•  Christine, Monica, Elio et l’« erreur système »

    David Pestieau

    Christine Lagarde, présidente du FMI : « Nous devons, et les gouvernements aussi, accorder plus d’attention à une meilleure distribution des richesses. Je ne suis pas une communiste, mais la réalité est là. » Mais elle préconise… l’austérité. (Photo FMI)

    « Au niveau mondial, 0,5 % de la population détient plus de 35 % des richesses. »1 Non, ce n’est pas Peter Mertens qui parle. Mais Christine Lagarde, la boss du FMI. « Nous devons, et les gouvernements aussi, accorder plus d’attention à une meilleure distribution des richesses. Je ne suis pas une communiste, mais la réalité est là. »2
    Non, Lagarde n’est pas contaminée par la fièvre rouge. Elle traduit la peur des élites face aux remous sociaux. Ce qui explique ce nouveau discours.
        Mais pas de changement de politique en vue : Lagarde a déclaré qu’il n’y avait « pas d’alternative à l’austérité ». Sauf que Lagarde affirme que, si on applique l’austérité, le capitalisme peut se relancer et assurer une meilleure distribution des richesses. Si on y prête un peu d’attention et qu’on y apporte quelques correctifs. Or chaque jour qui passe montre que le capitalisme produit davantage d’inégalité. Ce système fonctionne sur le moteur du profit. Et la compétitivité ne peut entraîner qu’une spirale vers le bas pour les droits sociaux.
        Le gouvernement Di Rupo défend au fond le même discours que Lagarde. Il nous vend la régression sociale tout en affirmant veiller au maintien du pouvoir d’achat et à la réduction des inégalités.
        Par exemple. Sans les révélations de Solidaire, puis du Soir, sur l’avant-projet de loi de la ministre sp.a Monica De Coninck, notre gouvernement aurait fait passer en douce ce corset étouffant fixé sur nos salaires pour les six ans à venir. Le projet donne un cadeau de 1,2 milliard d’euros aux patrons qui bloquent les salaires. Un double jackpot. Il met une pression maximale sur l’index : il couple en effet nos salaires à ceux de nos voisins, même si ceux-ci voient leur pouvoir d’achat baisser.

    La mainmise d’institutions non élues comme le FMI et la Commission européenne s’accroît


    Et le projet De Coninck ressemble comme deux gouttes d’eau à ce que le FMI a recommandé – exception faite de l’extinction de l’index qu’exige le FMI. Celui-ci est sur la même longueur d’onde que la Commission européenne : il s’agit d’« accélérer  » les réformes structurelles pour restaurer « la compétitivité » afin de « renforcer le lien entre l’évolution domestique des salaires et celle des pays partenaires », tout en corrigeant les « déviations » passées3. Est-ce ainsi que les richesses seront mieux distribuées ? Et que le pouvoir d’achat sera maintenu ? Evidemment non.
        L’heure n’est pas à se laisser endormir. La mainmise d’institutions non élues comme le FMI et la Commission européenne s’accroît. Il y a des politiques qui dénoncent en paroles la Commission mais s’apprêtent à lui transmettre plus de pouvoirs : ils veulent ainsi voter, en douce, le Traité budgétaire européen. Or ce pacte gravera l’austérité dans le marbre et permettra une intervention plus directe de cette Commission dans les politiques sociales.
        Il est temps de résister à cette politique gouvernementale qui, avec ses projets de réformes des salaires et des statuts ouvrier-employé, exécute bravement ces directives. Rendez-vous déjà à la manifestation syndicale du 7 juin à Bruxelles.

    1. Discours de Lagarde cité dans Le Monde du 15 mai. Peter Mertens écrivait, sur base des chiffres d’une banque d’affaires suisse, dans Comment osent-ils ? (Aden, 2012) que 0,5 % de la population mondiale possèdait 38,5 % des richesses  

    2. The Wall Street Journal, 17 mai 2013 

    3. Le Soir, 18 mai 2013

    http://www.ptb.be/index.php?id=1326&L=1&tx_ttnews[tt_news]=34859&cHash=27a3e110d69f8e30bb3f159c6393d410


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  • L’inévitable retour du fascisme ?

    Michel WEBER

    Tocqueville (1835) a indiqué que la démocratie de marché pouvait facilement donner naissance à un totalitarisme mou. Depuis Mumford (1932), on sait que la technoscience donnera volontiers un peu de rigueur au tropisme fasciste. Où en sommes-nous ?

    La crise qui se propage de proche en proche depuis 2008 est une crise qui est essentiellement politique et, en tant que telle, elle demande une réponse politique.

    De fait, les observateurs avertis peuvent discerner la multiplication des signes d’une dérive fasciste, à la fois au niveau de la base et à celui du sommet de la pyramide sociale. D’une part, les idées fascistes sont de plus en plus courantes dans les milieux défavorisés (qui sont eux-mêmes en croissance rapide) ; d’autre part, elles sont de plus en plus explicites chez les technocrates — mais sous une forme tellement aseptisée qu’on pourrait, il est vrai, croire à leur parfaite innocuité.

    Il est donc fort piquant de remarquer que le grand public est parfaitement ignorant de ce retour de l’extrême-droite. Il pressent certes l’imminence de l’effondrement sociétal mais il n’a absolument pas conscience de la nature exacte du danger. La réouverture de camps de concentration ou même la généralisation des conflits régionaux semble passer inaperçue. De même, le sens et la portée de l’existence d’apologies hollywoodiennes (au propre comme au figuré) de la torture demeurent entièrement mystérieux. Cette double tension est paralysante et anxiogène, ce qui fait le jeu de l’oligarchie : quoi de plus manipulable en effet que des individus dans un état de coma moral et politique ?

    Pire, les acteurs sociaux les plus remuants, les militants et les universitaires pensent l’effondrement de la civilisation globalisée à partir de leur expertise et sont dès lors conduits systématiquement à manipuler des statistiques, parfois très convaincantes, mais qui comprennent la transformation sociétale annoncée sur le mode de la lente désagrégation d’un pan de la société. Le long terme est ainsi mis en perspective à partir d’une facette supposée cruciale.

    Or, ce qui s’annonce c’est un effondrement total et abrupt des « démocraties de marché » à la faveur de l’emballement d’une de ces crises qui constitue, en synergie, la crise globale systémique. Peu importe la nature de l’événement déclencheur — une pénurie de dix jours de l’approvisionnement de pétrole, des émeutes de la faim dans des quartiers (ou des pays) « défavorisés », des macro-mouvements de population forçant les portes de la citadelle Europe, un accident industriel majeur, une nouvelle bulle financière, une vraie-fausse pandémie, une guerre inter-régionale ou même mondiale, … — la conséquence politique sera inévitable et immédiate : l’état d’urgence, c’est-à-dire le totalitarisme, ou le chaos absolu, c’est-à-dire la guerre de tous contre tous. Une guerre civile serait comparativement plus structurante.

    L’enseignant-chercheur qui n’a pas oublié la leçon de citoyenneté magistrale que nous a laissé Victor Klemperer (LTI, 1947) se doit en conséquence de mettre en évidence deux dynamiques : premièrement, il faut montrer que la réponse à la crise globale systémique est bien d’ores et déjà politique et que, si aucune force ne vient entraver l’inexorable progression du capitalisme du désastre, il ne nous restera bientôt plus qu’à émettre des regrets carcéraux ou post-mortem. Deuxièmement, il faut discerner les pistes théoriques et pratiques qui sont susceptibles d’infléchir cette trajectoire dès aujourd’hui.

    Michel Weber

    Une première version de ce billet a été publiée ici : http://www.pauljorion.com/blog/?p=53721
    Dernier ouvrage paru : De quelle révolution avons-nous besoin ?, Paris, Éditions Sang de la Terre, 2013. (978-2-86985-297-6)

    URL de cet article 20662
    http://www.legrandsoir.info/l-inevitable-retour-du-fascisme.html

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  • Île-de-France

    Napoléonland : bientôt un parc d’attraction à la gloire de l’empereur ?

    Par Agnès Rousseaux (22 mai 2013)

    Napoléon détrônera-t-il bientôt Mickey et Astérix ? Le parc d’attraction Napoléonland (si, si...) est sur les rails. C’est le rêve du député Yves Jégo, ex-UMP ayant rejoint Jean-Louis Borloo : ouvrir en 2017 le premier parc historique consacré à l’épopée napoléonienne à proximité de la ville dont il est maire, Montereau, en Seine-et-Marne. L’élu promet des milliers d’emplois, deux millions de visiteurs, pour un coût estimé à 200 millions d’euros. L’élu ne précise pas, cependant, combien d’argent public devra être investi, mais espère un partenariat public-privé… L’amélioration de la desserte TGV serait même à l’étude par la SNCF. Un appel d’offre a été lancé en février pour réaliser les études de faisabilité.

    Pourquoi Napoléon ? C’est une « marque monde » (sic), explique le député. Un homme capable de « faire trembler l’Europe sous son talent militaire [1]. « Napoléon, c’est la méritocratie. Issu d’une famille de rien, il est devenu empereur des Français, puissant parmi les puissants en Europe ». Un parcours qui fait rêver, donc. Et la petite ville de Montereau ? Elle est « au cœur de l’épopée napoléonienne. » Jugez donc : c’est ici qu’en février 1814, l’empereur remporte sa dernière grande bataille contre « l’ennemi autrichien »…

    « Faire du fun intelligent » avec Bonaparte

    Le rêve Napoléonland est aussi partagé par quelques socialistes locaux : « Depuis la tragédie grecque, l’humanité aime que le Destin frappe les plus grands au moment où ils atteignent l’apogée de leur puissance. (…) Un mythe n’est populaire que s’il rappelle aux hommes leur condition mortelle, s’il leur montre qu’ils ne sont qu’un jouet dans la main de Dieu ou des dieux. C’est en cela que la légende de Napoléon n’a pas fini de faire rêver les hommes », s’enflamme Alain Dreze, ancien maire (PS) de Montereau, cité sur le blog d’Yves Jego. Le soleil d’Austerlitz semble avoir un peu trop chauffé.

    Le site ne sera pourtant pas un lieu de « dévotion béate » pour empereur autoritaire, prévient le député. La question de l’esclavage, rétablie en 1802 par Bonaparte, ne sera pas éludée, précise celui qui fut le secrétaire d’État à l’Outre-mer de François Fillon… Nous voilà rassurés. Gage de ce sérieux historique, l’Association pour bâtir une entreprise internationale de loisirs sur l’Empereur et son époque (Abeille), est présidée par Charles Bonaparte, descendant du frère de Napoléon Ier.

    Vers une Bérézina financière ?

    Pour faire vivre la légende napoléonienne, pas moins 230 hectares sont prévus, dont 50 à 100 hectares consacrés au parc à thème. Avec bien sûr une reconstitution de la bataille de Montereau. Et des activités plus ludiques. « Il faut faire du fun intelligent. L’histoire est un prétexte pour donner du plaisir avec des émotions, des sensations et des connaissances », explique Dominique Hummel, président du directoire du Futuroscope, qui va rejoindre le comité de pilotage.Yves Jégo pourrait s’inspirer de « Ski Dubaï », grande piste de ski en plein cœur du désert, dont il est fan : un peu de neige en Seine-et-Marne, pour rappeler le passage victorieux des Alpes de la campagne d’Italie ou la déroute de la Grande armée pendant la campagne de Russie ?

    Dans cette ambiance Disneyland, pas sûr que les enfants fassent la différence entre Mickey et Napoléon. En chevauchant la monture de l’empereur dans un manège, en s’achetant des baïonnettes en plastique et en se faisant photographier à côté d’un intérimaire déguisé en grognard ou en hussard, les visiteurs se souviendront-ils des 3 à 6 millions de morts des guerres napoléoniennes ? Et si on dépensait l’argent public pour autre chose que des grands projets inutiles ? Surtout pour éviter une Bérézina financière !

    Voir la présentation du projet

    Napoléonland, le roman national version parc d’attractions ?

    Présenté début 2012, le projet de parc de loisirs, lancé par le député Yves Jégo (UDI) et dédié à Napoléon Bonaparte, semble faire son chemin. Vendu comme un projet touristique d’ampleur, créateur d’emploi et attractif grâce à la figure historique qu’il met en avant, le Napoléonland interpelle cependant. Le concept semble être le suivant : lier succès économique, divertissement et vulgarisation historique. Voilà une recette qui a récemment portée ses fruits avec le Métronome de Lorànt Deutsch et qui n’annonce rien de bon. Car derrière le concept, se cache la célébration d’une figure très controversée de l’histoire de France. Un personnage qui fascine le député-maire de Montereau (Seine-et-Marne), Napoléon 1er. Ce projet marque à son tour la résurgence du roman national, basé sur l’idéalisation de « héros » du passé¹. Comme pour le Puy du Fou de Philippe de Villiers, l’idée semble être ici de partir de l’Histoire et de construire insidieusement, dans une ambiance bon enfant, une fiction, celle d’un héros national, dont la portée idéologique est évidente.

    Young-Napoleon-on-Horse-by-David

    Un projet qui ne dit pas son nom

    Glorifier le personnage de Napoléon, Yves Jégo s’en défend («ce n’est pas un saint»). Le but de ce parc à thème est avant tout selon lui économique. Installé près de Montereau, Napoléonland serait « un véritable levier de développement économique pour la région et pour le sud du département » et devrait « créer 3.000 emplois directs et indirects ». Comment rendre ce projet inattaquable, sinon en le présentant comme un moyen de lutter contre la crise et le chômage !

    A écouter les défenseurs de ce parc de loisirs, la figure de Napoléon n’est qu’un prétexte pour attirer touristes et amateurs de sensations. Pour le député-maire, l’empereur  est une « marque-monde », un personnage pouvant faire venir « entre 1,5 et 2 millions de visiteurs par an ». Descendant de Jérôme Bonaparte (frère de Napoléon), Charles Napoléon défend à son tour le projet. Napoléon est « un produit qui marche bien », l’idée est « très bonne, dans un monde où le loisir est porteur ».

    Au-delà du côté divertissement, c’est avant tout l’approche historique et idéologique du Napoléonland qui intrigue. En effet, le porteur du projet, Yves Jégo, ne cache pas sa fascination pour le natif d’Ajaccio. Ce qu’il aime chez lui, « c’est la dimension, l’intensité de celui qui était capable (…) de faire trembler l’Europe sous son talent militaire », un personnage « marquant pour l’humanité ».

    Pour Charles Bonaparte, président de l’Association pour bâtir une entreprise internationale de loisirs sur l’Empereur et son époque (Abeille), il y a derrière ce projet « les valeurs qu’a introduites Napoléon, celles de la Révolution et de la République». Drôle de propos, tant l’époque napoléonienne a en réalité marqué une rupture avec la Révolution, la République et l’élan démocratique lancé depuis 1789.

    Enfin, pour Dominique Hummel, président du directoire du Futuroscope, qui a rejoint le comité de pilotage du Napoléonland, « il faut faire du fun intelligent. L’histoire est un prétexte pour donner du plaisir avec des émotions, des sensations et des connaissances». Voilà qui en dit long sur ce projet…

    Napoléon porterait donc en lui la Révolution et la République… Que deviennent alors son coup d’Etat en 1799 et son sacre en 1804 ? N’est-ce pas Bonaparte qui déclare en 1805, « le temps de la Révolution est fini, (…) il n’y a plus en France qu’un parti »2 ? Yves Jégo dit admirer la capacité de l’empereur à faire trembler l’Europe et voit en lui un personnage ayant marqué l’humanité. Marquer l’Histoire certes, mais à quel prix ? Qu’en pensent les peuples européens, espagnols, italiens, autrichiens, allemands ou encore russe qui ont subit les pillages et l’occupation des armées napoléoniennes ? Qu’en pensent les madrilènes, qui endurèrent en 1808 une répression impitoyable suite à leur révolte contre l’occupation ? Tant d’événements qui auront pour conséquence d’unifier les peuples européens contre la France et contre l’idéal révolutionnaire.

    L’ancien secrétaire d’Etat à l’Outre-mer prétend « avoir l’histoire avec lui ». Cependant, voilà tout de même une « drôle » d’idée, à l’heure où l’Europe est en panne et les incompréhensions entre États s’accroissent, que de consacrer un parc de loisirs à un homme dont l’ambition démesurée et la volonté de domination sur l’ensemble du continent, ont fait tant de dégâts.

    Peut-on décemment se divertir autour des guerres napoléoniennes ?

    Yves Jégo l’assure, «ce n’est pas un musée, c’est un parc d’attraction ». Quelle place alors pour l’Histoire ? Car le mot est bien employé à plusieurs reprises par le porteur du projet comme par son entourage. Le terme de « parc historique » est même utilisé.

    Dans un billet de blog, le député-maire présente aux futurs visiteurs le parc qu’il a imaginé. « Glissez sur les pentes du col du Saint-Bernard, passez la Bérézina au milieu des corps gelés des soldats et des chevaux. (…) Enrôlez-vous dans les armées impériales pour pénétrer au cœur des champs de batailles d’Austerlitz ou de Waterloo. Entendez le bruit fracassant des canons, frémissez en sentant le vent des boulets qui sifflent à vos oreilles, respirez l’odeur de la poudre et admirez le sang-froid de Napoléon (…). Avant de revenir au XXIe siècle ne manquez pas (…) le grand défilé impérial où se mêlent soldats, officiers, maréchaux, qui précèdent avec leur allure martiale toute la noblesse européenne ».

    On estime aujourd’hui entre 3 et 6 millions les pertes humaines françaises et européennes liées aux guerres napoléoniennes. Il y a donc de quoi être surpris lorsque l’on voit Yves Jégo inviter ses futurs visiteurs à venir se promener « au milieu des corps gelés de soldats » ou encore à venir « frémir » sur un champ de bataille, comme si il faisait référence à des événements anodins.

    Le délégué général de l’UDI propose ensuite de s’enrôler dans « les armées impériales ». Là encore, il est indispensable de sortir de la légende napoléonienne et de faire un détour par l’Histoire afin de rappeler que la résistance à la conscription fut importante à l’époque. On estime aujourd’hui à plus de 100 000 personnes le nombre de réfractaires (notamment nombreux dans le sud-ouest) qui refusèrent (pour différentes raisons) de partir en guerre pour la gloire d’un homme et uniquement pour cela.

    Napoleon theme park

    Esquisse de ce que pourrait être le parc.

    Une image romantique de l’époque napoléonienne

    L’indécence ne s’arrête pas là. En effet, Yves Jégo explique ensuite dans sa description du parc, « les Antilles de Joséphine vous accueillent, avec leurs oiseaux multicolores, au milieu d’une incroyable végétation. Après avoir visité une plantation entretenue par de nombreux esclaves, vous allez vivre les aventures des corsaires des Caraïbes et dévaler les pentes fumantes d’un volcan en éruption ». On croirait lire ici la brochure de présentation d’une exposition coloniale du XIXe siècle. Doit-on rappeler que l’esclavage, crime contre l’humanité,  fut aboli durant la Révolution (1794) et que c’est Napoléon qui le rétablit, ainsi que le Code noir, en 1802 ?

    Yves Jégo ne mentionne rien concernant la politique menée au niveau national par l’empereur. Doit-on comprendre que dans ce rendez-vous avec « l’Histoire », le parc ne fera aucune référence à la dictature personnelle mis en place par Napoléon ? Rien sur la censure de la presse ou sur la répression politique ? Il est par exemple essentiel de rappeler qu’en 1801, dans le but de supprimer l’opposition politique de gauche, 133 Jacobins accusés à tord d’un attentat (en réalité commis par des royalistes), contre celui qui n’était alors que Premier Consul, furent arrêtés et condamnés. Certains seront même déportés en Guyane ou aux Seychelles.

    Le futur visiteur est cependant invité à venir admirer « les somptueux jeux d’eau et de lumière des fontaines musicales », à assister « au bal de l’Impératrice », ou encore à descendre « dans la grande Pyramide»… De ces différents exemples ressort finalement le but recherché par les concepteurs de ce parc, donner une image romantique de l’époque et de l’épopée napoléonienne. En épurant l’histoire de l’empereur des épisodes les plus sombres, ou en leur donnant un côté romanesque (comme pour l’esclavage), ils trahissent le message initial, « entrez dans l’Histoire en suivant les traces de Napoléon 1er ». Un message qui devrait être revu et pourrait par exemple être le suivant : « Entrez dans la légende napoléonienne, entrez au Napoléonland ».

    ¹Une dérive notamment dénoncée dans l’ouvrage Les historiens de garde.

    2Lettre de Napoléon au ministre Fouché, le 22 avril 1805

    http://matthieulepine.wordpress.com/2013/05/18/napoleonland-le-roman-national-version-parc-dattractions/


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  • ZERO voix pour le « plan Combrexelle Sapin » de casse de l’inspection du travail

    par Gérard Filoche, membre du BN du Parti socialiste.

    mardi 21 mai 2013

    Un « Plan SAPIN » depuis juillet 2012 envisage la disparition des sections d’inspection du travail territoriales et généralistes.

    Jusque-là, une section était affectée à un territoire délimité et devait contrôler, en moyenne, 3000 entreprises, 30 000 salariés. Inspecteur et contrôleurs intervenaient « en opportunité » : c’est-à-dire qu’ils jugeaient eux-mêmes des priorités de leurs dossiers, des suites des visites. Ils étaient sous la pression des salariés de leur secteur : ils les recevaient dans des permanences, deux fois par semaine et pouvaient se rendre dans les entreprises à toute heure, sans prévenir, pour imposer en toute matière le respect du code du travail aux employeurs assujettis. Les actions étaient indépendantes (convention OIT n°81) mais pas « neutres » : l’inspection avait pour « mission d’alerter les gouvernements en place sur le sort qui est fait aux salariés ».

    Le « plan Sapin » vise à supprimer la base géographique et à définir les missions non plus par le champ d’action et les demandes des salariés… mais par le haut, par les exigences de la hiérarchie. Les sections seraient redécoupées, des « brigades spécialisées » par branche, secteur, thème les remplaceraient, et la hiérarchie dicterait « là où il faut aller » « quand il faut y aller », « les actions prioritaires » qu’il faudra mener. Les « brigades » seront diligentées selon les aléas politiques de la chefferie, elles seront spécialisées et non plus généralistes, elles pourront être plusieurs sur un même secteur ou une même entreprise. Les agents n’auront plus ni opportunité, ni continuité de terrain, ni vision globale dans la durée, ni maitrise de leurs actions.

    Pour cela, il fallait casser les organisations existantes. Il existe 767 sections d’inspections, 767 inspecteurs, 1500 contrôleurs, 1500 secrétaires : une section c’était cinq agents complémentaires : 1 inspecteur, 2 contrôleurs, 2 secrétaires. Alors ils ont commencé à réduire les secrétariats, pivots des sections. Puis ils ont promu les contrôleurs… inspecteurs, à raison de 540 pour commencer et le reste étalé sur 12 ans. Ca fait « carotte », ca concentre et supprime des postes, ça divise les rangs, ça casse efficacement l’organisation des sections( A Paris, en 1990 il y avait 8 immeubles différents ou se tenaient les sections, proches des arrondissements qu’elles controlaient, aujourd’hui, ils les ont supprimés pour les « concentrer » en un seul…leur coup de force est physique et précède toute pseudo concertation)

    Sapin a organisé depuis des mois et des mois une vaste « concertation » avec enquêtes, audits, entrevues collectives et individuelles, négociation avec les syndicats… enfin tout ce tintamarre qui est ordinairement pratiqué pour forcer la main aux personnels… Il devait rendre avis en juillet 2013.

    Mais l’échec est total : Chou blanc ! Extraordinaire : après dix mois d’effort, le « plan Sapin » a obtenu ZERO voix dans l’inspection. Aucun soutien ! CGT, Sud, SNUTEFE, FO votent contre, CFDT et UNSA s’abstiennent. ZERO voix ! Bisque bisque bisque rage ! Vont-ils quand même oser passer en force contre 100 % de ceux avec lesquels ils avaient promis de se « concerter » ?

    Gérard Filoche, (paru dans l’Huma du 15 mai)


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  • La folie de l’économie capitaliste

    La guerre menée par le patronat et le gouvernement contre les travailleurs n’a pas encore la brutalité de celle menée en Grèce, en Espagne, au Portugal. La France part de plus haut, c’est un pays économiquement plus puissant, qui a accumulé au fil du temps plus de richesses, notamment en pillant et en colonisant une grande partie de l’Afrique.

    La bourgeoisie a donc pu, dans le passé, concéder aux exploités toute une série de droits. Ils sont en train d’être démolis. Regardons vingt ans en arrière : quand on était embauché, sauf accident ou choix personnel, c’était pour la vie. Aujourd’hui, quel jeune imagine décrocher un CDI ? Le CDI est devenu un privilège, la norme maintenant c’est le travail à la commande, le travail à la tâche comme au 19ème siècle !

    Il reste encore des amortisseurs sociaux, comme ils disent, mais jusqu’à quand ? Alors que tout le monde, à droite comme à gauche, s’est toujours gargarisé du modèle français de protection sociale avec la Sécurité sociale, voilà que de plus en plus de voix se font entendre pour la remettre complètement en cause.

    Quant aux droits à la retraite, ils reculent depuis trente ans. Ça continue avec Hollande. Avec la loi sur la flexibilité, le gouvernement en a déjà fait plus pour aggraver les conditions de travail qu’en dix ans de droite. Du nord au sud de l’Europe, ce sont les mêmes reculs, les mêmes sacrifices imposés aux travailleurs, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. Par les temps qui courent, le gouvernement ne peut qu’être le bras armé de la bourgeoisie contre les exploités.

    La défense des intérêts des travailleurs n’est pas une question d’élections, mais de rapport de forces entre la grande bourgeoisie et les travailleurs. La lutte de classe, ce n’est pas du passé, elle est là, féroce, et surtout elle est à sens unique. Car il n’y a que la bourgeoisie qui donne des coups. C’est cela qu’il faut changer.

    Pour inverser le rapport de force, les travailleurs ne pourront faire l’économie d’une lutte massive, qui fasse peur à la bourgeoisie, comme elle a eu peur en juin 1936 avec les occupations d’usines, comme elle a eu peur en mai 1968.

    Si les luttes ne se décrètent pas, elles se préparent dans les têtes et dans les consciences. Dévoiler la politique de la bourgeoisie, dénoncer le jeu de ses serviteurs politiques, dire la vérité aux travailleurs, les armer politiquement, moralement, c’est ce que les directions syndicales pourraient et devraient faire.

    Au lieu de cela, les dirigeants syndicaux – les directions centrales des appareils syndicaux, pas les militants de base – passent leur temps en conciliabules avec le gouvernement et le patronat. L’encre des accords sur la flexibilité n’est pas encore sèche que le gouvernement et le patronat ouvrent déjà un nouveau cycle de conférences sociales sur les retraites. Alors que tout le monde a compris que le patronat n’est pas disposé à faire de cadeaux et qu’il ne veut négocier que des reculs pour les travailleurs, pourquoi cautionner ces négociations bidon ? Et, pire encore : présenter les reculs comme des avancées ?

    Gouvernement et patronat nous disent qu’il faut être compétitif, flexible, mais tout cela pourquoi ? Ils restructurent, ils nous demandent d’accepter le chômage, mais pourquoi tous ces sacrifices ? À quoi servent les milliards retirés des services publics ? Si, encore, cela améliorait la situation économique, mais c’est tout le contraire ! C’est toujours et encore la finance qui prospère, et la spéculation.

    La finance tue la croissance, le paiement de la dette tue toute perspective de relance économique. Ce sont les mêmes bourgeois qui sont tiraillés entre ces objectifs contradictoires. Bouygues ou Peugeot n’ont rien contre la relance, ils sont pour ! Mais ils ont aussi des intérêts financiers, et c’est d’ailleurs leur capital placé dans la finance qui leur rapporte le plus.

    Le capitalisme est un système perclus de contradictions. À commencer par celle qui pousse chaque capitaliste individuel à aggraver l’exploitation, à baisser les salaires, alors que c’est précisément cela qui limite, voire fait reculer la consommation des classes exploitées, et donc le marché.

    La crise est due à ce que le système est capable de trop produire par rapport à la consommation solvable. C’est l’abondance qui crée la misère. Il n’y aucune raison de se résigner à cette folie. Il faut supprimer la domination de la bourgeoisie sur l’économie, c’est-à-dire la propriété privée des moyens de production.

    http://www.lutte-ouvriere.org


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  • Nouvel Ordre Mondial et la poursuite des chimères technocratiques…

    Google sait quand vous êtes à la maison

    Paul Joseph WATSON
     

    Google a inventé un nouveau moyen ingénieux pour convaincre les gens de donner volontairement leurs données de géo-location en temps réel, en offrant des “pense-bêtes” spécifiques à l’endroit où on se trouve comme partie intégrante des nouvelles caratéristiques de la fonction Google Now. Pendant la conférence Google I/O pour les développeurs qui s’est tenue à San Francisco hier, il a été annoncé que Google Now, le produit de recherche sur l’identification vocale, sera bientôt disponible sur les ordinateurs et fonctionnera en réseau avec les outils de communication mobile sans aucun problème.

    Google Now autorise les utilisateurs à faire des recherches internet en parlant à leur ordinateur, mais cela permet aussi à Google de fournir à la fois l’heure et l’endroit pour des pense-bête qui sont spécifiques à l’endroit fonctionnant au travers de la technologie GPS (Global Positioning System). “Par exemple, vous pouvez depuis votre ordinateur du boulot dire à Google Now : ‘Rappelle-moi de sortir les poubelles lorsque je suis de retour à la maison’, et quand il sent par votre smartphone que vous êtes de retour à la maison, Google Now vous envoie le rappel.” Rapporte la revue Business Insider.

    Le programme va aussi entrer dans votre calendrier personnel pour vous donner des avertissements au sujet de la circualtion par exemple si vous devez vous déplacer. Une autre caractéristique de Google Now vous donnera des recommandations sur des activités en fonction de l’endroit où vous vous trouvez et de vos habitudes. Un nouvel outil de Google appelé “Activity Recognition” ou “reconnaissance d’activité” saura également si vous êtes en train de conduire, de courir, de marcher ou de faire du vélo.”

    Si ceci vous semble totalement envahissant, orwellien et, au bout du compte, franchement emmerdant, c’est parce que cela l’est, mais pas pour les personnes tendance transhumaniste, qui ne trouvent pas que le délire d’Eric Schmidt d’avaler des nano-robots chaque matin et d’envoyer son clone robotique à des événements sociaux, soit complètement horrible. Mais pour ceux d’entre nous qui veulent toujours avoir une certaine vie privée et un minimum d’humanité dans nos vies, çà l’est.

    Nous sommes déjà collés à nos smartphones qui vibrent et font bip-bip à chaque texto, courriel, commentaire Facebook ou réponse Twitter. Maintenant Google va non seulement nous distraire encore plus avec des choses qui viennent de se passer, mais aussi avec ce que nous avions oublié qui devait se passer et ce qui doit se passer dans le futur.

    Des études ont déjà confirmé que les médias sociaux comme Facebook rendent les gens encore plus déprimés, tandis que l’internet reprogramme littéralement nos cerveaux, éviscérant notre faculté de concentration par le truchement de distractions constantes, et nous rendent incapables d’absorber des informations plus longues qu’un clip YouTube de 2 minutes ou un tweet de 140 caractères.

    Avec l’avènement des “lunettes Google”, tout cela sera virtuellement scotché sur votre front dans une réalité constamment branchée sur la matrix.

    Où cela nous mène t’il ? Un article du Washington Post en 2008 a envisagé un futur dominé par “Google LifeService” où la totalité du temps de travail et de loisir des gens serait herbergée sous une seule application Google, permettant un accès “work pods” pour les loisirs, les emplettes et la socialisation, le tout pour une subscription mensuelle tout en un et bien sûr, le tout sous l’œil inquisiteur de Grand Frère Google.

    Comme l’écrit Daniel Taylor : “L’élite globaliste est en train de pousser vers un futur dystopique dans lequel tous les aspects de la vie sont gérés en fonction de leurs intérêts, un âge hybride, où des méga-entreprises fourniront de la technologie avancée à leurs ouailles et ainsi gagneront leur loyauté.”

    Google Now représente la prochaine étape vers une vision technocratique de la vie emplie de facilités et d’efficacité clinique, reposant sur les ordinateurs pour qu’ils pensent pour vous alors que l’humain tend de plus en plus à la fusion avec la machine, ce faisant, perdant une petite pièce de son humanité chaque jour qui passe.

    Paul Joseph Watson

    url de l’article original : http://www.infowars.com/google-knows-when-youre-home/

     Traduit de l’anglais par Résistance 71 

    URL de cet article 20647
    http://www.legrandsoir.info/google-sait-quand-vous-etes-a-la-maison.html

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  • Barrack Obama et Jose Manuel Barroso lors du sommet Etats-Unis-Union européenne de 2009, avec Javier Solana (à gauche), haut représentant du Conseil européen et le premier ministre suédois Fredrick Reinfeldt

    Monde - le 21 Mai 2013

    Marché transatlantique: refusons l'Europe nord-américaine

    L'éditorial de Patrick Le Hyaric dans La Terre de cette semaine.

    Nous ne saurions que conseiller fortement aux agriculteurs, aux créateurs, aux consommateurs, aux salariés de toute profession, à leurs syndicats et associations de s’intéresser de près à un projet extrêmement dangereux pour eux : celui de la mise en place d’un grand marché transatlantique.

    Il s’agit, selon ses instigateurs, de construire un vaste espace de libre échange intégral entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Ce serait une sorte d’intégration des pays européens dans un vaste espace économique, politique et militaire, dominé par le grand capital des Etats-Unis. Ce projet date déjà de plusieurs années, mais, il vient d’être relancé par le très droitier président de la commission de Bruxelles, M. Barroso. Quelques jours après qu’il eut fait cette proposition de reprise des discussions sur ce sujet, M. Obama, le Président des USA lui a répondu favorablement en disant clairement qu’il s’agissait surtout de « défendre les emplois américains ». Et Mme Clinton avait qualifié ce projet « d’OTAN économique ».

    Les dirigeants nord-américains considèrent que l’Union européenne est si affaiblie par la crise qu’elle va se coucher face à leur demandes. «Les Européens ont plus faim d’un accord… ce qui a changé je pense, c’est qu’à travers toute l’Europe, ils reconnaissent avoir du mal à trouver une recette de croissance»  a renchéri hilare Barack Obama, le 12 mars dernier. De son côté, M. Barroso sait qu’après les prochaines élections européennes, arrivera la fin de son mandat en novembre 2014. Personne ne défendra plus sa candidature comme Président de la Commission de Bruxelles. Il cherche donc une bonne place dans le giron des dirigeants nord-américains. Déjà de Bruxelles et du Portugal, certains de ses proches lui préparent le terrain pour un atterrissage dans une institution internationale à Washington. Et pour cela, il est prêt à vendre l’Europe, ses travailleurs, ses services, sa culture, son agriculture, pour un mauvais plat de lentilles. Il ne faut surtout pas laisser faire! Ce sont eux les vrais anti-européens.

    Leur projet a pour objectif de faire disparaître le peu de barrières douanières restantes entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Au-delà, ils veulent harmoniser à la baisse toutes les réglementations, toutes les normes qui limitent ou empêchent encore une libre circulation totale des produits agricoles, industriels, culturels et de services. Les services publics, les systèmes de protection sociale, de protection de l’environnement, les normes existantes pour l’accès au marché public, les droits intellectuels, la diversité culturelle, les normes de protection de santé, sont menacés.

    Si un tel traité venait à être signé, il aurait malheureusement un caractère quasi irréversible parce que le traité de Lisbonne a gravé dans le marbre toute décision européenne relative au commerce et aux tarifs douaniers. Toutes les politiques seraient soumises au droit social et environnemental nord américain. Les dirigeants des Etats-Unis veulent importer sans limite demain en Europe des produits actuellement interdits comme le bœuf aux hormones, le poulet traité à la chlorine, d’autres viandes à la ractopatine, et le porc a l’acide lactique. Rien ne servirait plus de disposer de productions d’appellation d’origine géographique jusque là protégées.

    Bref, pour les biens culturels comme pour l’agriculture et la qualité alimentaire se serait un véritable massacre. Il est impératif de se mobiliser pour s’y opposer avec force. Ce projet n’a d’autre objectif, comme l’a dit récemment un certain M. Bruce Stokes, responsable d’un fonds américain, que « le capitalisme version occidentale reste la norme mondiale ». Voilà la raison fondamentale pour laquelle les grandes firmes multinationales nord-américaines mais aussi européennes veulent faire sauter toutes les normes de protection qui existent encore en Europe pour imposer les leurs. D’ailleurs, derrière ce projet, il y’a un groupe de politicien organisé dans un «réseau de politique transatlantique» et de puissantes multinationales comme la banque City Group, Coca-Cola, Nestlé, Microsoft, Unilever, Walt Disney, Bayer, et jusqu’à peu il y avait aussi le groupe Mittal. Et leur allié en Europe n’est autre que le Président de la Commission européenne lui-même qui est déjà l’un des principaux responsables de la crise et de la destruction des droits sociaux. Dans l’actuelle division internationale du travail et de la production, le capital allemand y trouverait largement son compte. Voilà pourquoi Mme Merkel y est partie prenante.

    La France y perdrait beaucoup. Ne laissons pas ce projet, avec la braderie de l’Europe, des droits sociaux et environnementaux, qui en résulterait se concrétiser.

    Par Patrick Le Hyaric

    "J'aime appeler cela le 'nouvel Otan" dit Andras Simonyi à propos de l'accord transatlantique

    Monde - le 20 Mai 2013

    Exclusif. Humanite.fr publie les bases de travail pour l’accord de libre-échange transatlantique

     

    Le document que l’humanite.fr s’est procuré, datant du 12 mars, est actuellement discuté par les Parlementaires européens et les gouvernements nationaux. c'est une base de négociation sur l’accord de libre-échange transatlantique, déjà passé en commission au Parlement, et ses amendements seront votés ce jeudi 23 mai. S’il était adopté, cet accord frapperait tous les pans de la société européenne. Document.

    La base de travail pour l'accord de libre-échange transatlantique que l’humanite.fr s’est procuré et que nous publions est clairz : José Manuel Barroso, le Président de la Commission européenne, est prêt à satisfaire les envies des Etats-Unis de renforcer leur présence économique et commerciale sur le continent européen. Barack Obama a donné son feu vert à cet accord dans son discours sur l’état de l’Union en février, et le 12 mars, la Commission faisait circuler le projet de texte. Actuellement soumis au Parlement européen, qui l’amende, avant d’être présenté aux 27 chefs d’Etats et de gouvernements (le Conseil européen), ce projet souligne les potentialités d’un accord entre l’UE et les Etats-Unis en matière de développement économique.

    La Commission annonce des gains économiques significatifs : de 119,2 milliards de dollars pour l’UE et de 94,2 milliards de dollars pour les Etats-Unis… à condition d’éliminer toutes les « entraves » au libre-échange, barrières non tarifaires pour commencer (voir notamment page 7, point 9).

    Ce projet comporte donc aussi, et surtout, de nombreux risques. Tout d’abord, pour qu’il y ait accord, les Européens devront renoncer à un grand nombre de leurs normes (juridiques, environnementales, sanitaires, culturelles…). Ensuite, les standards invoqués sont ceux de l’Organisation mondiale du commerce. En réalité, une bataille se joue actuellement à ce niveau. Les Etats-Unis sont, dans le même temps, engagés dans des négociations de partenariat transpacifique en vue de conclure un accord de libre-échange. Quel est l’objectif ? « S’assurer que le capitalisme version occidentale reste la norme mondiale et pas le capitalisme d’Etat chinois », comme l’a indiqué Bruce Stokes, du German Marshall Fund of the United States. Autrement dit : imposer leurs normes aux dépens des règles européennes jugées trop contraignantes (voir notamment pages 10-11, point 18).

    Des cadres juridiques, sanitaires, environnementaux… jusqu’au droit du travail, par « ricochet », c’est tous les pans de la société européenne qui sont visés.

    Signe des temps, alors qu’au Parlement européen, les débats sont vifs sur cet accord, le 16 mai, des organisations d’entreprises européennes se sont associées à l’European Business Summit pour demander instamment la mise en place du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement.

    Fabien Perrier

    Documents à télécharger: 
    La base de travail du projet d’accord de libre-échange transatlantique

    Dimanche 19 mai 2013

    USA : la stratégie de domination mondiale à travers le « libre-échange transatlantique » Europe- Etats-Unis

     

    COULISSES DE BRUXELLES

     

    16 MAI 2013

     

    Libre-échange transatlantique : l'UE à la rame

     

    Levy 258

    Si José Manuel Durao Barroso voulait fournir aux eurosceptiques un argument de campagne clef en main il ne s’y prendrait pas autrement. À un an des élections européennes de mai 2014, le président de la Commission n’a rien trouvé de mieux que de se lancer dans la négociation d’un vaste accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne, les deux principales puissances économiques du monde.

     

    Son idée est de créer un grand marché intérieur transatlantique où les biens et les services circuleront librement, ce qui, selon lui, permettra de relancer la croissance.

     

    Mais il y a un énorme hic : cette négociation ne pourra aboutir que si les Européens renoncent au passage à une partie de leurs normes, qu’elles soient juridiques, financières, sanitaires, environnementales, culturelles, etc. « On se demande vraiment pourquoi Barroso nous a embarqués dans cette galère politiquement explosive », se demande un haut fonctionnaire bruxellois pour qui « l’Europe a tout à perdre et quasiment rien à gagner dans cette négociation ».

     

    Autant dire qu’il s’agit de pain béni pour les opposants à la construction communautaire qui trouveront là du grain à moudre sur « l’Europe pro-américaine et ultralibérale ». Barroso est le spécialiste incontestable des dossiers politiquement mal maîtrisé : en défendant jusqu’au bout la directive Bolkestein libéralisant les services en 2004-2005, il avait alimenté le « non » au référendum français sur la Constitution européenne.

     

    • Quel est l’enjeu d’un accord de libre-échange ?

    La grande majorité des États européens, contrairement à une idée reçue, ont toujours été demandeurs d’un accord de libre-échange transatlantique, à la différence des États-Unis, beaucoup plus protectionnistes.

     

    Mais depuis les années 90, les droits de douane ont considérablement diminué des deux côtés de l’Atlantique (4 % en moyenne, avec des pics dans le textile ou certains produits agricoles) et l’unilatéralisme américain en matière de rétorsions commerciales (ils décidaient seuls des bonnes pratiques commerciales) n’est plus qu’un souvenir avec la mise en place de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

     

    La crise économique aidant, les réticences américaines se sont envolées. « Rien qu’en éliminant les tarifs, les exportations américaines vers l’UE pourraient s’accroître de 17% », calcule le sénateur démocrate Max Baucus, président de la commission des finances (qui supervise le commerce).

     

    Côté européen, on est tout aussi optimiste : la Commission estime qu’une libéralisation totale des échanges permettra de dégager un surplus de croissance pour l’Union de 0,5% du PIB.

     

    Vu la faiblesse des droits de douane, le cœur de la négociation portera en réalité sur l’harmonisation des réglementations. Ce sont leurs différences qui s’opposent, à l’heure actuelle, à une libre circulation totale (ce qu’on appelle obstacles non quantitatifs).

     

    L’idée américaine va bien au-delà d’une harmonisation transatlantique : il s’agit d’élaborer des normes à vocation mondiale qui s’imposeront aux nouveaux acteurs économiques, la Chine au premier chef.

     

    Comme le dit Bruce Stokes, du German Marshall Fund, il s’agit de « s’assurer que le capitalisme version occidentale reste la norme mondiale et pas le capitalisme d’État chinois ».

     

    Ainsi, parallèlement à l’accord de libre-échange avec l’Union, les États-Unis négocient avec leurs partenaires du Pacifique (Trans-Pacific Partnership). Mais, bien entendu, dans l’idée américaine, il s’agit d’adopter leurs normes, pas celle des Européens jugées trop contraignantes. « L’Europe est un créateur de normes très puissant, beaucoup plus que les Américains », souligne-t-on à l’Élysée. « Si on fait un compromis, et il y a un compromis, c’est celui qui a les normes les plus ambitieuses qui sera perdant », ajoute un haut fonctionnaire communautaire.

     

    • Quels sont les pays européens qui sont opposés à cet accord ?

    Officiellement, aucun.

     

    Chacun a trop peur d’être désigné comme un « ennemi » des États-Unis avec les risques de rétorsions commerciales que cela comporte.

     

    En clair, en proposant directement un accord de libre-échange aux États-Unis, sans consulter préalablement les États, la Commission savait qu’ensuite plus personne ne pourrait s’y opposer.

     

    La France, le pays qui a traditionnellement le plus de réserves, s’est donc retrouvée pris au piège : « nous ne sommes pas en position de bloquer quoi que ce soit », reconnaît-on au sein du gouvernement français : « la négociation est déjà lancée puisqu’Obama a donné son feu vert dans son discours de février sur l’État de l’Union ». « De plus, nous avons consulté nos entreprises et elles sont très demandeuses », ajoute-t-on à Paris.

     

    Néanmoins, la France a des « lignes rouges » : elle refuse que l’exception culturelle soit dans le mandat de négociation qui va encadrer la Commission, tout comme les marchés publics dans le domaine de la défense ou encore les normes sanitaires et environnementales les plus importantes.

     

    D’autres pays, comme l’Italie, s’inquiètent aussi du sort des appellations d’origine géographique (style un « parmesan » américain).

     

    Pour la Commission, « si on commence à exclure tel ou tel domaine, les Américains vont faire de même. Si on la joue défensive, on n’en sortira pas. On ne peut pas nous demander de conduire une formule 1 en nous coupant un bras » !

     

    La Commission réclame un minimum de « confiance » des États membres : « on ne bradera pas l’exception culturelle ou nos normes ».

     

    Mais voilà, la France, et elle n’est pas la seule, à quelques doutes :

     

    « La Commission est d’une rare naïveté si elle croit que les Américains sont prêts à tout négocier », dit-on à l’Élysée. Même si l’administration Obama fait des concessions, le Congrès, qui doit donner son accord quasiment à chaque étape, veillera au respect de ses propres « lignes rouges ». « Ainsi, jamais ils n’accepteront d’ouvrir les services financiers ou le transport maritime et, surtout, ils ne pourront pas s’engager pour leurs États fédérés, seuls compétents pour les marchés publics ou les services, ou pour leurs agences indépendantes », souligne-t-on à l’Élysée.

     

    « Alors que nous, si on ouvre, ça s’appliquera effectivement dans l’ensemble des États membres, la Commission y veillera… » La bataille du mandat s’annonce chaude, mais brève : la Commission compte bien le faire adopter par les États membres (à l’unanimité ou à la majorité qualifiée, juridiquement ça n’est pas clair) d’ici le mois de juillet.

     

    • Que veulent les Américains ?

    Les Etats-Unis espèrent bien se « payer les Européens ».

     

    A Washington, on estime que l’Union, affaiblie par sa crise de l’euro et ses crises d’austérité, aurait grand besoin de cet accord pour se relancer et serait donc prête au compromis. Barack Obama lui-même a repris l’argument :

     

    « Je pense (que les Européens) ont plus faim d’un accord qu’ils ne l’ont été par le passé » a-t-il plaidé le 12 mars. « Ce qui a changé, je pense, est la reconnaissance à travers toute l’Europe qu’ils ont du mal à trouver une recette de croissance pour le moment ».

     

    Le président américain s’attend aussi à une « pression de plus de pays de l’autre côté de l’Atlantique »pour parvenir à un accord. L’idée, à Washington, est que les Américains vont négocier avec les libres échangistes convaincus de la Commission, soutenus par les Allemands ou les Britanniques, et qu’ensuite ils feront pression sur leurs amis français pour qu’ils acceptent le compromis. Karel De Gucht, le commissaire au commerce, clame d’ores et déjà que « la France est isolée ».

     

    Les Américains sont, en tout cas, décidés à obtenir le maximum y compris dans le domaine des normes sanitaires et phytosanitaires. Ils veulent ainsi ouvrir tout grand le marché intérieur européen à leurs produits actuellement interdits de séjour, des OGM au bœuf aux hormones en passant par la viande à la ractopamine ou le poulet à la chlorine.

     

    Pour le sénateur démocrate Max Baucus « les produits des ranchers et fermiers américains sont les meilleurs au monde ». Demetrios Marantis, le responsable américain du commerce, réclame donc des « standards internationaux scientifiques », par opposition à ceux de l’Union jugés « non scientifiques » par le Congrès, et s’engage à « permettre plus d’exportations des produits cultivés et élevés en Amérique ».

     

    Si la Commission jure ses grands Dieux qu’elle ne cèdera rien, elle est en réalité prête à céder beaucoup.

     

    Un responsable de l’exécutif européen s’interroge ainsi devant Libération : « on peut se demander si le délai d’usage de 3 ans avant d’autoriser l’importation d’un OGM, ça n’est pas trop long »...

     

    De même, la Commission vient d’autoriser la pratique américaine consistant à nettoyer les carcasses de porc à l’acide lactique, avant même le début des négociations : « comme ça, on se met en position de rouvrir le marché américain à notre viande bovine toujours interdite pour cause de vache folle », poursuit cette même source.

     

    La Commission sait parfaitement qu’il sera très difficile à un État de s’opposer à ces reculs puisque l’accord final sera global.

     

    Qui osera alors le faire capoter pour sauver quelques normes sanitaires ou environnementales ?

     

    • Barroso joue-t-il une carte personnelle ?

    « C’est la Commission qui a été cherché cet accord avec les États-Unis », souligne-t-on à Paris, avec l’espoir d’aboutir avant la fin du mandat de Barroso, en novembre 2014.

     

    Pourquoi maintenant, pourquoi aussi vite, alors que les enjeux sont particulièrement lourds pour l’avenir du modèle européen ?

     

    Des questions qui font naître quelques doutes sur la pureté des intentions du président de la Commission. « Pour des raisons d’ambitions personnelles, il donne des gages aux États-Unis », décrypte un diplomate européen. « Que l’accord voit le jour ou non, il aura montré qu’il est un fidèle allié sur qui on peut compter, lui qui a accueilli le sommet des Açores en 2003 au cours duquel Bush a déclaré la guerre à l’Irak, et il pourra espérer une juste récompense ».

     

    Que veut donc Barroso ?

     

    À Lisbonne, on estime qu’il vise soit le secrétariat général de l’ONU, soit celui de l’OTAN. Il a ainsi mis en place un dispositif diplomatique aux États-Unis pour assurer sa promotion : son chef de cabinet, José Vale de Almeida, a été nommé ambassadeur de l’UE à Washington et le gouvernement portugais, de sa couleur politique, a envoyé deux de ses très proches aux États-Unis, Nuno Brito, ambassadeur du Portugal à Washington, et Alvaro Mendonça e Moura à l’ONU.

     

    Cela étant, le succès est loin d’être assuré. Si les États n’ont pas le courage de s’opposer à un accord qui bradera une partie de l’acquis européen, les opinions publiques pourraient le faire à leur place, comme l’a montré le rejet par le Parlement européen, le 4 juillet 2012, de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) parce qu’il ne respectait pas les droits fondamentaux. « La Commission a tort de sous-estimer le rejet que pourrait susciter un accord qui ferait la part belle aux intérêts américains », prévient-on à Paris. « En voulant passer en force, elle prend le risque de gâcher ce qui pourrait être une bonne idée à condition de ne pas ignorer la société civile et le Parlement européen ».

     

    À Washington, on reconnaît que le chemin pourrait être long. Obama l’optimiste l’a rappelé: « Ce sera un gros boulot ».

    http://www.pcfbassin.fr

     

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    Histoire du mouvement social et communiste

    Aux origines du festival de Cannes, le rôle majeur de la CGT et du PCF

    La participation du monde ouvrier et du mouvement syndical à la création du Festival international du film à Cannes est aujourd'hui ignorée ou, au contraire, fantasmée. Non, la CGT n'a pas crée de toute pièce le Festival de Cannes. Mais l'apport de la centrale syndicale tant au niveau local qu'au niveau national a été déterminant pour le lancement du Festival. Et il est peut-être opportun, à ce jour, de rappeler les origines populaires, syndicales et politiques du plus grand festival de cinéma

     
    Aux origines du festival de Cannes, le rôle majeur de la CGT et du PCF
     
    Enfant tardif du Front populaire, le premier Festival de Cannes aurait normalement dû avoir lieu en 1939. Ebauché par le gouvernement de Léon Blum pour faire suite aux succès du cinéma lors de l'Exposition internationale de 1937, son but était aussi et (peut-être surtout) de concurrencer le Festival de Venise régenté par le pouvoir fasciste. En 1938 en effet, la délégation française à Venise n'apprécia guère de voir La grande illusion, le chef-d'oeuvre pacifiste de Jean Renoir -qui passait alors pour "le" cinéaste du Front populaire- être interdit de récompense suprême, après intervention personnelle de Mussolini[1]. Le Festival de Venise préféra alors réserver une partie de ses honneurs à la cinéaste nazie Léni Riefenstahl. Le 1er septembre 1939 aurait ainsi pu être le jour anniversaire de la naissance du Festival de Cannes. La guerre en décida autrement.

    A la Libération, le gouvernement provisoire du général De Gaulle reprit à son tour l'idée d'un festival international du film. En fait, nombre de réformes et décisions concernant le cinéma, généralement pensées sous le Front populaire et souvent ébauchées -dans un autre esprit- par le régime de Vichy furent reprises après la Libération. (On constate ainsi que l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) a été créé en 1943 et que le Centre national de la cinématographie (CNC), né en 1946, a pour ancêtre le vichyssois Comité d'organisation du cinéma (COIC)).

    Si la décision de relancer un festival du film à Cannes fut prise en 1945 la première édition n'eut lieu qu'en septembre 1946, dans des conditions précaires. D'une partie des notables cannois jusqu'aux majors américaines, en passant par certains ministères, la création d'un festival international du film n'apparaissait pas comme une priorité. L'industrie cinématographique américaine, craignant pour ses intérêts, estimait qu'un seul festival en Europe (en Italie) suffisait. Dans une France en partie ravagée par la guerre, alors que tout était à reconstruire, certains hommes politiques, épaulé par une partie de la presse, pensait qu'il y avait mieux à faire.

    Néanmoins à l'heure où le redressement de la France se devait aussi d'être moral, à l'heure également où il était à nouveau question du rayonnement culturel de la nation, et alors que pointait déjà la question de la survie ou du développement de ses industries, une large partie de l'opinion politique et syndicale désirait au contraire la création d'un festival. La CGT et le PCF prirent toute leur place dans cette bataille. Il est vrai que ces deux organisations disposaient alors d'un poids certain, tant au niveau local que national, poids considérablement renforcé par leur attitude pendant la Seconde Guerre mondiale (c'était vrai aussi dans les milieux du cinéma).

    Les députés communistes de Cannes et de Nice, Henri Pourtalet et Virgile Barel, firent ainsi du "lobbying" pour que le festival ait bien lieu à Cannes, et non à Monaco ou à Strasbourg comme il le fut un moment envisagé. Plus d'une fois ils interpellèrent les ministères sollicitant ardemment autorisations, prêts, crédits et matériels. Le rôle de la municipalité cannoise, à majorité communiste, fut aussi primordial. La mairie était alors dirigée par un "médecin des pauvres", le docteur Picaud, ancien résistant et homme de gauche, socialiste et président de l'association France-URSS. Le docteur Picaud entendait faire du festival une grande fête populaire : carnaval sur le thème de la Paix, meeting aérien sous le patronage du ministre communiste Charles Tillon, tournoi de foot avec l'équipe du Dynamo de Moscou… Il sut convaincre la population laborieuse de la cité de s'associer pleinement au projet.

    La participation de la CGT au démarrage du Festival se situe à deux niveaux : localement et nationalement. Localement, une large partie de la population cannoise et la CGT s'investirent en effet hardiment dans le démarrage de la manifestation. En 1947, des ouvriers bénévoles, à l'instar des "équipes de choc" de Marseille, participèrent, après leur journée de travail, à la construction du Palais de la Croisette. Le première adjoint de la ville, l'avocat communiste Lieuter, poussa même des brouettes et mania la truelle. Et ce furent des militantes qui cousirent le rideau (rouge) du Palais. Lors de l'ouverture du second festival (le Palais n'était pas encore terminé), ouvrières et ouvriers montèrent sur scène et furent salués par les festivaliers. A Paris, la Fédération nationale du spectacle CGT, quant à elle, fit partie dès 1946 du comité d'organisation du Festival (pour ne plus le quitter).

    En 1946 et 1947, le palmarès de Cannes sembla répondre à cette union désirée entre le peuple, la culture nationale et le cinéma. La Bataille du rail de René Clément, produit par la Coopérative Générale du Cinéma Français (CGCF), obtint le grand prix du festival en 1946 ; en 1947, Antoine et Antoinette de Jacques Becker, situé dans les milieux ouvriers et populaires de Paris, obtint à son tour le premier prix. Rappelons que le film de René Clément exalte la résistance ouvrière, que la CGT était membre fondateur de la CGCF et que Jacques Becker était alors adhérent PCF (qu'il avait rejoint sous le Front populaire).


    Cette "aube nouvelle" ne dura qu'un temps. Rapidement, l'euphorie de la Libération fit place aux déceptions de l'après-guerre puis aux crispations et sectarismes de la guerre froide. Pour raison budgétaire et parce qu'il paraissait alors inutile de concurrencer le festival d'une nation redevenue démocratique (le festival de Venise), il n'y eut pas de festival en 1948[2]. En 1949 le grand prix fut attribué au Troisième homme de Carol Reed, vilipendé par la critique communiste. A la fin des années 1980, malgré une campagne de protestations qui n'intéressa que fort peu le Ministre de la culture de l'époque, le Palais de la Croisette fut rasé, au grand dam des anciens militants qui avaient participé à sa construction. Cependant, il serait aberrant de conclure l'histoire sociale du Festival de Cannes par une lente et irrémédiable exclusion du fait syndical et politique. 1968 vit ainsi une réapparition spectaculaire du politique au coeur même du Festival. Et la CGT a toujours tenue à être présente au sein de cette manifestation culturelle éternellement menacée par les lois du marché.

    La présence cette année à Cannes de l'exposition de l'Institut CGT d'histoire sociale et du Département de la Seine-Saint-Denis, «Accords-raccords-désaccords. Syndicalisme et cinéma» obtenue grâce à une sollicitation de la Fédération nationale du spectacle auprès de la direction du Festival, permet ainsi de rappeler une histoire généralement occultée. Espérons qu'elle pourra contribuer, même de manière modeste, à sauver en partie le Septième Art des "eaux glacées du calcul égoïste".

    Tangui Perron
    Cahiers de l'institut CGT d'histoire sociale

    [1]… Mais le dictateur ne bouda pas son plaisir de cinéphile lors de projections privées.
    [2]Cette idée de rotation, d'une année sur l'autre, d'un festival de cinéma d'un pays à l'autre, soit entre la France et l'Italie, fut définitivement abandonnée en 1951.
     

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    Rouge Midi
    http://rougemidi.fr/spip.php?article7837
    Videla, le général des ténèbres.
    mardi, 21 mai 2013  

    Un important fragment du mal a quitté ce monde où le mal est omniprésent. Que Videla meure aujourd’hui, ce n’est pas grave. Tout le mal qu’il voulait faire, il l’a fait. Tous les êtres humains qu’il a voulu tuer, il les a tués. Peu lui ont échappé.

    Qu’il meure jugé, emprisonné, vilipendé, c’est important. Qu’il meure en étant un symbole de la mort, l’est aussi. Qu’il meure en affirmant ses sombres convictions révèle de la cohérence, mais une cohérence qui, chez lui, n’est pas la rigueur morale que nous admirons souvent chez les autres, ce n’est que la persistance de la nuit dans son être, de la mort qui le constitue dans son noyau le plus profond. Jusqu’à faire peur du fait qu’il meure : sa mort le met à la Une des informations, et lui et ceux qui, comme lui, les assassins et aussi ceux qui veulent la mort de l’autre, occupent le centre des choses, s’ils font la première page des nouvelles, s’ils deviennent d’ obscures étoiles du vertige informatif, ils effrayent. Nous ne les voulons pas là. Ici, nous voulons ceux qui optent pour la vie, le dialogue, la vraie politique, se voir dans le visage de l’Autre, pour avoir besoin que l’Autre vive pour me compléter, parce que c’est de l’altérité que j’ai besoin pour être moi, parce que celui qui souhaite partager l’espace de la démocratie, ici même, nous voulons ceux qui le veulent de cette façon et ne voudraient pas en être autrement au prix de se trahir gravement.

    Videla ne s’est jamais trahi. Sec, maigre, raide comme un cadavre vivant, consommée par la haine qui le fait maigrir au prix de lui rendre les forces de la dévastation, il fut toujours le même. Toujours pareil dans sa passion tanatique. Parce qu’il était cela : un être passionnel. Constitué par la passion de tuer les autres. La terreur était son idée de l’ordre. Les cimetières, son idée du silence. Torturer, sa façon d’écouter les autres. Il a parlé, lui, peu. Ses oreilles étaient ouvertes aux mots aux paroles qui contenaient de l’information, celles qui lui venaient des groupes de renseignement qui avaient leur place dans les camps de la mort. Ses oreilles étaient fermées à l’appel de ceux qui demandaient pour leurs proches. Pourquoi les ouvrir ? Pourquoi entendre des paroles d’êtres ayant accouché de subversifs ?

    Il ne mérite même pas l’effort de cette page. Moins encore si l’on est déterminé à bien l’écrire. Trouver une bonne prose lors de l’écriture sur Videla est presque honteux. Theodor Adorno, en 1969, écrivait :« L’auteur a été incapable de donner la touche finale à la rédaction de l’article sur Auschwitz, il a dû se limiter à la correction des défauts les plus grossiers de l’expression. Lorsque nous parlons de « l’horreur » par la mort terrible, nous avons honte de la façon dont (…) Impossible de bien écrire, littéralement parlant, d’Auschwitz, nous devons renoncer au raffinement si nous restons fidèles à nos pulsions, mais, avec cette démission, nous sommes encore coincés dans l’engrenage de l’involution générale ».

    Que ne nous quitte aussi notre amour pour la beauté des mots. Nous voulons que ces mots aient aujourd’hui plus de puissance et de rigueur que jamais pour dire qu’il fut et -pire encore- qui il restera. Il a tué sans justice. Même avec elle c’est condamnable. Le problème central de la philosophie n’est pas, comme le disait Albert Camus, en s’approchant de la réponse – le suicide. En d’autres termes, de décider si oui ou non la vie mérite d’être vécue. La question centrale est de savoir s’il faut ou il ne faut pas tuer. Ce problème, pour Videla, n’a même pas existé. Il ne s’est jamais posé cette question. Vous devez tuer. « Mourront tous ceux qui doivent mourir », a-t-il dit. Mais même dans les Etats où la peine de mort s’applique, on juge avant ceux dont on décide ensuite s’ils sont coupables ou non. Avant ce jugement, tous sont innocents. Parce que non seulement il faut rappeler que toute vie humaine est sacrée. Également il faut se rappeler que toute vie humaine est innocente jusqu’à preuve du contraire par un tribunal, par une justice.

    Videla a tué des innocents. Il croyait dans l’incapacité de la justice. L’incommodité de la légalité. Il ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre, ne voulait pas le faire, que cet incommodité est le seul moyen de construire un ordre social qui ne repose pas sur la mort. La légalité – dit un journaliste au colonel Mathieu dans La Bataille d’Alger- est toujours mal à l’aise. Dire -comme le disent ceux qui cherchent atténuer les meurtres ou peut-être pardonner ou justifier- d’avoir tué des coupables parce qu’on a tué des gens qui ont combattu les armes à la main, les gens qui « ont tué dans l’action” est une banalité- et un acte de mauvaise foi. La plupart des « combats » ont été truqués. Ces combattants présumés -presque tous massacrés, outrés dans les camps de la mort – étaient déjà morts. Bien que la presse de ces années –en utilisant même pour titres sensationnels.

    Ainsi fut Videla. Qui restera ? Nous ne pouvons pas le savoir. Cela dépend des aléas de l’histoire. Cela dépend de tous ceux qui aiment et respectent la vie dans ce pays. Cela dépend de notre force et notre conviction pour empêcher son retour. Pour ceux qui disent méchamment : « Vous verrez quand la rue tournera ». Ceux-ci, le veulent à nouveau. Je crois, cependant, que pour tous ceux qui vivons sous son règne des cimetières, il ne mourra jamais. Videla est le tréfonds même de notre peur. La terreur secrète que nous portons tous en nous. C’est notre idée parfaite du mal. De l’absence ou du mépris de Dieu. Ou, pire, de sa complicité avec ce mal. Ce noyau interne de la terreur qu’il nous a laissée en nous, nous dit tous les jours qu’il reviendra. Que le mal est l’essence la plus déterminante de ce monde et puis que lui qui était le mal, reviendra, d’une façon ou d’une autre. Quelqu’un apparaitra encore une autre fois pour être Videla. Mais il-y-a dans nous et dans beaucoup d’autres un autre noyau, et ce noyau est notre amour pour la vie et pour la justice et pour des causes justes. Ce noyau, qui croît chaque jour en nous et va continuer à croître, permettra d’éviter ce retour tant indésirable, qui n’est pas seulement la perverse essence de toutes les perversions, mais aussi du mal, de la mort.

    José Pablo Feinmann.

    Página 12 . Buenos Aires, le 18 mai 2013.

    Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

    Transmis par Linsay

    José Pablo Feinmann philosophe argentin, professeur, écrivain, essayiste, scenariste et auteur-animateur d’émissions culturelles sur la philosophie.

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7837


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  • Moscou : le mausolée de Lénine a rouvert depuis le 15 mai

    Mausolée de LénineIls ont tenté à plusieurs reprises de fermer le mausolée de Lénine sur la place Rouge, mais rien n’y a fait. Ils ont seulement réussi à interdire son accès durant six mois de travaux car l’édifice menaçait de s’effondrer, mais les touristes, les admirateurs et les visiteurs venus du monde entier peuvent de nouveau pénétrer depuis le 15 mai à l’intérieur du mausolée d’un des personnages les plus extraordinaires de l’histoire. 

     

    Les admirateurs du grand homme se comptent encore aujourd’hui par millions, car Lénine suscita l’espoir pour une grande partie de l’humanité. Et il est intéressant de voir comment les ploutocrates et leurs valets tentent de minimiser l’émotion qui s’empare encore des humbles qui viennent encore se recueillir au mausolée… un peu comme si les fantômes du capitalisme allaient leur jouer un mauvais tour.

     

    Nous vivons dans un monde qui semble décidément pressé de tourner la page du communisme, tant Lénine continue de donner des sueurs froides au capitalisme. Ce capitalisme qui est désormais à genoux et qui remercie au passage qu’il n’y ait plus aucune menace sérieuse à l’horizon...

     

    Lénine restera donc en place dans le monument construit pour lui en 1930 sur la place Rouge par Chtchoussev. L’y enlever aurait eu une signification profonde, et le président Poutine ne s’y est d’ailleurs pas risqué. Boris Eltsine avait en son temps tenté de faire fermer le mausolée et avait même réclamé un référendum, mais il avait alors dû se heurter à la fronde des communistes et des patriotes, hostiles au projet. Aujourd’hui, des millions d’admirateurs continueront donc de se recueillir devant le grand homme, et non par superstition comme l’a grotesquement avancé la journaliste Anna Zafesova à la Stampa, mais parce que sa présence a encore un sens pour tous ceux qui ne désespèrent pas renverser un jour la capitalisme.

     

    Capitaine Martin

     

    Intérieur du mausolée de Lénine

    Par Résistance Publié dans : Les petits papiers du capitaine Martin

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