• A propos de l'article de Frédéric Lordon dans le Diplo d'Août.

    Une petite gourmandise intellectuelle qui mérite d'être plus encore raffinée


    Dans le Diplo d'Août, un article de Frédéric Lordon, un quart de la une et deux pleines pages intérieures   intitulées "Peugeot, choc social et point de bascule".  Pas une brève pour épingler  PSA mais à partir de cet exemple un développement sur les responsabilités du capital et la duplicité de son vocabulaire pour masquer sa prédation.


    Disons le d'entrée un article à lire et faire lire, sérieux et réjouissant, des images cinglantes pour éclairer des zones complexes et comme toujours chez F. Lordon beaucoup d'effort pour être (rester) accessible, pas mal d'éléments de réflexion pour qui veut comprendre les rouages de la crise et  trouver des issues, peu de place aux circonstances atténuantes pour le capital, bref rien ou pas grand-chose à jeter.


    Pas question ici de traiter de la façon jubilatoire dont il habille sur mesure ce gouvernement qui met en pratique 70 ans de théories blumolletienne révisées "Jospin 1997" de gestion des intérêts du capital.


    Ce qui retient l'attention, ce n'est pas ce roboratif portrait de ces socialistes qui nous gouvernent, du monsieur Jourdain de l'Elysée ou la fausse pitié pour le Tartuffe et son cilice du ministère du redressement productif. Il les passe à la moulinette du réel et ses contradictions. Il démontre comment les limites de la politique du pouvoir ne sont que celle des choix de gérer loyalement le capital. Comment il le fait dans le cadre d'une UE que, de la SFIO au PS, la social démocratie a porté comme chevalier rose  de la lutte anticommuniste sur les fonds baptismaux de l'Europe des monopoles et de la finance.


    Son papier est aussi porteur de limites qui ne sont pas que celle de Lordon mais celles de tous ceux, militants voulant changer la donne des sociétés humaines, économistes progressistes, historiens, syndicalistes : Une grande capacité à disséquer pédagogiquement les pratiques mise en action par les hommes du capital et leurs raisons, leurs conséquences, mais aussi une limite à l'exploration des conditions d'organisation concrète de leur subversion.

    Principal reproche, ce renvois aux calendes grecques  de l'institutionnalisation frontale de l'expropriation du capital, des formes pratiques de cette expulsion. Un renvoi certes liés à des considérations objectives de l'état des lieux du terrain des luttes mais qui posées ainsi ne poussent pas à la construction du rapport de force permettant cette indispensable subversion.


    Comme si la peur d'être trop en avant du niveau de conscience freinait la volonté d'aller au bout de ce que porte la pensée de l'auteur. Souci louable mais qui exige d'être dépassé tant l'urgence de la crise et  celle d'aider à une issue exige de ne pas en rester aux pansements mais à proposer une thérapie certes lourde mais aussi efficace qu'exclusive. Des propositions qui ouvriraient une perspective rien qu'en démontrant la non fatalité des pistes imposées par l'idéologie dominante dopée par la pédagogie du renoncement.


    Pour Canaille le Rouge, deux types de raisons à cela qui portent critiques pas qu'à l'auteur de l'article mais aussi à ceux de ses lecteurs qui partagent la dénonciation.

    Une liée au poids et l'ancrage de cette idéologie dominante sur la place du dieu "marché" qui revient à revenir au fondamentaux sur la complémentarité des termes de la loi de la valeur quand la valeur d'échange devient exclusive et, au nom du réalisme économique qui est fondateur du réformisme, marginalise la valeur d'usage.


    C'est la fameuse théorie " marxillusionienne" issue des méandres de la pensée de défroqués de leur intégrisme dogmo-marxiste antérieur séminarisant au sein de l'ex section économique de l'ex PCF: la loi de l'horizon indépassable du marché qui fit les beaux jours de l'entrée en coma dépassée de la revue "économie et politique".


    Avantage de cette théorie, elle permet de faire de l'économie hors sol. Comme les tomates de serres c'est rouge, cela a l'odeur mais pas de gout ni de capacité à se conserver. Juste le plaisir jubilatoire de pouvoir spéculer hors du cambouis des 3x8 et des fin de mois difficiles ou impossibles, grâce de croire cultiver sans les courbatures du binage du terrain du réel. Laboratoire qui permet de ne pas lier activités économiques et réponses aux besoins. C'est l'espace de la géo stratégie des marchés externalisés du besoin de faire de la lessive, des brosses à dents ou du cirage à chaussure (Unilever et ses alter égo ne l'oublient pas et occupent ce terrain, y ancrent la base de leurs profits, Fralib est là pour le rappeler) pour demander de façon incantatoire une réorientation du fonctionnement de la BCE.   C'est le rêve Wall Streetien validé par la place du colonel Fabien.


    F. Lordon ne s'y est pas englué et tente d'extirper ceux qui  contre leur volonté y sont piégés. Mais le poids est tel qu'il consacre les ¾ de ses efforts à démontrer  (indispensable) l'impasse, alors qu'il est de plus urgent de fouiller le quart restant pour y creuser les fondations de l'issue. (Cela montre au passage qu'il faut être plus nombreux à aller sur ce terrain pour que ceux qui y sont déjà ne s'y épuisent pas). Là réside la vraie possibilité de sortir de la crise laquelle exige pour cela de s'affranchir du capital.


    La seconde est liée à la défaite idéologique majeure subie par le mouvement ouvrier qui outre qu'elle l'a conduit dans le marécage dénoncé ci dessus l'a stérilisé dans sa capacité à construire la concrétisation de son utopie. Comment, à partir de la réponse aux besoins sociaux individuels et collectifs, fabriquer des valeurs d'usage qui grâce à cette propriété du travail humain à produire plus de richesses que celles nécessaires à sa production, mette en route une dynamique qui éloigne des récifs du capital et fassent taire les sirènes de l'idéologie dominante et parte explorer des contrées vierges de l'aliénation du capital voire construisent ces contrées ?

    Comme cet accouchement où n'existe ni psychoprophylaxie ni de péridurale exige une équipe mobilisée pour donner le jour à ce monde nouveau qui doit remplacer le vieux, il est évident que l'équipe doit être pluridisciplinaire et pour cela le monde du travail, retrouvant la conscience de la nature de classe du combat, se doit y prendre sa part y compris dans la définition et la mise en œuvre des protocoles d'intervention. Sinon c'est Sisyphe, tout restera à éternellement recommencer.

    C'est en cela que les limites au travail de Fr Lordon ne sont pas que les siennes. Peut-être que le seul reproche qu'on pourrait lui adresser est de prendre à témoins ses collègues et pas assez par le col pour les secouer ceux qui doivent investir le terrain qu'il s'efforce de défricher. Peut-être un investissement plus tourner non vers l'institutionnel politique mais vers les militants d'entreprises participerait à débloquer la situation.


    Pour autant cela ne saurait circonscrire les responsabilités à sa seule impuissance à mobiliser les foules dès lors que dans les tribunes, ceux qui applaudissent le dompteur des fauves du CAC 40,  ne descendent pas dans l'arène pour lui prêter main forte.

    Peut-être aussi est-il de la responsabilité de ceux qui partagent cela de s'y investir plus et mieux (c'est en cela que les rencontres de Marseille sont fécondes même si La Canaille doute que leur suite émerge d'une éruption salvatrice dans les marnes argileuses du Bourget, la masse de ceux à convaincre, par définition, ne s'y rend plus).


    On ne peut pas dire que Fr. Lordon ne donne pas de piste. Certaines devant être discutées. Par exemple, faut-il attendre que le patronat soit en déficience industrielle pour permettre que les producteurs réels de richesses soient autorisés à s'approprier l'outil de production ? Une solution présentée comme une des hypothèses de sortie de blocage des défaillances patronales laissant, tant que défaillances il n'y a pas, les dits patrons aux leviers de commandes ?


    Certes, sa démonstration que le capital est petit mis devant ses pratiques mesurées à l'aune de ses propres critères participe à la construction de la confiance en soi et l'espoir quelle permet. Mais est-il à éliminer parce que bloqué dans la logique de ces critères comme un animal essoufflé et agressif ou parce que fondamentalement son essoufflement est lié à la nature prédatrice antagonique au besoin de l'humanité ? C'est ce débat qui fait la ligne de rupture entre gestion de la crise et de la construction d'un monde nouveau la question essentielle de l'avenir de l'humanité.


    Point positif, dans sa proposition, il fait exploser le cadre contraint de la réappropriation collective par l'exclusivité de la nationalisation qui pour La Canaille reste une des possibilité, parmi d'autres, avec des critères de maitrise bien déterminés en fonction du rôle stratégiques (réseaux, besoins vitaux ou architecture de la société) mais n'est pas la seule issue et exige d'explorer des voies autogestionnaires nouvelles.


    Bref, vous l'avez bien compris, pas une critique pour dézinguer l'auteur mais un appel à s'emparer de ses écrits pour explorer les pistes d'une issue à élaborer collectivement pour s'extirper de la logique du capital et de sa nasse exclusive la valeur d'échange et de l'accumulation qu'elle génère.


    Bien sur, ce n'est pas de la littérature de plage (c'est la raison pour laquelle La Canaille aura attendu que le calendrier ait franchi la ligne de démarcation du 31 aout pour vous en parler). Mais comme les lecteurs des p@ges de Canaille le Rouge sont souvent parents ou grands-parents pourquoi imposer aux jeunes génération de reprendre papier crayons et de se pencher sur les textes parfois très arides à étudier et ne pas s'imposer, dès débuts septembre, la même discipline avec comme motivation non pas le passage d'ici neuf mois dans la classe supérieure mais plus simplement de construire un monde ou les seules classes qui doivent rester soient celles dont bancs st pupitres  accueillent la relève humaine des générations qui poursuivront le travail ?

    Par canaille le rouge

     


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