•  

    Du temps de Sarkozy qui passait des vacances de luxe aux States (vous vous souvenez du canotage avec bourrelet effacé sur la photo ?) et interpelait familièrement Obama dans les rencontres (« Hé, Barack, hé Barack »), la France était couchée sous l’Oncle Sam.

    Heureusement, aujourd’hui, le premier personnage de l’Etat est de gauche (enfin, PS) et le second, le président du Sénat, est un ami de Cuba (il a épousé une Cubaine).

    Donc, ils vont réagir « à la De Gaulle » devant l’information suivante :

    Le 12 juin dernier, le Bureau de Contrôle des Actifs Etrangers du Département du Trésor des Etats-Unis (OFAC, pour son sigle en anglais) a annoncé qu’il avait infligé une amende de 619 millions de dollars à la banque hollandaise « ING Bank » pour avoir effectué, avec ses filiales dans plusieurs pays, dont la France, des transactions financières et commerciales avec des entités cubaines, transactions interdites par la loi US extraterritoriale relative au blocus contre Cuba.

    C’est la plus forte amende imposée par l’OFAC dans toute son histoire, pour des entorses au blocus que les USA maintiennent depuis un demi-siècle en dépit des votes répétés et quasi-unanimes des pays membres de l’ONU.

    Le directeur de l’OFAC, Adam Szubin, a dit que cette amende « devra servir d’avertissement clair à tous ceux qui essaieraient d’échapper aux sanctions des Etats-Unis. »

    Mais c’est sans compter sans Hollande : « Moi Président, la France sera souveraine, personne ne lui dictera sa loi et ne l’empêchera d’avoir des rapports commerciaux avec qui que ce soit ». Et toc !

    Vous pariez ?

    Théophraste R. (Gaulliste tardif à ses heures).


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  • Lors du traité de Maastricht en 1992, la France sous la présidence de François Mitterrant, avalisait la création d'une monnaie européenne commune. Cela mettait en cause l'indépendance monétaire de notre pays et ouvrait la porte à la concurrence effrénée des marchés. Lorsqu'en 1957, la Chambre des députés et le président du conseil socialiste de l'époque (notre premier ministre aujourd'huii), votaient pour l'installation du Marché commun en Europe (l'ancêtre de l'UE), la CGT refusait cette création.

      Son bureau confédéral déclarait que cela entraînerait "la libre circulation des marchandises, donc le déchaînement de la concurrence fondée sur l'infériorité des salaires et de la législation sociale, l'harmonisation par le bas des conditions sociales dans les différents pays, l'opposition renforcée à toutes les revendications des travailleurs...; la libre circulation des capitaux... et même le remplacement de la monnaie nationale par une monnaie européenne; la désindustrialisation portant sur des industries ou des régions entières...; la subordination de l'économie nationale à des cartels internationaux, eux-même dominés par les Konzerns allemands..." A chacun d'apprécier, les propos de la CGT tenus à cette époque.

       Mais l'histoire est bien là. Depuis le traité de Rome en 1957, avec l'organisation de la prééminence de la concurrence libre et non faussée, le libre-échange dès l'Acte unique européen en 1986, puis l'abandon de la souveraineté monétaire au profit de la Bce, tous les traités impriment l'austérité aux peuples pour défendre la valeur de l'euro. Rappel: cette monnaie commune, pas pour la Grande-Bretagne (plus grande place financière internationale et fer de lance des intérêts du dollar en Europe), l'euro donc a été réalisé volontairement entre des économies divergentes et inégalitaires, sans la moindre compensation dans l'économie des pays concernés.

     

      Où en est le débat aujourd'hui, en Europe et en France? L'irlande, puis la Grèce, pourtant des plus fragilisées par la crise, ont voté la continuation du système économique actuel et sans remettre en cause l'euro. Ils sont confortés en cela par leurs partis politiques droitiers et socialistes, sur la même longueur d'onde depuis 1957.

      A la gauche des sociaux-démocrates, il y a de profondes divergences entre les tenants de la monnaie unique et ceux désirant revenir à leur devise originelle, tout en créant une Europe de justice et de progrès social. En France, mais aussi dans d'autres états, l'extrême-droite, profitant de la crise et de la division des forces de progrès, entraîne des couches populaires dans son marigot.

     

      Fin juin 2012, le sommet européen sur la crise n'apportera aucune solution. Et que feront le mouvement syndical et les organisations de lutte contre le système capitaliste? IEn France, il semble que l'on attende tout de la majorité présidentielle du président Hollande, comme si les députés roses et leurs alliés verts allaient déroger un tant soit peu aux décisions convenues à l'Elysée, elles conformes aux propositions très étriquées du père François, candidat  à la présidentielle.

      Pourtant, la douche froide vient à peine de commencer. Les plans de licenciements et les mauvais coups (gelés pour faire réélire Sarkozy et ses députés) réapparaissent: Air France par exemple ou l'Hôpital de Mantes-la-Jolie (voir l'article sur mon blog à ce sujet). Ou sur l'augmentation du Smic et des salaires...

     

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com/


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  • Séduire les intellectuels pour éduquer le peuple

    Federico ROBERTI
     
    L’ambassadrice étasunienne Clare Boothe Luce en Italie (1953-1956)

    Avec la fin de la Seconde guerre mondiale, le réseau des services d’information étasunien développé par l’Office of War Information (OWI) et par le Psychological Warfare Branch (PWB) va désormais s’intituler United States Information Service (USIS), en Italie comme dans le reste du monde.

    A l’USIS et à son émetteur radiophonique La Voce dell’America [1], active en Italie dès la fin de février 1942, sera confiée la tâche d’agir « dans le domaine de l’éducation et de la formation mentale des Italiens, pour les orienter vers une vision démocratique de la vie », selon les termes de l’amiral Ellery Stone, chef de la Commission alliée de contrôle en Italie.

    A l’origine, les sièges de l’USIS sont au nombre de cinq, à l’ambassade et aux consulats étasuniens à Rome, Milan, Florence, Naples et Palerme, tandis que des salles de lecture sont progressivement équipées aussi à Gênes, Turin, Bari et Bologne, comme premier pas pour la constitution de l’USIS dans les consulats de ces villes. Lire la suite

     

    Apostille de COMAGUER (Comité comprendre et agir contre la guerre, Marseille) pour la version française du texte de F. Roberti :

    Au vu de ce texte très documenté le lecteur français pourrait céder à la tentation de se dire que le contrôle de la France par l’impérialisme étasunien n’a jamais été aussi puissant que celui exercé sur l’Italie, lequel demeure exceptionnellement visible : présence militaire massive avec ou sans truchement de l’OTAN, imbrication transatlantique du grand capital dont l’alliance FIAT-CHRYSLER est le symbole, liens mafieux, anglicisation de la langue quotidienne, jusqu’à un premier ministre issu directement de la banque US sans passer par les urnes, sans oublier évidemment les réseaux stay-behind bien décrits par Daniele Ganser.

    Il y a effectivement une différence de degré.

    Au sortir de la seconde guerre mondiale la France se retrouve dans le camp des vainqueurs. Elle doit cette position avantageuse :

    • à l’alliance des gaullistes et des communistes qui reproduit au niveau national l’alliance mondiale antinazie,
    • au maintien d’un empire colonial qui lui a fourni les bases arrière et les troupes de la reconquête du territoire national,
    • Rien de tel en Italie : elle s’est libérée elle-même du fascisme dans un mouvement où n’a pas existé comme en France une fraction bourgeoise organisée ayant participé à la résistance et ce sont les alliés, les Etats-Unis au premier chef, qui ont imposé aux communistes italiens dominants, avec l’appui de la mafia importée des Etats-Unis une direction bourgeoise entièrement à leur service. Elle a perdu son petit empire colonial sans espoir de reconquête : la loi des vainqueurs. Lire la suite

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  • Séduire les intellectuels pour éduquer le peuple

    Federico ROBERTI
     
    L’ambassadrice étasunienne Clare Boothe Luce en Italie (1953-1956)

    Avec la fin de la Seconde guerre mondiale, le réseau des services d’information étasunien développé par l’Office of War Information (OWI) et par le Psychological Warfare Branch (PWB) va désormais s’intituler United States Information Service (USIS), en Italie comme dans le reste du monde.

    A l’USIS et à son émetteur radiophonique La Voce dell’America [1], active en Italie dès la fin de février 1942, sera confiée la tâche d’agir « dans le domaine de l’éducation et de la formation mentale des Italiens, pour les orienter vers une vision démocratique de la vie », selon les termes de l’amiral Ellery Stone, chef de la Commission alliée de contrôle en Italie.

    A l’origine, les sièges de l’USIS sont au nombre de cinq, à l’ambassade et aux consulats étasuniens à Rome, Milan, Florence, Naples et Palerme, tandis que des salles de lecture sont progressivement équipées aussi à Gênes, Turin, Bari et Bologne, comme premier pas pour la constitution de l’USIS dans les consulats de ces villes.

    Le Notiziario quotidiano per la stampa, produit à Rome sur la base d’un bulletin qui est radiotélégraphié depuis New York puis traduit et distribué gratuitement aux journaux italiens, est l’organe principal de transmission des informations adopté par l’USIS. En Italie, c’est une édition spécialement étudiée pour l’Europe occidentale qui est envoyée, rapportant des nouvelles concernant surtout la politique étrangère étasunienne et divers approfondissements, ainsi que les textes intégraux des discours officiels de personnalités en vue.

    A partir de 1949, l’USIS commence à collaborer avec la propagande du Plan Marshall [2], gérée directement par l’organisme qui s’occupe de l’allocation des aides, la Economic Cooperation Administration (ECA). Dans cette même période, se fait de plus en plus importante aussi la propagande liée à l’établissement du Pacte Atlantique, signé formellement le 4 avril 1949. A partir de ce moment, les termes concernant la « sécurité » et la « paix » occupent un poste d’importance absolue dans la politique informative de l’USIS, avec une tendance qui va se consolider à partir de la naissance de l’Otan en 1950.

    Tout le programme informatif dépend directement de l’ambassadeur et du directeur de l’USIS, rôle qui est tenu depuis la fin de 1950 par Lloyd A. Free, ancien enseignant à l’université Princeton et directeur-adjoint de l’Office of International information, avec compétence sur la presse, le cinéma et les transmissions radiotélévisées, auprès du Département d’Etat.

    A partir de 1951, grâce à l’augmentation des financements mis à sa disposition, l’USIS Italia va connaître un grand développement, avec 61 employés étasuniens et 237 italiens, dont presque la moitié est en service à l’ambassade à Rome et le reste distribué dans les neuf autres bureaux présents dans le pays.

    Mais la plus grande impulsion au programme informatif et à la conduite de la politique extérieure étasunienne en Italie était encore à venir, et elle allait être le fait d’une femme…

    A la fin de l’année 1952, le républicain Dwight D. « Ike » Eisenhower, ancien commandant en chef des Forces alliées en Europe pendant la seconde guerre mondiale, est élu 34ème Président des Etats-Unis.

    En Italie, Ellesworth Bunker, l’ambassadeur qui avait remplacé James C. Dunn, est destiné à ne rester en poste que quelques mois, car Eisenhower et sa nouvelle administration renouvellent les représentants diplomatiques à l’extérieur par des personnalités fortement liées au Parti Républicain. Pour l’Italie, en mars 1953, le choix tombe sur Clare Boothe Luce, journaliste et écrivain, plus connue en tant qu’épouse (en deuxièmes noces) du très puissant éditeur de Time, Life et Fortune, Henry R. Luce. Ancienne député à la Chambre des Représentants entre 1943 et 1947, Clare Boothe va mettre son anticommunisme viscéral au service de la nouvelle politique de « Ike », vouée à faire barrage au plus important Parti Communiste d’Europe occidentale, qui aux élections de juin 1953 gagne de nouveaux postes au détriment de la coalition centriste conduite par la Démocratie Chrétienne.

    Les années de Clare Boothe à Villa Taverna, siège de l’ambassade étasunienne, sont caractérisées par une ingérence inédite dans les affaires intérieures italiennes. Débarquée de l’Andrea Doria à Naples le 22 avril, elle parcourt le pays sans relâche, depuis ce jour-là, en en visitant les zones les plus reculées, et en présidant foires, premières théâtrales, inaugurations (notamment celle, mémorable, de la Johns Hopkins University à Bologne). Mais avant tout elle s’efforce de gagner la sympathie des gens ordinaires, auprès de qui elle finira par être connue comme une « reine bonne ».

    En de nombreuses circonstances, l’ambassadrice Luce ne cache pas sa propre défiance dans le gouvernement italien comme allié des Etats-Unis, opérant au fil du temps une approche de plus en plus radicale dans la lutte contre le communisme, qui se reflète dans la vaste organisation de l’USIS, lequel, entre temps, avait été englobé par l’agence gouvernementale USIA à peine née [3]. Le « Plan d’action » que celle-ci définit a deux objectifs : d’une part, mobiliser le consensus pour les politiques étasuniennes et accroître la confiance dans les gouvernants de la bannière étoilée, d’autre part s’opposer aux « extrémismes » de droite et de gauche par le biais de l’appel à la « lutte pour la démocratie en Italie ».

    Cela se résout inévitablement en une ingérence de plus en plus évidente dans les affaires intérieures du pays, non seulement dans les questions politiques mais aussi dans celles de la vie quotidienne. En effet, les indications contenues dans le « Plan d’action » de l’USIS pour les années 1953-1955 visent à endoctriner la population dans la longue période, en opérant spécialement dans les écoles, dans les universités et dans les milieux militaires. L’attention de la propagande étasunienne, à partir de ce moment-là, se concentre de plus en plus sur les représentants du milieu intellectuel, les professionnels du domaine de l’information, repérés comme médiateurs culturels et agents d’influence, capables de faire filtrer efficacement chez leurs propres co-nationaux les messages jugés opportuns, dans une sorte d’ « italianisation » de l’effort de propagande qui reflète aussi une réduction des ressources financières à disposition.

    Il s’agit d’un groupe de personnes choisies selon des critères très sélectifs, sur la base de contacts personnels déjà en cours. Ces gens ne seront pas seulement approvisionnés en matériel dans l’objectif de renforcer leurs convictions en syntonie avec la politique étasunienne, mais ils seront aussi poussés à promouvoir les instances chères aux Usa auprès du grand public qui, à leur différence, ne fréquentait pas les centres culturels ou les bibliothèques de l’USIS disponibles dans le pays, n’écoutait pas les transmissions radiophoniques de La Voce dell’America et ne pouvait pas bénéficier des échanges culturels présentés dans le cadre du Programme Fulbright (du nom du sénateur qui en avait parrainé l’adoption).

    D’autres cibles fondamentales de la propagande étasunienne sont les leaders politiques, auxquels on offre des abonnements aux principaux quotidiens d’outre-atlantique, et le monde de l’école et de l’université : en particulier les facultés de droit, creuset des leaders de demain. Dans ce dernier domaine, l’intervention ne se limite pas à des bourses d’études mises à disposition pour fréquenter des cours aux Etats-Unis ou pour faire venir en Italie des enseignants étasuniens, mais à « travailler en direction des recteurs pour inclure des cours d’études américaines (étasuniennes, NdT) dans leurs universités, et en direction du ministre de l’Education pour donner plus d’ampleur aux thèses traitant de ces arguments… » comme indique un document préparatoire, allant même jusqu’à suggérer l’adoption des livres de textes opportuns présentés par les adeptes de l’USIS en Italie.

    Un des objectifs fondamentaux demeure cependant le monde syndical, où l’on intervient spécialement par l’intermédiaire des activistes des syndicats dits « libres », à l’exclusion de la Cgil.

    Ouvrons ici une brève parenthèse [4].

    L’ambassade étasunienne à Rome, pendant la mission de Clare Boothe Luce, fût très active dans le soutien des intérêts des sociétés pétrolières étasuniennes et dans sa lutte, de toutes les manières possibles, contre Enrico Mattei, président de l’organisme pétrolier d’Etat ENI (Ente Nazionale Idrocarburi, Société nationale des hydrocarbures, NdT) depuis sa fondation en 1953 et artisan de la stratégie d’autonomie et d’indépendance énergétique nationale.

    L’attaque contre l’ENI par la presse étasunienne, en particulier celle de toute la chaîne contrôlée par Henry R. Luce, le mari de l’ambassadrice, fut sans répit. Fortune publia un long article de Herbert Solow critiquant le système italien des participations de l’Etat, accusé d’empêcher la libre concurrence, et l’ENI de Mattei, responsable à ses dires du ralentissement des recherches pétrolières et de freiner les investissements étasuniens dans le secteur. Sur des arguments semblables étaient fondées les enquêtes publiées sur Newsweek, Time, The New York Herald Tribune et jusque dans certains journaux locaux. L’un de ceux-ci, The Providence Sunday Journal, publia un article –dont la coupure fut portée à l’attention même du président Eisenhower- où l’on affirmait que l’Italie, afin de pouvoir participer aux affaires pétrolières au Moyen-Orient- était prête à « remettre en jeu ses relations amicales avec l’Occident ».

    L’ambassadrice Luce en personne ne dédaignait par ailleurs pas de contribuer à la campagne contre Mattei. Vincenzo Cazzaniga, à l’époque président pour l’Italie d’une des « Sept Sœurs », Esso pour la nommer, témoigna que Luce, dans une sorte de contrepartie pour avoir soutenu la CISL dans la scission syndicale, avait l’habitude de s’adresser au Secrétaire Giulio Pastore : lequel assurait avoir été littéralement obsédé par l’ambassade à propos de la campagne contre le président de la République de l’époque, Giovanni Gronchi, contre la gauche de la Démocratie Chrétienne ( n) et contre Mattei qui soutenait Gronchi. Il s’agit ici du même Pastore que l’ambassadrice Luce, en d’autres circonstances, accusait de se servir de l’ENI pour introduire des mécanismes de participation ouvrière dans l’organisation de la production, par des initiatives qui auraient été plus favorables à Palmiro Togliatti (alors Secrétaire général du Parti communiste italien, NdT) qu’à la démocratie Chrétienne !

    Fermons la parenthèse.

    Les organes de presse, jugés comme le moyen le plus utile pour influencer tous les « target groups » et qui jusqu’à fin juillet 1953 avaient été approchés par le Notiziario quotidiano per la stampa, sont à présent sensibilisés par l’envoi d’articles écrits spécialement pour eux, et dirigés vers les plus diffusés d’entre eux, avec fourniture aux directeurs et rédacteurs du matériel informatif nécessaire, sur des thèmes sélectionnés, pour qu’ils puissent les rédiger tout seuls. Pour les nouvelles les plus importantes, est activé un canal direct avec les principaux quotidiens et on perfectionne un accord avec l’agence ANSA (agence nationale de presse associée [5], NdT) à laquelle on fait parvenir des communiqués détaillés et complets, à faire tout simplement suivre à ses propres utilisateurs.

    Au cours d’un voyage à Washington en été 1954, l’ambassadrice Luce –accompagnée par le nouveau directeur de l’USIS Italia, Nedville E. Nordness- participe à quelques rencontres avec des fonctionnaires du Département d’Etat et de l’USIA, pour discuter de la réorganisation du service d’information en cours en Italie. C’est l’occasion de souligner l’importance d’infiltrer la Télévision d’Etat d’italienne en gestation, y compris avec la production de séries qui lui seraient spécialement destinées (hypothèse qui est à ce moment-là rejetée à cause de ses coûts élevés), avec la proposition co-latérale de doter tous les sièges de l’USIS d’un téléviseur à placer près de l’entrée, pour qu’il soit visible aussi de l’extérieur afin d’attirer les curieux… et pour suggérer une présence étasunienne plus grande dans les foires et les fêtes locales, qui attiraient alors un important public.

    Les rencontres en question donnent aussi et surtout à l’ambassadrice l’occasion de rappeler la nouvelle ligne des programmes d’action de la propagande culturelle étasunienne en Italie : ligne désormais presque entièrement tournée vers les professionnels de l’information et du monde intellectuel en général, en partant de la conviction, « mûrie après de minutieuses pondérations », que presque tous ceux-ci doivent être convaincus de la solidité de la culture d’un pays étranger avant d’accepter son leadership dans les affaires internationales [6]. Probablement l’ambassadrice pensait-elle à ces intellectuels « qui ne sont pas nos amis inconditionnels » mais qui manifestaient cependant souvent une curiosité pour la réalité américaine (du Nord, NdT), étant d’avides lecteurs de sa littérature ; à trois d’entre eux justement (Ignazio Silone, Primo Levi et Alberto Moravia) auraient été consentis par l’USIS, l’année suivante, des aides financières pour se rendre en visite aux Etats-Unis.

    Dans ce but, en 1954 encore, le Congrès autorise un fonds spécial, appelé President’s Emergency Fund for international Affairs, pour soutenir les programmes développés par l’USIA. Parmi les nombreuses initiatives organisées, concerts, spectacles de théâtre et tournées d’artistes, on rappellera Porgy and Bess de George Gershwin, oeuvre lyrique représentée sur diverses scènes dont La Scala de Milan, à qui l’USIS fournit une grand relief promotionnel.

    On essaie en outre d’assister les institutions culturelles étasuniennes qui ont un siège en Italie, comme l’American Academy et le North American College, afin d’encourager la diffusion des études et recherches sur l’Amérique (du Nord, NdT) en collaborant à l’organisation d’expositions et en faisant la publicité de leurs initiatives.

    Un soutien clair et ouvert est aussi offert à l’Istituto Post-universitario per lo Studio dell’Organisazione Aziendale (Institut Post-universitaire pour l’Etude de l’Organisation Entreprenariale) (IPSOA), fondé par l’université de Harvard et destiné à des opérateurs déjà affirmés mais encore assez jeunes pour assimiler la bonté des principes économiques en vogue outre-atlantique, ainsi que la section européenne de l’Ecole de Recherches internationales Avancées de la Johns Hopkins University [7], dont l’inauguration –naturellement en présence de l’ambassadrice Luce- a lieu en février 1955.

    Le nouveau « Plan d’action » de l’USIS, promulgué en août 1955, rappelle en substance les mêmes principes et objectifs que ceux des deux années précédentes mais il contient quelques précisions importantes comme la quantification des interlocuteurs choisis, 21.000, divisés en huit catégories, bien qu’aucun nom ne soit donné : 2.200 dans le domaine de l’économie et de l’industrie, 2.200 pour l’école et l’université, 3.400 dirigeants des syndicats « libres », 3.200 dans la presse, cinéma, radio et édition, 400 officiers des Forces armées, 6.500 politiques, de niveau national comme local, 2.100 professions libérales des secteurs les plus variés, mais capables par leur notoriété d’influencer les questions politiques et sociales, 1.100 étudiants universitaires, repérés surtout dans les dirigeants des organisations étudiantes. Les premiers cours de littérature américaine (nord-américaine), tenus l’année précédente dans les universités de Rome, Florence et Venise, avaient obtenu un grand succès, et le programme de traduction de textes étasuniens, adoptés ensuite dans les programmes universitaires, continuait aussi à être envoyé si bien que l’USIS de Florence avait réussi à développer à ce sujet un accord triennal avec la maison d’édition bolognaise Il Mulino.

    Le succès s’enregistrait aussi dans le champ de l’information destinée au grand public, du fait que la RAI « couvrait fréquemment les événements suggérés par l’USIS » et que l’ANSA tirait la majeure partie de ses dépêches d’agence sur les questions, pas seulement politiques, étasuniennes, directement des communiqués traduits par l’USIS, avec une procédure qui, entre temps, était devenue vraiment efficiente : le rédacteur en chef de l’USIS à Rome contactait par téléphone l’agence de presse (italienne) et dès que celle-ci indiquait quelles nouvelles, parmi celles du jour, l’intéressaient, celles-ci étaient immédiatement traduites et diffusées.

    A la fin de 1956, quand Clare Boothe Luce quitte sa charge d’ambassadrice, l’USIS italienne constitue un des plus importants et vastes programmes parmi ceux que gère l’USIA dans le monde entier. L’ambassadrice avait désormais décidé de quitter Rome quand l’USIS fit pour elle deux services importants.

    Le premier fut la collaboration offerte par l’éditeur Mondadori pour la traduction et publication en Italie d’un livre d’Alden Hatch, qui sortit en juin 1956 sous le titre Ambassadrice extraordinaire. Le second fut la préparation du texte de la transmission radiophonique en anglais (italiques de la traductrice) par laquelle la RAI adressa ses adieux à la première femme ambassadeur venue d’outre-atlantique : « … she will always be welcome to Italy, even on the briefest of visits ; not as a guest, though. To us, she is and always will be ‘one of the family’” (“de la famille”... surlignage NdT).

    Federico Roberti

    Publié le 14 juin 2012 par http://byebyeunclesam.wordpress.com

    Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

    Apostille de COMAGUER (Comité comprendre et agir contre la guerre, Marseille) pour la version française du texte de F. Roberti :

    Au vu de ce texte très documenté le lecteur français pourrait céder à la tentation de se dire que le contrôle de la France par l’impérialisme étasunien n’a jamais été aussi puissant que celui exercé sur l’Italie, lequel demeure exceptionnellement visible : présence militaire massive avec ou sans truchement de l’OTAN, imbrication transatlantique du grand capital dont l’alliance FIAT-CHRYSLER est le symbole, liens mafieux, anglicisation de la langue quotidienne, jusqu’à un premier ministre issu directement de la banque US sans passer par les urnes, sans oublier évidemment les réseaux stay-behind bien décrits par Daniele Ganser.

    Il y a effectivement une différence de degré.

    Au sortir de la seconde guerre mondiale la France se retrouve dans le camp des vainqueurs. Elle doit cette position avantageuse :

    • à l’alliance des gaullistes et des communistes qui reproduit au niveau national l’alliance mondiale antinazie,
    • au maintien d’un empire colonial qui lui a fourni les bases arrière et les troupes de la reconquête du territoire national,
    • Rien de tel en Italie : elle s’est libérée elle-même du fascisme dans un mouvement où n’a pas existé comme en France une fraction bourgeoise organisée ayant participé à la résistance et ce sont les alliés, les Etats-Unis au premier chef, qui ont imposé aux communistes italiens dominants, avec l’appui de la mafia importée des Etats-Unis une direction bourgeoise entièrement à leur service. Elle a perdu son petit empire colonial sans espoir de reconquête : la loi des vainqueurs.

    Mais nous ne sommes plus en 1945 et De Gaulle est mort. Le gaullisme ne lui a guère survécu puisque le premier geste du faux héritier Pompidou est de se rendre aux Etats-Unis pour faire acte d’allégeance en échange d’un respect du « seigneur » pour l’empire néocolonial du « vassal » stabilisé – pour combien de temps ?- après la perte de l’Indochine et de l’Algérie. En éliminant le gaulliste Chaban Delmas, Giscard, héritier de la France collaborationniste, poursuivra cette politique. Le soir même de son élection il prononce devant les caméras de télévision mondiales un discours en anglais et il propose l’année suivante la création du directoire impérialiste : le G7 outil non statutaire de dessaisissement systématique de l’ONU de ses prérogatives fondatrices.

    Mitterrand va réussir à maintenir cette position de vassal impérialiste en échange de la domestication des communistes transformée aujourd’hui en simple satellisation électorale d’un parti dont le nom n’est plus que celui d’une nostalgie.

    Mais dés ce moment le tropisme étasunien de la classe dirigeante s’affirme et elle s’unifie dans un antisoviétisme orchestré méthodiquement par les Etats-Unis. Le discours de De Villepin à l’ONU contre la guerre d’Irak, qui faisait lui-même écho à la démission de Chevènement en 1991, sera le dernier soubresaut gaullien avant l’agonie.

    Sarkozy n’a plus alors qu’à parachever le travail : se jeter au vu de la planète entière dans les bras de Bush et des néo-conservateurs, s’inspirer des politiques sécuritaires reconfigurées aux Etats-Unis sur la base théorique fournie par l’armée coloniale française, réintégrer complètement l’OTAN et participer activement à toutes les aventures et agressions impérialistes : Afghanistan, Somalie, Libye, Syrie…

    Il ne s’agit évidemment pas des orientations d’un homme seul mais de l’évolution d’ensemble d’une couche dirigeante, à droite comme à gauche de l’alternance, dont le référentiel idéologique commun est le mode de penser du capitalisme impérialiste contemporain.

    En témoigne l’adhésion de nombreux dirigeants français actuels aux cercles néo impérialistes transatlantiques organisés dont le plus structuré est la FRENCH AMERICAN FOUNDATION, fondation bipolaire, un pied à Washington, l’autre à Paris. Présentée sur son site, elle a été bien décrite récemment par l’historien Pierre Hillard dans un texte accessible sur Internet et dont suit un extrait particulièrement démonstratif :

    http://www.voltairenet.org/Un-relais-des-Etats-Unis-en-France

    La clef du système d’influence de la French-American Foundation est sa capacité à recruter des personnes appelées à occuper de hautes fonctions. Sa grande force est d’accueillir en son sein les représentants politiques issus de courants qui, officiellement, s’opposent – des socialistes à l’UMP en passant par le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan ou le responsable de la communication de la campagne présidentielle de José Bové, Bernard Loche. Pour éviter toute conclusion hâtive, soulignons que les personnes approchées par la Fondation et qui ont accepté de la fréquenter n’ont pas pour autant accepté les offres de services qui leur ont été ultérieurement présentées.

    C’est dans le programme intitulé Young Leaders qu’une véritable sélection s’opère. Comme l’affirment clairement les textes officiels : « Le programme phare des Young Leaders, piloté par les deux entités (ndlr : New York et Paris), vise à créer et à développer des liens durables entre des jeunes professionnels français et américains talentueux et pressentis pour occuper des postes clefs dans l’un ou l’autre pays » 

    Au sein de la sélection, c’est le professeur de science politique états-unien et membre du CFR, Ezra Suleiman, qui fut l’unique responsable de 1981 à 1984, puis de 1994 à 2001, du recrutement des Young Leaders en France. Après une sélection drastique, seuls 125 Étasuniens et 126 Français composent les Young Leaders depuis 1981. Dans le cas de la FAF US, nous pouvons citer les noms suivants avec la date d’admission : Antony Blinken (1998, ancien conseiller en politique étrangère du président Clinton), Ian Brzezinski (2001, chargé aux affaires de défense de l’OTAN, fils du célèbre géopolitologue Zbigniew Brzezinski), le général Wesley K. Clark (1983, ex-commandant en chef des troupes de l’OTAN en Europe), le président Clinton (1984) et Hillary Clinton (1983, sénateur).

    Dans le cas de la branche française de la French-American Foundation, nous pouvons relever en particulier :

    Philippe Auberger (1989, député UMP), Yves Censi (2003, député UMP), Jérôme Chartier (2003, député UMP), Nicolas Dupont-Aignan (2001, député UMP, Debout la République), Alain Juppé (1981, député UMP), Éric Raoult (1994, député UMP), Valérie Pécresse (2002, député UMP), Jacques Toubon (1983, député UMP),

    François Hollande (1996, député socialiste), Arnaud Montebourg (2000, député socialiste), Pierre Moscovici (1996, député socialiste), Alain Richard (1981, socialiste, ancien ministre de la Défense)

    Henri de Castries (1994, Directeur général du groupe AXA assurances), Emmanuel Chain (1999, journaliste), Jérôme Clément (1982, Président d’Arte), Annick Cojean (2000, journaliste au Monde), Jean-Marie Colombani (1983, Directeur de la publication du Monde), Matthieu Croissandeau (2002, rédacteur en chef adjoint du Nouvel Observateur), Jean-Louis Gergorin (1994), Bernard Guetta (1981, journaliste à France Inter), Erik Izraelewicz (1994, rédacteur en chef des Échos), Laurent Joffrin (1994, PDG de Libération), Jean-Noël Jeanneney (1983, président de la Bibliothèque nationale de France), Sylvie Kaufmann (1998, journaliste au Monde), Yves de Kerdrel (2005, journaliste aux Échos), Marwan Lahoud (1999), Anne Lauvergeon (1996, présidente d’Areva), François Léotard (1981, ancien ministre de la Défense), Alain Minc (1981), Laurent Cohen-Tanugi (1996, Sanofi-Synthélabo et membre du conseil d’administration du think tank « Notre Europe » créé par l’ancien président de la Commission Jacques Delors , Christine Ockrent (1983), Olivier Nora (1995, président des Éditions Grasset), Denis Olivennes (1996, président de la FNAC)… 


    EN COMPLEMENT :

    Ornella Guyet, la faux-nez "antifa" fréquente les néocons à Paris. Ornella Guyet écrit pour Rue89. Pascal Riché, Rédacteur en Chef de Rue89, se trouve dans la liste des Young Leaders. CQFD ?

    http://www.scribd.com/doc/92211778/Fondation-franco-americai...

    [1] Voir « Exportateurs d’espoir, maîtres en propagande », Roberti F., (2009),

    http://byebyeunclesam.wordpress.com/2009/11/16/esportatori-di-speranza-maestri-di-propaganda/

    [2] http://byebyeunclesam.wordpress.com/2008/09/19/il-piano-marshall-e-la-nato-culturale/

    [3] Voir http://byebyeunclesam.wordpress.com/2011/09/30/cera-una-volta-lusia/

    [4] http://www.ibs.it/code/9788879900102/perrone-nico/obiettivo-mattei-petrolio.html

    [5] http://it.wikipedia.org/wiki/ANSA

    [6] « Quand la CIA finançait les intellectuels italiens, Federico Roberti (2008) http://www.voltairenet.org/Quand-la-CIA-financait-les,157970

    [7] « John Hopkins University, Bologna : étudier, et plus… » : http://byebyeunclesam.wordpress.com/2010/02/08/john-hopkins-university-bologna-studiare-e-non-solo/

    URL de cet article 17054
    http://www.legrandsoir.info/seduire-les-intellectuels-pour-eduquer-le-peuple.html

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  • France/ Qatar : le changement ce n’est pas maintenant


    Cri Peuple 67

    Le Qatar reste un partenaire incontournable de la France au Moyen-Orient, même si ses dirigeants n'auront sans doute pas le même degré d'intimité avec le président socialiste François Hollande qu'avec son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy.

     

    Le Premier ministre du Qatar l'a confirmé à sa manière jeudi, à l'issue d'un entretien de plus d'une heure avec le nouveau chef de l'Etat français, quelques heures avant de voir son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

     

    « Les relations entre les deux pays sont des relations institutionnelles, pas personnelles (...) C'est une relation étroite », a dit Cheikh Hamad bin Jassim Al Thani, alias « HBJ ».

     

    Des diplomates proches de la gauche plaident certes pour un rééquilibrage des rapports avec ce micro-état immensément riche du Golfe Arabo-persique, dont Nicolas Sarkozy, fort de relations personnelles avec l'émir et le Premier ministre qataris, avait fait une sorte de joker diplomatique.

    Ils s'appuient sur la nécessité, à leurs yeux, de donner des gages à des acteurs arabes majeurs comme l'Arabie saoudite et l'Algérie, agacés par l'activisme omnidirectionnel de l'émirat.

     

    Mais l'ancien ambassadeur Denis Bauchard, spécialiste du Moyen-Orient et auteur d'un livre sur « Le nouveau monde arabe », parie pour sa part sur une continuité de la coopération déjà très ancienne entre la France et le Qatar.

     

    « Ça se fera plus discrètement et de manière moins ostensible mais ça va continuer », a-t-il déclaré à Reuters.

     

    Ce que paraît confirmer un conseiller diplomatique de François Hollande : « Il n'y a pas de raison de remettre en cause une relation bilatérale, dès lors qu'elle est fondée sur des principes sains et des objectifs partagés. »

     

    STRATÉGIE D'INFLUENCE ET DE SURVIE

    Le Qatar, moins de 12.000 km2 et deux millions d'habitants dont un dixième de nationaux, possède les troisièmes réserves de gaz naturel du monde, dont il est le premier exportateur. Il produit aussi environ 1,2 million de barils de pétrole par jour.

     

    Depuis quelques années, il manifeste une forte volonté de jouer un rôle politique régional en s'appuyant sur sa puissance financière, notamment par le biais de son fonds souverain, le Qatar Investment authority (QIA).

     

    « Le Qatar utilise (...) le QIA, doté de 70 milliards de dollars 'seulement' mais en très forte croissance, non seulement à des fins financières mais également comme outil d'influence », écrit Denis Bauchard, pour qui c'est une stratégie de survie.

     

    Il s'agit pour cet émirat coincé entre l'Arabie saoudite et l'Iran « d'avoir une visibilité forte, de nouer des amitiés tous azimuts, de prendre des participations dans des sociétés étrangères stratégiques, bref, de se rendre indispensable ».

     

    Nicolas Sarkozy en a joué dès le début de son quinquennat dans des dossiers délicats comme celui des infirmières bulgares détenues en Libye, la crise libanaise ou le conflit du Darfour, ou pour faire passer des messages à l'Iran, à la Syrie et à leurs protégés islamistes palestiniens.

     

    Le Qatar a également servi en 2011, avec les Emirats arabes unis, de caution arabe dans le soutien militaire occidental aux insurgés libyens, dans lequel la France a été en première ligne. C'est notamment par l'intermédiaire de cet émirat que Paris a livré des armes aux forces anti-Kadhafi.

     

    UN ALLIÉ PARFOIS ENCOMBRANT

    Au fil des ans, cet état boulimique d'investissements, du football aux industries de pointe en passant par l'immobilier de prestige et les chaînes de télévision payantes, est aussi devenu un partenaire un peu envahissant, voire encombrant.

     

    Le Qatar est le refuge et le porte-voix, par le canal de sa chaîne Al Djazira, de prédicateurs extrémistes comme Youssouf Al Qaradaoui, dirigeant spirituel des Frères musulmans dans le monde, connu pour de violents propos antisémites, que Nicolas Sarkozy a interdit de venir en France en mars.

     

    L'émirat est aussi soupçonné de financer des groupes salafistes, djihadistes ou liés aux Frères musulmans de la Syrie au Mali en passant par la Libye et le Maghreb.

     

    Il a dû geler en pleine campagne présidentielle française la création d'un fonds de 50 millions d'euros destiné à financer des projets associatifs dans les banlieues de France.

     

    Cette initiative a suscité les soupçons d'associations et d'une partie de l'administration. Mais elle a aussi fourni des munitions à la candidate du Front national, Marine Le Pen, qui a dénoncé une tentative « d'atteindre la jeunesse des banlieues ».

     

    La dirigeante d'extrême droite a aussi accusé Nicolas Sarkozy d'avoir favorisé le développement du fondamentalisme islamique en France "par l'intermédiaire des investissements ininterrompus" du Qatar dans ses entreprises stratégiques.

     

    François Hollande s'était pour sa part inquiété de l'avenir de la chaîne cryptée Canal+ face aux ambitions dévorantes du Qatar sur le créneau des retransmissions sportives.

     

    ACCORD DE DÉFENSE

    Pour autant, la nouvelle équipe au pouvoir ne semble rien avoir à redire aux investissements massifs de l'émirat, à un moment où la France, soucieuse de relance économique et d'emplois, ne peut guère se permettre de faire la fine bouche.

     

    « Ce sont des investissements privés. L'Etat n'a pas à examiner les opportunités d'investissement", explique un conseiller de François Hollande. "Il n'y a pas de raison d'être négatif ou d'avoir des craintes par rapport à ça dès lors que ça se fait dans le cadre de la loi française, avec des objectifs sportifs, économiques ou sociaux. »

     

    Le Qatar, qui a enfourché pratiquement dès le début le cheval de bataille des « printemps arabes », a une « position-clé » et un « rôle moteur » à jouer dans la recherche d'une issue à la crise syrienne, ajoute-t-on de même source.

     

    Ce qui n'empêche pas des diplomates de soupçonner l'émirat de jeter de l'huile sur le feu en faisant parvenir des armes aux Syriens soulevés contre le régime de Bachar al Assad.

     

    Le Qatar et la France sont liés depuis longtemps par des intérêts communs dans le domaine énergétique. Les armées qataries sont équipées à 80% de matériel français et pourraient être un client pour l'avion de combat Rafale.

     

    Les deux pays sont liés depuis 1994 par un accord de défense et Nicolas Sarkozy a inauguré en 2008 à Doha un lycée franco-qatari où est éduquée une partie des futures élites régionales.

     

    Les dirigeants du Qatar, comme ceux des EAU, paraissent en outre bien moins entravés par des préoccupations dynastiques que leurs voisins saoudiens dans leurs capacités d'initiative.

     

    Autant de raisons pour François Hollande et son gouvernement de maintenir des relations étroites avec les dirigeants qataris. Même si elles seront certainement moins exclusives, selon une source diplomatique française.

     

    Nouvel observateur


    Cri du Peuple : http://www.mleray.info/article-france-qatar-le-changement-ce-est-pas-maintenant-106842980.html


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  • Déjà, on parle de rigueur rose 
    Déjà les fédéralistes s’avancent 
    Déjà on discute de nouveaux abandons de souveraineté nationale


    Michel Stanislas Naudy

    Valmy 133

    Serait-on parvenu à la fin d’une époque ? Tout le montre. L’écrasante victoire des socialistes en est le signe le plus manifeste. Désormais, qu’on se le dise, l’exception française risque d’être rangée au magasin des accessoires : le bipartisme est en route et la pluralité politique en déroute. La normalisation est là et avec elle le culte de l’infime, la spectacularisation du politique et la mise au rencard des réprouvés du système.

     

    Les législatives ? Vous avez-vu des élections législatives vous ? Un débat national portant sur des programmes, un affrontement d’idées, des lignes claires de partage ?


    Que nenni. Par la grâce des socialistes et de la modification du calendrier électoral, la désignation de ce qu’on appelait naguère la représentation nationale est devenue une sorte de troisième tour de l’élection présidentielle, un simple scrutin de confirmation qui transforme le pouvoir législatif en pur appendice de l’exécutif. La constitution de la Vème République est allée au bout de sa logique : un homme seul tient désormais en main les reines d’une nation convoquée tous les cinq ans pour choisir un maître dont on changera au gré des circonstances et des apparences dans un cadre politique que l’on veut inamovible.

     

    Bien sûr le peuple renâcle comme il peut mais le seul moyen qui lui est désormais offert est de s’abstraire du jeu. Jamais depuis 1958 le taux d’abstention n’avait atteint pareils sommets : près de 43% au premier tour, plus de 44% au second. Une condamnation silencieuse, un désaveu muet qui s’accroit régulièrement depuis 1988 et dont personne ne semble vraiment se préoccuper tant ces catégories sont jugées hors-système : 53% des employés, 49% des ouvriers et pas moins de 66% des jeunes de 18 à 24 ans détournent les yeux quand moins l’on a de revenu et plus on reste chez soi. Entre les deux tours des législatives, Mme Duflot parlait, elle, de la dépénalisation du cannabis tandis que la compagne du président faisait irruption dans l’arène politique pour une querelle de préséance dans le cœur présidentiel... Les ragots familiers des principautés d’opérette ne sont plus très loin quand Le Monde ne consacra pas moins de trois pages et d’un éditorial à la mauvaise humeur de la nouvelle dame et à la rage contenue de l’ancienne. On avait connu plus d’élévation au journal de référence. La chronique politique va-t-elle devenir désormais le monopole des échotiers de la Cour ?

     

    Il y aurait pourtant beaucoup à réfléchir sur d’autres phénomènes. Un des succès majeurs de Mme Le Pen par exemple qui fut moins de faire entrer deux ou trois des siens à l’Assemblée que de commencer à s’implanter durablement dans le paysage au gré même de ses évolutions sociologiques. On observe, en effet, que non seulement elle a peu perdu de suffrages entre les deux élections mais qu’elle réalise ses meilleurs résultats dans les grandes zones péri-urbaines là où résident de plus en plus les sacrifiés du système, là où les services publics disparaissent où les liens se distendent, où l’autre fait peur. Là où on souffre, précisément. Et le pillage de son fonds de commerce par Sarkozy et les siens n’y a rien changé. Au contraire, peut-être. On aurait tort de se satisfaire du renvoi à leurs chères études des plus droitiers des sarkozystes tant l’imprégnation idéologique de la droite par son extrême progresse chaque fois. La mise sur le même pied du Front National et du Front de gauche par M. Copé n’a pas d’autre sens et son « ni, ni » n’est qu’une forme transitoire d’acclimatation des idées les plus extrêmes de la droite.

     

    Quant au Front de Gauche, l’illusion n’aura duré que le temps d’un premier tour des présidentielles d’ailleurs fort décevant pour ses partisans. Un accord de pure tactique entre le PCF et le PG (tu me donnes tes militants, je te donne ton candidat) n’a pas résisté bien longtemps faute d’avoir mis en chantier les formes nouvelles de la réappropriation de la politique par les couches populaires quand trois fois plus d’ouvriers ont préféré Mme Le Pen à M. Mélenchon.

     

    On voit ici les limites des prestations explosives devant les caméras, des coups de gueule et des coups de menton. Le théâtre n’est pas le terrain, les spectateurs ne sont pas des propagandistes et la recherche effrénée de la notoriété dans le Pas-de-Calais ne fut rien d’autre qu’un « coup » destiné à se perpétuer sur les antennes sinon dans les urnes. A l’arrivée les communistes perdent près de la moitié de leur groupe parlementaire et devront chercher quelques arrangements pour tenter d’en former un. Gennevilliers, Saint-Denis, Ivry : trois bastions, trois échecs. Les dernières places fortes s’écroulent, les socialistes débarquent.

     

    Et le « succès » tant évoqué tient en une simple addition : 7,70% des suffrages pour l’extrême-gauche et le PCF aux législatives de 2007, 7,92% cette année. 0,2 %...La modestie serait la bienvenue.

     

    C’est que désormais le Parti Socialiste décide tout. Combien de Verts, de radicaux de gauche, de chevènementistes siégeraient-ils au Palais Bourbon sans eux et les accords d’arrière-boutique ? Les « alliés » sont placés sous tente à oxygène et ne respirent qu’autant qu’ils peuvent être utiles.

     

    Mais désormais finies les amusettes. Tous les pouvoirs en main, les dominants du jour n’auront plus la moindre excuse. Les marchés financiers sont là qui les attendent et avec eux on ne plaisante pas. Déjà, on parle de rigueur rose, déjà les fédéralistes s’avancent, déjà on discute de nouveaux abandons de souveraineté nationale. Déjà.

     

    Michel Stanislas Naudy

    Le Kanal N° 29 Juin 2012

    URL article : http://www.comite-valmy.org/spip.php?article2593


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  •  

    Jean Gadrey - 22 juin 2012

     On dit souvent que « le monde n’est pas une marchandise » ou que « la nature n’est pas à vendre ». On critique la « marchandisation » au nom des biens communs. On a souvent raison, mais c’est plus compliqué que cela : si l’on défend des coopératives locales d’énergies renouvelables ou une filière écologique régionale de production de bois de chauffage ou de bois construction en veillant à la biodiversité dans la gestion des forêts, on crée aussi des marchés et cela n’a rien de critiquable, au contraire.

    Si l’économie verte dont on nous parle c’était cela, on ne pourrait que la défendre. C’est ainsi que le PNUE nous la présente en des termes aimables : une économie qui « entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources ».

    Quel est pourtant le problème posé aujourd’hui et révélé notamment par les mobilisations autour de Rio+20 ?

    Il est dans les stratégies actuelles des multinationales (et de la finance actionnariale et spéculative qui les contrôle), appuyées par les États les plus expansionnistes, et exerçant leur influence jusqu’au sein des Nations Unies.

    Le capitalisme financier est en crise profonde. Dans son aveuglement, il distingue des planches de salut vertes et il sait que des contraintes écologiques fortes se profilent avec lesquelles il va devoir composer.

    Comment transformer – si possible - ces contraintes en opportunités ? Pour le capitalisme financier, il existe plusieurs stratégies, liées à une idée de valorisation lucrative de la nature et de ses biens communs, qu’il faut dé-communaliser pour les mettre à son service.

    C’est sa version de l’économie verte, celle qu’il a infiltrée non sans succès au sein des Nations unies. C’est aussi celle de la commission européenne. Voici ce que dit Janez Potocnik, commissaire à l’environnement de l’Union Européenne : « Nous devons passer d’une situation où l’environnement était protégé du business au fait d’utiliser le business pour protéger l’environnement ».

    Comment faire entrer cette conviction néolibérale dans les faits ? En suivant trois stratégies, ensemble ou séparément. Je mets délibérément de côté les stratégies de « greenwashing », importantes mais auxquelles ne sont pas associés des investissements aussi lourds que dans les stratégies qui suivent.

    1. L’APPROPRIATION ELARGIE DES RESSOURCES

    La première stratégie est celle de l’appropriation élargie des ressources naturelles existantes ou à découvrir : ressources du sol, des terres, du sous-sol, des océans, en eau potable, des pôles, des forêts, etc. Il s’agit de monter d’un cran dans l’exploitation rentable de ces ressources jugées indispensables à la prolongation de la croissance, de l’avidité consumériste, du « mode de vie occidental ».

    C’est une sorte de nouvelle conquête de l’Ouest, mais ici l’Ouest est en général au Sud…

    Sont en priorité visées l’appropriation et l’exploitation de la biomasse (toutes les matières organiques végétales ou animales) et de tous ses usages pour produire de l’énergie. Cela se traduit entre autres par la montée en puissance des agrocarburants et autres « pétroles verts ».

    Mais dans cette stratégie on trouve aussi les sables bitumineux, les gaz et huiles de schiste, les forages en eau profonde, les méga-barrages, les achats de terres des pays pauvres, la conquête des pôles, la privatisation de la distribution de l’eau, la privatisation des semences et des gènes, etc.

    2. ARTIFICIALISER-INDUSTRIALISER LA NATURE ET LE VIVANT

    Un grand nombre de multinationales investissent depuis longtemps dans les OGM et cherchent à les imposer dans le monde, mais l’artificialisation du vivant va bien au-delà. On trouve dans le livre Labo planète, dont j’ai déjà parlé, d’importants exemples relatifs aux NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives) et à leurs « avancées » dans l’artificialisation, y compris celle des êtres humains.

    Selon un article récent de Basta, c’est la biologie de synthèse qui attire le plus les investisseurs. « Les entreprises de biologie synthétique fabriquent de l’ADN de synthèse pour créer sur mesure des algues et des microorganismes qui agissent comme des usines biologiques miniatures. Le but consiste à pouvoir convertir presque n’importe quel type de biomasse en presque n’importe quel produit. »

    Le think tank canadien ETC Group a publié un excellent rapport « Qui contrôlera l’économie verte ? ». Extrait : « Jouissant d’investissements publics et privés (incluant les plus grandes entreprises énergétiques et chimiques au monde) totalisant plusieurs milliards de dollars au cours des dernières années, la biologie synthétique voit les divers produits de la nature comme des matières premières servant à alimenter leurs bestioles brevetées – c’est-à-dire des organismes conçus de toutes pièces qui seront utilisés pour transformer la cellulose extraite de plantes en carburants, produits chimiques, plastiques, fibres, produits pharmaceutiques ou même en aliments. »

    3. FINANCIARISER LES SERVICES DE LA NATURE

    La troisième stratégie vise à créer des marchés et des marchés financiers pour des fonctions techniques remplies par la nature ou « services écosystémique ». C’est plus subtil mais pas moins grave.

    La nature nous rend bien des « services » (recycler dans certaines limites des émissions de gaz carbonique, filtrer des eaux, polliniser des plantes, recycler des nutriments, produire du carbone végétal, etc.) sans qu’on s’en rende toujours compte… tant que cette « production » n’est pas menacée ou tant qu’elle est gratuite, ce qui est scandaleux pour le capital financier. Il a bien compris que, puisqu’il y avait menace et risque d’épuisement de ces services, il y avait une opportunité de faire payer, pour peu que des droits de propriété soient instaurés et qu’on définisse des unités de services échangeables.

    En plus, nous dit-on, ce serait une très bonne chose pour les pays et les peuples du Sud qui ont tant de services à proposer via leurs immenses ressources de forêts, de biodiversité ou de terres arables. Comment faire ? Il faut découper la nature en « ateliers fonctionnels » - à l’opposé de la logique des écosystèmes - chacun produisant un service mesurable et monnayable, avec des droits de propriété et des contrats de fermage ou de métayage pour ceux qui « produisent » ces services, et avec bien entendu des rentes pour les propriétaires ayant acquis les droits. Et il faut créer de toutes pièces d’abord un marché de ces services, puis des marchés dérivés pour qu’on puisse spéculer sur ces cours nouveaux.

    Les plus sophistiquées de ces inventions reposent sur des produits financiers liés à des emprunts hypothécaires gagés sur l’environnement. C’est plus ou moins le modèle des subprimes. Ces emprunts hypothécaires sont proposés à des communautés locales du Sud, pauvres en ressources économiques mais riches en ressources naturelles. Ces communautés peuvent par exemple contracter des micro-crédits à condition qu’elles gèrent bien leur environnement naturel (selon des normes techniques imposées de l’extérieur, et si possible avec des OGM ou d’autres innovations brevetées…), avec l’aide de consultants eux aussi bien rémunérés. Ses promoteurs ne disent pas ce qui adviendra si les débiteurs sont dans l’impossibilité de rembourser, comme ce fut le cas dans la crise des subprimes. C’est ce que les auteurs du très instructif La nature n’a pas de prix (Geneviève Azam et Maxime Combes), à qui j’ai emprunté ce paragraphe et certaines autres idées, appellent « la financiarisation de la nature ».

    Source : Blog de Jean Gadrey

    Image : PCF Grésivaudan


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  • Délire industriel

    Une usine à vaches qui produit de l’électricité veut s’installer en Picardie

    Par Agnès Rousseaux (22 juin 2012)

    Cela devait arriver : un entrepreneur du BTP s’est lancé dans un projet de méga ferme industrielle, en Picardie. Un millier de vaches entassées dans des hangars produiront, d’un côté, du lait, et alimenteront de l’autre une centrale électrique avec leurs excréments. Les habitants et la Confédération paysanne se mobilisent contre cette aberration qui signe la fin du monde paysan.

    Une ferme usine de 1 000 vaches laitières et 750 veaux ! C’est le projet que veut mettre en place un industriel du BTP (bâtiments et travaux public), au cœur de la Picardie. Cela deviendra la plus grande exploitation laitière de France : la taille moyenne des élevages est aujourd’hui de 44 vaches. Seuls 2% des élevages comptent plus de 100 vaches. Bref, du bon lait frais en perspective...

    Cette véritable usine à lait sera couplée à une unité de méthanisation de grande puissance : une centrale qui produira de l’électricité (1,5 MégaWatts) grâce au méthane issu de la décomposition des matières organiques, dont les bouses de vaches. Budget de cette méga-ferme ? Entre 5 et 6 millions d’euros pour la partie laitière et 6 à 7 millions pour l’unité de méthanisation. Le projet est porté par une société civile d’exploitation agricole (SCEA Côte de la Justice), piloté par l’entrepreneur Michel Ramery.

    Le projet a été présenté en 2011 à la population locale, qui se mobilise depuis pour le faire interdire. Les opposants s’indignent du manque de concertation : « Pendant l’enquête publique quatre énormes classeurs difficiles à étudier et d’apparence très technique ont été soumis à la population locale », souligne l’association Novissen (Nos villages se soucient de leur environnement), en pointe du combat contre le projet.

    Des vaches parquées et entassées

    En février, l’enquête publique a débouché sur un avis favorable. Le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) a donné son aval en avril. Pourtant le méthaniseur fonctionnera avec les lisiers et les boues des stations d’épuration, récoltés dans un rayon de 110 km, explique Novissen. « Il faudra 2 700 hectares pour épandre les 40 000 tonnes annuelles de boues résiduelles issues de ce méthaniseur. Vingt-quatre communes sont déjà concernées ».

    Les riverains craignent le va-et-vient incessant des camions, la dégradation des routes, et de gros problèmes environnementaux dans cette zone située à dix kilomètres de la baie de Somme, toute proche d’un site Natura 2000. Les bovins seront élevés « en stabulation » : entassés comme des volailles en batterie, dans des bâtiments agricoles. Surface disponible : 7 m² par vache. Avec des risques de propagation de virus et maladie décuplés...

    « Ce type d’implantation signe la fin du monde paysan : avec ce modèle, combien d’élevages laitiers seront encore nécessaires en France en 2020 ? Le calcul est simple : 2 500 à la place de 70 000 ! », dénonce la Confédération paysanne, qui s’inquiète de la généralisation de telles initiatives. « L’entreprise souhaiterait à terme créer une trentaine de projets similaires. La libéralisation des quotas laitiers n’est pas anodine dans l’avènement de ces nouveaux projets. » De quoi reconfigurer totalement l’agriculture française.

    Le préfet doit donner prochainement son avis sur le projet. En attendant, les manifestations se multiplient dans la région. Une pétition a recueilli plus de 20 000 signatures. Un rassemblement est prévu ce 23 juin à Amiens.

    Agnès Rousseaux

    Photo : CC source

    http://www.bastamag.net/article2502.html


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  • PAUL CRAIG ROBERTS, Counterpunch

    20 juin 2012 .

    Grâce au livre qu’elle a écrit en 1962, Printemps silencieux, Rachel Carson a réussi à faire interdire le DDT et d’autres pesticides chimiques, ce qui a sauvé la vie de nombreux oiseaux. Aujourd’hui ce sont les humains qui sont directement menacés par des technologies destinées à permettre aux entreprises privées de tirer le plus de profit possible des ressources naturelles au moindre coût possible pour elles mais avec un coût social très élevé.


    Autrefois abondante, l’eau potable est devenue rare aujourd’hui. Et malgré cela, aux Etats-Unis, on continue de polluer les eaux de surface et les nappes phréatiques et de rendre l’eau inutilisable par la décapitation minière des montagnes, la fracturation hydraulique et autres "technologies nouvelles" de ce genre. Les ranchers du Montana oriental, par exemple, sont obligés d’arrêter leur activité parce que l’eau est polluée.

    L’exploitation du pétrole off-shore et la contamination marine par les produits chimiques utilisés dans la culture ont détruit la pèche dans le golfe de Mexico. Dans d’autres endroits du monde, les explosifs utilisés pour améliorer le rendement de la pèche sur le court terme ont détruit les récifs de corail nécessaires à la reproduction des poissons. La déforestation au profit d’une production agricole à court terme a eu pour conséquence de remplacer des forêts tropicales riches en biodiversité par des déserts. La "génération du tout, tout de suite" laisse aux futures générations une planète privée de ressources.

    Les installations nucléaires sont construites sans précaution dans des zones de tremblement de terre ou de tsunami. Les gaines radioactives sont stockées dans les centrales, ce qui augmente le potentiel destructeur d’un accident ou d’une catastrophe naturelle.

    La nouvelle menace vient des graines génétiquement modifiées qui engendrent des plantes résistantes aux herbicides. L’ingrédient actif de l’herbicide Roundup de Monsanto est le glyphosate, un élément toxique qui contamine actuellement les eaux espagnoles et qu’on "retrouve désormais assez fréquemment dans les pluies et les fleuves du bassin du Mississipi", selon l’Organisme de Surveillance Géologique des Etats-Unis.

    En 2011, Don Huber, un pathologiste des plantes et un microbiologiste des sols a écrit au secrétaire de l’agriculture étasunien pour l’informer des conséquences des OGM et des herbicides qui les accompagnent. Il a décrit leurs effets négatifs sur les oligo-éléments, la fertilité des sols et la valeur nutritive de la nourriture. Il a signalé la dégradation des voies métaboliques qui empêche les plantes d’accumuler et de stocker les minéraux comme le fer, le manganèse et le zinc, des minéraux importants pour le fonctionnement du foie et la protection immunitaire des animaux et des humains. Il a décrit leurs effets toxiques sur les microorganismes du sol : en détruisant les équilibres naturels de la nature, ils provoquent une grande augmentation des maladies des plantes. Il a signalé les pertes en cheptel dues au botulisme, le vieillissement prématuré des animaux et l’augmentation de l’infertilité des animaux et des êtres humains.

    Dans un interview, Huber a expliqué que le pouvoir de l’industrie agricole fait obstacle à la recherche sur les OMG et que les agences de régulation qui ont la responsabilité de protéger le public se servent des études réalisées par cette même industrie et ne bénéficient d’aucune information objective indépendante sur laquelle fonder leurs décisions.

    Bref, pour faire quelques années de récoltes pharamineuses, on détruit la fertilité des sols, des animaux et des êtres humains.

    Cela fait longtemps que l’homme détruit la planète. Dans son livre fascinant, 1493, Charles C. Mann décrit les effets négatifs sur l’environnement, les gens et les civilisations de la mondialisation depuis Christophe Colomb. Il parle de la propagation des maladies des plantes et des personnes dans le monde entier, de la déforestation, de la destruction des peuples et des empires, et de l’impact sur la Chine lointaine de l’argent espagnol extrait des mines du nouveau monde.

    Mann nous donne une leçon d’histoire sur les conséquences involontaires et imprévisibles des actions des élites et de leurs subalternes. Les impôts chinois correspondaient à une certaine quantité d’argent mais l’importation de l’argent espagnol a fait baisser le cours de ce métal et les revenus du gouvernement chinois sont devenus insuffisants.

    Un gouvernement ou une dynastie postérieure a fait partir les Chinois des côtes pour empêcher les pirates de se ravitailler. Les millions de personnes déplacées ont détruit les forêts qui couvraient les montagnes pour les remplacer par de la culture de subsistance en terrasses. A cause de la déforestation, les eaux ont emporté les terrasses, et même les récoltes, vers les vallées fertiles. Et les inondations sont devenues l’obstacle majeur à la production de nourriture de la Chine.

    Les premiers esclaves ont été les natifs du nouveau monde conquis mais les "Indiens" n’ont pas résisté aux maladies importées par les Européens. Les blancs européens ont constitué la seconde vague d’esclaves, mais les Européens n’ont pas résisté à la malaria et à la fièvre jaune. Et donc finalement ce sont les noirs qui ont été réduits en esclavage car ils étaient immunisés contre la malaria et la fièvre jaune. C’est ainsi qu’une main d’oeuvre noire capable de survivre dans cet infect environnement a créé de nouvelles zones humides pour planter de la canne à sucre, des zones humides dans lesquelles les moustiques de la malaria et de la fièvre jaune ont prospéré. Mann, bien sûr, décrit simplement ce qui s’est passé, il ne justifie pas l’esclavage des noirs ou de qui que ce soit.

    Mann montre que l’humble moustique a eu une grande influence sur l’histoire américaine. Le Ligne Mason-Dixon sépare la Côte Est en deux zones, le Sud où les maladies inoculées par les moustiques représentaient une menace endémique et le nord où il n’y avait pas de malaria. Dans le Sud, une personne qui ne mourait pas dans l’enfance était immunisée. Ce qui n’était pas le cas des Nordistes.

    Ceci a eu d’énormes conséquences au moment de l’invasion du Sud par les armées nordistes. Selon Mann, "la maladie a tué deux fois plus de soldats de l’Union que les balles ou les obus des Confédérés. Au cours des étés 1863 et 1864, le taux d’infection moyen de ce qu’on appelait alors "des fièvres intermittentes" s’est élevé à 233 %. La maladie terrassait le soldat nordiste moyen à plusieurs reprises. Elle a tellement affaibli les soldats qu’ils mouraient de dysenterie, de lèpre ou d’infections causées par des streptocoques.

    Le moustique s’est révélé l’allié le plus puissant du Sud et à cause de lui, la guerre s’est tellement prolongée malgré la grande supériorité numérique des forces de l’Union que Lincoln a été forcé de prendre une décision à laquelle il n’était pas particulièrement favorable, à savoir l’émancipation des esclaves. De sorte que, écrit Mann, on peut en conclure sans exagérer que les noirs ont été libérés par le moustique de la malaria, le même moustique qui avait présidé au choix des noirs comme esclaves.

    Mann montre que, longtemps avant la naissance du capitalisme, la cupidité poussait les hommes à traiter leurs congénères avec barbarie. Il montre aussi que les décisions politiques, qu’elles soient prises par cupidité ou en fonction de l’intérêt général ont toujours des conséquences inattendues. Son analyse aux multiples facettes illustre le vieil adage : "Les meilleurs plans des souris et des hommes vont souvent de travers."

    La colonisation du nouveau monde par l’ancien a décimé les peuples du nouveau monde, mais le nouveau monde a été vengé par le mildiou qui a attaqué les pommes de terre en Europe et l’inflation qui s’est développée en Espagne et en Europe.

    La destruction de l’environnement a été surtout la conséquence de la déforestation et des inondations consécutives qui ont emporté les sols. Avant les technologies et les produits chimiques toxiques modernes, la planète survivait à l’homme.

    Aujourd’hui les perspectives d’avenir de la planète ne sont plus les mêmes. La population humaine est beaucoup plus importante que par le passé, ce qui met une grande pression sur les ressources, et les conséquences désastreuses des nouvelles technologies sont inconnues au moment où elles sont utilisées d’autant plus qu’on ne voit alors que les avantages qu’on en attend. Qui plus est ce ne sont pas les entreprises, firmes et autres multinationales qui subissent leurs effets négatifs et en paient le prix. C’est l’environnement et le reste de l’humanité et de la vie animale. Ces coûts-là se sont pas pris en compte dans les calculs de retour sur investissement des entreprises. Le coût externe de la fracturation hydraulique, de la décapitation minière des montagnes, des produits chimiques agricoles et des OMG pourrait être supérieur au prix des produits et services commercialisés.

    Les entreprises n’ont aucune envie de tenir compte de ces coûts puisque cela diminuerait leurs profits et pourrait révéler que le coût total de production est bien supérieur à son prix de vente. Les gouvernements se sont montrés largement incapables de contrôler les coûts externes parce qu’ils sont sous l’influence d’intérêts privés. Et même si un pays parvenait à intégrer ces coûts, les autres pays profiteraient de la situation. Les multinationales qui externalisent une partie de leurs coûts vendraient moins cher que celles qui internalisent tous les coûts de leur production. C’est ainsi que la planète est en passe d’être détruite pour le profit à court terme et le confort d’une seule génération.

    La leçon essentielle qui émerge du livre passionnant de Mann, c’est que les gens d’aujourd’hui n’ont pas une meilleure compréhension des conséquences de leurs actions que les peuples superstitieux et dénués de données scientifiques des siècles passés. L’homme technologique moderne se laisse aussi facilement embobiner par la propagande que les hommes d’autrefois par la superstition et l’ignorance.

    Si vous ne croyez pas que les peuples des civilisations occidentales vivent dans une réalité artificielle fabriquée par la propagande, regardez ce documentaires sur les psyops (opérations psychologiques, ndt). Le documentaire est bien fait à part une ou deux prises de position à sens unique sur des questions mineures. Il insiste un peu trop sur la responsabilité des riches et oublie de dire, par exemple, que Staline qui ne cherchait pas à devenir milliardaire se servait beaucoup de la propagande. Tous les riches ne sont pas contre le peuple et les milliardaires Roger Milliken et Sir James Goldsmith ont combattu la délocalisation et le mondialisme qui augmentent l’impuissance des peuples et le pouvoir des élites. Tous les deux ont défendu le peuple en pure perte.

    Le documentaire reproche aussi à la Constitution de limiter la participation du peuple au gouvernement mais ne dit pas que la Constitution restreint le pouvoir du gouvernement et garantit les libertés civiles en faisant de la loi un bouclier pour le peuple et non une épée aux mains des gouvernants. Ce n’est pas de la faute de la Constitution ni de celle de son père fondateur, James Madison, si le peuple étasunien a succombé à la propagande de Bush ou d’Obama et a renoncé à ses libertés civiles en échange de la "protection sécuritaire" contre les "terroristes musulmans".

    Le documentaire montre que la propagande est une forme de contrôle des esprits et le problème des Etats-Unis c’est bien que les esprits y soient sous contrôle.

    En 1962 Rachel Carson a pris Monsanto par surprise et a réussi à se faire entendre. Aujourd’hui elle n’aurait pas la même écoute. Des psyops préparés à l’avance seraient prêts à entrer en action pour la discréditer. Je viens de lire un article d’un économiste qui a écrit que des économistes avaient qualifié l’environnementalisme de religion, autrement dit de système de croyances sans bases scientifiques qui prêche des "valeurs religieuses". Cela prouve le peu d’importance que les économistes attachent aux coûts externes et montre qu’ils ne croient pas que les coûts externalisés soient susceptibles de détruire la puissance productive de la planète. C’est pourquoi la question : "Un printemps silencieux nous attend ?" n’est pas une question rhétorique. C’est bien ce qui nous attend.

    PAUL CRAIG ROBERTS a été rédacteur en chef du Wall Street Journal et il est secrétaire adjoint au Trésor étasunien. Il a écrit : HOW THE ECONOMY WAS LOST, qui a été publié par CounterPunch/AK Press. Son dernier livre : Economies in Collapse : The Failure of Globalism, a été publié en Europe en juin 2012.

    Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/2012/06/20/silent-spring-for-us/

    Traduction : Dominique Muselet pour LGS

    URL de cet article 17047
    http://www.legrandsoir.info/vers-un-printemps-sans-oisaux.html

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    « Ça devient fou ! Doux va garder sa fortune tandis que c'est l'ensemble des salariés va payer. »Trois semaines après le placement en redressement judiciaire, les syndicats CGT, CFDT, CFTC et FO sont unanimes : il est urgent de préserver les sites et les emplois du groupe. Un emploi déjà bien fragilisé à Châteaulin, où les salariés ont appris mardi l'arrêt de l'équipe de nuit, soit la demande de chômage partiel pour 57 personnes, CDI, CDD et cadre confondu.

    À Quimper, l'activité saucisse de Père Dodu a cessé de fonctionner depuis cinq jours maintenant. « On travaille au jour le jour. C'est invivable pour les salariés », alerte Jean-Luc Guillart (CFDT). D'autant plus invivable que « des commissaires priseurs se sont rendus sur tous les sites de Père Dodu pour faire l'inventaire des actifs de Charles Doux ces dernières semaines. »

    La filière avicole menacée

    « Du fait du dépôt de bilan et de l'absence de perspectives financières à terme, les éleveurs exigent désormais d'être rémunérés dès l'arrivée des poussins, comme les fournisseurs exigent d'être réglés à la livraison. Si des garanties rapides ne sont pas trouvées, les poussins prévus pour les éleveurs seront détruits et auront comme conséquence la fin de l'approvisionnement des chaînes d'abattages plongeant à nouveau le groupe dans de nouvelles difficultés », pointe encore la CGT, pour illustrer l'effet « domino » pour toute la filière avicole.

    Bien au-delà des 3 400 salariés du groupe Doux. Pour Nadine Hourmant (FO), rien de moins qu'une « mort à petit feu, car nous n'avons plus de quoi travailler ».

    Samedi, 15 h, manifestation de soutien aux salariés du groupe Doux et à la filière avicole en Bretagne, place de la Résistance à Châteaulin.


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