• PANORAMA DU MOYEN-ORIENT 

     Entretien avec Georges CORM

    Propos recueillis par Sixtine de Thé, à Beyrouth

     

    georges-Corm.jpgGeorge Corm, économiste libanais, est un des éminents spécialistes du Moyen-Orient et de la Méditerranée. Outre son statut de consultant économique et financier international, il est professeur depuis 2001 à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, dans le cursus des sciences politiques. Ses ouvrages les plus célèbres sont L’Europe et l’Orient (La Découverte) ; Orient-Occident, la fracture imaginaire (La Découverte) ; La question religieuse au XXIè siècle (La Découverte) ; Le nouveau gouvernement du monde, idéologie, structures, contre-pouvoirs (La Découverte) ; Pour une lecture profane des conflits (La Découverte) ; Le Proche-Orient éclaté 1956-2012, 2 volumes (Folio/histoire). Ils sont traduits en plusieurs langues.

     

    Le Moyen-Orient est en pleine recomposition. Comment expliquez-vous cette évolution ? Etait-elle en germe, et depuis quand ?

    Il y a beaucoup d’observateurs qui pensent en effet que nous sommes dans l’ère de la fin des accords franco-britanniques dits Sykes-Picot (1916) qui ont balkanisé ce qu’on appelait, au début du siècle passé, les provinces arabes de l’Empire ottoman. Ou d’autres qui parlent de période de transition de régimes autoritaires vers des régimes de type démocratique. Je pense que dans les deux cas, nous sommes loin de tels scénarios. En effet, la remise en cause des Etats existants paraît quand même assez difficile, sauf à généraliser des situations de chaos partout. Si nous prenons le modèle syrien, ou éventuellement le modèle libyen où il y a emploi massif d’armes venues de l’extérieur, à la limite on peut dire qu’il y a des zones d’influences qui se mettent en place sous l’égide des grands acteurs régionaux et internationaux. Mais enfin je ne vois pas d’Etats disparaître de la carte et de nouveaux Etats être créés et reconnus, comme cela a pu être le cas avec l’ex-Yougoslavie. Probablement si nous étions en contact géographique direct avec l’Europe, ceci aurait pu arriver, mais sur l’autre rive de la Méditerranée cela paraît quand même nettement plus difficile. D’un autre côté, pour ce qui est de la transition vers la démocratie, le problème qui se pose aujourd’hui est essentiellement celui de la nature des mouvances islamiques sur lesquelles les milieux européens et américains ont misé depuis bien des années. Ces mouvances, trop souvent idéalisées, ont désormais montré leur vrai visage, celui d’un autoritarisme et d’un désir de contrôle des libertés individuelles.

     

     

    Nous avons donc un problème aigu, important, qui va déterminer l’avenir : est-ce que les mouvances de type modernistes, laïques ou attachées aux libertés individuelles et qui refusent le référent religieux dans le fonctionnement d’un système politique vont pouvoir s’affirmer face aux mouvances islamiques ? On peut être inquiet si l’on prend en compte le fait que ces dernières jouissent jusqu’ici de l’appui total de l’Occident et qu’elles bénéficient en outre de très importants financements en pétrodollars, en provenance des royautés et émirats pétroliers alliés des Etats-Unis et de l’Europe. Ce sera donc une très longue bataille, très intéressante. C’est cette bataille qui va décider du sort du monde arabe et de la possibilité pour ces pays arabes d’établir non seulement de véritables règles démocratiques, mais aussi une véritable indépendance par rapport aux forces régionales et internationales.

     

    Concernant la crise syrienne, de nombreux acteurs sont impliqués (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie, Israël). Pourquoi ?

     

    Mais vous avez oublié dans cette liste la France, l’Angleterre, les Etats-Unis ! J’ai eu l’occasion d’expliquer dans diverses interviews que dès le départ, il y a une différence fondamentale entre la révolte syrienne et ce qui s’est passé en Tunisie, en Egypte et au Yémen. En Syrie, vous aviez un malaise rural important depuis 2007, du fait d’une série d’années de sècheresse, puis du fait que le gouvernement a voulu faire plaisir au Fonds Monétaire International et aux pays occidentaux, et qui s’est mis à supprimer pas mal des subventions dont jouissait l’agriculture. Les observateurs de terrain en Syrie savaient que le monde rural, autrefois très privilégié par le régime et qui avait longtemps constitué sa base essentielle, commençait vraiment à connaître un état de mécontentement grandissant.

     

    Quand vous regardez où ont eu lieu les manifestations en Syrie, quelle était la composition sociale des manifestants et quel était leur nombre, on voit bien qu’ils étaient des ruraux pauvres dans des régions rurales pauvres périphériques, situées aux frontières avec la Jordanie et la Turquie. Les images parlaient d’ailleurs d’elles-mêmes. Elles contrastaient avec les grandioses manifestations de masse, tunisiennes, yéménites ou égyptiennes, où tous les groupes sociaux et toutes les classes d’âge étaient au rendez-vous. On a très vite assisté à l’arrivée d’armes aux mains des groupes d’opposants qui se sont constitués sur le terrain. De plus, il y a eu le déchaînement d’une guerre médiatique absolument spectaculaire contre le régime syrien. Or, les manifestations de masse en Syrie ont eu lieu en faveur du régime et contre l’opposition armée ; dans ces manifestations on a vu toutes les classes sociales, tous les groupes d’âge et de très nombreuses femmes…

     

    C’est donc une différence absolument fondamentale par rapport aux autres situations de révoltes dans le monde arabe. Par ailleurs, l’armée ne s’est nullement effondrée et elle a fait face avec de plus en plus de détermination et de violence à l’arrivée, de l’international, de combattants qu’on appelle à tort Djihadistes, parce que lorsque des musulmans tuent d’autres musulmans, cela n’est pas un djihad. On a donc eu en Syrie un scénario qui s’est mis en place qui est en train d’aboutir à une destruction systématique de la société syrienne et de sa richesse matérielle (infrastructures, habitations, potentiel industriel). C’est une répétition de ce que la communauté internationale a fait subir à l’Irak et demain nous verrons - comme cela s’est passé en Irak ou auparavant au Liban - que sous prétexte de reconstruction, le pays sera pillé par des grosses entreprises de BTP arabes ou turques ou internationales. On a déjà vu cela au Liban où, au sortir des quinze ans de violence entre 1975 et 1990, le pays a été enfoncé dans une dette invraisemblable et où après vingt-deux ans de reconstruction il n’y a toujours pas d’eau ou d’électricité courantes ! Et en Irak, malgré son énorme richesse pétrolière, les grandes infrastructures d’eau et d’électricité ne sont toujours pas complètement reconstruites. Il faut donc s’attendre à un même scénario en Syrie.

     

    Par ailleurs, il faut bien voir que les données internes syriennes sont tout à fait secondaires dans le conflit, car la Syrie est devenue un champ d’affrontement colossal entre, d’un côté les deux grandes puissances montantes, la Chine et la Russie, ainsi que l’Iran, et de l’autre les pays occidentaux, l’OTAN… dont le but est très clairement de faire sauter les derniers verrous anti-israéliens de la région, ces derniers verrous étant essentiellement constitués de l’axe Iran-Syrie-Hezbollah qu’on appelle, pour le dénigrer et pour donner dans le sensationnel, « l’arc chiite ». Beaucoup d’analyses se font à base de sensationnel communautaire qui est instrumentalisé pour faire croire que le conflit est entre chiites et sunnites à l’échelle régionale, alors qu’il s’agit d’un problème de géopolitique très profane. Il y a aussi des considérations pétrolières et gazières qui entrent en jeu.

     

    Pensez-vous qu’un embrasement régional pourrait avoir lieu dans le contexte de la crise syrienne, notamment au Liban ?

     

    Déjà en 2007, dans la revue Futurible, j’avais évoqué un scénario de troisième guerre mondiale éventuelle, déclenchée autour la question du développement de la capacité nucléaire iranienne. Car les passions anti-iraniennes étaient déjà d’une virulence peu commune qui n’a pas baissé de registre. Le reproche fait à l’Iran étant sa rhétorique anti-israélienne et surtout son aide au Hezbollah libanais passant par la Syrie. Aussi, l’axe Iran, Syrie, Hezbollah est-il considéré depuis des années comme à abattre dans les milieux de l’OTAN. Or, il faut bien voir que même si cet axe est réduit ou affaibli ou disparaît, il rebondira ou sera reconstitué différemment, et ceci tant que l’Etat israélien continuera de se comporter comme il se comporte vis-à-vis des Palestiniens qui continuent d’être dépossédés de ce qu’il leur reste de terre, mais aussi vis-à-vis des Libanais qu’ils ont énormément fait souffrir entre 1968 (date du premier bombardement contre le pays) et 2000, lorsque l’armée israélienne est forcée de se retirer du pays après 22 ans d’occupation, puis tente en 2006 de supprimer le Hezbollah par une série de bombardements massifs qui durent 33 jours.

     

    On a déjà assisté, à plusieurs reprises, à l’espoir d’avoir « débarrassé » le Moyen-Orient des forces hostiles à la domination israélo-américaine de la région. Ils ont tous été déçus. Cela a été le cas lors de la seconde invasion du Liban par Israël en 1982, qui a abouti à l’exil de l’OLP en Tunisie et dans d’autres pays loin des frontières israéliennes. Puis, cela a été le cas avec la conférence de Madrid et les accords israélo-palestiniens d’Oslo en 1993. Enfin cela a recommencé avec l’invasion de l’Irak en 2003 qui a fait penser que le Moyen-Orient serait en paix grâce à l’élimination de Saddam Hussein. C’est pour cela que je parle des « passions » américaines et européennes en faveur d’Israël, qui empêchent toute possibilité raisonnable de rendre aux Palestiniens leurs droits. Tant que cette situation n’est pas réglée conformément aux lois internationales, et non pas par la force, le Moyen-Orient va rester en ébullition avec tous ces risques d’affrontements dont nous parlons, et qui peuvent effectivement s’embraser.

     

    Ceci dit, il faut bien voir que dans ces passions, la folie n’est pas totale, c’est-à-dire que les Etats-Unis, après des déploiements militaires qui leur ont coûté énormément (Afghanistan et Irak) et où curieusement ils ne sont pas venus à bout de Al Qaïda, n’ont plus envie d’aventures militaires extérieures. Ce qui est une bonne chose. Maintenant, ils ont trouvé des relais régionaux qui sont notamment la Turquie, qui avait l’air prête à se battre jusqu’au bout contre la Syrie, quatre ans seulement après avoir signé des accords de coopérations, d’amitiés, de fraternité, de libre échange avec ce pays. Ils ont trouvé également les pétrodollars qui financent les armées de combattants venus de l’extérieur.

     

    L’on s’attendait, dans ces Etats intervenants extérieurs, à ce que l’armée syrienne s’effondre rapidement et tout le régime avec. Mais cela n’est pas arrivé, à la surprise générale de tous ceux qui connaissaient très mal le contexte syrien. Et aujourd’hui, l’armée semble reprendre le dessus militairement. Toutefois, tant que le gouvernement syrien ne pourra pas contrôler ses frontières, qui sont très longues avec la Turquie, l’Irak, la Jordanie et le Liban, les combats et la destruction de la Syrie vont continuer. Quant à ce projet de conférence à Genève, ce n’est qu’un mauvais théâtre. Il me rappelle celui d’il y a quarante ans, lorsque les soviétiques réclamaient une conférence internationale sur la Palestine à laquelle ils se seraient associés. Or, il n’y a eu qu’une seule séance orpheline d’apparat, les Américains et les Israéliens ne souhaitant pas accorder de l’influence à l’URSS dans ce conflit. Donc je suis très sceptique face à ce projet de conférence. Jusqu’ici, nous voyons des rencontres américano-russes sur la Syrie pour organiser une conférence entre les parties au conflit, mais sitôt la réunion terminée, les déclarations des parties au conflit contredisent la volonté d’apaisement.

     

    Concernant les retombées sur le Liban, elles sont très intéressantes. Le gouvernement libanais a prétendu sagement vouloir rester neutre dans le conflit syrien. Ceci en application du slogan qui existe depuis des années : « le Liban d’abord ». Il s’agit d’ailleurs d’un slogan que même l’OLP avait adopté après sa sortie de Beyrouth en 1982 en vertu duquel « la Palestine d’abord ». On le trouve aussi en Irak après l’invasion américaine et on l’entend dans les milieux de l’opposition syrienne. Or, l’on a vu combien ce slogan a abouti à affaiblir les dirigeants de l’OLP qui sont impuissants devant la colonisation, mais à affaiblir aussi l’Irak.

     

    Au Liban, ceux qui ont porté ce slogan ne l’appliquent pas, puisqu’ils sont les premiers à s’impliquer militairement par l’envoi de combattants dans la situation syrienne, de même que le Hezbollah le fait, l’arrivée de son armement dépendant largement de la survie du régime syrien, et donc aussi à terme sa propre survie. C’est pourquoi je pense que l’insécurité va demeurer sur toutes les zones géographiques libanaises limitrophes à la Syrie, puisque les combattants vont et viennent. Tout cela alors que l’armée israélienne est toujours surpuissante et a vraisemblablement des velléités d’intervenir à nouveau au Liban dans l’espoir de réussir à faire disparaître le Hezbollah. Cependant, je ne pense pas que l’insécurité va se propager sur tout le territoire. Certes, il y a à Saïda ce cheikh salafiste, radical et anti-Hezbollah qui veut faire le coup de feu contre ce parti. Il est brusquement apparu sur la scène libanaise depuis un an, vraisemblablement financé par les pétrodollars saoudien ou Qatari. La ville de Saïda connaît donc une période troublée, mais dans l’ensemble, la population de la ville est calme, à l’inverse de la ville de Tripoli, qui peut se laisser gagner par le radicalisme islamique. Par contre, plus inquiétant est le délitement des institutions de l’Etat. Mais le Liban sait s’autogérer.

     

    Que pensez-vous de la situation du pouvoir hachémite en Jordanie ?

    Je crois que les Israéliens doivent continuer à se gratter la tête : faut-il essayer de faire un Etat palestinien en Transjordanie, ce qui est un vieille idée d’Ariel Sharon pour régler le problème palestinien, et ce qui permettrait du même coup d’expulser les Palestiniens restés dans ce qui est devenu le territoire d’Israël. Ou bien faut-il mieux conserver cet allié fidèle des Etats-Unis qu’est la monarchie jordanienne, qui garantit la sécurité de la frontière avec Israël. Mais comme je ne suis pas dans le secret de la pensée stratégique israélienne, je n’ai pas de réponse.

     

    Après le deuxième mandat de Barack Obama, voit-on un repositionnement de la politique américaine concernant le Moyen-Orient ?

     

    Non, quand on regarde les Etats-Unis et qu’on cherche à déterminer leurs objectifs principaux, on constate ceci : un, la sécurité d’Israël, et donc qu’Israël puisse continuer de coloniser comme elle le fait depuis 1967. Deux, empêcher l’Iran d’avoir l’armement nucléaire. Dans le sillage évidemment, démanteler l’axe Iran-Syrie-Hezbollah, et ce toujours pour la sécurité d’Israël. Et puis, le contrôle des routes d’approvisionnement pétrolier, et le maintien de l’hégémonie que l’Europe a eu puis que les Etats-Unis ont de concert avec l’Europe sur toute cette zone hautement stratégique pour l’économie et la géopolitique mondiales. C’est très simple à décrypter. Quand Barack Obama a fait son célèbre discours au Caire en 2009, il était dans la droite ligne de la politique américaine traditionnelle, il n’en a pas bougé d’un iota. Ce n’est pas le fait d’inclure la citation de deux versets du Coran dans le texte du discours qui exprime un changement de politique, ce que peut être certains ont naïvement pensé ! Mais simplement les Etats-Unis, comme je disais, sont aujourd’hui beaucoup plus prudents, et cet Etat n’a pas envie de nouvelles aventures militaires extérieures, ce qui est le facteur qui calme le jeu. En tous cas, entre la politique du président George W. Bush et celle de Barack Obama, les mêmes constantes sont affirmées. Lors de son récent voyage en Israël, ce dernier a prononcé des paroles inconditionnellement favorables à l’Etat d’Israël et à sa politique, comme l’ont fait tous les présidents successifs, à l’exception d’Eisenhower et plus accessoirement George Bush père et son ministre des Affaires étrangères, James Baker, qui a protesté énergiquement contre la continuation de la colonisation et a même annulé des aides américaines à l’Etat d’Israël.

     

    Le 21 juin 2013

     

    Source : Les clés du Moyen-Orient

    http://pcfcapcorse.over-blog.com

     


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  • pcbUn front anti-capitaliste pour avancer, un front anti-fasciste pour ne pas reculer

    Communiqué du Parti communiste brésilien (PCB)

     

    Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Le parti-pris des gouvernements du PT de l'institutionnalisme bourgeois et du « néo-développementalisme » capitaliste est le principal responsable de l'explosion d'indignation de couches hétérogènes de la société brésilienne.

     

    Le parti-pris d'alliances avec la droite pour s'assurer de la gouvernance du pays fait du gouvernement l'otage de ces forces conservatrices, conduisant à ce que, en dix ans, pas la moindre mesure ne serait-ce que de nature socialisante ne fût prise. Au contraire, la fraction PT du gouvernement fut à l'avant-garde de mesures de nature anti-populaire, contre les travailleurs.

     

    Les résultats en sont le retour des privatisations à grande échelle, la réforme des retraites et l'obligation d'une retraite complémentaire pour les fonctionnaires (FUNPRESP), la généralisation des partenariats public-privés, la concession de nos réserves de pétrole, le choix de l'agro-business – au détriment de la réforme agraire et de l'agriculture familiale –, pour le système financier et les grandes monopoles, les exonérations fiscales pour le capital et la précarisation du travail (créant plus d'emplois mais de moindre qualité), la politique d'austérité budgétaire conduisant à l'abandon des services publics, l'endettement croissant des familles, l'absence de perspective pour la jeunesse, le discrédit de la politique et des partis politiques.

     

    En dix années de gouvernement, à aucun moment les travailleurs ne furent appelés à agir de façon indépendante et autonome pour changer le rapport de forces en faveur de mesures de nature populaire et pour la défense de leurs droits, pourtant attaqués par l'offensive du capital et par la contre-réforme de l'Etat, sous direction du PT, qui a imposé la cooptation et l'apathie de la majorité des mouvements sociaux.

     

    A un peu plus d'un an de la fin du gouvernement Dilma, et après avoir perdu contact avec la rue en échange de places dans les bureaux, nous voyons l'effort tardif et désespéré des groupes qui le soutiennent, brandissant à la hâte de timides bannières réformistes abandonnées dès le premier mandat de Lula. Cet effort s’effectue désormais dans une conjoncture défavorable pour rompre l'alliance avec la droite modérée et dépasser la politique économique de la continuité néo-libérale.

     

    Le mouvement de rue, qui a commencé sous initiative populaire, est aujourd'hui tiraillé, la droite essayant de récupérer et folkloriser le mouvement, le canalisant vers ses objectifs ; c'est une tactique récurrente des classes dominantes, qui récupèrent les mouvements lancés par la gauche pour les mener vers un pacte entre élites, ce fut le cas des « Diretas Ja ! » [NdT : « des élections maintenant », les grandes manifestations de 1984 contre la dictature militaire] et de « Fora Collor » [NdT : « Collor, dégage », les grandes manifestations de 1992 contre le président de droite Fernando Collor, trempé dans de grands scandales de corruption].

     

    S'appuyant sur la légitime indignation de la population vis-à-vis de ce gouvernement, les partis de leur base de soutien et les autres partis de l'ordre, qui manipulent les demandes populaires et des travailleurs à des fins électorales, pour ensuite tourner le dos à leurs revendications, la droite la plus idéologique et réactionnaire, qui ne fut pas intégrée à la machine gouvernementale PT, se travestissent en mouvement anti-parti et joue avec les masses désorganisées et aliénées par les médias contre la gauche socialiste, attisant le désordre pour, par la suite, exiger l'ordre.

     

    Il s'agit de porter dans la rue la vraie gauche et ses propositions révolutionnaires pour, ainsi, s'emparer de la force des manifestations et ne pas avoir le contre-point organisé et populaire d'aventures déstabilisatrices, qui comptent sur le soutien logistique et la bienveillance de leurs collègues en uniforme pendant leur service.

     

    En ce moment, l'hégémonie du mouvement se trouve dans le camp moraliste, anti-parti et populiste (nacionaleiro) de la classe moyenne, avec des mots d'ordres vagues et sectoriels. S'ajoute à cela la compréhensible explosion des couches de la population rendus jusque-là invisibles par le discours d'auto-glorification chauvine (ufanismo) du gouvernement : des individus qui, dans leur majorité, viennent de quartiers ouvriers, las des accrochages avec la police. Ils se servent du désordre pour prendre possession des biens de consommation qu'ils convoitent dans les publicités, mais qu'ils ne peuvent acheter.

     

    Les forces fascistes, réduites en nombre, mais avec le soutien des grands médias à leur discours chauvin et anti-parti, profitent de cette tendance pour tenter de conduire le mouvement vers une certaine forme de coup d'Etat institutionnel « de masses » et dans le cadre de l'ordre légal, laissé intact par les gouvernements PT. Comme les coups d'Etat avec les tanks dans la rue ne sont plus d'actualité, ils pourront s'essayer soit aux menées putschistes au parlement ou dans les tribunaux, soit d'accumuler des forces pour gagner les élections de 2014.

     

    Ce qui peut interpeller, c'est la facilité avec laquelle les participants aux manifestations, aucun d'entre eux membres d'organisations de gauche, ont attaqué et occupé symboliquement l'Assemblée législatives de Rio de Janeiro et, à Brasilia, le Palais Itamaraty et la coupole du Congrès national. Ces affrontements se produisent, dans la majorité des cas, entre la police en uniforme et la police en civil, y compris les groupes para-militaires et organisations fascistes.

     

    D'ores et déjà, les organisations de droite appellent à se rassembler autour de la lutte contre la corruption et pour la restauration de l'ordre, rompu par le désordre qu'ils ont eux-mêmes provoqué. Il est nécessaire de rappeler que la corruption est inhérente au capitalisme et que, ironiquement, le drapeau de la « lutte contre la corruption » avait déjà servi à la droite pour l'élection de Fernando Collor et à la fausse gauche dans les vieux discours du PT.

     

    Les secteurs de masse qui ont manifesté une hostilité envers les partis de gauche ne perçoivent pas la différence entre ces organisations et les partis sans visage qui les mènent et qui devraient être l'objet de la révolte populaire, ceux qui agressent physiquement les partis de gauche sont les para-militaires, et non les manifestants.

     

    L'hostilité contre les partis de gauche est renforcée également par la profonde dépolitisation et le conservatisme d'un nouveau sens commun qui, tout en se soulevant contre les effets les plus évidents de l'ordre capitaliste en crise, se montre incapable de voir les déterminations les plus profondes de cette crise, liés au fonctionnement même du système. Le sens commun conservateur empêche que l'on perçoive l'actualité et la nécessité d'une lutte anti-capitaliste qui donne le cap d'une alternative socialiste et révolutionnaire, faisant en sorte que les personnes tombent dans le mouvement pour le mouvement, sans horizons définis, ce qui a conduit à une impasse les manifestations similaires des indignés en Europe ou Occupy aux Etats-unis.

     

    L' « œuf du serpent » acquiert de la visibilité. Derrière ce mouvement, se trouvent également des militaires de droite mécontents du cap de la Commission Vérité, l'Opus Dei préoccupée de l'avènement du nouveau pape et un conservatisme religieux qui désire profiter de la situation pour revenir sur les acquis des luttes contre les discriminations.

     

    Cette droite est si conservatrice et pro-impérialiste qu'elle n'accepte ni d'envoyer au gouvernement des forces réformistes qui agissent à leur service, mettant leurs compétences au profit d'agents suscitant l'apathie des travailleurs. Il peut y avoir, par conséquent, des divergences au sein des classes dominantes entre ceux qui, avec lucidité, se sentent à l'aise avec les gouvernements PT et ceux qui veulent prendre le pouvoir, à leur propre compte.

     

    Les forces de droite peuvent tirer profit de la conjoncture défavorable née en Amérique latine après la mort de Chavez, des liens entre Colombie et OTAN, du coup d'Etat au Paraguay, tout comme de la vague de manifestations très différentes qui déferlent sur le monde, pour en finir avec le soutien au réformisme et pour prendre le pouvoir directement, afin de restreindre encore plus la déjà restreinte démocratie bourgeoise et imposer la barbarie d'un capitalisme sans intermédiaires ni politiques compensatoires, intensifiant l'exploitation capitaliste.

     

    Avec l'aggravation de la crise du capitalisme, l'impérialisme peut chercher à se détacher de l'alliance tacite avec les réformistes et en finir avec la co-existence jusqu'alors consentie. Ce n'est pas un hasard si la nouvelle ambassadrice nord-américaine nommée au Brésil est liée au sionisme, à l'USAID et au Pentagone, qu'elle fut ambassadrice au Nicaragua pendant la lutte contre les sandinistes, en Colombie au cœur de l'offensive d'Uribe contre la rébellion et le mouvement populaire, et en Bolivie pendant la tentative séparatiste et de déstabilisation du gouvernement Evo Morales.

     

    Il faut que le mouvement à partir de maintenant sépare les actes convoqués par le camp populaire et ceux convoqués par la droite, de préférence dans des espaces, des dates et des trajets différents. Les fronts avec les forces populaires et de la gauche socialiste devront être forgés dans la lutte et en articulation à partir d'espaces communs de lutte, dans les communes et les régions, comme condition pour de possibles convergences unitaires nationales.

     

    Le PCB réaffirme sa ligne stratégique basée sur la caractère socialiste de la révolution brésilienne et son opposition de gauche au gouvernement PT qui n'est même plus réformiste, mais otage de la droite et au service du capital. Face aux attaques des secteurs putschistes les plus à droite, serrons les rangs au côté des travailleurs contre notre ennemi commun.

     

    Nous n'apporterons aucun soutien à quelque tentative que ce soit de sauver le gouvernement Dilma et réaffirmons qu'il porte une lourde responsabilité dans l'existence des manifestations et leur glissage vers la droite, étant donné que le gouvernement ne s'est penché à aucun moment sur un véritable changement par rapport à sa politique d'alliance avec la bourgeoisie. Au contraire, on voit se renforcer les appels à l' « ordre » et au « calme » et la proposition d' « union nationale » a été lancé, avec la convocation d'une réunion avec les gouverneurs et les préfets, des initiatives gouvernementales qui ne visent qu'à préserver le status quo politique en dégénérescence.

     

    En guise de recul déguisé, l'autre solution avancée pour arrêter le mouvement d'indignation à l'origine de la révolte – le prix des billets de bus – ne fait que proposer de nouveau le même principe qui fait avancer le gouvernement : augmenter les subventions aux entreprises, détournant les fonds publics vers le profit privé. De telles mesures sont annoncées de façon honteuse lors d'apparitions télévisées qui réunissent PT et PSDB afin que, dans le cadre du mono-partisme bi-céphale dominant jusqu'alors au Brésil, tout le monde apparaisse sur la photo en vue des prochaines élections.

     

    Notre éventuelle participation unitaire dans un front anti-fasciste conjoncturel se fera avec notre identité propre, en jetant la responsabilité du gouvernement dans les périls fascistes, en posant nos critiques et nos propositions tactiques et stratégiques. Ceux qui doivent être protégés ne sont pas le gouvernement mais les travailleurs, face au risque de recul suscité par l'impasse politique d'une coalition de forces qui les a désarmé contre leurs réels ennemis, en s'alliant avec eux dans l'illusion d'un développement capitaliste qui devait réaliser l'impossible : répondre aux demandes de tous (bourgeoisie et travailleurs).

     

    En dépit de l'actuelle hégémonie conservatrice sur le mouvement, la question est loin d'être résolue. Mais le fascisme ne sera vaincu et l'orientation du mouvement ne pourra être socialiste que si les travailleurs montent en première ligne de la lutte, de façon organisée, à travers les syndicats les mouvements populaires combatifs et opposés à l'ordre dominant.

     

    La seule façon d'éviter la germination fasciste est de renforcer une réelle alternative à gauche et socialiste pour que le Brésil abandonne les illusions d'un développement concerté avec la bourgeoisie monopoliste et le fétiche d'un ordre démocratique abstrait qui réconcilierait toutes les classes en lutte, réaffirmant la nécessité d'un gouvernement populaire.

     

    Quel que soit le scénario, avancée ou recul, le front de la gauche socialiste et anti-capitaliste doit construire un programme commun, élaborer une convergence unitaire, privilégiant les efforts unitaires dans le mouvement de masse, pour éviter de n'être qu'une simple coalition électorale. Quand nous parlons de front de la gauche socialiste et anti-capitaliste, nous n'avons pas comme critère exclusif le registre électoral, mais nous intégrons les organisations politiques révolutionnaires non-institutionnalisées et les mouvements sociaux contre-hégémoniques.

     

    L'axe central pour instaurer un dialogue avec le mouvement de masse qui exprime de façon chaotique son mécontentement ne peut pas être une défense abstraite de l' « ordre et du calme » et une continuité de la même politique avec « plus de dialogue », mais une affirmation offensive que les demandes en termes d'éducation, de santé, de logement, de transport, contre les gaspillages de la Coupe du monde, les expulsions, la violence policière, les privatisations effrénées, l'endettement des familles, la précarisation des conditions de travail et la remise en cause des droits des travailleurs ne sont pas ne s'expliquent pas avec des affirmations moralistes contre la corruption, mais ce sont les conséquences attendues du parti-pris du développement capitaliste et du mythe selon lequel la croissance de cet ordre pourrait conduire en même temps à alimenter les profits des monopoles et à satisfaire les revendications populaires.

     

    Il est temps d'affirmer que la vie ne peut pas être garantie par le marché : santé, éducation, logement, transport et autres services essentiels ne peuvent pas être des marchandises, ce sont des droits et ils doivent être garantis par les fonds publics qui sont utilisés en ce moment d'abord pour subventionner et soutenir les grands monopoles capitalistes et les grandes banques.

     

    Ce changement exige de dépasser les limites de la démocratie bourgeoise qui désormais apparaît à visage découvert, une simple réforme politique pour maintenir les mêmes qui ont toujours été au pouvoir n'est pas suffisante. Il faut instaurer un véritable gouvernement populaire qui s'appuie sur des formes de démocratie directe et donne la parole à la majorité de la société et, principalement, aux travailleurs.

     

    Le PCB, qui n'est pas intimidé par les menaces de la droite, restera dans la rue, aux côtés des forces de gauche anti-capitalistes et populaires, et portera bien haut ses mots d'ordre :

     

    • Le fascisme ne passera pas !

     

    • Non à la criminalisation des mouvements populaires !

     

    • Démilitarisation de la police !

     

    • Pour la nationalisation des transports publics, de la santé et de l'éducation, sous contrôle des travailleurs !

     

    • C'est nôtre pétrole !

     

    • Pour un front de la gauche anti-capitaliste !

     

    • Pour un gouvernement populaire !


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  • « Partenariat social » et droits syndicaux en Suisse : La liberté ne s'use que...


    Lors d’une conférence presse en prélude à la 102e Conférence de l’Organisation internationale du Travail (OIT), les syndicats suisses ont présenté deux exemples d’"étranglement d’une grève légitime" par les employeurs :  les cas de SPAR et de La Providence, qui soulignent pour les syndicats la nécessité d'une protection des droits syndicaux, et en particulier d'une protection contre  les licenciements de militants syndicaux, pour crime, précisément, d'être militants syndicaux. Et, pire, d'avoir parfois fait grève (la grève étant pourtant un droit reconnu, même avec des pincettes, par la constitution fédérale...). La Suisse reconnaît les libertés syndicales, oui. Mais elle les reconnaît que comme on reconnaît quelqu'un ou quelque chose dont on a vaguement entendu parler.


    Des princes qui nous gouvernent et des patrons qui gouvernent ces princes...

    Chez SPAR à Dättwil, s’est déroulée récemment la plus longue grève que le commerce de détail ait connue en Suisse. A l'origine de cette grève : des salaires de « travailleurs pauvres » (3600 francs par mois), un personnel insuffisant à assumer les tâches qui lui sont demandées, et donc une pression constante sur les employés, des heures supplémentaires excessives, des arrêts maladie... Après sept jours de grève, la direction s'était déclarée favorable à des négociations avec les employés et les syndicats, qui ne cessaient de les réclamer, mais  elle les a rapidement rompues, sans justifications, a refusé de prendre en compte la moindre proposition des employés ou de leur syndicat (unia) et, au onzième jour de grève, a licencié onze employé(e)s avec effet immédiat.
    Et SPAR Dättwil n’est pas un cas isolé. A l’hôpital de La Providence, à Neuchâtel, 22 grévistes ont été licenciés. Le recours à la grève répondait à la dénonciation de la convention collective de travail et et à la dégradation de leurs conditions de travail.  Ici aussi, la direction s'est contentée d'une réponse du genre «obéis ou prend la porte», en  foulant aux pieds les droits syndicaux garantis par l’OIT et la Constitution fédérale. Ici aussi, le droit de grève est vidé de son sens et le partenariat social remplacé par l'ukaze. Le syndicat SSP avait demandé une suspension juridique des licenciements, mais  la législation suisse permet à l'employeur de licencier qui il veut, quand bon lui semble et sans avoir à donner de motifs. Le SSP a donc porté plainte contre la Suisse devant l’OIT, puisque la Suisse, en admettant ce type de licenciements, viole les conventions de l'OIT, et ne manifeste guère d'intentions de mettre son droit en cohérence avec ces conventions. L’Union Syndicale Suisse avait déjà porté plainte contre la Suisse devant l’OIT, il y a une décennie, pour violation des conventions 87 et 98 de l’OIT, que la Suisse avait ratifiées. Au cœur de cette plainte se trouvait déjà la très faible protection contre le licenciement des salarié(e)s actifs syndicalement. L’USS avait suspendu sa plainte après que le Conseil fédéral ait annoncé une révision du Code des Obligations, qui aurait dû s’attaquer à ce problème, mais, sous la pression du patronat, le Conseil fédéral a gelé cette révision. En conséquence de quoi l’USS a réactivé sa plainte auprès de l’OIT.

    Les licenciements antisyndicaux sont en absolue contradiction avec le «  partenariat social » que la Suisse officielle, y compris la Suisse patronale, célèbre rituellement comme l'un des piliers de son fonctionnement, et comme la légitimation de la «  paix du travail ». Aucune négociation réelle ne peut se tenir si l'un des « partenaires » de la négociation peut se permettre de licencier l'autre, c'est-à-dire de l'exclure de la négociation. Or il n'y a actuellement en Suisse pratiquement aucune limite au droit absolu de l'employeur de licencier, pour autant qu'il respecte les formes.


    L'Union Syndicale Suisse proclame que « les entreprises ne doivent plus être ces zones dans lesquelles on laisse au vestiaire ses droits démocratiques en même temps que son pardessus ». Mais depuis combien de temps la fait-on nôtre, cette revendication d'un minimum de démocratie dans les entreprises, et d'un minimum de respect de droits -les droits syndicaux- que les «  princes qui nous gouvernent » et les patrons qui gouvernent ces princes ne font mine de considérer comme des droits fondamentaux qu'avec l'intention d'en empêcher l'exercice ?

    http://causetoujours.blog.tdg.ch


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  • Social-Eco - le 27 Juin 2013

    Le "jeu de dupe" d'IBM

    Arnaud Montebourg a confirmé lundi dernier l'implantation d'une filiale d'IBM à Lille, avec 700 créations d'emplois à la clé.  La CGT dénonce un tour de passe-passe de la part d'une entreprise qui, depuis 1992, a méthodiquement détruit 73% de ses emplois. Entretien avec Jean-Michel Daire, doyen de l'entreprise et délégué syndical CGT.

    IBM promet de créer 700 emplois à Lille. Pourquoi dénoncez-vous cette implantation?

    Jean-Michel Daire : C'est un jeu de dupe car il faut comparer la promesse de création de 700 emplois à l'horizon 2016-2018 avec la politique salariale menée par IBM. Rien que cette année, 8% des effectifs vont être mis à la porte, et l'entreprise promet le même nombre de suppressions de postes pour 2014. En 2010, la direction d'IBM Corps s'est donnée comme objectif de faire monter le dividende par action de 5$ à 11$ en cinq ans, ce qui, grosso-modo, signifie doubler les bénéfices. 2015 s'approche, les plans sociaux et les départs anticipés se multiplient.

    Pourtant, IBM crée un centre de service à Lille. En quoi cette filiale sera, selon vous, "low-cost"?

    Jean-Michel Daire : Cette filiale sera low-cost car le coût salarial devrait être inférieur à 40% par rapport à IBM France. Pour réduire les coûts, la direction d'IBM s'est débrouillée pour que la filiale soit une holding venant des Pays-Bas. C'est bien plus intéressant fiscalement. A côté de ça, elle sera aidée par les collectivités territoriales.

    Pourtant, Arnaud Montebourg a assuré que l'Etat n'avait pas payé IBM pour l'installation du complexe à Lille.

    Il joue sur les mots. L'état participera notamment à travers le crédit d'impôt compétitivité [introduit le 1er janvier 2013, il équivaut à une baisse de cotisations sociales, sous la forme d'une réduction d'impôt ndlr.]. En plus, la région de Lille participe à la formation complémentaire des jeunes embauchés, grâce à de nombreux contrats aidés et des apprentis. Montebourg cherche juste à nous endormir.

    A lire aussi :

     

    C.A


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  •  
    BASTA !

    http://www.bastamag.net/article3159.html

    Santé

    Remboursement de soins : comment mutuelles et assurances peuvent abuser de votre crédulité

    Par Benoît Lorentz (27 juin 2013)

    Vous pensiez être pris en charge à « 100% » ? Mais vous ne comprenez plus grand-chose aux taux de remboursement que pratique votre complémentaire santé ? Normal. Mutuelles et assurances débordent de créativité pour que leurs clients ne s’y retrouvent pas, avec des prises en charge alléchantes sur le papier assorties d’options en tout genre. Petit décryptage, pour mieux comprendre ce que votre assurance ne vous dit pas, et s’apercevoir que, finalement, la Sécurité sociale est bien meilleur gestionnaire.

    Votre complémentaire santé promet une prise en charge à 100 % de votre couronne dentaire. Et vous payez pourtant plus de 300 euros de votre poche... Votre monture de lunettes est remboursée à 1500 %, indique votre mutuelle ? Elle vous versera 42,60 euros, alors les montures coûtent plus de 60 euros. Deviner combien vous serez remboursés pour vos dépenses de santé semble relever du coup de chance, voire de la divination. Entre les pourcentages de prise en charge, les franchises, les dépassements d’honoraires éventuels, l’offre de remboursement de votre complémentaire santé – mutuelles ou assurances – est loin d’être limpide. Du coup, il est impossible de faire des comparaisons avec l’offre du concurrent. Le système français des remboursements de santé est-il si complexe ? Ou cette complexité est-elle savamment entretenue ?

    Mutuelles et assurances interviennent en complément du régime obligatoire de sécurité sociale. Avec un mode de cotisation différent : alors que vous cotisez pour la sécurité sociale au prorata de votre revenu, les tarifs des complémentaires varient aujourd’hui selon l’âge de l’assuré. Résultat : les prix grimpent à 1241 euros par an en moyenne pour les personnes de plus de 80 ans, censés dépenser plus en matière de santé [1]. Autre différence : la Sécurité sociale délivre les mêmes prestations à tous ses assurés, alors que chaque assureur privé propose plusieurs offres, plusieurs tarifs, avec maintenant de plus en plus d’options. Ce qui les rend encore plus illisibles.

    Calculer ses remboursements : mode d’emploi

    Comment s’y retrouver ? Prenons un exemple, pioché sur le site d’un assureur, la Maaf. Le tableau ci-dessous présente les taux de remboursement pour la consultation d’un médecin généraliste, selon que l’on a choisi le niveau 1 ou 4 de l’offre de santé :

    Doit-on comprendre que dans le 1er cas, on sera remboursé intégralement ? Et, dans ce cas, que signifie un remboursement à 200% ? Il faut se référer à trois notes de bas de page, écrits en tout petits caractères, pour en comprendre le contenu ! BR signifie « base de remboursement ». Pour une consultation de médecin généraliste, la BR est de 23 euros. Mais ce serait évidemment trop compliqué de le préciser directement ! Pourquoi faire simple... Deuxième piège : l’indication « 100 % BR » ne signifie pas que vous serez remboursé de ces 23 euros. La seconde note précise qu’il faut soustraire la participation forfaitaire – un euro non remboursé par consultation – créée par le bon docteur Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, pour « responsabiliser » les patients.

    Dans la langue des complémentaires santé, 100 % BR signifie donc 22 euros... C’est ce que vous rembourseront la Sécurité sociale (à 70 %) et votre complémentaire (pour les 30% restants). A condition cependant d’avoir bien respecté le « parcours de soins » ! C’est-à-dire d’avoir consulté votre médecin traitant et non un autre médecin (ce que ne peuvent pas faire les 15 % de Français qui n’ont pas déclaré de médecin traitant). En dehors de ce parcours de soin, précise une autre note de bas de page, vous ne serez remboursé au total que 12,80 euros pour une consultation (voir le calcul en note [2]). Soit moins de 56 % du coût de la consultation. Et ce calcul ne tient pas compte des éventuels dépassements d’honoraires du médecin.

    Ce que votre complémentaire santé ne dit pas

    Le niveau 4 de cette complémentaire est plus cher, mais prendra en charge une partie des dépassements d’honoraires. Ce qui peut parfois être utile : l’accès à un gynécologue ne pratiquant pas de dépassement d’honoraires est difficile pour 80 % de la population française, selon une étude de Que Choisir [3]. La prise en charge à « 200 % BR » correspond à 45 euros (deux fois 23 euros, moins la franchise d’un euro). Hors parcours de soins, le montant se réduira à 35,80 euros (voir le savant calcul en note [4]). Par comparaison, à Paris, le montant moyen d’une consultation pour un médecin spécialiste de secteur 2 – c’est-à-dire autorisé à faire des dépassements d’honoraires – est de 43,6 euros. Ne serait-il pas plus clair d’écrire directement le montant maximum des remboursements dans le tableau d’offre de soins ?

    Autre exemple, trouvé sur le site de la Mutuelle de la Police nationale : Il faut ici deviner que les prothèses auditives peuvent coûter plus de 100 % de la base de remboursement. Le montant de celle-ci n’est pas indiqué. Pour les appareils les plus courants, ce 100 % correspond à 199,71 euros. Et 170 % équivaut à 339,50 euros. Le coût moyen d’un appareil auditif était de 1475 euros en 2008 [5]. Donc, même si vous avez pris l’option Solidum, le top du top de cette mutuelle, il vous restera plus de 1000 euros à régler de votre poche. Pour chaque oreille. « Total prestation à 100% » écrivent-ils...

    Vous avez lu prise en charge à « 1000 %» ?

    Dans ce labyrinthe, bon courage pour arriver à comparer les services ! En plus de la multiplication des offres qui rendent illisibles les tableaux de remboursement, les assureurs ont inventé un autre système : les options. Optique, dentaire, hospitalisation : de plus en plus d’offres de santé proposent d’ajouter des prestations à ce que vous auriez dû normalement percevoir. Mais en matière d’assurance santé, les options, c’est comme le loto : mathématiquement, le meilleur moyen de gagner est de ne pas jouer. Prendre une option, c’est tenter de jouer contre l’assureur en se disant : « J’aurai besoin de lunettes cette année donc je prends l’option optique à 5 euros par mois ». Sauf que celui-ci a largement anticipé votre comportement. Et c’est lui qui fixe les tarifs, donc la règle de ce jeu.

    Pour un assureur, plus la population couverte est importante, plus le risque est dilué, et donc moins l’assurance coûte cher. Ces options sont souscrites par un petit nombre de personnes qui vont très probablement les utiliser. Elles seront donc toujours plus chères que le surplus de prestations qu’elles vous apporteront. Exemple : l’option optique à 5 euros par mois – qui vous aura donc coûté 60 euros en un an – vous permettra de bénéficier d’un bonus de prise en charge de 1000 %. Génial !? Non : vous serez remboursé de 22,90 euros pour un verre de lunettes courant. Car la base de remboursement d’un verre simple pour adulte est de 2,29 euros. 1000 % c’est donc 10 fois la base de remboursement, soit 22,90 euros.

    Une illisibilité choisie ou subie ?

    Qui est responsable de cet embrouillamini ? L’assureur, par sa présentation et ses astuces d’épicier, ne favorise pas la compréhension. Mais les mesures empilées par le législateur depuis 10 ans compliquent aussi l’exercice. Depuis les réformes Douste-Blazy en 2004, les gouvernements successifs ne s’attaquent plus directement aux taux de prise en charge de la Sécurité sociale, qui n’avait cessé de diminuer. Ils procèdent plus discrètement : franchises ou changements de niveau de remboursement de certains types de médicaments (couleur de la vignette)... Dans les deux cas, c’est l’assuré ou la complémentaire santé qui paient la différence.

    Ces réformes – menées comme toujours pour « sauver la Sécu » ! – ont abouti à réduire le périmètre de prise en charge « universelle ». En cinq ans, les Français ont vu leurs dépenses de santé augmenter de 16 %, indique l’UFC-Que Choisir en 2011. Un bond de 571 euros à 665 euros par an par personne, en additionnant cotisation au régime complémentaire et dépenses de soins non remboursées. « En 2004, la Sécurité sociale finançait 78,3 % de la dépense de soins et biens médicaux. En sept ans, la part du financement de la Sécurité sociale a diminué de 1,6 points et s’établit à 76,7 % en 2011 », détaille la Mutualité française. Coup double pour les fossoyeurs de la sécurité sociale : celle-ci rembourse moins, et plus personne ne comprend quoique ce soit à ces remboursements... Les prochaines réformes et les prochains transferts passeront plus facilement : personne ne défend ce qu’il ne comprend pas.

    La Sécurité sociale plus compétitive que le privé

    Est-il possible de rendre plus lisibles les offres de santé ? La situation ne s’est guère améliorée ces dernières années dénonce le Collectif Interassociatif sur la Santé (Ciss), une association de patients. Et ce, malgré les engagements sur le sujet, en 2010, de l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (Unocam). « Les usagers constatent plutôt les onéreux moyens développés pour la promotion publicitaire des complémentaires, que leurs efforts pour faire progresser la comparabilité des garanties en regard d’un prix donné », déplore le Ciss.

    La concurrence entre les acteurs, loin de faire baisser les prix, coûte beaucoup d’argent à la collectivité. Les complémentaires santé font payer à chacun de leurs assurés 126 euros par an de frais de fonctionnement, rappelle Que choisir. Dont 40 euros rien que pour le marketing ! Alors que la Sécurité sociale assume cinq fois plus de remboursements que les complémentaires santé, les coûts de fonctionnement sont quasiment identiques : environ 7 milliards d’euros par an.

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    Source : Drees, Autorité de contrôle prudentiel

    La sécurité sociale est donc bien meilleure gestionnaire que les acteurs privés, qui tentent de séduire les consommateurs de soins à coups de campagnes marketing. Les Français payent tous les ans plus de 2,2 milliards d’euros pour le marketing des complémentaires santé. C’est sans doute avec cet argent que les assureurs travaillent à rendre les offres de soin encore plus illisibles !

    Benoît Lorentz

    Photo : © Gael Kerbaol

    Notes

    [2La Sécurité sociale rembourse 70 % d’une consultation médicale effectuée dans le cadre du parcours de soin, moins un euro forfaitaire. Et la complémentaire prend en charge les 30 % restants (si l’on a souscrit à une offre remboursement 100% BR !). Hors parcours de soin, ce taux de prise de charge par la Sécu est de 30%. La complémentaire prend toujours en charge 30%. Le taux de prise en charge total est donc de 60% de 23 euros, moins l’euro forfaitaire. Soit 12,80 euros.

    [4La Sécurité sociale prend en charge 30% de la base de remboursement, hors parcours de soins, au lieu de 70% dans le parcours de soins. « 200% BR » correspond donc en réalité à 130% pris en charge par la complémentaire. Un petit calcul : 130% pour la complémentaire + 30% pour la Sécu, soit 160% x 23 euros = 36.8 euros. Moins un euro forfaitaire : 35,8 euros.

    [5Source


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  •  http://edwige.roland.pagesperso-orange.fr/troisieme/annees30/allemagne/incendie.jpg

     

    Depuis deux jours, Canaille le Rouge était discrètement resté sur sa réserve attendant que la beaudruche se dégongle. Mais comme à RTL, il faut dire la vérité.

     

    Les bandes vidéo en témoignent : l'incendie du Reichstadt, c'était Clément Meric.

     

    L'absence de vidéo fiable interdit de dire que la bombe de la Rue Copernic, c'est le même.

     

    Rien actuellement dans les archives ne dédouane l'activiste de gauche dans l'assassinat du "petit Grégory" (qui doit avoir quelque mois de plus que n'en avait Clément Meric au moment de son assassinat).

     

    Certes les preuves sont si tenue que même la police reste prudente.

     

    Pourtant si la cousine d'une secrétaire de la boite d'intérim où travaille un vigile qui dit avoir vu les bandes le dit à RTL, vous n'allez pas douter quand même ?

     

    RTL qui en juin 1967 avait fait un flash spécial annonçant que Nasser attaquait Israël.

     

    Bientôt ils la victime vont l'accuser de s'être jeté violement contre un poing américain du tueur pour jeter l'anathème sur les honorables adorateurs de la filière troisième Reich.

     

    Trêve d'ironie de mauvais goût. Il va falloir réussir à faire taire les hauts parleurs du négationnisme. Dans la même séquence, silence des mêmes média siongulièrement la chaine de la Bayard sur les deux autres auteurs de crimes, organisé par la même faction, la première victime s'est jetée sur un poignard pour nuire à celui qui le brandissait (condamné à 4 ans ferme pour cela et président du comité de soutien au tueur de paris)? Le deuxième, il faisait du fétichisme avec les battes de base-ball tenu par son bourreau (celui qu'on retrouvera planqué à la mairie de Bollène) ?

     

    http://www.humanite.fr/sites/default/files/imagecache/une_article_vertical/meric4_0.jpg

    Callomniez, callomniez il en restera toujours quelque chose. Que ce soit de Voltaire,     Bacon ou Beaumarchais la maxime reste toujours d'actualité.

     

    C'est une des vieilles méthodes de la réaction française qui pour desserrer l'étau qui la coince : salir les victimes pour faire absoudre ses tueurs. 

     

    Cela rappelle la manif des sidérurgistes de 1983 quand le brigadier Kayser disait au juge que rue Lafayette les militants de la CGT arrachaient les grilles d'arbre pour les jeter sur la police ...Il n'y a jamais eu ni grilles ni arbres rue Lafayette. Ou encore c'est Le Pen disant qu'Oradour n'aurait pas eu lieu si la Résistance n'avait pas attaqué l'armée nazie.

     

    Voila comment les média pour au mieux faire de l'audimat ou au pire participer à la guerre idéologique, participent à une opération où salir la victime est un sport national qui s'inscrit dans la lignée d'un Papon et Frey disant des morts de Charonne qu'ils avaient agressé les CRS.

     

    La police à fait part de ses distances avec ces pratiques. A positivement noter. Dès que son ministre de tutelle aura donné ses appréciations sur la question, Canaille le Rouge ne manquera pas de vous informer. Mais peut-être faudra-t-il attendre. Ses enquêtes sur les divers comptes en Suisse dans l'actualité doivent mobiliser beaucoup de son énergie.

     http://canaille-le-rouge.over-blog.com/article-bonnes-vieilles-methodes-fascistes-papon-apres-goebbels-y-excellait-118723670.html


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  • L’histoire de l’explosion de la gauche

     

    La question de l’allégeance des principaux partis de gauche occidentaux au néo-libéralisme ne peut pas s’expliquer simplement par la trahison de ses élites. Chaque mouvement politique doit en effet s’appuyer sur une base sociologique forte, s’il veut espérer jouer un rôle important dans le futur. La question de l’effritement de la base sociologique des principaux partis de gauche occidentaux ayant permis la mise en place de systèmes sociaux pendant les « 30 glorieuses » se pose donc. Le professeur Eric Hobsbawm nous livre sa version des faits.

     

    Le destin de la gauche est indiscutablement lié à la classe la plus représentative des combats sociaux qu’est la classe ouvrière. Le déclin de la gauche doit donc être mis en parallèle avec celui du déclin de la classe ouvrière. Statistiquement Eric Hobsbawm montre que le nombre d’ouvriers a commencé à décroitre dans les pays occidentaux à partir du début des années 80. Cette période correspond assez bien à la prise de pouvoir de dirigeants néolibéraux à la tête des principales puissances occidentales. Il est cependant précisé que ce déclin a commencé dès le milieu des années 60 aux Etats-Unis.

     

    Le déclin de cette classe ouvrière n’est pas uniquement lié à l’aspect quantitatif mais également à l’émergence de nouvelles industries et de statuts différenciés. En réalité les grandes industries minières, sidérurgiques ou textiles ont quitté les grands foyers industriels occidentaux ou se sont réorganisées. Ainsi de vastes mouvements de délocalisation ont transféré des unités de production telles que les industries textiles de masse de l’occident vers des économies émergentes. De plus les industries ayant perduré sur le territoire se sont restructurées en des industries plus petites et éparpillées sur le territoire.

     

    En conséquence, les grandes industries de masse construites autour d’une chaîne de production ont progressivement disparu. Elles étaient pourtant le fondement même de la puissance du mouvement ouvrier soudé par l’unicité de leur lieu de travail et de leur lieu d’habitation en un mot par leur condition. L’amélioration de ces conditions de vie ne pouvait passer que par le mouvement collectif. L’individu n’était rien sans le groupe. C’est ainsi qu’était né la conscience de classe qui avait permis de nombreuses avancées sociales. Mais au-delà, la vie ouvrière devait être essentiellement publique tant l’espace privé était confiné. Le groupe était l’occasion de profiter des plaisirs de la vie, qu’il s’agisse des bars, des soirées dansantes ou plus tard des matchs de football retransmis à la télévision. La force du militantisme et du syndicalisme était basée sur cette conscience collective.

     

    Malheureusement, le progrès technologique contribua à détruire cette conscience de classe. La société de consommation permis à de nombreux ouvriers de s’offrir une radio et une télévision, ce qui permit de rendre plus attractive la vie privée et par conséquent à affaiblir la vie collective. Les ouvriers commencèrent à se demander s’il était utile de se déplacer jusqu’au bar pour regarder un match qu’ils pouvaient voir de chez-eux. Mais l’un des principaux coups porté à la classe ouvrière est certainement lié à l’automatisation de l’industrie. Ainsi les tâches effectuées par les ouvriers non qualifiées commencèrent à être exécutables par des robots, ce qui fragilisa la situation de ces derniers. Ainsi, une scission commença à apparaitre au sein même de la classe ouvrière. Les ouvriers les plus qualifiés et les contremaîtres voyaient leur situation continuer à s’améliorer et se laissèrent séduire par les thèses néolibérales proposant de réduire le système de protection sociale afin de payer moins d’impôts. Avec le recul du syndicalisme, les inégalités entre ouvriers non qualifiés et ouvriers qualifiés devinrent plus importante qu’un siècle auparavant.

     

    Cette fracture au sein même de la classe ouvrière provoqua l’affaissement des partis de gauche qui furent écartelés entre un basculement néolibéral pour satisfaire les ouvriers les plus qualifiés et la conservation de leurs idées pour rester favorable aux ouvriers les moins qualifiés. Dans le même temps, le développement d’une immigration de masse favorisa le basculement de la fracture de la classe ouvrière sur la question ethnique. Ce phénomène se développa d’autant plus facilement avec l’affaiblissement du militantisme et du syndicalisme qui permettaient de limiter les pensées racistes. Le fait que les groupes d’immigrés aient des droits équivalents ou inférieurs aux ouvriers locaux générait dans les deux cas de fortes tensions. Le fait d’avoir moins de droit empêchait de facto l’adhésion à une conscience collective pour les ouvriers d’origine étrangère. Le fait d’avoir autant de droits pouvait poser des problèmes aux ouvriers locaux qui supportaient mal de pouvoir se faire commander par des ouvriers immigrés.

     

    En résumé l’émergence de fractures au sein même de la classe ouvrière ainsi que de la société de consommation qui rapprochait certains membres du prolétariat des classes supérieures, ont mis fin à une conscience de classe collective, où l’individu ne pouvait espérer une amélioration de sa condition que par l’organisation collective. A l’arrivée le militantisme et le syndicalisme sont entrés en crise, ce qui a fragilisé les couches les plus précaires de la société. La gauche a été frappée de plein fouet par cette évolution. Faute d’avoir su conserver l’unité de la classe prolétaire, elle a été contrainte de choisir entre l’adhésion ou non au néolibéralisme, ce qui a provoqué une scission. Cette question est devenue d’autant plus problématique lorsque des aspects ethniques sont venus se mêler à ces considérations. Un pays comme la France est le parfait exemple de cette situation avec un PS soumis au néolibéralisme, un FDG qui le refuse et une droite et une extrême droite qui se laissent de plus en plus séduire par les questions d’ordre raciales.

     

    Theux

    http://lespoir.jimdo.com/2013/06/23/l-histoire-de-l-explosion-de-la-gauche/


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  • « Big business avec Hitler »

    « Hitler a comblé les attentes qu’industriels et banquiers avaient placées en lui. En effet, il réalisa tous les points de leur “programme ” plus diligemment, plus complètement et plus impitoyablement qu’ils n’auraient osé le faire eux-mêmes ». La 4e de couverture du livre « Big Business avec Hitler » résume bien la démonstration implaquable de Jacques Pauwels, l’auteur du livre. Extraits.

    Au cours de l’été 1943, la moitié des quelque cinq mille travailleurs de Ford à Cologne étaient des travailleurs (et des travailleuses) étrangers mis au travail de force. On est loin de cette pub idyllique… (Photo Ford Werke AG Köln 1939)

    La politique d’Hitler, que ce soit au niveau économique, de la répression des droits démocratiques ou de la guerre elle-même, a été du pain bénit pour les grands industriels allemands. Et pour cause : Hitler n’aurait jamais pu accéder au pouvoir sans le soutien de l’élite économique de l’époque. Dans son livre publié récemment en français aux éditions Aden, Jacques Pauwels montre les relations qui unirent d’une part le monde des affaires en Allemagne et aux États-Unis et d’autre part Hitler, le NSDAP puis le régime nazi. Le big business, c’est ainsi que Pauwels choisit de nommer le « grand capital », a soutenu Hitler de ses premiers pas en politique jusqu’à la guerre. Le régime nazi allait d’ailleurs faire grimper les profits du big business de façon vertigineuse. Comment ? D’abord par l’augmentation des commandes de l’État en vue de préparer la guerre. Ensuite, en diminuant les salaires, en allongeant la durée de la journée de travail et en recourant au travail gratuit des déportés de camp de concentration. Solidaire publie un extrait du livre qui revient sur l’exploitation organisée par le régime nazi tout en insistant aussi sur le profit réalisé par le capitalisme américain qui a entretenu de cordiales relations avec l’Allemagne entrée en guerre.

    De très bons profits

    En 1943, les autorités nazies rapportèrent que depuis le début du conflit non seulement Ford-Werke, Opel et Singer mais d’autres firmes américaines telles que Kodak et Hollerith (IBM) avaient « gagné beaucoup d’argent », et même que les profits des filiales américaines avaient « atteint des sommets ».
    Comme les entreprises purement allemandes (…), les filiales allemandes des grandes entreprises estrangères semblent avoir continué à réaliser d’importants bénéfices presque jusqu’à la fin de la guerre. En 1943 encore, l’année de la catastrophe de Stalingrad, on rapporta que les profits des filiales américaines et britanniques en Allemagne restaient « très bons ». Et il s’agissait bien de bénéfices après impôts. En effet, les autorités nazies examinèrent longuement la possibilité d’écrémer ces bénéfices, mais y renoncèrent finalement au début de 1945 en évoquant des raisons « techniques ».
        Tandis que, dès le début de la guerre, les nazis s’attaquèrent aux salaires des ouvriers, ils s’efforcèrent, jusqu’à la fin de la guerre, de favoriser les bénéfices des entreprises, notamment en s’abstenant de prélever des impôts appropries. Autrement dit, tout au long de la guerre, les nazis continuèrent à faire ce qu’ils avaient commencé en 1933, à savoir ce que le big business avaient attendu d’eux : augmenter la part du capital, et diminuer la part du travail, du produit social.

    Gel des salaires

    Un des facteurs de cette rentabilité élevée fut sans conteste la politique d’emploi régressive du régime nazi et l’emploi massif de travailleurs forcés. Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis avaient liquidé les syndicats et transformé la classe ouvrière allemande, naguère si militante, en un « troupeau de moutons » impuissant et soumis. De ce fait, les salaires réels en Allemagne baissèrent, entre 1933 et 1939, alors que les bénéfices augmentèrent à l’avenant. La pénurie de main-d’œuvre pendant la guerre, conséquence de la mobilisation de millions de travailleurs, aurait dû aboutir à une hausse des salaires, comme ce fut alors le cas aux Etats-Unis ou, du moins, à des salaires en phase avec la hausse des prix. Sur le « marché de l’emploi » comme sur tous les marchés, le prix du produit est en effet déterminé par le rapport entre l’offre et la demande. Si l’offre de l’emploi baisse, son prix, celui des salaires donc, doit augmenter. Ce ne fut toutefois pas le cas. Le régime nazi intervint en effet au détriment des ouvriers et des autres salariés. Le 4 septembre 1939 déjà, quelques jours à peine après le déclenchement de la guerre, les nazis gelèrent les salaires et les prix – prétendument pour empêcher qu’on ne pût profiter de la guerre. Dans la pratique, les prix continuèrent à varier. Dans le courant de la guerre, les heures de travail furent systématiquement étendues partout, car les chefs d’entreprises avaient insisté, et c’est un euphémisme, auprès de Berlin, pour obtenir « des dispositions aussi élastiques que possible sur le plan des horaires de travail ».
        Dans les filiales allemandes des sociétés américaines aussi, il fallait travailler plus longtemps pour des salaires plus bas. Nous savons que chez Opel et chez Singer, par exemple, les travailleurs furent mis au travail au moins 60 heures par semaine à partir de mai 1940. En même temps, leurs salaires furent diminués, ce qui, chez Opel, déclencha des protestations contre ce « vol salarial », comme l’appelaient les travailleurs. Malgré cela, la semaine de travail à Rüsselsheim ne cessa de s’allonger et, fin 1942, les travailleurs durent même s’échiner 66 heures par semaine.

    Travail forcé

    Pendant la guerre, les investissements américains en Allemagne furent donc très rentables aussi parce qu’ils tiraient avantage du système nazi des bas salaires et, plus encore, des longues plages de travail. Ces conditions de travail pénibles furent le sort des travailleurs allemands, dont le recrutement était de plus en plus malaisé du fait qu’ils étaient de plus en plus nombreux à devoir servir de chair à canon. Dans les usines, ils allaient surtout être remplacés par des travailleurs forcés. On pouvait faire travailler ces derniers encore bien plus longtemps, on ne devait (presque) pas les payer. Cela représentait un gain considérable. Les entreprises allemandes comme les filiales allemandes des grandes firmes américaines en profitèrent.
        La pénurie allemande de main-d’œuvre devint permanente après la faillite, catastrophique pour le Reich, de la guerre éclair en Union soviétique, fin 1941. Ce tournant dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale empêcha les travailleurs mobilisés de quitter le front après une campagne qui n’aurait pas dû excéder quelques mois, comme on l’avait prévu à Berlin, afin de retourner dans les usines. Les nazis eurent alors massivement recours aux travailleurs étrangers qui, dans bien des cas, durent être déportés afin d’être mis au travail en Allemagne dans des conditions sou- vent inhumaines. Accompagnés par des centaines de milliers de prisonniers de guerre soviétiques ou français ainsi que d’innombrables détenus des camps de concentration, ces travailleurs étrangers allaient former une armée gigantesque de main-d’œuvre qui pouvait être engagée par n’importe quel employeur à même de les utiliser. En échange, l’employeur devait payer une somme plutôt modique à la SS, qui se chargeait de faire régner la discipline parmi ces esclaves, car il s’agissait bel et bien d’une forme d’esclavage.

    Cupidité des filiales américaines

    Comme quasiment toutes les grandes entreprises allemandes, les filiales des grandes entreprises américaines recoururent elles aussi avec cupidité aux « esclaves » mis à leur disposition par les nazis. La Yale & Towne Manufacturing Company, établie à Velbert en Rhénanie, par exemple, profita de « l’aide de travailleurs d’Europe de l’Est » afin de faire des « bénéfices considérables », et Coca-Cola tira parti de l’embauche de travailleurs étrangers aussi bien que de prisonniers de guerre dans son quartier général d’Essen et dans les nombreuses bouteilleries de sa filiale allemande. Kodak fit également un abondant usage de travailleurs forcés dans ses usines de Stuttgart et de Berlin-Köpenick.
        Chez Ford-Werke, il semble, dès 1941 – l’année où les travailleurs allemands, imitant les chevaliers teutoniques du Moyen Âge, partirent en croisade vers Ostland, « les terres de l’Est » –, la firme rechercha « avec zèle, agressivité et succès » d’engager aussi bien des travailleurs étrangers que des prisonniers de guerre. Au cours de l’été 1943, la moitié des quelque cinq mille travailleurs de Ford à Cologne étaient des travailleurs (et des travailleuses) étrangers mis au travail de force. Karola Fings, une chercheuse allemande qui a minutieusement étudié les activités de Ford-Werke pendant la guerre, a écrit que la filiale allemande tira de substantiels avantages de la politique nazie de bas salaires, mais qu’elle fit surtout accroître ses bénéfices en embauchant des Ostarbeiter, c’est-à-dire des travailleurs forcés de Pologne, d’Union soviétique et d’autres pays de l’Est. Ceux-ci devaient s’échiner au moins douze heures par jour (sauf le dimanche) et ne recevaient pas le moindre salaire. Ils étaient logés dans des camps de baraquements et ne recevaient que très peu de nourriture. Il paraitrait que le traitement subi par les détenus du camp de concentration de Buchenwald, qui furent engagés à Ford-Werke durant l’été 1944, fut pire encore.
        Opel ne recourut pas aux services de détenus des camps de concentration, du moins pas dans ses principales usines de Rüsselsheim et Brandebourg. La filiale allemande de General Motors avait toutefois un appétit insatiable pour d’autres formes de travail forcé, principalement les prisonniers de guerre. Selon la chercheuse allemande Anita Kugler, les caractéristiques principales de l’emploi de ce genre d’« esclaves », en majorité des citoyens soviétiques, dans les usines d’Opel, furent « une exploitation maximale, les pires traitements possibles et... la peine de mort, même dans le cas de petits délits ».

    (Les intertitres sont de la rédaction)

    Jacques R. Pauwels a étudié l’histoire à l’université de Gand. Ensuite, il a obtenu à Toronto (Canada) des doctorats en histoire et en sciences politiques. Il a enseigné dans plusieurs universités canadiennes et a publié des ouvrages dans plusieurs langues sur la Seconde Guerre mondiale et d’autres sujets historiques.
    Jacques Pauwels est également l’auteur d’un ouvrage de référence sur la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences, Le mythe de la bonne guerre (publié également aux éditions Aden).
    Plus d’info sur www.jackpauwels.net  (site en anglais) et www.aden.be



    Jacques R. Pauwels, Big Business avec Hitler, éd. Aden, 2013, 384 p., 20 euros.

    http://www.ptb.be/nieuws/artikel/big-business-avec-hitler.html


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  • Comment osent-ils ? , le film !

    Le best-seller sur la crise écrit par Peter Mertens, président du PTB, a fait l’objet d’un documentaire en cinq épisodes, visible gratuitement sur internet et désormais en version française. Passionnant, limpide, éclairant et… révoltant.

    Elisabeth Mertens

    Petite visite dans le riche quartier « Prince d’Orange », à Uccle, cornaquée par Marco Van Hees, le spécialiste fiscalité du PTB : depuis 2000, les 25 familles belges les plus riches ont multiplié leur fortune par 5… (Photo Docwerkers)


    Paru en néerlandais en 2011 (best-seller en Flandre) et en français aux éditions Aden, Comment osent-ils ? La crise, l’euro et le grand hold-up, de Peter Mertens se lit comme un thriller. Pieter De Vos, de la plateforme de production Docwerkers, en a tiré un documentaire en 5 épisodes (de chacun une dizaine de minutes) visible gratuitement sur internet. Depuis ce 24 juin, la version doublée en français par le journaliste Gérard De Sélys est désormais également accessible (la version en néerlandais a déjà été vue plus de 30.000 fois).

    Tout comme le livre, cette série explore la crise, ses causes et ses conséquences, ses gagnants et ses perdants. Et ouvre des pistes de réflexion pour le présent et l’avenir.

    La série s’ouvre sur Herman Van Rompuy qui reçoit en fanfare le prix Nobel de la paix au nom de l’Union européenne. Après le décorum, place aux explications du fonctionnement de cette Union confisquée par les puissances financières et industrielles. A Bruxelles, 4 500 lobbyistes sont accrédités au Parlement européen, soit 6 fois plus que de parlementaires…

    Le deuxième épisode, Plus d’austérité, tu meurs, montre les conséquences concrètes de cette politique sur la santé, le chômage, la précarité, l’exclusion. A Barcelone, un couple attend les huissiers qui vont venir les expulser de leur appartement. Comme dans bien des endroits d’Espagne, voisins, amis, militants sont là pour empêcher l’expulsion – une sur les 300 000 qui ont déjà eu lieu. Une journaliste grecque qui n’est plus payée depuis des mois explique que, dans le quartier bourgeois d’Athènes où elle habite, elle a vu, le soir, un de ses voisins tenter de se cacher dans l’obscurité pour fouiller les poubelles à la recherche de quoi manger…

    La crise ? Pas pour tout le monde. Le troisième épisode nous balade du yacht d’un armateur grec aux beaux quartiers d’Uccle, explications et chiffres à la clé. Depuis les années 1980, la politique fiscale a consisté en cadeaux aux grandes entreprises. En Belgique, les 1000 plus grosses sociétés paient en moyenne… 5% d’impôts. Depuis 2000, les 25 familles belges les plus riches ont multiplié leur fortune par 5.  

    Suit une visite au pays du « modèle » tant vanté par les libéraux : l’Allemagne, où 7 millions de gens vivent de « mini-jobs » à 5 ou 6 euros de l’heure, où le chômage s’apparente à un système de travaux forcés, qui détient le record du nombre de travailleurs pauvres.

    Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe de la concurrence et de l’inégalité ? Ou une Europe de l’égalité et de la solidarité ? C’est sur cette question et sur des pistes pour l’avenir que ce clôture la série.

    A voir sur internet: www.commentosentils.be.

     


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  • L’accord de « libre dumping » UE/USA : un faux AMI pire que le vrai

    25 juin 2013 par Jean Gadrey

    Tout le monde ne se souvient pas forcément de l’AMI, accord multilatéral sur l’investissement, négocié secrètement par 29 pays de l’OCDE entre 1995 et avril 1997. Proposant une libéralisation accrue des échanges, il entraîna de vives protestations et fut retiré en octobre 1998. Le projet actuel dit de « partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI) est bien pire.



    L’administration Obama pousse très fortement à cet accord, sous la pression des multinationales US actuellement à la peine. Elles ont essuyé un cruel échec en Amérique du Sud, un autre échec avec l’ACTA http://tinyurl.com/k663blt , mais remporté une victoire contre les peuples avec l’ALENA http://tinyurl.com/n2lmfpk . Ce projet est désormais leur grande affaire. Du côté européen, les libéraux qui dominent la Commission et la plupart des chefs d’État, y compris sociaux-démocrates, chantent les louanges d’un tel projet. Au nom de quoi ? Au nom de la croissance ! Toutes les « libéralisations » et dérégulations, toutes les suppressions des protections sociales ou écologiques, se font au nom de la croissance, alors que la seule croissance visée est en réalité celle des profits des transnationales, via une exploitation plus « libre » des humains et de la nature. C’est fantastique : cela fait plus de vingt ans qu’ils dérégulent tout ce qu’ils peuvent, et cela fait vingt ans que la croissance diminue en tendance pour devenir quasi-nulle.

    Un premier constat doit être fait : l’effet Dracula (il meurt si on l’expose à la lumière) a commencé à opérer, et ce n’est pas fini. Ce combat a toutes chances de voir converger nombre de syndicats et d’associations écologistes, citoyennes, altermondialistes, mais aussi le monde de la culture, celui de la petite et moyenne paysannerie, et bien d’autres qui ont compris que l’objectif n’est pas la coopération des peuples et le bien commun mais la loi de la jungle mondialisée et le profit privé.

    Le projet actuel de PTCI figure dans un « projet de mandat » de l’UE en date du 12 mars, à l’intention du Conseil européen. Il devait rester secret, mais il a fuité dès avril. Voir ce lien pour le texte intégral, traduit en français par un site militant. http://tinyurl.com/kbryxod

    Extrait : « L’accord devrait prévoir la libéralisation progressive et réciproque du commerce et de l’investissement en biens et services, ainsi que des règles sur les questions liées au commerce et à l’investissement, avec un accent particulier sur l’élimination des obstacles réglementaires inutiles. L’accord sera très ambitieux, allant au-delà des engagements actuels de l’OMC. »

    LES « BARRIÈRES COMMERCIALES » (1) : LES DROITS DE DOUANE

    Les « barrières » à lever concernent des droits de douane (DD) et surtout des règles et normes du commerce et de l’investissement, considérées par les néolibéraux comme les « obstacles » majeurs.

    Commençons par les DD. EN MOYENNE, ils sont faibles : 5,2 % pour l’UE, 3,5 % aux USA. Mais la moyenne est l’arbre qui cache la forêt des écarts. Ainsi, pour les seuls produits industriels, les DD sont en moyenne un peu inférieurs aux USA (2,2 % contre 3,3 %), mais par exemple ils sont proches de zéro aux USA pour les matériels de transport, dont l’automobile, alors qu’ils atteignent 7,8 % pour l’UE. La pénalisation de ce secteur européen serait forte.

    L’AGRICULTURE SERAIT TRÈS FORTEMENT FRAPPÉE. Les DD sont nettement plus élevés en Europe dans un grand nombre de secteurs essentiels (viande, produits laitiers, minoterie, sucres et sucreries…). L’agro-économiste Jacques Berthelot écrit ceci, dans un texte à lire intégralement (« La folie furieuse de vouloir intégrer l’agriculture dans un accord de libre-échange transatlantique UEEU ») http://tinyurl.com/oot3574 :

    « Les propositions du mandat de négociation « d’éliminer tous les droits sur le commerce bilatéral » entraîneraient UN SEISME ECONOMIQUE, SOCIAL, ENVIRONNEMENTAL ET POLITIQUE SANS PRECEDENT. C’est une perspective suicidaire, totalement opposée au développement durable que le mandat prétend se fixer comme objectif, un mensonge évident pour mieux faire passer le seul objectif réel d’ouverture totale des marchés dans le seul intérêt des multinationales et des marchés financiers. » Mais, ajoute-t-il, démonstration à l’appui, « les perspectives d’un tel accord, et déjà de l’ouverture des négociations, seraient désastreuses pour les pays en développement (PED), surtout pour les pays ACP (Afrique/ Caraïbes/ Pacifique) ».

    LES « BARRIÈRES COMMERCIALES » (2) : LES NORMES ET RÉGULATIONS

    C’est le risque majeur, car les normes et règles qui encadrent la production, le commerce et l’investissement dans un pays (ou un groupe de pays lorsqu’il y a des normes communes) sont un bon reflet de ce qu’une collectivité et/ou ses dirigeants considèrent comme juste et bon sur le plan social, écologique et économique. Un reflet des biens communs qu’ils estiment devoir « protéger » des appétits lucratifs. Abaisser ou supprimer des normes qui freinent le « libre » commerce et le « libre » investissement revient le plus souvent à réduire des garanties et des exigences de qualités : du travail et de l’emploi, des services et de l’intérêt général, des produits alimentaires ou industriels, etc.

    Pour l’agriculture, il existe en Europe des normes d’un niveau le plus souvent supérieur à celles qui existent aux Etats-Unis. « L’accord exposerait les Européens à laisser entrer les pires productions de l’agro-business états-unien : boeuf aux hormones, volailles lavées au chlore, OGM, animaux nourris aux farines animales. Sans parler du fait que les USA ont des systèmes peu contraignants de traçabilité. Et qu’ils ne connaissent pas les « indications géographiques protégées… Adieu les AOC et tout l’immense et patient travail de valorisation des produits qui vont avec » (Mélenchon).

    Et les services (près de 80 % de l’emploi en France) ? Il faut distinguer les services publics et les autres. J’évoquerai plus loin la culture, la finance et les assurances. LES SERVICES PUBLICS SONT DIRECTEMENT VISÉS : « l’accord concernera les monopoles publics, les entreprises publiques et les entreprises à droits spécifiques ou exclusifs ». L’accord vise ainsi « l’ouverture des marchés publics à tous les niveaux administratifs, national, régional et local ». Et il devra lutter contre l’impact négatif de barrières comme les « critères de localisation ». Impossible de promouvoir par exemple les services de proximité, dont ceux des associations, dans la fourniture des collectivités locales. L’enseignement et la santé ? Ce sont de grands marchés à étendre, dans un contexte dominé, aux Etats-Unis, par la puissance des hôpitaux et de l’enseignement privés à but lucratif.

    DES NORMES UE/US TRÈS FAVORABLES AUX FIRMES US

    Le problème est bien résumé par Mélenchon : « contrairement à ce qu’affirme la Commission… les États-Unis et l’Europe n’ont pas "des normes d’une rigueur analogue en matière d’emploi et de protection de l’environnement". LES ETATS-UNIS SONT AUJOURD’HUI EN DEHORS DES PRINCIPAUX CADRES DU DROIT INTERNATIONAL EN MATIERE ECOLOGIQUE, SOCIALE ET CULTURELLE. Ils ne souscrivent pas à plusieurs conventions importantes de l’OIT sur le droit du travail. Ils n’appliquent pas le protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique. Ils refusent la convention pour la biodiversité et les conventions de l’Unesco sur la diversité culturelle. Autant d’engagements souscrits par les pays européens… Un marché commun libéralisé avec les États-Unis tirerait donc toute l’Europe vers le bas… L’exemple vient du Bangladesh. Les trusts européens se sont accordé pour discuter des normes à appliquer, selon eux, à l’avenir… Les trusts yankees ne veulent entendre parler ni de ces discussions ni de normes d’aucune sorte. »

    Gérard Filoche complète ainsi : « En apparence, il s’agit de deux blocs économiques d’importance équivalente. La réalité est cependant bien différente, la confrontation opposerait un porte-avion et un chalutier. Les États-Unis sont un géant économique, politique et diplomatique, l’Union européenne est un géant économique mais un nain politique… Les Etats-Unis n’hésitent pas à verser toutes les aides publiques nécessaires au soutien de leurs « champions industriels ». Les articles 107 à 109 du traité de Lisbonne interdisent aux États membres de l’UE de verser des aides publiques aux entreprises… Les marchés publics des Etats-Unis sont réservés à 25 % à leurs PME. Un accord de « libre-échange » avec l’UE n’engagerait que l’Etat fédéral, pas les marchés publics des 50 Etats américains. La Commission européenne, de son côté, supprime à marche forcée toute restriction d’accès aux marchés publics des États-membres de l’Union européenne…

    Les salariés des États-Unis ont subi les effets de l’Alena, l’accord de libre-échange entre les États- Unis, le Canada et le Mexique. Ce ne sont pas les salaires et les conditions de vie des salariés mexicains qui ont été tirés vers le haut mais ceux des salariés des États-Unis et du Canada qui ont été tirés vers le bas. Les salariés de l’Europe des 15 n’ont pas vu leurs salaires et leurs conditions de travail tirés vers le haut lorsque l’Union européenne a ouvert grand ses portes aux pays de l’Europe centrale et orientale (les PECO) sans approfondissement démocratique et social préalable. Au contraire… L’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’UE soumettrait les salaires et les conditions de travail des salariés européens et américains à une double pression vers le bas : celle du Mexique d’un côté, celle des PECO de l’autre. » Fin de citation.

    Même le rapport de Claude Revel, conseillère du commerce extérieur auprès de la Ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq, affirme : « L’accord UE États-Unis à venir sera un accord fondamental par sa portée juridique ; les enjeux en termes de régulation à venir sont énormes. LE RAPPORT DE FORCES EST FAVORABLE AUX ETATS-UNIS ». Ce qui ne l’empêche pas ensuite d’écrire qu’il faut « prendre acte et tirer parti de la tendance vers la délégation de la règle au privé » et de considérer favorablement le fait « que se développe un marché des professionnels de la norme privée ». Comme dans le cas des agences de notation, sauf qu’ici ce sont toutes nos normes de production et de consommations qui leur seraient confiées !

    PRODUCTIVISME ET LIBRE DUMPING : ADIEU LA « TRANSITION »

    Le projet table sur les exportations comme grand facteur de relance. Il s’oppose donc à toute politique de relocalisation, pourtant écologiquement nécessaire. Il considère même une telle politique comme l’un des « fardeaux réglementaires ». En augmentant le trafic aérien et maritime de marchandises à travers l’Atlantique, la hausse des exportations fera encore grimper les émissions de gaz à effet de serre. La Commission a estimé que cette hausse était à prévoir, mais qu’elle serait limitée : entre 4 et 11 000 tonnes de CO2 par an. On peut en douter. Mais, même limitée, cette hausse va rendre encore plus inatteignables les objectifs officiels de réduction des émissions.

    « En raison des différences de normes, cet accord sera une incitation au pire productivisme au détriment de la qualité sociale et écologique des produits. Par exemple dans la construction, les normes françaises HQE sont beaucoup plus contraignantes que les normes américaines LEED. Idem en matière de limitation de la pollution automobile ou en matière de production d’énergie. Les constructeurs automobiles français ont d’ailleurs exprimé des réserves sur l’accord. » (Mélenchon)

    Pour José Bové : « Ce n’est pas un accord de libre-échange que les multinationales veulent, mais la possibilité de pouvoir attaquer des lois prises par les États qui réduiraient leur profitabilité. Avec la mise en place d’un accord de ce type, les gouvernements et les assemblées se lient elles-mêmes les mains dans le dos. Avec la mise en place d’un accord de ce type, c’est la loi sur la fracturation hydraulique qui sera attaquée et les moratoires sur les OGM qui seront traînés en justice devant un tribunal international hébergé par la Banque Mondiale ».

    L’INVESTISSEMENT ET LA FINANCE

    En matière d’investissement, le mandat vise à atteindre le « plus haut niveau de libéralisation existant dans les accords de libre-échange ». Des mesures spécifiques de « protection des investisseurs » [ce sont les seuls qu’il faut protéger] devront être négociées, incluant [POINT CRUCIAL] un « régime de règlement des différends entre les États et les investisseurs »…C’était la logique de l’AMI. Mais cette fois, on va plus loin. Car le projet se prononce pour une « LIBERALISATION TOTALE DES PAIEMENTS COURANTS ET DES MOUVEMENTS DE CAPITAUX ». Manifestement, les « investisseurs » des places financières anglo-saxonnes les moins réglementées et les plus spéculatives ont tenu la plume. « Les géants du crédit hypothécaire états-unien pourront ainsi vendre leurs crédits pourris en Europe aux mêmes conditions que dans leur pays d’origine ». (Mélenchon). Autre exemple (Filoche) : « La confrontation entre le secteur des assurances des États-Unis et de notre pays aurait toutes les chances de mettre à mal nos mutuelles et les contrats qui ne peuvent pas (pour bénéficier d’avantages fiscaux substantiels) faire payer les souscripteurs en raison de leur état de santé. »

    UNE EXCEPTION (CULTURELLE) QUI CONFIRME LA RÈGLE

    Nos champions politiques français en font des tonnes sur l’exception culturelle. Leur idée est de présenter comme une énorme victoire le fait de la préserver, afin de faire passer le reste, soit plus de 95 % des dommages humains sociaux et écologiques prévisibles.

    Bien entendu, les mobilisations du monde de la culture sont très importantes, comme elles l’ont été pour contrer l’AMI. MAIS ON DEVRAIT CONSIDERER LE CAS DE LA CULTURE et de ses « protections » légitimes (qualité, spécificités nationales et locales, création, diffusion, statuts des personnes, aides publiques, etc.) COMME LE CAS GENERAL. Partout, bien qu’avec des pondérations diverses, il y a des biens communs, donc un besoin de règles écologiques et sociales pour les « protéger ». Les normes de pollution ou d’émissions des véhicules, les normes écologiques des bâtiments, les normes sanitaires, les normes de travail décent et de protection sociale, d’égalité entre les femmes et les hommes dans de nombreux domaines, sont des biens communs au même titre que la « biodiversité » culturelle à préserver. En passant, une lecture féministe de ce projet serait bien utile, car dans de tels cas, ce sont TOUJOURS les femmes qui trinquent le plus.

    Ce combat est celui des biens communs contre les profits privés d’une infime minorité. Il est vrai qu’en face, « ils ne lâchent rien ». Mais, sur ce coup, il y a de l’espoir. Encore faut-il de larges alliances, en France et en Europe, pour que Dracula s’évanouisse.

    Ajout du 15 mai : Les ministres européens du commerce viennent de mandater la Commission européenne pour négocier le PTCI. Comme prévu, l’exception culturelle se trouve pour l’instant exclue des négociations, avec possibilité de rouvrir le dossier. Les choses sérieuses commencent.

    Sources  : j’ai utilisé dans ce texte des analyses, accessibles en ligne de : Mélenchon (octobre 2012 http://tinyurl.com/k8wdmzf et mai 2013 http://tinyurl.com/oe2hq49 ), Bové http://tinyurl.com/ldvfkl7 , Jadot http://tinyurl.com/n359e37 , Filoche et Chavigné http://www.filoche.net/ , Attac, Azam dans Politis (30 mai), Thierry Brun dans Politis http://www.politis.fr/Marche-transa..., un super texte de Berthelot sur l’agriculture, repris sur le site de EELV http://tinyurl.com/oot3574 , les Amis de la Terre http://tinyurl.com/plm2vah , la Confédération paysanne http://tinyurl.com/oljpqyc , les sites Médiapart http://tinyurl.com/ll5qvtr , rue89 http://tinyurl.com/qg8v6gp , des syndicats… et quelques autres, plus les textes disponibles eux-mêmes. La position détaillée de la confédération européenne des syndicats http://www.etuc.org/a/11230 est fort intéressante en dépit de son manque de fermeté à mon goût, mais si l’on prend en compte l’ensemble des conditions qu’elle pose pour qu’un tel accord puisse être signé, cela équivaut à refuser à peu près tout ce que vise le projet Obama/Barroso.

    Jean Gadrey  

    http://www.pressegauche.org/spip.php?article14515


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