• les objectifs électoraux du PTB (Parti des Travailleurs de Belgique)

    Peter Mertens :« Un parti qui grandit ne peut pas brûler les étapes »

    Peter Mertens, le président du PTB, n’y va pas par quatre chemins. Sa priorité n° 1 pour les prochaines élections communales, c’est d’obtenir un élu à Anvers, à Liège et à Bruxelles (Molenbeek).

    Nick Dobbelaere

    « C’est important pour trois raisons : les grandes villes ont un besoin urgent d’une autre voix dans leur conseil communal. Ensuite, nous devons dès aujourd’hui construire une vraie force d’opposition au sud comme au nord du pays en vue des élections fédérales et régionales de 2014, puisque Bart De Wever envisage de paralyser le pays. Enfin, dans une période où sévissent la crise de l’euro et les plans d’économie, nous avons un besoin crucial de trois mégaphones dans ces grandes villes. »
    À un mois et demi des élections communales, le président du PTB Peter Mertens a plutôt l’air satisfait. Entre coups de fil à la presse et suivi du procès sur les panneaux électoraux à Anvers, nous l’avons attrapé pour une interview.
        « Toute la culture commerciale propre au néolibéralisme a également envahi l’arène électorale », explique Peter Mertens à propos du fait que le PTB+ à Liège ne s’est vu octroyer qu’un demi-panneau électoral, et à Anvers et Namur même rien du tout. « Le Conseil d’État nous a donné raison juste à temps dans notre lutte contre cette interdiction de panneaux électoraux à Anvers. Là-dessus, le bourgmestre Patrick Janssens a convoqué un conseil électoral extraordinaire le 10 septembre. Je suis curieux de voir ce que ça va donner », sourit Peter.
    « Alors qu’autrefois les partis se présentaient aux électeurs dans des lieux publics, on les retrouve aujourd’hui sur le marché de l’affichage commercial. On veut faire de l’argent avec tout, et les élections n’y échappent pas. Fini les panneaux électoraux. Aujourd’hui, celui qui se présente aux élections doit acheter des espaces publicitaires hors de prix... »

    L’affichage commercial payant, seuls bien sûr les partis au gros portefeuille peuvent se le permettre.

        Peter Mertens. C’est la politique du self-service. Des partis qui reçoivent des millions de subsides décrètent que les panneaux électoraux gratuits sont interdits. Mieux, ceux chargés d’organiser les élections – dans ce cas, les dirigeants liégeois et anversois – appartiennent à ces partis et prennent des mesures pour handicaper les partis plus petits. Il ne s’agit pas là seulement d’une question de panneaux ; il s’agit du débat public, peu à peu privatisé par les plus offrants. Et, simultanément, les amendes administratives pleuvent sur ceux qui osent encore émettre une voix critique. J’ai écopé d’une telle amende au palais de justice d’Anvers parce que nous manifestions... pour la liberté d’expression. Des jeunes ont aussi été sanctionnés ainsi par la Ville de Bruxelles parce qu’ils manifestaient pour la solidarité avec les sans-papiers (voir page 5). Et, face à cela, bien sûr, nous ne plierons pas.

    Pour le 14 octobre, le PTB+ mise gros sur trois communes : Anvers, Liège et Molenbeek. Pourquoi précisément ces trois-là ?

        Peter Mertens. Au total, nous nous présentons dans 42 communes et bien entendu nous voulons progresser partout. Nous avons des centaines de candidats qui se démènent pour mettre sur pied de nouveaux groupes de base du PTB+, pour faire entendre dans de nouvelles communes une voix de gauche véritable et conséquente. J’ai beaucoup de respect pour eux, parce qu’ils travaillent dans le silence alors que les projecteurs sont braqués sur les trois grandes villes.
    Mais nous ne pouvons faire autrement. Lorsqu’on est « petit », il ne faut pas se plaindre, mais s’activer et déterminer sur quels points nous voulons avancer en priorité. Ces objectifs précis sont des locomotives qui peuvent par après tracter tout le reste. Au plan politique, on en arrive inévitablement à Anvers, Liège et Bruxelles, ce que reflète bien la presse nationale. En outre, nous sommes bien implantés dans ces villes.

    On ne peut nier que, d’une manière ou d’une autre, les élections communales sont liées à la politique nationale.

        Peter Mertens. La N-VA surtout fait de ces élections un referendum sur le gouvernement Di Rupo. Via les villes et les communes, elle veut mettre en place une base suffisamment forte pour faire éclater le pays en 2014. C’est ça leur véritable programme électoral.
        Pour nous, l’enjeu est de prendre part au débat et de mettre en place une opposition sociale de gauche forte. C’est avant tout important pour les villes et les communes elles-mêmes. Car, à partir de l’opposition, on peut peser sur la politique menée. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé ces dernières années dans les communes où le PTB+ a des élus. C’est ce qu’ont montré Johan Vandepaer et Nadia Moscufo à Herstal. Ils ont pesé durant six ans sur la gestion communale, mis à l’agenda des thèmes qui autrement n’y auraient pas figuré et, surtout, ils ont osé impliquer en permanence les habitants. Notre premier souci n’est donc pas au-dessus du local, mais d’avoir une vraie influence sur la politique communale.
        Cela dit, il est clair que les élections tournent aussi autour de thèmes nationaux. Si De Wever a un plan pour paralyser le pays en 2014, c’est dès maintenant qu’il faut être préparé à lui mettre des bâtons dans les roues. Et, si nous voulons commencer à rendre des couleurs à la gauche, nous devons dès maintenant présenter une alternative à ceux qui sont dégoûtés de la politique du gouvernement Di Rupo, qui n’a rien de gauche. Notre position politique doit être forte et être consolidée avec les élus.

    Quelle est donc la vision du PTB+ sur les villes et les communes ?

        Peter Mertens. En français, le mot « commune » vient de communauté, de mise en commun, ce n’est pas « supermarché ». Les villes et les communes sont des lieux où vivent et travaillent les citoyens, où leurs enfants vont à l’école, où on va chez le médecin, faire ses courses, etc. Autrement dit, une importante partie de notre vie se déroule là où nous habitons. Nous voulons donc des quartiers intégrés, c’est-à-dire avec un tissu social qui favorise la rencontre, garantit calme et sécurité et offre des services publics, au public. C’est une conception diamétralement opposée à la conception néolibérale qui veut faire de la ville un supermarché où l’habitant est juste un client.

    Pouvez-vous illustrer de manière plus concrète votre conception des quartiers intégrés ?

        Peter Mertens. Concrètement, cela signifie, par exemple, que nous voulons des écoles de quartier et non des écoles gigantesques situées loin, où il faut conduire les enfants en voiture. Ce n’est pas admissible que, dans une ville, il faille passer une heure dans un tram ou un bus pour aller à l’hôpital ou ailleurs. Un bureau de poste doit exister dans chaque quartier, afin que les personnes plus âgées ne doivent pas marcher une heure pour aller chercher leur pension. Cela signifie qu’il y ait des agents de quartier, qui habitent celui-ci et le connaissent pour pouvoir faire en sorte que des conflits latents n’escaladent pas.
        Cela signifie aussi qu’il y ait suffisamment de logements corrects, à un prix abordable. Ce n’est pas du marché privé que viendra la solution. Tout le monde sait que les loyers et prix d’achat des logements sont exorbitants. Il faut oser investir dans les logements sociaux. Ce n’est pas normal que, dans une ville comme Liège, il n’y ait que 8,5 % de logement social alors que, à Amsterdam, c’est 50 %, et à Vienne, même 60 %.  
            En d’autres termes, il s’agit de quartiers à dimension humaine. Mais ce n’est possible qu’avec la présence d’un tissu social renforcé par des services publics. Et c’est précisément ce tissu social que les néolibéraux — souvent avec l’aide du Parti socialiste — détricotent depuis des années. Tout doit rapporter et rapporter, parce qu’il faut des monceaux d’argent pour les spéculateurs des banques. Et bien, pas chez nous. Nous avons une vision unique et cohérente de la ville qui part des besoins des habitants, et non de ceux du marché. Nous partons des droits de base de tous les habitants, alors que, concernant ces droits, d’autres partis insistent en permanence sur les « devoirs », mais surtout pour les « petits » et jamais pour les responsables de Dexia, les spéculateurs ou les millionnaires.

    Il semblerait que la crise ne fasse pas partie de la rhétorique électorale des partis traditionnels. Aucun n’a abordé le sujet.

        Peter Mertens. En effet, le mot « crise » n’a visiblement pas sa place dans leur combat électoral. Ce qui est bizarre et même complètement ahurissant, puisque la crise est loin d’être terminée. Récemment, le gouverneur de la Banque Nationale qui mettait en garde contre une récession économique a immédiatement été rappelé à l’ordre par plusieurs ministres qui lui ont signifié qu’il ne pouvait pas transmettre ce genre d’information. Du moins, pas avant le 14 octobre.

    La crise n’est pas la bienvenue à l’approche des élections.

        Peter Mertens. (Dur) La crise n’est surtout pas la bienvenue pour qui en paie les conséquences ! Vraiment, voyez l’Espagne, l’Irlande, la Grèce... Est-ce là l’Europe dont nous voulons ? Chez nous, le gouvernement a donné plus de 50 milliards d’euros de garantie d’État au Holding Dexia, et cela ne s’annonce vraiment pas bien pour celui-ci. Si jamais quelque chose tourne mal, cela aura des conséquences énormes pour toutes les villes et communes. Et en parler, c’est tabou !
        Il ne faut pas oublier que, l’an dernier, la moitié des villes et communes belges ont fini dans le rouge. Après les élections, toutes les communes vont se serrer la ceinture : des sacs poubelles plus chers, augmentation des taxes, fermetures de bibliothèques et de piscines. Pourquoi n’en parle-t-on pas ? Sans compter que l’on devra faire des restrictions au niveau fédéral et régional. C’est d’ailleurs déjà le cas.
    Prenons par exemple la dégressivité des allocations de chômage qui va plonger 100.000 chômeurs sous le seuil de pauvreté. Est-ce que cela ne va pas dégrader encore la situation sociale dans les grandes villes, accentuer les tensions, peser sur les budgets de CPAS ? Et, comble de cynisme, cette mesure ne sera mise en application qu’après les élections, le 1er novembre. La crise a des conséquences pour les villes et communes, et c’est notre devoir d’en parler durant la campagne, et pas seulement après le 14 octobre !

    Quelles sont les chances du PTB+ dans le sud du pays ?

        Peter Mertens. Je dirais que c’est un moment charnière. Le PS est au pouvoir et applique, malgré quelques déclarations enflammées, toutes les mesures antisociales édictées par l’Union européenne. Le démantèlement des prépensions, la baisse des allocations de chômage, les 14 milliards d’austérité... Le PS est confronté au mécontentement grandissant d’une partie de la gauche. Qui se tourne de plus en plus vers notre parti. Et nous devons aussi empêcher que les votes contestataires aillent à l’extrême droite, comme ce fut le cas en Flandre.

    En Wallonie, il n’y a pas Bart De Wever…

        Peter Mertens. Non, mais il y a Raoul Hedebouw, notre porte-parole national, un débatteur né. C’est quelqu’un qui est capable d’expliquer les choses très clairement et simplement. Avec son équipe, il met toute son énergie pour décrocher le premier siège du PTB dans une grande ville de Wallonie.
    À Charleroi, comme à La Louvière, à Schaerbeek, Herstal et Seraing, la campagne va aussi bon train, emmenée par de tout bons candidats. C’est le moment de saisir l’opportunité qui se présente en Wallonie et à Bruxelles. Et nous avons dans nos rangs les personnes idéales pour ça.

    Le PS est-il un peu inquiet de cette concurrence sur sa gauche ?

        Peter Mertens. Bien sûr. Certains ténors n’ont d’ailleurs pas hésité à inviter la population à ne pas voter pour nous. Ils sont par exemple inquiets depuis l’appel lancé par la FGTB de Charleroi le 1er mai dernier à donner un signal fort en votant à gauche du PS. Ce n’est pas banal, vu les liens qui ont pu exister entre la FGTB et le PS. Ce sont là des signes qui prouvent que les choses bougent en Wallonie. Et, lorsque le ministre PS Paul Magnette, grosse pointure du fédéral, annonce qu’il brigue le poste de bourgmestre de Charleroi, c’est aussi en partie parce qu’il craint l’ascension d’une force politique à sa gauche dans la plus grande ville de Wallonie.

    Le PTB se présente dans 42 communes. Quels sont les objectifs en dehors d’Anvers, Liège et Molenbeek ?

        Peter Mertens. Nous voulons d’abord faire réélire nos 16 élus communaux, et nous espérons progresser dans plusieurs villes. Dans quelle mesure ? On verra. À Charleroi, par exemple, nous avons une très bonne équipe avec les têtes de liste Sofie Merckx et Germain Mugemangango. Je ne vais pas affirmer que nous y aurons un élu, mais je ne l’exclus pas non plus. Même chose à Gand avec notre spécialiste des questions énergétiques Tom De Meester. Nous sommes présents dans toutes les grandes villes du pays et je pense que le parti va progresser partout.

    Un parti qui monte veut évidemment voir sa progression se traduire par un bon score électoral…

        Peter Mertens. En effet, et ce sera le cas. Mais un parti qui grandit ne doit pas brûler les étapes. En début d’année, lors de la tournée nationale de présentation de mon livre Comment osent-ils ?, j’ai constaté en de nombreux endroits qu’une dynamique était en marche.
    Le nombre de votes à venir, c’est important, mais pas le plus important. Le principal est cette dynamique qui se développe, cette équipe mise en place et ces graines de résistance qui ont germé. Et bien sûr, si cela se traduit par un résultat inespéré, c’est tant mieux. Mais notre perspective n’est pas une perspective sur quelques semaines. Nous devons penser à long terme et construire une organisation solide et dynamique pour les temps à venir.

     Est-ce que le PTB+ participera aussi aux élections provinciales ?

        Peter Mertens. Certainement. Nous sommes d’ailleurs très fiers de pouvoir y présenter une liste dans quasiment tous les 69 districts provinciaux. Tout le monde en Flandre et en Wallonie (il n’y a pas d’élections provinciales pour la Région bruxelloise, NdlR), pourra voter pour le PTB+. Cela nous permettra de mieux faire connaître le parti, et les habitants des communes où nous n’avons pas de liste communale auront ainsi la possibilité de voter PTB+.

    Et là, le PTB+ pourra coller partout ses affiches sur les panneaux électoraux…

        Peter Mertens. Bien sûr, et tout le monde pourra voter pour nous ! (Rires)


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