera du travail. Cette condi­tion s'entend évidemment localement, à la différence des idéologues libéraux qui se gargarisent de ce que la mondialisation a si bien fait croître le monde « globale­ment », par pays émergents interposés, résultat sans doute admirable, mais qui fait une belle jambe aux licenciés européens.

     

    Il s'agit donc de soumettre la soumis­sion ! En tout cas de lui demander ses titres, c'est-à-dire de faire ses preuves. Les capitalistes aiment à rappeler qu'ils sont « ceux qui créent les emplois » : on va les prendre au mot. Ils se targuent également sans cesse d'aimer les aiguillons et les défis à relever : on va leur en donner. Toute incapacité collective à créer de l'emploi finira en cotisations accrues au fonds de restructuration; toute incapacité individuelle, en abandon du pouvoir patronal.

     

    On le voit, il s'agit ici d'esquisser tout un camaïeu de transition vers une sortie du capitalisme, dont l'étape principale résiderait dans la réappropriation par les salariés de leur souveraineté de produc­teurs — soit l'abolition de la propriété financière comme principe de la dévolu­tion du pouvoir et la pleine association politique des salariés à la détermination de leur destin commun.

    L'instrument de ce glissement progressif pourrait là encore. si l'on ose dire, capitaliser... sur les échecs du capital. Toute situation de redressement judiciaire ouvrirait au collectif des sala­riés un droit de préemption pour 1 euro symbolique, à charge pour eux de s'orga­niser en communauté politique de produc­tion — ce que j'ai appelé ailleurs une « récommune » (15). Si, comme on peut l'imaginer, le capital ne souhaite rien tant que conserver son pouvoir, gageons que les plans sociaux et les dépôts de bilan vont rapidement passer de la catégorie « procédé ordinaire de gestion » à celle de « phobie cauchemardesque ».

     

    Le socialisme de nettoyage, ça suffit

    C'EST tout cela que font revenir d'un coup le choc PSA et l'inénarrable minis­tère du passage de la serpillière ; tout cela qui dessine le vrai paysage de la bataille, celle qui ne peut jamais avoir lieu là où elle devrait censément, c'est-à-dire dans le débat électoral, et qui prend forcément place ailleurs, en l'occurrence sur le front des luttes sociales. Par une sorte de malé­diction historique, c'est de nouveau le PS qui s'y colle. Après Talbot 1983 et Vilvorde 1997, PSA 2012. Mais, depuis si longtemps, de l'eau coléreuse a coulé sous les ponts, et il se pourrait que, cette fois, le socialisme du passage entre les gouttes finisse rincé.

     

    Rarement un événement a eu, sans doute par son ampleur, le don de concen­trer à ce point les enjeux les plus fonda­mentaux d'une époque. M. Tchuruk a eu ses rêves éveillés ; nous pouvons aussi avoir les nôtres. Nous pourrions rêver éveillés que PSA deviendrait un emblème et un point de ralliement politique, mais de la politique du mouvement social, qui saurait reconnaître dans ce tragique cas particulier l'universel du combat contre le capitalisme mondialisé.

     

    Visiblement, les syndicats et les salariés de PSA sont remontés comme des coucous. Il ne faut pas les laisser seuls. Un mouvement social «PSA » ne serait pas simplement PSA : il serait Technicolor, Air France, Fralib, Conti ; il serait le mouvement social des salariés présents, hélas voués à être rejoints bientôt par de nombreux autres, que la crise européenne et le capi­talisme néolibéral s'apprêtent à jeter comme des malpropres. Un mouvement social qui dirait que le socialisme de nettoyage, ça suffit, qu'après avoir soigneusement évité pendant tant d'an­nées de déranger tout ce qui agresse le salariat, il va falloir revenir à quelques résolutions fondamentales. Et que le vrai changement, c'est maintenant.

     

    FRÉDÉRIC LORDON.

     

    1. Débat avec Jacques Généreux, 3 juillet 2012, www.lemonde.fr
    2. Fonds d'investissement dans des sociétés non cotées en Bourse, notamment au moyen du fameux rachat par endettement (leverage buy-out ou LBO). 
    3. Lire Raoul Marc Jennar, « Deux traités pour un coup d'Etat européen », Le Monde diplomatique, juin 2012. 
    4. Lire « En route vers la Grande Dépression? », La pompe à phynance, 18 mai 2010, http://blog.monde­diplo.net  
    5. Toutes choses qu'il faudrait accompagner de leurs détails techniques. Cf. Les économistes atterrés, Changer d'économie et L'Europe maltraitée, Les liens qui libèrent, Paris, respectivement 2011 et 2012; ou encore « Sauver les banques jusqu'à quand ? », «Le commencement de la fin », « Euro, terminus ? », « La fausse solution des eurobonds », La pompe à phynance, 11 mai 2010, 11 août 2011, 24 mai et 1" juin 2012. 
    6. Un rêve au demeurant fort proche d'être réalisé par Apple... 
    7. Biens et services entrant dans la production de marchandises (matières premières, énergie, pièces détachées...).
    8. Lire le dossier sur le protectionnisme dans Le Monde diplomatique de mars 2009.
    9. Qui détient 31 % des parts mais 48 % des droits de vote, auxquels s'ajoutent les 4,5 % des salariés. 
    10. Lire Isabelle Pivert, « La religion des quinze pour cent », Le Monde diplomatique, mars 2009. 
    11. Sanofi, rapport annuel 2011. 
    12. Lire « Instabilité boursière : le fléau de la cotation en continu », La pompe à phynance, 20 janvier 2010. 
    13. Lire « Et si on fermait la Bourse ? », Le Monde diplomatique, février 2010. 
    14. Lire « Enfin une mesure contre la démesure de la finance, le SLAM ! », Le Monde diplomatique, février 2007.
    15. La Crise de trop. Reconstruction d'un monde failli, Fayard, Paris, 2009.

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  • Scoop : Six mois à l'avance, le résultat des négociations patronat-syndicats sur la "sécurisation de l'emploi"

     
    Le ministère du Travail a transmis au patronat et aux syndicats un document d'orientation destiné à cadrer la négociation sur la sécurisation de l'emploi qui va s'ouvrir dans les jours prochains.
    Sont mis sur la table: réforme du droit des licenciements économiques pour davantage sécuriser les procédures; élaboration d'une "flexisécurité" à la française pour parer aux licenciements économiques; encadrement des CDD via une tarification modulable à l'assurance chômage selon le type de contrat utilisé par une entreprise. Les partenaires sociaux ont jusqu'à la fin mars pour rendre leur copie.
    Cliquer ici pour lire l'article de la Tribune à ce sujet.

    La CGT chômeurs rebelles peut d'ores et déjà vous donner le résultat de cette "négociation" :

    Les travailleurs devront continuer à se soumettre aux patrons,
    sous des contrats toujours plus précaires,
    avec toujours moins de protection sociale,
    car leur rôle dans la société est de garantir
    les marges, les plus-values, les dividendes
    et les bonuses
    des actionnaires et des banquiers.
     
     

    Pourquoi pouvons-nous donner avec autant de précision le résultat d'une négociation qui a à peine démarré ?

    Parceque si nous, les réels créateurs de richesses dans ce pays, les travailleurs en CDI, en CDD, en interim, en temps partiel subi, nous ne participons pas directement, par la mobilisation collective, à l'établissement d'un rapport de force face aux patrons, nous n'obtiendrons rien des patrons.
    Nous n'avons rien à attendre de ce simulacre de négociation, car tout est plié : Le MEDEF n'a qu'un objectif : Nous tondre la laine sur le dos. Et ces bandits ne connaissent que le rapport de force pour lâcher des droits aux salariés.

    Alors, stop ou encore ?
     

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  • Une petite gourmandise intellectuelle qui mérite d'être plus encore raffinée


    Dans le Diplo d'Août, un article de Frédéric Lordon, un quart de la une et deux pleines pages intérieures   intitulées "Peugeot, choc social et point de bascule".  Pas une brève pour épingler  PSA mais à partir de cet exemple un développement sur les responsabilités du capital et la duplicité de son vocabulaire pour masquer sa prédation.


    Disons le d'entrée un article à lire et faire lire, sérieux et réjouissant, des images cinglantes pour éclairer des zones complexes et comme toujours chez F. Lordon beaucoup d'effort pour être (rester) accessible, pas mal d'éléments de réflexion pour qui veut comprendre les rouages de la crise et  trouver des issues, peu de place aux circonstances atténuantes pour le capital, bref rien ou pas grand-chose à jeter.


    Pas question ici de traiter de la façon jubilatoire dont il habille sur mesure ce gouvernement qui met en pratique 70 ans de théories blumolletienne révisées "Jospin 1997" de gestion des intérêts du capital.


    Ce qui retient l'attention, ce n'est pas ce roboratif portrait de ces socialistes qui nous gouvernent, du monsieur Jourdain de l'Elysée ou la fausse pitié pour le Tartuffe et son cilice du ministère du redressement productif. Il les passe à la moulinette du réel et ses contradictions. Il démontre comment les limites de la politique du pouvoir ne sont que celle des choix de gérer loyalement le capital. Comment il le fait dans le cadre d'une UE que, de la SFIO au PS, la social démocratie a porté comme chevalier rose  de la lutte anticommuniste sur les fonds baptismaux de l'Europe des monopoles et de la finance.


    Son papier est aussi porteur de limites qui ne sont pas que celle de Lordon mais celles de tous ceux, militants voulant changer la donne des sociétés humaines, économistes progressistes, historiens, syndicalistes : Une grande capacité à disséquer pédagogiquement les pratiques mise en action par les hommes du capital et leurs raisons, leurs conséquences, mais aussi une limite à l'exploration des conditions d'organisation concrète de leur subversion.

    Principal reproche, ce renvois aux calendes grecques  de l'institutionnalisation frontale de l'expropriation du capital, des formes pratiques de cette expulsion. Un renvoi certes liés à des considérations objectives de l'état des lieux du terrain des luttes mais qui posées ainsi ne poussent pas à la construction du rapport de force permettant cette indispensable subversion.


    Comme si la peur d'être trop en avant du niveau de conscience freinait la volonté d'aller au bout de ce que porte la pensée de l'auteur. Souci louable mais qui exige d'être dépassé tant l'urgence de la crise et  celle d'aider à une issue exige de ne pas en rester aux pansements mais à proposer une thérapie certes lourde mais aussi efficace qu'exclusive. Des propositions qui ouvriraient une perspective rien qu'en démontrant la non fatalité des pistes imposées par l'idéologie dominante dopée par la pédagogie du renoncement.


    Pour Canaille le Rouge, deux types de raisons à cela qui portent critiques pas qu'à l'auteur de l'article mais aussi à ceux de ses lecteurs qui partagent la dénonciation.

    Une liée au poids et l'ancrage de cette idéologie dominante sur la place du dieu "marché" qui revient à revenir au fondamentaux sur la complémentarité des termes de la loi de la valeur quand la valeur d'échange devient exclusive et, au nom du réalisme économique qui est fondateur du réformisme, marginalise la valeur d'usage.


    C'est la fameuse théorie " marxillusionienne" issue des méandres de la pensée de défroqués de leur intégrisme dogmo-marxiste antérieur séminarisant au sein de l'ex section économique de l'ex PCF: la loi de l'horizon indépassable du marché qui fit les beaux jours de l'entrée en coma dépassée de la revue "économie et politique".


    Avantage de cette théorie, elle permet de faire de l'économie hors sol. Comme les tomates de serres c'est rouge, cela a l'odeur mais pas de gout ni de capacité à se conserver. Juste le plaisir jubilatoire de pouvoir spéculer hors du cambouis des 3x8 et des fin de mois difficiles ou impossibles, grâce de croire cultiver sans les courbatures du binage du terrain du réel. Laboratoire qui permet de ne pas lier activités économiques et réponses aux besoins. C'est l'espace de la géo stratégie des marchés externalisés du besoin de faire de la lessive, des brosses à dents ou du cirage à chaussure (Unilever et ses alter égo ne l'oublient pas et occupent ce terrain, y ancrent la base de leurs profits, Fralib est là pour le rappeler) pour demander de façon incantatoire une réorientation du fonctionnement de la BCE.   C'est le rêve Wall Streetien validé par la place du colonel Fabien.


    F. Lordon ne s'y est pas englué et tente d'extirper ceux qui  contre leur volonté y sont piégés. Mais le poids est tel qu'il consacre les ¾ de ses efforts à démontrer  (indispensable) l'impasse, alors qu'il est de plus urgent de fouiller le quart restant pour y creuser les fondations de l'issue. (Cela montre au passage qu'il faut être plus nombreux à aller sur ce terrain pour que ceux qui y sont déjà ne s'y épuisent pas). Là réside la vraie possibilité de sortir de la crise laquelle exige pour cela de s'affranchir du capital.


    La seconde est liée à la défaite idéologique majeure subie par le mouvement ouvrier qui outre qu'elle l'a conduit dans le marécage dénoncé ci dessus l'a stérilisé dans sa capacité à construire la concrétisation de son utopie. Comment, à partir de la réponse aux besoins sociaux individuels et collectifs, fabriquer des valeurs d'usage qui grâce à cette propriété du travail humain à produire plus de richesses que celles nécessaires à sa production, mette en route une dynamique qui éloigne des récifs du capital et fassent taire les sirènes de l'idéologie dominante et parte explorer des contrées vierges de l'aliénation du capital voire construisent ces contrées ?

    Comme cet accouchement où n'existe ni psychoprophylaxie ni de péridurale exige une équipe mobilisée pour donner le jour à ce monde nouveau qui doit remplacer le vieux, il est évident que l'équipe doit être pluridisciplinaire et pour cela le monde du travail, retrouvant la conscience de la nature de classe du combat, se doit y prendre sa part y compris dans la définition et la mise en œuvre des protocoles d'intervention. Sinon c'est Sisyphe, tout restera à éternellement recommencer.

    C'est en cela que les limites au travail de Fr Lordon ne sont pas que les siennes. Peut-être que le seul reproche qu'on pourrait lui adresser est de prendre à témoins ses collègues et pas assez par le col pour les secouer ceux qui doivent investir le terrain qu'il s'efforce de défricher. Peut-être un investissement plus tourner non vers l'institutionnel politique mais vers les militants d'entreprises participerait à débloquer la situation.


    Pour autant cela ne saurait circonscrire les responsabilités à sa seule impuissance à mobiliser les foules dès lors que dans les tribunes, ceux qui applaudissent le dompteur des fauves du CAC 40,  ne descendent pas dans l'arène pour lui prêter main forte.

    Peut-être aussi est-il de la responsabilité de ceux qui partagent cela de s'y investir plus et mieux (c'est en cela que les rencontres de Marseille sont fécondes même si La Canaille doute que leur suite émerge d'une éruption salvatrice dans les marnes argileuses du Bourget, la masse de ceux à convaincre, par définition, ne s'y rend plus).


    On ne peut pas dire que Fr. Lordon ne donne pas de piste. Certaines devant être discutées. Par exemple, faut-il attendre que le patronat soit en déficience industrielle pour permettre que les producteurs réels de richesses soient autorisés à s'approprier l'outil de production ? Une solution présentée comme une des hypothèses de sortie de blocage des défaillances patronales laissant, tant que défaillances il n'y a pas, les dits patrons aux leviers de commandes ?


    Certes, sa démonstration que le capital est petit mis devant ses pratiques mesurées à l'aune de ses propres critères participe à la construction de la confiance en soi et l'espoir quelle permet. Mais est-il à éliminer parce que bloqué dans la logique de ces critères comme un animal essoufflé et agressif ou parce que fondamentalement son essoufflement est lié à la nature prédatrice antagonique au besoin de l'humanité ? C'est ce débat qui fait la ligne de rupture entre gestion de la crise et de la construction d'un monde nouveau la question essentielle de l'avenir de l'humanité.


    Point positif, dans sa proposition, il fait exploser le cadre contraint de la réappropriation collective par l'exclusivité de la nationalisation qui pour La Canaille reste une des possibilité, parmi d'autres, avec des critères de maitrise bien déterminés en fonction du rôle stratégiques (réseaux, besoins vitaux ou architecture de la société) mais n'est pas la seule issue et exige d'explorer des voies autogestionnaires nouvelles.


    Bref, vous l'avez bien compris, pas une critique pour dézinguer l'auteur mais un appel à s'emparer de ses écrits pour explorer les pistes d'une issue à élaborer collectivement pour s'extirper de la logique du capital et de sa nasse exclusive la valeur d'échange et de l'accumulation qu'elle génère.


    Bien sur, ce n'est pas de la littérature de plage (c'est la raison pour laquelle La Canaille aura attendu que le calendrier ait franchi la ligne de démarcation du 31 aout pour vous en parler). Mais comme les lecteurs des p@ges de Canaille le Rouge sont souvent parents ou grands-parents pourquoi imposer aux jeunes génération de reprendre papier crayons et de se pencher sur les textes parfois très arides à étudier et ne pas s'imposer, dès débuts septembre, la même discipline avec comme motivation non pas le passage d'ici neuf mois dans la classe supérieure mais plus simplement de construire un monde ou les seules classes qui doivent rester soient celles dont bancs st pupitres  accueillent la relève humaine des générations qui poursuivront le travail ?

    Par canaille le rouge

     


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  • Non à l’austérité permanente : grande manifestation unitaire à Paris le 30 septembre 2012

    Non à l’austérité permanente


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  • Mythes opportuns et Impérialisme libéral

    La manière libérale de diriger le monde : « changez, ou nous vous tuerons »

    La manière libérale de diriger le mondeJohn PILGER
     

    Quel est le mot en « isme » le plus puissant et le plus violent ? Depuis que le communisme a disparu de la scène, cette question fera penser aux démons habituels, comme l’Islamisme. La réponse, écrivit Harold Pinter, n’est que « superficiellement mentionnée, sans parler d’être documentée, et encore moins reconnue, » parce qu’il n’y a qu’une seule idéologie qui se prétende non-idéologique, ni de droite ni de gauche, la voie suprême, et c’est le libéralisme.

    Dans son essai de 1859, On Liberty (Sur la Liberté – NdT), auquel les libéraux modernes rendent hommage, John Stuart Mills décrit le pouvoir des empires : « Face à des barbares, le despotisme est un mode de gouvernement légitime, » écrit-il, « à condition que l’objectif soit de les changer, de les améliorer, et les moyens employés se retrouvent justifiés par l’atteinte de cet objectif. » Les « barbares » désignait de larges pans de l’humanité à qui était exigée une « obéissance implicite ». Le libéral français Alexis de Tocqueville aussi croyait en la conquête de l’autre par des moyens sanglants et y voyait « le triomphe de la Chrétienté et de la Civilisation » ce qui était « clairement un destin dévolu par la Providence ».

    «  Il s’agit d’un mythe bien agréable et commode que les libéraux seraient des pacifistes et les conservateurs des bellicistes, » écrivit l’historien Hywel Williams en 2001, « mais l’impérialisme à la sauce libérale peut être plus dangereuse à cause de sa nature ouverte, variable – sa conviction qu’il constitue une forme de vie supérieure [tout en niant son] fanatisme moralisateur. » Il avait à l’esprit un discours prononcé par Tony Blair au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001, où ce dernier promettait « de réorganiser ce monde autour de nous » selon ses « valeurs morales ». Un million de morts plus tard – pour ne mentionner que l’Irak – ce tribun du libéralisme est aujourd’hui employé par la tyrannie du Kazakhstan pour un tarif de 13 millions de dollars.

    Les crimes de Blair n’ont rien d’exceptionnel. Depuis 1945, plus d’un tiers des pays membres de l’ONU – 69 – ont eu à subir un ou plusieurs de ce qui suit. Ils ont été envahis, leurs gouvernements renversés, les mouvements populaires éradiqués, leur élections truquées et leurs peuples bombardés. L’historien Mark Curtis estime le bilan de ces morts à plusieurs millions.

    Ceci a été principalement le projet du porteur de la flamme libérale, les Etats-Unis, dont le bien-aimé président « progressiste » John F. Kennedy, selon de nouvelles recherches, autorisa le bombardement de Moscou pendant la crise des missiles en 1962. « Si nous devons employer la force », a dit Madeleine Allbright, Secrétaire d’Etat de l’administration libérale de Bill Clinton, « c’est parce que nous sommes l’Amérique. Nous sommes la nation indispensable. Nous sommes grands. Nous voyons plus loin dans le futur. » Quelle manière succincte de définir le libéralisme moderne et violent.

    La Syrie est un projet qui ne date pas d’hier. Voici un document des services de renseignement conjoints US et britanniques :

    « Afin de faciliter l’action de nos forces libératrices (sic) … un effort particulier devra être déployé pour éliminer certains individus clés (et) procéder à des déstabilisations internet en Syrie. La CIA est préparée, et SIS (MI6) tentera de monter des sabotages mineurs et des incidents en appui (sic) à l’intérieur de la Syrie, par le biais de contacts avec des individus... un niveau indispensable de peur... des affrontements et des incidents (mis en scène) aux frontières fourniront un prétexte à l’intervention... la CIA et le SIS devront employer... des moyens à la fois psychologiques et des actions sur le terrain pour augmenter la tension. »

    Ce document date de 1957 mais aurait pu sortir d’un rapport récent du Royal United Services Institute intitulé « A Collision Course for Intervention » (sur la voie d’une intervention inévitable - NdT) dont l’auteur dit, avec un bel euphémisme : « Il est hautement probable qu’un certain nombre de forces spéciales et de renseignement sont présents en Syrie depuis longtemps. »

    Et c’est ainsi qu’une guerre mondiale se fait attendre en Syrie et en Iran. Israël, la création violente de l’Occident, occupe déjà une partie de la Syrie. Ce n’est pas un scoop. Les Israéliens organisent des pique-niques sur les hauteurs du Golan pour observer la guerre civile dirigée par les services de renseignement occidentaux à partir de la Turquie et financée et armée par le pouvoir médiéval de l’Arabie Saoudite.

    Après avoir volé la majorité de la Palestine, attaqué par surprise le Liban, affamé le peuple de Gaza et construit un arsenal nucléaire illégal, Israël est épargné par la campagne de désinformation en cours visant à installer des régimes pro-occidentaux à Damas et Téhéran.

    Le 21 juillet, le commentateur du Guardian, Jonathan Freedland, a averti que «  l’occident n’allait pas demeurer spectateur passif encore longtemps... A la fois les Etats-Unis et Israël observent avec inquiétude les stocks d’armes chimiques et nucléaires de la Syrie, qui auraient été sorties et sont en cours de déploiement, faisant craindre qu’Assad ait décidé de tomber dans une dernière explosion de gloire.  » Selon qui ? Selon la bande habituelle d’ « experts » et de barbouzes.

    Comme eux, Freedland appelle de ses vœux « une révolution sans l’intervention massive qui avait été requise en Libye. » Selon ses propres chiffres, l’OTAN a mené 9.700 « sorties de frappe » contre la Libye, dont plus du tiers visaient des cibles civiles. Dont certains avec des missiles équipés de têtes à uranium. Observez les images des ruines de Misrata et Sirte, et les fosses communes identifiées par le Croix-Rouge. Lisez le rapport de l’UNICEF sur les enfants tués. « la plupart (d’entre eux) avaient moins de dix ans. » Comme pour la destruction de la ville de Fallujah, ces crimes n’ont pas fait le une des journaux car médias et désinformation font intégralement partie de l’arsenal d’agression.

    Le 14 juillet, l’Observatoire Libyen des Droits de l’Homme, qui s’opposait au régime de Kadhafi, a rapporté que « La situation des droits de l’homme en Libye est à présent bien pire que sous Kadhafi. » Le nettoyage ethnique se déchaîne. Selon Amnesty International, toute la population de la ville de Tawargha «  est toujours empêchée de rentrer chez elle tandis que ses maisons sont pillées et incendiées ».

    Dans les universités anglo-américains, des théoriciens influents présentés comme des « libéraux pragmatiques » enseignent depuis longtemps que les impérialistes libéraux – un terme qu’ils n’emploient jamais – sont les gardiens de la paix et les gestionnaires de crises, plutôt que comme la cause de ces crises. Ils ont extirpé l’humanité de l’étude des nations pour la congeler dans un jargon au service des pouvoirs agressifs. Etalant des nations entières sur leurs tables d’autopsie, ils ont donc identifié les « états en faillite » (états difficiles à exploiter) et les « états voyous » (états qui résistent à la domination occidentale).

    Peu importe que le régime soit une démocratie ou une dictature. Idem pour les mercenaires embauchés pour le travail. Au Moyen-Orient, depuis l’époque de Nasser jusqu’à la Syrie d’aujourd’hui, les collabos du libéralisme occidental ont été des islamistes, et dernièrement Al-Qaeda, tandis que des notions largement discréditées de démocratie et de droits de l’homme servent de couverture rhétorique aux opérations de conquête. Plus ça change... (en français dans le texte – Ndt)

    John Pilger

    www.johnpilger.com

    Traduction "« love me, I’m a Liberal », chantait le regretté Phil Ochs" par VD pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles

    URL de cet article 17654
    http://www.legrandsoir.info/la-maniere-liberale-de-diriger-le-monde-changez-ou-nous-vous-tuerons.html

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  • Peter Mertens :« Un parti qui grandit ne peut pas brûler les étapes »

    Peter Mertens, le président du PTB, n’y va pas par quatre chemins. Sa priorité n° 1 pour les prochaines élections communales, c’est d’obtenir un élu à Anvers, à Liège et à Bruxelles (Molenbeek).

    Nick Dobbelaere

    « C’est important pour trois raisons : les grandes villes ont un besoin urgent d’une autre voix dans leur conseil communal. Ensuite, nous devons dès aujourd’hui construire une vraie force d’opposition au sud comme au nord du pays en vue des élections fédérales et régionales de 2014, puisque Bart De Wever envisage de paralyser le pays. Enfin, dans une période où sévissent la crise de l’euro et les plans d’économie, nous avons un besoin crucial de trois mégaphones dans ces grandes villes. »
    À un mois et demi des élections communales, le président du PTB Peter Mertens a plutôt l’air satisfait. Entre coups de fil à la presse et suivi du procès sur les panneaux électoraux à Anvers, nous l’avons attrapé pour une interview.
        « Toute la culture commerciale propre au néolibéralisme a également envahi l’arène électorale », explique Peter Mertens à propos du fait que le PTB+ à Liège ne s’est vu octroyer qu’un demi-panneau électoral, et à Anvers et Namur même rien du tout. « Le Conseil d’État nous a donné raison juste à temps dans notre lutte contre cette interdiction de panneaux électoraux à Anvers. Là-dessus, le bourgmestre Patrick Janssens a convoqué un conseil électoral extraordinaire le 10 septembre. Je suis curieux de voir ce que ça va donner », sourit Peter.
    « Alors qu’autrefois les partis se présentaient aux électeurs dans des lieux publics, on les retrouve aujourd’hui sur le marché de l’affichage commercial. On veut faire de l’argent avec tout, et les élections n’y échappent pas. Fini les panneaux électoraux. Aujourd’hui, celui qui se présente aux élections doit acheter des espaces publicitaires hors de prix... »

    L’affichage commercial payant, seuls bien sûr les partis au gros portefeuille peuvent se le permettre.

        Peter Mertens. C’est la politique du self-service. Des partis qui reçoivent des millions de subsides décrètent que les panneaux électoraux gratuits sont interdits. Mieux, ceux chargés d’organiser les élections – dans ce cas, les dirigeants liégeois et anversois – appartiennent à ces partis et prennent des mesures pour handicaper les partis plus petits. Il ne s’agit pas là seulement d’une question de panneaux ; il s’agit du débat public, peu à peu privatisé par les plus offrants. Et, simultanément, les amendes administratives pleuvent sur ceux qui osent encore émettre une voix critique. J’ai écopé d’une telle amende au palais de justice d’Anvers parce que nous manifestions... pour la liberté d’expression. Des jeunes ont aussi été sanctionnés ainsi par la Ville de Bruxelles parce qu’ils manifestaient pour la solidarité avec les sans-papiers (voir page 5). Et, face à cela, bien sûr, nous ne plierons pas.

    Pour le 14 octobre, le PTB+ mise gros sur trois communes : Anvers, Liège et Molenbeek. Pourquoi précisément ces trois-là ?

        Peter Mertens. Au total, nous nous présentons dans 42 communes et bien entendu nous voulons progresser partout. Nous avons des centaines de candidats qui se démènent pour mettre sur pied de nouveaux groupes de base du PTB+, pour faire entendre dans de nouvelles communes une voix de gauche véritable et conséquente. J’ai beaucoup de respect pour eux, parce qu’ils travaillent dans le silence alors que les projecteurs sont braqués sur les trois grandes villes.
    Mais nous ne pouvons faire autrement. Lorsqu’on est « petit », il ne faut pas se plaindre, mais s’activer et déterminer sur quels points nous voulons avancer en priorité. Ces objectifs précis sont des locomotives qui peuvent par après tracter tout le reste. Au plan politique, on en arrive inévitablement à Anvers, Liège et Bruxelles, ce que reflète bien la presse nationale. En outre, nous sommes bien implantés dans ces villes.

    On ne peut nier que, d’une manière ou d’une autre, les élections communales sont liées à la politique nationale.

        Peter Mertens. La N-VA surtout fait de ces élections un referendum sur le gouvernement Di Rupo. Via les villes et les communes, elle veut mettre en place une base suffisamment forte pour faire éclater le pays en 2014. C’est ça leur véritable programme électoral.
        Pour nous, l’enjeu est de prendre part au débat et de mettre en place une opposition sociale de gauche forte. C’est avant tout important pour les villes et les communes elles-mêmes. Car, à partir de l’opposition, on peut peser sur la politique menée. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé ces dernières années dans les communes où le PTB+ a des élus. C’est ce qu’ont montré Johan Vandepaer et Nadia Moscufo à Herstal. Ils ont pesé durant six ans sur la gestion communale, mis à l’agenda des thèmes qui autrement n’y auraient pas figuré et, surtout, ils ont osé impliquer en permanence les habitants. Notre premier souci n’est donc pas au-dessus du local, mais d’avoir une vraie influence sur la politique communale.
        Cela dit, il est clair que les élections tournent aussi autour de thèmes nationaux. Si De Wever a un plan pour paralyser le pays en 2014, c’est dès maintenant qu’il faut être préparé à lui mettre des bâtons dans les roues. Et, si nous voulons commencer à rendre des couleurs à la gauche, nous devons dès maintenant présenter une alternative à ceux qui sont dégoûtés de la politique du gouvernement Di Rupo, qui n’a rien de gauche. Notre position politique doit être forte et être consolidée avec les élus.

    Quelle est donc la vision du PTB+ sur les villes et les communes ?

        Peter Mertens. En français, le mot « commune » vient de communauté, de mise en commun, ce n’est pas « supermarché ». Les villes et les communes sont des lieux où vivent et travaillent les citoyens, où leurs enfants vont à l’école, où on va chez le médecin, faire ses courses, etc. Autrement dit, une importante partie de notre vie se déroule là où nous habitons. Nous voulons donc des quartiers intégrés, c’est-à-dire avec un tissu social qui favorise la rencontre, garantit calme et sécurité et offre des services publics, au public. C’est une conception diamétralement opposée à la conception néolibérale qui veut faire de la ville un supermarché où l’habitant est juste un client.

    Pouvez-vous illustrer de manière plus concrète votre conception des quartiers intégrés ?

        Peter Mertens. Concrètement, cela signifie, par exemple, que nous voulons des écoles de quartier et non des écoles gigantesques situées loin, où il faut conduire les enfants en voiture. Ce n’est pas admissible que, dans une ville, il faille passer une heure dans un tram ou un bus pour aller à l’hôpital ou ailleurs. Un bureau de poste doit exister dans chaque quartier, afin que les personnes plus âgées ne doivent pas marcher une heure pour aller chercher leur pension. Cela signifie qu’il y ait des agents de quartier, qui habitent celui-ci et le connaissent pour pouvoir faire en sorte que des conflits latents n’escaladent pas.
        Cela signifie aussi qu’il y ait suffisamment de logements corrects, à un prix abordable. Ce n’est pas du marché privé que viendra la solution. Tout le monde sait que les loyers et prix d’achat des logements sont exorbitants. Il faut oser investir dans les logements sociaux. Ce n’est pas normal que, dans une ville comme Liège, il n’y ait que 8,5 % de logement social alors que, à Amsterdam, c’est 50 %, et à Vienne, même 60 %.  
            En d’autres termes, il s’agit de quartiers à dimension humaine. Mais ce n’est possible qu’avec la présence d’un tissu social renforcé par des services publics. Et c’est précisément ce tissu social que les néolibéraux — souvent avec l’aide du Parti socialiste — détricotent depuis des années. Tout doit rapporter et rapporter, parce qu’il faut des monceaux d’argent pour les spéculateurs des banques. Et bien, pas chez nous. Nous avons une vision unique et cohérente de la ville qui part des besoins des habitants, et non de ceux du marché. Nous partons des droits de base de tous les habitants, alors que, concernant ces droits, d’autres partis insistent en permanence sur les « devoirs », mais surtout pour les « petits » et jamais pour les responsables de Dexia, les spéculateurs ou les millionnaires.

    Il semblerait que la crise ne fasse pas partie de la rhétorique électorale des partis traditionnels. Aucun n’a abordé le sujet.

        Peter Mertens. En effet, le mot « crise » n’a visiblement pas sa place dans leur combat électoral. Ce qui est bizarre et même complètement ahurissant, puisque la crise est loin d’être terminée. Récemment, le gouverneur de la Banque Nationale qui mettait en garde contre une récession économique a immédiatement été rappelé à l’ordre par plusieurs ministres qui lui ont signifié qu’il ne pouvait pas transmettre ce genre d’information. Du moins, pas avant le 14 octobre.

    La crise n’est pas la bienvenue à l’approche des élections.

        Peter Mertens. (Dur) La crise n’est surtout pas la bienvenue pour qui en paie les conséquences ! Vraiment, voyez l’Espagne, l’Irlande, la Grèce... Est-ce là l’Europe dont nous voulons ? Chez nous, le gouvernement a donné plus de 50 milliards d’euros de garantie d’État au Holding Dexia, et cela ne s’annonce vraiment pas bien pour celui-ci. Si jamais quelque chose tourne mal, cela aura des conséquences énormes pour toutes les villes et communes. Et en parler, c’est tabou !
        Il ne faut pas oublier que, l’an dernier, la moitié des villes et communes belges ont fini dans le rouge. Après les élections, toutes les communes vont se serrer la ceinture : des sacs poubelles plus chers, augmentation des taxes, fermetures de bibliothèques et de piscines. Pourquoi n’en parle-t-on pas ? Sans compter que l’on devra faire des restrictions au niveau fédéral et régional. C’est d’ailleurs déjà le cas.
    Prenons par exemple la dégressivité des allocations de chômage qui va plonger 100.000 chômeurs sous le seuil de pauvreté. Est-ce que cela ne va pas dégrader encore la situation sociale dans les grandes villes, accentuer les tensions, peser sur les budgets de CPAS ? Et, comble de cynisme, cette mesure ne sera mise en application qu’après les élections, le 1er novembre. La crise a des conséquences pour les villes et communes, et c’est notre devoir d’en parler durant la campagne, et pas seulement après le 14 octobre !

    Quelles sont les chances du PTB+ dans le sud du pays ?

        Peter Mertens. Je dirais que c’est un moment charnière. Le PS est au pouvoir et applique, malgré quelques déclarations enflammées, toutes les mesures antisociales édictées par l’Union européenne. Le démantèlement des prépensions, la baisse des allocations de chômage, les 14 milliards d’austérité... Le PS est confronté au mécontentement grandissant d’une partie de la gauche. Qui se tourne de plus en plus vers notre parti. Et nous devons aussi empêcher que les votes contestataires aillent à l’extrême droite, comme ce fut le cas en Flandre.

    En Wallonie, il n’y a pas Bart De Wever…

        Peter Mertens. Non, mais il y a Raoul Hedebouw, notre porte-parole national, un débatteur né. C’est quelqu’un qui est capable d’expliquer les choses très clairement et simplement. Avec son équipe, il met toute son énergie pour décrocher le premier siège du PTB dans une grande ville de Wallonie.
    À Charleroi, comme à La Louvière, à Schaerbeek, Herstal et Seraing, la campagne va aussi bon train, emmenée par de tout bons candidats. C’est le moment de saisir l’opportunité qui se présente en Wallonie et à Bruxelles. Et nous avons dans nos rangs les personnes idéales pour ça.

    Le PS est-il un peu inquiet de cette concurrence sur sa gauche ?

        Peter Mertens. Bien sûr. Certains ténors n’ont d’ailleurs pas hésité à inviter la population à ne pas voter pour nous. Ils sont par exemple inquiets depuis l’appel lancé par la FGTB de Charleroi le 1er mai dernier à donner un signal fort en votant à gauche du PS. Ce n’est pas banal, vu les liens qui ont pu exister entre la FGTB et le PS. Ce sont là des signes qui prouvent que les choses bougent en Wallonie. Et, lorsque le ministre PS Paul Magnette, grosse pointure du fédéral, annonce qu’il brigue le poste de bourgmestre de Charleroi, c’est aussi en partie parce qu’il craint l’ascension d’une force politique à sa gauche dans la plus grande ville de Wallonie.

    Le PTB se présente dans 42 communes. Quels sont les objectifs en dehors d’Anvers, Liège et Molenbeek ?

        Peter Mertens. Nous voulons d’abord faire réélire nos 16 élus communaux, et nous espérons progresser dans plusieurs villes. Dans quelle mesure ? On verra. À Charleroi, par exemple, nous avons une très bonne équipe avec les têtes de liste Sofie Merckx et Germain Mugemangango. Je ne vais pas affirmer que nous y aurons un élu, mais je ne l’exclus pas non plus. Même chose à Gand avec notre spécialiste des questions énergétiques Tom De Meester. Nous sommes présents dans toutes les grandes villes du pays et je pense que le parti va progresser partout.

    Un parti qui monte veut évidemment voir sa progression se traduire par un bon score électoral…

        Peter Mertens. En effet, et ce sera le cas. Mais un parti qui grandit ne doit pas brûler les étapes. En début d’année, lors de la tournée nationale de présentation de mon livre Comment osent-ils ?, j’ai constaté en de nombreux endroits qu’une dynamique était en marche.
    Le nombre de votes à venir, c’est important, mais pas le plus important. Le principal est cette dynamique qui se développe, cette équipe mise en place et ces graines de résistance qui ont germé. Et bien sûr, si cela se traduit par un résultat inespéré, c’est tant mieux. Mais notre perspective n’est pas une perspective sur quelques semaines. Nous devons penser à long terme et construire une organisation solide et dynamique pour les temps à venir.

     Est-ce que le PTB+ participera aussi aux élections provinciales ?

        Peter Mertens. Certainement. Nous sommes d’ailleurs très fiers de pouvoir y présenter une liste dans quasiment tous les 69 districts provinciaux. Tout le monde en Flandre et en Wallonie (il n’y a pas d’élections provinciales pour la Région bruxelloise, NdlR), pourra voter pour le PTB+. Cela nous permettra de mieux faire connaître le parti, et les habitants des communes où nous n’avons pas de liste communale auront ainsi la possibilité de voter PTB+.

    Et là, le PTB+ pourra coller partout ses affiches sur les panneaux électoraux…

        Peter Mertens. Bien sûr, et tout le monde pourra voter pour nous ! (Rires)


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  • bce.jpgLa commission européenne vient de refuser la proposition d'initiative citoyenne européenne visant la création d'une banque publique européenne dont je suis l'un des promoteurs, avec 6 autres personnalités européennes. Face aux politiques d'austérité et de toutes les mesures « de gestion de la crise », nous voulions porter l'idée d'une banque qui, contrairement aux banques privées qui spéculent au lieu d'investir dans l'économie réelle, ait pour mission de financer les services publics et des innovations industrielles écologiques et respectueuses des droits des salariés. Nous voulions au moyen d'une grande campagne dans laquelle nous récolterions 1 million de signatures de citoyens européens, favoriser l'intervention citoyenne dans le chemin vers une sortie de crise.

    Le motif de ce refus est consternant : « la commission considère qu'il n'y a pas de base juridique dans les traités qui permettrait de présenter une proposition d'un acte juridique établissant un tel organisme ». Il y a au moins deux leçons à tirer de ce blocage de la commission. La première est que les dogmes sacrés qui guident les choix de l'UE et qui conduisent chaque jour une peu plus tous les peuples européens vers l'abîme, empêche toute proposition innovante au service des peuples. La refondation des objectifs de l'UE est plus que jamais nécessaire pour trouver des issues à la crise. La seconde est que le pouvoir des citoyens sur les décisions européennes reste à conquérir.

    Il est inadmissible que le jour où la banque centrale européenne en décidant le rachat direct de titre de dette des Etats membres de la zone euro, reconnaît l'échec de ses choix antérieurs, la commission européenne décide de refuser la possibilité même d'une telle campagne. Avec le Parti de la gauche européenne et l'ensemble des forces politiques, sociales et syndicales qui cherchent une réelle issue à la crise, je continuerai par d'autres moyens à promouvoir une autre conception de l'Europe, au service des citoyennes et citoyens.


    Pierre Laurent,
    Président du Parti de la gauche européenne
    Secrétaire national du PCF


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