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    Le savoir, la culture, les émotions ne sont pas réservés à une élite"

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    Oradour sur Glane : Exposition "Femmes et guerres"

    mercredi 12 juin 2013

    Voir en ligne : http://www.mdh-limoges.org/spip.php...


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    Le Centre de la Mémoire d’Oradour sur Glane, en Haute Vienne, accueille une nouvelle exposition "Femmes et Guerre". Elle sera présentée au public, au Centre de la Mémoire, du 21 juin 2013 au 30 avril 2014. Women and War (Femmes et Guerres) est un travail photographique mondial et personnel réalisé par Marissa Roth. Il aborde les effets immédiats et durables de la guerre sur les femmes.

    Le périple de la photographe Marissa Roth débute à Novi Sad en Yougoslavie en 1984 et se conclut à Oradour en février 2013. Plus de 90 photographies, en noir et blanc, couvrent 12 conflits mondiaux au long d’une période de 28 années de travail qui commence avec l’histoire personnelle de Marissa Roth en tant que fille de réfugiés de l’Holocauste. L’exposition inclut des panneaux qui fournissent des références historiques et reviennent sur le déroulement des conflits abordés par la photographe.

    L’exposition est complétée par la mise en vitrine d’archives inédites sur les femmes d’Oradour, dont des extraits originaux des Cahiers de Denise Bardet, institutrice à Oradour, une des 246 femmes victimes du massacre d’ Oradour, qui a tenu entre 1940 et 1944 un journal intime et réflexif, mettant en lumière la vie et les pensées d’une femme française pendant la deuxième guerre mondiale.

    Un ensemble de projections, (témoignages et documentaires) revenant sur les conditions de vie et les violences faites aux femmes pendant les guerres, vient également appuyer les propos de Marissa Roth.

    - Pour en savoir plus voir le site du Centre de la Mémoire

    http://www.rezocitoyen.org/spip.php?page=article&id_article=20950


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  • Kill Mittal : le jeu dont les ouvriers sont les héros

    Un jeu vidéo vous proposant de diriger des ouvriers en lutte pour le maintien de leur emploi, vous en rêviez ? Avec Kill Mittal, c'est devenu une réalité.

    Maxime Van Laere

    Produit par un seul jeune développeur informatique autodidacte, Alexandre Grilleta, Kill Mittal nous propose de nous glisser dans la peau d’un, puis de plusieurs sidérurgistes d’ArcellorMittal. Il s’agit plus précisément, des ouvriers du site de Florange, en France : « Qui personnifie mieux le courage que ces ouvriers qui se battent pour sauver leur job ? », explique Alexandre Grilleta sur son site internet.

    Question production, il ne faut pas s’attendre à quelque chose du calibre des gros titres actuels, disposant de budgets colossaux. Un jeu indépendant comme celui-ci relève plutôt de l’artisanat et, si cela se ressent dans le gameplay (4 touches pour déplacer ses personnages, la souris pour les actions), cela participe au charme de cette « production de garage ».

    Le développeur s’est amusé à imaginer un contexte à peine fictif, expliqué dans l’introduction : « 2030, Mittal a fait main basse, puis fermé la majorité des aciéries mondiales, mettant à la rue des milliers de métallurgistes. » Petit à petit, les différentes difficultés rencontrées dans la lutte syndicale réelle se retrouvent mises en scènes dans le jeu.

    La scène d’introduction nous place dans une chaîne de production que les ouvriers cherchent à bloquer. La police ne tarde pas à arriver et c’est à coup de bidons et de poutres qu’il faut les repousser.

    Le second niveau nous emmènera ainsi sur le plateau de l’émission Vivement Dimanche de Michel Drucker sur France2. « C’est avec énormément de peine que nos travailleurs constatent que les médias ont traités les échauffourées de l’usine de manière à les faire passer pour des criminels. » Ils décident donc d’aller s’entretenir avec le président de la chaîne. Problème : un comité d’accueil composé de zombies en costume cravate et d’un robot caméra gigantesque. Viendra ensuite, notamment, un niveau impliquant le gouvernement.

    Un jeu anticapitaliste

    Le jeu, s’il est volontiers humoristique, n’en comporte donc pas moins une analyse fine de l’économie et des enjeux de la lutte. Mittal n’est ainsi pas « l'homme à abattre », mais plutôt un représentant d'un système qui crée la destruction de l'emploi. Ceci est d’ailleurs bien illustré dans la séquence de fin : après avoir terrassé le géant de l'acier, nos héros voient surgir un nouvel ennemi « issu du monde du capitalisme mondialisé ». Par ailleurs, pour gagner, il n’y a pas dix mille solutions : il faut rassembler un maximum de camarades.

    Alors, évidemment, ça nous change de ce à quoi le paysage vidéo-ludique nous avait habitué. Ici, pas question de diriger une ville, d’aller combattre de « vilains barbus » ou d’incarner un délinquant d’origine biélorusse qui cherche à atteindre le sommet. Le développeur a volontairement évité de rentrer dans ces codes : « Je ne suis pas satisfait du paysage vidéo ludique actuel, pas satisfait des idéologies qui y sont transmises. Sur le fond d’abord, car les plus grosses ventes se font sur des jeux baignant dans une imagerie guerrière impérialiste, où il est de bon aloi de tirer sur tout ce qui est différent de nous en réponse à des menaces terroristes fantasmées. »

    Un jeu amusant, rafraîchissant et pertinent, que tout un chacun peut installer gratuitement sur son ordinateur en surfant sur www.killmittal.com.

    http://www.ptb.be/index.php?id=1326&tx_ttnews[tt_news]=34954&cHash=803d6cd2f0b64484ca2cc209dd0c986c


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  •  Melissmell : Entre le spleen Baudelairien et la rébellion

    « La douleur est comme une pirogue qui court le long des nerfs »

    Bohringer

    Avec son deuxième album « Droit dans la gueule du loup » Melissmell continue de partager sa rage, ses rébellions en poésie. Mais On découvre aussi, dans son nouvel opus, une abyssale mélancolie, une poésie brutale sans concession. Un face à face avec « les années sombres » chanté par Mano solo.


    « Oh monsieur tout est grave, vous avez l’arrogance et cet air un peu fier
     De sonder l’existence, de lui chercher un sens, d’embêter l’univers
    On ne vous a jamais dit, que la vie est un jeu
     Qu’à forcer les sourires, à ignorer le pire, on paraît plus heureux »

    Madame ; Melissmell

    Pour autant, on ne se laisse pas aller à un vague à l’âme stérile, l’artiste y puise ses révoltes, forge et partage ses engagements. C’est avant tout une combattante. Tourmentée mais pas amère. Halte aux injustices et aux hypocrisies. Elle chante « la vie qui n’est pas toujours du gâteau », met au pilori la pensée conformiste, la bêtise sous toute ses formes, de la plus innocente à la plus vicieuse.

    « Des armes, des armes, des armes,
     Et des poètes de service à la gâchette
    Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
     Au bout d'un vers français brillant comme une larme. »

    ferré

    Si Elle hante nos illusions perdues, usées par le quotidien, Il y a l’espoir, l’amarre terrestre. Un engagement solidement ancré dans la réalité.


    « On se dit merde et longue vie
    je le porte loin ce pays
    l'étendard qui brulait mon âme, j en ai fait quelques convertis
    j'en ai fait quelques convertis
     je sens encore en moi ce cœur qui bat
    Mais les temps sont durs, c’est chacun pour soi »

    sobre la muerte, Melissmell

    SI Melissmell a signé la quasi-totalité des textes de son premier album : Ecoute s' il pleut.
    Pour « Droit dans la gueule du loup », c’est un travail collectif : Guillaume Favray aux textes et musiques.  La voix de Melissmell, intense. Elle est incandescente de vérités mêlant le rock et le grunge. Brûlure et tendresse.


    « Cette fêlure dans ma voix
    Ne l’entendez vous pas ?
     La colère est tapie dans le fond en bas mais
    Mais ça déborde souvent quand la marée s’en va »

    les souvenirs, Melissmell

    Puis apparaissent Daniel Jamet et Mattu, les compagnons de route de Mano Solo. L’album est d’ailleurs dédié à ce dernier et à Allain Leprest. Deux Géants. Melissmell, assurément, fait partie de la tribu. Un album incontournable, flamboyant, romantique.



    Texte de Yann


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  •  Musique en deuil. Départs de deux très grands

    http://files.newsnetz.ch/bildlegende/89060/1282571_pic_970x641.jpg

     

    Si on en croit Burki, il semble que Georges est arrivé. Mais Henri doit certainement ne pas être bien loin.

     

    A 24 h00 d'intervale, deux hommes de deux générations et de deux espaces culturels voisins mais differents, usant des mêmes outils, viennent de s'embarquer pour leur ailleurs définitif.

     

    Deux parcours, mais si les choix politiques du premier sont connus et font partie de l'hommage qui lui est à juste titre rendu, personne concernant le second qui n'ait pensé à regarder ce qui dans sa biographie était en résonnance avec les engagements du premier.

     

    Il faut réparer l'oubli pour que les deux soient également admis dans le panthéon des Hommes libre vibrant pour la Liberté.

     

    Quand l'intelligentsia bien en cours faisaient le voyage à Berlin dans les années 40, Henri Duthilleux solidaire des gueules de métèques s'engageait et rejoignait les Musiciens libres du FNLIF (Front National pour la libération l'indépendance et la France). Il travaille avec Claude Delvincourt, Roger Désormière, Irène Joachim, Elsa Baraine ou Manuel Rosenthal et nombre d'autres à rassembler les musiciens contre la bande d'Alfred Cortot (lequel ira jusqu' à trahir son amitié avec Pablo Casal pour complaire à l'occupant et se faire le héraut de Pétain dans le monde de la musique avec son  tristement célèbre questionnaire).

     

    Refuser l'impérialisme culturel nazi, dénoncer le sort fait aux musiciens persécutés par l'antisémitisme officiel, refuser l'impérialisme culturel quand Kempf et Karajan paradent devant les auditoires parisiens triés sur le volet,  le faire savoir par la presse clandestine, sans bruit participer à ce travail et ensuite ne faire aucune sollicitation de médailles et reconnaissances, Duthilleux est de cette trempe là.

     

    http://blogs.medici.tv/wp-content/gallery/guyvivien_henridutilleux/dutilleux-trois.jpg

     

    Tristesse de voir passer ce pan majeur de la personnalité d'un des plus grands compositeurs français contemporains sous silence. Comme si on ne gardait que "les amis de Georges" et "nous avons le temps" ou "milord" en oubliant "ma liberté" ou "le métèque" et les raisons de leur écriture à propos de Moustaki.

     

    Vous le savez, seul ceux qui l'esprit oblitéré par la recherche du tirage, qui auront décidé de faire l'impasse et se seront abstenus de parler de cette convergence ont le droit d'évoquer et décerner les brevets de talent.

     

    Colère de voir combien ceux qui auraient du immédiatement donner à connaître ce que modestement La Canaille tente de faire, faillir une fois encore à leur devoir d'information. Pas grave, ils sauront noircir du papier et faire tourner les rotatives pour débattre des atouts culturels de la télé réalité. Faut-il citer des titres ? Le quel échapperait à la foudre ? Aucun.

     

    Dans un de ces textes célèbres (au point qu'il sera plusieurs fois donné comme sujet de commentaires au baccalauréat), Camus prétend -au mépris d'une part pourtant conséquente de lui même- qu'on ne peut lutter à la fois pour la beautée et la liberté. Ces deux artistes les deux pieds dans leur siècle chacun avec sa personalité, toute leur vie, ont été l'exemple du contraire.

     

    Puisque vous avez lu cela et si comme La Canaille vous n'avez pas attendu 2013 pour aimer le premier et sa Liberté, faites donc connaitre que la Liberté de Moustaki a, dans des moments différents mais tout aussi décisifs, été licenciée dans le même club que celle d'Henri Duthilleux. 

    Par canaille le rouge


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  • Mort d’un métèque.

    Moustaki est mort sans jamais avoir été reconduit à la frontière malgré sa gueule de métèque et ses appels à la liberté et à la révolution permanente.

    Comme quoi il ne faut pas surestimer les ministres de l’intérieur de droiche et de gaute.

    Pascal Nègre, le président d’Universal, a publié illico ce tweet délicat et ému qui restera dans les annales de la bibliothèque mondiale des hyènes et des vautours :
    « Avec Georges Moustaki c’est une des dernières légendes, artiste et poète, qui disparaît ! Ses plus grands succès sont chez Universal ! »

    Sur la toile, un Internaute écrit en l’imitant :
    « Mort de Lady Di : Pour vos freins, le plus simple c’est SPEEDY ! »

    C’est dit !

    Théophraste R.

    URL de cette brève 3447
    http://www.legrandsoir.info/mort-d-un-meteque.html

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    Georges Moustaki Le Meteque par Selvilicadde

    Décès de Moustaki : «Ses chansons continueront à vivre dans nos combats»moustaki.jpg

    C'est avec une profonde tristesse que j’apprends la disparition de Georges Moustaki.

    Fils du métissage et du multiculturalisme, il mettait en musique les plus belles histoires d'amour et d'humanité. Auteur-compositeur-interprète, poète, ses œuvres seront interprétées par Piaf -pour qui il avait composé Milord- Reggiani, Barbara, Dalida, Montand, Salvador...

    Se succéderont ensuite de nombreuses chansons marquant toujours son attachement à la liberté, la révolution, au respect profond des êtres. Revendiquant « le droit à la paresse » malgré une intense activité, il disait « je n'accepte pas de vendre mon temps, donc je m'occupe avec tout ce qui m'apporte du plaisir et des passions ».

    Tout au long de sa carrière, cet artiste populaire et parolier hors pair n'a cessé de mettre son art au service des causes qu'il croyait justes.

    Georges Moustaki ne chantera plus dans les fêtes populaires qu'il affectionnait tant, mais ses chansons continueront à vivre et à nous accompagner dans nos combats.

     

    Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

     

    Culture - le 23 Mai 2013

     

    Le chanteur du "Métèque" Georges Moustaki est mort

    Le chanteur engagé et compositeur Georges Moustaki, auteur de chansons devenues des classiques comme Milord et Le Métèque, est décédé jeudi matin à l'âge de 79 ans. Retrouvez sa dernière rencontre avec L'Humanité, en 2008, à l'occasion de la sortie de l'album Solitaire.

    Georges Moustaki revient avec Solitaire. Un album aux chaudes sonorités avec de nombreux invités, dont Cali ou Vincent Delerm. Georges Moustaki a gardé au fil des ans une même coolitude attachante. Le pâtre grec né à Alexandrie a su transformer cette nonchalance en art de vivre. Cela ne l'a pas empêché d'être un de nos plus tendres auteurs-interprètes de la chanson, ayant écrit pour Édith Piaf Milord et plus tard le Métèque, Ma liberté, Ma solitude, le Temps de vivre, Bahia ou Donne du rhum à ton homme. À soixante-quatorze ans, Georges Moustaki poursuit sa route en sortant Solitaire. Un album tout en douceur et chaudes harmonies musicales, où l'on retrouve certains de ses classiques, mais aussi plusieurs morceaux inédits qu'il partagera bientôt sur la scène de l'Olympia. Rencontre avec un marginal qui n'a jamais eu besoin de parler haut pour se faire entendre.

    Pourquoi avoir baptisé votre album Solitaire ?

    Georges Moustaki. C'est le titre d'une des chansons. C'est un mot qui convient à mon état d'esprit. L'image de quelqu'un qui aime bien tracer sa route par lui-même, sans trop de directives, de préparation. Même si je suis quelqu'un de sociable, je suis marginal. Je n'ai pas les mêmes horaires, je n'utilise pas mon temps de la même manière que la plupart des gens que je vois. Ce n'est pas une hiérarchisation des fonctions. Je suis comme ça. C'est mon caractère et ma forme de vie.

    Est-ce à dire que la solitude est votre meilleure compagne ?

    Georges Moustaki. C'est une citation d'une chanson : « Elle sera mon dernier jour. » Même si je la trahis de temps en temps - heureusement -, elle sera ma dernière compagne. C'est ce que je dis.

    Quelle lecture faites-vous du Temps de nos guitares, une chanson aux accents de nostalgie où vous citez entre autres Brassens, Maxime Le Forestier, Dylan, Sacha Distel ?

    Georges Moustaki. Quand on met le mot « algie », cela renvoie à une souffrance. C'est plutôt un regard mélancolique et affectif sur une époque qui m'est très chère, où j'ai fait de belles rencontres. La guitare nous a réunis dans une même vocation, les mêmes lieux. C'est simplement l'idée de célébrer et la guitare et l'amitié, la confraternité. La guitare représente tellement pour moi que j'ai eu envie de la célébrer.

    Il y a aussi de belles collaborations avec Cali, Stacey Kent, Vincent Delerm, China Forbes, chanteuse des Pink Martini. Doit-on y voir une espèce de filiation ?

    Georges Moustaki. Ils ont tous entre trente-cinq et quarante ans. Ce sont des gens qui m'ont apporté et à qui j'ai apporté. Cela a débouché sur des relations vraiment amicales. Ce n'est pas un coup. Il y a quelque chose de très intime qui s'est passé entre nous. C'est vrai qu'il y un décalage de génération, mais ce sont des gens qui ont une grande maturité, une connaissance de leur métier, déjà une oeuvre qui les caractérise, les identifie. J'ai souhaité cela pour enrichir, pour sortir, de temps en temps, de ma chère solitude. Ce sont de belles présences que je n'ai pas eu à supplier, ni à solliciter. J'ai ouvert la porte et elles sont venues naturellement.

    Comment avez-vous réussi à concilier notoriété et art de vivre ?

    Georges Moustaki. Je n'ai pas de copie à rendre. Je fais mon métier avec beaucoup de bonheur, de passion, mais je n'ai pas cherché à rester en haut de l'affiche, à vendre des millions de disques. Depuis l'âge de vingt-quatre ans, j'écris des chansons qui m'ont mis à l'abri de la course au cachet, de développer son ego. J'ai eu une reconnaissance de très bonne heure dans ma carrière d'auteur, puis de chanteur. Les choses se passent bien. Je n'ai pas envie d'en faire plus. J'en fais beaucoup, je trouve. Mais, c'est vrai que par rapport à mes confrères, j'ai souhaité avoir une vie beaucoup plus tranquille. C'est un choix de vie, un choix de refuser ce qui n'est pas indispensable à mes aspirations. La notoriété n'était pas prévue au programme. Elle m'est tombée dessus. En 1969, j'ai eu l'imprudence ou la tentation de ne pas savoir où cela menait, et je suis encore dans la course.

    Au moment ou l'on célèbre les quarante ans de Mai 68, vous dites que ce fut pour vous « un moment de grande poésie » ?

    Georges Moustaki. C'est comme ça que je qualifierais ce qu'on appelle les événements, la révolution, la révolte. Pour moi, c'était la poésie qui s'exprimait dans la rue, avec des revendications sociales, mais tout cela était en termes politiques, et c'est peut-être ce qui faisait sa beauté. J'ai entendu ce qui se passait à la Sorbonne. J'étais à Caen et nous sommes rentrés parce qu'on avait envie de savoir ce qui s'y passait. C'était exceptionnel. Comme je n'habite pas loin, j'étais confronté tous les jours aux bruits des bombes lacrymogènes, des manifestations qui avaient lieu dans le voisinage. Je suis allé voir avec des amis musiciens et on a décidé d'accompagner les événements avec nos guitares et nos chansons. On a été présents, mais pas en première ligne. On était très solidaires et concernés par ce qu'on était en train de vivre.

    Dans le Temps de vivre, vous aviez écrit : « Écoute ces mots qui vibrent sur les murs du mois de mai »...

    Georges Moustaki. La poésie est contagieuse. Elle était partout sur les murs, cela m'a donné envie d'être en résonance. Il n'y a pas eu beaucoup de chansons écrites sur ce mois de mai. La vraie poésie, elle était dans les rues. Avec ces mots, j'indique la source. C'est une chanson qui accompagnait un film de Bernard Paul, le Temps de vivre, qui se tournait au mois de mai 1968, adapté d'un livre d'André Remacle, écrivain communiste de Marseille. Il y avait une concordance entre le film, le livre, les événements et la chanson.

    Est-ce que le « juif errant », le « métèque » que vous avez tant chanté, continue de voyager ?

    Georges Moustaki. Un peu moins, parce ce que j'ai fait le tour de certaines curiosités, mais je continue de voyager pour chanter. Quand je ne chante pas, je vais en Grèce, dans une île, voir des amis, dans un endroit de rêve, dans une maison accueillante avec des choses très simples : la pêche, les repas dans une taverne, les promenades...

    La scène, c'est toujours un moment de bonheur, de partage ?

    Georges Moustaki. Pour le moment, cela me paraît indispensable. Si j'écris des chansons, ce n'est pas pour faire des disques et les mettre en boîte. C'est pour les promener et les chanter devant les gens, sans aucune barrière technologique, sinon une sono convenable. C'est là où le plaisir de faire la musique s'exprime le plus.

    Qu'elle image aimeriez-vous laisser ?

    Georges Moustaki. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais j'ai envie de faire une fondation. Une fondation pour réunir la richesse des instruments, les partitions, les beaux objets, des réalisations que j'ai créées ou qu'on a créées autour de moi. Pour ne pas que ce que j'ai fait tout au long de ma carrière, soit dispersé. J'ai peut-être été traumatisé par ce qui est arrivé à Barbara. Quand elle est morte, tout a été dispersé. J'aimerais réunir des choses qui me tiennent à coeur aujourd'hui, non pas pour en faire des icônes, mais simplement, quand je ne serai plus là, savoir qu'elles existent. C'est une idée que j'ai depuis longtemps. Je me souviens, après la disparition de Barbara et de cette dispersion un peu choquante, Jean-Claude Brialy m'a dit : « Il ne faut pas mourir. » Voilà quelqu'un qui est parti en réglant tout avec ses proches, ses amis, le public. Il a laissé un état des lieux impeccable.

    • Georges Moustaki dans l'Humanité:

    En 1994 sur Nelson Mandela : "Il incarne une démarche d'un courage inestimable"
    En 2002, à l'occasion d'un voyage au Brésil, Georges Moustaki parle de la musique, du cinéma, des gens, de Lula
    En 2010 sur la disparition de Jean Ferrat : "Une telle richesse intérieure"

    Entretien réalisé par Victor Hache


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    Histoire du mouvement social et communiste

    Aux origines du festival de Cannes, le rôle majeur de la CGT et du PCF

    La participation du monde ouvrier et du mouvement syndical à la création du Festival international du film à Cannes est aujourd'hui ignorée ou, au contraire, fantasmée. Non, la CGT n'a pas crée de toute pièce le Festival de Cannes. Mais l'apport de la centrale syndicale tant au niveau local qu'au niveau national a été déterminant pour le lancement du Festival. Et il est peut-être opportun, à ce jour, de rappeler les origines populaires, syndicales et politiques du plus grand festival de cinéma

     
    Aux origines du festival de Cannes, le rôle majeur de la CGT et du PCF
     
    Enfant tardif du Front populaire, le premier Festival de Cannes aurait normalement dû avoir lieu en 1939. Ebauché par le gouvernement de Léon Blum pour faire suite aux succès du cinéma lors de l'Exposition internationale de 1937, son but était aussi et (peut-être surtout) de concurrencer le Festival de Venise régenté par le pouvoir fasciste. En 1938 en effet, la délégation française à Venise n'apprécia guère de voir La grande illusion, le chef-d'oeuvre pacifiste de Jean Renoir -qui passait alors pour "le" cinéaste du Front populaire- être interdit de récompense suprême, après intervention personnelle de Mussolini[1]. Le Festival de Venise préféra alors réserver une partie de ses honneurs à la cinéaste nazie Léni Riefenstahl. Le 1er septembre 1939 aurait ainsi pu être le jour anniversaire de la naissance du Festival de Cannes. La guerre en décida autrement.

    A la Libération, le gouvernement provisoire du général De Gaulle reprit à son tour l'idée d'un festival international du film. En fait, nombre de réformes et décisions concernant le cinéma, généralement pensées sous le Front populaire et souvent ébauchées -dans un autre esprit- par le régime de Vichy furent reprises après la Libération. (On constate ainsi que l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) a été créé en 1943 et que le Centre national de la cinématographie (CNC), né en 1946, a pour ancêtre le vichyssois Comité d'organisation du cinéma (COIC)).

    Si la décision de relancer un festival du film à Cannes fut prise en 1945 la première édition n'eut lieu qu'en septembre 1946, dans des conditions précaires. D'une partie des notables cannois jusqu'aux majors américaines, en passant par certains ministères, la création d'un festival international du film n'apparaissait pas comme une priorité. L'industrie cinématographique américaine, craignant pour ses intérêts, estimait qu'un seul festival en Europe (en Italie) suffisait. Dans une France en partie ravagée par la guerre, alors que tout était à reconstruire, certains hommes politiques, épaulé par une partie de la presse, pensait qu'il y avait mieux à faire.

    Néanmoins à l'heure où le redressement de la France se devait aussi d'être moral, à l'heure également où il était à nouveau question du rayonnement culturel de la nation, et alors que pointait déjà la question de la survie ou du développement de ses industries, une large partie de l'opinion politique et syndicale désirait au contraire la création d'un festival. La CGT et le PCF prirent toute leur place dans cette bataille. Il est vrai que ces deux organisations disposaient alors d'un poids certain, tant au niveau local que national, poids considérablement renforcé par leur attitude pendant la Seconde Guerre mondiale (c'était vrai aussi dans les milieux du cinéma).

    Les députés communistes de Cannes et de Nice, Henri Pourtalet et Virgile Barel, firent ainsi du "lobbying" pour que le festival ait bien lieu à Cannes, et non à Monaco ou à Strasbourg comme il le fut un moment envisagé. Plus d'une fois ils interpellèrent les ministères sollicitant ardemment autorisations, prêts, crédits et matériels. Le rôle de la municipalité cannoise, à majorité communiste, fut aussi primordial. La mairie était alors dirigée par un "médecin des pauvres", le docteur Picaud, ancien résistant et homme de gauche, socialiste et président de l'association France-URSS. Le docteur Picaud entendait faire du festival une grande fête populaire : carnaval sur le thème de la Paix, meeting aérien sous le patronage du ministre communiste Charles Tillon, tournoi de foot avec l'équipe du Dynamo de Moscou… Il sut convaincre la population laborieuse de la cité de s'associer pleinement au projet.

    La participation de la CGT au démarrage du Festival se situe à deux niveaux : localement et nationalement. Localement, une large partie de la population cannoise et la CGT s'investirent en effet hardiment dans le démarrage de la manifestation. En 1947, des ouvriers bénévoles, à l'instar des "équipes de choc" de Marseille, participèrent, après leur journée de travail, à la construction du Palais de la Croisette. Le première adjoint de la ville, l'avocat communiste Lieuter, poussa même des brouettes et mania la truelle. Et ce furent des militantes qui cousirent le rideau (rouge) du Palais. Lors de l'ouverture du second festival (le Palais n'était pas encore terminé), ouvrières et ouvriers montèrent sur scène et furent salués par les festivaliers. A Paris, la Fédération nationale du spectacle CGT, quant à elle, fit partie dès 1946 du comité d'organisation du Festival (pour ne plus le quitter).

    En 1946 et 1947, le palmarès de Cannes sembla répondre à cette union désirée entre le peuple, la culture nationale et le cinéma. La Bataille du rail de René Clément, produit par la Coopérative Générale du Cinéma Français (CGCF), obtint le grand prix du festival en 1946 ; en 1947, Antoine et Antoinette de Jacques Becker, situé dans les milieux ouvriers et populaires de Paris, obtint à son tour le premier prix. Rappelons que le film de René Clément exalte la résistance ouvrière, que la CGT était membre fondateur de la CGCF et que Jacques Becker était alors adhérent PCF (qu'il avait rejoint sous le Front populaire).


    Cette "aube nouvelle" ne dura qu'un temps. Rapidement, l'euphorie de la Libération fit place aux déceptions de l'après-guerre puis aux crispations et sectarismes de la guerre froide. Pour raison budgétaire et parce qu'il paraissait alors inutile de concurrencer le festival d'une nation redevenue démocratique (le festival de Venise), il n'y eut pas de festival en 1948[2]. En 1949 le grand prix fut attribué au Troisième homme de Carol Reed, vilipendé par la critique communiste. A la fin des années 1980, malgré une campagne de protestations qui n'intéressa que fort peu le Ministre de la culture de l'époque, le Palais de la Croisette fut rasé, au grand dam des anciens militants qui avaient participé à sa construction. Cependant, il serait aberrant de conclure l'histoire sociale du Festival de Cannes par une lente et irrémédiable exclusion du fait syndical et politique. 1968 vit ainsi une réapparition spectaculaire du politique au coeur même du Festival. Et la CGT a toujours tenue à être présente au sein de cette manifestation culturelle éternellement menacée par les lois du marché.

    La présence cette année à Cannes de l'exposition de l'Institut CGT d'histoire sociale et du Département de la Seine-Saint-Denis, «Accords-raccords-désaccords. Syndicalisme et cinéma» obtenue grâce à une sollicitation de la Fédération nationale du spectacle auprès de la direction du Festival, permet ainsi de rappeler une histoire généralement occultée. Espérons qu'elle pourra contribuer, même de manière modeste, à sauver en partie le Septième Art des "eaux glacées du calcul égoïste".

    Tangui Perron
    Cahiers de l'institut CGT d'histoire sociale

    [1]… Mais le dictateur ne bouda pas son plaisir de cinéphile lors de projections privées.
    [2]Cette idée de rotation, d'une année sur l'autre, d'un festival de cinéma d'un pays à l'autre, soit entre la France et l'Italie, fut définitivement abandonnée en 1951.
     

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  •  OPA | Orchestre Poétique d'Avant-guerre

    Yep !


    Voilà des jours que nous tournons et virons autour de notre clavier pour vous envoyer notre bulletin d'informations mensuel.

    Revenus mi-avril de notre deuxième voyage en Tunisie, nous avons retrouvé une France plus brune que jamais, entre homophobie, haine et communautarisme ; une France ouvertement corrompue, dirigée par des intrigants qui, malgré les mensonges, restent droit dans leurs bottes, une France exsangue, sur fond d'éternelle crise avec son lot de malheurs et de désespérances.

    Nous avons retrouvé un Bordeaux trop propre et une place St Michel défigurée par des pseudo révolutionnaires, usurpateurs de rêves, voleurs de mots.

    Nous avons retrouvé des rues pleines de sans-abris attendant les prochain-e-s sans-abris des prochaines expulsions ; des magasins offerts à un consumérisme compulsif et décadent ; nous avons retrouvé tout ce que nous avions laissé au pire et pourquoi le cacher, il nous a fallu un certain temps pour de nouveau apprécier la beauté de l'existence et nous dire qu'il y aurait forcément, au bout de tant de sacrifices enragés, des avenirs moins sombres pour la descendance.

    Voici donc où nous en sommes.

    L'étau se resserre et certain-e-s d'entre nous, pliant sous le joug, ont déjà étouffé tout espoir et confient leur destin aux idées sombres que nos pères et nos mères ont dû combattre en leur temps.

    Ces idées rances se propagent plus vite que celles qui nous parlent d'un monde neuf à bâtir avec nos intelligences sereines et fertiles.

    Voici donc où nous en sommes.

    Dans un même élan, il nous faut mettre en lumière les autonomies existantes, ici-même, dans ce pays, mettre en lumière toutes ces envies de vie qui nous donnent courage et force.

    Et dans le même temps, il convient de se mettre debout et en marche. Des collectifs, des associations attendent que nous reprenions en main nos destins, petit à petit mais déterminés à ne plus être seulement passifs, d’offrir à la réflexion et à l'action commune un peu de notre temps personnel.

    Dans les informations nombreuses que nous avons récoltées pour vous ce mois passé, vous trouverez des pistes, des initiatives à soutenir, à relayer et bien sûr, de quoi ne pas baisser la garde et s'enrager plus que jamais pour la beauté de l'existence.

    Nous demeurons plus que jamais vos côtés,

    L'Orchestre Poétique d'Avant-guerre - O.P.A

    Cet édito est en ligne ici :
    http://www.opa33.org/tout-s-embrunit.html

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  •  Dans l’Esprit de 45, Ken Loach raconte, au moyen d’images d’archives et de témoignages, la séquence de 1945 à 1951, quand le Parti travailliste, au lendemain de la guerre, a pris le pouvoir en Grande-Bretagne. L’occasion, pour le cinéaste britannique, de faire des allers-retours entre cette époque où s’inventait un idéal social et la période actuelle, marquée par un affaiblissement des luttes.

     

    Culture - le 7 Mai 2013

    Cinéma

    En ce temps-là, la classe ouvrière allait au Paradis

    Un documentaire de Ken Loach, c’est une profession de foi, un engagement, un plaidoyer. 
Le militant 
se penche sur le passé de la Grande-Bretagne. L’Esprit de 45, en salle ce mercredi.

     

    S’il est un réalisateur, parmi les célèbres, demeuré fidèle à des convictions progressistes, dont on ne l’a jamais vu se départir, c’est bien Ken Loach. Le voici qui persiste et signe avec ce documentaire. La thèse en est qu’il y a bien un moment où la classe ouvrière d’outre-Manche a tenu une place prépondérante dans l’histoire du pays, à savoir à la Libération, période dont il serait bon de retrouver aujourd’hui les valeurs. Un exposé ayant ­valeur de cours magistral nous rappelle le rôle tenu alors par la Grande-Bretagne, seule parmi les grandes puissances occidentales à n’avoir pas été mise à genoux par les bombardements nazis, d’où une expansion industrielle phénoménale, conséquence des besoins considérables des marchés. De même que la société britannique avait trouvé son unité pendant la guerre, elle la prolonge pendant la paix avec le vote qui porte les travaillistes au pouvoir, au grand dam de Churchill, dans un raz-de-marée sans précédent. Ce qui naît alors est le sujet de ce film qui ignore ce qui a pu se dérouler précédemment, soit depuis la naissance du ­Labour, aux premiers jours du XXe siècle.

    Un brillant travail de documentation

    Le point de vue est clair, la méthode de travail tout autant. Elle consiste à aller dans les archives avec méticulosité pour en sortir tous les plans utiles à la démonstration et, parallèlement, à interviewer des ­témoins de la période racontant ce que fut leur vie, le tout en noir et blanc (à l’exception de la dernière séquence), dans un souci d’harmonie. Le résultat est magnifique, digne d’un artiste en ce qu’on y trouve cette touche sensible qui distingue le créateur de l’historien ou du journaliste. Et quel travail de documentation ! Chacun connaît des images de ­Churchill fumant ses gros cigares, tout en assénant ses vérités souveraines. Ici, par exemple, on pourra découvrir des plans de l’homme en pleine campagne électorale renonçant à parler sous les huées populaires. De surcroît, il s’agit en vérité d’un film d’auteur fidèle à sa manière. Ce que l’on voit ici, autre exemple, de la nationalisation des chemins de fer et de l’arrêt de la gabegie, qui était due à la concurrence des réseaux privés, rejoint précisément ce que Ken Loach avait pu traiter déjà par la fiction, en l’occurrence dans The Navigators.

    Convoquer un socialisme authentique

    De même avec l’emploi ou le logement. Concrétisation d’une utopie, mais qui n’aura qu’un temps. ­Margaret ­Thatcher, ­arrivée au pouvoir, s’empressera de défaire tout ce qui avait été édifié sans que le parti, qui n’a cessé de se social-démocratiser, s’en émeuve outre mesure, lui-même converti aux nécessités du marché. C’est donc bien cet esprit que convoque le titre, que le réalisateur intime de retrouver, celui d’un socialisme authentique qui mette l’homme, non le profit, au poste de commandement.

    L’Esprit de 45, de Ken Loach. Grande-Bretagne, 1 h 34.


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  • Monde - le 3 Avril 2013

    TeleSur et la lutte contre "le latifundium médiatique"

    Chronique du festival latino-américain, CulturAmerica, par Jean Ortiz. Barbe et cheveux grisonnants, les "archives du temps" d'un vieux lutteur ("j'ai commencé par la Jeunesse communiste, comme tous ceux de ma génération")-le Vénézuélien Eduardo Rothe Galo est co-fondateur de la chaîne de  télévision alternative "TeleSUR", "un multimédia libre, latino-américain". Et les droites enragent.

    Elles nous accusent de "soutien au terrorisme", d'anti-américanisme", elles qui dominent tous les médias et sont la voix de l'empire". "CNN est une télé de propagande"
    L'amphithéâtre de la présidence de l'Université de Pau est bien rempli malgré le match Katar-Barcelone. Au même moment, plusieurs films latinos sont programmés au cinéma Le Méliès, partenaire historique du Festival. Cinéma, forums, expos, théâtre... ne se font finalement pas concurrence.
    Le pionnier de TeleSUR explique au forum ce soir la genèse de cet "enfant de la révolution"...

    TeleSur fut créée le 24 juillet 2005, jour anniversaire de la naissance de Bolivar, sous l'impulsion du président Chavez, avec l'aide de Cuba, de l'Argentine, de l'Uruguay, de l'Equateur... "Chavez, le grand communicateur, est le père de TeleSUR".

    Elle se définit comme "une télé généraliste internationale publique". Il fallait absolument combattre le "latifundium médiatique" des classes dominantes, des grands groupes économiques, la "censure politique et culturelle, la colonisation des esprits, l'hégémonie de "l'information libérale", et mener le bataille des idées dans des conditions très défavorables; travailler à la construction "d'un nouvel ordre journalistique". "Sans TeleSUR, qui rendrait compte honnêtement des processus d'émancipation en cours?".  Caricaturés, stigmatisés, calomniés.
    "Il fallait à tout prix commencer à lutter concrètement contre le modèle culturel, les standards, les légitimations, que les Etats-Unis nous imposent, néocoloniaux, et qui ne correspondent pas à nos réalités. TeleSur décolonise, défend les valeurs, les cultures des peuples du continent, et participe ainsi au mouvement d'intégration en cours". Mieux se connaître pour s'émanciper ensemble.
    TeleSur s'impose un "code éthique", considère que "l'info est un droit humain", et "donne même la parole à l'opposition". L'inverse se pratique peu.
    Basée à Caracas, elle emploie 750 personnes , techniciens, journalistes, issues de tous les pays du continent.
    A TeleSUR, pas de publicité, et les journalistes , les présentateurs(trices) sont "de toutes les couleurs. Pas de poupées plastiques souriantes, malléables, aseptisées. On émet en espagnol et en portugais, en direction des cinq continents, avec un audimat moyen de "300 millions". La transmission en anglais est à l'étude.
    "Ni mercenaire ni martyre", explique Eduardo Rothe Galo, mais "un média fait par des journalistes qui décident de la ligne éditoriale en toute indépendance". TeleSUR a joué un rôle déterminant notamment pour "couvrir" et dénoncer le coup d'Etat au Honduras, malgré tous les dangers, le harcèlement de ses journalistes, la répression... "Au Chili,  au Mexique, ils nous verrouillent. Il nous est encore difficile de "rentrer"
    "Le danger qui nous guette est d'éviter la télé de propagande, la langue de bois. Ce n'est pas facile d'être le plus professionnel possible, mais nous progressons. Nos revues de presse, nos tables-rondes économiques, sont de qualité".
    Informer autrement serait donc possible. Sans "chiens de garde" aux ordres du marché, sans pensée unique "libérale". Avec primauté à la pensée critique, au pluralisme d'opinions, à la confrontation des points de vue... En toute honnêteté. Vaste Chantier.

    • >>> Retrouvez toute la programmation du festival en cliquant ici

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  • Écouter, voir : « Un morceau de chiffon rouge – L’aventure de Radio Lorraine Cœur d’acier »

    par Henri Maler, le 22 mars 2013

    Septembre 1978 : Un prétendu « plan de sauvetage » de la sidérurgie est annoncé. Décembre 1978 : 21 750 suppressions d’emploi sont prévues entre avril 1979 et décembre 1980, dont 6 500 à Longwy. La longue et massive mobilisation des sidérurgistes et de la population commence. Le 17 mars 1979, la CGT crée Radio Lorraine Cœur d’Acier (LCA) : elle est animée par deux journalistes professionnels – Jacques Dupont et Marcel Trillat – dans un studio installé dans le hall de la mairie de Longwy.

    C’est cette radio de lutte et de libre parole que fait revivre, entre les voix d’hier et les témoignages d’aujourd’hui un documentaire radiophonique de Pierre Barron, Raphaël Mouterde et Frédéric Rouziès, en 5 CD, que complète le DVD du film « Lorraine Coeur d’Acier – Une radio dans la ville », d’Alban Poirier et Jean Serret qui est sorti en 1981, peu de temps après que LCA a cessé d’émettre, en juin 1980.

    Le titre du coffret est emprunté aux paroles d’une chanson de Maurice Vidalin et Michel FugainLe Chiffon rouge – qui passait quotidiennement à l’antenne et était devenu le chant des « Longwy ».

    Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge
    Une fleur couleur de sang
    Si tu veux vraiment que ça change et que ça bouge
    Lève-toi car il est temps

    Radio de lutte, Radio Lorraine Cœur d’acier prépare la marche des sidérurgistes du 23 mars 1979 et ouvre son antenne à toutes les informations sur les luttes sociales en Lorraine.

    Radio de libre parole, en dépit des réticences, elle sera ouverte à l’expression, pluraliste et le cas échant conflictuelle, de tous les intervenants et, en particulier, de la population locale (et notamment, ce qui est inédit, à l’expression de femmes, ouvrières ou non, et d’immigrés). Une ouverture à des récits de vie d’acteurs qui s’expriment à la première personne et pour leur propre compte.

    Une radio de lutte et de libre parole, mais aussi et peut-être surtout une authentique radio participative. Et non cette caricature que proposent les « grandes » radios d’aujourd’hui quand elles accordent, disent-elles, « la parole aux auditeurs ».

    Le coffret, édité par le magazine de la CGT, La Nouvelle Vie Ouvrière (NVO), est disponible en ligne chez l’éditeur, au prix de 29,90 euros. Cliquez ICI. Puis une fois sur le site, cliquez sur EDITION. Pour disposer d’un aperçu il est vivement conseillé de rendre visite au site « Un morceau de chiffon rouge ».

    Henri Maler

    http://www.acrimed.org/article4029.html


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  •  Le 13 mars 2010, un grand nom de la chanson française disparaissait:Jean Ferrat. En Ardèche, dans le village d'Antraigues son souvenir est toujours très présent.

    Trois ans, jour pour jour, après la disparition de Jean Ferrat, sa veuve inaugure, mardi, à Antraigues, la «Maison Jean-Ferrat ».

    Jean Ferrat chez lui, en Ardèche. Photo Le Dauphiné Libéré

    Jean Ferrat chez lui, en Ardèche. Photo Le Dauphiné Libéré

    Vendredi 8 mars, à Antraigues (Ardèche) : c’est la Journée internationale des droits des femmes, une idée (à défaut d’un concept) qui plaisait peut-être à Jean Ferrat, et qui aurait aussi plu à son poète préféré Louis Aragon. Le premier a chanté les mots du second : la femme serait l’avenir de l’homme, paraît-il… Ici, en Ardèche, la femme est la mémoire de l’homme : en l’occurrence Colette Ferrat, qui entretient avec un soin jaloux le souvenir de « son » homme, mort juste à côté, à Aubenas, le 13 mars 2010.

    Mardi, elle inaugurera, sur la place du village, la « Maison Jean-Ferrat », qu’elle a voulu pour lui et qui ouvrira ses portes au public le lendemain, jour anniversaire de sa mort.

    A ses côtés, les amis de toujours seront là : Paco Ibanez et sa guitare, Francesca Solleville, Gérard Morel… et ses deux nièces, élevées comme ses filles, elles aussi gardiennes du temple du souvenir : Sylvie et Valérie. « J’ai toujours beaucoup de mal à parler de lui, mais je tenais à lui rendre cet hommage, lui qui a défendu tant de valeurs », explique pudiquement, mais avec des sanglots dans la voix, celle qui partageait sa vie depuis 1972. « Vivre avec lui, c’était un bonheur. On était toujours d’accord, on était bien où qu’on soit. Il me demandait : qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui ? Je lui disais : ce que tu veux, et toi ? Et il me répondait : ce que tu veux aussi… Et, finalement, on n’allait souvent nulle part !

    Je crois que c’est pour ça qu’il m’a épousée, finalement : j’étais facile à vivre et je n’étais pas collante… »

    C’est ce bon vivant qui aimait son torrent, son village, sa femme, ses amis, faire la cuisine, que la Maison Jean-Ferrat va faire revivre. « Seul le bruit du torrent déchire le silence et tu dis mon amour, nous avons trop de chance », est d’ailleurs la phrase que Colette a choisie au frontispice de la maison du souvenir.

    Celle-ci est la bâtisse la plus grande de la place du village d’Antraigues, qui compte 550 habitants et qui est l’un des dix-neuf villages de caractère du département. 

    C’est ici, dans cette Ardèche du Sud, que Ferrat a débarqué en 1964, aux côtés de son ami Jean Saussac, artiste-peintre qui a beaucoup travaillé pour le cinéma et notamment pour Bertrand Tavernier, et qui était, accessoirement… maire d’Antraigues. Il a eu le coup de foudre pour cette région, son côté doux et sauvage à la fois, ce qui lui correspondait bien. Au point de s’y installer définitivement dès 1973 et d’en devenir conseiller municipal et premier adjoint.

    Aujourd’hui, sur cette même place de la Résistance, Sylvie et Valérie Arbat tiennent maintenant les deux piliers du village : Valérie est à la manœuvre de Lo Podello, un petit resto qui fait aussi chambre d’hôtes, juste en face de l’autre café de la place, « La Montagne », tandis que Sylvie est la cheville ouvrière de la Maison Jean-Ferrat et en sera la patronne. Ici, on est et reste en famille donc.

    Que trouvera-t-on dans la « Maison Jean-Ferrat auteur, compositeur interprète » ? Le visiteur est accueilli, dans le hall, par l’exposition « Jean des Encres et Jean des Sources », qui était déjà visible à l’office de tourisme depuis la mort du chanteur.

    Elle retrace l’animal politique, le guetteur de l’histoire, le photographe de la condition humaine, bref, l’homme complet, impliqué, concerné qu’était Ferrat.

    Au premier étage, dans une salle où a été installé son piano, des écrans et des casques permettront de le revoir et de le ré-écouter.

    Au deuxième étage, Colette a fait déménager de leur maison le bureau de son mari, sa mezzanine, et toute sa bibliothèque.

    L’Encyclopedia universalis, l’intégrale de l’œuvre poétique d’Aragon, et, bien sûr, Hugo, Eluard, Lautréamont, la Fontaine et bien d’autres en collection Pléiade…

    Renseignements sur  www.jean-ferrat-antraigues.com

    Françoise Monnet


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  • La Parisienne Libérée: travailleur élastique

    Vidéo accessible en cliquant sur le titre de l'article.Vidéo accessible en cliquant sur le titre de l'article.Chaque jeudi, La Parisienne Libérée chante l'actualité. Cette semaine : serez-vous assez flexibles pour supporter les accords compétitivité-emploi ?


    La Parisienne Libérée - Travailleur élastique par Mediapart

    http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/090212/la-parisienne-liberee-travailleur-elastique


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  • Ce que le film « Lincoln » ne dit pas sur Abraham Lincoln

    Par Vicenç Navarro 

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    À l’occasion de la sortie en salle de Lincoln, le film réalisé par Steven Spielberg, Mémoire des luttes publie un article inédit en France, et dont le propos sera, à n’en pas douter, absent de la plupart des commentaires et des critiques proposés par les grands médias.

    Qui sait que le seizième président des Etats-Unis fut très proche des idées socialistes et des revendications du mouvement ouvrier ? Et qu’il liait indissociablement la question de l’abolition de l’esclavage à celle de l’émancipation de la classe ouvrière tout entière ?

    On verra en quoi l’adaptation de Steven Spielberg déforme l’histoire, et les raisons idéologiques et culturelles de ce parti pris.

    Cet article est publié en français et dans sa version originale en espagnol (sur le site Publico). Il est accompagné de la lettre de félicitations que reçut Abraham Lincoln le 30 décembre 1864 de la Première Internationale pour sa toute récente réélection. Ce document d’histoire – réelle, elle – fut rédigé par Karl Marx.

    Le film Lincoln, produit et dirigé par l’un des réalisateurs les plus connus des Etats-Unis, Steven Spielberg, a provoqué un regain d’intérêt pour la figure d’Abraham Lincoln. Un président qui, comme Franklin D. Roosevelt, a marqué la culture étatsunienne et l’imaginaire collectif. Ce personnage politique fait figure de garant de l’unité du pays après la défaite des Confédérés qui aspiraient à la sécession des Etats du Sud vis-à-vis de l’Etat fédéral. Il s’est également distingué dans l’histoire des Etats-Unis en abolissant l’esclavage et en offrant la liberté et la citoyenneté aux descendants des immigrés d’origine africaine, à savoir à la population noire dite « afro-américaine ».

     

    Lincoln a également été le fondateur du Parti républicain. Un parti qui, à l’origine, n’avait pas grand chose à voir avec la formation actuelle, fortement influencée par un mouvement – le Tea Party – chauvin, raciste et particulièrement réactionnaire, derrière lequel se cachent des intérêts économiques et financiers déterminés à éliminer l’influence du gouvernement fédéral sur la vie économique, sociale et politique du pays.

     

    Le Parti républicain du président Lincoln était au contraire une organisation fédéraliste qui considérait le gouvernement central comme le garant des droits humains. Parmi ces derniers, c’est l’émancipation des esclaves, thème majeur de Lincoln, qui fut le principal cheval de bataille du président. L’abolition de l’esclavage permit aux individus asservis d’acquérir le statut de travailleurs propriétaires de leur propre travail.

     

    Mais Lincoln, avant même de devenir président, considérait d’autres conquêtes sociales comme faisant partie des droits humains. Parmi elles, le droit du monde du travail à contrôler non seulement son travail, mais aussi le produit de son travail. Le droit à l’émancipation des esclaves transforma ces derniers en individus libres salariés, unis – selon lui – par des liens fraternels avec les autres membres de la classe laborieuse, indépendamment de la couleur de leur peau. L’ambition de rendre l’esclave libre et celle de faire du travailleur – qu’il soit blanc ou noir – le maître non seulement de son travail, mais aussi du produit de son travail, étaient aussi révolutionnaires l’une que l’autre.

     

    La première faisait de l’esclave un individu libre et propriétaire de son travail, tandis que la seconde rendait la classe laborieuse maîtresse du produit de son travail. Lincoln tenait à ces deux aspects de l’émancipation. Or le second est totalement absent dans le film. Il est ignoré. J’utilise délibérément le terme « ignoré » plutôt qu’« occulté », car il est tout à fait possible que les auteurs du film ou du livre dont il s’inspire ne connaissent même pas la véritable histoire d’Abraham Lincoln.

     

    La guerre froide, qui perdure dans le monde culturel - y compris universitaire - des Etats-Unis et la domination écrasante de ce que l’on nomme là-bas la corporate class (à savoir la classe des propriétaires et des fondés de pouvoir du grand capital) sur la vie non seulement économique, mais aussi civique et culturelle, explique que l’histoire officielle des Etats-Unis enseignée à l’école et dans les universités soit fortement biaisée. Elle est purifiée de toute « contamination » idéologique liée au mouvement ouvrier, qu’il s’agisse du socialisme, du communisme ou de l’anarchisme.

     

    La vaste majorité des étudiants américains, y compris ceux des universités les plus prestigieuses, ignorent que la fête du 1er mai, célébrée à travers le monde en tant que Journée mondiale du travail, rend hommage aux syndicalistes américains morts en défendant la journée de huit heures (au lieu de douze). C’est cette victoire qui permit de porter avec succès cette revendication dans la plupart des pays du monde. Or aux Etats-Unis, le 1er mai, outre qu’il n’est pas férié, est le jour dit de la loi et de l’ordre – Law and Order Day – (lire l’ouvrage A People’s History of the United States, de Howard Zinn). La véritable histoire des Etats-Unis est fort différente de la version officielle promue par les structures de pouvoir étatsuniennes.

     

    Des sympathies politiques ignorées et/ou occultées

    Lincoln, lorsqu’il était membre de la Chambre des représentants de son Etat (l’Illinois), sympathisait avec les revendications socialistes du mouvement ouvrier, non seulement américain, mais aussi international. Pour lui, le droit des travailleurs à contrôler le produit de leur travail était un droit humain, ce qui constituait à l’époque – et constitue encore aujourd’hui – une position tout à fait révolutionnaire. Or ni le film ni la culture dominante aux Etats-Unis n’en font état. Cet aspect a été opportunément oublié par les appareils idéologiques de l’Establishment américain contrôlés par lacorporate class.

     

    En réalité, Lincoln considérait l’esclavage comme la domination suprême du capital sur le travail. Son opposition aux structures de pouvoir des Etats du Sud s’expliquait justement par le fait qu’elles représentaient pour lui les piliers d’un régime économique fondé sur l’exploitation absolue des travailleurs. Il voyait ainsi dans l’abolition de l’esclavage la libération non seulement de la population noire, mais de tous les travailleurs, y compris ceux appartenant à la classe laborieuse blanche, dont le racisme allait selon lui à l’encontre de ses propres intérêts.

     

    Pour Lincoln, « le travail précède le capital. Le capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais pu exister si le monde du travail n’avait tout d’abord existé. Le travail est supérieur au capital et mérite donc une plus grande considération (…). Dans la situation actuelle, c’est le capital qui détient tout le pouvoir et il faut renverser ce déséquilibre ». Il n’aura pas échappé aux lecteurs des écrits de Karl Marx, contemporain d’Abraham Lincoln, que certaines de ces phrases sont très proches de celles utilisées par le penseur allemand dans son analyse de la relation capital/travail au sein d’un système capitaliste.

     

    Nombre de lecteurs seront en revanche surpris d’apprendre que l’oeuvre de Karl Marx a influencé Abraham Lincoln, comme le montre de manière très détaillée le journaliste et écrivain John Nichols dans son excellent article intitulé  »Reading Karl Marx with Abraham Lincoln Utopian socialists, German communists and other republicans », publié dans Political Affairs (27 novembre 2012) et dont sont extraites les citations et la plupart des éléments figurant dans le présent article.

     

    Les écrits de Karl Marx étaient connus des intellectuels, tel Lincoln, qui se montraient très critiques vis-à-vis de la situation politique et économique des Etats-Unis. Marx écrivait régulièrement dans The New York Tribune, le journal intellectuel le plus influent dans le pays à cette époque. Son directeur, Horace Greeley, se considérait comme socialiste. Il admirait Karl Marx à qui il proposa de rédiger des chroniques dans son journal.

     

    The New York Tribune comptait d’ailleurs parmi ses collaborteurs un grand nombre de militants allemands qui avaient fui les persécutions pratiquées dans leur pays d’origine. Il s’agissait à l’époque d’une Allemagne fortement agitée, avec la naissance d’un mouvement ouvrier remettant en cause l’ordre économique existant. Certains de ces immigrés allemands (connus aux Etats-Unis, à cette époque, sous le nom de « Républicains rouges ») luttèrent ensuite au côté des troupes fédérales commandées par le président Lincoln pendant la guerre de Sécession.

     

    Greely et Lincoln étaient amis. Greeley et son journal soutinrent dès le départ la carrière politique de Lincoln. Ce fut d’ailleurs Greeley qui lui conseilla de se porter candidat à la présidence du pays. De plus, de nombreux éléments indiquent que Lincoln était un fervent lecteur du New York Tribune. Lors de sa campagne électorale pour la présidence des Etats-Unis, il proposa à plusieurs « Républicains rouges » d’intégrer son équipe. Auparavant déjà, en tant que membre du Congrès représentant les citoyens de Springfield, dans l’Etat de l’Illinois, il s’était fréquemment montré solidaire des mouvements révolutionnaires d’Europe, en particulier de Hongrie, en signant des documents témoignant de son soutien.

     

    Au côté des travailleurs des Etats-Unis et du monde entier

    Loin d’être fortuite, la connaissance qu’avait Lincoln des traditions révolutionnaires de l’époque résultait de sa sympathie pour le mouvement ouvrier international et ses institutions. Il encouragea ainsi les travailleurs des Etats-Unis à organiser et à mettre sur pied des syndicats, y compris au cours de son mandat de président, ce qui explique qu’il fut nommé membre honoraire de plusieurs d’entre eux. Aux syndicats de New York, il déclara : « Vous avez compris mieux que quiconque que la lutte contre l’esclavage vise à émanciper le monde du travail, c’est-à-dire tous les travailleurs. La libération des esclaves du Sud et celle des travailleurs du Nord ne sont qu’un seul et même combat ». Pendant la campagne électorale, Lincoln adopta une posture anti-esclavagiste, précisant sans équivoque que l’émancipation des esclaves permettrait aux travailleurs de réclamer des salaires leur offrant une vie décente et digne, contribuant ainsi à augmenter la rémunération de tous les travailleurs, qu’ils soient noirs ou blancs.

     

    Dans leurs textes, Marx comme Engels relatèrent avec enthousiasme la campagne de Lincoln au moment où tous deux préparaient la Première Internationale ouvrière. Au cours de l’une des sessions, ils proposèrent d’ailleurs à l’Internationale d’envoyer une lettre au président Lincoln afin de le féliciter pour son attitude et sa position. Dans cette lettre, la Première Internationale félicitait le peuple des Etats-Unis et son président pour avoir, en abolissant l’esclavage, favorisé l’émancipation de l’ensemble de la classe laborieuse, non seulement étatsunienne, mais aussi mondiale.

     

    Dans sa réponse, Lincoln remercia la Première Internationale pour sa lettre et affirma qu’il faisait grand cas du soutien des travailleurs du monde entier à ses politiques. Son ton cordial ne manqua pas de provoquer une certaine panique parmi les membres de l’Establishment économique, financier et politique des deux côtés de l’Atlantique.

     

    Au niveau international, il semblait évident que, comme l’indiqua ultérieurement le dirigeant socialiste américain Eugene Victor Debs au cours de sa propre campagne électorale, « Lincoln avait été un révolutionnaire et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Parti républicain avait assumé par le passé une tonalité rouge ».

     

    Une révolution démocratique avortée

    Il va sans dire qu’aucun de ces éléments n’est relaté dans le film Lincoln, et qu’ils restent peu connus aux Etats-Unis. Mais, comme l’indiquent John Nichols et Robin Blackburn (autres auteurs ayant beaucoup écrit au sujet de Lincoln et de Marx), pour saisir le personnage de Lincoln, il est indispensable de comprendre l’époque et le contexte dans lesquels il a vécu.

     

    Lincoln n’était pas marxiste, terme utilisé à l’excès dans l’historiographie et dénoncé par Marx lui-même. Il souhaitait non pas éradiquer le capitalisme, mais corriger l’immense déséquilibre entre capital et travail inhérent à ce système. Reste qu’il fut sans aucun doute fortement influencé par Marx et par d’autres penseurs socialistes avec lesquels il partagea des désirs immédiats, affichant une sympathie pour leurs opinions et adoptant une position très radicale dans son engagement démocratique. En ignorant ces faits, le film Lincoln déforme ainsi l’histoire.

     

    Il est indéniable que Lincoln fut une personnalité complexe et ambiguë. Mais il existe dans ses discours des preuves écrites et sans équivoque des sympathies qu’il entretenait. De plus, les vifs débats qui animaient les gauches européennes avaient cours également dans les cercles progressistes des Etats-Unis. En réalité, ce sont les socialistes utopiques allemands, dont une grande partie s’était réfugiée dans l’Illinois après avoir fui la répression européenne, qui eurent le plus d’influence sur Lincoln.

     

    Le communalisme qui caractérisait ces socialistes influença la conception de la démocratie de Lincoln. Il la considérait comme la conduite des institutions politiques par le peuple, un peuple dont les classes populaires constituaient la majorité.

     

    Sa célèbre formule « La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » – devenue une magnifique maxime démocratique connue dans le monde entier – pointe sans équivoque l’impossibilité de faire triompher une démocratie du peuple – et pour le peuple – si elle n’est pas mise en oeuvre par le peuple lui-même.

     

    C’est pourquoi Lincoln voyait dans l’émancipation des esclaves et des travailleurs des éléments indispensables à cette démocratisation. Sa vision de l’égalité était nécessairement en contradiction avec la domination des institutions politiques par le capital. Pour preuve, la situation actuelle aux Etats-Unis que je détaille dans mon article « Lo que no se ha dicho en los medios sobre las elecciones en EEUU » [1] (« Ce qui n’a pas été dit dans les médias sur les élections aux Etats-Unis », Público, 13 novembre 2012). Aujourd’hui, c’est la corporate class qui contrôle les institutions politiques du pays.

     

    Dernières observations, et un souhait

    Je répète qu’aucun de ces faits n’est relaté dans le film. Après tout, Spielberg n’est pas Pontecorvo, et le climat intellectuel aux Etats-Unis porte encore les stigmates de la guerre froide. « Socialisme » demeure un terme négativement connoté dans l’Establishment culturel du pays. Et, sur les terres de Lincoln, le projet démocratique qu’il avait rêvé n’est jamais devenu réalité du fait de l’influence considérable du pouvoir du capital sur les institutions démocratiques, une influence qui a muselé l’expression démocratique aux Etats-Unis.

    Terrible ironie de l’histoire : le Parti républicain est devenu l’instrument politique le plus agressif au service du capital.

     

    Je serais reconnaissant à celles et ceux qui trouveront cet article intéressant de bien vouloir le diffuser le plus largement possible. Y compris auprès des critiques de cinéma qui, dans le cadre de la promotion du film, ne diront pas un mot de cet autre Lincoln méconnu dans son propre pays et dans bien d’autres. L’un des fondateurs du mouvement révolutionnaire démocratique n’est même pas reconnu comme tel. L’abolition de l’esclavage a constitué une grande victoire qui mérite d’être célébrée. Mais l’action de Lincoln ne s’y réduit pas. Et de cela nul ne parle.

     

    Traduction : Frédérique Rey

     

    Mémoire des luttes :

    http://www.medelu.org/Ce-que-le-film-Lincoln-ne-dit-pas

     

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     http://comite-pour-une-nouvelle-resistance.over-blog.com/


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