• La jeune femme s’empare du micro, elle dit sa détresse, provoquant rires et mensonges

    Un enfumage médiatique démontré en cinq étapes.

    Vladimir MARCIAC
     

    Le jeudi 30 mai 2013, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de l’émission de divertissement "Touche pas à mon poste" animée par Cyril Hanouna sur D8.

    Sophie Tissier, 34 ans, opératrice prompteur, a surgi sur le plateau pour dénoncer les baisses de salaires (25 % en ce qui la concerne) que subissent les intermittents depuis le rachat de la chaîne par le groupe Canal Plus.

    1 - Le Nouvel Observateur, Le Plus, le 31-05-2013.

    « Une intermittente interrompt Hanouna sur D8 : pourquoi Mélenchon reste-t-il silencieux ?
    Par Bruno Roger-Petit, Chroniqueur politique ».

    L’article commence par  :

    « Une intermittente qui travaille pour l’émission "Touche pas à mon poste" sur D8, a interrompu l’animateur Cyril Hanouna pour faire passer un message dénonçant les pratiques sociales de la chaîne. Invité de l’émission, le leader du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, n’est pas intervenu. Pourquoi ? Bruno Roger-Petit y voit une faute politique »

    et finit par  :

    « … le politique, confrontée à un drame social et humain, en direct, sur un plateau de télévision, ne peut rien contre la télévision de l’émotion et du divertissement, qu’il en subit les us et coutumes, règles et lois, fût-il Jean-Luc Mélenchon, dénonciateur des travers du système dont il est pour un soir l’acteur objectivement complice ».

    Donc, Jean-Luc Mélenchon silencieux et complice.

    2 - Visionnage de la séquence. http://www.jean-luc-melenchon.fr/2013/05/30/invite-de-touche-pas-a-mon-poste/

    On voit l’intervention de la jeune femme. Elle sera présente sur le plateau moins de 2 minutes. Le texte de son message dure 15 secondes (à partir 18 minutes 25 sur la bande).
    Quand elle annonce que le chiffre d’affaire de Canal Plus est de 5 milliards, Hanouna se moque et les chroniqueurs de l’émission sont pliés de rire.

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    (Capture d’écran. L’intermittente vient de dire que le CA de Canal Plus est de 5 milliards d’euros)

    La paysanne parlant au nom de ceux par qui le château a été bâti, par qui la table est mise, est sortie de l’office. Malin, l’intendant ne l’a pas chassée. Mais la valetaille le fait par lancer d’épluchures.

    Ils s’esclaffent bruyamment, mouvements du corps à l’appui. Qu’une gueuse, mère célibataire, force la porte du seigneur pour se plaindre qu’on lui retienne désormais un quart de sa ration mensuelle de farine et de lait, passe encore. On subit, abasourdis. On se tait. On attend que ça passe. On guette le moment de lui clouer le bec. Et voilà que la bougresse, non contente de fouler de ses sabots crottés le tapis du salon, s’enhardit à chiffrer la fortune du maître. Trop hilarant !

    « Il existe quelqu’un de pire que le bourreau, c’est son valet. » a dit Mirabeau.

    Regardez, c’est sans doute un futur collector, un moment de télé qu’on passera dans les écoles de journalisme et dans celles pour militants du Front de Gauche.

    Dans le brouhaha, on entend Jean-Luc Mélenchon dire en voix off « C’est sérieux ! », puis il apparaît à l’écran, tourné vers les rieurs en soutenant la jeune femme : « C’est bien ! Elle a…. » (le reste est inaudible). Après quoi il intervient pendant 3 minutes (à partir de la vingtième minute sur la bande) pour dénoncer une « exploitation terrifiante » subie par les intermittents et les journalistes pigistes.

    3. Les Inrocks (2 juin 2013) interviewent la jeune femme :

    Q. Vous avez dit que vous profitiez de la présence de Jean-Luc Mélenchon sur le plateau pour intervenir, pourquoi ? Quelle attitude a-t-il eu ?

    R. « Quand j’ai vu que Jean-Luc Mélenchon était invité dans l’émission, connaissant sa grande gueule sur ces sujets, je me suis dit que c’était le bon moment. Je ne suis pas membre du parti de gauche de monsieur Mélenchon mais j’espérais qu’il soutienne mon propos et la cause des intermittents. Et il l’a fait ! Il a dénoncé avec force notre précarité et nos conditions difficiles de travail. En fait, sur le moment, c’est quand il a dit que “le monde des médias est une machine à broyer“, que je me suis décidée à intervenir sur le plateau, car son discours m’a touché. En sortant du plateau, il ne m’a pas parlé spécialement. J’étais sous le coup de l’émotion, je n’ai pas cherché non plus à le voir ».

    4 Bruno Roger-Petit, Chroniqueur politique du Nouvel-Obs, « Silencieux et complice ».

    L’intermittente poursuit ainsi : « Pour le replay et les rediffusions, la chaîne a censuré mon intervention. C’est une réaction attendue et en même temps, c’est quand même de la censure ».

    Bruno Roger-Petit va-t-il dire à ses lecteurs qui a parlé pour les intermittents et qui les censure ?

    5 - le chiffre d’affaire de Canal Plus

    Sur le site officiel de Canal plus, on lit : « Chiffre d’affaires du Groupe Canal + : 5 013 millions d’euros ». Soit plus de 5 milliards en effet.

    Cyril Hanouna et sa troupe de comiques vont-ils dire aux téléspectateurs que, là aussi, la jeune femme disait vrai ?

    Vladimir Marciac

    PS. Question subsidiaire : combien de médias, au nom de la rigueur dans l’information, vont signaler que Bruno Roger-Petit a menti et que Sophie Tissier a bien donné le bon chiffre ? Et peut-être qu’une baisse de salaire de 25 %, c’est assez... Grec ?

    URL de cet article 20832
    http://www.legrandsoir.info/un-enfumage-mediatique-demontre-en-cinq-etapes.html

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  • Jean-Marc Ayrault dans une école

    Société - le 3 Juin 2013

    Réforme du quotient familial: "Vers une semi-privatisation de la politique sociale"

    Le gouvernement a opté ce lundi pour une baisse du quotient familial plutôt qu'une baisse des allocations pour les familles aisées, afin d'équilibrer les comptes de la branche famille de la Sécurité sociale. Pour Michel Canet, président de l'Union des Familles Laïques (UFAL), les mesures annoncées "dégagent une zone où la politique familiale n'aura plus cours et où les familles devront progressivement trouver des équivalents privés."

    Que signifie concrètement la baisse du plafond du quotient familiale?

    Michel Canet. Le quotient familial est une mesure injuste et inégale. Il ne profite généralement qu'aux familles les plus aisées. Par conséquent, rabaisser le plafond du quotient familiale représente juste une "meusurette" qui ne réforme pas profondément la fiscalité. Quelque part, c'est une mesure très démagogique car finalement seuls les riches sont touchés. Mais, pour eux, cette augmentation d'impôt (63 euros en moyenne sur l'imposition de leurs revenus, ndlr) ne représente pas grand-chose dans leur budget. Par contre, ce qui est inquiétant, c'est la voie choisie par le gouvernement. Car, que ce soit pour l'abaissement du quotient familial ou pour les autres mesures prises, nous pouvons voir se dessiner une semi-privatisation de la politique sociale. Toutes ces mesures dégagent une zone où la politique familiale n'aura plus cours et où les familles devront progressivement trouver des équivalents privés.

     

    Initialement, le gouvernement avait aussi abordé l'idée de niveler les allocations familiales selon les revenus. Touché au quotient familial, est-ce la moins mauvaise des solutions?

    Michel Canet. Nous avons appris avec satisfaction que les allocations familiales n'étaient pas touchées par la réforme, car nous tenons beaucoup au principe d'universalité. Nous avons donc échappé au pire. Cela aurait été une catastrophe sur le plan des valeurs. Après, c'est toujours la même chose. En faisant payer la branche famille, on cache la réalité. Le gouvernement assure qu'il faut faire des économies parce que la branche famille de la sécurité sociale est déficitaire. Mais il s'agit d'un déficit artificiel (lire à ce sujet: Débat: faut-il changer le système des allocations familiales ?)! Si le gouvernement n'y puisait pas une partie du financement des retraites, entre autre, les comptes seraient équilibrés. Réduire le déficit de la branche famille relève de la communication. Cette mesure nous inquiète pour l'avenir.

     

    Le rabotage du plafond du quotient familial est accompagné d'autres mesures d'économie. Quelles familles seront le plus touchées?

    Michel Canet. C'est exactement le même principe que pour le quotient familiale. Cela va toucher les revenus les plus importants. Mais le risque est que, sur le long terme, les revenus plus modestes des classes moyennes soient aussi progressivement amputés par ce genre de mesures. Car les décisions prises par le gouvernement aujourd'hui touchent à la notion d'universalité et d'égalité.

     

    Selon vous, quelle direction le gouvernement prend-il en matière de politique familiale?

    Michel Canet. J 'ai l'impression que le gouvernement ne prend pas de direction. Il essait de colmater les brèches. Par exemple, proposer plus de places dans les crèches, c'est assez évident. Mais il prend le problème à l'envers. Aujourd'hui, Jean-Marc Ayrault présente cela comme une mesure compensatoire alors qu'au contraire, une vraie politique aurait dû commencer par là. Nous regrettons que tout cela ne soit qu'une formule d'annonce. Nous l'avons beaucoup reproché au dernier gouvernement. J'ai peur que l'actuel fasse la même erreur.  

    Entretien réalisé par Céline Agostini

     

    Société - le 3 Juin 2013

    Politique familiale: les principales annonces du gouvernement

    Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé ce matin l'abaissement du plafond du quotient familial qui passera de 2 000 euros à 1 500 euros par demi-part fiscale. Cette mesure devrait toucher les familles plus aisées en nivelant à la baisse les avantages fiscaux de ces ménages.  

    Le gouvernement ne touchera pas aux allocations mais au quotient familial. C'est ce qu'a annoncé Jean-Marc Ayrault ce matin. Alors que les deux solutions étaient débattues ces derniers jours, le gouvernement a préféré une augmentation des impôts pour les familles les plus riches, au lieu de toucher à l'universalité des "allocs".

    64 euros d'augmentation d'impôt pour les ménages les plus riches

    Cette mesure, mise en place pour ramener la branche famille de la Sécurité sociale à l'équilibre, devrait rapporter un milliard d'euros dès 2014. Elle concerne 12% des ménages avec enfants qui verront en moyenne leur impôt sur le revenu augmenter de 64 euros par mois.

    Concrètement le plafond du quotient familial est abaissé de 2 000  euros à 1 500 euros par demi part fiscale. Selon Reuters, une famille de deux enfants dont le revenu est de 6 500 euros par mois bénéficiera de 3 000 euros de réduction d'impôt grâce au quotient familiale contre les 4 000 euros actuellement.

    • La réduction d'impôt pour les frais de scolarité des enfants au collège et au lycée est elle supprimée. Ainsi 1,6 million de familles verront en moyenne leur impôt sur le revenu augmenter de 12 euros par mois.
    • Le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) est aussi raboté par les mesures annoncées aujourd'hui par le Premier ministre. Pour les ménages dont les ressources dépassent un certain seuil (entre 3 250 euros de revenu mensuel et 4 000 euros) la Paje sera divisée par deux. Cette mesure ne s'appliquera qu'aux nouveaux bénéficiaires soit 12% des ménages éligibles.

    Plus de places en crèches et une revalorisation du complément familial

    A contrario, deux prestations seront revalorisées. Pour 385 000 familles vivant sous le seuil de pauvreté, le complément familial sera majoré. De même l'aide versée aux familles monoparentales sera relevée de 25%, en plus de l'inflation, à l'horizon 2017. Enfin le gouvernement vient d'annoncer  275 000 places en plus dans les crèches au cours des cinq prochaines années.


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    Washington se relance dans le nouveau jeu latino-américain
    CHINE, ALLIANCE DU PACIFIQUE, PARTENARIAT TRANSPACIFIQUE /
    vendredi, 31 mai 2013 / Christophe Ventura /

    Mémoire des luttes

    (Première partie)

    « L’Hémisphère occidental [1] a toujours eu beaucoup d’importance pour les Etats-Unis. Je pense qu’il en a encore davantage aujourd’hui car à aucun moment de l’histoire américaine son potentiel n’a été aussi grand. » [2]

    Ces propos tenus par Joe Biden lors de la 43e Conférence de Washington sur les Amériques (7-8 mai) – intitulée cette année « Les Etats-Unis et l’Hémisphère : opportunité et croissance » – visaient notamment à présenter la nouvelle feuille de route de l’administration étatsunienne en Amérique latine. Et ce, à la veille d’un ballet diplomatique régional et international aussi intense qu’inédit illustrant les nouvelles dynamiques géopolitiques à l’œuvre en Amérique latine.

    Le vice-président américain a, en effet, choisi de prononcer ce discours quelques jours après la visite du président Barack Obama au Mexique et au Costa-Rica [3] (2-4 mai), quelques semaines avant son propre déplacement au Brésil, en Colombie et à Trinité-et-Tobago (durant la semaine du 26 mai) et la venue à Washington des présidents chilien (Sebastián Piñera, le 4 juin) et péruvien (Ollanta Humala, le 11 juin). Mais également avant celle du président chinois Xi Jinping. Ce dernier se rendra, en effet, à Sunnylands en Californie, les 7 et 8 juin, pour participer à son premier Sommet Etats-Unis/Chine [4].

    Pour Joe Biden, les Etats-Unis doivent désormais se repositionner en Amérique latine sur la base d’une approche privilégiant les activités économiques et commerciales. Et ce, indépendamment des différends politiques qui opposent Washington à plusieurs pays du sous-continent (Bolivie, Equateur, Venezuela). Pour lui, ces derniers ne doivent plus écarter la première puissance mondiale des nouveaux potentiels de la région. Il s’agit désormais de réanimer et/ou d’appuyer tous les projets de développement du libre-échange en Amérique latine, qu’ils soient bilatéraux ou sous-régionaux.

    De même, le vice-président américain considère l’achèvement du doublement du canal de Panama comme un investissement prioritaire pour augmenter les capacités d’échanges commerciaux à l’intérieur du continent, comme entre ses façades pacifique et atlantique.

    Il souhaite enfin organiser le retour des Etats-Unis comme puissance énergétique incontournable de la région. En effet, le pays compte désormais sur de nouvelles réserves de pétrole et de gaz de schiste qui lui permettent de pouvoir espérer devenir, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie et l’Agence internationale de l’énergie, le premier producteur mondial de pétrole et de gaz naturel à l’horizon 2030 [5]. Cette perspective ouvre une nouvelle période géopolitique pour les Etats-Unis. Dans ce cadre, ces derniers souhaitent proposer des alliances dans le domaine des énergies conventionnelles et des « énergies vertes » au Brésil et à la Colombie qui disposent également d’importantes ressources. Selon Washington, il s’agirait d’accroître la part des importations de pétrole des Etats-Unis issue de ces deux pays – ce qui relativiserait ainsi celle du Venezuela – tout en positionnant leurs entreprises et leurs technologies dans l’exploitation des nouvelles ressources récemment identifiées, notamment dans les eaux profondes de l’atlantique brésilien où gisent de gigantesques réserves de pétrole « pré-sel ».

    Pour Joe Biden, l’enjeu est tout simplement « de faciliter des changements profonds qui vont littéralement modifier le centre de gravité énergétique mondial vers l’Hémisphère  » au détriment du Moyen-Orient et de bâtir les « partenariats qui vont (…) permettre de (…) configurer un système global pour les dix, vingt, cinquante années à venir  ».

    Par ailleurs, s’il estime les conflits entre Washington, l’Equateur et le Venezuela toujours vifs et de première importance, le vice-président américain se satisfait des avancées du dialogue entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), ainsi de ce qu’il qualifie de «  petits signes encourageants depuis quelques années à Cuba  ».

    Depuis 2005 et le retentissant échec du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA – Alca en espagnol) à Mar del Plata (4e Sommet des Amériques - Argentine) imaginé pour la région par les Etats-Unis au milieu des années 1990, la première puissance mondiale a vu son hégémonie politique, économique et géopolitique sensiblement s’éroder sur le sous-continent. De ce point de vue, l’ère de la présidence Obama (ouverte en 2008) n’a en rien modifié cette dynamique. Les 5e et 6e Sommets des Amériques de Port-d’Espagne (Trinité et Tobago) de 2009 et de Carthagène des Indes (Colombie) de 2012 ont confirmé le relatif affaiblissement des Etats-Unis dans la région.

    Sur le plan politique, la nouvelle génération de gouvernements progressistes élus dans une majorité de pays (notamment sud-américains) a imposé à Washington un nouveau rapport de forces en éloignant la traditionnelle puissance tutélaire des affaires politiques et géopolitiques de la région. Et ce, notamment au travers de la création de nouvelles configurations d’intégration régionale proprement latino-américaines (Unasur, Alba, Celac) [6]. Sur le plan économique, le poids des Etats-Unis a sensiblement diminué au détriment de l’Asie et de la Chine en particulier. En 2012, le commerce entre les deux parties du continent représentait cependant 843 milliards de dollars, celui entre la Chine et l’Amérique latine atteignant, lui, 200 milliards de dollars (contre 10 au début des années 2000) [7]. Si les Etats-Unis restent la première destination des exportations latino-américaines, l’Asie est devenue, depuis 2011, la seconde devant l’Union européenne (UE). Dans ce mouvement inédit, la Chine constitue déjà la première destination des exportations du Brésil (17 % ; Etats-Unis : 10%), du Chili (23 % ; Etats-Unis : 11 %) et du Pérou (15% ; Etats-Unis : 13%), la seconde de l’Argentine (7 % ; Etats-Unis : 5 %), la troisième de Colombie ( 4 % ; Etats-Unis : 40 %), et du Mexique ( 2 % ; Etats-Unis : 79 %) [8].

    Cette montée en puissance sur le plan économique de la Chine s’est accompagnée d’un renforcement de ses alliances avec plusieurs pays latino-américains et la région en tant que telle.
    Ces dernières années, Pékin a signé des accords de libre-échange avec le Costa Rica, le Chili et le Pérou. La Chine a également négocié un accord de partenariat stratégique avec le Brésil et proposé un accord de libre-échange au bloc du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Venezuela) [9]. A ceci s’ajoute le développement de relations économiques bilatérales renforcées et/ou privilégiées avec d’autres pays (Argentine, Cuba, Equateur, Mexique, Venezuela).

    Dans ce contexte où certains évoquent l’existence d’un « défi hégémonique » à venir pour les Etats-Unis avec la Chine, Washington semble décidé à se réinvestir en Amérique latine. Et ce, alors que le gouvernement américain entrevoit la disparition de Hugo Chavez au Venezuela comme une fragilisation structurelle de la Révolution bolivarienne limitant cette dernière dans sa capacité à animer un front politique régional contre lui.

    L’émergence de la Chine et le début de l’ère post-Chavez au Venezuela n’expliquent pas à eux seuls le regain étatsunien qui s’annonce. Deux autres facteurs doivent être pris en compte. Sur le plan géopolitique, les Etats-Unis doivent intégrer l’existence d’un second concurrent dynamique dans la région, le Brésil, à qui ils assurent néanmoins sa première source d’investissements. Ce dernier s’est désormais affirmé comme la puissance régionale majeure - l’Amérique latine est son premier marché d’exportation pour les produits manufacturés [10] – et pèse dans les affaires internationales [11]. Sur le plan économique, l’Amérique latine connaît une croissance ininterrompue et soutenue depuis une décennie. Elle dispose désormais, dans plusieurs pays, d’une importante classe moyenne consommatrice (environ 225 millions de personnes) [12]. Comme veut le croire Joe Biden, ses membres sont éligibles à l’obtention de « la carte Gold  ». Plus sérieusement, le vice-président américain affirme compter sur «  le nouveau commerce, les investissements et la consommation de l’Amérique latine pour créer des emplois aux Etats-Unis  ».

    Pour mener à bien leur projet, il convient de rappeler que, grâce à leurs accords de libre-échange bilatéraux ou sous-régionaux, les Etats-Unis disposent toujours de places fortes sur le sous-continent pour leurs entreprises et leurs investissements. L’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) englobe le Mexique ; l’accord de libre-échange République Dominicaine/Amérique centrale/Etats-Unis (CAFTA-DR), signé en 2004, concerne, outre la République Dominicaine, le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, et le Nicaragua.

    Par ailleurs, ils bénéficient d’accords de libre-échange bilatéraux avec le Chili, la Colombie, le Panama et le Pérou, ainsi que de commissions commerciales bilatérales avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. L’administration étatsunienne entretient également des relations commerciales institutionnalisées avec le Mercosur et le Marché commun caribéen (CARICOM).

    Mais désormais, les Etats-Unis comptent sur deux projets pour relayer leurs intérêts en Amérique latine. Il s’agit tout d’abord de l’Alliance du Pacifique. Cette nouvelle configuration d’intégration régionale a été lancée le 6 décembre 2012 et regroupe ses principaux alliés économiques dans la région : la Colombie, le Chili, le Mexique, le Pérou (dont chacun est lié aux Etats-Unis par un accord de libre-échange). Le Costa-Rica (dans la même situation) va l’intégrer à son tour (le pays a, par ailleurs, signé un accord de libre échange avec la Colombie le 22 mai), ainsi que le Panama (signataire d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis) qui était représenté par son président Ricardo Martinelli en tant qu’ « observateur candidat  ». Pour sa part, le Paraguay en a formulé la demande.

    L’objectif de l’Alliance est la constitution d’une zone de libre-échange entre tous ces pays disposant d’une façade pacifique (hors Paraguay), ouverte vers l’Asie et la Chine notamment. Il s’agit d’y établir, à termes, une liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes et d’y susciter les investissements internationaux. L’ensemble représente une population de 210 millions d’individus, 35% du PIB latino-américain et 3 % du PIB mondial (le Mercosur en représente 5 % [13]). Sorte de « hub  » du libre-échange régional, cet espace constituera un point d’appui déterminant pour l’expansion commerciale des Etats-Unis ne serait-ce que par le jeu des accords de libre-échange bilatéraux qui lui permettront d’assurer une circulation sans entraves de leurs biens, services et investissements dans chacun des marchés nationaux et, ce faisant, au sein du nouvel espace constitué entre eux.

    Le principe de la mise en place d’un parlement de l’Alliance a été décidé. Lors de son récent 7e Sommet qui s’est tenu le 23 mai à Cali (Colombie), l’Alliance et ses quatre pays fondateurs ont décidé, outre la signature de quinze accords de coopération, l’abaissement des tarifs douaniers au sein de l’ensemble à partir du 30 juin. Cette décision touchera dans un premier temps 90 % des biens et services qui circulent entre ces quatre pays. Parmi ceux-ci, 50 % seront d’emblée libres de tout droits de douanes [14].

    Sept autres pays – dont un européen – assistaient à ce Sommet en tant qu’observateurs : l’Australie, le Canada, le Guatemala, l’Espagne, le Japon, la Nouvelle Zélande, l’Uruguay. Un groupe de sept autres – dont la France – disposent désormais d’un statut d’observateurs permanents du processus : l’Equateur, El Salvador, la France, le Honduras, le Paraguay, le Portugal, la République Dominicaine.
     
    Le second projet, auquel la plupart des acteurs de l’Alliance du Pacifique sont également associés, est le plus ambitieux que les Etats-Unis ait développé depuis des années. Il s’agit du Partenariat transpacifique (PTP) [15]. Evoqué dès 2009 par Barack Obama, il a étéofficiellement lancé le 12 novembre 2011. Ce projet consiste à mettre en place la plus grande zone de libre-échange jamais créée au monde. Il vise à contrecarrer l’expansion économique et commerciale de la Chine en Asie et dans le Pacifique (40 % du commerce mondial). Le PTP est, en quelques sorte, le pendant, dans cette région, du Grand marché transaltantique dont les négociations sont actuellement en cours entre les Etats-Unis et l’Union européenne [16]. Ces deux initiatives reconfigurent le positionnement des Etats-Unis dans la concurrence économique et commerciale internationale et le système-monde face aux BRICS et autres blocs régionaux formés depuis les années 2000 .

    Le Chili, le Pérou et le Mexique sont les trois Etats latino-américains actuellement membres du PTP [17]. La Colombie a exprimé son intérêt pour le projet et dispose d’accords de libre échange avec cinq des onze pays impliqués à ce jour (elle est actuellement en négociation avec le Japon). Pour elle, ces onze pays représentent la moitié de ses exportations totales. Les autres pays associés sont l’Australie, le Brunéi, le Canada, les Etats-Unis, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle Zélande, Singapour, le Vietnam. La Corée du Sud pourrait rejoindre cet ensemble géoéconomique qui représente à lui seul 30 % du PIB et un cinquième des exportations mondiales.

    Pour ses promoteurs, “ à travers le PTP, les Etats-Unis cherchent à accélerer l’avénement de la prochaine génération d’accords sur le commerce et les investissements. Ceux-ci leur permettront de renforcer leur compétitivité, d’augmenter leur commerce dans la région Asie-Pacifique, de soutenir la création et la localisation d’emplois sur leur territoire” [18].

    La zone PTP constitue le premier marché d’exportations des Etats-Unis (942 milliards de dollars en 2012, 61 % de leurs exportations totales, 75 % de leurs exportations de produits agricoles). Services, barrières non tarifaires (normes sanitaires, phytosanitaires, règlementations des produits, etc.), marché du travail, agriculture, cadres juridiques des Etats, e-commerce, investissement, propriété intellectuelle, services financiers, droits de douanes, traçabilité des biens, règles de la concurrence, règles environnementales, etc. Tous ces secteurs feront l’objet d’une libéralisation intégrale.

    L’affaire est à ce point prioritaire pour Barack Obama que les négociations limitent l’implication du Congrès grâce à l’activation du mécanisme du « fast-track authority  ». Ce dernier autorise le président à négocier directement un accord commercial qui sera, in fine, soumis au Congrès pour un vote d’approbation ou de rejet, mais sans possibilité pour ce dernier de l’amender ou d’organiser un débat élargi. De même, cette procédure oblige le Congrès à ne pas modifier le texte pendant la législature. En revanche, plus de 600 lobbyistes de multinationales américaines accompagnent l’administration Obama dans ces négociations. Celles-ci vont, selon l’analyste politique Malaisien Nile Bowie, octroyer « des droits jamais connus aux multinationales face aux Etats pour obtenir d’eux des compensations financières lorsque leurs politiques publiques affecteront, selon les critères de ces firmes, leurs perspectives de profits futurs dans un pays  ». Ainsi, « l’objectif est d’affranchir les firmes multinationales de toute responsabilité juridique vis-à-vis des gouvernements des pays dans lesquels s’applique le PTP. Le droit du commerce doit prévaloir et obliger les gouvernements signataires à être responsables devant les multinationales pour les coûts que leur imposeraient des lois nationales de réglementations. Cette logique s’appliquant aux secteurs de la santé, de la sécurité et de l’environnement  ».

    Et de préciser : « Dans l’Etat pour investisseurs privés que le PTP tente de mettre en place, les grandes entreprises étrangères peuvent porter plainte contre les gouvernements nationaux en plaçant les pays signataires sous le juridiction de tribunaux arbitraux d’investisseurs composés d’avocats du secteur privé  ».

    Par ailleurs, « la législation proposée sur la propriété intellectuelle aura d’énormes répercussions pour les signataires du PTP, y compris la possibilité de couper l’accès à Internet des foyers, des entreprises et des organisations. Sanctions acceptées en cas de non respect du copyright. En substance, les Etats signataires se soumettraient à des règles de propriété intellectuelle oppressives élaborées par les cartels du copyright de Hollywood, ce qui limiterait sévèrement leurs possibilités d’échanges d’informations numérisées sur des sites comme You Tube où les vidéos en streaming sont considérées comme susceptibles d’être assujetties au copyright  ».

    Pour l’analyste, « face à l’émergence de pays en développement comme ceux des BRICS ou d’autres qui cherchent un accès plus important à la croissance et au développement économique, l’administration Obama réalise qu’elle doit offrir aux nations du Pacifique – qui pourraient sinon approfondir leurs relations économiques avec la Chine – des débouchés plus généreux dans l’économie américaine ». Ainsi, « tout comme le Pentagone repositionne la puissance militaire des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique, le PTP s’affirme comme le véritable bras armé économique de la politique américaine du « pivot asiatique », attirant les économies stratégiques de la région dans un cadre juridique de gouvernance d’entreprises qui leur promet un accès libre aux marchés de la première puissance mondiale  » [19].

    L’Amérique latine offre un panorama tout à fait inédit. Elle se révèle le théâtre d’une nouvelle donne géoéconomique et géopolitique qui dépasse son propre périmètre géographique. Dans celle-ci, la Chine renforce ses positions, de nouvelles alliances géoéconomiques faisant la part belle au libre-échange et aux alliances commerciales avec les Etats-Unis se déploient aux côtés de configurations d’intégration régionale visant précisément à limiter l’influence de ces derniers dans la région et à renforcer l’indépendance du sous-continent.

    Les Etats-Unis intègrent l’Amérique latine dans une stratégie plus large qui vise, dans le périmètre de la région Asie-Pacifique, à organiser leur réplique face à l’émergence de nouveaux acteurs économiques et politiques dans le système-monde depuis le début des années 2000. Et ce, alors qu’ils peuvent désormais s’appuyer sur de nouveaux atouts énergétiques et politiques.

    Comment les pays latino-américains, et au premier rang desquels le Brésil [20] dont les intérêts contredisent, à termes, ceux des Etats-Unis et de la Chine dans la région, se déterminent dans ce nouveau jeu ?

    Cette question fera l’objet de la seconde partie de cet article. Ce dernier tirera également un bilan des différentes rencontres officielles de la période.

    [1] Pour Washington, cette expression englobe le Canada, les Etats-Unis et l’Amérique latine.

    [2] Allocution au sujet des priorités des Etats-Unis en Amérique latine. Lire Latin American Herald Tribune ; 29 mai 2013 (http://www.laht.com/article.asp?ArticleId=773166&CategoryId=12394).

    [3] Sur place, le président américain a rencontré plusieurs dirigeants centre-américains.

    [4] Auparavant, le nouveau président chinois aura visité trois pays latino-américains du 31 mai au 6 juin dont les deux parcourus en mai par Barack Obama : Costa-Rica, Mexique, Trinité-et-Tobago. Pour sa part, le vice-président Li Yuanchao s’est rendu en Argentine du 10 au 12 mai et au Venezuela du 12 au 16 mai pour consolider la coopération économique entre Pekin et ces deux pays.

    [5] Ces analyses sont relativisées par le géologue canadien réputé Davis Hugues. Lire Hervé Kempf, « Gaz de schiste : la fin” sur le site Reporterre : http://www.reporterre.net/spip.php?article4240

    [6] Sur ces sujets, consulter le site de Mémoire des luttes (www.medelu.org)

    [7] « The Obama Administration Looks to Latin America After Years of Neglect », Time World, (http://world.time.com/2013/05/13/has-washington-finally-discovered-latin-america/). En valeur, les seules exportations américaines vers l’Amérique latine représentaient, en 2012, 690 milliards de dollars (56 % de plus qu’en 2009). Lire « 10 Things You Didn’t Know about U.S.-Latin America Relations », dans « Latin America Goes Global », Americas Quarterly, printemps 2013 (http://www.americasquarterly.org/charticles/10-Things-You-Didnt-Know-About-US-Latin-America-Relations/ ).

    [8] Pour leur part, les importations latino-américaines provenaient, en 2010, pour 29,1 % des Etats-Unis, pour 27,2% d’Asie, pour 13,7 % de l’Union européenne. La Chine s’est, en 2011, hissée au second rang des pays d’où importent leurs besoins l’Argentine (14% ; Etats-Unis : 23%), le Brésil (15% ; Etats-Unis : idem), la Colombie (15% ; Etats-Unis : 25%), le Chili (17% ; Etats-Unis : 20%), le Mexique (15% ; Etats-Unis : 50 %), le Pérou (18% ; Etats-Unis : 20%). Données tirées de Panorama de la insersion internacional de America latina y el Caribe, Cepal, 2010-2011 et de « Latin America goes Global », Americas Quaterly (http://www.americasquarterly.org/charticles/Latin-Americas-Changing-Global-Connections/ ).

    [9] La Bolivie a signé un protocole d’adhésion lors du 44ème Sommet du Mercosur qui s’est tenu à Brasilia les 7 et 8 décembre 2012. L’Equateur est également en négociation pour intégrer l’ensemble. Le Paraguay est suspendu de participation depuis le coup d’Etat contre le président Fernando Lugo en juin 2012.

    [10] Lire Renaud Lambert, « Le Brésil s’empare du rêve de Bolívar”, Le Monde diplomatique, juin 2013.

    [11] Comme le confirme la récente nomination de Roberto Azevêdo à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

    [12] Celle-ci a augmenté de 50 % en dix ans.

    [13] Barbara Kotschwar et Jeffrey J.Schott, “The Next Big Thing ? The Trans-Pacific Partnership and Latin-America”, Americas Quarterly, printemps 2013 (http://www.americasquarterly.org/next-big-thing-trans-pacific-partnership ).

    [14] Lire la Déclaration de Cali : http://www.viicumbrealianzadelpacifico.com/noticias/vii-cumbre-de-la-alianza-del-pac%C3%ADfico-declaraci%C3%B3n-de-cali

    [15] Trans-Pacific Partnership (TPP) en anglais.

    [16] Lire Bernard Cassen, « Le grand marché transatlantique : danger ! » (http://www.medelu.org/Le-grand-marche-transatlantique ).

    [17] Tous ces pays font partie de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) dont la Chine est membre.

    [18] Extrait du communiqué officiel du Bureau de la représentation commerciale des Etats-Unis (USTR) à l’issue de la réunion du 17e cycle de négociations du PTP organisée à Lima du 15 au 24 mai : http://www.ustr.gov/about-us/press-office/press-releases/2013/may/tpp-negotiations-strong-momentum. La tenue de cette réunion à Lima explique en partie la visite de Ollanta Humala à Washington le 11 juin. Le prochain cycle de négociations se déroulera du 15 au 25 juillet en Malaisie.

    [19] Pour une analyse critique de l’intégralité du projet PTP, lire Nile Bowie, “ Neoliberal Overload. Trans-Pacific Partnership : Corporate Power-Tool Of the 1%”, Counterpunch (http://www.counterpunch.org/2013/04/03/trans-pacific-partnership-corporate-power-tool-of-the-1/)

    [20] La présidente Dilma Rousseff sera reçue le 23 octobre à Washington par Barack Obama.

    http://www.medelu.org/Washington-se-relance-dans-le


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    La gauche de gauche va-t-elle enfin sortir du conformisme ?
    vendredi, 31 mai 2013 / Bernard Cassen /

    Secrétaire général de Mémoire des luttes, président d’honneur d’Attac

    Avec Le Monde diplomatique en español

    En Europe, les forces politiques et sociales qui se veulent à la gauche de la social-démocratie – disons par commodité la gauche de gauche – se croient « radicales ». Ce qui, au pied de la lettre, signifie qu’elles sont censées s’attaquer aux causes profondes des ravages du néolibéralisme en général, et de l’eurolibéralisme en particulier. Pourtant, elle font depuis longtemps preuve d’un étonnant conformisme sur trois des questions essentielles que pose aujourd’hui la crise européenne : le responsabilité de l’euro dans la récession actuelle, la pertinence de politiques nationales de rupture avec le néolibéralisme et l’urgence de mesures de protectionnisme écologique et social. Voyons dans quel contexte elle évolue.

    Pour la sphère financière, les grandes entreprises et leurs fondés de pouvoir dans les partis politiques et les gouvernements – pas seulement ceux étiquetés « de droite » –, tout va pour le mieux : les traités et pactes européens successifs ont instauré l’hégémonie du capital et du marché ; ils ont fait du libre-échange une arme de choc au service du dumping social, écologique et fiscal ; le dogme de la concurrence est devenu une machine à paupériser ou privatiser les services publics ; sous prétexte de résorber la dette, de promouvoir la « compétitivité » et de « sauver » l’euro, des « réformes structurelles » et des plans d’austérité ont été imposés, avec comme objectif véritable le démantèlement des acquis sociaux de plusieurs décennies, en particulier en matière de droit du travail.

    Pour empêcher toute remise en cause de la « divine surprise » qu’a été la concrétisation en Europe d’une telle utopie néolibérale – dont ses promoteurs n’auraient même pas osé rêver au siècle dernier –, une police spécialisée a été créée : la « troïka ». Composée de la Commission, du FMI et de la Banque centrale européenne (BCE), elle a les pleins pouvoirs pour exiger l’application de ce programme par les gouvernements qui ont recours à son « aide ».

    Est-ce que la social-démocratie européenne a quelque chose à dire sur cette entreprise de régression démocratique et sociale sans précédent ? La réponse est « non » : elle s’est totalement inscrite dans sa logique et elle en accepte les implications. Ses propres intellectuels ne s’en cachent d’ailleurs pas. Il faut lire à cet égard – une fois n’est pas coutume – l’article du Monde intitulé « Quel projet pour la social-démocratie ? » publié dans le numéro du 23 mai 2013. Son auteur, Jean-Pierre Stroobants, du bureau européen du quotidien, cite, entre autres, l’historien René Cuperus qui collabore à la fondation Wiardi Beckman, groupe de réflexion du Parti social-démocrate néerlandais (PVDA).

    Pour cet auteur, l’adhésion à l’Europe est devenue une « idéologie de substitution ». L’Europe « affirme qu’elle est un bouclier contre la mondialisation, mais, en définitive, elle en est une courroie de transmission ». Et d’ajouter : « Le tout-à-l’Europe serait une bonne chose, mais, en pratique, les sociaux-démocrates soutiennent ainsi un projet néolibéral qui heurte la démocratie et ne rencontre pas d’écho à la base. Une situation totalement schizophrène ». Ce constat vaut pour tous les partis social-démocrates européens, présents ou non dans des gouvernements. Un lecteur français y verra sans peine une évocation de la politique de François Hollande et de ses humiliantes génuflexions – ponctuées de coups de menton qui ne trompent personne – devant Angela Merkel, la Commission et la Banque centrale européenne. Tout cela avec les encouragements militants des éditorialistes du Monde

    Si la cause est entendue pour la social-démocratie, que dire alors de la gauche de gauche ? On ne pourra pas lui reprocher d’être muette sur l’état des lieux de l’eurolibéralisme. On ne compte plus, en effet, les livres, manifestes, motions de congrès, prises de position, pétitions, blogs décortiquant et dénonçant les mesures d’austérité et les politiques européennes en général. Le bilan critique est fait et fort bien fait. Le problème est qu’il ne débouche pas sur des propositions attaquant le mal à sa racine, et cela à la fois par confusion intellectuelle et par crainte panique de « faire le jeu » de l’extrême-droite. De manière inespérée pour elle, cette dernière se trouve ainsi désignée par ses propres adversaires comme pôle de référence du débat politique.

    Certaines composantes de la gauche de gauche ont ainsi paresseusement assimilé le libre-échange à de l’internationalisme ; le refus du carcan de l’euro au rejet du projet d’unité de l’Europe ; et des mesures de rupture nationales avec du nationalisme ou du « souverainisme », terme qui, comme celui de « populisme », n’est jamais défini par ceux qui l’utilisent à tort ou à travers.

    Certes des économistes comme Frédéric Lordon [1] ou Jacques Sapir [2], dotés d’une forte légitimité universitaire et non engagés dans un parti, ont pulvérisé ces poncifs, appelé un chat un chat et remis en cause, par exemple, l’aggravateur de crise qu’est l’euro. Ce qui leur ferme évidemment la porte des plateaux de télévision où ne sont généralement conviés que les néolibéraux de toute obédience, et plus particulièrement des « économistes à gages » du type Elie Cohen ou Jean-Hervé Lorenzi [3]. Certains des collègues de Lordon et Sapir, investis, eux, dans une formation politique de la gauche de gauche, et quoi qu’ils en pensent par ailleurs, sont bridés par les stratégies globales de leurs directions qui craignent comme la peste qu’on les accuse d’être composées d’« anti-européens » et qu’on les mette dans le même sac que le Front national à l’extrême droite ou, à l’autre extrémité de l’arc politique, avec le M’PEP, pointé du doigt pour cause de « souverainisme » [4].

     On commence cependant à entendre des voix hétérodoxes et, cette fois, institutionnelles qui permettent d’ouvrir un débat longtemps mis sous le tapis. Ainsi, au vu de l’expérience, Oskar Lafontaine, ancien président du SPD et l’un des fondateurs de Die Linke, se prononce pour l’abandon de la monnaie unique en faveur d’un retour au Système monétaire européen (SME) permettant dévaluations et réévaluations [5]. A Chypre, c’est le Parti communiste (dit AKEL), deuxième force politique de l’île, qui, le 29 avril dernier, s’est prononcé pour une sortie de la zone euro.

    Des économistes de gauche de plusieurs pays européens [6] viennent de publier un Manifeste intitulé « Que faire de la dette et de l’euro ? » dans lequel ils préconisent, si cela se révèle nécessaire pour en finir avec le chantage de la dette, une stratégie de rupture unilatérale avec la Commission, la BCE ou l’Allemagne, engagée par un ou plusieurs gouvernements et n’excluant pas une sortie de l’euro et l’adoption de mesures protectionnistes [7].

    Il est significatif du changement de climat que, en France, quelques dirigeants d’Attac et de la Fondation Copernic aient signé ce texte alors que, il y a peu, les expressions « mesures protectionnistes », « ruptures nationales » et « sortie de l’euro » les faisaient sortir de leurs gonds. Jusqu’à ces derniers temps, il n’y avait pour eux d’autre salut que dans l’émergence d’un hypothétique « mouvement social européen » paré de toutes les vertus. C’était oublier une évidence : un tel mouvement, évidemment nécessaire, ne surgira pas spontanément, en lévitation sur des réalités très différentes d’un pays à l’autre. Il prendra seulement forme à partir d’un foyer de rupture national entraînant des solidarités susceptibles elles-mêmes de faire tache d’huile.

    D’autres indices vont dans le même sens que celui de ce texte :

    • En Espagne, la circulation d’un manifeste ayant déjà recueilli de nombreuses signatures d’élus de gauche d’économistes et de syndicalistes, et intitulé Salir del euro (« Sortir de l’euro ») [8].
    • Au Portugal, l’énorme succès de librairie du livre Porque devemos sair do euro (« Pourquoi nous devons sortir de l’euro ») sorti début avril [9].
    • En France, la publication d’un ouvrage collectif qui fait déjà beaucoup parler de lui et dont le titre est délibérément provocateur : En finir avec l’Europe [10]. Il témoigne de l’évolution de certains des co-auteurs jadis proches ou membres du NPA.

    Un Sommet alternatif (Alter Summit), rassemblant partis de la gauche radicale, syndicats et mouvement sociaux européens va se tenir à Athènes les 7 et 8 juin prochain [11]. On aurait pu penser qu’il prolongerait cette effervescence et qu’il aborderait les questions jusqu’ici politiquement incorrectes. Ce n’est pas l’impression que donne le manifeste préparatoire de cette rencontre.

    Dans trois domaines (dette, Europe écologique et sociale, démocratie économique), ce texte dresse un bilan de la situation et propose des « revendications communes et urgentes ». On constate que l’expression « crise de l’euro n’apparaît nulle part. Quant au libre-échange, il fait l’objet d’une seule ligne dans les constats – « Les accords de libre-échange contribuent au dumping fiscal, social et écologique » – et d’une revendication d’un vide sidéral  : « Mettre fin au dumping salarial et social en Europe et dans le monde, notamment par le biais d’accords internationaux ». Voilà qui devrait faire trembler les commissaires européens et Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont le nom est régulièrement cité comme futur ministre, voire premier ministre de François Hollande…

    Pour l’élaboration d’un véritable programme de sortie de l’ordre néolibéral européen, il faudra que la gauche de gauche se libère des interdits dans lesquels elle s’est enfermée. Timidement, avec des hauts et des bas, le processus est entamé…

     

    [1] Lire son blog « La pompe à phynance » sur le site du Monde diplomatique, et en particulier sa dernière contribution « Pour une monnaie commune sans l’Allemagne (ou avec, mais pas à la francfortoise) » : http://blog.mondediplo.net/2013-05-25-Pour-une-monnaie-commune-sans-l-Allemagne-ou-avec.

    [2] Lire son blog http://russeurope.hypotheses.org/ et ses reprises sur le site de Mémoire des luttes. En particulier sa contribution « Postures et impostures dans le débat sur la politique allemande » : http://www.medelu.org/Postures-et-impostures-dans-le.

    [3] Lire Renaud Lambert, « Les économistes à gages sur la sellette, Le Monde diplomatique, mars 2012. Egalement Serge Halimi, Frédéric Lordon et Renaud Lambert, Economistes à gages, Les liens qui libèrent/Le Monde diplomatique, Paris, 2012.

    [4] http://www.m-pep.org

    [5] http://www.medelu.org/Nous-avons-de-nouveau-besoin-d-un.

    [6] Parmi lesquels, pour la France, Michel Husson.

    [7] http://tinyurl.com/euro13.

    [8] http://salirdeleuro.wordpress.com

    [9] Editions Lua de Papel, Lisbonne, 12,60 euros. Lire Le Monde, 30 mai 2013.

    [10] En finir avec l’Europe, sous la direction de Cédric Durand, La Fabrique, Paris, 2013, 15 euros.

    [11] www.altersummit.eu

    http://www.medelu.org/La-gauche-de-gauche-va-t-elle


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  •  Bientôt une nouvelle banque pour les pauvres en France !

    Compte Nickel« Ouvert en cinq minutes, Compte-nickel sera accessible à tous, sans conditions de revenus, de dépôts ou de patrimoine, sans discrimination », assurent les initiateurs de ce projet bancaire. Tout particulier majeur disposant d’une pièce d’identité pourra ouvrir un compte en quelques minutes et ressortir avec un relevé d’identité bancaire et une carte de paiement… chez les buralistes ou les marchands de journaux. Il pourra ensuite domicilier ses revenus et approvisionner son compte par virement. Mais ses dépenses ne pourront pas excéder le solde du compte…

     

    Cette initiative repose sur le principe dit de « light banking », directement inspiré des modèles à bas coûts (low cost) qui révolutionnent depuis des années des secteurs entiers comme le transport aérien, la téléphonie, l’hôtellerie ou encore la distribution. Compte nickel sera ainsi une banque aux structures allégées, puisqu’elle n’aura aucun guichet. Son offre devrait séduire une clientèle modeste et exclue des offres traditionnelles car trop coûteuse à rentabiliser. La crise pourrait avoir pour conséquence de voir les clients adhérer en masse à ce nouveau concept : environ 25 millions d’Européens qui souhaiteraient ouvrir un compte n’en ont en effet toujours pas. Et quelque 2,5 millions de demandes d’ouverture de comptes ont été rejetées pour diverses raisons, parmi lesquelles des revenus insuffisants. Or, sans compte bancaire, il est difficile, voire impossible, de percevoir son salaire ou les prestations sociales, de transférer de l’argent ou d’effectuer des achats au moyen d’une carte de crédit. La démarche de Compte-nickel s’inscrit ainsi dans les démarches entreprises par la commission européenne pour rendre les comptes moins chers et accessibles à tous.

     

    Mais regardons de plus près Compte-nickel. C’est comme on pouvait s’y attendre une initiative totalement privée. Son nom fait référence à l’expression argotique « nickel », qui signifie que « tout est en place, propre, transparent ». Espérons-le. À l’origine de ce projet, on trouve Hugues Le Bret. Le personnage a toujours oscillé entre le monde de la finance et celui des media. Son associé se nomme Ryad Boulanouar. C’est un spécialiste des nouvelles technologies. Il a notamment installé le transfert d’argent dans les bureaux de tabac pour Moneygram et travaillé à la dématérialisation des recharges téléphoniques.

     

    On est vraiment loin d’une ONG… Hugues Le Bret, belle gueule et tempes grisonnantes, est devenu familier des Français au moment de l’affaire Kerviel. Il était alors le directeur de communication de la Société générale et s’était alors retrouvé devant les caméras pour expliquer comment ce jeune trader avait pu faire perdre quelque 4,9 milliards d’euros à la banque qui était associée jusque-là à l’image du bon père de famille dans l’imaginaire collectif français. Kerviel a depuis été condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis, et Le Bret, victorieux de la guerre de la communication, a pu écrire un livre dans lequel il explique que « nous (les banquiers, NDLR) avions progressivement perdu notre vigilance et développé une culture de la conquête et du profit plus forte que celle du contrôle, du doute et de la suspicion ». Le Bret devait quitter le monde de la finance. Il effectue aujourd’hui un retour en force et se fait pour l’occasion le « défenseur des pauvres ». Nous aurions tant aimé que ce soit vrai… Ce n’est malheureusement que la naissance d’un nouveau business fait sur le dos des classes populaires.

     

    Capitaine Martin 

    http://www.resistance-politique.fr/article-bientot-une-nouvelle-banque-pour-les-pauvres-en-france-118221650.html


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  • Témoignage de la révolte populaire massive en Turquie

    Asiye Riban 1er juin 2013

    Témoignage de la révolte populaire massive en Turquie

    Quelque chose d’incroyable s’est passé en Turquie cette nuit. Tout a commencé avec une petite manifestation dans le parc Gezi contre son projet de démolition afin de construire un centre commercial à sa place. Ce parc se trouve dans le centre du quartier historique d’Istanbul, sur la place Taksim.

    Cette place est aussi un symbole du mouvement ouvrier turc et, chaque année, au Premier mai, des confrontations entre la police et les manifestants se déroulent sur cette place. C’est un endroit important que nous voulons récupérer alors que les manifestations sont interdites dans ce parc. Défendre celui-ci est un enjeu considérable car nous ne pouvons pas accepter qu’il soit transformé en centre commercial. En outre, ce parc compte de magnifiques arbres très anciens, et c’est l’un des rares lieux verts de la ville.

    Occupy Gezi

    Tout a commencé donc avec un petit groupe de jeunes écologistes qui défendaient ces arbres. Ce rassemblement s’est maintenu et n’a cessé de grandir depuis le lundi 27 mai. La police a attaqué le groupe et les a repoussés. Vendredi matin, la police a mené une attaque très violente. Des personnes qui n’étaient pas dans la manifestation se sont jointes aux manifestants pour les soutenir.

    Pendant toute la journée, la situation s’est aggravée, la répression policière s’est faite plus brutale encore ; gaz aux poivres, lacrymogènes, tirs avec des munitions en plastique dur, jets d’eau à très haute pression et des centaines de policiers. Nous avons eu très peur pendant toute la journée qu’il y ait de nombreux morts. Et c’est arrivé. Deux personnes sont mortes.

    Cela a constitué le point de non-retour pour le peuple d’Istanbul. Grâce au fait que c’était vendredi en fin de journée, beaucoup de gens ont alors rejoint la place Taksim après leur travail. D’abord 10.000, puis 20.000 personnes, et leur nombre a augmenté, encore et encore. La police, encore très sûre de ses propres forces, a continué à attaquer brutalement la foule. C’était réellement un état de guerre. Pas loin de 250.000 personnes se sont alors rassemblées à Istanbul. Mais nous continuions à avoir peur que la police frappe encore plus fort, n’utilise de véritables munitions et multiplie le nombre de morts.

    Et là, quelque chose de magique s’est produit. Des gens qui étaient conscients de ce danger ont commencé à défendre le peuple qui se battait à Taksim. Pendant ce temps, des manifestants de la place Taksim ont envahi d’autres rues. Dans le voisinage, des gens ont fait clignoter les lumières, puis en parlant entre eux, puis en sortant de chez eux. Tout s’est passé en quelques heures seulement… et maintenant, les manifestations ont gagné toute la Turquie.

    Le gouvernement AKP est remis en question

    On dirait que personne ne dort cette nuit. Plus d’un million de personnes sont maintenant dans les rues d’Istanbul. Tout est bondé et les manifestants marchent à nouveau sur la place Taksim. A Ankara, le peuple marche vers le Parlement et dans les autres villes ils se dirigent sur les bâtiments de l’AKP (parti au pouvoir).

    La police attaque de plus en plus lourdement et il y a une escalade dans l’usage de la force. Les gens sont d’abord arrivés en colère, mais deviennent de plus en plus confiant. Ils reculent un moment devant les gaz chimiques, mais continuent ensuite à marcher.

    Le gouvernement de l’AKP est maintenant directement remis en cause. C’est la première fois que quelque chose de ce genre se passe en Turquie sous ce gouvernement. Encore hier soir, cela ressemblait à une sorte de mouvement « Occupy », mais maintenant, c’est une protestation populaire massive qui manifeste contre le gouvernement pour demander sa démission.

    Taksim-Tahrir

    Il faudra analyser plus avant la nature de mouvement, mais pour l’instant il semble évident que c’est un soulèvement pour la démocratie… Qui sait, peut-être que Taksim sera la prochaine Tahrir dans les jours qui viennent. Les revendications vont se construire à l’intérieur de mouvement.

    Il y a le risque que le mouvement soit récupéré par la gauche réformiste nationaliste. Cet enjeu dépendra aussi des villes kurdes. Si elles se joignent au mouvement, ce qu’elles semblent commencer à faire, alors nous pourrions combiner ce soulèvement pour la démocratie avec un véritable processus de paix en Turquie. Peut-être que la paix ne pouvait arriver qu’avec un soulèvement de ce genre, et cela en dépit du fait que l’ouest du pays est dominé par des tendances nationalistes pour le moment.

    Si on m’avait demandé hier matin si je pensais que quelque chose de cette ampleur allait se passer, j’aurais certainement répondu non. C’était magnifique de voir ce peuple prendre de plus en plus de confiance dans son pouvoir et dans son combat pendant qu’il résistait collectivement.

    Les habitants des quartiers sont très solidaires avec les manifestants. Tous les commerçants essayent d’aider et de pourvoir le nécessaire pour les soins.

    Il paraît qu’il y a plus de 150 policiers à Istanbul qui ont arrêté de gazer les gens et se sont joints aux manifestants et certains ont déclarés qu’ils démissionnaient de la police. Un chauffeur de bus qui était au volant d’un bus municipal a conduit son véhicule contre un blindé de la police pour le bloquer et créer une barrière entre la police et les manifestants.

    Il y a tant d’espoir dans ce qui est en train de se passer !

    Istanbul, 1er juin 2013

    Les femmes résistent aussi !

    Les femmes se rebellent ! Et vous ne nous arrêterez pas avec des gaz, des tanks et des matraques ! Les femmes résistent avec les autres groupes opprimés depuis deux jours. Travailleurs, Kurdes, LGBT, Alaouites, Musulmans, non-musulmans, athées et tous les opprimé(e)s, exploité(e)s, insulté(e)s et blâmé(e)s comme des « traîtres » sont en train de se rebeller en Turquie. La résistance qui a commencé dans le parc Gezi de la Place Taksim à Istanbul est en train de déborder sur de nombreuses autres villes.

    Nous, les femmes, sommes sur le front de cette résistance. Nous rejoignons la rébellion parce que :

    • Le Premier ministre Tayyip Erdogan et sa clique ont cherché à promouvoir le lynchage des femmes par les hommes ;
    • Ils ont tolérés l’assassinat de femmes par des hommes avec leur loi sur les « provocations injustifiées » ;
    • Ils n’ont pas ouverts de lieux d’accueil pour permettre aux femmes d’échapper à la violence domestique des hommes ;
    • Ils ont stigmatisés les femmes violées et harcelées en les traitant d’immorales et de non-chastes ;
    • Ils ont mis la pression sur les femmes violées pour qu’elles accouchent des enfants issus de ces viols ;
    • Ils ont qualifiés l’avortement de meurtre ;
    • Ils n’ont pas ouvert de crèches mais ont imposés aux femmes de donner naissance à au moins trois enfants ;
    • Ils nous ont condamnés à la pauvreté, au travail précaire, aux emplois incertains et à vivre dans des conditions proches de l’esclavage ;
    • Ils ont définis le travail domestique comme le devoir des femmes ;
    • Ils se sont acharnés sur les femmes et les familles qui vivaient de manière indépendante des hommes avec leurs lois.

    Mais nous, femmes, nous résistons !

    Parce que le Premier Ministre Tayyip Erdogan et sa clique nous ont condamnés à subir l’oppression et l’exploitation des hommes, nous appelons toutes les femmes à descendre dans la rue et à se rebeller pour notre libération !

    Socialist Feminist Collective
    Traduction française pour Avanti4.be : Sylvia Nerina

    http://www.avanti4.be/analyses/article/temoignage-de-la-revolte-populaire-massive-en

    Resim-290.jpgDes centaines de milliers de personnes se sont soulevées en Turquie!

     

    Communiqué du Parti communiste de Turquie

     

    Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

     La résistance au parc Taksim Gezi, qui se poursuit depuis plusieurs jours, s'est transformée en mouvement populaire ce 31 mai. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Istanbul et dans plusieurs régions de Turquie pour protester contre l'offensive inhumaine et délirante du gouvernement AKP.

     

    Personne n'a le droit de tromper le peuple, d'essayer de tirer de fausses conclusions du déroulement des événements ou d'essayer de profiter de l'occasion pour en tirer des petites victoires politiques ou réaliser des démonstrations de force personnelles. Le mouvement historique et massif d'hier fut une éruption de colère populaire, qui est l'aboutissement de 11 ans de gouvernement AKP. Ces personnes qui partagent la même colère se retrouvent dans des tendances politiques différentes mais elles se retrouvent dans leur riposte commune contre le gouvernement.

     

    Il ne s'agit pas d'un « printemps turc » comme les médias occidentaux aiment à le définir. Ce mouvement qui monte prend un caractère anti-impérialiste et laïque. Il est étroitement lié à l'opposition populaire à la politique belliciste du gouvernement en Syrie et à l'islamisation rampante de la vie publique. Ainsi, il diffère des autres soulèvements au Moyen-orient.

     

    En dépit d'une brutalité policière sans limites et du manque de direction dans le mouvement, les manifestants ont soigneusement évité toute provocation. Depuis hier matin, plusieurs centaines de milliers de personnes défilent dans les rues sans crainte, parcourant en tout des milliers de kilomètres sans mener la moindre action qui puisse laisser un espace pour dénigrer cette résistance populaire légitime.

     

    La terreur d’État qui s'est fait jour hier a fait plusieurs milliers de blessés et conduit à l'arrestation de centaines de manifestants. Cependant, cela n'a pas fait fléchir la résolution et la détermination populaire. Désormais, la riposte va bien au-delà du projet gouvernemental de construction d'un centre commercial à Gezi Parkı près de la place Taksim. Le gouvernement AKP porte l'entière responsabilité de l'escalade des événements. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a essayé de minimiser les protestations et il doit désormais être prêt à affronter une dure réalité : les gens n'ont plus peur de son gouvernement et ils veulent s'en débarrasser le plus vite possible.

     

    Notre parti va maintenant proposer de nouvelles initiatives pour améliorer la coordination de la lutte contre ces plans illégitimes du gouvernement.

     

    Le Parti communiste de Turquie appelle ses adhérents et sympathisants à se rassembler place Taskim à 15 h.

     

    Nous appelons notre peuple à boycotter les médias dominants, qui ignorent, déforment les nouvelles des manifestations et minimisent systématiquement le nombre des manifestants. Les gens doivent soutenir les médias alternatifs, qui sont la véritable source d'information.

     

    Maintenant que le peuple s'est soulevé, la fin de ce gouvernement cruel est proche !

     

    Solidarité contre le fascisme !

     

    A bas la dictature du capital !


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  • Monde - le 2 Juin 2013

    Madrid et Lisbonne défilent contre la troika

    Sous le mot d'ordre "Tous unis contre la troïka", au son des percussions et des sifflets, plusieurs milliers de personnes ont défilé samedi à Madrid comme à Lisbonne et d'autres villes de la péninsule ibérique, dans le cadre d'une journée européenne de manifestations contre la crise et l'austérité.

    En Espagne, quelque 80 rassemblements étaient prévus par le collectif "Marée citoyenne" qui dénonce "le grand échec des politiques économiques de rigueur, les expulsions, la réforme du travail et les privatisations" imposées par la troïka - Union européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI).

    Monarchie vascillante

    "Todos unidos contre la troika" ("Tous unis contre la troïka"), "No debemos, no pagamos" ("Nous ne devons rien, nous ne payons rien"), criaient les manifestants, en défilant dans une ambiance bon enfant jusqu'au siège de la représentation européenne. Certains agitaient des drapeaux républicains au moment où la monarchie du roi Juan Carlos, touchée par plusieurs scandales, est au plus bas dans les sondages.

    "Nous sommes ici pour lutter contre les diktats de la troïka, parce que nous pensons qu'ils gouvernent uniquement pour le grand capital, et contre la volonté de la majorité de la population", a déclaré à l'AFP Rafael Herguezabal, un retraité de 75 ans. "Les gouvernements en Europe font ce que la troïka leur dit de faire, au prix de l'appauvrissement des travailleurs", a-t-il ajouté.

    Le gouvernement conservateur espagnol, qui a promis de réduire le déficit et la dette publics du pays, a pris de nombreuses mesures d'austérité visant à faire 150 milliards d'économies, notamment dans l'éducation et la santé, entre 2012 et 2014.

    Carton rouge au FMI

    A Lisbonne des "Basta!", "Troïka dehors!" "Gouvernement démission!", "Respect!", ont été scandés par des dizaines de milliers de manifestants défilant devant la représentation du Fonds monétaire international (FMI), sur l'une des principales artères de la capitale.

    "Troïka, gouvernement dehors!", "arrêtons cette politique!", scandaient également les manifestants contre le programme de rigueur imposé depuis deux ans par la troïka des créanciers du Portugal, à savoir l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI, en échange d'une aide financière de 78 milliards d'euros.

    Les protestataires, qui ont défilé à l'appel du mouvement apolitique "Que se lixe a troika" ("Que la troïka aille se faire voir") et de plusieurs collectifs de citoyens, ont également entonné "Grandola Vila Morena": cet hymne de la révolution des oeillets, qui avait renversé en 1974 la dictature salazariste, est régulièrement repris pendant des manifestations contre l'austérité. "Il faut que ça cesse. Malheureusement, je crois qu'il ne nous reste plus qu'à faire la révolution. Ces manifestations n'y changeront rien", a affirmé une retraitée lisboète qui tenaient une pancarte réclamant le départ de la troïka.

    "Ce jour a une symbolique et une force particulières car il rassemble des pays européens, les peuples d'Europe, dans la lutte contre le chantage de la finance et la troïka", a déclaré Catarina Martins, coordinatrice du Bloc de gauche.

    S.G.

    Manifestation contre la troika et l'austérité à Francfort ce samedi

    Monde - le 1 Juin 2013

    Francfort: des milliers d'opposants à l'austérité manifestent

    Le mouvement Blockupy a mobilisé plusieurs milliers de manifestants contre la troika et sa politique d'austérité pour la seconde fois en deux jours à Francfort, capitale économique de l'Allemagne.

    Après avoir fait le siège avec succès de la Banque centrale européenne, l'un des trois piliers de la troika avec l'Union européenne et le FMI en faveur de l'austérité budgétaire, le collectif anticapitaliste est parvenu à mobiliser près de 20.000 personnes (5.000 selon la police) lors de cette journée européenne "tous unis contre la troika", ce samedi D'autres manifestations anti-austérité étaient également prévues dans le sud de l'Europe comme à Paris, au Trocadéro.

    Syndicats mobilisés

    La manifestation francfortoise, lancée dans le centre de la ville, devait rejoindre les abords de la Banque centrale européenne (BCE) où un rassemblement était prévu aux alentours de 16 heures 30, afin de marquer le jour anniversaire de la fondation de l'institution monnétaire.

    Syndicats et organisations de gauche (Verdi, IG Metall, le parti Die Linke, Attac, etc.) participaient à l'initiative qui fait suite à une autre manifestation organisée la veille et qui avait réuni près de 2.000 personnes contre l'austérité et la spéculation agricole.

    "Nous voulons clairement dire que la politique de la banque centrale européenne et de la troïka, soumises à l'influence capitale du gouvernement fédéral, n'est pas la solution", a affirmé à l'AFP Roland Süss, porte-parole de Blockupy.

    "Au nom de la gauche"

    "Je suis contente de voir les gens ensemble pour exprimer leur solidarité",  a expliqué à l'AFP Marica Frangakis, 62 ans, une manifestante grecque d'Attac, ajoutant: "Nous avons besoin de plus de solidarité, le capital est uni et fort mais beaucoup de voix s'expriment au nom de la gauche en Europe, ce qui rend les choses plus difficiles. C'est bien de voir que les gens (en Allemagne) se sentent aussi concernés par la crise".

    S.G.


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  • Société - le 2 Juin 2013

    Marseille manifeste contre les violences et pour la citoyenneté

    Excédés par la violence qui mine leurs cités, des habitants des quartiers populaires de Marseille, sont descendus samedi pour la première fois dans la rue pour réclamer la sécurité et "un avenir" pour leurs enfants, à l'appel du collectif marseillais du 1er juin contre toutes les violences.

    Ils étaient entre 700 et 1.500 selon la police ou les organisateurs, venus des quartiers populaires: de nombreuses mères de famille, des militants associatifs, des travailleurs sociaux, ou des élus qui ont répondu à l'appel du collectif du 1er juin, un mouvement constitué en février dernier après les assassinats de plusieurs jeunes sur fond de trafic de drogue.

    Pour l'un des animateurs de ce collectif, Patrick Cassina, directeur d'un centre social dans le 13e arrondissement, ce rassemblement "est une première depuis trente ans" et la marche des Beurs, la fameuse manifestation antiraciste de 1983.

    Vers 15 heures, les manifestants, venus des quartiers de La Busserine, les Bleuets, la Gavotte, la Castellane, les Flamands, Saint-Barthélémy ou Malpassé, qui s'étaient rassemblés au pied des marches de la gare Saint-Charles, ont défilé en cortège derrière deux larges banderoles proclamant: "Contre toutes les violences" et "quartiers populaires, nous sommes des Marseillais, égalité de droits et de traitement pour tous et partout".

    Ras-le-bol

    Si quelques participants semblaient habitués à battre le pavé, pour beaucoup c'était une première, comme ce groupe de Comoriens en tenue traditionnelle, ou Mokharia, une jeune habitante de la cité des Bleuets dans le 13e arrondissement. "Je suis une mère, une soeur, une amie, une voisine, une cousine", a dit la jeune femme voilée. Elle est venue pour exprimer "le ras-le-bol des habitants des quartiers nord d'être laissés pour compte" et réclamer "une égalité de traitement pour le logement et l'éducation".

    L'égalité était ainsi une thématique récurrente sur les banderoles, où l'on pouvait lire "égalité pour tous", "un avenir pour tous nos enfants" ou "sécurité dans nos collèges".

    D'un petit camion en tête de manifestation, Yamina Bechenni, l'une des chevilles ouvrières du collectif du 1er juin, et les autres animateurs de ce collectif, lançaient des slogans, repris par la foule, tantôt dénonçant les problèmes "Et la drogue... Y'en a marre. Et la violence... Et l'injustice...", tantôt plus revendicatif, "Marseille debout, pour tes enfants... debout, pour ta famille."

    Patrick Cassina explique qu'en début d'année, après l'un de ces règlements de comptes, "les parents ont commencé à exprimer une grande angoisse, les enfants étaient retirés des activités... par crainte. on (les travailleurs sociaux et les associations, ndlr) a rapidement décidé d'organiser un espace de parole".

    Le mouvement s'étend

    Le mouvement a fait alors tâche d'huile et plusieurs quartiers ont fait des réunions de parents, sur le même mode. "Les gens ont livré leurs expériences, les problèmes de logement, d'emploi, d'éducation" mais aussi la colère "d'être stigmatisés, caricaturés, assimilés à des trafiquants".

    "Les habitants souhaitent plus de sécurité mais ils ne veulent pas que la réponse (de l'État, ndlr) ne soit que sécuritaire", explique M. Cassina. Depuis deux mois, le collectif du 1er juin, organise des réunions hebdomadaires avec les habitants des quartiers et souhaite devenir "une force de propositions". Le 15 juin, une assemblée populaire se réunira pour définir "la suite à donner" au mouvement.

    • A lire aussi:

    Marseille: des habitants contre les violences

    S.G.

    Quelles perspectives pour les quartiers populaires ?
    Chômage, mal-vie, drogue, violence /
    vendredi, 31 mai 2013 / Rouge Midi

    Les règlements de compte qui ont ces deniers temps touché des jeunes de la cité phocéenne, ont provoqué une vive émotion au cœur de la ville et en particulier de ses quartiers populaires touchés par ces drames. Des femmes, mères, sœurs, cousines, amies des victimes ou de leur entourage ont décidé de réagir. Avec elles et d’autres habitants des quartiers populaires un collectif s’est créé qui appelle à une marche le 1er juin.
    Parallèlement, et avant d’avoir connaissance de l’initiative du 1er juin, le Cercle Manouchian invitait ce mardi 28 mai à une soirée de débat sur ce thème. Soirée riche et bienvenue à quelques jours de la marche.

    Philippe Pujol est le 1er intervenant de la soirée. Journaliste à La Marseillaise, remarqué pour une série d’articles sur la délinquance et les trafics de drogue à Marseille, il décortique devant une assemblée attentive les mécanismes des trafics de drogue et leur évolution. « Dans les années 60 Marseille fabriquait la drogue et l’exportait. Aux USA, grands consommateurs, on y assistait alors à une guerre des gangs pour la possession du marché et des emplacements. Aujourd’hui c’est l’inverse, Marseille est une ville d’importation et de consommation de la drogue et du coup on a le même problème qu’avaient les USA dans années-là. ». Et de détailler par le menu le fonctionnement du trafic, son organisation, ses liens avec le grand banditisme qui n’est pas le banditisme des cités. Il conclut en donnant des chiffres précis qui vont à l’encontre de ce que la médiatisation porterait à croire et rejoignent les études sur le sujet [1] : « Il n’y a pas plus de morts que dans les années 30. La nouveauté c’est que cela touche des très jeunes. Ce sont les petites mains qui meurent ».

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    Emmanuelle Hoareau, sociologue spécialiste de la prévention des risques dans la consommation de drogue, dans une longue intervention sur laquelle nous reviendrons, aborde les aspects de la loi en matière de consommation de drogue et les questions de société qu’ils révèlent. Si la loi punit fortement l’usage, la détention et la vente elle n’a pas pu les empêcher de progresser. « La loi stigmatise et n’aide pas les consommateurs à demander de l’aide. S’ils ne se sentent pas compris les usagers n’iront pas vers la prévention »… et encore moins à stopper peut-on en déduire. « Les professionnels de santé parlent de l’échec de la guerre à la drogue, guerre qui est très coûteuse et mobilise des sommes qui pourraient être utilisées à la prévention ». Echec d’autant plus grand que ce sont les usagers qui sont les plus ciblés « les grosses têtes de réseau ne sont jamais interpellées. Sur 130 000 interpellation liées au cannabis, la moitié des incarcérés sont des usagers ». A contrario les pays qui ont dépénalisé ou légalisé ont vu une baisse de la consommation et des trafics. Et de conclure « la prohibition ne donne aucun cadre, alors que la légalisation en donne un ».

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    Mohamed Bensaada, de l’association Quartiers Nord, Quartiers Forts, que les lecteurs de Rouge Midi connaissent bien, prend alors la parole : « Nous nous sommes pour une légalisation sociale de l’usage de la drogue. Il faut sortir de la morale et analyser froidement les choses. Il faut permettre aux petits trafiquants de rentrer dans la légalité. Le temps imposera cette réalité au-delà des contingences électoralistes. Il y a une logique capitaliste et de ce point de vue il n’y a pas de différence entre le trader et le dealer. »

    Serge Pinna, président de Rouges Vifs 13 est le dernier intervenant à la tribune : « L’augmentation du chômage, le recul des services publics dans les cités, laissent des populations à l’abandon. Pour ne pas remettre en cause des choix politiques et économiques désastreux pour le monde du travail, on a privé les gens des quartiers populaires d’offre politique dans laquelle ils se reconnaissent. Pour nous ce qui est primordial et ça a participé de la fondation de Rouges Vifs 13, c’est que ceux qui souffrent le plus du capitalisme soient à la tête du combat contre celui-ci »

    Très vite le débat s’engage avec et dans la salle, et Guillaume Vinçonneau, président du Cercle Manouchian et de la soirée a du mal à ne pas être débordé. Pêle-mêle :

    Hassen : « Une légalisation n’entrainerait-elle pas une hausse de la consommation ? Il faut revoir le modèle économique des quartiers »
    Karima de quartier nord, quartier fort : « L’ensemble de la jeunesse n’est pas dans les trafics. Ce n’est pas parce qu’on légalise que l’on répond à la question sociale »
    Jean Claude, candidat du Front de gauche aux dernières législatives : « lors de ma campagne, chez nombre de jeunes que j’ai rencontrés, cette question de la légalisation était la première voire la seule qu’ils me posaient. La peine n’est pas dissuasive et tôt ou tard la légalisation s’imposera ».
    Fatima : « On voit des choses folles. Ce sont les acheteurs qui demandent de la sécurité pour pouvoir se fournir tranquillement !! Il y a des dealers qui ont pris la place des politiques et des bailleurs ». Et de citer tel quartier où les dealers ont acheté des jeux pour les enfants de la cité… « On est victimes de violences, celle du chômage, celle des cités dégradées, des violences policières. On veut que ça s’arrête c’est pour ça qu’on fait la marche du 1er juin. Comment faire de la politique quand on a le frigo vide ? La 1ère urgence c’est de manger ».
    Charles de Rouges Vifs 13 : « Dans ce département on a connu deux exemples d’organisation des plus exploités dans les quartiers populaires. Celle des chômeurs et celle des sans-papiers. Il y a eu jusqu’à 80 permanences hebdomadaires de quartier : c’est donc la preuve que c’est possible y compris dans les conditions les plus difficiles. La démarche du collectif du 1er juin est à encourager car elle est l’œuvre des habitants eux-mêmes. La question centrale c’est qui possède les richesses et comment elles sont redistribuées » « Les lois de décentralisation ont produit un monstre » Karima reprend la parole : « Il y a dans nos quartiers des formes d’organisation par exemple contre l’ANRU [2]. On a besoin de politiques publiques volontaristes. »

    La soirée s’achève (tard) sans véritable conclusion (tant les débats passionnés se poursuivent) si ce n’est de se revoir le 1er juin.
    Comme dira plus tard Fatima : « ce qui était bien c’est qu’on avait la sensation de se comprendre et de parler tous de la même chose ».
    Au-delà des 23 premières propositions que fait le collectif du 1er juin et qui sont des éléments concrets de changement du quotidien de la vie des gens, reste à travailler ensemble tout un programme de changement de société et lutter pour le faire aboutir. A voir la détermination des présentes et présents jeudi soir nul doute que la lutte continuera d’être au rendez-vous.

    Le 1er juin, rendre visibles les quartiers populaires

    Karima et Fatima, toutes deux habitantes du 14ème arrondissement de Marseille s’expriment sur la marche du 1er juin et la démarche du collectif créé à cette occasion.
    Karima : nous voulons rendre visibles les quartiers populaires non à travers le prisme des médias et des politiques, mais dans leur réalité. Nous sommes des victimes et non des complices des trafics et de la délinquance. Nous portons un discours fort sur l’éducation, l’emploi, la formation. Le 1er juin est une étape. D’ores et déjà le 15 juin est prévu un pique-nique à l’Agora [centre social d’un ensemble de cités du 14ème NDR] avec des collectifs d’habitants. Nous voulons réhabiliter la politique. Des questions nous sont posées :comment on s’organise ? Comment on construit une conscience politique ?

    Fatima : Tout est parti d’une maman des Oliviers [cité du 13ème arrondissement] suite à un meurtre qui a eu lieu dans la cité en février dernier. Le collectif et toute la réflexion qui l’accompagne est le fruit des habitants. C’est parti de la violence mais notre réflexion est bien plus large. Elle part de la base. Le collectif ne juge pas les gens pris dans des problématiques compliquées où se mêlent chômage, misère, logements dégradés et trafics. On avance ensemble. On veut que ça change.

    [1] Violence de quoi parle-t-on ? Laurent Muccielli dans Sciences Humaines avril 2013

    [2] Agence Nationale de Rénovation Urbaine, dispositif de rénovation des quartiers anciens auquel les habitants reprochent le manque de concertation et les choix

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7868


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  • Samedi 1 juin 2013  

     Pierre Moscovici en visite en vallée de la Bresle

    Pierre Moscovici est passée dans la Vallée de la Bresle et malheureusement  …  il s’est arrêté ! Il rencontré des gens étranges,  de ceux qu’il ne fréquente pas d’habitude : des ouvriers. Non pas que le  gars soit antipathique mais sa politique s’est nettement éloignée des fondamentaux socialistes et de ce  que prônait Jean  Jaurès. Pierre Moscovici avait ramené des potes, à savoir, Alain Le Vern, la femme d’Alain Le Vern, la fille d’Alain le Vern … et on déplore que la grand-mère d’Alain Le Vern n’ait pu faire le déplacement.  Qu’a dit Pierre Moscovici ? Oui en fait, qu’est ce qu’il a dit ? Les yeux dans les yeux, Il a déclaré qu’il était optimiste pour la filière du verre ! Ah, ben ça va alors ! Le préfet était là aussi, ainsi que pleins de gens avec des cravates et des lunettes. La France est bien gardée !

       
    « L’État avait alors été à vos côtés. Et nous le sommes aujourd’hui encore, et de manière encore plus positive. L’état a pris conscience des problèmes de compétitivité et de la nécessité des investissements. Aussi le CICE, auquel vous avez eu recours, a pour but de réduire le coût du travail pour permettre de dégager des marges de manœuvre en trésorerie, elles-mêmes créatrices d’investissement. Tous nos efforts sont tournés vers la reprise de l’investissement, moteur économique du pays qui alimente la croissance ».

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    Moscovici, le dénommé  Pierrot la moumoute, était très content. Il a récité le vieux refrain de la compétitivité pour les cons qui croient que le but de l’existence est de produire. Bon, il a parlé du CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi), mécanisme dont a bénéficié SGD Group, auquel appartient l’usine mersoise SGD. Ensuite, il a mangé à Eu avec des chefs d’entreprise et a repris de la mousse au chocolat dans un flacon de parfum fabriqué par SGD … non, là, Pierre, tu en fait trop ! Et puis, c’est pas pratique, la mousse au chocolat avec une paille !

     

    « Cette journée a été ponctuée de visites passionnantes et impressionnantes, dans des entreprises d’histoire et d’avenir, de tradition et de modernité. Quand on sort de là, on ressent une impression puissante de savoir-faire, d’hommes et de femmes qui aiment leur métier. C’est un sentiment de fierté de voir ces fleurons industriels dans notre pays. Ce sont des pépites qui prouvent que nous avons besoin des industries».

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    Ensuite, il a visité … le centre des impôts, comme tous les  touristes normaux. Il aurait pu  venir manger une glace au Tréport, entouré de braves Allemands en short mais il a eu peur qu’on lui dévisse la tête et qu’on lui visse la tête de Mélenchon ! Au moins, Mélenchon … il a des cheveux. Oui que c’est bas de s’attaquer au physique des gens, on avait dit : pas les fringues, pas les parents, pas les cheveux et surtout pas … le salaire des grands patrons qui vont « s’autoréguler » ! Autant demander à des requins de porter des lunettes pour lire le règlement intérieur de la SNCF ! Ensuite, Pierrot, il a encore dit des paroles, paroles et encore des mots toujours des mots,  les mêmes mots. A la fin de la journée, il est reparti vers Paris sur un poney pour rendre hommage à l’élevage Normand.

    Photos piquées à l'informateur :
    http://www.linformateur-leclaireur.fr/

    http://leherissonkipik.over-blog.com/article-pierre-moscovici-en-visite-en-vallee-de-la-bresle-118209912.html


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