• Société

    Gard : le pharaonique projet du Las Vegas français à 16 milliards d’euros

    Françoise Condotta (Midi Libre)

    mardi 28 mai 2013

    La Chambre de commerce et d’industrie de Nîmes travaille à l’idée d’un site touristique de 16 milliards d’euros. Droit du travail écorné et bétonnage des terres à prévoir...


    "La seule chose que l’on ne pourra jamais délocaliser, c’est le tourisme", explique Jean-Louis Calini, le vice-président de la CCI de Nîmes, élu pilote de la future Frenchvallée, un grand projet à vocation touristique mondiale : 50 000 à 80 000 chambres d’hôtel, une trentaine de casinos géants et un parc du made in France, visant à attirer 30 millions de touristes.

    Un projet fou, estimé à quelque 16 milliards d’euros, pour lequel le ministère de Redressement productif a manifesté son intérêt. Reste cependant à trouver des investisseurs.

    Le "produit France" en vitrine

    Renouant avec l’ambition des années 1970 qui virent, notamment, la création de Port-Camargue, la CCI de Nîmes a décidé d’impulser, sur son territoire, un projet pharaonique. Dans le but de répondre à la question cruciale de l’emploi, non délocalisable, en Languedoc-Roussillon. Pour la réalisation de ce projet, la CCI s’appuie sur les atouts français : culture, tourisme et cadre de vie.

    "Il faut voir grand , quitte à être excessif !", ajoute Jean-Louis Calini qui a imaginé un parc vitrine, une sorte de cité mettant en scène le "produit France" dans toute sa diversité : des quartiers représentants les différentes régions de France avec l’exposition des fleurons du patrimoine (la Tour Eiffel, le Mont Saint-Michel, le paquebot France, les châteaux, les arènes de Nîmes) et de la culture (mode, gastronomie).

    Divertissements à souhait

    Un deuxième parc sera dédié aux divertissements avec une trentaine d’hôtels-casinos, des salles de spectacles, des annexes des grands musées français (y compris un musée du jeans Denimes), des salles de conférence et d’exposition pour accueillir les plus grands événements mondiaux.

    Déployée sur 700 hectares, s’appuyant sur les dernières technologies d’écoconstruction, cette Frenchvallée prévoit d’être autonome, tant en ce qui concerne la production d’énergies que la gestion des fluides et des déchets.

    Des consultations mondiales

    Actuellement, la CCI de Nîmes a engagé des négociations avec les plus grands casinotiers à travers le monde, avec les ministères de l’Intérieur, de l’Industrie, des Finances et de la Culture. Car pour passer du rêve à la réalité, il faudra plus que le nerf de la guerre puisqu’il sera indispensable de revoir une partie de la législation française.



    Source et image : Midi Libre

    Lire aussi : En Espagne, l’Etat sommé d’abandonner toute règle pour un casino géant


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  • Un monde complètement zinc

    mardi 28 mai 2013

    Voilà l’épilogue d’une jolie histoire de mondialisation. Tout commence en 2004 dans les Côtes-d’Armor. Odifa, une société spécialisée dans la fabrication de produits azotés, importe de Chine 120 tonnes de sulfates de zinc, dont elle revend 1 tonne à un transformateur d’Ille-et-Vilaine.

    Ledit transformateur, MG2Mix, concocte avec ce sulfate de zinc un oligo-élément censé requinquer le bétail, un « prémélange » qu’il refourgue à un spécialiste du complément alimentaire pour animaux de ferme. Symbiopole, filiale de Lactalis Industries, le géant des produits laitiers, touille tout ça pour en faire un fortifiant qui est aussitôt acheté par 4 674 éleveurs. Sauf que le sulfate de zinc présent dans la mixture était aussi bourré de cadmium. Une joyeuseté qui s’attaque au foie, aux reins et à la moelle osseuse. Résultat des courses : 350 000 veaux, vaches, moutons, caprins, vont se régaler de cadmium pendant un an.

     

    Comme d’hab, la contamination des gamelles a été découverte par hasard, lors d’un contrôle de routine fin décembre 2005, par les Fraudes. Jusqu’à 300 fois la dose limite de cadmium dans la tambouille du bétail ! Ce qui la fiche mal, c’est que, dix mois auparavant, Lactalis Industries avait prévenu son fournisseur MG2Mix de la présence de cadmium dans le sulfate de zinc. Les deux boîtes, ainsi qu’Odifa, mises dans la confidence, s’étaient fendues d’une déclaration de sinistre auprès de leur assureur. Mais aucune des trois n’avait eu l’idée de prévenir les autorités sanitaires !

    C’est donc avec dix mois de retard que, prévenus par les Fraudes, les services vétérinaires s’étaient démenés pour tenter de récupérer à l’abattoir les foies et reins gorgés de métaux lourds avant qu’ils ne finissent dans nos assiettes. À force de voir leurs vaches péricliter, devenir stérile ou donner naissance à des veaux rachitiques, une dizaine d’éleveurs ont fini par porter plainte. Sept ans plus tard, la Cour d’Appel d’Angers vient de rendre son jugement. Symbiopole, la filiale de Lactalis, est relaxée, comme son fournisseur MG2Mix. Seul l’importateur, Odifa, est condamné à une simple amende de 15 000 euros, plus 800 euros pour son pédégé. Soit 5 centimes d’euro par tête de bétail contaminée…

    « Ça revient moins cher que de faire des contrôles », s’est énervé l’avocat des éleveurs. Olivier Faro. Le plus renversant, c’est que les juges n’ont pas pensé à indemniser les éleveurs. Ils peuvent toujours aller boire un coup au zinc !

    Le Canard Enchaîné N° 4830 du 22 mai 2013

    http://altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article23101


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  • Kill Mittal : le jeu dont les ouvriers sont les héros

    Un jeu vidéo vous proposant de diriger des ouvriers en lutte pour le maintien de leur emploi, vous en rêviez ? Avec Kill Mittal, c'est devenu une réalité.

    Maxime Van Laere

    Produit par un seul jeune développeur informatique autodidacte, Alexandre Grilleta, Kill Mittal nous propose de nous glisser dans la peau d’un, puis de plusieurs sidérurgistes d’ArcellorMittal. Il s’agit plus précisément, des ouvriers du site de Florange, en France : « Qui personnifie mieux le courage que ces ouvriers qui se battent pour sauver leur job ? », explique Alexandre Grilleta sur son site internet.

    Question production, il ne faut pas s’attendre à quelque chose du calibre des gros titres actuels, disposant de budgets colossaux. Un jeu indépendant comme celui-ci relève plutôt de l’artisanat et, si cela se ressent dans le gameplay (4 touches pour déplacer ses personnages, la souris pour les actions), cela participe au charme de cette « production de garage ».

    Le développeur s’est amusé à imaginer un contexte à peine fictif, expliqué dans l’introduction : « 2030, Mittal a fait main basse, puis fermé la majorité des aciéries mondiales, mettant à la rue des milliers de métallurgistes. » Petit à petit, les différentes difficultés rencontrées dans la lutte syndicale réelle se retrouvent mises en scènes dans le jeu.

    La scène d’introduction nous place dans une chaîne de production que les ouvriers cherchent à bloquer. La police ne tarde pas à arriver et c’est à coup de bidons et de poutres qu’il faut les repousser.

    Le second niveau nous emmènera ainsi sur le plateau de l’émission Vivement Dimanche de Michel Drucker sur France2. « C’est avec énormément de peine que nos travailleurs constatent que les médias ont traités les échauffourées de l’usine de manière à les faire passer pour des criminels. » Ils décident donc d’aller s’entretenir avec le président de la chaîne. Problème : un comité d’accueil composé de zombies en costume cravate et d’un robot caméra gigantesque. Viendra ensuite, notamment, un niveau impliquant le gouvernement.

    Un jeu anticapitaliste

    Le jeu, s’il est volontiers humoristique, n’en comporte donc pas moins une analyse fine de l’économie et des enjeux de la lutte. Mittal n’est ainsi pas « l'homme à abattre », mais plutôt un représentant d'un système qui crée la destruction de l'emploi. Ceci est d’ailleurs bien illustré dans la séquence de fin : après avoir terrassé le géant de l'acier, nos héros voient surgir un nouvel ennemi « issu du monde du capitalisme mondialisé ». Par ailleurs, pour gagner, il n’y a pas dix mille solutions : il faut rassembler un maximum de camarades.

    Alors, évidemment, ça nous change de ce à quoi le paysage vidéo-ludique nous avait habitué. Ici, pas question de diriger une ville, d’aller combattre de « vilains barbus » ou d’incarner un délinquant d’origine biélorusse qui cherche à atteindre le sommet. Le développeur a volontairement évité de rentrer dans ces codes : « Je ne suis pas satisfait du paysage vidéo ludique actuel, pas satisfait des idéologies qui y sont transmises. Sur le fond d’abord, car les plus grosses ventes se font sur des jeux baignant dans une imagerie guerrière impérialiste, où il est de bon aloi de tirer sur tout ce qui est différent de nous en réponse à des menaces terroristes fantasmées. »

    Un jeu amusant, rafraîchissant et pertinent, que tout un chacun peut installer gratuitement sur son ordinateur en surfant sur www.killmittal.com.

    http://www.ptb.be/index.php?id=1326&tx_ttnews[tt_news]=34954&cHash=803d6cd2f0b64484ca2cc209dd0c986c


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  • Stratégie du choc

    Privatisations : les hôpitaux espagnols livrés à la spéculation financière

    Par Nathalie Pédestarres (27 mai 2013)

    Au nom de la croissance et de la réduction des déficits, le gouvernement espagnol accélère la privatisation du système de santé publique. Des fonds d’investissement en quête de « rentabilité élevée » s’emparent d’hôpitaux, sur fond de conflits d’intérêt et de scandales politico-financiers. Collectifs citoyens et syndicats dénoncent les conséquences désastreuses de cette privatisation : des patients mourant prématurément par négligence, un personnel soignant en pleine dépression, et des coûts au final plus élevés que ceux d’une gestion publique. Enquête sur un désastre en cours.

    « Partenariat public privé » : ce mode de gestion, appliqué au système de santé publique espagnol provoque des ravages, tant sociaux que sanitaires. 2 700 personnes seraient mortes prématurément en 2012 dans la région de Valence, selon un rapport de l’UGT, le premier syndicat espagnol. En cause : la dégradation des services, les coupes brutales dans les effectifs, et la gestion privée. « La santé de plus d’un million de valenciens est entre les mains d’organisations mercantiles privées qui s’introduisent dans le secteur de la santé publique dans le but explicite d’obtenir des bénéfices », dénonce le syndicat. Dans la région de Madrid, où la privatisation du secteur est également en cours, 7 500 postes de personnel soignant ont été supprimés depuis 2012. Soit plus de 10% des effectifs des hôpitaux madrilènes ! Dans la capitale, les listes d’attente s’allongent et la presse relaie de nombreux cas de négligences médicales.

    Au nom de la réduction des coûts et de l’efficacité, le gouvernement de Mariano Rajoy (Parti populaire, droite) est en train de multiplier ces « partenariats public privé » dans la santé. Ils s’inspirent du système anglo-saxon des « Private Finance Initiatives » (PFI) qui vont bien au-delà, en terme de privatisation, que la délégation de service public pratiquée en France [1]. Ces PFI ont été initiées en Grande-Bretagne dans les années 1990. Elles sont aujourd’hui accusées d’y avoir contribué à la dégradation du système de santé. L’hôpital Stafford au Royaume-Uni, qui a défrayé la chronique en février, est régi par ce système, comme 118 autres établissements de santé du pays. 1 200 patients y seraient décédés entre 2005 et 2008, victimes de mauvais traitements, de négligences de la part d’un personnel sanitaire peu qualifié et démotivé, et de conditions d’hygiène déplorables [2]. D’autre part, ces PFI reviendraient beaucoup plus cher aux contribuables britanniques qu’une gestion publique [3]. « Les pays qui voient arriver la compétitivité et les opérateurs privés dans leurs systèmes de santé devraient s’inquiéter », alerte, fin 2012, Göran Dahlgren, un ancien haut fonctionnaire de la Santé publique en Suède, pays qui a aussi développé des PFI.

    Conditions de travail « inhumaines »

    C’est justement du Royaume-Uni et de Suède que viennent deux des principaux acteurs de la privatisation du secteur de la santé espagnol. Le premier prestataire de soins sanitaires privé en Suède, Capio, est bien implanté en Espagne (et possède une vingtaine de cliniques en France). « Le profit encourage le travail dans le système sanitaire », clame son président, Thomas Berglund [4]. Sa filiale espagnole, et ses six hôpitaux madrilènes, a été revendue début 2013 à un fonds d’investissement basé à Londres, CVC Capital Partners, qui affiche clairement cibler des secteurs à « rentabilité élevée ». Rebaptisé IDC Salud, le groupe compte s’emparer des prochaines concessions hospitalières mises sur le marché par le Parti populaire dans les régions de Madrid et de Castille.

    Cette nouvelle vague de privatisation suscite une formidable levée de boucliers, relayée par le mouvement des indignés espagnols. Une pétition pour paralyser le plan de privatisation du gouvernement a récolté 900 000 signatures à Madrid et les manifestations se succèdent. La « Coordination anti-privatisation de la santé publique de Madrid » (CAS) [5], l’un des collectifs espagnols les plus actifs, a compilé les témoignages de personnels soignants décrivant leurs conditions de travail jugées « inhumaines » dans les nouveaux hôpitaux privatisés, sous régime PFI. « J’ai perçu mon transfert au nouvel hôpital comme la pire année de ma vie avec des relations délétères entre les travailleurs, une détérioration manifeste de la qualité d’attention aux patients », y confie un médecin urgentiste. « Parmi nous, il y a des professionnels très jeunes, en arrêt maladie depuis longtemps, sous traitement pour dépression. [...] Le nombre de fois où je les ai vu arriver au travail en pleurant... Ils sont suivis par le psychiatre de l’hôpital. [...] J’ai vu des médecins aussi partir chez eux en larmes, à cause de la pression », décrit une infirmière [6].

    Des privatisations pour réduire les déficits ?

    Pour justifier ces privatisations, les acteurs privés, soutenus par le ministère de la Santé, agitent l’épouvantail du déficit. « Nous défendons l’introduction de critères entrepreneuriaux dans la gestion de la santé publique pour pouvoir offrir une attention universelle, ce qui n’est pas le cas actuellement faute de moyens », affirme, lors d’une conférence de presse le 20 mars, Juan Abarca, PDG du groupe hospitalier privé HM Hospitales, l’un des principaux concurrents de Capio, et président d’une structure qui défend les intérêts de la gestion privée (IDIS, Institut pour le développement et l’intégration du secteur de la Santé). L’IDIS prétend que le secteur public a accumulé une dette auprès des prestataires privés de 4,1 milliards d’euros. Et dans le même temps, le gouvernement cherche à économiser 7 milliards d’euros par an dans la santé.

    Malgré les critiques du système de gestion PFI ailleurs en Europe, et le mouvement de protestation en Espagne, le gouvernement s’obstine. Pourquoi vouloir appliquer coûte que coûte cette formule controversée ? « Parce qu’il est lui-même dans le business ! », s’insurge Carlos Barra, médecin dans un hôpital public de la banlieue de Madrid, qui a travaillé pendant treize ans pour le ministère de la Santé publique. Conflits d’intérêt et pantouflages sont effectivement au rendez-vous. Deux ex-conseillers à la Santé publique de la communauté autonome de Madrid, Manuel Lamela et Juan José Güemes, sont devenus cadres au sein de deux entreprises privées (Assignia Infraestructuras et Unilab) qui ont opportunément obtenu les concessions pour gérer, respectivement, l’hôpital Tajo d’Aranjuez, au Sud de Madrid, et les laboratoires d’analyses de six hôpitaux madrilènes.

    Scandales politico-financiers

    Le gouvernement de Madrid avait également attribué en 2005 les licences de construction et de gestion privée de huit nouveaux hôpitaux à des conglomérats composés de banques et de groupes du BTP [7]. Ces derniers sont désormais dans le collimateur des juges qui enquêtent sur deux retentissantes affaires de corruption, l’affaire Gürtel et l’affaire Barcenas, dans lesquelles sont impliqués de hauts dirigeants du Parti populaire et plusieurs de ces entreprises de la construction.

    Des présomptions d’évasion fiscale planent également : avec l’aide d’économistes et d’avocats, la Coordination anti-privatisation a découvert que CVC Capital Partners, le fonds d’investissement qui possède, via la filiale IDC Salud, six hôpitaux madrilènes, dissimulerait des bénéfices dans les Îles Caïmans par l’intermédiaire de sociétés écrans. La plus grande opacité règne autour des comptes de ces entreprises et aucune commission internationale rogatoire n’a été requise pour y accéder.

    Collectifs, syndicats et mouvements sociaux, comme la Coordination anti-privatisation, redoublent d’énergie pour endiguer ces accaparements spéculatifs des services de santé par ce qu’ils nomment des « fonds charognards ». Leur cheval de bataille : la révocation de la loi 15/97 sur la « modernisation du système de santé publique » qui autorise légalement l’entrée de fonds spéculatifs dans la santé. « Pour nous, une véritable gestion publique consisterait à appliquer un contrôle citoyen sur la gestion de ce service, en particulier une plus grande transparence des budgets alloués aux hôpitaux et qui sont en définitive payés par les contribuables », estime Antonio Gómez, médecin traitant au dispensaire du quartier de Vallecas, à Madrid.

    Coopératives et autogestion

    Collectifs citoyens et syndicats ont publié plusieurs études montrant que l’assistance médicale spécialisée dans un établissement privé coûte 16% à 27% plus cher que la même prestation proposée par l’administration publique. Le coût d’un lit hospitalier serait 74% plus onéreux dans le privé. Autre cible : la Commission européenne qui soutient de fait cette stratégie de privatisation, accélérée grâce aux plans d’austérité. Pour Berta Iglesias, de l’ONG Ecologistas en Acción, il n’y a qu’à lire le dernier programme européen « La santé en faveur de la croissance » (publié en novembre 2011) pour comprendre que Bruxelles pousse les États membres à « œuvrer en faveur de l’économie financière et non du bien-être social » [8].

    Au-delà des résistances, la Coordination anti-privatisation commence à s’intéresser aux alternatives apparues en Grèce, notamment les dispensaires sociaux solidaires. En Catalogne, des « communautés citoyennes autogérées » (ecoxarxas) sont en train de mettre en place un système de coopératives de santé publique. Spéculateurs et « fonds charognards » ? ¡ No pasarán !

    Nathalie Pédestarres

    Photo : CAS

    Notes

    [1Une mission d’intérêt général confié à un opérateur privé, comme la gestion de l’eau ou d’un transport public, et encadrée, plus ou moins rigoureusement, par l’Etat ou la collectivité locale.

    [2Lire cet article de Courrier International.

    [3D’après une étude menée par le quotidien The Guardian (basée sur les statistiques gouvernementales) les contribuables anglais auront à débourser 79,1 milliards de livres sterling pour rembourser les 118 contrats PFI liés à la Santé, soit sept fois leur coût d’investissement initial (11,6 milliards de livres sterling).

    [4Lors d’une interview au quotidien britannique Guardian en décembre 2012.

    [6Télécharger le rapport (en espagnol).

    [7Sacyr-Vallehermoso, Begar-Ploder, Hispánica, Sufi S.A.


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  • Pierre Moscovici avec Laurence Parisot

    Monde - le 27 Mai 2013

    Le billet de Maurice Ulrich

    La révolution culturelle de Pierre Moscovici

     Retrouvez chaque jour dans l'Humanité le billet de Maurice Ulrich.

    Attention, Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie, c’est quand même quelqu’un qui, après trois décennies de militantisme à gauche (en principe), de responsabilités au Parti socialiste et d’enseignement de l’économie, précisément, dans le sillage de DSK, vient de faire une découverte majeure. La finance, a-t-il déclaré samedi lors d’un colloque entre gens bien, sur l’intégration européenne, «joue un rôle crucial pour le développement de l’économie réelle, sans laquelle nos entreprises ne peuvent croître, pas plus qu’un champ de cultures ne peut croître sans eau ».

    Oui, oui, c’est un peu le contraire de ce que le candidat président avait dit au Bourget, «mon ennemi, c’est la finance», on pourrait aussi évoquer les désastres des inondations, ou encore les sécheresses, quand les sources ou les fleuves sont détournés à d’autres fins que d’irriguer les cultures. Mais suggérons à Pierre Moscovici une petite expérience. Qu’il plante simplement quelques millions d’euros dans un champ et qu’il l’arrose soigneusement, on verra si ça pousse… Rappelez-vous, M. le ministre, ce sont les travailleurs qui créent les richesses réelles, pas les capitaux tout seuls sur leurs petites jambes.

    • A lire aussi:

    Accords, Recyclé, les précédents billets de Maurice Ulrich

    Maurice Ulrich


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  • Nés sous l’occupation, « les Jours heureux » hantent le patronat

    MICHEL ETIÉVENT

    Le 27 mai 1943, sous l’égide de Jean Moulin, les représentants des mouvements de résistance se regroupent sous l’autorité du Conseil national de la Résistance. Dix mois plus tard, paraît son programme : « les Jours heureux ». Un programme toujours combattu par le patronat.

    L’enseignement à retenir de la création du CNR, le 27 mai 1943, c’est le formidable espoir qu’elle allait susciter dans les rangs de la Résistance et audelà pour tous les révoltés des luttes du futur ! En effet, comment ces jeunes réunis en pleine clandestinité pouvaient-ils imaginer que le programme d’invention sociale qu’ils allaient forger deviendrait réalité deux ans plus tard dans une France qu’ils allaient libérer ? » Ces mots de Stéphane Hessel soulignent la portée du 27 mai 1943 : une éclaircie de dignité dans la désespérance de la guerre. Une éclaircie que le patronat français n’aura de cesse jusqu’à aujourd’hui d’éteindre. « Nous ne pouvons nous contenter des vieilles recettes d’autrefois, assure Laurence Parisot, parlant de la protection sociale. Nous avons besoin d’imaginer un nouveau modèle... Réformons vite nos systèmes qui sont archaïques. » Ce jour-là, 48, rue du Four, à Paris, dans l’appartement de René Corbin, s’unifie, sous l’autorité de Jean Moulin, l’ensemble des mouvements de résistance français. Ce jour-là, les résistances devinrent « la Résistance ». Posons le décor. Hiver 1942-1943. À l’Est, la guerre bascule. Embourbées à Stalingrad, les « armées nazies plient devant l’Armée rouge. La nouvelle court les maquis et accrédite l’idée que le IIIe Reich n’est pas invincible. Constant Paisant, un des FTPF qui s’illustrera en 1944 aux Glières, se souvient : « Ce coup fatal à l’Allemagne, c’était le vent de l’espérance. Il nous porta au long de nos combats, particulièrement dans la tragédie du plateau où allaient mourir plus de 150 camarades. »

    DE GAULLE MISSIONNE UN PRÉFET DE QUARANTE-DEUX ANS, JEAN MOULIN

    Autre bouleversement, le débarquement anglo-américain en Algérie, le 8 novembre 1942. La guerre se déplace vers le sud et engage une bataille entre les Alliés et le général de Gaulle, à Londres, pour le contrôle d’Alger et, par voie de conséquence, le leadership de la France libre. Les Américains, relativement bienveillants à l’égard de Vichy, parient sur le général Henri Giraud pour diriger la France sous future autorité américaine. De Gaulle souffre d’une vraie légitimité tant vis-à-vis de la résistance intérieure que des Alliés qui lui dénient la qualité de seul représentant de la France libre. Il lui faut gagner le soutien de la résistance française. C’est dans ce contexte qu’il missionne un préfet de quarante-deux ans, Jean Moulin, pour coordonner les différents mouvements de résistance.

    L’homme, révoqué par Vichy, a entrepris ce travail d’unification dès son entrée dans l’armée de l’ombre. Dès 1941, il lie contact avec les mouvements de résistance, unifie peu à peu la Zone Sud par la création de l’Armée secrète et des MUR, tandis que s’organise le rassemblement de la Zone Nord. Au terme de laborieuses négociations, alors que la Gestapo emprisonne et déporte en masse, Jean Moulin parachève la coordination des actions sur tout le territoire et assure un socle solide au futur gouvernement provisoire. Mais ce « noeud de résistance » qui unit les forces de toute appartenance politique, des communistes à la droite non collaboratrice, cache aussi un « noeud de méfiances ». Méfiance à l’égard du Parti communiste, force vive, implantée et fortement organisée, dont il s’agit de museler les prétentions, suspicion des mouvements de résistance à l’égard de Londres et de De Gaulle, dont ils redoutent l’hégémonie, méfiance extrême des mêmes mouvements à l’égard des partis politiques suspectés d’avoir précipité la faillite de la République en 1940.

    Un âpre débat s’engage. Les contacts noués à Londres entre le Parti communiste et de Gaulle par l’entremise de Fernand Grenier ainsi que la reconnaissance par les Alliés d’un Comité français de libération nationale à Alger vont lever les derniers obstacles. Ils sont 19 (8 représentants des mouvements de résistance, 6, des partis politiques et 2, des syndicats de la CGT, réunifiée aux accords du Perreux en 1942, et CFTC) à se retrouver, le 27 mai 1943, sous la direction de Jean Moulin, assisté de deux secrétaires, Pierre Meunier et Robert Chambeiron, qui raconta plus tard : « La réunion, difficile à organiser, fut brève.

    Sécurité oblige. Jean Moulin rappela les buts de la France combattante... On a écrit beaucoup de choses sur l’âpreté des négociations ; en fait, tout se déroula dans une atmosphère d’unité patriotique. » L’atmosphère sera moins paisible quand le CNR se penchera sur l’élaboration d’un programme. On imagine les oppositions violentes de la droite à un ensemble de mesures qui vont conjuguer invention sociale et audace révolutionnaire. Le texte final est le fruit de neuf mois de discussions, de multiples moutures proposées par les différentes parties, débattues à Alger et au sein du CNR, dirigé par Georges Bidault à la suite de l’arrestation de Jean Moulin, le 21 juin 1943, puis par Louis Saillant (CGT), qui impulsera fortement la réflexion vers l’innovation sociale. Paru le 15 mars 1944, sous le titre les Jours heureux, le programme développe, en une première partie, « un plan d’action immédiate », qui lie appel à l’insurrection et développement de la lutte pour hâter la Libération. La seconde partie, plus politique, décline, au futur, liberté, démocratie économique et sociale et solidarité. Au fil des articles s’affine le visage d’une démocratie nouvelle où l’homme est la pierre angulaire de l’avenir. « Mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin, en finir avec les angoisses du lendemain ». Les mots esnés quissent les grandes réformes à venir qui fondent une République de citoyens où l’homme est à la fois acteur et gestionnaire de sa propre vie. Dans ce programme, s’affiche la volonté de rompre avec l’ancien monde et d’ouvrir la fin du siècle sur l’invention sociale : « Instaurer une véritable démocratie sociale impliquant l’éviction des féodalités économiques et financières de la direction de l’économie... Droit d’accès aux fonctions de direction et d’administration pour les ouvriers... Retour à la nation des grands moyens de production monopolisés... Droit au travail... Presse libre et indépendante... »

    Le texte final est le fruit de neuf mois de discussions, de multiples moutures proposées par les différentes parties.

    SOIXANTE-DIX ANS APRÈS, CE PROGRAMME EST TOUJOURS D’UNE ACTUALITÉ BRÛLANTE

    L’audace au service d’un peuple avide de justice. La France de 1793, revisitée par ceux qui ont lutté, souffert, espéré. Le programme va inspirer toutes les grandes réformes des gouvernements de la Libération : nationalisations, fonction publique, Sécurité sociale, comités d’entreprise, retraites, statut des mineurs, des électriciens et des gaziers... Un visage de dignité rendu possible par le rapport de forces de l’époque : 5 millions d’adhérents à la CGT, 29 % des voix au PCF (et des ministres ouvriers tels Ambroise Croizat ou Marcel Paul...), une classe ouvrière grandie par sa résistance héroïque, un patronat sali par sa collaboration.

    Soixante-dix ans après, ce programme est toujours d’une actualité brûlante à l’image de la haine qu’il suscite chez le patronat. En témoigne Denis Kessler, un dirigeant du Medef qui, en 2007, incitait le gouvernement à se défaire au plus vite « d’un système ringard, hérité du CNR, de la CGT et des communistes ».

    Auteur de : Ambroise Croizat ou l’invention sociale (édition revue et augmentée, éditions Gap, 2012, 256 pages, 30 euros, port inclus). L’Histoire de la sécurité sociale, éditions Gap, 2013, 85 pages, 12,50 euros (port inclus).

    Envoyer ses coordonnées et un chèque à Michel Etiévent, 520, avenue des Thermes, 73600 Salins-les-Thermes.

     

    L’oeuvre du CnR est un projet de nouvelle République

    Georges Séguy, ancien résistant et déporté, fut secrétaire général de la CGT. Il pose un regard lucide sur les résistances contemporaines.

    ENTRETIEN

    STÉPHANE AUBOUARD

    Les membres du bureau du Comité national de la Résistance, en août 1944. De gauche à droite : Jacques Debû-Bridel, Pierre Villon, Gaston Tessier, Robert Chambeiron, Pascal Copeau, Joseph Laniel, Lecompte-Boinet, Georges Bidault, André Mutter, Henri Ribière, Daniel Mayer, Jean-Pierre Lévy, Paul Bastid, Auguste Gillot, Pierre Meunier et Louis Saillant. Musée Carnavalet/Roger-Viollet

    Georges Séguy, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), soixante-dix ans après sa rédaction, est-il encore d’actualité ?

    GEORGES SÉGUY. Beaucoup de choses ont évolué, mais il faut continuer de s’y référer, car le programme du CNR n’était pas simplement un programme économique et social, c’était un projet de nouvelle République ! En ce sens, le programme reste plus que jamais d’actualité. Ne serait-ce que pour la retraite complémentaire, pour la santé, la Sécurité sociale, les droits syndicaux, la démocratie sociale... tout ce qui est attaqué aujourd’hui.

    Cet esprit d’union qui caractérisait le CNR, pourquoi a-t-on tant de mal à le faire ressurgir dans une période de crise pourtant très destructrice socialement parlant ?

    GEORGES SÉGUY. Ce qui manque, c’est la perspective et la lucidité politique susceptibles de faire comprendre que l’union est possible et nécessaire. Ce qui implique non seulement la lucidité, mais aussi l’engagement pour que cette lucidité se concrétise. C’est-à-dire qu’il ne faut pas seulement s’indigner. J’avais dit à Stéphane Hessel, quand il a publié son livre Indignez-vous ! : “Heureusement que toi et moi n’étions pas seulement indignés pendant la guerre !” C’est l’engagement qui compte ! De nos jours, il y a déjà de la bonne volonté, de l’indignation, suffisamment de forces disparates qui vont dans ce sens, mais il leur manque la lucidité politique pour savoir comment s’y prendre pour réunir autour de cette perspective d’union toutes les énergies nécessaires qui aboutiraient à un rapport de forces suffisant.

    Quel est l’ennemi commun aujourd’hui d’après vous ?

    GEORGES SÉGUY. Le capitalisme... la domination du grand capital. Les multinationales qui en sont à vouloir remettre en question le modèle social français directement issu du CNR. Il s’agissait d’un des modèles sociaux les meilleurs du monde, devançant même celui des pays socialistes qu’on a admiré abusivement... et ce modèle social français, ils sont en train de le détricoter comme le disait le patronat dès 1945, et comme la droite le redit aujourd’hui. Nous sommes donc dans une situation où le capitalisme n’est plus comme l’affirmaient autrefois les économistes du capital “l’évolution suprême du genre humain”, ils ne le disent plus d’ailleurs, mais ils veulent le maintenir en vie en exploitant plus durement encore le monde du travail et pas seulement dans les pays industrialisés mais à l’échelle de la planète. Ce sont des données nouvelles qui prouvent que l’intérêt commun des travailleurs d’un pays développé, comme celui d’une ex-colonie d’Afrique ou d’Asie, converge contre un ennemi commun. Il reste donc beaucoup d’efforts à faire pour que ceux qui sont pour une évolution sociale s’engagent par rapport à ça.

    Vous allez souvent dans les lycées et les collèges à la rencontre d’étudiants qui ont l’âge que vous aviez quand vous êtes entré dans la Résistance. Que leur dites-vous ?

    GEORGES SÉGUY. Je leur dis que de nos jours il faut être sensible aux enseignements de la Résistance. Y être sensible pour faire face aux dangers qui les menacent. Le 28 avril dernier, pour la Journée de la déportation, j’ai eu le plaisir de lire un texte qui a été publié par des déportés de toute sensibilité. Ce texte dit, je cite : “Nous devons dire aux générations nouvelles que c’est surtout dans les moments de crise que surgissent les discours anti-démocratiques xénophobes, racistes et antisémites, dans lesquels elles doivent discerner les thèses de ceux qui ont exterminé les juifs d’Europe, massacré les Tziganes, déporté et fusillé les résistants.

    Aujourd’hui, il est essentiel qu’elles reconnaissent dans d’autres discours les vociférations de Hitler et la voix soumise de Pétain. Ainsi averties, elles pourront combattre le danger s’il se présente.” Ce texte-là transmet les enseignements par essence des problèmes auxquels les jeunes sont confrontés en France aujourd’hui et que nous autres, jeunes résistants d’une autre époque, avons réussi à combattre et à vaincre.

    Vous avez été secrétaire général de la CGT de 1968 à 1982, le syndicalisme reste-t-il aujourd’hui un instrument de lutte et de résistance efficace ?

    GEORGES SÉGUY. Je suis un syndicaliste humaniste et républicain. Et je suis de ceux qui pensent que la liberté, l’égalité et la fraternité ne peuvent donner leur pleine valeur sans progrès social. Cela signifie que tout ce qui va contre le progrès social, tout ce qui tend à revenir en arrière par rapport à ce que le syndicalisme a obtenu en matière de progrès social, est contraire à la liberté, l’égalité et la fraternité, et donc contraire à l’esprit républicain. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une expérience du syndicalisme qui ne manque pas de similitude avec les préoccupations du syndicalisme de mon époque. La réunification de la CGT en 1943 avait donné un coup de fouet à la Résistance. Il faut s’inspirer de cela et se battre dans les entreprises. Contre l’ANI (accord national interprofessionnel), par exemple, c’est un retour en arrière, c’est un recul, c’est une régression... l’austérité est une régression ; les syndicalistes ont leur rôle à jouer pas seulement sur les revendications les plus évidentes, mais aussi sur la transformation de la société. Dès l’origine, le syndicalisme il y a plus de cent ans, s’est prononcé pour la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est-à-dire contre le capitalisme. Cependant, je pense qu’aujourd’hui un changement de société ne pourra s’accompagner sans la voie politique. Les forces sociales ne suffiront pas. Aussi, le Front de gauche, qui reste une idée, doit-il continuer à se renforcer et surtout à s’unifier. La division, voilà l’ennemi intérieur de tout temps.

    « Tout ce qui tend à revenir en arrière sur ce que le syndicalisme a obtenu en matière de progrès social est contraire à la liberté, l’égalité et la fraternité, et donc contraire à l’esprit républicain. »

    Une entreprise méthodique de casse

    YVES HOUSSON

    1er mai 1945, place de la Nation à Paris, SFIO et PCF demandent l’application immédiate du programme du CNR. keystone France

    Sécu, retraites, nationalisations... Les réalisations du programme du CNR ont été mises à rude épreuve, sous la pression du capitalisme financiarisé. Ses idéaux continuent de servir de référence dans les mouvements sociaux.

    L’info vient du Figaro : dans la course à la présidence du Medef, le favori, Pierre Gattaz, aurait accepté le soutien de la puissante Fédération des sociétés d’assurances (FFSA) contre la promesse de lui confier la gestion, pour le compte de l’ensemble du patronat, du dossier des retraites et de la protection sociale. La manoeuvre, qui intervient à quelques semaines du lancement, par le gouvernement Ayrault, de réformes sur les retraites et la dépendance, aurait été orchestrée par Denis Kessler, grand idéologue du Medef, ancien président de la FFSA. Et auteur d’une déclaration restée dans les mémoires militantes : en 2007, analysant les nombreuses réformes engagées par Nicolas Sarkozy, il dégageait « la profonde unité (de) ce programme ambitieux » : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » Parole d’expert : dans la galaxie patronale, les assureurs se sont de longue date distingués en se plaçant à la tête de la croisade contre la Sécu.

    Près de soixante-dix ans après le grand oeuvre du CNR, sa liquidation reste une priorité pour le patronat. Et dans ce cadre, le « plan complet de Sécurité sociale » élaboré en 1945 constitue toujours la cible privilégiée.

    La Sécu sapée dans ses bases, de réforme en réforme

    Les intérêts privés n’ont jamais accepté que soit soustrait à leur appétit l’immense gâteau des dépenses de santé, par la mise en oeuvre d’une assurance collective, fonctionnant selon le principe « chacun cotise selon ses revenus et reçoit selon ses besoins ». Un temps, du fait de son passé collaborationniste, le patronat se tiendra sur la réserve. Trêve rompue en 1967.

    Depuis les « ordonnances Jeanneney » de cette année-là, qui chassèrent la CGT de la gestion des caisses de Sécu et y firent entrer en force le patronat, jusqu’à la loi Bachelot (2009) supprimant le service public hospitalier, en passant par la loi Évin (1989) et la réforme Douste-Blazy (2004), qui ouvrirent grand les portes de la Sécu aux assurances privées, des coups très durs ont été portés à l’édifice. L’assurance maladie a fait l’objet d’un véritable dépeçage, au rythme des franchises, forfaits et autres déremboursements. La part des soins courants (hors hôpital) couverts par la Sécu est désormais inférieure à 50 %, le reste étant accaparé par le secteur privé.

    La retraite par répartition peu à peu dévalorisée

    Incarnation de la volonté, affirmée dans l’ordonnance de 1946, de « débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain », la retraite par répartition subit elle aussi des coups de boutoir répétés, avec les réformes mises en oeuvre depuis les années 1990. Les conditions d’accès à la retraite (durée de cotisation, âge du départ) se durcissent sans cesse, les règles de calcul et de revalorisation entraînent une baisse régulière du niveau des pensions. La confiance dans le système recule, tandis que le recours à l’épargne, par essence très inégalitaire, forme indirecte de privatisation, est de plus en plus encouragé.

    Haro sur les cotisations sociales

    Motivées par les déficits de la Sécu, que creuse le chômage, toutes les réformes s’appuient sur une campagne idéologique permanente présentant les cotisations sociales, principale source de financement de la Sécu, comme une « charge », un frein à l’emploi et à la compétitivité. Le patronat ne s’est jamais vraiment résolu à cet autre grand acquis de 1945 : ce principe de financement de la protection sociale, ce « deuxième salaire », socialisé, prélevé directement sur la richesse créée, et donc soustrait aux détenteurs du capital. D’où sa pression incessante pour obtenir des allégements de « charges », et leur transfert sur les ménages, via l’impôt.

    Le secteur public réduit comme peau de chagrin

    Depuis les nationalisations massives des banques et des grands moyens de production ainsi que des sources d’énergie en 1945, suivies d’une nouvelle vague en 1982, le secteur public a pratiquement été ramené à sa plus simple expression. Les politiques de libre concurrence, impulsées par Bruxelles, relayées par les gouvernements successifs, de droite et socialiste, lui ont fait la peau. Hormis, pour l’essentiel, la Caisse des dépôts, les Caisses d’épargne et La Banque postale, le secteur financier est presque entièrement privatisé, et la création récente de la Banque publique d’investissement ne change guère la donne. Par le biais du changement de statut (en société anonyme), de l’ouverture au capital privé, de la mise en concurrence, des fleurons comme EDF, GDF, la SNCF, La Poste sont de plus en plus gérés sous la contrainte de la rentabilité financière, au détriment du service public. Les « féodalités économiques et financières », chassées de la direction de l’économie au sortir de la guerre, imposent à nouveau leur loi.

    Des idéaux qui font de la résistance

    En dépit des coups donnés à ses réalisations historiques, les idées portées par le CNR font cependant de la résistance. En ont témoigné, entre autres, les puissantes mobilisations pour le droit à retraite en 2003 et 2010, les deux millions de participants à la « votation populaire » pour défendre le service public de La Poste en 2009, ou encore, récemment, le retour de l’idée d’appropriation publique des moyens de production, à la faveur de conflits sociaux (ArcelorMittal, Petroplus, etc.).

     

    Pour moi, c’était « un engagement instinctif »

    Cécile Rol-Tanguy est une de ces femmes de l’ombre qui ont résisté contre l’occupant allemand. ENTRETIEN

    GRÉGORY MARIN

     

    Marseille, 1944. Des maquisardes brandissent les fusils qu’elles ont utilisés pour combattre les nazis. Rue des Archives/BCA

    Moins nombreuses que les hommes, les femmes étaient pourtant un rouage essentiel dans les réseaux clandestins de la France occupée. A-t-on trop tardé à reconnaître leur rôle ?

    CÉCILE ROL-TANGUY. Mon mari (Henri Rol-Tanguy, commandant FTP de la région parisienne – NDLR) a été le premier à rappeler le rôle des femmes dans la Résistance, dès septembre 1944. Cela dit, ça n’a pas été répercuté. On l’a dit, puis vite oublié. On faisait peu de cas des femmes à ce moment-là. Dans mon cas, je n’ai pas attendu que mon mari revienne de démobilisation. Je viens d’une famille syndicaliste, communiste, mon père avait été arrêté pour reconstitution de ligue dissoute (le syndicat CGT des producteurs d’électricité), j’avais été élevée dans un « chaudron ». Alors, quand le syndicat des métallos m’a demandé si j’acceptais de taper à la machine pour les comités populaires de la métallurgie qui commençaient à se former, fin juin début juillet 1940, j’ai dit oui, comme un réflexe. Je ne savais pas où était Henri après la débâcle, je ne savais pas où était mon père, qui venait de quitter la prison de la Santé, je venais de perdre ma première fille, le lendemain de l’entrée des Allemands dans Paris... À part ma mère, plus rien ne m’attachait. Des années plus tard, j’ai compris que c’est cet engagement instinctif qui m’avait aidée à passer ce cap difficile.

    Vous aviez conscience d’intégrer quelque chose d’important ?

    CÉCILE ROL-TANGUY. Je prenais mes responsabilités. On ne parlait pas encore de Résistance, alors. Mais je ne pouvais pas regarder défiler les Allemands dans Paris, alors que j’avais été élevée dans l’antifascisme, que j’avais de tout temps vu des immigrés chez mes parents, antifascistes allemands et italiens placés par le Secours rouge... Me suis-je bien rendu compte sur le moment de mon engagement ?

    Qui étaient-elles, ces femmes qui ont choisi l’ombre ?

    CÉCILE ROL-TANGUY. Il y avait des femmes volontaires, mais pas tellement... La période était très difficile, elles pensaient avant tout à leurs enfants, à leur mari parti.

    Mais quelques-unes s’y sont mises. J’en connaissais une, compagne d’un ancien brigadiste en Espagne, dont le mari avait été emprisonné, qui a dit : « Je prends sa place pour faire la liaison pour le Parti. » Elle n’était même pas communiste ! J’avais beaucoup sympathisé avec elle. Quand je transportais des grenades, des pistolets dans le landau de mon fils, elle me disait : « Pourquoi fais-tu ça ? » Elle a été arrêtée, envoyée à Auschwitz, elle n’est pas revenue. Il y a un centre de formation dans le 19e arrondissement de Paris qui porte son nom : Angèle Mercier. Ça me remue encore d’en parler, mais c’est aussi pour toutes celles-là qu’il me faut encore témoigner.

    À quoi ressemblait votre quotidien ?

    CÉCILE ROL-TANGUY. J’étais secrétaire, alors je tapais les tracts, les affichettes. On faisait aussi les liaisons, c’est-à-dire transmettre des messages, à l’écrit aussi bien qu’à l’oral, des documents, des tracts, prévenir les uns et les autres des rendezvous secrets... D’ailleurs, quand Henri est arrivé à Paris, après la démobilisation, c’est moi qui l’ai conduit à la liaison.

    Cet engagement des femmes leur a valu une place nouvelle dans la société. Le droit de vote par exemple, est-ce une reconnaissance ?

    CÉCILE ROL-TANGUY. J’ai toujours dit que ce n’était pas le général de Gaulle qui a donné le droit de vote aux femmes. On l’a gagné. On ne pouvait faire autrement que de nous le donner, c’est évident.

    « Je ne pouvais pas regarder défiler les Allemands dans Paris, alors que j’avais été élevée dans l’antifascisme. »

    http://www.humanite.fr/


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  • François Hollande : le discours de Leipzig

     

    Il y a de quoi avoir "froid dans le dos" et pas étonnant que le printemps soit ce qu'il est ... "François la magouille"  ou plutôt la godille, sous son sourire bon enfant qui ne trompe plus guère et mène le peuple en bateau ... Non il n'est pas mou, François, il fait ce qu'il a rêvé de faire et ce que les marchés lui commandent... Il est libéral, François, jusqu'à permettre un débat interminable sur le mariage pour tous, débat qui sème la panique ... et pendant ce temps là faire passer des lois iniques qui réduiront les travailleurs à la pauvreté... Une démocratie d'apparence qui fait la part belle à la droite extrême, au fascisme qui ne cesse de s'affirmer sans honte et décomplexé.

    Maryvonne Leray


     

    Après son éloge de Schröder : Hollande un radis rouge en France, blanc en Allemagne


    Il y a quelques décennies, lorsque le communisme existait encore, les communistes adoraient traiter les socialistes de « radis », car disaient-ils, « ils sont rouges dehors et blancs dedans ». (Ils reprenaient là déjà une attaque utilisée contre les radicaux qui se terminait par « et toujours près de l’assiette au beurre ») 

    C’était une manière de renvoyer les adeptes de Léon Blum à leur supposée « collaboration de classe », masquée par un vernis anticapitaliste. A regarder François Hollande, on doit hélas se rendre à l’évidence : l’image éculée, a toujours du vrai !

    Souvenons-nous : lors de sa conférence de presse la semaine dernière, le même François Hollande, questionné au vu de ses positions réformistes et pro-européennes sur son orientation « sociale-démocrate » jouait encore sur les mots en répondant : « Je suis un socialiste au service de la France. » Une manière de dire : je suis rouge, regardez ma robe…

    Mais à Leipzig, lors des cérémonies célébrant le 150ème anniversaire du SPD, parti social-démocrate de l’Allemagne, changement de discours. Non seulement Hollande n’a jamais employé le mot « socialiste », ne serait-ce pour marquer sa petite différence, mais en plus il fait l’éloge des ruptures que le SPD avait assumées au grand jour et que le parti français avait, lui, masqué.

     
    Le discours de Leipzig, assez court, fait apparaître une étrange relation entre les partis français et allemand. Comme si le premier reconnaissait au second, né effectivement près de cinquante années plus tôt que lui, une prééminence idéologique, une position de guide politique. Ainsi François Hollande se sent-il redevable envers les sociaux-démocrates allemands d’avoir apporté « la démocratie », « le progrès » et « le réalisme » dans son mouvement.

     
    Le réalisme surtout ! Ainsi du congrès de Bad-Godesberg de 1959, lors duquel le parti allemand accepte l’économie sociale de marché, quand la SFIO, et même le PS acclameront la « rupture avec le capitalisme » jusque dans les années 80…

    Mieux, ou pire, François Hollande s’est livré a un éloge particulier des réformes antisociales de l’ex-chancelier Gerhard Schröder :

    « Le progrès, c'est aussi de faire dans les moments difficiles des choix courageux pour préserver l'emploi, pour anticiper les mutations industrielles et c'est ce qu'a fait Gerhard Schröder ici en Allemagne et qui permet à votre pays d'être en avance sur d'autres »,


    Voici donc le débat intérieur français étrangement éclairé : faudra-t-il pour imiter Schröder faire chez nous les réformes Hartz ? Introduire le revenu à 1 euro par jour ? Réduire les indemnités de chômage à 12 mois ? Elargir le statut d’auto-entrepreneur ? Faire grossir le nombre de travailleurs pauvres ?

    De retour dans l’Hexagone, il faudra bien que le président s’explique, et un peu plus précisément qu’avec cette phrase lapidaire : « Ces décisions ne sont pas faciles à prendre, elles peuvent faire surgir des controverses, mais rien ne se construit, rien de solide ne se bâtit en ignorant le réel. »

    Mais le fait est là, en Allemagne, Hollande a dit en substance: « regardez l’intérieur, comme je suis blanc… ». Vérité en-deça du Rhin, mensonge au-delà ?
     

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  •  Melissmell : Entre le spleen Baudelairien et la rébellion

    « La douleur est comme une pirogue qui court le long des nerfs »

    Bohringer

    Avec son deuxième album « Droit dans la gueule du loup » Melissmell continue de partager sa rage, ses rébellions en poésie. Mais On découvre aussi, dans son nouvel opus, une abyssale mélancolie, une poésie brutale sans concession. Un face à face avec « les années sombres » chanté par Mano solo.


    « Oh monsieur tout est grave, vous avez l’arrogance et cet air un peu fier
     De sonder l’existence, de lui chercher un sens, d’embêter l’univers
    On ne vous a jamais dit, que la vie est un jeu
     Qu’à forcer les sourires, à ignorer le pire, on paraît plus heureux »

    Madame ; Melissmell

    Pour autant, on ne se laisse pas aller à un vague à l’âme stérile, l’artiste y puise ses révoltes, forge et partage ses engagements. C’est avant tout une combattante. Tourmentée mais pas amère. Halte aux injustices et aux hypocrisies. Elle chante « la vie qui n’est pas toujours du gâteau », met au pilori la pensée conformiste, la bêtise sous toute ses formes, de la plus innocente à la plus vicieuse.

    « Des armes, des armes, des armes,
     Et des poètes de service à la gâchette
    Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
     Au bout d'un vers français brillant comme une larme. »

    ferré

    Si Elle hante nos illusions perdues, usées par le quotidien, Il y a l’espoir, l’amarre terrestre. Un engagement solidement ancré dans la réalité.


    « On se dit merde et longue vie
    je le porte loin ce pays
    l'étendard qui brulait mon âme, j en ai fait quelques convertis
    j'en ai fait quelques convertis
     je sens encore en moi ce cœur qui bat
    Mais les temps sont durs, c’est chacun pour soi »

    sobre la muerte, Melissmell

    SI Melissmell a signé la quasi-totalité des textes de son premier album : Ecoute s' il pleut.
    Pour « Droit dans la gueule du loup », c’est un travail collectif : Guillaume Favray aux textes et musiques.  La voix de Melissmell, intense. Elle est incandescente de vérités mêlant le rock et le grunge. Brûlure et tendresse.


    « Cette fêlure dans ma voix
    Ne l’entendez vous pas ?
     La colère est tapie dans le fond en bas mais
    Mais ça déborde souvent quand la marée s’en va »

    les souvenirs, Melissmell

    Puis apparaissent Daniel Jamet et Mattu, les compagnons de route de Mano Solo. L’album est d’ailleurs dédié à ce dernier et à Allain Leprest. Deux Géants. Melissmell, assurément, fait partie de la tribu. Un album incontournable, flamboyant, romantique.



    Texte de Yann


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  • Des manifestants réclament la démission du gouvernement samedi 25 mai à Lisbonne

    Monde - le 26 Mai 2013

    http://images.eldiario.es/internacional/Imagen-protestas-Portugal-Captura-RTP_EDIIMA20130525_0267_13.jpg

    Les Portugais réclament la démission du gouvernement

    Plusieurs milliers de personnes, à l'appel de la CGTP, le principal syndicat portugais, ont manifesté samedi à Lisbonne, près du palais présidentiel, pour réclamer la démission du gouvernement dont la politique d'austérité, imposée par la Troïka, a considérablement aggravé la récession et le chômage.

    "Changer de politique", "le gouvernement dehors", "contre l'exploitation et l'appauvrissement", étaient les principaux mots d'ordre de la manifestation convoquée par la CGTP qui avait affrété plusieurs dizaines d'autocars pour amener ses sympathisants jusqu'à la capitale. "Il faut faire tout ce qui est à notre portée pour nous débarrasser de ce gouvernement", a déclaré le secrétaire général de la CGTP, Armenio Carlos.

    La manifestation était soutenue par le mouvement apolitique "Que se lixe a troika" (Que la troïka aille se faire voir) qui en mars dernier a rassemblé contre l'austérité plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le Portugal. "L'austérité punit les pauvres mais profite aux riches", "Voleur, voleur", pouvait-on lire sur de petites affiches ornées du portait du Premier ministre Pedro Passos Coelho, brandies par des manifestants parmi lesquels des fonctionnaires, des chômeurs, et des retraités nombre d'entre eux agitant des drapeaux rouges. "Le gouvernement doit démissionner tout de suite", déclarait Maria, une lisboète de 57 ans, au chômage depuis plusieurs mois comme son mari et sa fille. "Nous sommes venus à Lisbonne pour dire assez. Le gouvernement coupe tout, même les retraites. Le président doit le renvoyer ", renchérissait Antonio Amoreira, venu de Porto, la grande ville du nord du pays.

    Le président Anibal Cavaco Silva, dont le rôle est essentiellement protocolaire, peut dissoudre le Parlement et convoquer des législatives anticipées, comme le souhaitent actuellement 57% des Portugais, selon un sondage, publié samedi par le journal Publico. Le mécontentement social s'est renforcé après l'annonce, début mai, d'un nouveau plan de rigueur qui inclut le report de 65 à 66 ans de l'âge du départ à la retraite, la suppression de 30.000 fonctionnaires sur près de 700.000 et l'allongement de leur temps de travail de 35 à 40 heures.

    Face aux critiques, le gouvernement a récemment avancé des mesures destinées à favoriser la croissance et l'emploi et notamment un "super crédit d'impôts" de 20% pour les sociétés qui investissent. Mais l'économie du Portugal, qui bénéficie depuis mai 2011 d'un plan de sauvetage de 78 milliards d'euros, doit reculer de 2,3% d'ici la fin de l'année tandis que le chômage doit atteindre le taux record de 18,2%.

    http://md0.libe.com/photo/521165-a-woman-with-red-carnations-shouts-during-a-protest-against-government-austerity-policies-in-lisbon.jpg?modified_at=1369500951&ratio_x=03&ratio_y=02&width=476

    En ces temps de crise, chercher l’assentiment 
du peuple serait sans doute du luxe. Un sondage réalisé au Portugal donne la mesure du phénomène : 82,5 % 
des habitants estiment 
que leur pays devrait rompre, ou renégocier, l’accord 
avec la troïka (FMI, Banque centrale, UE). Lucides, à la fin du programme, en juin 2014, 55,1 % des Portugais pensent que la situation du pays 
se sera… aggravée !

    L’Irlande présente son très impopulaire plan d’austérité

    25/11 07:26 CET

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    Le gouvernement de Brian Cowen veut économiser quinze milliards d’euros et ramener son déficit public à 3% du produit intérieur brut d’ici 2014. Pour y parvenir Dublin augmente la TVA, qui passera progressivement à 23%, et se défait de près de 25.000 fonctionnaires. Outre les coupes budgétaires, l‘âge de départ à la retraite sera retardé.

    En clair, tous les Irlandais devront se serrer la ceinture. Un sacrifice essentiel selon le commissaire européen aux Affaires économiques. “En Irlande, le problème touche le coeur du système économique, le secteur bancaire”, précise Olli Renh. “Au Portugal, en revanche, la problématique est différente. Il s’agit d’une croissance faible. Il faut ajouter que le gouvernement prend des dispositions fermes et déterminées pour stabiliser les finances publiques”.

    La politique d’austérité du Portugal a provoqué hier la première grève générale conjointe des syndicats depuis 22 ans. Le Premier ministre affirme que son pays n’aura pas besoin d’un plan d’aide et que les réductions salariales, ainsi que l’augmentation des impôts, seront suffisantes.

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  • 25 mai 1913, Pré Saint-Gervais, discours de Jean Jaurès contre la loi de 3 ans de service militaire devant 150 000 personnes. Photo : Roger Viollet

    Politique - le 24 Mai 2013

    l'Humanité des débats. Histoire

    Il y a un siècle, Jean Jaurès enflammait Le Pré-Saint-Gervais

    Par Pierre Clavilier. Le dimanche 25 mai 1913, au Pré-Saint-Gervais, au lieu-dit la butte du Chapeau-Rouge, à proximité de Paris, la SFIO organisait un rassemblement populaire. L’image du tribun socialiste s’adressant à la foule de 150 000 personnes devait rester dans la mémoire collective.

    Depuis 1912, les opposants à la guerre, dont les socialistes sont au premier rang, manifestent régulièrement leur mécontentement en se retrouvant notamment sur la butte du Chapeau-Rouge, devenue le rendez-vous habituel des pacifistes.

    Au début de 1913, l’empire allemand augmente ses effectifs militaires. Les responsables de l’armée française désirent en conséquence obtenir le même nombre de soldats. Une loi prolongeant d’un an le service militaire, le faisant passer à trois ans, leur semble la solution afin de rivaliser avec l’armée du Reich. Pour les responsables de l’état-major, la force d’une armée c’est son nombre. Partisans d’une stratégie fondée sur l’offensive, les généraux ont besoin dans cette optique de l’effectif le plus large possible.

    Dans cet état d’esprit, le président de la République, Raymond Poincaré, a proclamé, deux jours après son arrivée à l’Élysée : « Il n’est possible à un peuple d’être efficacement pacifique qu’à la condition d’être toujours prêt à faire la guerre. » En réponse, le 1er mars, l’Humanité, en France, et Vowärts, en Allemagne, publient un même texte en allemand et en français : « C’est le même cri contre la guerre, la même condamnation de la paix armée qui retentit à la fois dans les deux pays. »

    Début mars, le projet de loi étant soutenu par le gouvernement, le débat peut avoir lieu. Cette loi est pour Jaurès le symbole du militarisme, de la force outrancière de l’armée. C’est l’occasion de mobiliser l’ensemble du mouvement ouvrier contre ce projet en réactivant son antimilitarisme et son pacifisme.

    Dès le 16 mars 1913 se déroule à la butte du Chapeau-Rouge un rassemblement contre le projet de loi. « Le drapeau rouge, tout pur de marques et d’insignes, je retrouverai toujours pour lui l’œil que j’ai pu avoir à dix-sept ans, quand, au cours d’une manifestation populaire, aux approches de l’autre guerre, je l’ai vu se déployer par milliers dans le ciel bas du Pré-Saint-Gervais », témoignera André Breton.

    Certes, cette manifestation est moins massive et moins populaire que celle dont nous célébrons le centenaire. L’Humanité pourtant la décrit comme un temps fort : « La démonstration d’hier, par sa grandeur, son ordre et son élan, est la digne sœur de cette autre démonstration qui, il y a trois mois, réunissait au même endroit, sur invitation du parti socialiste, tous les citoyens décidés à clamer leur haine de la guerre », écrivait dans son éditorial Louis Dubreuilh.

    Le congrès national de la SFIO, le 23 mars, marque également l’opposition farouche à cette loi. Celle-ci lui semble être une provocation contre l’Allemagne. Chaque fédération départementale y est représentée par un nombre de délégués proportionnel au nombre d’adhérents. On y note la présence de Jean Longuet, Pierre Renaudel, Francis de Pressensé, Jacques Sadoul, ou encore Édouard Vaillant. D’autres socialistes sont absents. C’est en particulier le cas de Jean Jaurès et de Jules Guesde. L’actualité politique, entre la discussion de la loi des trois ans et le remaniement ministériel (le gouvernement Briand est renversé le 18 mars), les contraint à rester à Paris. 

    Le rassemblement du 25 mai est initialement prévu salle Wagram, à Paris, pour commémorer, comme tous les ans, la semaine sanglante qui mit fin à la Commune. Il est interdit. Contournant l’interdiction, la manifestation initiale est transformée en un rassemblement pacifiste. « Si, comme nous l’espérons, le nombre de citoyens qui seront aujourd’hui présents au Pré-Saint-Gervais est plus grand encore que dans les deux démonstrations antérieures, déjà si imposantes, le pouvoir aura l’impression qu’il est en face d’une force populaire et réglée, c’est-à-dire invincible. Et la loi de réaction, loi funeste, antinationale et antirépublicaine, aura reçu un coup profond », annonce le jour même l’Humanité.

    Parmi les orateurs se trouvent Marcel Cachin, les anciens communards Édouard Vaillant et Jean Allemane, mais aussi, et c’est assez rare à l’époque pour le souligner, trois femmes : Maria Verone, Louise Saumoneau et Alice Jouenne. Leur présence marque la modernité des socialistes de l’époque et leur volonté de faire de la défense de la paix la question de tous.

    Jaurès, hissé sur un camion qui fait office de tribune, la main sur la hampe d’un drapeau rouge, la barbe et le chapeau melon au vent, fait vibrer la multitude venue dénoncer la guerre. Il évoque les acteurs de la Commune, souligne qu’ils n’avaient pas « lutté pour se ménager de vains honneurs, pour les joies du pouvoir, ils avaient combattu pour préparer un avenir de justice. Leur foi, leur ardeur doivent être un exemple, car c’est, cette fois, cette ardeur qui fait notre force et qui fera la force des générations nouvelles. »

    Un combat socialiste Le meeting du 25 mai 1913 est un point d’orgue dans la campagne des socialistes contre la loi des trois ans. La date du 6 mars est tout aussi décisive. Ce jour-là, le gouvernement présidé par l’ancien compagnon de route de Jean Jaurès, Aristide Briand, déposait sur le bureau de la Chambre des députés le projet que les socialistes, unis derrière leur chef de file Jean Jaurès, vont combattre de toutes leurs forces. Il sera voté en juillet par la Chambre des députés 
et ensuite par le Sénat, malgré cette vive opposition des radicaux et surtout des socialistes. Mais cette contestation permit d’une certaine manière de reconstituer le Bloc des gauches. Un bloc mis à mal puisque certains radicaux, reniant leurs engagements antérieurs, votèrent finalement la loi, confortablement adoptée à la Chambre des députés par 339 voix contre 223. L’évocation de ce combat des socialistes et 
de Jaurès marque pour nous le premier acte 
de la commémoration du centenaire de la mort de Jaurès. Le 31 juillet 1914, il était assassiné par Raoul Villain au café du Croissant, à Paris.

    Pierre Clavilier est l’auteur de Jean Jaurès, l’éveilleur 
des consciences, éditions du Jasmin, 2013, 
206 pages, 16 euros.


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