• Le matin du 10 juin 1944, des chenillettes chargées de soldats allemands s'arrêtent à Oradour-sur-Glane. Cette bourgade paisible, proche de Limoges, compte au total 1200 habitants.

    La compagnie qui vient d'y pénétrer appartient à la division SS Das Reich du général Lammerding.

    Les Allemands ont été attaqués dans les jours précédents par les maquisards qui veulent freiner leur remontée vers la Normandie où les Alliés viennent de débarquer. En guise de représailles, le général Lammerding ordonne à la compagnie de détruire Oradour-sur-Glane. La compagnie SS compte environ 120 hommes qui se sont déjà illustrés en Russie dans l'extermination des populations civiles.

    En début d'après-midi, le bourg est cerné et la population rassemblée sur le champ de foire sous le prétexte d'une vérification d'identité, sans oublier les enfants des écoles.

    Les SS agissent dans le calme et la population s'exécute sans broncher.

    Les hommes sont séparés des femmes et des enfants. Ils sont divisés en six groupes et enfermés dans des granges, sous la menace de mitraillettes. Vers 16 heures, les SS tirent des rafales et tuent les malheureux en quelques secondes. Puis ils mettent le feu aux granges bourrées de foin et de paille où gisent les cadavres.

    Pendant ce temps, les femmes et les enfants sont enfermés dans l'église et des SS y déposent une caisse d'explosifs et de la paille. Le feu commence de ravager l'édifice. Pour s'assurer de l'extermination de tous les occupants, les SS leur tirent dessus.

    Leur forfait accompli, ils pillent le village et achèvent de l'incendier. Au total, ils laissent 642 victimes. Parmi elles 246 femmes et 207 enfants, dont 6 de moins de 6 mois, brûlés dans l'église. Oradour-sur-Glane est devenu en Europe occidentale le symbole de la barbarie nazie.

    10 juin 1944 Oradour-sur-Glane

    10 juin 1944 Oradour-sur-Glane

    10 juin 1944 Oradour-sur-Glane

    10 juin 1944 Oradour-sur-Glane


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  • RETRAITES : les premiers tirs...

    Publié par aragon 43

    RETRAITES : LES TIRS DE PREPARATION COMMENCENT

    Dans quelques jours sera remis le rapport Moreau sur le devenir des retraites.

    L’artillerie commence à préparer le terrain en nous bombardant de communiqués et de déclarations pour dire que rien ne sera plus comme avant et qu’il faudra s’y faire.

    Naguère, nos mamans nous faisaient avaler des purgatifs avec un peu de confiture et en disant : « c’est pour ton bien mon fils ! ».

    Aujourd’hui, nous avons les purgateurs de la télévision, ces experts capables de nous dire que la mixture que l’on nous prépare, c’est tout bon pour l’emploi.

    Lenglet, le perroquet de France 2, a souligné ce soir que puisque l’espérance de vie avait progressé et que l’on vivait plus longtemps en bonne santé, il n’y avait pas de raison de continuer à prendre sa retraite à 60 ans comme l’avait établi Mauroy en 1982 ; et que de toute façon nous sommes dans une autre situation avec le double de chômeurs, un recul de la croissance et des dettes.

    Parisot du Medef affirme que l’âge de la retraite doit être portée à 65 ans net pour tous.

    Et puis Marissol Touraine, ministre de la santé et des retraites indique : «Quand on vit plus longtemps, on peut travailler plus longtemps et tous les français doivent y participer ».

    Et puis, sautant d’une chaine à une autre, des reportages tombent : l’un sur les retraités qui vivent bien au Maroc, un autre sur des retraités en bonne santé , puis des retraités qui refont leur vie avec les annonces sur internet et enfin des retraités qui deviennent des sportifs de haut niveau.

    Bientôt nous verrons des reportages de retraités escaladant l’Everest pour les besoins de la cause.

    N’en jetez plus la cour est pleine.

    Un argument souvent employé, comme celui de « on vit plus longtemps on doit travaillé plus longtemps, est un argument contreproductif dit-on.

    Le reniement des socialistes est là palpable : Touraine qui manifestait en 2010 et n’avait pas de mots assez durs concernant la réformes de Sarkozy s’est transformée en une ventriloque de Sarkozy : par sa bouche, c’est Sarkozy qui parle.

    Il ne manquait plus que l’inénarrable Chatel, ancien ministre de Sarkozy, pour dire: « On a gagné quinze ans d'espérance de vie en quarante ans, il n'y a pas de secret, pour financer ces quinze années de vie en plus, il faut du travail en plus. Il faut donc assumer le fait qu'il faut allonger la durée du travail ».

    Tous ce beau monde là est bien sur le même longueur d’onde : mettre par terre définitivement la retraite à 60 ans, abaisser les pensions actuelles et futures des retraités et retraitables.

    Et puis si les mots usuels ne sont pas les mêmes, leurs significations les font correspondre : hier sous Sarkozy on touchait à la retraite sous la base de « l’équité » et aujourd’hui c’est par des « mesures justes ».

    Nous ferons de la concertation disent en cœur les ministres invoquant « les partenaires sociaux », un substantif qui ressemble de plus en plus à une blague quand on sait que les meilleurs cartes ont été distribuées par le gouvernement avant la partie et remises au patronat.

    Bref, en m’excusant pour les oreilles chastes ( mais après tout cette phrase est dans les dictionnaires), on pourrait qualifier la concertation de la célèbre citation : « parles à mon cul ma tête elle est malade » .

    Bernard LAMIRAND

     

    Social-Eco - le 10 Juin 2013

    Reforme des retraites : vers "une mobilisation des salariés" promettent les syndicats

    Eric Aubin, membre de la direction de la CGT en charge des retraites, a estimé lundi qu'il "faudra une mobilisation des salariés" avant octobre "pour peser" sur la réforme des retraites. Tout comme le numéro un de FO, Jean-Claude Mailly, évoquant lui aussi la possibilité de "mouvements sociaux et grèves". De leurs côtés, plusieurs syndicats de fonctionnaires appellent à une journée d’action "au plus tard début octobre".

    À quatre jours de la remise du très attendu rapport Moreau sur les retraites qui devrait suggérer des pistes de réforme pour résorber le déficit qui risquent de mettre à contribution actifs, retraités et fonctionnaires, les syndicats font monter la pression. "Sur le dossier des retraites, il faudra une mobilisation des salariés, (il ne faut) peut-être pas attendre octobre, car le calendrier qui nous est donné, c'est que le 20 septembre on aurait un projet de loi qui serait sur la table. Je pense que les salariés doivent se préparer avant à quelques mobilisations pour peser", a déclaré le numéro 2 de la CGT, Éric Aubin, en charge du dossier sur les retraites, sur RTL. "Si c'est le rapport Moreau qui est repris, ça va poser un vrai problème", a-t-il prévenu. Éric Aubin, opposée à un allongement de la durée de cotisation et à un recul de l'âge de la retraite, a rappelé qu'il y avait "déjà une mobilisation cette semaine à l'appel de la CES (Confédération européenne des syndicats), contre l'austérité et pour un changement cap". Il y en a une autre le 19 juin, également dans le cadre d'un appel de la CES.

    Le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, a lui aussi prévenu sur France 2 que "si le gouvernement prend des décisions du même tonneau que le gouvernement précédent, oui il y aura mouvements sociaux et peut-être grève aussi". Il a notamment qualifié d'inacceptable et d'hypocrite l'allongement de la durée de cotisation, peut-être jusqu'à 44 ans - une des pistes évoquées par le rapport tel qu'il a été présenté la semaine dernière aux syndicats. "Pour une génération née en 1989, qui entre sur le marché du travail en moyenne aujourd'hui à 24 ans, ça signifie qu'il faudra attendre 68 ans pour avoir une retraite à taux plein quand l'espérance de vie en bonne santé est à 62 ans pour les hommes et 63 ans pour les femmes", a-t-il fait valoir. Jean-Claude Mailly a également jugé inutile de modifier le mode de calcul des retraites des fonctionnaires - sur les trois à 10 meilleures années de la carrière au lieu des six derniers mois, une autre piste du rapport Moreau. "Mme Moreau dit elle-même qu'il n'y a pas de différence entre les fonctionnaires et les gens du privé en termes de taux de remplacement (...) Alors pourquoi changer ?" a-t-il dit. Pour lui le gouvernement ne va pas seulement "dans le mur" pour les retraites mais de manière générale en matière de politique macro-économique. "La logique d'austérité plombe tout (...) donc il faut changer de politique économique", a souligné le secrétaire général de FO, selon qui ce changement doit être effectué au niveau européen.

    Les fonctionnaires n'acceptent aucun recul

    Les syndicats de la fonction publique mettent également la pression et appellent à une journée d’action "au plus tard début octobre" sur les retraites et la rémunération des fonctionnaires. Dans un communiqué commun six organisations (CGT, FO, FSU, Solidaires, CFTC et CFE-CGC) "rappellent leur attachement au Code des pensions civiles et militaires et elles n'accepteront aucun nouveau recul" sur tout nouvel allongement de la durée de cotisation ou report de l'âge légal de départ. Et jugent également "urgent de corriger les baisses de pensions et les inégalités produites par les précédentes lois". Dans l'Humanité du jeudi 6 juin, Philippe Pihet, de Force ouvrière  précisait que "l’allongement de la durée de cotisation et une refonte éventuelle du mode de calcul des pensions des fonctionnaires – deux des pistes envisagées par la commission Moreau – seront deux points de tension majeurs, voire de blocage."

    Dimanche, la ministre des affaires sociales, Marisol Touriane, dans un entretien au Parisien-Aujourd'hui en France,a prévenu  que des efforts "sont nécessaires" et "devront être partagés par tous". "Quand on vit plus longtemps, on peut travailler plus longtemps", a déclaré la ministre.

     

    "Michelin et les retraites", l'éditorial de Michel Guilloux

    Comme un tir d’artillerie de préparation de l’opinion, à cinq jours de la remise au premier ministre du rapport Moreau sur 
les retraites. D’un côté, les fonctionnaires sont lancés en pâture de la division ; de l’autre, les déclarations se sont encore multipliées ce week-end visant à privilégier la « piste » de l’allongement de la durée de cotisation.

    À l’image de la ministre des Affaires sociales qui déclarait hier que « quand on vit plus longtemps, on peut travailler plus longtemps », reprenant à son compte l’antienne, à l’époque, des partisans UMP et Medef de la réforme Woerth-Sarkozy de 2010.L’un des Messieurs Retraite du PS, avec Jean-Christophe Cambadélis 
et Gérard Collomb, le député parisien Jean-Marie 
Le Guen, évoquait de son côté toutes les pistes possibles de financement. Toutes ? Il se trouve qu’elles reposent entièrement sur les salariés et les retraités eux-mêmes.

    La mort de Pierre Mauroy a réuni les hommages que l’homme socialiste méritait. Son gouvernement, comprenant quatre ministres communistes, mit en œuvre la retraite à soixante ans, une ligne de partage entre gauche de progrès social et réaction qu’il défendit encore voilà trois ans au Sénat. Le tournant de la rigueur austéritaire des années suivant 1983, 
et le début de la conversion au libéralisme d’une partie de cette gauche élue sur une promesse de changement, peut se mesurer : entre 1982 et aujourd’hui, la part des richesses créées par le travail consacrée aux salaires brut n’a cessé de baisser ; celle accaparée par les revenus financiers a quasi doublé, atteignant près de 310 milliards d’euros l’an passé. Et l’on ne pourrait pas trouver là-dedans de quoi financer des mesures de justice sociale ?

    Prenons l’exemple de Michelin. Le groupe 
vient d’annoncer une quasi-fermeture de son site 
de Joué-lès-Tours. 700 salariés sont sur la sellette. 
Un nouveau sinistre industriel et social est en vue. En quoi l’allongement de la durée de cotisation accordera-t-il une meilleure retraite à ceux à qui on supprime le droit au travail aujourd’hui ? Le groupe de pneumatiques affirme qu’il agit au nom de la compétitivité. À lire de plus près 
ses documents financiers, on pourra se rendre compte que le mot est plus que jamais synonyme de rente. Ses ventes ont déjà baissé en 2012 ? Son bénéfice a augmenté d’un quart. Les dividendes versés aux actionnaires ont progressé d’un tiers depuis 2010. Et ces derniers sont encore assurés d’une « rentabilité opérationnelle » à deux chiffres en 2013.

    Les jeunes, condamnés à rester à la porte 
de l’emploi stable. Les autres salariés, invités à voir reculer un peu plus l’espérance d’une vraie vie après 
le travail. Les retraités d’aujourd’hui, contraints 
à se serrer un peu plus la ceinture et à prendre un petit boulot que n’auront pas les premiers... «L’État ne peut pas tout. » La phrase de Lionel Jospin sonna le glas, à l’automne 2001, d’une rupture de gauche avec 
le pouvoir chiraquien, et lança Le Pen sur les rails 
d’un score historique. Sauf à spéculer sur une réédition symétrique de cet affrontement en 2017, va-t-on laisser Michelin et autres rapaces du CAC 40 imposer leur loi d’airain ? Ou des choix politiques peuvent-ils leur être imposés ? Si division et fatalité sont leurs meilleurs atouts, ce ne sont pas des valeurs de gauche ni de changement, possible et urgent. Parce qu’elle est une question sociale qui atteint au choix de société et de civilisation, convoquant toutes les générations, au présent et pour l’avenir, la question des retraites est loin d’avoir trouvé 
sa réponse. Surtout dans un pays comme la France...

    Michel Guilloux


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  • FN, le pire ennemi des salarié-e-s

    VISA

    L’association VISA a publié une brochure intitulée : « FN, le pire ennemi des salarié-e-s »

    Son but est d’aider les militants syndicaux à expliquer et démonter le discours du FN qui trompe les salarié-e-s au moment où ces derniers, fragilisé-e-s par la crise, le chômage, la précarité... peuvent facilement se faire piéger (19 % des ouvriers et 16 % des chômeurs ont voté FN aux régionales de 2010 !).

    Alors qu’il prétend défendre les salarié-e-s, le programme du FN sur les retraites, l’emploi, les salaires, le temps de travail, le droit du travail et les syndicats est purement antisocial et particulièrement régressif.

    Cette brochure décrypte le programme du FN sur ces thèmes et livre aux militants syndicaux des arguments pour combattre les idées d’extrême droite sur leur lieu de travail.

    - Cette brochure est gratuite. Deux exemplaires peuvent être envoyés sur simple indication de votre adresse postale à assovisabis@gmail.com
    (Les frais d’envoi sont pris en charge par une structure syndicale membre de VISA). Pour un envoi plus important, il sera demandé une participation aux frais.

    - Elle est aussi ’feuilletable’ en ligne. http://www.wobook.com/WBzt3VW5Gv1S/FN-pire-ennemi-des-salaries.html

    * http://www.visa-isa.org/node/1203
    URL de cet article 20917
    http://www.legrandsoir.info/fn-le-pire-ennemi-des-salarie-e-s.html

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  • Social-Eco - le 9 Juin 2013

    La Marche des femmes contre l’austérité à Paris

    Reportage. Plusieurs centaines de manifestants se sont réunis ce dimanche à Paris pour la Marche des Femmes contre l’austérité. Sous la pluie, tous ont rappelé que les premières victimes de l’austérité étaient les femmes.

    « Il y a aujourd’hui deux fois plus de smicardes que de smicards, 83% des temps partiels sont occupés par des femmes, deux tiers des bas salaires sont aussi des femmes » énumère Fatima , secrétaire générale du collectif les effronté-E-e. « On ne se rend vraiment pas compte que les femmes sont aujourd’hui les premières victimes de l’austérité ! » s’insurge la jeune femme. Comme Fatima, ils sont nombreux à avoir investi, en ce début de dimanche après-midi à Paris, la place Colette face à la Comédie Française, avant de se diriger vers la place de la République.

    À l’appel de plus de 150 militantes, syndicalistes, et féministes de gauche, des marches de l’austérité étaient organisées un peu partout en France ce week-end. Après Marseille ou Tarbes hier, c’était au tour de Paris ce dimanche.
    Clémentine Autain, Marie-George Buffet ou même Jean-Luc Mélenchon se sont joints à la manifestation. Un déplacement essentiel selon Laurence Cohen, sénatrice communiste du Val-de-Marne. « Les femmes sont les premières victimes de l'austérité. Elles subissent de plein fouet le temps partiel contraint, une retraitée sur trois vit sous le seuil de pauvreté » a-t-elle rappelé lors des prises de paroles.

    Hommes et femmes, unis contre l’austérité

    C’est un cortège très mixte qui, pendant deux heures, a défilé dans les rues de Paris. Et si les femmes étaient au premier rang, les hommes n’étaient pas en reste.
    « C’est le même combat » explique Bernard, 56 ans, qui, accompagné de sa femme a fait le déplacement. « La voix des femmes porte » affirme-t-il, « mais c’est bien de l’amplifier».
    Jean-Charles, 29 ans, animateur social et culturel, est lui aussi venu manifester pour soutenir ses collègues féminines. « C’est essentiel de rappeler les inégalités entre les hommes et les femmes dans la vie quotidienne. Je le vois bien au travail, quand un homme pousse une gueulante on l’écoute bien plus qu’une femme » raconte-t-il. « C’est insupportable qu’il y ait encore des discriminations si fortes. En discriminant les femmes, on discrimine la moitié de l’humanité ! » affirme le jeune homme.

     

    Céline Agostini (texte et photo)


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  • Politique - le 6 Juin 2013

    Cactus Les dessous chics

    Les partenaires sociaux dans le comanagement

    Cactus. Chronique de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon.  Le groupe Suez, devenu GDF Suez, a mis en place, au début des années 2000, une instance de réflexion sur les réponses à apporter « aux exigences sociales de la mondialisation ».Les initiateurs de ce qui deviendra l’Observatoire social international (OSI) ont été le DRH de Suez, Dominique Fortin, et Jean Kaspar, ancien secrétaire général de la CFDT (1988-1992). Celui-ci s’est reconverti en consultant auprès des entreprises en créant un cabinet, JK Consultant. Il est membre de la Commission pour la libération de la croissance française mise en place sous Nicolas Sarkozy et présidée par Jacques Attali.

    Sous couvert de l’engagement « en faveur du bien-être au travail et du droit universel à la santé », les lettres de l’OSI produisent une sorte de langue de bois portant peu d’informations ou de projets, mais générant de la domination et de la violence symbolique. Jean Kaspar ouvre l’un des rendez-vous de l’OSI en ces termes : « La question de la régulation sociale de la mondialisation représente un enjeu décisif pour que cette mondialisation soit source de progrès économique pour l’ensemble de la population, mais aussi source de progrès social. » La souffrance au travail, la perte du sens et de la fierté de l’activité productive sont apparues, écrit Jean Kaspar, « comme une difficulté centrale à surmonter (…). Seule une véritable opérationnalité des démarches de responsabilité sociale dans les cœurs de métier peut éviter une dérive schizophrène qui ruine l’engagement des salariés. La gouvernance des entreprises est appelée à se transformer pour que les logiques économiques soient davantage mises au service du développement humain ». Lettre de l’OSI, n° 13 et 14.

    Les grands problèmes qu’engendre la mondialisation sont noyés sous une phraséologie tout en rondeur, sur laquelle il n’y a pas de prise, car il s’agit d’un simple pléonasme du système néolibéral. Ce qui a le mérite de présenter une vitrine idéologique qui se préoccupe de la santé des travailleurs. Mais dès que l’on s’intéresse à l’arrière-boutique, les vrais enjeux de cet engagement pour « le bien-être au travail et la santé » apparaissent. Ce thème a fait l’objet d’un petit déjeuner de travail réunissant l’OSI et la société Malakoff Médéric le 4 octobre 2011. Le délégué général de cette société est Guillaume Sarkozy, membre du conseil national du Medef et frère de l’ancien « président des riches ». Or cette société met en place la privatisation de la santé et des retraites, autrement dit les profits des actionnaires sur le dos des cotisants. C’est un peu comme une réunion d’agneaux conviant le loup à venir leur donner son point de vue.

    Un autre petit déjeuner, cette fois « pour un management humaniste et performant » a réuni, le 29 mai 2012, à l’initiative de Jean Kaspar, l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), le cabinet Bernard Julhiet (dont la devise est : « Trust human, Think innovation », l’innovation comme moteur, l’homme au cœur des solutions) et l’Union confédérale des cadres de la CFDT. « Nous avons la conviction, a déclaré Jean Kaspar, qu’un management humaniste peut constituer un levier de performance. 
Il ne s’agit pas uniquement d’un supplément d’âme mais bien d’un ressort d’efficacité dans l’entreprise. »

    Penser « la » performance comme « le » but ultime de l’être humain, voilà l’objectif qui mobilise les « partenaires sociaux » devenus les complices de la nouvelle dictature de l’actionnariat.

    Dernier ouvrage paru : 
l’Argent sans foi ni loi, Paris, Textuel, 2012.

    Retrouvez les Dessous chics, la chronique des Pinçon-Charlot, chaque jeudi dans Cactus, le supplément grinçant de l'Humanité.

    monique pinçon-charlot et michel pincon


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  •  Passer de la défensive à l’offensive

    Actuellement, c’est le capital qui marque des points dans la guerre qu’il mène contre tous les acquis des travailleurs.

     

     Il marque des points parce qu’il est à l’offensive, parce qu’il met en oeuvre des plans qui ont une cohérence même s’ils sont profondément destructeurs. Le capital a décidé, au début des années quatre-vingt, de remettre en cause la stratégie du compromis avec les travailleurs qui lui assurait une relative paix sociale et lui assurait des débouchés pour ses productions. Il mène bataille sur plusieurs fronts. D’une part, il agit de manière très logique dans le cadre de la propriété privée des moyens de production : nouvelles méthodes de « management », multiplication des chaines de sous-traitance, division internationale des processus de production… De l’autre le capital s’est complètement inféodé les équipes politiques au pouvoir, qui ont pris les décisions indispensables à sa reproduction : politiques monétaires, liberté de circulation des capitaux, libéralisations des échanges de marchandises, privatisation des services publics, remise en cause de la protection sociale, révision à la baisse du code du travail… Ces deux fronts, public et privé, sont les deux faces de la même offensive.

     

    En face, du côté des travailleurs,  la perception de cette offensive n’est pas encore totalement reconnue dans sa globalité. Ils tentent de riposter, de maintenir leurs positions, face aux attaques dont ils sont directement l’objet. La multiplication des fermetures d’usine a conduit à prendre conscience du problème général de la désindustrialisation de la France ; la question des retraites, qui a fait descendre dans la rue des millions de citoyens, a beaucoup contribué à diffuser l’idée que le problème (et sa solution) résident dans le partage des richesses produites. Mais si la globalité du problème commence à apparaître progressivement, cela ne suffit pas à effacer la peur. Et la peur, quand elle n’est pas reliée à une connaissance objective des risques, des mécanismes, est mauvaise conseillère. Elle confronte à une menace diffuse et imprécise qui peut tomber comme la foudre un peu n’importe où et n’importe quand. Sans que cela soit clairement exprimé, les équipes au pouvoir entretiennent de façon subliminale le chantage d’une descente aux enfers comme celle que vivent actuellement la Grèce et d’autres pays. La peur conduit à se dessaisir de son propre jugement et à s’en remettre à qui vous assure d’un air jovial que les quelques sacrifices nécessaires seront justes et qu’ils vont conduire à un rétablissement de la situation. Ce type de discours, en décalage croissant avec la réalité, induit une perte de repères, la recherche de boucs émissaires comme explication de la crise et la montée de l’audience des extrêmes-droites.

     

    Les travailleurs continuent à se défendre mais les réflexes, les modes d’action ont insuffisamment pris en compte les évolutions du capital, en particulier sa concentration et sa mobilité. Le capitalisme à base familiale avait partie liée avec sa base productive, ses usines ; les travailleurs unis dans la grève disposaient face au patron d’un certain rapport de force. Il va tout autrement d’un fonds de pension dont le portefeuille de prise de participation est diversifié et qui n’hésitera pas à revendre ou à fermer une unité de production dont il ne tirerait pas tout le profit attendu. On continue d’ailleurs à parler du « patron », expression qui renvoie à un  individu, alors que la plus-value créée par le travail remonte toute une chaîne capitalistique. L’employeur direct n’est que le premier maillon de cette chaîne. En premier lieu, toute entreprise d’une certaine importance est détenue par des actionnaires, dont les plus importants sont d’autres entités capitalistes, elles-mêmes détenues dans les mêmes conditions par de semblables actionnaires… Donc la plus-value s’écoule par les liens de propriété du capital. En second lieu, la plus-value se diffuse également par les contrats passés par l’employeur relatif à la production des biens et des services qui font l’objet de son activité : soit en aval, cette production est vendue à une autre entreprise, soit en amont par les achats de service, d’intrants,… réalisés pour lui permettre de mettre sa production sur le marché. La plus-value circule également par le biais des contrats passés entre entreprises. Selon les rapports de force, certaines entreprises emporteront par les prix pratiqués une part plus ou moins importante du gâteau. Les firmes qui réalisent des bénéfices importants ont recours à l’externalisation, à la sous-traitance… auprès d’entreprises qui réalisent des marges beaucoup plus faibles, sont mises en concurrence les unes avec les autres et doivent en conséquence exercer une forte pression sur les salariés pour pouvoir à leur niveau grapiller leur part de bénéfices. L’interlocuteur des salariés, l’employeur, est loin d’avoir toutes les cartes en mains lors de négociations ; bien souvent il n’y a aucun lien juridique direct entre les salariés et l’entité qui au final capitalisera l’essentiel de la richesse créée par les travailleurs.

     

    Ces questions de stratégies doivent être à nouveau remises sur la table. Il n’est pas question de remettre en cause le bien-fondé des luttes défensives, il faut au contraire les inclure dans une autre perspective qui leur donne toutes leurs chances.  Cette perspective ne peut se dessiner que si l’on prend la mesure du problème, que si l’on cesse de raisonner comme si le compromis capital-travail fonctionnait toujours. Ce compromis était toujours en tension, les acquis étaient toujours à défendre et si possible à élargir, tandis que le capital ne cessait de vouloir les rogner. Cette situation donnait lieu à des batailles sectorielles, là où la ligne de compromis était en redéfinition. Depuis nous sommes passé à un autre cas de figure, à savoir une offensive de déconstruction systématique de ce compromis. Le capital sape à la base le contre-pouvoir possible des travailleurs, en les mettant en concurrence les uns les autres, en induisant via les « partenaires sociaux » et les gouvernements une législation du travail qui les  affaiblit considérablement leur capacité de riposte.

     

    On ne pourra s’en sortir que si on allie luttes sociales et syndicales d’une part, et propositions politiques d’affrontement du capitalisme de l’autre. Celles-ci commencent à émerger, en provenance de formations politiques, de chercheurs, de groupes de réflexion. Certaines ont un caractère de mesures urgentes, conservatoires, comme l’augmentation du SMIC ou l’interdiction des licenciements boursiers. D’autres visent plus directement le cœur du pouvoir capitaliste, à travers la socialisation de la monnaie et du crédit, le contrôle de la finance… Pour contrer la mise en concurrence des travailleurs, la question du protectionnisme a été posée et elle fait débat. Il vaudrait peut-être mieux parler d’une autre régularisation des échanges. En effet, le « protectionnisme » évoque toujours un peu l’idée de se protéger des autres, même s’il est qualifié « d’altruiste » pour mieux préciser l’intention. Or les travailleurs des pays situés au bas de la division internationale du travail sont bien les plus vulnérables à la mise en concurrence, assignés à des secteurs très facilement délocalisables. Cette nouvelle régularisation des échanges devrait donc être décidée en commun, et adossée à une planification globale de l’activité et de l’usage des ressources, pour permettre à tous les peuples de mieux vivre.

     

    C’est la visée qui constitue la ligne de partage entre l’action défensive ou offensive : il s’agit de reconquérir le monde, le monde que nous vivons, un monde que le capitalisme bouleverse de fond en comble. Il ne peut s’agir d’un retour à l’état antérieur, à celui des « trente glorieuses » et du compromis capital-travail, qui n’avait rien du paradis terrestre et dont les limites ont ouvert la voie au néolibéralisme le plus débridé. Il nous faut maintenant prendre le contrôle de la production et de ses finalités.

     

    http://lesoufflecestmavie.unblog.fr/files/2012/07/LUTTES-4.jpghttp://blog-citoyen.over-blog.fr/article-passer-de-la-defensive-a-l-offensive-117927528.html

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  • 165 ANS APRÈS, JUIN 1848

    Publié par A. Campagne sur 1 Juin 2013

    165 ANS APRÈS, JUIN 1848

    Les sanglantes journées de Juin 1848, où l'alliance des petits-bourgeois et des grands-bourgeois, de l'armée réactionnaire et des classes capitalistes, des républicains conservateurs (Thiers), des royalistes et des faux socialistes bonapartistes, écrasa sans pitié un prolétariat parisien pas assez offensif pour s'imposer mais encore trop (avoir osé protester contre l'arrêt des Ateliers nationaux) pour ne pas être massacré, constituent un événement décisif de l'histoire française. Marx et Engels écrivirent nombre de textes à ce propos : Les journées de Juin 1848 ; Les luttes de classe en France (1848-1850) ; et enfin, même s'il est moins centré sur cet événement, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. La tradition républicaine-socialiste (qui se réclame étrangement de Robespierre) étudiera également l'événement : dès son écrasement, François Pardigon en livrera un récit poignant, à vif, dans Épisodes des journées de Juin 1848, tandis qu'un contemporain (Louis Ménard) écrira quant à lui sa genèse dans Prologue d'une révolution. Février-Juin 1848 ; Henri Guillemin, avec son La tragédie de Quarante Huit (1948), offre également une contribution intéressante à l'histoire des journées de Juin 1848 ; et, beaucoup plus récemment, Michèle Riot-Sarcey et Maurizio Gribaudi ont livré un récit complet de 1848, La révolution oubliée.

    http://pensee-radicale-en-construction.overblog.com


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  •  
    La bête immonde et les apprentis sorciers
    vendredi, 7 juin 2013 / Charles Hoareau

    Au lendemain de la guerre de 39/45, le peuple se libérait aux cris de « plus jamais ça ! ». Bertolt Brecht avait beau avoir écrit « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde » on se refusait à croire que cela pouvait revenir chez nous. On pensait le fascisme réservé à l’Amérique du Sud où il régnait en maître sur tout le continent. L’éducation, l’histoire devait suffire pensait-on souvent.

    Après plus de 30 ans de luttes, débarrassée de la droite et de sa politique de régression sociale, la France de 1981 pouvait croire que la gauche aller « changer la vie ».

    Hélas, il y eut le « tournant de la rigueur » de 1983 où l’on vit un gouvernement tourner le dos à son anticapitalisme claironné au lendemain de 1968 [1].

    Reprendre les mêmes recettes que le gouvernement précédent, faire payer le travail et non le capital, la différence entre gauche et droite devenait diffuse, il fallait recréer un clivage.

    C’est là que Mitterrand a fait le choix stratégique de ressortir Le Pen des poubelles de l’histoire afin de lui donner visibilité et crédibilité. Invité à de multiples reprises des plateaux de télévision bien que représentant moins d’1% de l’électorat, il put soutenir ses thèses nauséabondes réhabilitées de fait par le pouvoir et les médias obéissantes au nom de la liberté d’expression. Ce fut l’époque où l’on vit fleurir pour la première fois sur les murs des campagnes électorales ce slogan machiavélique : « le PS ou l’extrême droite, c’est vous qui choisissez » .

    La fausse alternance droite gauche, des choix économiques de plus en plus semblables et antisociaux, un pays s’enfonçant dans la crise, une UE de plus en plus totalitaire et niant la souveraineté populaire, ont creusé le lit de la montée du fascisme à laquelle nous sommes confrontés.

    Récemment le discours médiatique sur la montée des « extrêmes » pour qualifier tout refus d’accepter les délocalisations ou les attaques sur la protection sociale, comme si la seule voie « raisonnable » possible était la soumission au capital ont encore aggravé le phénomène.

    La CGT des Bouches du Rhône a bien raison d’écrire « Cette violence entretenue par l’extrême droite, sur un terrain de crise sociale doit être éradiquée et sanctionnée. Les responsables politiques de notre pays ont le devoir d’agir face à l’idéologie de la haine de l’autre.
    Cela passe nécessairement par une politique qui réponde aux exigences sociales du monde du travail.
    En effet, la situation est grave, austérité, chômage, misère ne font qu’enraciner ces discours d’extrême droite qui alimentent les tensions, la xénophobie et le racisme, l’homophobie et les violences pour en arriver à des drames inacceptables… ».

    Ce n’est pas d’aujourd’hui que datent ces groupes fascistes qui s’en prennent régulièrement aux arabes, aux noirs, aux roms, aux travailleurs en lutte… et plus généralement à celles et ceux qui ne pensent pas comme eux, sans que cela ne fasse forcément autant de bruit que cette fois-ci. Dissoudre les groupes d’extrême droite, si tant est que cela serve à quelque chose, ne suffit pas, c’est le terreau sur lequel ils se développent qu’il faut éradiquer. On ne combat pas une idée en l’interdisant mais en la combattant par des idées dont les actes et les faits démontrent la validité.

    L’histoire récente montre assez que la stratégie Mitterrandienne avec laquelle le PS n’a jamais rompu, loin d’affaiblir l’extrême droite l’a renforcée et ses liens avec la droite « décomplexée » se sont affirmés comme jamais sous le quinquennat précédent. On avait bien vu dans les années 80 des alliances électorales droite/FN au nom de l’anticommunisme, mais sous Sarkozy un pas supplémentaire est franchi, c’est sur le terrain des idées que le rapprochement se fait sentir au point de ne plus voir sur certains points (le racisme en particulier) où est la différence entre la droite et son extrême.

    Si ce gouvernement à son arrivée avait augmenté le SMIC de 30% et s’était opposé aux fermetures d’entreprises en les réquisitionnant pour en donner les clefs aux salarié-e-s, les opposants au mariage pour tous auraient-ils pu avec tant de facilité développer leur discours homophobe face à une loi censée représenter à elle seule le retour du clivage gauche/droite ?…Ce qui en plus est faux quand on voit la couleur politique des gouvernements qui de par le monde ont adopté une loi semblable.

    Le fascisme ne se combat pas avec les bons sentiments mais avec une politique de progrès social faite par et pour le monde du travail. Il en va ainsi des quartiers populaires en manifestation le 1er juin, comme des jeunes épris de liberté et d’antiracisme.

    Le capitalisme qui condamne à la mal-vie et au chômage des quartiers entiers, est directement responsable de la mort des jeunes tombés dans les trafics comme il est responsable de la montée des haines fascistes dernier rempart du maintien de son ordre. Celles et ceux qui, ayant le pouvoir, ont cru pouvoir jouer aux apprentis sorciers avec l’extrême droite pour masquer leurs renoncements à attaquer le mal à la racine portent une lourde responsabilité dans la situation actuelle.

    Ce sont leurs renoncements que Clément a payé de sa vie et les larmes hypocrites de leurs auteurs sont encore moins supportables.

    En médaillon, hier la manif marseillaise rassemblait plus de 1000 personnes

    [1] « Celui qui n’est pas anticapitaliste n’a pas sa place au Parti socialiste » François Mitterrand congrès d’Epinay 1971

    http://www.rougemidi.org/spip.php?article7885


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    Le soulèvement d’Istanbul, le côté pile de la lutte anticapitaliste
    vendredi, 7 juin 2013 

    Il semblait que le monde était entré dans l’âge des émeutes contre l’austérité. Et puis vint Istanbul. Qu’il n’y ait pas de méprise, Istanbul ne peut pas être confondue avec Athènes, Barcelone, Lisbonne ou New York. Ce qui se passe en Turquie est le côté pile de la lutte anticapitaliste. C’est un soulèvement contre le développement. C’est une bataille de la rue pour des villes qui appartiennent aux gens et pas au capital. C’est une résistance contre un régime autoritaire enhardi par un boom économique.

    Ce qui se déroule sous nos yeux dans les rues d’Istanbul est la convergence entre d’une part, une petite, mais croissante gauche anti-capitaliste qui a organisé diverses campagnes à caractère social ces dernières années, et d’autre part une large part de la population urbaine loyale aux idées kémalistes de modernisme, sécularisme et nationalisme. Cela étant dit, la situation en Turquie est extrêmement complexe et nécessite une compréhension de nombreuses situations politiques différentes qui ont été développées durant la dernière décennie.

    Taksim

    Comme beaucoup le savent déjà, l’origine du soulèvement actuel prend sa source dans la proposition de développement d’un parc près de la place Taksim, au cœur d’Istanbul. Le développement du parc de Gezi est seulement une partie d’un important projet de rénovation urbaine que le premier ministre truc, Recep Tayyip Erdogan, a prévu tant pour la ville que pour le pays tout entier. Il inclut des schémas de gentrification pour les quartiers les plus pauvres des villes comme Tarlabasi, la construction d’un troisième pont pour relier les deux continents qu’Istanbul couvre et même un énorme projet pour ouvrir un troisième canal reliant la Mer noire à la mer Marmara, afin de faciliter le passage de bateaux containers. Ce plan a été dénommé le « projet fou » d’Erdogan.

    Le quartier de Taksim est l’endroit où un grand nombre de projets de développement urbain se développent et où il existe une riche tradition de rébellion et de protestation. Pour placer les événements dans leur contexte, il est utile d’examiner l’importance de la place Taksim comme point de rébellion et de convergence.

    Le 1er mai 1977, un demi-million d’ouvriers et de révolutionnaires affluèrent vers la place Taksim pour l’une des manifestations les plus épiques jamais connues à ce jour. Cette manifestation survint six ans après le sanglant coup d’État au cours duquel trois étudiants turcs révolutionnaires, accusés d’être des ennemis de l’État, furent pendus par un tribunal militaire. Leur mémoire immortalisée, la gauche turque s’est relevée durant les années 70, de l’endroit même où les révolutionnaires avaient été exécutés. Elle l’a fait avec force, et se multipliant en nombre. Durant cette année de manifestations, 34 personnes furent tuées sur la place. Certains furent abattus par ce qu’on pense être des tireurs paramilitaires qui étaient placés sur les toits. D’autres furent abattus dans la panique qui suivit.

    En plus d’être la porte d’entrée sur Beyoglu, la partie culturelle la plus dynamique d’Istanbul, avec sans doute plus de bars et de café au mètre carré que n’importe quelle autre ville d’Europe, la place Taksim porte aussi ce souvenir tragique et particulier depuis le massacre de 1977.

    À chaque premier mai, les émeutes qui ont pris place durant les sept dernières années se sont toutes centrées autour de manifestants essayant de rejoindre la place Taksim. Le premier de ces affrontements s’est produit en 2007, lorsque la gauche turque a voulu célébrer le trentième anniversaire du massacre. L’État l’en a empêché et des militants d’extrême gauche ont répliqué dans les rues avec des cocktails Molotov et des pierres. La situation est restée la même jusqu’il y a deux ans, en 2011, lorsque le gouvernement a finalement reconnu son erreur et a autorisé la gauche à disposer de la place pour ce jour.

    Mais les choses ont évolué depuis deux ans et le gouvernement AKP d’Erdogan a décidé d’introduire un plan important de rénovation urbaine pour Istanbul qui incluait aussi une révision de la place. Prétextant transformer la place en zone piétonnière, le gouvernement d’Erdogan (qui a aussi en charge la municipalité d’Istanbul) a adopté des plans, sans consulter les habitants, pour démanteler des larges parts de Taksim et y construire à la place divers centres commerciaux et autres projets pour les riches. La bataille pour tenir des manifestations sur la place Taksim le 1er mai a donc pris fin cette année alors que le gouvernement a décidé d’utiliser la rénovation de la place comme un prétexte pour empêcher les manifestations qui devaient avoir lieu.

    Le parc de Gezi est le point de mire de la rébellion. Sa démolition a été prévue pour construire à la place la réplique d’une caserne militaire de l’ère ottomane, Topçu Kışlası, qui sera surtout utilisée à des fins commerciales. Ce n’est pas une coïncidence pour le gouvernement AKP et ses racines islamiques : ces casernes étaient à l’origine le lieu d’un important soulèvement islamique en 1909. Ceci se rajoute à la décision d’appeler le troisième pont du nom du sultan Yavuz Selim, tristement célèbre pour avoir assassiné en masse la population alévie d’Anatolie.

    Ceux qui ont défendu le parc de Gezi y sont depuis longtemps. En plus de grands syndicats, beaucoup de participants viennent d’une relativement nouvelle gauche indépendante, avec des générations plus jeunes embrassant des tendances écologiques plus antiautoritaires qui mettent l’accent sur des activismes du genre « droit à la ville ». Elles convergent toutes sous la bannière de la plate-forme Taksim Solidarity dont le principal cheval de bataille est d’empêcher la transformation de la ville en un terrain de jeu capitaliste encore plus élaboré, construit en lieu et place des espaces publics. Ce n’était pas leur première campagne contre la rénovation urbaine. Il y a deux mois, des affrontements ont éclaté entre des cinéastes et la police qui a déployé les gaz et les canons à eau. Les cinéastes essayaient de sauver un célèbre cinéma turc, Emek, condamné à devenir lui aussi un énième centre commercial.

    Il est important de noter que certains des protagonistes qui sont impliqués dans la bataille pour le parc de Gezi sont aussi derrière les manifestations de solidarité avec les immigrés et des actions telles qu’offrir des repas aux immigrés ou organiser des manifestations devant les centres de détentions d’immigrés à Istanbul.

    La bataille pour sauver le parc de Gezi n’était pas portée à la conscience du public turc jusqu’à ce que la police organise des raids deux matins d’affilée les 29 et 30 mai. L’outrage de la brutalité policière a été l’étincelle qui a embrasé le pays tout entier et qui a transformé la bataille en une rébellion nationale contre l’actuel gouvernement.

    Néolibéralisme islamique

    L’AKP, le parti au pouvoir, devrait être observé à la lumière du paysage géopolitique du Moyen-Orient qui est en pleine mutation. Il a des racines fortes dans l’islam politique et perpétue la tradition d’autres partis politiques issus des années 90 qui avaient été réprimés par l’armée, parfois alors qu’ils étaient au pouvoir. En fait, Erdogan lui-même a d’abord été emprisonné pour avoir incité publiquement à une « sédition islamique ». L’aspiration avouée d’Erdogan et de ses cadres est le « projet néoottoman » qui tend à faire de la Turquie la principale puissance économique et politique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les coups de force politique d’Erdogan en Syrie et en Libye doivent être contextualisés avec ces aspirations.

    À la différence de l’Union européenne et des États occidentaux, la Turquie a connu ces dernières années un important boom économique (avec une croissance annuelle de presque 10 %). Bien que le déficit commercial et le taux réel de chômage soient élevés, bien que ce qui restait dans les mains publiques soit bradé au travers de privatisations massives, la crise est contenue en Turquie et le gouvernement actuel a le vent en poupe sur ce plan. C’est ce qui fait de la révolte d’Istanbul une révolte à part. C’est une révolte contre le développement du boom économique, contre les projets destructeurs de rénovation urbaine et l’hyper modernisation des villes. Le soulèvement d’Istanbul illustre le pôle opposé dans la lutte permanente contre le capitalisme, et complète les combats menés contre l’austérité ces dernières années.

    La Turquie a été l’une des premières cibles de la restructuration néolibérale des années 80, durant laquelle le premier ministre Turgut Özal a facilité des privatisations massives portant sur ses usines, ses mines et de manière générale, sur toutes les infrastructures du pays. Le gouvernement AKP, et Erdogan en particulier, a réussi à faire entrer ce régime néolibéral dans le 21e siècle, recouvert d’un populisme islamique. De plus, sur le marché mondial, il a réussi à promouvoir en tant que forces néolibérales les entreprises qui avaient une base islamique. Ceci peut être notamment observé dans le nord de l’Iraq où la majeure source de capitaux est en réalité turque. Nous devrions nous rappeler que le modèle turc a été proposé par les puissances occidentales comme une issue possible pour les soulèvements qui ont marqué les printemps arabes. Grâce aux combats menés ces derniers jours dans les rues de Turquie, ce modèle de néolibéralisme islamique est maintenant remis sérieusement en question.

    Erdogan et la lutte kurde

    Les aspirations d’Erdogan n’ont pas totalement été épargnées par la contestation. Il y a eu des menaces variées contre son régime, notamment de la part d’un cadre de généraux et d’intellectuels qui se voient comme des défenseurs de la Turquie en tant qu’État-nation séculaire. Ils ont envoyé à Erdogan plusieurs signaux d’avertissement ces dernières années. La contre-réaction d’Erdogan la plus significative est survenue lorsqu’il a lancé une opération policière dans plusieurs villes contre une douzaine de membres de l’armée, d’intellectuels et de figures publiques alléguant qu’elles préparaient un coup d’État. Ces opérations de police ont débouché sur des affaires criminelles connues sous le nom d’Ergenekon qui sont toujours en cours. Il est impératif de réaliser tout l’impact de ces arrestations et des procédures judiciaires qui ont suivi. Il s’est produit quelque chose sans précédent dans cette nation qui a connu des coups d’État militaires successifs : les arrestations et les procès d’officiers militaires de haut rang et d’autres personnes ont rencontré des ralliements et des manifestations autour de la Turquie alors que des foules immenses qui se sont trouvées mêlées à la montée de l’AKP ont défendu l’élite de l’ancienne garde séculaire. Ces arrestations et ces emprisonnements expliquent aussi pourquoi il n’y a toujours pas eu de réponse de l’armée turque à la situation actuelle, alors qu’elle est traditionnellement un acteur majeur dans la politique turque.

    La prolifération du sentiment nationaliste turc dans l’actuel soulèvement est une conséquence directe d’événements menés ces dernières années. Les partis de centre gauche nationalistes avaient organisé des « flag-demos » ou des « Rassemblements pour la république » contre l’actuel gouvernement AKP. À ce moment précis de la rébellion, nous sommes donc témoins de l’opportunisme de ces forces politiques qui essaient d’influencer ce qui apparait de loin comme un véritable soulèvement populaire.

    N’importe quelle analyse de l’actuel soulèvement turc doit prendre en considération la relation avec le mouvement kurde de libération. Le point central des politiques turques ces dernières années a été indubitablement la guérilla kurde pour l’autonomie lancée par le PKK en 1978. Au cours des derniers mois, Erdoğgan a effectivement négocié un accord de paix avec le chef du PKK, Abdullah Öcalan, qui a croupi dans une île-prison turque depuis 1999. Erdogan tente de se positionner comme le leader qui a résolu le problème le plus urgent dans le pays. Ça ne lui a pas seulement fourni une carte blanche pour les politiques turques (son régime a brutalement oppressé et emprisonné de nombreux gauchistes et autres figures de l’opposition ces dernières années), mais ça l’a aussi amené à se présenter comme un pacificateur entre deux ethnies. La convergence récemment redynamisée entre une large part de la gauche turque et le mouvement kurde est devenue plus fragile du fait de l’accord conclu par Erdogan. Les gens se demandent toutefois quelle part joue le processus de paix dans ses desseins néoottomans.

    C’est sans doute l’une des principales questions du moment : comment le mouvement dans les rues va-t-il se figer et quel type de relations aura-t-il avec la lutte kurde ? La grande majorité de ceux qui ont initié l’occupation du parc de Gezi et qui ont combattu la vision d’Erdogan sur le développement d’Istanbul sont en totale solidarité avec le peuple kurde. Mais pour les masses qui ont inondé les rues avec des drapeaux turcs, c’est une autre histoire. Au mieux, elles critiquent le fait qu’Erdogan utilise le processus de paix pour renforcer son emprise. Au pire, ce sont des gros racistes qui voient les Kurdes comme des terroristes. Malgré le danger, les récents développements dans la rue sont prometteurs. Des gens rapportent avoir été les témoins de déploiement de drapeaux mêlant l’étendard turc et le portrait d’Ocalan ou de l’imbrication de chants qui d’un côté souligne la fraternité entre les différentes ethnies et de l’autre célèbre l’identité nationale turque.

    L’insidieux conservatisme social

    Le soulèvement contre Erdogan est nourri par un insidieux conservatisme social poussé par l’AKP en vue de cultiver sa base. Ces politiques conservatrices se sont manifestées dans différents domaines : accès coupés à des cliniques d’avortement, contrôle plus strict sur Internet et les communications, restrictions et taxes sur la consommation d’alcool et amplification des vacances islamiques parrainées par l’État. Ces mesures politiques ont rencontré des manifestations soutenues par des milliers de participants qui ont défilé dans les mêmes rues que celles où se concentre l’actuelle rébellion. Elles ont précédé le mécontentement actuel.

    Le style personnel d’Erdogan en tant que premier ministre est un facteur majeur qui influence la colère viscérale observée dans les rues. Dans presque tous ses discours publics, que ce soit dans un rassemblement politique ou lors d’une interview télé, Erdogan attaque, menace et se montre condescendant envers tous les segments sociaux-politiques, excepté le sien. Cela va de l’insulte flagrante au renvoi proféré avec le ton énervé d’un chien enragé de la politique. Ces dernières déclarations durant le soulèvement étaient exemplaires et n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu alors qu’il désignait de manière arrogante les personnes descendues dans la rue comme « une poignée de pillards et d’extrémistes ».

    Le lien crucial entre la politique culturelle conservatrice de l’AKP et sa politique économique néolibérale doit être révélé. De cette manière, la classe moyenne kémaliste qui a massivement participé au soulèvement réalisera qu’elle ne peut pas repousser le conservatisme culturel sans se confronter aux politiques économiques. Si elle réussit, elle pourra être ralliée par les classes plus pauvres qui sont actuellement enclines à soutenir l’AKP sur sa base culturelle.

    Le premier jour de ce soulèvement populaire a été totalement spontané et hors du contrôle de n’importe quel parti politique. Toutes les contradictions, par exemple celle entre la gauche radicale et les nationalistes turques, ont été momentanément mises de côté pour combattre la police et construire des barricades qui permettraient de tenir les places et les boulevards d’Istanbul. Ce qui reste à voir, c’est si oui ou non ces grands espaces publics tels que le parc de Gezi ou la place Taksim seront le théâtre où les contradictions entreront dans un dialogue révolutionnaire pour donner naissance à un mouvement que nul ne pourra arrêter en Turquie.

    Par Ali Bektas le 06/06/2013 Source originale : Counterpunch

    Transmis par Linsay

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7884


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  • PIERRE MAUROY EST DECEDE: QUELQUES SOUVENIRS

    Publié par aragon 43  - Tags :  #politique

    Pierre MAUROY : quelques souvenirs….

    Je l’ai connu dans les batailles de la Sidérurgie, notamment celle de 1979, où il avait pris position contre le plan acier de Davignon, commissaire Européen à l’industrie, et contre le gouvernement Barre qui avait décidé de fermer Usinor Denain et Usinor Longwy.

    Je me souviens de ces réunions au ministère de l’industrie avec Gustave Ansart où tous deux défendaient Denain dont Gustave Ansart était le député.

    Quand il fut premier ministre, il a maintenu pendant une partie de son mandat le train à bandes, dernier vestige de l’Usine, dont la commission Européenne exigeait la fermeture définitive.

    Le nouveau plan acier de 1984 fut voté sous son mandat de premier ministre, cela fut compris par les sidérurgistes comme un revirement.

    Son passage à Denain, un soir, fut difficile et des manifestants lui firent griefs de ses abandons.

    Je pense que cela fut pour lui un crève cœur : il avait baissé les bras face à cette Europe libérale et à Mitterrand qui avait choisi la politique de rigueur que les militants de la CGT , à Lille, en 1982, lors du congrès de la CGT, contestèrent jusque dans les murs de sa municipalité de Lille.

    C’était un homme de la classe ouvrière du Nord. Il portait cela dans chacun de ses discours qu’il tenait dans les rencontres que j’ai eu avec lui dans ma responsabilité fédérale de la sidérurgie.

    Je me souviens de la dernière rencontre, le jour où Mitterrand le remplaça à Matignon par Fabius : il avait reçu les fédérations de la Métallurgie en compagnie de Defferre pour examiner le devenir d’Ugine Fos. Il quitta plusieurs fois la séance, nous le sentions préoccupé, il a pris congé de nous en disant que réponse serait apportée dans les semaines suivantes. De retour, nous apprîmes alors qu’il avait été remplacé dans la soirée par Fabius qui allait appliquer sans vergogne la fermeture d’une quantité de sites sidérurgiques en France ; néanmoins Ugine- Fos était sauvé.

    Il respecta certains engagements du programme commun et en particulier les « Nationalisations » que Fabius et d’autres détricotèrent ensuite.

    Il fut celui qui appliqua à la lettre la retraite à 60 ans.

    Lors du plan Sarkozy Fillion en 2010, il s’éleva contre les mesures cassant cette âge de départ à la retraite et il s’emporta devant Woerth au sénat en disant : « C'est la loi la plus importante peut-être de la Ve République, celle qu'attendaient les Français, la liquider en catimini de cette façon, ce n'est pas possible. Nous pensons que c'est un droit presque fondamental, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons tout de suite proposé la retraite à 60 ans. Cela a été un immense espoir. De toutes les revendications ouvrières, cela a été la plus importante. Cela restera dans l'histoire sociale de la France, nous sommes partisans d'une réforme. Nous savons bien que les conditions ont changé. Mais ce n'est pas une raison pour effacer cette ligne de vie, cette ligne de combat ».

    Les socialistes au pouvoir feraient bien de méditer sur ces paroles au moment où ils s’apprêtent à détruire ce qui reste de cette grande conquête de 1982.

    Mauroy était un homme politique attaché à la classe ouvrière.

    Ce n’est plus le cas aujourd’hui parmi ceux qui nous dirigent.

    Bernard LAMIRAND

    Ancien responsable de la Sidérurgie CGT

    http://ber60.over-blog.com/pierre-mauroy-est-decede-quelques-souvenirs


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