• Les intouchables de la haute finance

    Dans un livre choc, cinq spécialistes français décryptent et dénoncent les agissements de la haute finance, et son implication dans les crises actuelles.

    Au programme: fraudes, escroqueries, liens avec le crime organisé. En toute impunité!

    On connaissait les incorruptibles. Voici, de l'autre côté du miroir, les intouchables. Des criminels en col blanc, des bandits de la haute finance qui, grâce au lobbying et à une ingénierie financière de haute volée, ont appris à détourner des pans entiers de l'économie. La crise des subprimes aux États-Unis en 2008? C'est eux. Les dettes plongeantes et les cures d'austérité qui secouent la planète, et l'Europe en particulier? Indirectement, encore eux.

    Cinq limiers français

    «La haute finance, au travers de quelques banques d'investissement, a emprunté les pires méthodes du banditisme classique», accuse un universitaire français, Xavier Raufer. Selon ce criminologue, enseignant-chercheur à Paris II, la sphère financière serait ainsi devenue une vaste «scène de crime», avec des «zones de non droit» et des «prédateurs». Pour la passer au crible, Xavier Raufer a réuni une équipe de fins limiers: un policier, un universitaire, un magistrat et un ancien inspecteur des impôts, tous spécialistes en criminalité financière et en géopolitique. Les résultats de leurs investigations sont réunis dans un livre coup-de-poing : «La Finance pousse au crime» (Éditions Choiseul, 17EUR). Cette stupéfiante enquête les a menés au coeur du système: Wall Street.

    Comme un match sans arbitre

    «Wall Street ne consacre plus à son activité normale de la finance - créer du capital pour des entreprises et accompagner leur naissance et leur croissance - que 1% de son temps», assène Xavier Raufer. Le reste est consacré à spéculer: les banques jouent et parient pour leur propre compte. Parfois contre les intérêts de leurs propres clients! La faute à la déréglementation, accuse «La Finance pousse au crime». La haute finance serait parvenue à imposer ses choix (en sélectionnant, via les financements de campagne, les candidats des partis qui lui sont favorables): moins il y a de règles, mieux c'est. Un: les marchés sont plus fluides. Deux: l'absence de règles ne constituerait pas un problème, puisque les marchés s'autoréguleraient. Il y aurait une sorte «d'équilibre naturel». «Imaginez un match de foot où on enlèverait les arbitres sous prétexte qu'ils ralentissent le jeu, pointe un sénateur américain dans le documentaire "Goldman Sachs, les nouveaux maîtres du Monde" (réalisation de Jean-Luc Léon). Je ne voudrais pas rester cinq minutes au milieu de ce match-là.»

    Trous noirs et argent du crime

    Ces espaces sans règles, ces «trous noirs de la finance» existent déjà. «44% des transactions financières sont invisibles car elles sont opérées sur des plates-formes non réglementées, affirme le livre. On ne sait plus qui achète quoi, ni à quel prix.» Cette invisibilité est encore renforcée par des formules algorithmiques qui permettent désormais d'exécuter des transactions à très grande vitesse (un millième de seconde). Impossible de surveiller pareils flots d'informations! Trop rapide, trop volumineux, trop complexe. Ce formidable outil à frauder n'a d'ailleurs pas échappé à la grande criminalité. Les cartels de la drogue et des trafics en tous genres y ont aussi recours. La crise? Pas pour le crime organisé! Qui dispose de liquidités abondantes et ne demande qu'à investir dans l'économie légale quand les banques prêtent moins et que les PME crient à l'aide ? «Les grandes organisations criminelles dont les divers trafics rapportent, chaque année, des centaines de milliards de dollars», répondent les auteurs de «La Finance pousse au crime». Selon eux, des banques ont même été «sauvées par l'afflux d'argent noir», entre2007 et2009. L'argent du crime représentait, en 2009, «15% du produit brut mondial, soit l'équivalent du PNB de l'Australie». Autre exemple de liens avec le crime organisé: l'affaire Madoff. Ce président fondateur d'une des principales sociétés d'investissement de Wall Street est à l'origine d'une escroquerie de 65milliards de dollars! Qui était son bras droit, rappelle «La Finance pousse au crime»? Un financier lié à la mafia. En saura-t-on plus? En plaidant coupable, BernardMadoff n'a pas eu besoin de fournir d'explications. Pas de procès, pas de remous.

    À qui le tour?

    Et puis, il est facile de braquer le projecteur au mauvais endroit. Prenons la fraude aux prestations sociales, dont on nous rabâche qu'elle coûte cher à l'État. C'est vrai. Mais celles qui coûtent le plus cher à l'État ne sont pas là. Les trois quarts de la fraude aux finances publiques (près de 40milliards d'euros par an) proviennent de la fraude à la TVA et du travail illégal! À côté de cela, combien de «bulles», de marchés artificiellement créés (Internet, immobilier, photovoltaïque, Dom Tom...), à coups d'incitations fiscales, ont déjà éclaté ou sont en passe d'exploser? La prochaine? «La bulle football», prédisent les auteurs de «La Finance pousse au crime». Une autre? «Le Brésil va s'effondrer», pronostique Xavier Raufer, pointant «l'absurdité» du concept de «Bric» (NDLR, acronyme désignant les grandes puissances émergentes: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Un concept tout droit sorti... des coffres d'une des grandes banques d'investissement américaines (Goldman Sachs).


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