• Par Yves Dimicoli, responsable du secteur financier et économique ( PCF )

     À crise systémique réponses systémiques, Les tentatives de réponses capitalistes aux défis des révolutions informationnelle, écologique, démographique et monétaire préparent le risque d'un nouvel éclatement du surendettement et de la suraccumulation beaucoup plus grave encore qu'en 2008.

     

    Depuis le grand tournant de 2008-2009, les États interviennent massivement et leurs dirigeants mettent en avant des projets de transformation qui peuvent apparaître d'ampleur. Cela reste toutefois très limité car on vise, par- dessus tout, à respecter les intérêts établis, à répondre aux exigences de rentabilité financière des capitaux dominants et aux injonctions des marchés financiers, d'où une exacerbation des antagonismes. Déjà, en zone euro, les essais successifs de règlement de la « crise des dettes souveraines » brisent la demande, font rechuter la croissance et repartir, sans cesse, la spéculation.

    Elles rationnent les dépenses, redoublent dans l'endettement sur les marchés financiers et le refinancement bon marché des banques sans changement des critères du crédit.

    Elles alignent l'Europe derrière les exigences allemandes en sanctuarisant le pouvoir de création monétaire de la BCE au service de la finance.

    Mais, au delà, grandissent les risques d'effondrement des bons du trésor des États-Unis et du dollar et, dans leur sillage, d'une remontée des taux d'intérêt à long terme. Cela précipiterait d'autant plus l'économie planétaire dans la dépression qu'éclateraient aussi les surinvestissements dans l'industrie, dans les pays émergents notamment. Dépasser les marchés du capitalisme mondialisé

     

    C'est dire le besoin de commencer à rompre pour un nouveau type de croissance et de développement.

     

    Pour sortir de la crise systémique, il faut des réponses de portée systémique tendant à maîtriser et commencer à dépasser tous les marchés du capitalisme mondialisé, au lieu de chercher à les « réguler » ou « moraliser ».

     

    Il s'agit, d'abord, du marché du travail avec l'avancée vers un système de sécurité d'emploi ou de formation par des mesures progressives contre la « flexisécurité »: reclassement choisi des salariés licenciés, nouveaux contrats de travail sécurisés, gros progrès de l'indemnisation et du retour à l'emploi des chômeurs, généralisation des mises en formation avec conservation du salaire, affiliation de chacun-e à un service public d'emploi et de formation dès la fin de la scolarité, conférences nationales et régionales pour des objectifs chiffrés annuels d'emploi et de formation avec les moyens nécessaires pour les réaliser... Ce système, une fois achevé, assurerait à chacun-e soit un emploi de qualité, soit une formation correctement rémunérée afin de pouvoir accéder à un meilleur emploi choisi, avec une continuité ascensionnelle des droits et revenus.

    Cette rotation entre emploi et formation, tout le long de la vie active de chacun-e, permettrait de métamorphoser le travail, de réduire son temps et son rapport au temps « hors travail », de progresser vers l'éradication du chômage et un dépassement du salariat lui-même.

     

    Avec un grand élan novateur des principes de mutualisation de la protection sociale et un essor considérable des services publics, tous les temps de la vie de chacun-e pourraient être sécurisés.

     

    Maîtriser les marchés monétaires et financiers

    Cela concerne deux grands enjeux.

    Le premier consiste à promouvoir un nouveau crédit bancaire pour les investissements matériels et de recherche. Il serait sélectif, avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés, jusqu'à être nuls, voire négatifs, que seront créés de bons emplois et de bonnes formations. Au plan institutionnel, cela va de la création de Fonds publics régionaux de prise en charge de tout ou partie des intérêts du crédit, à la constitution, au niveau national, d'un pôle financier public à partir des organismes publics (CDC, la Banque postale, Oséo...) et avec des banques nationalisées. Cela concerne, aussi, le niveau européen, avec un refinancement des banques ordinaires par la BCE modulé pour encourager le développement du nouveau crédit. Au-delà, il y a la visée d'une monnaie commune mondiale, alternative au dollar, à partir des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international qu'il faut transformer radicalement, de concert avec la Banque mondiale.

    Le second enjeu concerne la prise systématique de dettes publiques par la création monétaire de la BCE et par le FMI transformé.

     Il s'agit non seulement de casser les reins à la spéculation sur ces dettes et d'organiser des re-négociations, mais aussi de financer une grande expansion des services publics nationaux et de leurs coopérations via un « Fonds social, solidaire et écologique de développement européen » démocratique, au lieu du pacte de stabilité. Maîtriser les productions

    Troisième marché à maîtriser, celui des productions. Il s'agit d’inventer de nouveaux critères de gestion d'efficacité sociale des entreprises pour que reculent les gâchis de capitaux, progressent toutes les capacités humaines, avancent d'autres modes de production et de consommation.

     

    Cela appelle des droits nouveaux des travailleurs et de leurs organisations pour faire prévaloir des propositions aptes à sécuriser l'emploi, la formation, les salaires, l'environnement, en sollicitant les institutions de crédit, en cherchant, face aux problèmes de compétitivité, à faire baisser les coûts du capital (intérêts et dividendes) et non les « coûts du travail ».Il s'agit aussi d'accroître les participations publiques dans les entreprises et de promouvoir de nouvelles entreprises publiques et socialisées visant, avec une planification stratégique, une cohérence nouvelle des filières industrielles et de services.

     

    Enfin, il faut maîtriser le marché mondial avec le remplacement de l'OMC par une institution organisant les coopérations nécessaires à la maîtrise du commerce mondial, au recul des dissymétries qui encouragent délocalisations et dumping social, pour un co-développement.

    Cela exige aussi de promouvoir des services et biens communs publics mondiaux comme l'environnement, l'eau, l'alimentation, l'énergie, les transports, la culture, la monnaie... toutes choses qui, en articulation avec l'avancée de nouvelles valeurs et une convergence des luttes contre toutes les dominations, feraient cheminer vers une autre civilisation.

     

     *Yves Dimicoli est responsable du secteur Économie, Finances du PCF.


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  • Ce texte est la traduction d’une interview de Mario Draghi, président de la BCE, et d’un article du Wall Street Journal (WSJ) des 23 et 24 février.

    Ces traductions ont été réalisées par Valérie Courteau (que je remercie ! Autres traducteurs bienvenus !) pour www.les-crises.fr.

    L’interview de Mario Draghi par le WSJ

    Questions & Réponses : au Président de la BCE, Mario Draghi

    Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, a accordé une interview à Brian Blackstone, Matthew Karnitschnig et Robert Thomson, du Wall Street Journal, le 22 février, sur l’importance de l’austérité en Europe, le plan de sauvetage de la Grèce et la récente décision de la BCE de refuser toute perte sur son portefeuille obligataire grec.

    Wall Street Journal : Combien de tours de batte [O.B. : = image empruntée au baseball ; en français on parlerait de manches ou de mi-temps] faudra-t-il avec la Grèce avant que nous sachions si nous en sommes enfin à la résolution qui mettra fin à toutes les résolutions?

    Mario Draghi : Je ne connais pas le baseball. Mais si nous n’avions pas finalisé ce package, on aurait cessé de jouer. Donc, ce pourrait être le début d’un nouveau monde pour la Grèce où les problèmes de financement en suspens ont été réglés. Maintenant, les réformes devront être adoptées. Le gouvernement grec a pris des engagements très sérieux en termes de politique fiscale et dans le domaine des politiques structurelles. Mais il y a des risques concernant leur mise en œuvre et à cause des élections qui approchent. L’Eurogroupe a calculé des probabilités raisonnables de réussite du programme si les mesures, en particulier les mesures structurelles, sont entreprises.

    Aussi on peut voir qu’il y a une prise de conscience différente dans l’opinion publique grecque, dans la mesure où ce qui se passe est douloureux, mais nécessaire. Les personnes, qui sont favorables au défaut, à l’inflation ou encore à la sortie de l’euro ne semblent pas largement majoritaires en Grèce.

    WSJ. : Pensez-vous que la phase aiguë de la crise est passée? Nous n’avons pas observé cette semaine, lorsque la transaction a été décidée, le genre d’exaltation que nous avions pu remarquer avec les plans précédents.

    M.D. : Il est difficile de dire si la crise est terminée. Penchons-nous sur les changements positifs des derniers mois. Il y a une plus grande stabilité des marchés financiers. De nombreux gouvernements ont pris des décisions concernant l’assainissement budgétaire et les réformes structurelles. Nous avons un pacte budgétaire où les gouvernements européens commencent à se libérer de la souveraineté nationale dans l’intention commune d’être ensemble. Le système bancaire semble moins fragile qu’il ne l’était il y a un an. Certains marchés obligataires ont rouvert leurs portes.

    Mais la reprise se déroule très lentement et reste sujette aux risques baissiers. Je suis surpris aussi qu’il n’y ait pas d’exaltation après l’adoption du package, ce qui signifie sans doute que les marchés veulent voir la mise en œuvre des mesures politiques.

    WSJ. : Quand vous regardez le descriptif des risques du package et l’accord, quel est le plus grand risque ? Celui découlant de la rue grecque, ou celui résultant d’une absence de croissance en Grèce?

    M.D. : En fin de compte il semble que le plus grand risque soit le manque de mise en œuvre. Certaines mesures visent directement à améliorer la compétitivité et la création d’emplois. D’autres prévoient une consolidation budgétaire radicale. Les deux sont très complémentaires pour assurer un retour à la croissance après la contraction inévitable de l’activité économique.

    WSJ. : Mais certaines personnes [sic.] disent que Grèce souffre vraiment de conditions similaires à la dépression, avec un écart de PIB de 15% ou 16% depuis le pic. Quel est votre point de vue sur ces politiques d’austérité dans la stratégie plus globale du moment, ce qui oblige à l’austérité à tous les niveaux de coûts afin de réduire les déficits budgétaires?

    M.D. : C’est effectivement une question d’ordre général sur l’Europe. Existe-t-il une alternative à l’assainissement budgétaire? Dans notre cadre institutionnel, les ratios dette/PIB étaient excessifs. Il n’y avait pas d’alternative à l’assainissement budgétaire, et nous ne devrions pas nier que c’est récessif à court terme. À l’avenir, il y aura ce que l’on appelle la voie de confiance, qui va réactiver la croissance, mais ce n’est pas quelque chose qui se produit immédiatement, et c’est pourquoi les réformes structurelles sont si importantes, parce que la contraction à court terme ne sera remplacée par une croissance durable à long terme que si ces réformes sont en place.

    WSJ. : L’austérité signifie des choses différentes, alors qu’est-ce qu’une bonne et qu’est-ce qu’une mauvaise austérité ?

    M.D. : Dans le contexte européen, les taux d’imposition sont élevés et les dépenses publiques se concentrent sur les dépenses courantes. Une “bonne” consolidation est celle où les impôts sont plus bas et les dépenses réduites du gouvernement portent sur les infrastructures et autres investissements.

    WSJ. : et la mauvaise austérité?

    M.D. : La mauvaise consolidation est en fait la plus facile à obtenir, parce que l’on pourrait produire de bons chiffres en augmentant les impôts et réduire les dépenses en capital, ce qui est beaucoup plus facile à faire que de couper dans les dépenses courantes. C’est la voie facile en un sens, mais ce n’est pas une bonne solution. Cela déprime la croissance potentielle.

    WSJ. : Quelles sont, selon vous les réformes structurelles les plus importantes?

    M.D. : En Europe ce sont d’abord les réformes des marchés des produits et des services. Et la seconde est la réforme du marché du travail qui prend des formes différentes selon les pays. Dans certains d’entre eux il faut rendre les marchés du travail plus flexibles également plus équitables que ce qu’ils le sont aujourd’hui. Dans ces pays, il existe un double marché du travail : très souple pour la partie jeune de la population, où les contrats de travail sont de trois mois, six mois, des contrats qui peuvent être renouvelés pendant des années. Le même marché du travail est très rigide pour la partie protégée de la population, où les salaires suivent l’ancienneté plutôt que la productivité. Dans un sens, les marchés du travail à l’heure actuelle sont injustes dans un tel contexte, car ils mettent tout le poids de la flexibilité sur la partie jeune de la population.

    WSJ. : Pensez-vous que l’Europe va devenir moins sociale que le modèle qui l’a définie?

    M.D. : Le modèle social européen est déjà mort, quand nous voyons les taux de chômage des jeunes qui prévalent dans certains pays. Ces réformes sont nécessaires pour accroître l’emploi, l’emploi des jeunes en particulier, et donc les dépenses et la consommation.

    WSJ. : L’emploi à vie …

    M.D. : Vous savez qu’il y a eu une époque où (l’économiste) Rudi Dornbusch avait coutume de dire que les Européens étaient si riches qu’ils pouvaient se permettre de payer tout le monde pour ne pas travailler. Ce temps est révolu.

    WSJ. : Avec la Grèce il y a eu beaucoup de concentration sur la réalisation des objectifs numériques. Maintenant, si vous prenez des pays comme le Portugal ou l’Espagne, s’ils parviennent à réaliser ces grandes réformes économiques structurelles, devraient-ils être aussi concentrés sur la satisfaction d’objectifs de déficit spécifiques?

    M.D. : Il n’y a pas de compromis possible entre les deux. L’assainissement budgétaire est inévitable dans la présente configuration, et il donne le temps nécessaire aux réformes structurelles. Faire marche arrière sur les objectifs budgétaires serait provoquer une réaction immédiate du marché. Les spreads souverains et le coût du crédit vont augmenter. Nous avons tous connu cela.

    WSJ. : Pensez-vous que le Portugal aura besoin d’un autre plan de sauvetage?

    M.D. : Non, nous considérons que le programme est sur la bonne voie.

    WSJ. : Où voyez-vous le marché interbancaire aujourd’hui? Est-il guéri ? Est-il encore dysfonctionnel?

    M.D. : Ce que nous avons vu c’est qu’après la première opération de refinancement à plus long terme, le marché obligataire senior non garanti a rouvert. Dans les deux derniers mois, nous avions quelque chose comme 40 Md€ de nouvelles émissions, ce qui est aussi à peu près autant ou plus que dans les six derniers mois. Nous avons également vu 30 Md€ de nouvelles émissions d’obligations couvertes. Mais pour que les marchés interbancaires fonctionnent, nous avons besoin d’un retour à la pleine confiance en contrepartie. Nous pouvons régler les aspects de liquidité du problème. Mais c’est alors que les perspectives de croissance doivent prendre la relève. Après un quatrième trimestre très faible, l’activité économique dans la zone euro se stabilise progressivement à des niveaux faibles.

    WSJ. : Il semble pourtant aussi que le crédit s’est tari en Espagne, en Italie et ailleurs.

    M.D.: Notre dernière enquête sur le crédit bancaire a été effectuée entre le moment où la première LTRO (opération de refinancement à plus long terme) a été décidée et le moment où elle a été exécutée, et ne donne donc qu’une image partielle de ce qui se passe. Cette image n’a pas été positive. Le crédit était resserré sur toute la zone euro à des degrés divers d’intensité, et de façon plus spectaculaire dans les régions méridionales. Nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi. L’opération LTRO (en décembre) a atteint 490 Md€. Le retour des liquidités à court terme du système bancaire avant la LTRO était d’environ 280 Md€, de sorte que l’injection nette s’est seulement montée à 210 Md€. Et les obligations bancaires venant à échéance au premier trimestre étaient également d’environ 210 Md€. Par conséquent, il est probable que les banques ont tout simplement racheté leurs propres obligations venant à échéance. Nous avons évité un resserrement encore pire du crédit.

    WSJ. : Seriez-vous prêt à faire plus, ou plus d’opérations de refinancement en cas de besoin?

    M.D. : Vous savez comment nous répondons à ces questions. Nous ne prenons jamais d’engagement précoce.

    WSJ. : La BCE a protégé ses avoirs en obligations grecques en échangeant des obligations pour de nouvelles. Des analystes disent que la BCE devrait subir le même sort qu’ont subi les détenteurs d’obligations du secteur privé. Quelle est votre réaction à cela?

    M.D. : Le Programme de Marché des Valeurs mobilières (SMP) a acheté ces obligations parce que les canaux de transmission des politiques monétaires ont été brisés. L’achat de ces obligations a été effectué pour des raisons d’intérêt public. Aussi les gens ont tendance à oublier que cet argent de la BCE n’est pas de l’argent privé. C’est de l’argent public, ce sont des capitaux que la BCE s’est engagée à protéger, c’est l’argent des contribuables.

    WSJ. : Est-ce que cela réduit l’impact des futurs achats, ou êtes-vous prêts à réduire progressivement le SMP?

    M.D. : Le fonds de SMP sont de petite taille si on les compare à la taille des marchés obligataires européens, et les interventions sont devenus de plus en plus rares, ces derniers temps.

    WSJ. : Pouvez-vous exclure les restructurations de la dette à venir? Certains analystes disent qu’un pays comme le Portugal pourrait en avoir besoin.

    M.D. : Nous sommes confiants sur le fait que les pays de la zone prendront des mesures appropriées et que les objectifs de leurs programmes sont réalisables et réalistes.

    WSJ. : Il y a eu de nombreuses discussions quant à savoir si les Chinois vont s’impliquer, si la Chine va acheter des obligations. Que pensez-vous de la participation institutionnelle chinoise sur les marchés financiers européens?

    M.D. : Jusqu’ici, je ne vois aucune participation officielle sur les marchés financiers publics européens. Il y a eu beaucoup de discussions et de conversations. J’en entends parler, mais je n’ai vu aucun investissement officiel sur les marchés financiers européens.

    WSJ. : Au cours de la dernière année deux hauts responsables allemands de la BCE ont démissionné. Le président actuel de la Bundesbank s’est opposé à l’échange d’obligations et a parlé des risques associés aux opérations de refinancement à trois ans. Y a-t-il un risque que l’Allemagne soit isolée au sein de la BCE?

    M.D. : Le vote pour les opérations de refinancement à trois ans a été unanime. Étant donné la nature particulière de la BCE, l’un de mes objectifs est que nous ayons, tant que possible, un consensus. Nous devons faire les bons choix, et nous devons les faire ensemble.

    WSJ. : Quand on regarde la crise de la dette depuis l’extérieur, les gens voient toutes ces réunions de crise et même si l’Europe a beaucoup de richesses, elle ne semble pas être en mesure de canaliser l’argent et a s’en remettre trois fois au FMI. Que voulez-vous dire aux non-Européens ? L’Europe semble être un risque majeur et ne semble pas pouvoir résoudre ses problèmes toute seule.

    M.D. : Je n’aurai pas un point de vue si négatif. Beaucoup de choses ont eu lieu en Europe depuis un an et demi. L’Europe est composée de différents pays : des pays qui possèdent des conditions initiales de dette forte, des pays à faible croissance et des pays à faible dette et à forte croissance, et se pose alors la question fondamentale de savoir comment nous allons faire une union budgétaire. Nous ne pouvons pas avoir un système qui vous permette de dépenser ce que vous voulez, puis demander d’émettre une dette commune. Vous ne pouvez pas avoir un système où vous dépensez et où je paie pour vous. Avant de passer à une union financière, nous devons avoir en place un système où les pays peuvent montrer qu’ils peuvent se tenir debout seuls. Et c’est la condition sine qua non pour que les pays fassent confiance aux autres. Ce soi-disant traité budgétaire est en fait une réalisation politique majeure, car c’est le premier pas vers une union fiscale. Il s’agit d’un traité par lequel les pays vont se libérer de la souveraineté nationale [sic.] dans le but d’accepter des règles budgétaires communes qui sont particulièrement contraignantes, d’accepter la surveillance et d’accepter d’avoir ces règles inscrites dans leur Constitution afin qu’elles ne soient pas faciles à changer. Donc, c’est le début.

    WSJ. : Vous êtes en fonction depuis maintenant quatre mois. Y a-t-il quelque chose qui vous a surpris? Regrettez-vous d’avoir pris ce travail ?

    M.D. : Vous le dirais-je si c’était vrai ? Non, je ne regrette pas d’avoir pris ce travail. J’ai été membre du Conseil d’administration pendant six ans, alors certes cette nouvelle partie du poste est axée sur le mécanisme interne de la BCE. Mais des décisions de politique monétaire et les décisions connexes ont fait partie de mes fonctions, même avant, parce que nous avons partagé des décisions qui ont été prises dans le passé.

    WSJ. : Vos premiers mois à la tête de la BCE ont été marqués beaucoup d’activité. La BCE peut-elle faire beaucoup plus quand il s’agit de la stabilité financière et la croissance économique? A-t-elle fait à peu près tout ce que faire se peut?

    M.D. : Ce que je vais dire ne concerne que les futures décisions de politique monétaire. Par son mandat principal, la BCE fera tout son possible pour assurer la stabilité des prix à moyen terme et il est de la compétence du traité de favoriser la stabilité financière.

    WSJ. : Quelle est les premiers chiffres vous regardez le matin?

    M.D. : les marchés boursiers.

    WSJ. : Vous regardez le taux de change de l’euro?

    M.D. : Pas au petit matin.

    Source : Wall Street Journal

    dessin humour cartoon mario draghi

    Retour sur quelques phrases marquantes

    Mario Draghi est ce genre de personne qu’on qualifie volontiers de “technocrate”, de “technicien” “apolitique” – un saint homme défenseur du bien public et un partisan des mesures “courageuses” qui vont sauver un pays.

    Bien entendu, c’est rarement le cas, et on voit bien aussi le projet qui est défendu – sans grande surprise, les saints sont rarement passés par Goldman Sachs…

    Je trouve au passage “étonnant” cet acharnement a détruire nos modèles sociaux. Certes, ils doivent évoluer, mais bon, ils ont accompagné les 30 Glorieuses par la réduction des inégalités qu’ils ont permise. Et quand on a cassé en partie ce modèle, les inégalités ont augmenté, et l’économie est rentrée en crise. Je n’aime pas les conclusions trop faciles et hâtives, mais bon, de là à conclure que le modèle social est un handicap, c’ets faire montre d’une logique singulière…

    Verbatim :

    M.D. : C’est effectivement une question d’ordre général sur l’Europe. Existe-t-il une alternative à l’assainissement budgétaire? Dans notre cadre institutionnel, les ratios dette/PIB étaient excessifs. Il n’y avait pas d’alternative [O.B : AHHHH, enfin, le fameux TINA, « il n’y a pas d’alternative », circulez] à l’assainissement budgétaire, et nous ne devrions pas nier que c’est récessif à court terme. À l’avenir, il y aura ce que l’on appelle la voie de confiance, qui va réactiver la croissance [O.B. : Théorie classique de la « Lourdes School of Economics », dont Émile Coué et Sainte Rita sont les figures tutélaires], mais ce n’est pas quelque chose qui se produit immédiatement [O.B. : comptez quelques décennies quand même…], et c’est pourquoi les réformes structurelles sont si importantes, parce que la contraction à court terme ne sera remplacée par une croissance durable à long terme que si ces réformes sont en place.

    Une “bonne” consolidation est celle où les impôts sont plus bas [O.B. : « apolitique » le technocrate, on a bien dit…]

    M.D. : La mauvaise consolidation est en fait la plus facile à obtenir, parce que l’on pourrait produire de bons chiffres en augmentant les impôts et réduire les dépenses en capital, ce qui est beaucoup plus facile à faire que de couper dans les dépenses courantes. C’est la voie facile en un sens, mais ce n’est pas une bonne solution. Cela déprime la croissance potentielle. [O.B. : « apolitique » le technocrate, on a bien dit…]

    M.D. : Le modèle social européen est déjà mort [O.B. : il va être urgent de se mettre à croire en la résurrection... Qui ne tient qu'à nous... En revanche, c'est moi où il a oublié de dire que le financiarisme aussi était mort ? À force de fréquenter des banques zombies, il a dû oublier...]

    M.D. : En Europe ce sont d’abord les réformes des marchés des produits et des services. Et la seconde est la réforme du marché du travail qui prend des formes différentes selon les pays. Dans certains d’entre eux il faut rendre les marchés du travail plus flexibles [O.B. « flexible » = diminuer les droits des travailleurs, cela va sans dire…] et également plus équitables que ce qu’ils le sont aujourd’hui. Dans ces pays, il existe un double marché du travail : très souple pour la partie jeune de la population, où les contrats de travail sont de trois mois, six mois, des contrats qui peuvent être renouvelés pendant des années. Le même marché du travail est très rigide pour la partie protégée de la population, où les salaires suivent l’ancienneté plutôt que la productivité. Dans un sens, les marchés du travail à l’heure actuelle sont injustes dans un tel contexte, car ils mettent tout le poids de la flexibilité sur la partie jeune de la population. [O.B. heureusement, tout le monde va être flexible bientôt…]

    M.D.: Notre dernière enquête sur le crédit bancaire a été effectuée entre le moment où la première LTRO (opération de refinancement à plus long terme) a été décidée et le moment où elle a été exécutée, et ne donne donc qu’une image partielle de ce qui se passe. Cette image n’a pas été positive. Le crédit était resserré sur toute la zone euro à des degrés divers d’intensité, et de façon plus spectaculaire dans les régions méridionales. Nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi. [O.B. : = on a injecté en aveugle 200 Md€, et cela ne marche pas. Donc dans le doute, on recommence mercredi, mais en plus grand, pour être sûr…]

    dessin humour cartoon mario draghi

    L’article du WSJ : Âpres discussions des Banquiers Européens

    Draghi déclare que le modèle social du continent européen est « mort » et qu’il ne reviendra pas sur l’austérité

    Par Brian BLACKSTONE, Matthew KARNITSCHNIG et Robert THOMSON

    FRANCFORT – Le Président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a mis en garde les pays de la zone euro en difficulté au sujet du fait qu’ils ne pourront pas échapper aux mesures d’austérité et que le contrat social traditionnel du continent est obsolète, alors qu’il s’engageait dans un débat de plus en plus conflictuel sur la manière de faire face aux difficultés économiques et financières de la région.

    Dans une longue interview au Wall Street Journal, dans son bureau du centre-ville de Francfort, M. Draghi réfléchit à la manière dont les vicissitudes de la région ont poussé l’Europe vers une union plus étroite. Il a dit que le modèle d’Europe sociale tant vantée, qui met l’accent sur la sécurité de l’emploi et de généreux filets de sécurité – est “déjà obsolète”, en citant le chômage élevé chez les jeunes; en Espagne, il dépasse les 50%. Il demande instamment des réformes économiques pour stimuler la création d’emplois pour les jeunes.

    Il n’y a pas de solution miracle aux problèmes de l’Europe, a-t-il dit, ajoutant que les attentes de cash chinois, arrivant à notre rescousse, étaient irréalistes. Il a fait valoir au contraire que la poursuite des chocs économiques contraindrait les pays à des changements structurels des marchés du travail et d’autres aspects de l’économie, pour pouvoir retourner à la prospérité à long terme.

    “Vous savez qu’il y a eu une époque où [l'économiste] Rudi Dornbusch avait coutume de dire que les Européens étaient si riches qu’ils pouvaient se permettre de payer tout le monde pour ne pas travailler. Ce bon temps est fini», a déclaré M. Draghi.

    “Il n’y a pas de compromis possible” entre des réformes économiques et des mesures d’austérité budgétaires, a déclaré M. Draghi au cours de l’interview, sa première depuis que la Grèce a conclu son second plan de sauvetage.

    “Un retour arrière sur les objectifs budgétaires provoquerait une réaction immédiate des marchés”, poussant les taux d’intérêt à un niveau plus élevé.

    Les commentaires de M. Draghi arrivent au milieu d’un débat s’intensifiant en Europe quant à savoir si une plus forte austérité est la meilleure prescription pour les pays confrontés à une contraction économique substantielle et ils le placent carrément dans le camp de la ligne dure, aux côtés d’Angela Merkel et d’autres responsables allemands.

    Ces commentaires arrivent aussi dans un contexte de prévisions moroses au sein l’Union économique européenne qui montre la zone euro en risque de récession. Certains gouvernements, en revanche, ont bien résisté en mettant l’accent sur les réductions des dépenses, en faveur de hausses d’impôts, même si celles-ci peuvent étouffer l’entreprise. Accroître les taxes sur la consommation peut aussi augmenter l’inflation, ce qui rend plus difficile, pour la BCE, de maintenir des taux d’intérêt bas et de stimuler la croissance.

    Bien que M. Draghi se soit félicité du calme relatif qui s’est abattu sur les marchés de la dette européenne ces derniers mois, le crédit est demeuré rare, en particulier pour l’Europe du Sud en difficulté.

    Malgré l’immense richesse de l’Europe, il est allé demander des aides au Fonds monétaire international à trois reprises -pour la Grèce, le Portugal et l’Irlande et va y retourner pour demander une aide supplémentaire pour la Grèce. Des responsables de la zone euro ont appelé à l’aide les marchés émergents comme la Chine en proposant l’acquisition, par ces pays, de la dette de la zone euro ou des obligations émises par le plan de sauvetage.

    “Il y a eu beaucoup de discussions et de conversations. J’en entends parler, mais je n’ai vu aucun investissement officiel [de la Chine] dans les marchés financiers européens», a déclaré M. Draghi.

    La Grèce, en dépit de son dernier plan de sauvetage à  130 Md€, demeure un risque majeur, a-t-il dit. Alors qu’Athènes a décidé de réduire son endettement et de réformer son économie, les dirigeants du pays doivent maintenant montrer qu’ils tiendront leurs engagements et mettront les mesures en œuvre.

    “Il est difficile de dire si la crise est terminée”, dit-il.

    Le point de vue des responsables de la BCE sur les programmes d’austérité sera testé dans l’isoloir au cours des prochains mois. Grèce et France voient la tenue d’élections ce printemps, ce qui peut entraîner l’élection de nouveaux dirigeants moins disposés à embrasser pleinement la position de la banque.

    Un certain nombre de dirigeants européens, menés par le Premier ministre italien, Mario Monti, veulent réorienter les priorités de l’Europe loin des réductions de dépenses.

    M. Monti  et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, qu’il a rencontré à Rome jeudi, ont exhorté les pays de l’UE à travailler plus dur, à rendre leurs économies locales plus compétitives, comme moyen de favoriser la croissance et à contrecarrer les mesures d’austérité sévères.

    M. Draghi a fait valoir que l’austérité, couplée à un changement structurel, est la seule option pour la relance économique. Alors que les réductions des dépenses publiques nuisent l’activité à court terme, a-t-il dit, les effets négatifs peuvent être compensés par des réformes structurelles.

    Son opinion a été appuyée jeudi par la Commission européenne. Malgré la prévision d’une récession pour la zone euro cette année, la commission estime que les gouvernements en difficulté financière « devraient être prêtes à atteindre les objectifs budgétaires.”

    Mais les critiques ont fustigé l’objectif d’austérité forte de l’Europe, en disant que cet objectif entraîne la zone euro, laquelle représente environ un cinquième de la production mondiale, à stagner ou à se contracter, menaçant la reprise mondiale.

    L’affirmation de M. Draghi, selon laquelle des réformes peuvent compenser les effets négatifs de l’austérité, a également été accueillie avec un certain scepticisme. Éradiquer l’inefficacité des marchés du travail ou couper dans les bureaucraties gouvernementales fait baisser la croissance dans le court terme quels que soient les avantages à long terme, disent certains économistes.

    “C’est juste enrober de sucre le message», a déclaré Simon Johnson, ancien économiste en chef au Fonds monétaire international.

    “Une grande partie de ce discours sur la réforme structurelle est illusoire, au mieux, dans le court terme… mais c’est mieux que de dire que vous allez avoir environ 10 années terribles”, a-t-il dit.

    Dans l’interview, M. Draghi a défendu la décision de la BCE de protéger son portefeuille obligataire grec de 50 Md€ des pertes abruptes du secteur privé face aux porteurs d’obligations, dans le cadre d’un accord séparé entre la Grèce et ses créanciers d’effacer € 107 milliards de dettes. La BCE “s’est engagée à protéger l’argent des contribuables.”

    Jeudi,  le chef de la direction de Commerzbank AG, Martin Blessing, a critiqué la décote soi-disant volontaire des investisseurs privés détenant des obligations grecques dans un langage anormalement brutal, la qualifiant “de volontaire comme un aveu pendant l’Inquisition espagnole.”

    Sur d’autres questions liées à la crise de la dette de l’Europe qui dure depuis deux ans, M. Draghi – qui a pris la tête de la BCE il y a moins de quatre mois après avoir été à la tête de la Banque d’Italie pendant six ans, était plus optimiste. Après un quatrième trimestre faible, l’économie de l’ensemble de la zone euro se stabilise, a-t-il dit.

    Les gouvernements ont fait des progrès sur la réduction du déficit, pour rendre les économies plus compétitives. Les banques se sont stabilisées et les marchés obligataires ont réouvert. Le Portugal, que de nombreux analystes pensent être le suivant sur la liste, après la Grèce, pour un plan de sauvetage, n’aura pas besoin d’être secouru à nouveau, a déclaré M. Draghi.

    M. Draghi a reçu des éloges des investisseurs pour sa gestion de la crise ces derniers mois. Il a baissé les taux d’intérêt à des planchers record dos à dos avec des coupes budgétaires.

    La BCE a, en décembre, inondé les banques avec 489 Md€ en prêts à trois ans abordables, et a élargi les types de banques collatérales.

    Pris dans leur ensemble, les mouvements ont conduit à un rassemblement des marchés boursiers et a contribué à exiger un rendement baissier des obligations d’État de l’Italie et de l’Espagne, pays considérés comme essentiels pour empêcher que la crise de la dette de la Grèce ne se propage dans tout le bloc euro.

    Malgré les efforts de la BCE, cependant, le crédit s’est resserré dans toute la zone euro, en particulier dans les régions méridionales de la région. Les banques semblent avoir utilisé une part importante des prêts à trois ans pour racheter leurs propres obligations arrivant à échéance, a dit M. Draghi.

    La crise grecque a mis à nu un grand nombre des faiblesses structurelles dans la configuration de l’euro, qui est régi par une politique du taux d’intérêt unique et n’a pas encore de ministère des Finances commun pour orienter l’argent des pays riches vers les pays pauvres.

    M. Draghi, dont les commentaires sont intervenus avant la réunion des hauts fonctionnaires des finances du Groupe des 20 plus grandes économies développées et émergentes ce week-end, a rejeté les critiques disant que l’Europe ne peut pas avoir de prise sur la crise de sa dette. Les récentes mesures prises par les gouvernements pour créer des contrôles contraignants des déficits sont “une avancée politique majeure” et la “première étape” vers l’union budgétaire, a-t-il dit.

    Il a également fait fi des préoccupations de certains au sujet des mesures agressives de gestion de la crise par la BCE  qui éloigneraient de la banque centrale son membre le plus puissant, l’Allemagne. Deux hauts responsables de l’Allemagne à la BCE qui ont démissionné l’année dernière en opposition aux achats d’obligations d’État par la BCE, craignent que la banque centrale ait été d’une extrême prodigalité. L’actuel président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a averti des risques associés aux programmes de la BCE en matière de prêts généreux.

    “Un de mes objectifs est que nous ayons un consensus, autant que possible. Nous devons faire les bons choix, et nous devons les faire ensemble”, a déclaré M. Draghi. La décision de la BCE de prêter de l’argent aux banques pendant trois ans a été unanime, ce qui suggère qu’il n’y a pas autant de divisions au sein de la BCE que certains observateurs le pensent.

    Source : Wall Street Journal

    “Draghi enterre le modèle social européen”, l’analyse de Philippe Mabille pour Presseurop

    Alors que la BCE s’apprête à faire un nouveau chèque de 500 milliards d’euros aux banques, son patron a affirmé sans détour que, pour sortir de la crise, les pays surendettés n’ont pas d’autre choix que d’appliquer une politique de rigueur extrême. Des mots choquants, mais nécessaires, estime La Tribune.

    “Le modèle social européen est mort” ! Jamais un banquier central n’avait parlé avec autant de brutalité de la crise que nous traversons. Les propos tenus par l’Italien Mario Draghi, le successeur de Jean-Claude Trichet, dans le long entretien qu’il a accordé au Wall Street Journal vendredi 24 février, sont tellement violents, par ce qu’ils impliquent, qu’il n’aurait jamais pu les tenir ailleurs que dans la “bible” de la finance mondiale. Même Jean-Claude Trichet avait plus de précautions de langage quand il tentait d’expliquer aux peuples européens ce qui les attend.

    Pour Mario Draghi, ancien banquier de Goldman Sachs et nouvelle statue du Commandeur de la monnaie en Europe, sauver l’euro aura un prix élevé. Selon lui, il n’y a “pas d’échappatoire” possible à la mise en œuvre de politiques d’austérité très dures dans tous les pays surendettés et cela implique de renoncer à un modèle social fondé sur la sécurité de l’emploi et une redistribution sociale généreuse.

    Ce modèle sur lequel l’Europe a basé sa prospérité depuis la Seconde guerre mondiale a disparu (“has gone”), estime Mario Draghi qui rappelle aux journalistes du WSJ la formule de l’économiste allemand Rudi Dornbusch : “Les Européens sont si riches qu’ils peuvent se permettre de payer les gens pour ne pas travailler”.

    La Margaret Thatcher des temps modernes

    L’intervention du patron de la BCE pourrait sembler une provocation, quelques jours avant que la banque centrale ne renouvelle un deuxième chèque de 500 milliards d’euros aux banques qui viendront mercredi 29 février emprunter de l’argent au guichet illimité qu’elle a mis en place pour sauver l’euro. Comment échapper, avec de tels propos, à la critique montante selon laquelle le système est en train de sacrifier les peuples pour sauver les banques ?

    Les arguments mis en avant par Mario Draghi sont sans appel : tout recul sur les ambitions des programmes de désendettement publics provoquera une immédiate réaction des marchés qui pousseront les taux d’intérêt payés par les États à la hausse, rendant encore plus difficile, sinon impossible, le rétablissement des finances publiques. C’est ce qui est arrivé à la Grèce et a failli se produire au Portugal, en Espagne, en Italie.

    Les propos de Mario Draghi ne sont évidemment pas sans lien avec le calendrier électoral européen. En avril en Grèce, en mai en France, au printemps 2013 en Italie, les peuples vont voter pour choisir leur destin.

    En expliquant, à la façon d’une Margaret Thatcher des temps modernes, que quel que soit le résultat du vote, les gouvernements élus n’auront pas d’autre alternative que de poursuivre des politiques de rigueur extrêmes, de mener des réformes structurelles du marché du travail et de démanteler encore un peu plus leur modèle social, le président de la BCE affiche la couleur.

    Le choix des anciens de Goldman Sachs

    Et qu’on ne vienne pas lui dire que l’accalmie actuelle sur les marchés signifie que la crise est finie. La preuve que ce n’est pas le cas viendra mercredi 29 février, quand les banques viendront chercher auprès de la BCE le soutien sans lequel le système financier ne peut pas tenir.

    Sans la perfusion des banques centrales, aux États-Unis avec le Quantitative Easing [QE, réduction à presque zéro du taux directeur] de la Fed, en Europe avec l’opération de financement à long terme [LTRO] de la BCE, tout s’écroulerait ! Même la Chine en est réduite à soutenir ses banques en difficultés. Bienvenue dans le monde cruel du “QE world”.

    Par cette prise de position très dure, Mario Draghi appelle à une prise de conscience. Mieux vaut selon lui en passer par une purge sévère et des réformes structurelles tout de suite pour rétablir la confiance des marchés que de vivre dix années terribles sous leur pression.

    C’est le choix fait par Mario Monti en Italie, avec succès jusqu’à présent puisqu’en cent jours, cet autre ancien de Goldman Sachs a réussi a sortir son pays de l’œil du cyclone, en changeant comme jamais le visage de l’Italie. La leçon vaut [aussi] pour les autres pays.

    Philippe Mabille

    RÉACTION : Relancer le modèle social au lieu de l’abandonner

    La mort annoncée du modèle social européen est déplorable et vient mettre en péril le système financier et politique européen, écrit Die Wochenzeitung. En laissant les marchés financiers agir à leur guise et les taux d’intérêt à la merci des agences de notation, l’aide accordée à la Grèce est, pour l’hebdomadaire suisse de gauche, vouée à l’échec et “la prochaine aggravation de la crise une question de temps”.

    Celui-ci prône comme unique solution le rejet complet des demandes de la Troïka UE-BCE-FMI et le rétablissement de la souveraineté grecque sur son budget :

    Les objectifs devront être une pondération des niveaux de productivité et des salaires entre les pays. Une politique industrielle européenne dirigée vers une Europe écologique et solidaire serait nécessaire. La répartition patrimoniale et salariale entre les classes, mais également entre les pays de la zone euro, devrait être nivelée à travers une imposition plus forte des hauts salaires et fortunes. Le résultat serait une plus grande égalité devant l’impôt en Europe plutôt que seulement plus d’efficience en Grèce.

    Source : PressEurop

     

     Texte pris sur le blog d'Olivier Berruyer

     

     http://www.les-crises.fr:80/modele-social-draghi/


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  • dégage001

     

         Oui, l'INSEE tacle la droite sur le coût du travail en France, explique l'Humanité sur son site:

     

          Une étude de l’Institut montre que le coût unitaire du travail dans l’industrie manufacturière est identique en France et en Allemagne. L’une accumule les déficits, l’autre les excédents. De quoi remettre en cause le discours et les mesures du gouvernement sur la compétitivité et les baisses de charges salariales.

          Mardi, en présentant leur étude sur le coût du travail au sein de l’Union européenne à 15, les spécialistes de l’Insee ont, à partir de données objectives, vitrifié la campagne de Nicolas Sarkozy, de l’UMP et du Medef. En effet, les quatre points essentiels de l’argumentation des auteurs de l’étude, Bertrand Marc et Laurence Rioux, contredisent totalement leurs arguments.

          Les écarts de résultat économique:

          Si le coût horaire du travail dans le secteur privé est globalement plus élevé en France (32,19 euros) qu’en Allemagne (29,36), cela n’explique pas les écarts entre les deux pays en matière de résultat économique. Il apparaît en premier lieu que « le coût de la main-d’œuvre ne constitue qu’une partie de la compétitivité-prix, qui ne constitue elle-même qu’une partie de la compétitivité d’un pays », notent les auteurs. Ainsi, l’Allemagne est dans l’automobile la championne des exportations alors que le coût du travail dans cette industrie y est le plus élevé d’Europe. Il y est « supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros ». Cela n’empêche pas le secteur automobile de contribuer « dans une large mesure à la dégradation du solde commercial de la France ».

    Dans l’ensemble de l’industrie manufacturière, « la France et l’Allemagne sont au même niveau », pourtant la première affiche un déficit et la seconde un excédent dans ce domaine. À l’inverse, dans les services marchands, la France a un coût du travail plus élevé que l’Allemagne, et cela ne l’empêche pas d’être excédentaire.

          En second lieu, la charge du candidat président contre les 35 heures est balayée. « La diminution du temps de travail effectif, écrivent les rapporteurs, n’explique qu’environ 10 % de la hausse du coût horaire de la main-d’œuvre entre 1996 et 2008. »

          En troisième lieu, l’étude constate une « absence de lien significatif entre le niveau du coût horaire et le taux de charges au sein de l’ex-UE à 15 » et considère « qu’à moyen terme le taux de cotisations sociales employeurs n’est pas un déterminant du coût horaire ». Voilà qui ternit les vertus prêtées à la TVA prétendument sociale.

          Coût similaire en France et en Allemagne:

          Enfin, l’Insee en conclut que « le coût horaire de la main-d’œuvre est un facteur parmi d’autres du niveau de compétitivité d’un pays. (...) Un pays avec un coût de production élevé peut être plus compétitif qu’un autre avec un faible coût de production, si sa productivité est supérieure ». Aussi les auteurs s’intéressent-ils au final plus particulièrement au coût moyen de la main-d’œuvre par unité produite, appelé coût salarial unitaire, qui est égal au ratio entre le coût total de la main-d’œuvre et la production en volume, et prend donc en compte la productivité apparente du travail.

          Ils constatent que « dans l’industrie manufacturière, le coût salarial unitaire a baissé entre 1996 et 2008 dans un certain nombre de pays européens, dont la France, l’Allemagne, l’Irlande, la Suède » et que son évolution « dans l’industrie manufacturière est comparable en France et en Allemagne, avec un taux de croissance annuel moyen de respectivement - 0,5 % et de - 0,7 % », aboutissant à un coût similaire. On le voit, la campagne sur les coûts prend un sacré coup.

    Les précaires cumulent. L’Insee et la Dares, le service d’études du ministère du Travail, ont présenté hier également une grande étude sur « Les transformations des parcours d’emploi et de travail au fil 
des générations ». Thomas Coutrot, de la Dares, a indiqué 
qu’au fil des générations, des plus âgés aux plus jeunes, 
les carrières professionnelles sont affirmées de plus en plus instables, la pénibilité physique du travail est également perçue 
et le vécu du travail considéré comme se dégradant. À noter 
que ce sont les actifs ayant subi des itinéraires instables 
avec chômage ayant au plus trente-cinq ans qui ont la perception la plus sombre de leur passé professionnel.

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com


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  • Frédéric Lordon : « Un monde s'écroule sous nos yeux »


    la-revue-des-livres-logo-2011

    Frédéric Lordon est économiste. Il est directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE).


    Ses derniers ouvrages parus sont D’un retournement l’autre. Comédie sérieuse sur la crise financière. En quatre actes, et en alexandrins (Seuil, 2011), Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza (La Fabrique, 2010) et L’Intérêt souverain. Essai d’anthropologie économique (La Découverte, 2011)

     

    Dans ce grand entretien, Frédéric Lordon nous livre ses commentaires et analyses de la crise économique actuelle et de ses origines. Avec un ton incisif et un regard acerbe, il revient sur les causes et effets de la crise elle-même, mais commente également le traitement de l’économie par les médias, la place de l’économie au sein de l’institution universitaire, et l’éventuelle sortie de l’euro. Sonnant le glas du projet néolibéral, l’actualité est, nous dit-il, une occasion unique de changements profonds : un monde s’écroule sous nos yeux.

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  • Frédéric Lordon : « Un monde s'écroule sous nos yeux »


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    Frédéric Lordon est économiste. Il est directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE).


    Ses derniers ouvrages parus sont D’un retournement l’autre. Comédie sérieuse sur la crise financière. En quatre actes, et en alexandrins (Seuil, 2011), Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza (La Fabrique, 2010) et L’Intérêt souverain. Essai d’anthropologie économique (La Découverte, 2011)

     

    Dans ce grand entretien, Frédéric Lordon nous livre ses commentaires et analyses de la crise économique actuelle et de ses origines. Avec un ton incisif et un regard acerbe, il revient sur les causes et effets de la crise elle-même, mais commente également le traitement de l’économie par les médias, la place de l’économie au sein de l’institution universitaire, et l’éventuelle sortie de l’euro. Sonnant le glas du projet néolibéral, l’actualité est, nous dit-il, une occasion unique de changements profonds : un monde s’écroule sous nos yeux.

     


    RdL : Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui est en train d’arriver sous nos yeux, depuis au moins une trentaine d’années, depuis 2008, depuis quelques mois, ces dernières semaines ?


    Frédéric Lordon : C’est une leçon de choses historiques. Ouvrons bien les yeux, on n’a pas souvent l’occasion d’en voir de pareilles. Nous assistons à l’écroulement d’un monde et ça va faire du gravât. L’histoire économique, en tout cas celle qui a fait le choix de ne pas être totalement bornée – je veux parler d’auteurs comme Kindleberger, Minsky ou Galbraith – a depuis longtemps médité l’effrayant pouvoir de destruction de la finance libéralisée. Il fallait de puissants intérêts – très évidemment constitués – à la cécité historique pour remettre sur les rails ce train de la finance qui a déjà causé tant de désastres ; en France, comme on sait, c’est la gauche de gouvernement qui s’en est chargée.


    De sorte que, à la lumière de ces leçons de l’histoire, on pouvait dès le premier moment de la dérégulation financière annoncer la perspective d’une immense catastrophe, et ce sans pourtant savoir ni où, ni quand, ni comment exactement elle allait se produire. La catastrophe en question aura pris vingt ans pour survenir, mais voilà, nous y sommes. Notons tout de même qu’un scénario que certains avaient envisagé d’assez longue date considérait l’hypothèse de la succession de crises financières sérieuses, rattrapées mais, aucune des contradictions fondamentales de la finance de marché n’étant résolues, enchaînées selon un ordre de gravité croissante, jusqu’à la big one.


    Sous ce rapport, la première crise de la série n’aura pas pris un an pour se manifester puisque le grand krach boursier se produit en 1987… après le big bang de 1986. Puis elles se sont succédé à intervalle moyen de trois ans. Et nous voilà en 2007. 2007, n’est-ce pas, et pas 2010. Car le discours libéral n’a rien de plus pressé que de nous faire avaler l’idée d’une crise des dettes publiques tout à fait autonome, européenne dans son principe, et imputable à une fatalité d’essence de l’État impécunieux. Or le fait générateur est bien la crise de la finance privée, déclenchée aux États-Unis, expression d’ailleurs typique des contradictions de ce qu’on pourrait appeler, pour faire simple, le capitalisme de basse pression salariale, dans lequel la double contrainte de la rentabilité actionnariale et de la concurrence libre-échangiste voue la rémunération du travail à une compression continue et ne laisse d’autre solution à la solvabilisation de la demande finale que le surendettement des ménages.


    C’est cette configuration qui explose dans le segment particulier des crédits hypothécaires [plus connus sous le nom de subprimes] et qui va, en un an, déstabiliser tout le système financier étasunien, puis, interconnexions bancaires obligent, européen, jusqu’au moment Lehman. Là, on est au bord de l’effondrement total et il faut sauver les banques. Je dis « il faut sauver les banques », car la ruine complète du système bancaire nous ramène en cinq jours à l’équivalent économique de l’état de nature. Mais il ne s’agit pas de le sauver et puis rien !


    Or c’est ce que font tous les gouvernements, en se contentant à partir de 2009 d’annoncer des projets de re-régulation où le ton martial le dispute à l’innocuité. Trois ans plus tard, la re-régulation financière n’a pas quitté le stade velléitaire – ce qui est tout à fait regrettable car le système bancaire est encore plus vulnérable qu’en 2007, alors que point une crise d’un format très supérieur…


    Entre-temps, les banquiers remis à flot jurent ne plus rien devoir à la société sous prétexte que la plupart d’entre eux ont remboursé les aides d’urgence reçues à l’automne 2008. Évidemment, pour rétablir leur bonne conscience en même temps que leurs bilans financiers, il leur faut feindre d’ignorer l’ampleur de la récession que le choc financier a laissée derrière lui.


    C’est de ce choc même que viennent dans un premier temps l’effondrement des recettes fiscales, l’envol mécanique des dépenses sociales, le creusement des déficits, l’explosion des dettes puis, dans un deuxième temps, les plans d’austérité… réclamés par la même finance qui vient d’être sauvée aux frais de l’État ! Donc, depuis 2010 et l’éclatement de la crise grecque, la finance rescapée massacre les titres souverains sur les marchés obligataires alors qu’elle aurait trépassé si les États ne s’étaient pas saignés pour la rattraper du néant. C’est tellement énorme que c’en est presque beau…


    Pour couronner le tout, les marchés exigent – et bien sûr obtiennent – des États des politiques de restriction coordonnées qui ont le bon goût de conduire au résultat exactement inverse de celui supposément recherché : la restriction généralisée est telle que les recettes fiscales s’effondrent aussi vite que les dépenses sont coupées, si bien qu’in fine les dettes croissent. Mais l’austérité n’est pas perdue pour tout le monde : son parfait prétexte, « le problème des dettes publiques », aura permis à l’agenda néolibéral d’engranger de spectaculaires progrès, inenvisageables en toute autre circonstance. 

    On l’a déjà compris, la leçon de choses est bien moins économique que politique. Elle est d’ailleurs tellement riche qu’on ne sait plus par quel bout l’attraper. Il y a, d’un côté, l’extraordinaire position de pouvoir conquise par l’industrie financière qui peut forcer les puissances publiques à son secours, puis aussitôt se retourner contre elles dans la spéculation sur les dettes souveraines, et pour finir refuser toute re-régulation sérieuse. Il y a, d’un autre, la force de l’agenda néolibéral qui, inflexible, poursuit sa route au milieu des ruines qu’il a lui-même créées : jamais le néolibéralisme n’a connu si prodigieuse avancée qu’à la faveur de… sa crise historique, l’explosion des endettements publics ayant créé une formidable opportunité pour une entreprise de démantèlement de l’État social sans précédent, par plans d’austérité et « pacte pour l’euro » interposés. Où que le regard se tourne, il ne trouve que régressions phénoménales. Il y a enfin, et peut-être surtout, la crise historique de l’idée de souveraineté, attaquée de deux côtés.


    Du côté des marchés financiers, puisqu’il est maintenant évident que les politiques publiques ne sont pas conduites d’après les intérêts (seuls) légitimes du corps social, mais selon les injonctions des créanciers internationaux, devenus « corps social concurrent », tiers intrus au contrat social, ayant spectaculairement évincé l’une de ses parties. Et du côté de la construction européenne, puisque, en « bonne logique », il faut reconduire et approfondir ce qui s’est déjà montré toxique à souhait : en l’occurrence le modèle européen tel qu’il soumet les politiques économiques nationales, d’une part à la tutelle des marchés de capitaux, d’autre part à un appareil de règles dont le durcissement est en train de conduire à la dépossession complète des souverainetés au profit d’un corps de contrôleurs (la Commission) ou de contraintes constitutionnelles (« règles d’or »), et dont il faut simplement imaginer la dépression où elles nous auraient plongés, eussent-elles été appliquées dès 2008 – celle-là même en fait vers laquelle nous nous dirigeons gaillardement…


    Mais peut-être la vraie leçon de choses commence- t-elle maintenant seulement car des forces énormes sont sur le point d’être déchaînées. Si, comme on pouvait le pressentir en fait dès 2010 au moment du lancement des plans d’austérité coordonnés, l’échec macroéconomique annoncé conduit à une vague de défauts souverains, l’effondrement bancaire qui s’ensuivra immédiatement (ou qui le précédera par un effet d’anticipation des investisseurs) sera, à l’inverse de celui de 2008, irrattrapable, en tout cas par les États puisque les voilà financièrement sur le flanc ; il ne restera plus que l’alternative de l’émission monétaire massive, ou de l’éclatement de la zone euro si la Banque centrale européenne (et l’Allemagne) se refuse à cette première solution.


    En un week-end, nous changerons littéralement de monde et des choses inouïes pourraient se produire : réinstauration de contrôles des capitaux, nationalisations flash, voire réquisition des banques, réarmement des banques centrales nationales – cette dernière mesure signant d’elle-même la disparition de la monnaie unique, le départ de l’Allemagne (suivie de quelques satellites), la constitution d’un éventuel bloc euro-sud, ou bien le retour à des monnaies nationales. Quand cette conflagration surviendra-t-elle ? Nul ne peut le dire avec certitude. On ne peut exclure qu’un sommet européen parvienne enfin à taper suffisamment fort pour calmer un moment la spéculation.


    Mais ce temps gagné n’empêchera pas la macroéconomie de faire son œuvre : lorsque s’imposera, d’ici six à douze mois, le constat de la récession généralisée, elle-même résultat de l’austérité généralisée, et que les investisseurs verront monter irrésistiblement le flot des dettes publiques supposées devoir être arrêtées par les politiques restrictives, la conscience de l’impasse totale qui se fera à ce moment entraînera les opérateurs à nommer eux-mêmes une « capitulation », c’est-à-dire une ruée massive hors des compartiments obligataires et, par le jeu des mécanismes de propagation dont la finance libéralisée a le secret, une dislocation totale des marchés de capitaux tous segments confondus. 



    Et pendant ce temps les tensions politiques s’accumulent – jusqu’au point de rupture ? Comme tous les seuils critiques du monde social-historique, on ne sait pas ex ante où il se trouve ni ce qui détermine son franchissement. La seule chose qui soit certaine est que la dépossession généralisée de la souveraineté (par la finance, par l’Europe néolibérale) travaille en profondeur les corps sociaux et qu’il s’en suivra nécessairement quelque chose – et là encore on ne sait pas quoi. Le meilleur ou le pire. On sent bien qu’il y aurait matière à réécrire une version actualisée de La Grande Transformation de Polanyi, en reprenant cette idée que les corps sociaux agressés par les libéralismes finissent toujours par réagir, et parfois brutalement – à proportion, en fait, de ce qu’ils ont préalablement enduré et « accumulé ».


    Dans le cas présent, ce n’est pas tant la décomposition individualiste corrélative de la marchandisation de la terre, du travail et de la monnaie qui pourrait susciter cette violence réactionnelle, mais l’insulte répétée faite au principe de souveraineté comme élément fondamental de la grammaire politique moderne. On ne peut pas laisser les peuples durablement sans solution de souveraineté, nationale ou autre, peu importe, faute de quoi ils la récupéreront à toute force et sous une forme qui éventuellement ne sera pas belle à voir.


    RdL : La « crise de la dette » est d’abord une crise de la zone euro, où les déséquilibres s’accumulaient et que la crise financière a déstabilisée. Il s’agit donc d’une crise monétaire, de façon encore latente (car l’euro n’a pas encore dévissé ni explosé) mais évidente. Le probable effondrement de l’euro pourrait prendre plusieurs formes : une forme atténuée, avec la création de deux zones monétaires – selon un partage entre le Nord et le Sud (dont la France) ou entre le centre (dont la France) et la périphérie –, ou une forme plus dramatique, avec la pulvérisation générale de l’euro et le retour à dix-sept monnaies nationales. La monnaie étant une construction politique, la question qui se pose est d’ordre politique : à quelles conditions (politiques) cet effondrement pourrait ne pas provoquer le triomphe des affects nationalistes et xénophobes, mais au contraire favoriser un rapprochement de(s) (certains) peuples pour de nouvelles constructions (monétaires, financières, budgétaires, politiques…) solidaires ? Si la sortie de l’euro est aujourd’hui probable, comment (bien) en sortir ?


    FL : Je serais d’abord assez tenté de reprendre les termes mêmes de la question pour souligner ce paradoxe que ce qu’on nomme la « crise de l’euro », précisément, n’est pas en première instance une crise monétaire. L’une des particularités des événements actuels tient au fait que la monnaie européenne ne fait l’objet d’aucun rejet, ni de la part des résidents de la zone ni des investisseurs internationaux, comme en témoigne le fait que la parité euro-dollar se maintient à quelques fluctuations près.


    En tout cas voilà le fait : il n’y a pas (pour l’heure…) de fuite devant l’euro, ni interne ni externe. Y en aurait-il une qu’elle ne serait que le développement terminal d’une crise dont la nature en fait est autre. Mais alors que peut-elle être si elle n’est pas stricto sensu monétaire ? La réponse est qu’il s’agit d’une crise institutionnelle. C’est le cadre institutionnel de la monnaie unique, comme communauté de politiques économiques, qui est menacé de voler en éclats consécutivement à des crises financières ayant pour épicentres les dettes publiques et les banques. Si l’euro explose, ce sera à la suite de défauts souverains tels qu’ils entraîneront immédiatement un effondrement bancaire – à moins que celui-ci ne se produise tout seul, par pure et simple anticipation des premiers.


    Dans tous les cas, le cœur de l’affaire sera une fois de plus le système bancaire et l’impossibilité de le laisser aller à la ruine sans autre forme de procès – proposition dont il faut sans cesse redire qu’elle n’est pas équivalente à « le remettre sur les rails et le faire repartir pour un tour » ; j’en profite donc pour ajouter qu’après m’avoir fait longtemps très peur, la perspective de cet effondrement m’est presque devenue agréable, car l’occasion serait enfin créée d’abord de nationaliser intégralement le secteur bancaire par saisie pure et simple, puis de le faire muter sous l’espèce d’un « système socialisé du crédit 1 ».


    Si donc nous nous plaçons dans l’hypothèse de l’effondrement bancaire, la question est de savoir quelle est, en l’absence des États, eux-mêmes ruinés, l’institution capable d’organiser le redressement financier des banques pour leur faire reprendre leur activité de fourniture de crédit. Dans cette configuration, il n’en reste plus qu’une : la banque centrale européenne.


    Elle ne devrait pas seulement leur assurer un soutien de liquidité (ce qui est déjà le cas) mais les débarrasser de leurs actifs dévalorisés et les recapitaliser, et enfin garantir les dépôts et les épargnes. Inutile de dire qu’à l’échelle du secteur bancaire entier, c’est une opération de création monétaire massive à laquelle il faudra consentir.


    La BCE y est-elle prête ?


    Sous influence allemande, il est à craindre que non. Or l’urgence extrême de restaurer dans leur intégrité les encaisses monétaires du public et de rétablir le fonctionnement du système des paiements appellera une action dans la journée ! C’est dire que les longues tergiversations pour « parler à nos amis allemands » ou renégocier un traité auront depuis belle lurette disparu de la liste des solutions pertinentes.


    Face à ce qu’il faut bien identifier comme des enjeux vitaux pour le corps social, un État, confronté au non-vouloir de la BCE, prendrait immédiatement la décision de réarmer sa propre banque centrale nationale pour lui faire émettre de la monnaie en quantité suffisante et reconstituer au plus vite un bout de système bancaire en situation d’opérer.


    Observant alors au cœur de la zone une ou des source(s) de création monétaire hors de contrôle, c’est-à-dire une génération d’euros impurs, susceptible de corrompre les euros purs dont la BCE a seule le privilège d’émission, l’Allemagne, cour constitutionnelle de Karlsruhe en tête, décréterait immédiatement l’impossibilité de rester dans une telle « union » monétaire devenue anarchique et la quitterait sur le champ, probablement pour refaire un bloc avec quelques suiveurs triés sur le volet (Autriche, Pays- Bas, Finlande, Luxembourg).


    Quant aux autres nations, elles auront alors à choisir entre reconstituer un bloc alternatif ou bien retourner chacune à son propre destin monétaire, la France quant à elle tâchant de faire des pieds et des mains pour embarquer avec l’Allemagne… sans être le moins du monde assurée d’être acceptée à bord. [L'intégralité de cet article est disponible dans la version papier de la revue.]


    URL article : http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-frederic-lordon-un-monde-s-ecroule-sous-nos-yeux-99177339.html


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  • http://www.jabiru-blog.com/02blog2011/bulle-financiere.jpg

    La Banque Centrale Européenne risque-t-elle d’exploser en prêtant aux banques?

    C’est un signal d’alarme que les observateurs de la situation européenne se doivent d’envoyer aux dirigeants de l’Union Européenne. L’accumulation de risques dans le bilan de la Banque Centrale Européenne (BCE) est devenu un sujet de grave inquiétude, né du fait que le bilan de l’institution va au-delà des limites prudentielles. Or, pour exercer  ses responsabilités monétaires, la BCE a besoin d’être une institution financière solvable. Le Conseil de la BCE est loin d'etre unanime sur cette politique dont les risques sont devenus excessifs et la nouvelle tranche de prêt illimité aux banques à trois ans à 1 % qui sera octroyée ce mois-ci soulève la question de la stabilité de la BCE.

    Qui plus est, son Président, Mario Draghi,  encourage activement les banques à emprunter  auprès d’elle alors que le bilan de la BCE est déjà surexposé. Pour ce faire il va jusqu'à s'opposer publiquement au président de la Deutsche Bank, Joseph Ackermann, qui considère que ce recours à la banque centrale devrait rester une intervention de dernier ressort, ce qui est parfaitement exact. Pour lui,  les banques qui y font appel sont stigmatisées. Pourquoi donc le Président de la BCE est-il devenu le missionaire de ces crédits, sortant ainsi de sa fonction prudentielle de banquier central ? La situation bancaire europeenne est-elle devenue si précaire ?

    Malgré le respect que j’ai pour la BCE et ses dirigeants, je ne puis pas souscrire à cette opération. Elle va, une fois de plus, utiliser l’argent public pour les banques qui pourront ainsi améliorer leur liquidité, mais surtout, réorganiser leur bilan et diminuer le coût de leur endettement. La BCE n’en a pas les moyens, et les banques n’en ont pas besoin, sauf dans des cas extrêmes qui sont du ressort des Etats où elles sont domiciliées.

    A la suite de l’opération de décembre dernier, la taille du bilan de la BCE a augmenté de 3 5% en 2011. Certes, il y a deux mois, nous vivions un moment de grande tension sur la liquidité et la première tranche de prêt de la BCE a pu être utile. Mais ce n’est plus le cas. Le niveau d’endettement de la BCE correspond à celui de Lehman Brothers avant son explosion.

    L’opération de ce mois-ci augmentera la taille du bilan de la BCE de 40 % à près de 4 000 milliards d’euros. C’est le triple de celui de la Reserve Fédérale des Etats-Unis (1 300 milliards d’euros). Cette croissance est intenable. Le montant des prêts de la BCE va doubler en 2012. Les banques ont maintenant eu le temps d’analyser la manière d’optimiser l’utilisation de ces deniers publics à bon marché et à moyen terme. Le Financial Times prévoit qu’elles lèveront deux fois le montant de décembre 2011 (494 milliards d’euros).

    Mais il n’y pas que la taille du bilan, il y a aussi la qualité des suretés déposées par les banques : pour permettre une intervention plus importante de la BCE, il a fallu admettre en gage des titres qui n’atteignaient pas le niveau de qualité que l’on attend des banques centrales. Il n’y avait en effet pas assez d’actifs de première qualité disponibles pour couvrir les mises en gage requises. Si Joseph Ackermann est suivi, les emprunteurs de la BCE seront eux-memes de moindre qualité.

    Enfin, en prêtant à 1 % à 3 ans, la trésorerie de la BCE accepte un risque de financement et de taux d’intérêt. La BCE n’est en effet pas un émetteur de titres à moyen terme, et les dépôts des banques sont en très grande majorité de l’ordre de la semaine ou du mois. Ceux-ci varient de 300 à 500 milliards d'euros, mais pourraient s’avérer volatiles. Ou la BCE va-t-elle trouver les liquidités pour octroyer ces 1 000 milliards additionnels et a quelles conditions de taux et de durée ?

    Pour soutenir tout cela, 69 milliards de fonds propres sont évidemment insuffisants. Ils risquent d'etre écornés par des amortissements sur son portefeuille d'obligations grecques. Alors que l’on va demander aux banques 9 % de fonds propres au sens strict (niveau 1), la BCE vit avec 2 % de fonds propres. Si on y ajoute un compte de réévaluation de 130 milliards, on atteint 5 %. Tout cela n’est pas sérieux.

    Une banque commerciale dont le bilan augmenterait de 40 % après une hausse de 35 %, qui accepterait des suretés de moindre qualité de ses débiteurs, qui prendrait un risque de taux et de financement pour la moitié de son bilan et qui disposerait de fonds propres insuffisants, serait aujourd’hui considérée comme dangereusement déséquilibrée, et probablement en faillite.

    Et pourtant, la BCE ne fera pas faillite. Elle a derrière elle… les contribuables européens qui devront, si la situation se tendait et une crise de liquidité, de crédit ou de confiance devait se développer, injecter des fonds propres dans la BCE pour assurer sa survie. C’est donc sur les budgets européens que repose le risque ultime de la BCE, tout comme des autres institutions financières européennes.

    Les gouvernements ont agi de manière irresponsable en traitant la BCE comme un réservoir sans limite pour les problèmes qu’ils ne parvenaient pas à résoudre. Ils ont choisi d’ignorer les contraintes de la vocation et du bilan de la BCE. Il est plus facile de transférer des actifs à la BCE que de les prendre en charge et detenir compte du fait qu’il s’agit d’une dette publique, meme si elle n’est pas comptabilisée comme telle.  En encourageant les banques à emprunter auprès de la BCE son Président ne fait que gagner habilement du temps comme le titrait leFinancial Times.

    C’est ces considérations qui me font pousser un cri d’alarme, et d’espérer, s’il en est encore temps, que l’on pourra, sinon arrêter, du moins réduire, une opération dont les conséquences pourraient s’avérer dramatiques. L’explosion de la BCE aurait un effet nucléaire sur la planète financière.

    Par canaille le rouge


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  • Dans un livre choc, cinq spécialistes français décryptent et dénoncent les agissements de la haute finance, et son implication dans les crises actuelles.

    Au programme: fraudes, escroqueries, liens avec le crime organisé. En toute impunité!

    On connaissait les incorruptibles. Voici, de l'autre côté du miroir, les intouchables. Des criminels en col blanc, des bandits de la haute finance qui, grâce au lobbying et à une ingénierie financière de haute volée, ont appris à détourner des pans entiers de l'économie. La crise des subprimes aux États-Unis en 2008? C'est eux. Les dettes plongeantes et les cures d'austérité qui secouent la planète, et l'Europe en particulier? Indirectement, encore eux.

    Cinq limiers français

    «La haute finance, au travers de quelques banques d'investissement, a emprunté les pires méthodes du banditisme classique», accuse un universitaire français, Xavier Raufer. Selon ce criminologue, enseignant-chercheur à Paris II, la sphère financière serait ainsi devenue une vaste «scène de crime», avec des «zones de non droit» et des «prédateurs». Pour la passer au crible, Xavier Raufer a réuni une équipe de fins limiers: un policier, un universitaire, un magistrat et un ancien inspecteur des impôts, tous spécialistes en criminalité financière et en géopolitique. Les résultats de leurs investigations sont réunis dans un livre coup-de-poing : «La Finance pousse au crime» (Éditions Choiseul, 17EUR). Cette stupéfiante enquête les a menés au coeur du système: Wall Street.

    Comme un match sans arbitre

    «Wall Street ne consacre plus à son activité normale de la finance - créer du capital pour des entreprises et accompagner leur naissance et leur croissance - que 1% de son temps», assène Xavier Raufer. Le reste est consacré à spéculer: les banques jouent et parient pour leur propre compte. Parfois contre les intérêts de leurs propres clients! La faute à la déréglementation, accuse «La Finance pousse au crime». La haute finance serait parvenue à imposer ses choix (en sélectionnant, via les financements de campagne, les candidats des partis qui lui sont favorables): moins il y a de règles, mieux c'est. Un: les marchés sont plus fluides. Deux: l'absence de règles ne constituerait pas un problème, puisque les marchés s'autoréguleraient. Il y aurait une sorte «d'équilibre naturel». «Imaginez un match de foot où on enlèverait les arbitres sous prétexte qu'ils ralentissent le jeu, pointe un sénateur américain dans le documentaire "Goldman Sachs, les nouveaux maîtres du Monde" (réalisation de Jean-Luc Léon). Je ne voudrais pas rester cinq minutes au milieu de ce match-là.»

    Trous noirs et argent du crime

    Ces espaces sans règles, ces «trous noirs de la finance» existent déjà. «44% des transactions financières sont invisibles car elles sont opérées sur des plates-formes non réglementées, affirme le livre. On ne sait plus qui achète quoi, ni à quel prix.» Cette invisibilité est encore renforcée par des formules algorithmiques qui permettent désormais d'exécuter des transactions à très grande vitesse (un millième de seconde). Impossible de surveiller pareils flots d'informations! Trop rapide, trop volumineux, trop complexe. Ce formidable outil à frauder n'a d'ailleurs pas échappé à la grande criminalité. Les cartels de la drogue et des trafics en tous genres y ont aussi recours. La crise? Pas pour le crime organisé! Qui dispose de liquidités abondantes et ne demande qu'à investir dans l'économie légale quand les banques prêtent moins et que les PME crient à l'aide ? «Les grandes organisations criminelles dont les divers trafics rapportent, chaque année, des centaines de milliards de dollars», répondent les auteurs de «La Finance pousse au crime». Selon eux, des banques ont même été «sauvées par l'afflux d'argent noir», entre2007 et2009. L'argent du crime représentait, en 2009, «15% du produit brut mondial, soit l'équivalent du PNB de l'Australie». Autre exemple de liens avec le crime organisé: l'affaire Madoff. Ce président fondateur d'une des principales sociétés d'investissement de Wall Street est à l'origine d'une escroquerie de 65milliards de dollars! Qui était son bras droit, rappelle «La Finance pousse au crime»? Un financier lié à la mafia. En saura-t-on plus? En plaidant coupable, BernardMadoff n'a pas eu besoin de fournir d'explications. Pas de procès, pas de remous.

    À qui le tour?

    Et puis, il est facile de braquer le projecteur au mauvais endroit. Prenons la fraude aux prestations sociales, dont on nous rabâche qu'elle coûte cher à l'État. C'est vrai. Mais celles qui coûtent le plus cher à l'État ne sont pas là. Les trois quarts de la fraude aux finances publiques (près de 40milliards d'euros par an) proviennent de la fraude à la TVA et du travail illégal! À côté de cela, combien de «bulles», de marchés artificiellement créés (Internet, immobilier, photovoltaïque, Dom Tom...), à coups d'incitations fiscales, ont déjà éclaté ou sont en passe d'exploser? La prochaine? «La bulle football», prédisent les auteurs de «La Finance pousse au crime». Une autre? «Le Brésil va s'effondrer», pronostique Xavier Raufer, pointant «l'absurdité» du concept de «Bric» (NDLR, acronyme désignant les grandes puissances émergentes: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Un concept tout droit sorti... des coffres d'une des grandes banques d'investissement américaines (Goldman Sachs).


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  • Le nouveau pôle low-cost de Renault au Maroc : "l'usine de tous les dangers" pour la CGT

    Le nouveau pôle low-cost de Renault au Maroc

    Renault est déjà implanté au Maroc avec la production de la Dacia Sandero à Casablanca.

    Plus vaste que le site Renault de Flins, le constructeur automobile français inaugure une usine géante implantée à Tanger où les coûts salariaux seront plus de quatre fois inférieurs au salaire minimum français. En plein débat sur l'avenir du "made in France", l'ouverture de ce nouveau pôle low cost ne manquera pas d'alimenter la polémique suscité par les "délocalisations".

    "On considère que c'est l'usine de tous les dangers", commente Fabien Gache, délégué syndical central CGT chez Renault. "Les deux véhicules, qui sont des Scenic et des Kangoo 'loganisés', vont venir télescoper les parts de marché de Renault en Europe en cas de réimportation massive." La CGT a raison de s'inquiéter. Depuis 2008, le nombre de salariés est passé de 6 000 à 2 000 à l'usine de Sandouville et de 5 800 à 3 000 à Douai. Si la marque au losange organise ces baisses d'effectifs, c'est pour localiser sa production [1] dans des pays à bas coûts, comme la Roumanie et maintenant le Maroc. Bien que Renault s’était engagée à maintenir l’emploi en France lorsqu’elle avait reçu trois milliards d’euros de prêts de l’État en 2009 pour amortir les effets de la crise.

    Le patron du groupe automobile français, qui inaugure ce jeudi à Tanger en présence du roi du Maroc, affirme que cette nouvelle usine sera sa deuxième tête de pont pour développer sa gamme de véhicules "low cost" aux portes de l'Europe.

    L'usine de Meloussa s'étend sur un terrain de 300 hectares, implantée à seulement 14 kilomètres des côtes européennes, produira entre 150.000 et 170.000 véhicules par an quand elle tournera à plein et emploiera 6.000 personnes. "Ce n'est pas quelque chose qui se fait au détriment de la France" mais "qui vient au contraire ajouter à la charge de travail en France (...) dans nos ingénieries, dans nos usines moteur, au niveau de nos fournisseurs" a affirmé le PDG de Renault, Carlos Ghosn, sur RTL. "Et en même temps, nous localisons en France des produits à plus haute valeur ajoutée comme les voitures électriques, les batteries", a-t-il poursuivi.

    Le délégué de la CGT, Fabien Gache, estime que "s’il ne faut pas tout rapatrier en France, il faut néanmoins trouver un équilibre des volumes de production entre les différents sites industriels en Europe".

    Le site marocain est conçu comme une extension de l'usine de Pitesti, en Roumanie, qui tourne désormais à pleine capacité. Plutôt que d'agrandir le site historique de Dacia, Renault a préféré construire de toutes pièces une nouvelle usine, aidé dans sa décision par des coûts salariaux inférieurs de près de moitié à ceux de la Roumanie (le salaire moyen est de 450 euro en Roumanie, 250 euros au Maroc) et par d'importants avantages fiscaux : exonération de charges pendant deux ans et d'impôt sur les sociétés pendant cinq ans.


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  • http://1.bp.blogspot.com/-jwOvaUBgwyU/Tphh42R_w8I/AAAAAAAAAeE/J65uCvJ8NuA/s400/riches-922a5.jpg« La dette publique grecque était de 120%du PIB à la
    veille du premier plan, elle est maintenant de plus de 160% »


    A cause d’elle l’Europe ne tenait que sur un fil… La dette publique grecque de 400 milliards d’euros est la plus faible de la zone (avec celle du Luxembourg) mais, en son nom et grâce à elle, les leaders européens, Merkel et Sarkozy, ont réussi à manipuler les opinions en jouant, appuyés par les médias, sur la peur de la faillite pour renflouer les banques, baisser les salaires, défiscaliser les riches, faire grimper les dividendes, s’envoler le crédit, s’aggraver la récession en imposant l’austérité pour sauver ce qui est essentiel à leurs yeux : la rente financière du capital.


     De mensonges en duperies, les politiques en Europe semblent guidées par une funeste trinité : l’obstination, l’aveuglement et le cynisme.

    http://www.pcfjarnisy54.fr/

    Europe : 2011, l’année des dupes

    Preuve que l’histoire avance, il y eut la journée des dupes du samedi 9 au dimanche 10 novembre 1630 (on ne disait pas encore week-end), qui vit Louis XIII renouveler sa confiance à Richelieu contre la reine-mère Marie de Médicis, il y a désormais une année complète des dupes.

    L’année 2011 fut celle de l’exacerbation de la crise capitaliste dans l’Union européenne qui revêtit successivement, pour la doxa gouvernementale et médiatique, les formes de la crise grecque, de la crise des dettes publiques, de la crise de l’euro, et dernièrement de la crise de gouvernance européenne.

     

    La population grecque, déjà pénalisée par l’absence totale de fiscalité sur les richissimes armateurs ou sur l’Église, entre autres évadés fiscaux, a pris de plein fouet des plans d’austérité à répétition qui ont provoqué un recul d’environ 6 % du PIB pour cette seule année. Privatisations des infrastructures, recul des salaires et des retraites, chômage : l’austérité avec un grand A. C’est tout juste si on n’a pas arraché aux Grecs le Parthénon ou acheté à bas prix quelque île. Car tout est bon pour spéculer : le défaut de paiement, l’assurance sur le défaut de paiement (CDS), que les banques possèdent ou non des titres grecs, etc. Le comble de la félicité pour les spéculateurs étant de parier que les plans d’austérité aggraveront la récession, les déficits, la dette et donc l’écart (le spread, parlons moderne) de taux d’intérêt entre les pays. Le résultat est éloquent : la dette publique grecque était de 120 % du PIB en mai 2010, à la veille de l’adoption du premier plan, elle est aujourd’hui de plus de 160 %.

    Ainsi, les premiers dupés furent les descendants des fondateurs de la démocratie, à qui Mme Merkel et M. Sarkozy ont imposé humiliation sur humiliation : interdiction aux Grecs d’organiser un referendum et imposition d’un banquier de la Goldman Sachs, celle-là même qui a organisé le maquillage des comptes grecs et ensuite la spéculation sur ces comptes, comme Premier ministre.

    Mais la duperie a été organisée aussi contre tous les peuples européens. Depuis le Conseil européen des 24-25 mars, puis ceux des 21 juillet, 26-27 octobre et 8-9 décembre, le corsetage des politiques économiques et de la démocratie s’est peaufiné : Austérité salariale + Austérité monétaire + Austérité budgétaire = le triple A, symbole fétiche de la finance capitaliste. Chaque pilier de ce triptyque est désormais bien bâti.

    Contre le travail, les réformes des retraites vont bon train avec le recul programmé de l’âge de départ : Allemagne, France, Espagne, Italie, Grèce…, et avec la diminution du nombre de fonctionnaires. Le ministre du travail français Xavier Bertrand vient de déclarer : « Pour certains salariés, et pas seulement en CDI, le chômage partiel ou l’activité partielle peut être une solution intéressante. On l’a développée au cœur de la crise, continuons ! »[1] La réduction du temps de travail est radicalement refusée sauf celle qui a nom chômage !

    L’orthodoxie monétaire est renforcée : la Banque centrale européenne (BCE) ne rachètera, au mieux, des obligations d’État que sur le marché secondaire. Cela signifie que ni le Fonds européen de stabilisation financière ni la BCE qui le pilotera ne financeront directement les déficits publics. La création monétaire est laissée aux mains des banques privées à qui on ne demandera jamais plus d’endosser le moindre défaut partiel des dettes publiques. Le marché des obligations publiques pourra donc continuer de prospérer. Et les dettes publiques courront, perpétuant ainsi la génération d’intérêts usuraires.[2] Le bouquet final a été déclenché le 21 décembre, 1er jour de l’hiver : pour ne pas que les banques se refroidissent, la BCE a prêté 489 milliards d’euros sur trois ans au taux de 1 % à 523 banques, qui pourront à leur tout prêter à des taux bien plus élevés, et pourquoi pas aux États. Comme c’est bien pensé et bien fait !

    Enfin, l’Union européenne souffrait, nous disait-on, de « manque de gouvernance ». Il fallait entendre de « manque de rigueur au niveau budgétaire ». La solution a été trouvée : on renforce les sanctions financières qui seront automatiquement appliquées en cas de non-respect de la nouvelle règle dite « d’or ». Et, là, la duperie organisée par la bourgeoisie financière atteint le grand art : l’obligation de ne pas dépasser 3 % de déficit public par rapport au PIB fut fixée à une époque où la croissance économique était de l’ordre de 3 %, ce qui pouvait avoir une certaine logique. Aujourd’hui, la croissance est quasi nulle et on s’achemine vers une règle d’or à 0 % de déficit.[3] Donc, le contraire d’une politique contra-cyclique théorisée par Keynes lors de l’autre grande crise dans les années 1930. C’est à se demander si, en enterrant celui-ci, la bourgeoisie financière ne va pas ressusciter Marx en attisant l’indignation contre « la démence sénile du capital »[4]. Il y a une limite à la duperie : on peut duper mille peuples pendant une année, un peuple pendant mille ans, mais pas mille peuples pendant mille ans.

     http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2011/12/23/europe-2011-lannee-des-dupes/


    [1] Le Monde, 22 décembre 2011.

     

    [2] Pour les détails techniques, voir les textes précédents sur ce blog.

     

    [3] Le projet de modification des traités prévoit que le seuil de déficit structurel toléré sera de 0,5 % du PIB. Le déficit structurel est calculé en soustrayant du déficit total la part qui est estimée comme étant due à la variation de la conjoncture.

     

    [4] J.M. Harribey, titre d’un livre déjà ancien.



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  • L'impôt, un levier pour une autre politique ?

    Le débat sur la fiscalité s'empare de la présidentielle. Si les programmes à gauche demeurent encore flous, les pistes avancées posent la nécessité d'une remise à plat d'un système devenu totalement injuste et inefficace.


    TVA sociale, quotient familial, le débat sur la fiscalité s'installe dans la présidentielle. Sous couvert de délester les entreprises de leurs « charges » et conforter son électorat, le président sortant ressort sa charge de 2007 envers les ménages.

    Une réforme de plus dans la lignée des dix années d'une politique fiscale anéantissant le principe de la Déclaration des droits de l'homme selon lequel chacun contribue « à raison de ses facultés ». 370 euros par mois et par adulte: le montant de la feuille des taxes sur la consommation soldée par les Français pour un total de 220 milliards d'euros, selon les chiffres de Thomas Piketty. La seule TVA rapporte plus de 130 milliards d'euros, soit légèrement plus de la moitié des recettes fiscales. La part des revenus des ménages prélevée par la TVA est proportionnellement plus importante pour les familles populaires que pour les hauts revenus. L'effort est d'autant plus important pour ses ménages qui, n'ayant pas la possibilité d'épargner, consomment souvent l'intégralité de leurs revenus. Chaque hausse entraîne un fléchissement du pouvoir d'achat d'un nombre de plus en plus conséquent de citoyens, freinant leur consommation et in fine la croissance. Les chiffres pleuvent sur l'injustice fiscale du système.

    Les 352 ménages les plus riches de France, qui gagnaient au minimum 4,229 millions d'euros en 2009, se sont vu appliquer un taux d'imposition sur le revenu de seulement 15 %, explique le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport 2011. Au fil des réformes, l'impôt sur le revenu est devenu un panier percé qui bénéficie aux revenus financiers, beaucoup moins taxés, et aux ménages les plus aisés. En ponctionnant toujours plus le travail et en faisant la part belle aux revenus du capital. Et que dire de l'impôt sur les sociétés qui, en toute légalité, laisse les entreprises du CAC 40 taxées à 8 % contre 39,5 % pour les petites et moyennes entreprises ?

    Pas besoin de multiplier les exemples pour  démontrer que les caisses de l'État sont remplies d'injustices sans aucune efficacité économique.


    Un défi pour la gauche qui ne doit pas être timorée en matière de programme fiscal. Dette et croissance en berne, la fiscalité reprend des lettres de noblesse et les programmes s'attardent sur cette question. C'est sous le prisme de la justice que François Hollande, candidat du Parti socialiste, a fait une sortie fustigeant le quotient familial pour développer les pistes d'une réforme floue se détachant à la marge du programme socialiste. Alors que son parti avait, avant la primaire, fait le choix de la création d'un impôt unique résultat d'une fusion entre CSG (contribution sociale généralisée) et de l'impôt sur le revenu (IR), François Hollande parle d'un rapprochement entre les deux instruments fiscaux « permettant de rapprocher les bases taxables des deux prélèvements ».

    Un rétropédalage qui tient compte des rencontres avec les partenaires sociaux, durant lesquelles les syndicats ont montré leur opposition au projet de fusion, craignant une érosion pour les financements de la protection sociale. La candidate d'Europe Écologie-les Verts, Eva Joly, reprend à son compte la fusion entre la CSG et TIR.


    Le Front de gauche trace une voix plus radicale avec sa proposition d'une taxation à 100 % de l'intégralité des revenus au-delà de vingt fois le salaire médian, touchant ainsi ceux qui gagnent plus de 360000 euros annuels, soit plus de 30000 euros mensuels.

    A laquelle s'ajouterait la création de neuf nouvelles tranches progressives au-delà du taux supérieur actuel de 40 % et se poursuivant jusqu'à 100 %. Au total, l'IR disposerait de quatorze tranches, comme c'était le cas en 1981.


    Des convergences apparaissent toutefois au sein de la gauche. L’impôt sur les sociétés serait ainsi modulé, dans les programmes de Jean-Luc Mélenchon et de François Hollande, en fonction de critères. Le Front de gauche portant ceux de la qualité de l'emploi, de l'environnement et des investissements productifs, « afin de rétablir une égalité sur les sociétés » mais aussi pour « dé financiariser l'économie ». À l'appui de cet objectif, une taxe des revenus et des actifs financiers verrait le jour. Les niches fiscales et sociales seraient au cœur du chantier. « Nous mettons fin aux exonérations de cotisations sociales patronales et aux niches fiscales qui profitent aux hauts revenus et aux grandes entreprises ». peut-on ainsi lire dans le livre programme du Front de gauche. Le PS émettant quelques nuances en proposant de « supprimer une bonne part des niches fiscales » qui n'ont aucun objectif économique, et de «moduler l'impôt sur les sociétés selon que le bénéfice est distribué au travail » ou non.

     
    Le produit de la CSG s'est élevé en 2008 à 84,328 milliards d'euros, ce qui en fait le premier impôt direct en France devant l'impôt sur le revenu (IR). Elle représente environ 18 % des ressources de la Sécurité sociale. Les trois quarts du produit de la CSG sont issus des revenus d'activité. 

    La CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) a été créée en 1996 par la réforme Juppé. Son taux est de 0,5 %. Elle s'applique à l'ensemble des revenus d'activité et de remplacement, du patrimoine et des placements, ainsi que sur la vente de métaux précieux et aux gains de jeux de hasard.

    Nous rétablirons une fiscalité réellement progressive

    Pour le Front de gauche, la réforme de la fiscalité est un levier décisif pour une « réorientation radicale de la politique économique ».

    Pour le Front de gauche, la réforme de la fiscalité n'est pas qu'un instrument pour rétablir une justice sociale fortement mise à mal par les années du mandat de Nicolas Sarkozy à l'Elysée : elle est surtout un levier décisif pour une « réorientation radicale de la politique économique ». « Nous rétablirons une fiscalité qui redonne toute sa place à un impôt sur le revenu réellement progressif explique le programme du Front de gauche intitulé l'Humain d'abord. Nous mettrons fin au démantèlement de la fiscalité du patrimoine engagé par le gouvernement actuel, nous supprimerons le bouclier fiscal et nous augmenterons le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Une loi anti-évasion fiscale permettra l'imposition des revenus des Français à l'étranger. Loin de toute fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu, nous mettrons en place une nouvelle cotisation sociale sur les revenus financiers » afin de financer les retraites et « d'aller vers la suppression de la CSG et l'extinction de toute fiscalisation de la protection sociale ».


    A ce titre, le programme détaille les grands axes par lesquels se fera la mise en œuvre d'une profonde refonte de la fiscalité si le Front de gauche arrive au pouvoir :


    «Aller vers la suppression de la CSG et l'extinction de toute fiscalisation de la protection sociale. »

    « suppression du bouclier fiscal, augmentation de l'ISF et de l'impôt sur les revenus du capital, taxation des revenus financiers des entreprises, mise en place du principe de modulation de l'impôt sur les sociétés et du taux des cotisations sociales patronales en fonction des objectifs d'emploi, de formation et de salaires de l'entreprise, suppression des exonérations de cotisations patronales qui ont montré leur inefficacité »font partie des priorités immédiates du Front de gauche.


    Plus loin, le programme précise les mesures envisagées, notamment dans le domaine de la fiscalité des entreprises : « Nous modulerons l'impôt sur les sociétés et le taux des cotisations sociales afin d'inciter les entreprises à développer la valeur ajoutée, les formations, les salaires et l'emploi, en pénalisant les entreprises qui délocalisent, développent leurs placements financiers ou se servent des nouvelles technologies pour supprimer des emplois et dégrader les conditions de travail. »

    A la place des « fonds aujourd'hui gaspillés dans les cadeaux fiscaux et sociaux aux entreprises », le Front de gauche propose de les réutiliser par la mise en place de « fonds régionaux et d'un fonds national pour l'emploi et la formation »qui pourront « se servir des moyens d'intervention publique à leur disposition », tels que des « bonifications d'intérêts » ou des « garanties d'emprunts ».

    Toutes les aides auront désormais "une contrepartie sociale et environnementale contraignante », précise encore le programme. « Nous en finirons avec les 30 milliards d'euros annuels d'exonérations de cotisations sociales et patronales », poursuit-il. Autre mesure envisagée: l'instauration, par la fiscalité, d'un « revenu maximum fixé à 360000 euros par an », équivalent à 20 fois le salaire médian.

    Concernant le financement des services publics, le Front de gauche prévoit d'avoir recours à une « fiscalité juste et redistributrice ». passant notamment par la « taxation des revenus et des actifs financiers ». L'objectif écologique de cette réforme de la fiscalité n'est pas oublié, avec des « prélèvements nationaux concertés sur les réimportations en Europe de productions délocalisées », une « taxe kilométrique » pour « réduire les transports de marchandises évitables ». Le produit sera alloué à un « Fonds pour le co-développement pour des politiques de développement social et environnemental ».

    Un trou de 500 milliards depuis 2007


    À coups de cadeaux aux entreprises et aux plus riches, Nicolas Sarkozy aura fait exploser la dette de 1211 milliards en 2007 à 1688 milliards en 2011.

    Dès sa première mesure, Nicolas Sarkozy aura donné la mesure de sa politique fiscale. Le bouclier fiscal, symbole de l'injustice suprême, renforcé en 2007, aura permis aux grandes fortunes de bénéficier de chèques vertigineux comme le célèbre 32 millions d'euros versé à Liliane Bettencourt en 2010. Un scandale qui, en pleine crise de la dette, a poussé le chef de l'Etat à supprimer la mesure mais pour le remplacer par un cadeau encore plus grand. En 2011, de 500 millions d'euros perçus au titre du bouclier fiscal, les hauts revenus ont bénéficié d'un allégement de 2 milliards d'euros sur leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF). A l'inverse, pour l'effort national, les ménages modestes se voyaient mis à contribution dans les différents plans de rigueur, au travers des différents relèvements de taxe à la consommation, appliqués aux boissons sucrées, au tabac ou aux produits culturels pour ne citer qu'eux... Auxquels il faut ajouter la quinzaine de taxes créées entre mai 2007 et septembre 2008 pour des recettes supplémentaires avoisinant les 10 milliards d'euros. Parmi les plus connues: les franchises médicales, les éco-taxes, la taxe sur les revenus du capital, destinée au financement du RSA, etc.


    Le choc fiscal aura aussi soigné les entreprises, et particulièrement les plus profitables. Les heures supplémentaires défiscalisées mises en place en 2007 auront créé un manque à gagner de 4,5 milliards d'euros par an pour l'État, avec un gain pour les salariés très limité de 500 euros par an pour 9,2 sur 23 millions de salariés. Sans compter que les études économiques estiment que ce dispositif a été préjudiciable à l'emploi. Dans cette logique, le système d'incitation du crédit impôt recherche (CIR) a été multiplié par trois pour un total de 4 milliards d'euros. Or force est de constater que le CIR n'a pas changé la donne en matière de  recherche et développement. D'autant que les principaux bénéficiaires sont les grandes entreprises, qui effectuent déjà des dépenses de R & D. Pour ces groupes, pointait la Cour des comptes en 2009, la réforme du CIR équivaut tout bonnement à une baisse « déguisée du taux normal de l'impôt sur les sociétés de l'ordre de 2à3points ». Tout cela sans oublier la suppression de la taxe professionnelle. Au total, Nicolas Sarkozy aura creusé les finances publiques de 500 milliards d'euros en faisant exploser la dette de 1211 milliards en 2007 à 1 688 milliards au troisième trimestre 2011.

    Une hausse de la dette qui pour les deux tiers n'est pas imputable à la crise, note la Cour des comptes dans un rapport.

     

     

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