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http://www.bastamag.net/article3147.html
Social
Avec la future réforme des retraites, les égoutiers seront-ils condamnés à mourir au travail ?
Par (24 juin 2013)
Ils partent en retraite à 52 ans, mais meurent beaucoup plus tôt que les autres catégories de travailleurs. Victimes d’une surmortalité liée à leur travail insalubre, au milieu des gaz mortels, des produits chimiques ou des rejets radioactifs d’hôpitaux, les égoutiers peinent à faire reconnaître leurs pathologies comme maladies professionnelles. A l’heure des privatisations, les égoutiers du secteur public se battent pour conserver leurs droits à une retraite anticipée et à des conditions de travail sécurisées. Reportage en Ile-de-France.
Laurent Regnault a 44 ans et le foie déréglé à cause du temps passé dans les égouts. Il travaille depuis 16 ans pour le Conseil général du Val-de-Marne (94). Si rien n’avait changé, il aurait pu partir à la retraite après les 20 ans réglementaires passés les pieds dans la boue. « S’il n’y a plus d’avantage, je ne vois plus de raison de faire ce métier là », répète-t-il. Le 6 juin, avec ses collègues, Laurent Regnault a crié son ras le bol sous la tour Eiffel. Venus de toute la France, les égoutiers ont protesté contre une proposition qui repousserait leur départ en retraite. Jusque là, un agent d’assainissement gagnait six mois de bonification pour un an passé en sous-sol. Ce qui leur permet de partir en retraite 10 ans avant les autres salariés. Dorénavant, ce ne serait plus que trois mois, ce qui poussera les égoutiers du public à travailler jusqu’au même âge que les salariés du privé.
« On fait ce métier pour partir plus tôt, nos conditions de travail sont difficiles. On ne peut pas nous demander de travailler plus longtemps », explique Rudy Pahaut, l’un des 360 égoutiers parisiens, et syndiqué à la CGT. Face à l’ampleur de la manifestation, le gouvernement a accepté de trouver un autre compromis sur leurs retraites. « Imaginez un peu : sans nous, les villes seraient complètement insalubres, les rats et autres immondices envahiraient nos rues, des maladies referaient surface… Sans nous, nous reviendrions 500 ans en arrière. Notre métier est indispensable au bon fonctionnement de la société. »
Un égoutier meurt 13 ans plus tôt qu’un cadre
Les égoutiers bénéficient d’une retraite anticipée au titre de l’insalubrité de leur métier. Jusqu’en 2010, ils pouvaient partir à 50 ans, à condition de justifier vingt années de travail en réseau souterrain. Avec la réforme Fillon, leur départ a reculé comme tout le monde de deux ans. Un changement qui a provoqué l’an dernier la première manifestation nationale de l’histoire de cette profession. Le 29 mai 2012, 500 à 600 agents d’assainissement défilent de la tour Eiffel au ministère du Travail pour exiger un retour à leur régime précédent.
Tous les égoutiers ne bénéficient pas de la retraite anticipée. Sur 4 700 agents d’assainissement en France, seuls les 2 000 du secteur public y ont droit. Il n’est pas accordé aux 1 000 d’entre eux qui travaillent dans le privé et aux 1 700 autres qui exercent en station d’épuration. « L’argument d’insalubrité n’est retenu que pour ceux qui descendent en sous-sol. Pourtant, en surface, on respire les mêmes effluents », assure Didier Dumont, secrétaire de la fédération CGT des services publics. Après avoir travaillé 22 ans à la station d’épuration d’Achères dans les Yvelines, il souffre de furoncles et de maladies respiratoires.
Si la plupart font ce métier par passion, c’est loin d’être une partie de plaisir. La journée d’un égoutier commence à 6h50 et finit à 13h30, pour un salaire de 1 500 euros nets. Il faut descendre, inspecter, déboucher, remonter, décharger, prélever, analyser, signaler. Une vie entière à veiller sur les sous-sols, dont ils paient le prix en fin de carrière. « On meurt autour de 55 ans, et on voudrait nous faire travailler jusqu’à 62 ? Il y a quelque chose qui cloche », insiste Rudy Pahaut.
Une mortalité en hausse de 56% en dix ans
Un égoutier vit en moyenne 7 ans de moins qu’un ouvrier [1] les ouvriers ayant eux-mêmes une espérance de vie inférieure aux autres catégories de travailleurs (6 ans de moins que les cadres). Bref, un égoutier décède, en moyenne, 13 ans avant un cadre. Sans même évoquer « l’espérance de vie sans incapacité », qui permet à un retraité de profiter pleinement, s’il n’est pas malade ni handicapé, de sa seconde vie après le travail. Infections, cancers et cirrhoses ont raison des égoutiers peu de temps après leur départ en retraite.
« C’est une profession épouvantable, c’est injuste de les faire travailler plus longtemps. Certains n’arrivent déjà pas à 52 ans », dénonce le biologiste Claude Danglot. Si la surmortalité des égoutiers est avérée, il est cependant impossible de faire reconnaître leurs pathologies comme maladies professionnelles. « Les médecins leur disent qu’ils boivent trop, sans faire de lien avec leurs conditions de travail », pointe le biologiste.
Arrivé à la médecine du travail de la mairie de Paris en 2005, Claude Danglot lutte pour faire reconnaître les maladies des égouts. En 2004, il avait déjà montré une augmentation des cancers du foie (+ 85 %) et de l’œsophage (+ 97 %) chez les égoutiers par rapport à la population ouvrière. Ces dernières semaines, le docteur a mené 200 entretiens avec des agents d’assainissement. Bilan : « Peu de choses ont évolué depuis que je fais des recommandations à la mairie. Les jeunes sont plus attentifs à leur santé, mais les anciens ne font même plus attention aux risques ». Et leur mortalité a augmenté de 56% en dix ans.
Un gaz qui attaque poumons et tube digestif
« Passer 20 ans les deux pieds dedans, ça porte pas chance », résume Rudy Pahaut. Rien ne prédestinait ce conseiller en Hi-Fi à se reconvertir dans l’assainissement. En poste depuis six ans aux égouts de Paris, il constate déjà une baisse de son système immunitaire, des allergies alimentaires ou bien des problèmes de peau. Même chose pour Laurent, dans le Val-de-Marne, dont le beau-père et son grand-père étaient égoutiers. « J’ai des problèmes au foie à cause des gaz toxiques qu’on respire chaque jour ».
Dans les égouts, les matières en décomposition produisent du sulfure d’hydrogène (H2S). En petite concentration, ce gaz attaque les poumons et le tube digestif. D’où des diarrhées à répétition. Chaque égoutier porte un capteur qui sonne dès que le seuil de tolérance de l’organisme est atteint, soit 5 particules par millions (ppm). A ce stade, quelques minutes suffisent pour perdre l’odorat. En 2006, dans les Yvelines (78), trois égoutiers de 22 à 44 ans sont morts intoxiqués par un pic de H2S.
Produits chimiques et rejets radioactifs des hôpitaux
En cas d’alerte, l’égoutier doit mettre au plus vite son masque de fuite. Problème : « Celui-ci a été conçu par des gens qui ne sont jamais descendus en égout. Il faut enlever le casque et la frontale pour l’enfiler !, déplore le docteur Claude Danglot. On retient notre respiration et on remonte le plus vite possible », avoue Rudy Pahaut. Les égoutiers comme Laurent qui effectuent le curage, c’est-à-dire le débouchage des canalisations, sont les plus exposés.
Outre les gaz, les égoutiers subissent les graisses de restauration, les produits chimiques des pressings et les rejets radioactifs des hôpitaux. En charge des prélèvements dans les égouts de Paris, Rudy Pahaut constate que « les rejets de substances illégales se multiplient malgré une loi répressive ». Il y a aussi la leptospirose, une maladie transmise par l’urine des rats qui attaque le système nerveux. Un vaccin, avec rappel tous les deux ans, était obligatoire pour descendre en égout, jusqu’à ce que l’Association Liberté information santé (ALIS), qui milite contre les vaccins obligatoires, s’y oppose en avril 2013.
Régies publiques ou privatisations
Le tribunal administratif vient de donner raison à l’association, au motif que le vaccin était facultatif ailleurs. « Il n’y a eu aucun cas de leptospirose à Paris depuis 1979 grâce à cette obligation, alors qu’il y a eu des décès chez les égoutiers ailleurs en France », remarque Rudy Pahaut, consterné. La mairie de Paris s’est engagée à poursuivre la prévention. Mais la profession se sent encore un peu plus fragilisée.
Touché par les maladies, le service public l’est aussi par les privatisations. La ville de Paris, les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ont fait le choix d’une régie publique lorsque ce service d’Etat a été transféré aux départements dans les années 1980. « Mais nous sommes obligés de déléguer certains chantiers au privé par manque de moyens », reconnaît Mercedes Galano, directrice de l’assainissement du Val-de-Marne. Son homologue de Seine-Saint-Denis, Patrice Dupont, confirme : « Quand ça devient pointu, on ne sait pas toujours le faire ». Les deux départements, qui comptent chacun environ 170 égoutiers, attribuent alors les marchés à Véolia, Suez ou leurs filiales.
Dans le privé : même métier et moins de droits
Un choix différent a été fait dans les Hauts-de-Seine (92) : le Conseil général a créé une délégation de service public en 1994, confiant les eaux usées à la Sevesc (Société des eaux de Versailles et Saint-Cloud). Qui elle-même peut externaliser des chantiers à une autre société privée. Pour parler à la direction ou aux agents de la Sevesc, il faut l’aval de la maison mère, La Lyonnaise des eaux. Sans succès pour nous. Anne Guyon, directrice de l’eau dans les Hauts-de-Seine, assure que « le département contrôle les activités de la Sevesc », du résultat d’exploitation annuel à la sécurité des agents.
« Déléguer ne veut pas dire se désintéresser », affirme Patrice Dupont, en Seine-Saint-Denis. « Le Conseil général valide les équipements et les compétences des égoutiers du privé avant la descente ». Sur le terrain, les agents du public sont moins catégoriques. « On les voit ceux du privé : des bottes à la place des cuissardes et une casquette au lieu du casque », déplore Didier Dumont à la CGT. Si les syndicats existent dans le privé, aucun égoutier n’accepte cependant de parler de ses conditions de travail. Exposés aux mêmes maladies, ils ne bénéficient pas pour autant de la retraite anticipée.
Marianne Rigaux
Photos : © Source (Égouts de Bruxelles) / Marianne Rigaux (Égoutiers du Val-de-Marne lors d’un curage de canalisation et d’un déchargement à la station d’épuration).
Notes
[1] Selon une étude de l’INRS en 2004, confirmée par une thèse de l’Inserm.
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Reçu cela dans la boite à lettre de Canaille le Rouge.
On a beau savoir que cela existe , être blindé, la rage prend aux tripes et propulse des ondes meurtrières. 450 000 gamins et gamines qui au lieu de grandir, apprendre et s'amuser sont esclaves 12 à 13h par jour chez les négriers.
Ces négriers sont connus et ont pignon sur rue dans toutes les bourses de la planètes.
Ce sont eux qui approvisionnent les usines concentrationnaires de Dacca. Vous avez, ces usines qui brûlent, s'effondrent pour les beaux yeux des donneurs d'ordre de nos centres commerciaux et usines centers et ont inventé ce sinistre concept d'hectomorts par étage industriel.
Monsanto et les OGM, ici on connaît ses responsabilités dans l'anéantissement des abeilles, le lobbying comme semancier. Regardez ce qui se passe l'autre bout de la Chaine industrielle, loin des salons feutrés et desAG d'actionnaires.
Unilever si on connaît aussi ; demandez donc aux camarades de Fralib ce qu'ils en pensent.
Comme Monsanto, les dirigeants d'Unilever braves philanthropes qui offrent du travail aux populations émergentes (cinq mille ans d'émergence réelle avant que le colonialisme fasse ses ravages) "encadrent socialement" la jeunesse du monde comme au bon temps des plantations du missippi.
Ne serait-il pas indispensable de faire aussi connaitre qui sont ces si grands humanistes ?
Le jour où ces gamines et gamins se feront justice en éliminant leurs bourreaux, Canaille le Rouge parie que de bonnes âmes hurleront à la terreur rouge populiste.
En Inde, Monsanto et Unilever ont recours au travail des enfants ..
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Ebullition sociale au Brésildimanche, 23 juin 2013 / Mémoire des luttes
Depuis le 6 juin et le premier rassemblement organisé à Sao Paulo contre la hausse des tarifs des transports publics, le Brésil est touché par un mouvement de contestation sociale qui s’est peu à peu transformé en « marée citoyenne ». Celle-ci touche désormais quatre-vingt villes du pays-continent. Jamais depuis les mobilisations de 1992 contre le gouvernement de Fernando Collor de Mello, sa corruption et ses politiques néolibérales, un tel mouvement ne s’était développé. Entre temps, le champion régional latino-américain a pourtant connu, depuis 2002, deux mandats « lulistes » marqués par d’indéniables avancées sociales et une croissance économique soutenue.
La présidente actuelle, Dilma Rousseff, inscrit son action dans le prolongement de son populaire prédécesseur. Toutefois, le modèle « luliste », basé sur une stratégie visant à construire un « consensus interclassiste », semble se gripper sur fond de ralentissement économique.
Qui sont les mouvements actuellement en action ? Quelles sont leurs revendications ? Indiquent-ils le retour de la question de classe au Brésil ? Quel est leur lien avec le système politique ? Quelles réponses apportent les partis et le gouvernement ? Les forces de droite vont-elles récupérer et instrumentaliser – y compris par la violence - ce mouvement ?
Mémoire des luttes propose un dossier constitué d’analyses et documents latino-américains. Il sera régulièrement actualisé.
Il y aura des changements, dans tous les sens…
Par le Secrétariat national du MST
Cher(e)s ami(e)s et compagnons du Mouvement des sans terre (MST) et des mouvements sociaux de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA),
Un rapport très succinct…
Hier, 20 juin, un million de personnes sont descendues dans la rue dans quinze capitales régionales du pays.
Il y a de tout. Dans chaque ville luttent les coeurs et les esprits. A Sao Paulo et à Rio, des secteurs de droite ont pris l’avantage, agressant des militants de gauche et provoquant des violences pour générer le chaos. Mais, dans d’autres villes, la gauche continue à donner le ton.Voici ce que l’on peut dire en résumé :
1. La mobilisation est sociale, et part d’un secteur né après l’époque néolibérale. Ce sont des jeunes de la classe moyenne et de la classe moyenne basse qui sont au cœur de cette mobilisation. C’est un secteur qui ne communique que via les réseaux sociaux et qui n’est pas influencé par la télévision et les grands médias. Pour l’heure, les travailleurs gardent le silence.
2. Ce secteur est le fruit de douze ans de conciliation de classe (comme au Chili) qui a exclu la jeunesse de la participation politique. Et la jeunesse veut participer d’une façon ou d’une autre, ne serait-ce qu’en défilant dans la rue, sans répression.
3. Tout ceci est la conséquence d’une grave crise urbaine structurelle, produite par le capital financier et la spéculation immobilière. D’où la hausse des loyers et les ventes massives de voitures financées par les banques avec comme conséquence le chaos aux heures de pointe, sans transports publics, qui fait perdre aux gens deux à trois heures par jour pour se rendre au travail ou à l’école…
4. Personne ne contrôle ces jeunes. Il n’y a pas de direction politique.
5. Pour l’heure, les plus touchés sont les partis traditionnels, la politique bourgeoise et, bien sûr, la méthode développée par le Parti des travailleurs (PT) pendant ces années de gouvernement, mais aussi les gouvernements de chaque État, tous, qu’ils soient de droite, du centre, de gauche…
6. La droite s’infiltre pour créer un climat de violence, de chaos et rejeter la faute sur le PT et sur Dilma Rousseff.
7. Le gouvernement de Dilma Rousseff est paralysé dans sa politique. Il ne voulait qu’administrer et maintenant il ne sait plus quoi administrer.
8. En tant que mouvements sociaux, nous tentons de proposer une politique pour aller de l’avant (voir ci-dessous la lettre à la présidente Dilma Rousseff) et élargir les revendications pour avancer vers une réforme politique, une réforme des médias, une réforme fiscale et une réforme agraire.
9. Nul ne sait ce qui va se passer : allons-nous vers une situation à l’espagnole, capitalisée par la droite dans les urnes, et qui se reproduirait ici en 2014 ? Ou bien vers une situation à l’argentine (2001) avec des avancées ? ou à la grecque, pour l’heure dans une impasse ? Probablement aucune d’elles. Nous allons trouver une formule brésilienne que personne ne connaît aujourd’hui…
10. Mais il est clair que nous avons besoin de changements et il y aura des changements, dans tous les sens !
21 juin 2013
« Nous espérons que le gouvernement actuel choisira de gouverner avec le peuple et non contre lui »
Lettre ouverte des mouvements sociaux à la présidente Dilma Rousseff
Chère Présidente,
Le Brésil a connu cette semaine des mobilisations dans quinze capitales régionales et dans des centaines de villes. Nous partageons le sens de vos déclarations soulignant l’importance de ces mobilisations pour la démocratie brésilienne, sachant que les changements nécessaires dans le pays passent par la mobilisation populaire.Plus qu’un phénomène conjoncturel, les manifestations récentes montrent la reprise progressive de la capacité de combat populaire. C’est cette résistance populaire qui a permis les résultats des élections de 2002, 2006 et 2010. Notre peuple, mécontent des mesures néolibérales, a voté pour un autre projet. Pour sa mise en œuvre, cet autre projet s’est heurté à une forte résistance, principalement de la part du capital rentier et des secteurs néolibéraux qui conservent une grande puissance dans la société.
Mais il a également été confronté aux limites imposées par les alliés de dernière minute venus d’une bourgeoisie nationale qui, dans les débats qui déterminent le choix des politiques gouvernementales, entravent la réalisation de réformes structurelles telle celle des transports urbains et publics.
La crise internationale a bloqué la croissance et, avec elle, la continuité du projet porté par ce vaste front qui a jusqu’ici soutenu le gouvernement.
Les récentes manifestations sont menées par un large éventail de jeunes dont c’est la première mobilisation. Ce processus sensibilise les participants en leur permettant de se rendre compte de la nécessité d’affronter ceux qui empêchent les progrès du Brésil dans la démocratisation de la richesse, l’accès à la santé, à l’éducation, à la terre, à la culture, à la participation politique, aux médias.
Les secteurs conservateurs de la société cherchent à contester la signification de ces manifestations. Les médias tentent de caractériser le mouvement comme anti-Dilma, contre la corruption des politiciens, contre les dépenses publiques et d’autres lignes directrices qui appellent au retour au néolibéralisme. Nous croyons que les lignes sont aussi nombreuses que le sont les opinions et visions du monde dans la société. C’est un cri d’indignation d’un peuple historiquement exclu de la vie politique nationale qui est habitué à voir la politique comme quelque chose de nuisible pour la société.
Dans cette optique, nous nous tournons vers vous pour demander la mise en œuvre de politiques de réduction du nombre de voyageurs dans les transports publics et de réduction des profits des grandes entreprises. Nous nous opposons à la politique d’exonération fiscale de ces entreprises.
Le temps est venu pour le gouvernement de faire avancer l’agenda démocratique et populaire, d’encourager la participation et la politisation de la société. Nous nous engageons à promouvoir toutes sortes de débats autour de ces questions et nous sommes également disponibles pour en discuter avec les pouvoirs publics.
Nous proposons l’organisation urgente d’une réunion nationale, impliquant les gouvernements des États, les maires des grandes villes, et des représentants de tous les mouvements sociaux. Pour notre part, nous sommes ouverts au dialogue, et nous pensons que cette réunion est la seule façon de trouver des solutions pour résoudre la crise grave qui affecte nos grands centres urbains.
Le moment est propice. Ce sont les plus grandes manifestations que la génération actuelle a vécues, et d’autres viendront. Nous espérons que le gouvernement actuel choisira de gouverner avec le peuple et non contre lui.
Cette lettre a été signée par les 35 entités du mouvement social et populaire ci-dessous.
- ADERE - Asociación de los Trabajadores Asalariados Rurales de Minas Gerais
- Asamblea Popular
- Periodistas del Centro de Estudiso Mediáticos Barão de Itararé
- CIMI - Consejo Indigenista Misionario
- CMP - Central de Movimentos Populares
- MMC - Movimento de Mujeres Campesinas
- CMS - Coordinación de Movimientos Sociales
- Colectivo Intervozes (por la democratización de los medios)
- CONEN - Coordinación Nacional de las Entidades Negras
- Consulta Popular
- CTB - Central de los Trabajadores y Trabajadoras del Brasil
- CUT- Central Única de los Trabajadores
- Fetraf - Federación de los Agricultores Familiares
- FNDC - Foro Nacional por la Democratización de los Medios
- FUP - Federación Única de los Trabajadores Petroleros
- Juventude Koinonia (iglesias tradicionales)
- Levante Popular da Juventude
- MAB - Movimento dosa tingidos pro barragens
- MAM - Movimento Nacional pela soberania popular frente a Mineração
- MCP movimento campones popular, de Goias
- MMM - Marcha Mundial de Mulheres
- Movimentos de la Via Campesina
- MPA - Movimento de los Pequeños Agricultores
- MST - Movimiento de los Trabajadores Rurales Sin Tierra
- SENGE/PR- Sindicato de los Ingenieros del Paraná
- Sindipetro - Sindicato de los Trabajadores Petroleros de São Paulo
- SINPAF - Sindicato de los Trabajadores e Investigadores de Embrapa y Codevasf
- UBES - Unión Brasileña de Estudiantes de Secundaria
- UBM - Unión Brasileña de la Mujer
- UJS - Unión de la Juventud Socialista
- UNE - Unión Nacional de los Estudiantes
- UNEGRO - Unión Nacional del Negro
Traduction : Thierry Deronne pour le blog mouvementsansterre.wordpress.com
Edition : Mémoire des luttesLe Brésil de Lula, huit ans plus tardlundi, 21 juin 2010 / Pierre Beaudet /Professeur à l’École de développement international et de mondialisation, Université d’Ottawa. Editeur des Nouveaux cahiers du socialisme (Montréal), membre du réseau « Intellectuel collectif internationaliste »
En 2002, le Brésil surprend le monde en élisant à la présidence de la République un ouvrier syndicaliste. Luiz Inácio Lula da Silva, fondateur et chef du Parti des travailleurs (PT) est en effet emblématique d’un grand mouvement populaire qui a déstabilisé la dictature au tournant des années 1980. Par la suite, le PT monte à l’assaut du ciel pour contester le pouvoir historiquement dans les mains de grands caciques venant de l’élite.
Peu à peu, la gauche progresse, d’abord en conquérant plusieurs grandes villes où des expérimentations de gestion municipale inédites ancrent le PT et créent de facto une grande coalition comprenant une partie importante des classes moyennes et populaires, urbaines et rurales. Les diverses « gauches » se coalisent également en amenant au PT une grande partie de l’ancienne mouvance marxiste, des chrétiens progressistes, des syndicalistes.
Finalement, tout cela débouche sur la victoire de Lula aux élections présidentielles de 2002 (suivi d’un deuxième mandat acquis en 2006). De facto, le PT devient la première force politique du pays, bien que la scène parlementaire demeure extrêmement fragmentée [1]. Principal adversaire du PT, le Parti social-démocrate brésilien (PSDB), constitue l’autre grand pôle de la scène politique, regroupant la droite traditionnelle avec une partie des secteurs modernistes des élites économiques et des couches moyennes-supérieures.
Nouveaux et anciens enjeux
Huit ans plus tard, à l’approche des prochaines élections présidentielles (octobre 2010), une nouvelle polarisation politique se répercute sur le pays. Lula ayant réalisé ses deux mandats, c’est Dilma Roussef (elle occupe depuis peu des fonctions importantes dans l’administration Lula) qui va défendre les couleurs du PT. Devant elle, José Serra, au nom du PSDB. Bien que les sondages indiquent un niveau d’appui populaire très élevé pour Lula (autour de 80%), rien n’est joué d’avance.
En faveur de Dilma et de la poursuite du projet de Lula, l’économie connaît une embellie. Le gouvernement affirme bien gérer la crise mondiale d’une manière qui avantage le Brésil, ce dont témoigne le taux de croissance du PIB (qui pourrait être + ou - 5% en 2010) et même que la progression de l’emploi et la diminution de la pauvreté, assez spectaculaire si on considère que, selon divers indicateurs, environ trente millions de personnes sont sorties de la pauvreté « extrême ». D’autre part, la bonne santé économique se reflète dans la diminution importante de la dette externe [2]. Sans être imperméable aux fluctuations des marchés financiers, le Brésil est assis sur un fort excédent commercial ainsi qu’une confortable réserve en devises (+ 24% en 2009).
Entre-temps, Lula est devenu le Président de « tous les Brésiliens ». Sa popularité dépasse de loin celle de son parti (dont il s’est partiellement autonomisé). En fait, Lula est populaire pas seulement (et pas principalement) à cause de son charisme et des mesures de redistribution qui ont bénéficié aux couches populaires, mais aussi et surtout parce qu’il représente un projet et un processus de transformation qui encourage les classes populaires. Certes ce projet n’est pas (et n’a jamais été) « révolutionnaire », ni dans sa forme, ni dans son contenu. Et, dans ce sens, on peut reconnaître dans la gouvernance de la gauche brésilienne des éléments très similaires à ce qui s’est passé en Europe et en Amérique du Nord dans le sillon du keynésianisme et de la social-démocratie.
Éléments similaires, mais non identiques : le Brésil, pays de pauvreté et d’exclusion sociale structurelles, héritier de l’esclavagisme qui a prévalu jusqu’au dix-neuvième siècle, est encore aujourd’hui le pays le plus inégalitaire au monde. Ce pays, par ailleurs, reste une démocratie récente, encore fragile, ayant vécu pendant plusieurs décennies sous la dictature militaire. Aussi on peut comprendre que, dans un tel contexte, une politique de réformes partielles, basées sur une sorte de grand « compromis » entre dominants et dominés, reste un défi considérable.
On observe donc que la lutte politique demeure vive. Et la candidate du PT est handicapée, du fait qu’elle est relativement inconnue, sans le parcours spectaculaire de son prédécesseur. Entre-temps, les médias lui mènent la vie dure, mettant en question sa capacité à présider un pays aussi compliqué que le Brésil. Le PSDB promet de « mieux » gouverner, en évitant d’attaquer Lula, ce qui pourrait être contre-productif électoralement parlant. Pour autant, la droite n’est pas assurée de l’emporter. Car le Brésil d’aujourd’hui n’est plus le même. Les classes populaires sont plus affirmatives, moins subordonnées et dépendantes des réseaux de pouvoir traditionnels qui avaient maintenu la majorité de la population dans une situation de non-citoyenneté.
Continuités et ruptures
En huit ans que s’est-il donc passé ? Au départ, la tâche de Lula ne semblait pas facile. En 2002, le pays est en effet affaibli par huit ans de gestion néolibérale « pure et dure » par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. La dette explose, en partie par l’ouverture sans précédent de l’économie brésilienne et l’alignement du gouvernement brésilien sur le « consensus de Washington » imposé par les États-Unis et le FMI [3]. Les revenus des couches populaires et moyennes sont en régression. Le chômage frappe presque 20% de la main d’œuvre active. Le secteur public est disloqué par une vague de privatisations qui permettent à l’élite économique de racheter à bas prix des pans entiers de l’économie. La pauvreté et les inégalités s’accroissent de manière spectaculaire. Que faire ?
D’emblée, Lula décide de calmer le jeu L’idée est d’assurer la stabilité, d’éviter des débordements et des crises, alors que la droite prédit la fuite des capitaux, voire l’écroulement de l’économie. Pour contre-attaquer, mais aussi parce que cela correspond à sa vision des choses, Lula annonce ses couleurs dans une fameuse « Lettre aux Brésiliens » où il affirme qu’il faut, « malheureusement », respecter les engagements précédents, notamment le paiement de la dette, et la continuation de la politique monétaire.
Il promet aussi de garder comme priorité la lutte contre l’inflation, via des taux d’intérêts très élevés, ce qui sécurise les détenteurs de capitaux. Il s’engage à respecter l’austérité fiscale et à limiter les dépenses de l’État. Bref, avec son controversé ministre des finances, Antônio Palocci, Lula rassure les secteurs dominants, tant les élites brésiliennes que les institutions financières et internationales comme le FMI. La pilule est amère…
En même temps, Lula annonce un programme de « récupération » économique. Il stoppe les privatisations et remet à l’agenda public l’idée d’un État « développementiste », intervenant et régulateur. Il reprend langue avec le mouvement syndical et les secteurs populaires. Surtout, il redynamise le filet de sécurité sociale surtout orienté vers les populations les plus pauvres et paysannes, dans le nord du pays (dont le « Nordeste »). Le projet Fome zero (faim zéro) met à la disposition de ces couches (un quart de la population totale) une aide sociale sous la forme d’une allocation familiale (Bolsa Família) ce qui contribue à réduire la famine et la pauvreté « extrême ».
Sur d’autres plans, la politique imposée par Lula indique également des continuités et des ruptures. Son gouvernement mise sur le développement du secteur agro-industriel, et facilite la croissance des exportations de soja transgénique et de viande, sous la houlette des grandes entreprises privées qui exploitent la majeure partie des terres arables. Lula finalement refuse l’idée d’une réforme agraire « radicale », pourtant promue par ses alliés historiques, dont le formidable Mouvement des sans-terre, le MST [4]. En même temps, son gouvernement aide le MST à récupérer des terres en friche, lui apporte aussi des financements pour renforcer ses capacités techniques, notamment dans la gestion des coopératives mises en place sur les terres « récupérées » par les Sans terre.
De tout cela émerge peu à peu une sorte de projet de développement, différent sur bien des aspects du traditionnel « desarollisme » basé sur l’État « fort » et l’industrialisation par la substitution des importations. Mais ce projet est également en rupture avec le modèle néolibéral des années 1980-90 sur quelques points essentiels, notamment le rôle de l’État et la nécessité de recréer un filet de sécurité sociale comme moyen de relancer le marché interne et donc l’économie.
L’épreuve du pouvoir
Pendant son premier mandat, de 2002 à 2006, le gouvernement navigue entre divers écueils. L’orientation « continuiste » en matière économique lui fait mal, notamment auprès de ses alliés sociaux et même auprès de certaines franges du PT. Quelques démissions d’élus se manifestent, d’où émerge un parti qui s’affirme à la gauche du PT, le PSOL (Partido Socialismo e Liberdade),mené par la députée Heloísa Helena, et endossée par des personnalités à l’origine de la fondation du PT comme Plínio Arruda Sampaio.
Plus tard, l’érosion de la base militante du PT s’accélère, provoquée par une série de scandales sur le financement du parti. Le système politique brésilien est construit sur l’opacité, les jeux d’influence, les alliances sans principe et les deals qui se négocient entre les acteurs politiques sur la base d’intérêts. Le gouvernement Lula, qui a pourtant promis de « nettoyer » cette situation, la gère à sa manière, en offrant aux uns et aux autres, partis et personnalités, des avantages, petits et gros, dès lors qu’ils n’entravent pas la politique gouvernementale [5]. Cette évolution est pointée par les médias de droite qui accusent le gouvernement de corruption, ce qui provoque le départ, ou la critique, de personnalités de gauche, notamment dans la mouvance chrétienne, ainsi que des mouvements sociaux.
Mais ces turbulences n’affectent pas le gouvernement Lula de manière stratégique. En 2006, il est réélu (au deuxième tour cependant). La population, surtout des secteurs populaires et paysans, vote massivement pour le Président. Les grands mouvements, comme le MST, décident de l’appuyer : d’une part pour éviter le retour de la droite, d’autre part parce qu’ils sont conscients que Lula apporte également des éléments de réponse en phase avec les revendications du peuple et du mouvement populaire.
Au départ de son deuxième mandat, Lula promet d’accélérer la cadence et de relancer le développement. Il augmente le salaire minimal de plus de 30 %, à la fois pour accroître les revenus des couches populaires, à la fois pour relancer le marché intérieur. À la Bolsa familia s’ajoutent d’autres initiatives : le ProUni (soutien aux étudiants universitaires des familles modestes), le PRONAF (appuis à l’agriculture paysanne), le programme Territorios da Cidadania (transferts budgétaires vers les municipalités et régions pauvres). Parallèlement, le gouvernement, à travers le Programme d’accélération de la croissance (PAC), investit 200 milliards de dollars dans la réhabilitation des infrastructures (routes, aéroports, ports maritimes, assainissement des eaux.
Les résultats de ces initiatives, essentiellement de nature assistantialiste, permettent une réelle amélioration des conditions de vie de la majorité des Brésiliens [6]. Certes comme l’explique Laurent Delcourt, il faut analyser cette évolution avec des nuances [7]. Les dépenses canalisées sur le filet de sécurité sociale restent très inférieures à celles consacrées au service de la dette. Parallèlement, les taux d’intérêt demeurent très élevés, au profit des détenteurs de capitaux et au détriment de l’emploi.
Dans le domaine des politiques agricoles, central dans la dynamique de l’économie et de la société brésiliennes, Lula maintient un modèle « de développement agraire fondé sur les monocultures d’exportation et l’agrobusiness, certes moteur de croissance et source de précieuses devises, mais socialement inique, écologiquement désastreux et intenable sur le long terme » [8].
C’est un peu la même tendance qui se manifeste au niveau énergétique, alors que l’accent est mis sur le renforcement de l’énorme entreprise publique PETROBRAS, qui accroît considérablement ses capacités de production, ainsi que sur d’autres initiatives pour augmenter le potentiel énergétique du pays via des grands barrages, le détournement de fleuves et même des projets pour construire des centrales nucléaires.Au total, le bilan du gouvernement dégage un portrait que le sociologue brésilien Emir Sader qualifie d’« hybride » et contradictoire. D’une part, la gouvernance de Lula permet en effet au secteur financier de conserver son rôle central, ce qui permet aux couches privilégiées d’engranger d’énormes profits. D’autre part, l’État redevient « développementiste », tant par la redistribution des revenus que par le renforcement du rôle régulateur de l’État dans l’économie [9].
Sur l’échiquier mondial
Ces développements considérables doivent être contextualisés dans l’évolution du positionnement du Brésil sur l’échiquier mondial. Au moment de l’élection de Lula, le Brésil fait du sur-place en restant ancré sur la politique états-unienne, tant à l’échelle des Amériques que sur des questions plus vastes comme l’avenir des régulations commerciales (dans le cadre des négociations de l’OMC).
En 2003, Lula s’exprime lors des négociations de l’OMC pour s’opposer à ce qu’il considère comme des politiques de libéralisation commerciale négatives du point de vue du Brésil et des pays du sud. Assez rapidement, Lula change le ton de ces discussions. Il affirme la priorité d’avancer dans l’intégration des Amériques et s’oppose explicitement au projet promu par les États-Unis et le Canada d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou ALCA en portugais et en espagnol) [10].
Dans les Amériques, le gouvernement entend renforcer divers projets d’intégration, ce qui débouche (2008) sur l’UNASUR (Union des nations sud-américaines). Certes, cette structure hémisphérique embryonnnaire ne peut se comparer à l’Union européenne, mais elle a des ambitions. La question devient alors pratique. Il est en effet difficile de coordonner réellement les initiatives en cours (MERCOSUR, ALBA), traversées de diverses luttes d’influence, notamment entre le Brésil et un bloc de pays plus revendifs composé du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur et de Cuba [11]. Reste aussi à créer de nouvelles institutions politiques et à dépasser le cadre économique et commercial qui prévaut actuellement et qui, faute de base politique commune, n’avance pas rapidement, en dépit de la création de nouveaux outils d’intégration comme Petrosur (énergie), Bancosur (finances), Telesur (communication) [12].
Parallèlement, l’activisme du gouvernement Lula se manifeste dans diverses crises où se confrontent les intérêts brésiliens (et latinos) et ceux des États-Unis. À cet effet, l’affrontement le plus direct survient au Honduras où un coup d’État, organisé par les élites locales et soutenu par les États-Unis renverse (juin 2009) le gouvernement élu et appuyé fortement par le Brésil qui parvient même à isoler Washington au sein de l’Organisation des États Américains(OEA), pourtant fief traditionnel des États-Unis dans la région.
Face aux États-Unis justement, la situation demeure tendue. Les plans de remilitarisation de la Colombie, amorcés à l’époque de Bush, continuent sous Obama. Les menaces contre le Venezuela et même contre Cuba prennent toute leur place au sein d’une administration qui avait été élue pour s’éloigner de la « guerre sans fin » des néoconservateurs.
Lula pendant ce temps cherche à cultiver ses relations avec Washington, d’une part parce qu’il le faut (!), d’autre part en misant sur l’image d’un État « responsable », capable de participer à la réorganisation des Amériques d’une manière qui ne nuirait pas nécessairement aux États-Unis, mais sans subordination. Le projet est ambitieux, c’est le moins qu’on puisse dire.
Certes sur cela, le moment actuel favorise Lula. Au fur et à mesure que, résultat de mobilisations populaires sans précédent, se consolide toute une série de gouvernements de centre-gauche latino-américains qui s’opposent, à des degrés divers, au « consensus de Washington ». Sans prendre la tête de l’opposition au traditionnel ennemi yankee, le gouvernement de Lula en prend acte d’une manière astucieuse, en diversifiant ses relations commerciales (notamment avec la Chine et l’Union européenne) [13], et en devenant plus activiste et volontariste dans les grands débats mondiaux.
Cette inflexion coïncide avec d’importantes transformations économiques. À partir de 2006-07 et à l’avantage du Brésil, la flambée du prix des matières premières, notamment alimentaires, permet une grande poussée des exportations brésiliennes (principalement soja et produits alimentaires). Ainsi, tout en restant relativement confiné dans une division du travail traditionnelle, le Brésil, avec un secteur financier solide et un confortable excédent budgétaire, consolide sa réputation d’État « émergent ». Il forme avec d’autres pays également dits « émergents » une alliance informelle, le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), avec lesquels se tissent de nouveaux liens économiques et politiques.
De tout cela émerge un G20, pour faire contrepoids, relativement parlant, au G8, traditionnel club des pays riches du Nord [14]. Ce face-à-face reste relatif, puisque les deux « camps » s’inscrivent dans une perspective commune de « libéralisation » des marchés, tout en se disputant sur les termes de cette « libéralisation ».La prochaine étape
Dans quelques mois, des millions de Brésiliens iront voter à l’élection présidentielle, de même que pour élire les gouverneurs des États et pour renouveler une partie des sénateurs et parlementaires au Congresso national. Certes, tous ont les yeux fixés sur l’élection présidentielle, à la fois centre nerveux de la gouvernance et site de la légitimité populaire. Depuis l’annonce officieuse de sa candidature, Dilma Roussef progresse dans les sondages sur les intentions de vote. La machine politique de l’État fédéral est mobilisée pour assurer sa victoire sur un discours simple mais convaincant : il fait continuer !Aux succès enregistrés en matière de lutte contre la pauvreté, l’équipe de Lula fait valoir la stabilité économique (« mêmes les riches sont devenus plus riches », affirme le président sortant), de même que l’« émergence » du Brésil, à qui The Economist promet de devenir la cinquième puissance économique du monde. Selon Dilma, le Brésil de Lula a réussi à gouverner d’une manière où « le développement avec l’inclusion sociale devient un modèle économique » [15]. La candidate du PT promet de créer, rien de moins, qu’un « pays de Welfare State à la mode brésilienn », avec comme acteur principal « un État capable de planifier et de gérer ».
Reste à savoir si l’électorat suivra. À son avantage, Dilma profite du désarroi politique de la droite, qui ne peut se réclamer de sa gouvernance antérieure (le gouvernement Cardoso avait presque mené le pays à la ruine), et qui ne peut nier non plus les avancées économiques et sociales des huit dernières années. Pourtant, la victoire n’est pas acquise, car ce qui menace le plus Dilma et le PT c’est l’abstentionnisme croissant, lié à la transformation du débat et de la mobilisation politique. En effet, le PT n’est plus un appareil militant, mené par un noyau dur de cadres dédiés et ancrés sur les mouvements populaires. D’un côté, parce qu’il a été « décapité » par l’exode vers les fonctions étatiques. D’un autre côté, parce qu’il a perdu, du moins en partie, sa captation symbolique de l’espoir de transformation, qu’il avait acquis au travers des luttes populaires des années 1980-1990. Le renforcement des capacités médiatiques du PT, qui fait campagne de plus en plus « à l’américaine » (via la télévision) ne fait pas totalement contrepoids à cette absence de mobilisation.
Certes, cette déperdition n’est pas « totale ». Beaucoup de militants sociaux restent fidèles au PT, moins par enthousiasme que par réalisme, « pour faire échec à la droite », et aussi pour continuer de mener une bataille pour les droits sociaux et économiques. Pour Emir Sader, le secteur militant doit maintenir une relation de proximité avec le PT, pour en renforcer les éléments progressistes, pour concentrer l’attaque contre l’hégémonie du secteur financier et de l’agrobusiness [16].
Les mouvements sociaux, pour leur part, restent alignés sur la continuité. La Centrale unique des travailleurs, la CUT, reste toujours loyale à Lula, même si la classe ouvrière, notamment dans le secteur industriel et les services, a subi les impacts de la politique macroéconomique orthodoxe. Les secteurs paysans, surtout dans le nord, restent acquis au gouvernement, en bonne partie à cause des programmes sociaux qui ont fait une différence dans leur vie. Le MST, pour sa part, tout en se gardant un droit de réserve, finira sans doute par faire comme en 2006, en appuyant Dilma, « contre la droite ».
Sans aucun doute, tous ne sont pas d’accord avec cette optique. Une partie de la base militante du PT, on l’a vu, a été attirée par le PSOL [17]. Mais, aujourd’hui, ce parti traverse une crise profonde, tant il est incapable de déterminer une ligne conséquente et alternative face à la politique de Lula [18]. Et il est déchiré par des factions qui tentent de s’arracher le pouvoir et les candidatures, et compromis dans de douteuses convergences avec la droite [19]. Les dissidents plus récents, regroupés autour de la populaire ex-ministre de l’environnement Marina Silva, ne réussissent pas non plus à relancer le Parti Vert, étrange amalgame de gauches et de droites qui veulent promouvoir l’agenda du « développement durable » d’une manière qui reste ambiguë. A ce jour, en tout cas, les arguments écologistes n’apparaissent pas capables de proposer une plateforme globale alternative, et restent confinés, soit dans quelques secteurs de la gauche déçue du PT, soit parmi les classes moyennes urbaines assez éloignées des préoccupations des secteurs populaires.
Guerre de position
Au Brésil et ailleurs en Amérique latine, une puissante reconfiguration s’esquisse sous nos yeux. L’empire états-unien, avec ses aventures moyen-orientales et sa mauvaise gestion de la crise financière, est malmené dans une zone qu’il considérait comme sienne » (à travers la doctrine dite de Monroe). Certes, les États-Unis sont loin d’être hors jeu, mais ils ont maintenant devant eux des États, des gouvernements et des mouvements relativement cohérents et organisés. D’où la marge de manœuvre, restreinte mais réelle, qui existe. Est-ce suffisant pour prévoir une « renaissance » économique et politique de l’Hémisphère et la mise en place d’un nouveau « modèle » de développement ? Il serait pour le moins imprudent de s’avancer aussi loin, même si, ici et là, un tel projet semble se dessiner.
En fin de compte, l’évolution des luttes sociales et politiques sur le plan interne risque d’être déterminante. Dans le cas du Brésil, plusieurs options s’expriment. Le projet de Lula d’une grande coalition multi-classe en est une. Autour d’un État fort épaulé par une coalition de centre-gauche, ce projet « néo-développementiste » mise sur le renforcement des capacités productives animées par le secteur privé (l’agrobusiness notamment) et un secteur public renforcé (dans l’énergie), et dont les retombées (profits) sont redistribuées pour améliorer les conditions des classes populaires et également relancer le marché interne. Ce projet implique un élargissement des relations du Brésil avec le reste du monde. Pour dire en clair, le renforcement des liens Sud-Sud et l’atténuation de la dépendance envers les États-Unis.
À l’opposé, le projet des élites traditionnelles et de la droite est de rebrancher le Brésil sur le « turbocapitalisme » qui prévaut dans le reste du monde capitaliste et qui mise sur une financiarisation accrue au bénéfice quasi exclusif des couches supérieures. Dans les débats électoraux actuels, il n’est pas rare d’entendre les médias, très majoritairement de droite, proposer l’abolition du programme Bolsa familia (« trop coûteux et favorisant la paresse naturelle des classes populaires »), réclamer l’éradication des favelas (« ils occupent des zones où la ville moderne pourrait être développée ») et exiger la criminalisation des mouvements sociaux, notamment du MST. À rebours, la droite voudrait également réaligner le Brésil sur les Etats-Unis, et même les appuyer dans leur lutte contre des États définis par Washington comme « dangereux », tels le Venezuela ou l’Iran. C’est dire si elle n’a pas apprécié la tentative de médiation avec Téhéran, menée conjointement avec la Turquie, au sujet de l’enrichissement d’une partie du stock d’uranium iranien.
Entre ces deux grandes options, il y a également la perspective d’approfondir les transformations sociales en donnant aux classes populaires non seulement de meilleures conditions de vie, mais aussi du pouvoir et des capacités politiques. Tout cela dans une perspective « éco-socialiste », où la question environnementale est organiquement liée à celle du développement « durable ». Bref, dans un langage qui rappelle, en partie au moins, le projet à l’origine du PT, et qui promeut également le dépassement du système politique actuel via la démocratie « participative ».
Pour le moment, cet « écosocialisme » apparaît davantage « entre les lignes » que sur la scène politique réellement existante, pourrait-on dire. Mais l’option est présente : en effet, rien n’indique que les avancées réalisées par le peuple brésilien ces dernières années, au pas de course dans un temps très limité, ne l’inciteront pas à aller plus loin. Par ailleurs, les limites sont de plus en plus étroites, compte tenu des crises - ou de la crise des crises devrait-on dire - qui traversent l’horizon économique, politique et écologique des sociétés contemporaines. Tout cela conduit des populations à rechercher de nouveaux projets.
[1] Le PT compte 91 députés (sur 513) et 14 sénateurs (sur 81) au Congrès brésilien. Par ailleurs, il contrôle trois Etats sur 27. De facto, les gouvernements du PT au niveau fédéral, provincial (les États) et municipal sont tous des gouvernements de coalition dans lesquels on trouve les petits partis de gauche (PSB, PCdoB, PTB, etc.) et plusieurs formations centristes comme le PMDB notamment. Par ailleurs, le système politique brésilien est de nature présidentialiste, ce qui donne au Président une grande marge de manœuvre pour gouverner. Des changements plus fondamentaux cependant, comme des réformes de la Constitution, sont sous la responsabilité des élus et relèvent donc des partis politiques.
[2] De 2002 à 2009, cette dette est passée de 210 milliards de reais à 202 milliards, mais plus important est le fait que le ratio dette/PIB est passé de 41,8 à 12,9.
[3] Jorge Mattoso, “O Brasil herdado”, in Emir Sader & Marco Aurelio Garcia, Brasil, entre o passado e o futuro, Editora Fundaçao Perseu Abramo, Sao Paulo, 2010.
[4] Les grandes propriétés (1 000 hectares et plus) occupent encore 43% des terres cultivées au Brésil.
[5] Un exemple parmi tant d’autres. Dans l’État du Ceara, le gouverneur Cid Gomes « règne » avec l’appui du PT et du PSDB. Les deux partis ont convenu de se répartir les sièges et de ne pas se faire ombrage. Le frère de Gomes est ministre de Lula qui, par ailleurs, négocie avec les autres partis, de gauche ou de droite, pour avoir une majorité parlementaire. Ces ententes impliquent du financement occulte, des nominations à des postes de responsabilité, des privilèges, en d’autres termes tout ce que l’éthique originale du PT rejetait.
[6] Graziano da Silva J., « Consumo dos pobres : motor da retomada econômica no Brasil », Valor, 16 décembre 2009.
[7] Laurent Delcourt, « Le Brésil de Lula, une dynamique de contradictions », in Alternatives Sud, Le Brésil de Lula, un bilan contrasté, Éditions Syllepse, 2010.
[8] Ibid.
[9] Emir Sader, A nova touperia, os caminhos da esquerda latino-americana, Boitempo Editoria, Sao Paulo, 2009.
[10] Ce projet est finalement enterréen 2004 devant l’opposition très majoritaire des pays d’Amérique latine et devant les mobilisations immenses qui traversent l’hémisphère, y compris d’ailleurs aux États-Unis et au Canada.
[11] Des analystes soulignent les tensions découlant de certaines tendances hégémoniques du Brésil, superpuissance économique de l’hémisphère, et qui font que les entreprises brésiliennes dans leur expansion « naturelle » tentent d’occuper des parts de plus en plus grandes des marchés en Argentine, en Bolivie et ailleurs. Voir à ce sujet Claudio Katz, « L’Amérique latine et la crise mondiale », Inprecor, no. 556, janvier 2010.
[12] Bien que le commerce entre les pays du MERCOSUR ait quadruplé depuis 2002, il représente encore un pourcentage assez faible (15c% plus ou moins) des liens commerciaux du Brésil. Voir à ce sujet Alexandre Morin, « Un bilan mitigé pour les 20 ans du MERCOSUR », Centre d’études interaméricaines, Université Laval, chronique de janvier 2010.
[13] En 2009, la Chine est devenue le deuxième partenaire commercial du Brésil, derrière l’Union européenne mais devant les États-Unis.
[14] Voir à ce sujet Renaud Lambert, « Le Brésil, ce géant entravé », Le Monde diplomatique, juin 2009.
[15] Dilma Roussef, “Um pais para 190 milhoes de Brasileiros”, in Emir Sader & Marco Aurelio Garcia, Brasil, entre o passado e o futuro, op.cit.
[16] Emir Sader, A nova touperia, os caminhos da esquerda latino-americana, op.cit.
[17] Lors des élections de 2006, Heloisa Helena avait raflé la troisième place au premier tour du scrutin, avec 6 millions de votes (près de 7 % du total). Le PSOL, par ailleurs, avait fait élire trois députés fédéraux. Les pronostics actuels indiquent une diminution importante de ses intentions de vote en 2010.
[18] Renato Godoy de Toledo, Brasil de Fato, 6 avril 2010.
[19] Le « sage » du PSOL, Plínio Arruda Sampaio, ne parvient même pas à obtenir l’investiture du parti pour la présidentielle.
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Les effets désastreux de la privatisation du rail britannique épinglés dans un rapport commandé par les syndicats
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
« The great train robbery : les conséquences économiques et politiques de la privatisation du rail » : voilà le titre du rapport réalisé par le Centre de recherche sur le changement socio-culturel de Manchester, commandité par le Congrès des syndicats britanniques (TUC).
Le rapport a fait la une de la presse britannique. Il est dans notre intérêt en France, au moment où le gouvernement socialiste prépare une « réforme ferroviaire » qui irait dans le sens de la mise en concurrence, d'apprendre les leçons de la privatisation britannique.
Tout d'abord, rappelons que la privatisation du rail avait été préparé dans les années 1980, sous Thatcher, avec l'éclatement de l'unicité du British Rail en entités autonomes par secteurs géographiques (Network SouthEast) ou secteur d'activité (fret).
En application de la directive européenne 91/440, la Grande-Bretagne divise en 1993 gestion du réseau confiée à RailTrack, et exploitants mis en concurrence, à l'origine une vingtaine d'entités publiques sectorisées.
En 1996, avant les élections législatives, le Parti conservateur privatise l'ensemble des opérateurs, gestionnaires du réseau, fret comme exploitants voyageurs.
Reniant ses promesses, le gouvernement de Tony Blair va achever la privatisation de ce qu'il restait à vendre … avant de re-nationaliser le gestionnaire du réseau car c'est un poste structurellement déficitaire et donc non-rentable. Il faut bien socialiser les pertes !
Vingt ans après, le bilan de la libéralisation-privatisation du rail est édifiant, un véritable « pillage » des usagers et des fonds publics, siphonnés par une poignée de monopoles privés. Reprenons l'argumentaire des privatiseurs, point par point :
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Les tarifs les plus élevés au monde : l'argument de la « baisse des tarifs » ne tient pas en Grande-Bretagne. Les tarifs du rail sont désormais, en moyenne, deux fois plus élevés qu'en France, dans le secteur nationalisé. Depuis 1996, l'augmentation des tarifs du train a été trois fois supérieure à celle de l'augmentation moyenne des salaires. La Grande-Bretagne dispose des tarifs les plus élevés du monde : une conséquence de la privatisation ;
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Des trains qui arrivent de moins en moins à l'heure : les trains qui n'arrivent pas à l'heure, c'est aussi cela l'efficacité du privé. Un train sur six circule avec plus de 10 minutes en Grande-Bretagne (15%), contre un train sur dix en France (10%). La faute est rejetée sur « Network Rail », le gestionnaire du réseau, condamné ainsi à une amende de 90 millions d'euros la semaine dernière ;
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Un matériel roulant de plus en plus vieux : la modernisation conséquence de la privatisation, rien n'est plus faux. Depuis la privatisation, l'âge moyen du matériel roulant a augmenté, il était de 16 ans en 1996, il est de 18 ans aujourd'hui. L'investissement dans le renouvellement du matériel roulant a chuté de moitié entre 1993 et 2013 ;
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Un système excessivement coûteux : comme pour la Santé ou l'Education, contrairement aux idées reçues, le rail public coûte excessivement moins cher que le rail privé. Déjà le rapport McNulty publié en 2011 rappelait que les coûts du système fragmenté britannique étaient 40% supérieurs à ceux du système nationalisé français ;
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L'ouverture à la concurrence … c'est la domination des monopoles étrangers !: dans un secteur où un seul réseau existe, la « libre concurrence » est encore plus qu'ailleurs un leurre. De fait, le système privatisé britannique a conduit rapidement à l'émergence de monopoles nationaux, comme le britannique FirstGroup qui contrôle 7 des 23 « opérateurs privés » et surtout à la main basse des grands monopoles européens : l'Allemand Deutsche Bahn, l'Hollandais NS et enfin la SNCF (via Keolis) ont pris possession de 11 des 23 opérateurs du chemin de fer britannique. Quatre entreprises contrôlent donc 80% du rail britannique !
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Des investissements publics et une dette publique ! : la privatisation n'a pas conduit à la baisse des investissements publics mais au contraire à leur augmentation : 6 milliards d'euros de subventions par an pour financer les projets d'infrastructures, c'est deux fois plus qu'avant la privatisation. Ces projets d'infrastructures plombent les comptes du « Network Rail », sciemment re-nationalisée en 2001 : le gestionnaire public accumule désormais une dette de 40 milliards d'euros ;
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Mais des profits privés !: Si les pertes sont socialisées, les profits, eux, sont bien privatisés : en 2012, la seule Deutsche Bahn a réalisé 1 milliard d'euros de profit sur le réseau anglais. Les opérateurs privés bénéficient des investissements publics dans le réseau puisque 90% des profits sont ensuite directement reversés aux actionnaires. En outre, le gestionnaire public du réseau, malgré son endettement, continue à pratiquer des tarifs préférentiels pour l'usage du réseau : les droits de péage ont baissé de moitié depuis dix ans ;
La libéralisation puis la privatisation du rail, suivant les directives européennes mais en fonction d'un choix délibéré du grand capital britannique : un désastre patent pour les usagers, les contribuables et les travailleurs mais une opportunité pour les monopoles.
Un désastre qui a coûté la vie à plusieurs centaines d'usagers et de travailleurs britanniques, il suffit de se rappeler de la catastrophe de Landgrove-Broke qui a coûté la vie à 31 usagers et blessé 500 autres : les opérateurs privés ne voulaient pas à l'époque investir dans des dispositifs de sécurité.
Le désastre est tel que certaines fractions du capital britannique commencent désormais à reconsidérer l' (in-)efficacité d'un système ferroviaire privatisé : le Parti travailliste se déchire désormais sur la re-nationalisation potentielle du rail.
Dans le même temps, les syndicats du rail défendent ardemment la nationalisation du rail. Certains liés aux calculs d'une fraction du camp travailliste. D'autres, comme le syndicat de classe RMT, dans une perspective véritable de refondation d'un service public national.
Pour nous français, ces débats nous ramènent un siècle en arrière, avant la nationalisation de la SNCF : la défense du monopole public est plus que jamais une nécessité !
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Grand écart
Jaurès, réveille-toi !
Guesde et Blanqui aussi !
C'est bien connu, avec l'âge, les raideurs s'installent...
La livraison de l'Huma Dimanche d'aujourd'hui -21193 20 juin 2013- est révélatrice d'une petite faiblesse idéologique partagée entre le journal et au moins une de ses invités : Anne Hidalgo (adjointe au maire de Paris et promise à lui succéder) et qui peut faire grincer à gauche.
Page 18 sous le titre "Hidalgo accueillerait le Modem à bras ouverts" il est question d'une alliance contre nature qui réaffirme l'ancrage à droite du Modem et le rejet d'une telle alliance par les élus communistes et mélenchonistes...
17 pages plus loin, la même - Anne Hidalgo- pose dans la page d'appel à la souscription pour l'Huma en déclarant avec son soutien au journal :
..." la politique reste la seule noblesse démocratique que nous devons reconnaître, car elle appartient au peuple..."
Qu'est-ce qu'une conviction, une opinion, un engagement ?
Sinon le fruit d'une activité intellectuelle combinant au mieux l'observation du réel et la construction de sa projection dans l'avenir à la lumière des connaissances du passé.
Rien à voir avec la prétention à occuper la place des politiques d'aujourd'hui qui s'exonère de la pensée et encore plus volontiers d'un passé qui ne les servirait guère (cf. parcours d'Anne Hidalgo dans les allées du pouvoir socialiste dans la mouvance DSK ).
De deux choses l'une, les orientations d'alliance à droite des socialistes en cour aujourd'hui sont insupportables et les communistes doivent en tirer les conséquences concernant leurs alliances et leurs soutiens, ou alors il faudrait continuer d'avaler couleuvres et chapeaux roses pour espérer conserver des élus communistes sous la bénédiction du PS.
Comment ne pas comprendre que les citoyens s'y perdent et renvoient tous les biziaux de la "démocratie" dos-à-dos quand ils ne se perdent pas dans les filets du FN ?
Majorité, opposition, droite ou gauche, si les mots ont un sens il serait bon de refaire du dictionnaire le bréviaire des élus ou de ceux qui aspirent à le devenir...
Ils y découvriraient que "statut de l'élu" s'écrit avec un "t" et non un "e" et qu'indemnité, rémunération et salaires ne figurent pas à la même page.
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Marx, patrimoine de l’humanité
L’Unesco a officiellement inscrit le Manifeste du Parti communiste ainsi que le premier livre du Capital, de Karl Marx, sur la liste du patrimoine de l’humanité. Voilà une belle et légitime consécration pour l’auteur qui a le mieux su analyser le capitalisme, et tracer la voie pour en finir avec ce système. Cette nouvelle ne doit cependant pas réjouir les grands de ce monde, pour qui Marx est l’incarnation du plus grand danger : celui de voir les travailleurs s'unir et se soulever pour se libérer des chaînes du capital. Puisse ce patrimoine continuer à inspirer les travailleurs du monde.
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La nausée à Lyon
Et ce n'est pas peu dire...
Des éléments contre le mariage pour tous ont perturbé la cérémonie patriotique tenue à Lyon pour les 70 ans de l'arrestation de Jean Moulin à l'origine du Conseil National de la Résistance.
Jean Moulin fut arrêté à Caluire dans le Rhône le 21 juin 1943 par la Gestapo. Torturé atrocement à Lyon par le tristement criminel de guerre SS Klaus Barbie, il meurt dans un train en partance pour l'Allemagne nazie sans avoir parlé.
Ce 21 juin 2013, le gouvernement, par la présence de Jean-Marc Ayrault, tenait à commémorer le sacrifice de ce héros de la Résistance.
Mais prêts à tout, une vingtaine de fascisants militant contre le mariage pour tous s'est infiltrée dans la cérémonie. Ils ont hurlés des slogans anti-hollande et sifflé le Chant des marais, cette chanson écrite et composée par les premiers déportés allemands dans les camps concentrationnaires nazis. L'un de cette infâme bande s'est approché du premier ministre lorsque celui-ci débutait son hommage en criant: "Regardez comme ils sont beaux, ces enfants ! [...] eux, ils ont un père et une mère.", montrant les silhouettes peinturlurées sur son T-shirt.
On aurait pu croire que les responsables du mouvement lyonnais contre le mariage pour tous se désolidarisent de cette saloperie.
Pas du tout. Si Jean-Baptiste Labouche admet à demi-mot que l'endroit n'était pas le bon pour manifester, il n'en reste pas moins, selon lui "que l'autisme du gouvernement ne laisse pas le choix".
Depuis quelques temps, Lyon semble être devenu une plate-forme pour les groupuscules fascisants. Ce jeudi même, le tribunal correctionnel de Lyon a condamné à 12 et 6 mois de prison ferme deux militants d'extrême droite, membres du GUD. Le 18 mai, ils s'en étaient pris violemment à un groupe comprenant une femme d'origine réunionnaise. "Tu couches avec une Asiatique, tu déshonores la France", avait lancé l'un d'eux.
Mon blog démontre que je ne porte pas dans mon coeur la politique initiée par François II pour notre pays. Mais je sais faire la part des choses, surtout à l'heure des commémorations de la Résistance contre l'occupant hitlérien et le gouvernement collaborationniste de Pétain. Et je serai le premier à dénoncer l'activité d'un fasciste infiltré dans la CGT pour en dénaturer ses valeurs.
Or, les opposants au mariage pour tous ne cultivent pas cette idée démocratique. La bête est toujours féconde et la réaction a besoin de ses fruits nauséabonds pour exister. Hier comme aujourd'hui.
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Gilbert Remond : sans un parti communiste et une organisation de la jeunesse s'appuyant résolument sur le combat de classe et une théorie révolutionnaire, pas de perspective pour un mieux vivre !
Au Chili comme au Brésil ou en Argentine, le fascisme a imposé avec des dictatures sanglantes des mesures libérales qui ont réduit à rien les services publics de ces pays, certaines comme sous Pinochet ont été complimentées par les économistes reconnus de nos universités et de nos médias. Qu'importait la misère et la pauvreté qui s'ensuivait, cela n'intéressait pas les militaires, ni nos médiacrates. Leurs peuples ont résisté pour retrouver des régimes plus démocratique mais n'ont pas été tirés d'affaire pour autant, les démocraties labellisées par les grands pays capitalistes en gros les partenaires-concurrents du G8 n'ayant pas d'avantage le souci du confort des peuples que leurs prédécesseurs sanguinaires et liberticides, celle-ci auraient même tendance à reprendre certaines de leurs méthodes policières lorsqu'elles se sentent débordées.
Ainsi donc les cadres politiques dans lesquels vivent ces peuples apportent toujours les mêmes réponses. S'ils changent, c'est pour que rien ne change. Il ne reste donc d'autres alternatives que celle de continuer les luttes pour obtenir que reviennent sous forme de service à la collectivité une part du travail socialement réalisé que s'accapare toujours avec le même égoïsme glacé le capital. Ces luttes nous montrent par leurs caractères massifs et la détermination de leurs acteurs qu'elles sont les seules voies à emprunter pour se faire entendre. Nous dont le patrimoine social et historique malgré les attaques subies de ces dernières années, ménage encore quelques niches de confort, devrions comprendre que la meilleure des solidarités à leur apporter serait que nous empruntions les mêmes chemins pour forcer nos capitalistes qui sont souvent aussi les leurs à moins de prétention dans leurs pratiques vampiriques, et qu'ils stoppent cette tension infinie du toujours plus de leurs marges bénéficiaires et de leurs profits. Les rapports de force sont le seul langage qu'ils comprennent et par-dessus tout celui qui les prive de leur plus-value, c’est-à-dire la grève générale, le blocage à la source de ce qui produit la valeur à partir de quoi se constitue le capital.
Mais ces luttes nous montrent aussi que la résignation est le pire des remèdes, qu'il n'y a pas d'autres choix pour le mieux vivre que la lutte et l'énergie qu'elle apporte. Rejoignons les peuples d'Amérique latine dans la revendication de ce mieux vivre, pour le droit au savoir et le droit au bonheur, cette promesse que nous avait fait entrevoir le projet de constitution de Robespierre et qui plus que jamais doit rester le combat de l'humanité. N'en déplaise, nous appelons depuis Marx cette démarche le socialisme, et elle impose que nous nous réapproprions les grands moyens de production et d'échange seule garantie à sa pérennisation. Comme dans chacune des situations rapportées ci-dessous un parti communiste et une organisation de la jeunesse s'appuyant résolument sur le combat de classe et une théorie révolutionnaire sont nécessaires pour structurer le mouvement et lui ouvrir une perspective, cette perspective.
Gilbert Rémond
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