• Par Serge Halimi source Le Monde Diplomatique d’avril 2012


    L’assassinat de sept personnes par un djihadiste a temporairement détourné la campagne présidentielle française des enjeux économiques qui sont au cœur de l’élection. Quelques semaines après le scrutin du 6 mai, le nouveau président participera pourtant à un sommet du G20. Et, d’emblée, il devra accepter, renégocier ou refuser un traité européen inspiré par la droite allemande qui aggraverait les politiques d’austérité. De ce choix dépendra l’orientation économique et sociale de la France, mais aussi celle de la construction européenne.

     

    L’élection française va-t-elle entraîner un changement de président sans que les débats décisifs de la période ouverte depuis 2007 soient tranchés pour autant ? L’alternance politique constituerait un soulagement pour les Français. Car, au-delà des travers les plus notoires du président sortant — son omniprésence, son exhibitionnisme, sa capacité à dire tout et puis son contraire, la fascination que lui inspirent les riches, à peu près égale à sa disposition à transformer les chômeurs, les immigrés, les musulmans ou les fonctionnaires en boucs émissaires de toutes les colères —, les cinq années écoulées ont marqué un recul de la démocratie politique et de la souveraineté populaire.

     

    Après le référendum de mai 2005, les candidats à l’Elysée des deux principaux partis représentés au Parlement ont ignoré l’opposition de la majorité des Français à une construction européenne dont toutes les erreurs de conception se révèlent aujourd’hui. Le scrutin référendaire s’était pourtant traduit par un vote sans appel, à l’issue d’un débat national de meilleure qualité que l’actuelle campagne électorale. Et la présidence de M. Nicolas Sarkozy, qui devait marquer le retour en grâce du volontarisme en politique, s’achève sur une suite de déclarations déconcertantes.

     

    Ainsi, alors que l’ensemble des candidats de gauche semoncent les banques, M. François Baroin, ministre français de l’économie, prétend que « s’en prendre à la finance, c’est aussi idiot que de dire “je suis contre la pluie”, “je suis contre le froid” ou “je suis contre le brouillard” ». De son côté, le premier ministre François Fillon recommande au candidat socialiste François Hollande de « soumettre son programme électoral à Standard & Poor’s (1) ».

     

    La subordination des cercles dirigeants français à une droite allemande de plus en plus arrogante, attachée à son credo d’une « démocratie conforme au marché », érode également la souveraineté populaire. La levée de cette hypothèque est au cœur du scrutin en cours. Et oblige à poser sans détour les termes du débat européen. Nul n’ignore que les programmes d’austérité mis en œuvre avec acharnement depuis deux ans n’ont apporté — et n’apporteront — aucune amélioration aux problèmes d’endettement qu’ils prétendent résoudre. Une stratégie de gauche qui ne remettrait pas en cause ce garrot financier est par conséquent condamnée d’emblée. Or l’environnement politique européen interdit d’imaginer que ce résultat puisse être obtenu sans combat.

     

    A l’heure actuelle, l’embolie générale est contenue par un torrent d’argent que la Banque centrale européenne (BCE) déverse à bas prix sur les banques privées, à charge pour celles-ci de le reprêter plus cher aux Etats. Mais ce répit ne dépend que du bon plaisir de l’institut d’émission, arc-bouté sur une « indépendance » que les traités ont imprudemment consacrée. A plus long terme, la majorité des pays membres de l’Union se sont engagés, conformément aux exigences allemandes docilement relayées par Paris, à durcir leurs politiques de rigueur et à soumettre les éventuels contrevenants à un mécanisme de sanction draconien, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), en cours de ratification.

     

    Le châtiment infligé à la Grèce menace désormais l’Espagne, sommée de réduire d’un tiers son déficit budgétaire alors que son taux de chômage atteint déjà 22,8 %. Le Portugal n’est pas loin, qui doit amputer ses dépenses publiques, bien que le taux d’intérêt de ses emprunts explose (14 % en mars) et que le pays s’enfonce dans la récession (— 3 % de croissance en 2011). Infliger un tour de vis budgétaire à des Etats en proie à un chômage de masse, la chose n’est pas inédite ; telle fut la grande recette économique et sociale de la droite française des années 1930... Les socialistes expliquaient alors : « La déflation aggrave la crise, elle diminue la production et elle diminue le rendement des impôts (2). »

     

    La stupidité des politiques actuelles n’est pourtant déconcertante que pour qui imagine encore qu’elles ont vocation à servir l’intérêt général, et pas l’oligarchie rentière accrochée aux manettes de l’Etat. Si la finance a un visage, c’est bien celui-là (3). Nommer cet ennemi permettrait de mieux mobiliser contre lui.

     

    En cas d’alternance politique en France, la remise en cause du TSCG (ou d’autres politiques d’austérité du même acabit) devra constituer la priorité absolue du nouveau président, quel qu’il soit. Le succès ou l’échec de cette entreprise déterminera le reste : éducation, services publics, justice fiscale, emploi. M. Hollande aimerait dissocier la solidarité européenne, qu’il défend, de la thérapie de choc libérale, qu’il conteste. Il s’est engagé à « renégocier » le TSCG, avec l’espoir d’y ajouter « un volet de croissance et d’emploi » adossé à des projets industriels à l’échelle continentale.

     

    « Aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités », estime en revanche M. Jean-Luc Mélenchon. Assez logiquement, le candidat du Front de gauche s’oppose donc au TSCG, tout comme au mécanisme européen de stabilité (MES), lequel prévoit une assistance financière aux seuls pays en péril qui auront préalablement accepté des mesures impitoyables d’équilibre budgétaire. La candidate écologiste et les candidats trotskistes mènent également campagne pour un « audit européen des dettes publiques » (Mme Eva Joly), voire pour frapper celles-ci d’illégitimité en arguant que les baisses d’impôts de ces vingt dernières années et les intérêts versés aux créanciers expliquent l’essentiel de leur niveau actuel (M.Philippe Poutou et Mme Nathalie Arthaud).

     

    Le « repli élastique » de 1997

    Opposés à une renégociation des traités, la plupart des Etats européens, Allemagne en tête, n’imaginent rien de tel. Et pas davantage de prêter des sommes importantes à des Etats en difficulté financière sans que ceux-ci aient donné des gages de leur « bonne » gestion. C’est-à-dire accepté à la fois de nouvelles privatisations et la remise en cause de pans importants de leur protection sociale (retraites, allocations de chômage, salaire minimum, etc.). « Les Européens ne sont plus assez riches pour payer tout le monde à ne pas travailler », a d’ailleurs ironisé le 24 février dernier M. Mario Draghi, président de la BCE, dans un entretien au Wall Street Journal. L’ancien vice- président de Goldman Sachs a ajouté qu’une « bonne » austérité réclamerait de réduire à la fois les impôts (ce qu’aucun candidat français ne propose, pas même M. Sarkozy...) et les dépenses publiques.

     

    Autant dire qu’un président de gauche se heurterait aussitôt à l’opposition de la plupart des gouvernements de l’Union, très majoritairement conservateurs, et à celle de la BCE, sans oublier la Commission européenne présidée par M. José Manuel Barroso. C’est donc tout à fait délibérément que les premiers ministres britannique, polonais et italien, comme la chancelière allemande, ont refusé de recevoir le favori français des sondages, jugé moins accommodant que le président actuel.

     

    « Nous ne sommes certainement pas en faveur d’une renégociation, a déjà indiqué M. Jan Kees de Jager, ministre néerlandais des finances. En revanche, si M. Hollande veut mener davantage de réformes, alors nous serons à ses côtés, qu’il s’agisse de la libéralisation des services ou des réformes du marché du travail (4). » En somme, le soutien des Pays-Bas est acquis à tout président français de gauche qui mettrait en œuvre une politique plus libérale encore que celle de M. Sarkozy...

     

    Mme Angela Merkel ne fait pas davantage mystère de son inclination partisane : elle s’est déclarée disposée à participer aux meetings de la droite française. Les socialistes allemands montrent moins d’enthousiasme envers leurs camarades d’outre-Rhin. Le président du parti, M. Sigmar Gabriel, s’en proclame solidaire, mais un autre dirigeant, M. Peer Steinbrück, qui espère lui aussi succéder à la chancelière dans dix-huit mois, a jugé « naïf » l’engagement de M. Hollande à « renégocier une nouvelle fois tous ces accords [européens] ». Il anticipe un revirement du candidat français : « S’il est élu, sa politique pourrait concrètement différer de ce qu’il a dit (5). »

     

    On ne saurait en effet exclure une telle hypothèse. En 1997, déjà, les socialistes français avaient promis avant les élections législatives qu’ils renégocieraient le pacte de stabilité européen signé à Amsterdam — une « concession faite absurdement au gouvernement allemand », estimait alors M. Lionel Jospin. Une fois au pouvoir, la gauche française n’obtint pourtant guère plus que l’ajout des termes « et de croissance » à l’intitulé du « pacte de stabilité ».

     

    M. Pierre Moscovici, actuel directeur de campagne de M. Hollande, est revenu en 2003 sur cette pirouette sémantique. En le relisant, il est difficile de ne pas penser à la situation qui pourrait s’ouvrir dès mai prochain : « Le traité d’Amsterdam avait été négocié — fort mal — avant notre arrivée aux responsabilités. Il comportait de nombreux défauts — et d’abord un contenu social très insuffisant. (...) Le nouveau gouvernement aurait pu légitimement ne pas l’approuver (...), ou à tout le moins demander de reprendre sa négociation. Ce ne fut pas notre choix final [M. Moscovici était alors ministre délégué chargé des affaires européennes]. Car nous étions confrontés, avec Jacques Chirac à l’Elysée, à la menace d’une triple crise. Crise franco-allemande, car un recul de notre part aurait compliqué d’emblée notre relation avec ce partenaire essentiel (...). Crise avec les marchés financiers, dont les opérateurs souhaitaient l’adoption de ce traité. (...) Crise de cohabitation enfin. (...) Lionel Jospin choisit, à juste titre, de déplacer le terrain, en cherchant à la fois un repli élastique et une sortie par le haut. C’est-à-dire en obtenant, pour le prix de son consentement au traité d’Amsterdam, la première résolution d’un Conseil européen consacrée à la croissance et à l’emploi (6). »

     

    Dans l’hypothèse d’une victoire présidentielle, puis parlementaire de la gauche en mai-juin 2012, deux éléments différeraient du tableau brossé ici. D’une part, le pouvoir exécutif français ne serait plus partagé comme il y a quinze ans ; mais, d’autre part, l’équilibre politique de l’Europe, qui penchait au centre gauche en 1997, incline désormais fortement à droite. Cela dit, même un gouvernement aussi conservateur que celui du premier ministre espagnol Mariano Rajoy en est venu à s’inquiéter de la cure d’austérité à perpétuité que lui réservent les gouvernants allemands. Le 2 mars dernier, il a ainsi fait connaître sa « décision souveraine » de ne pas accepter la camisole de force budgétaire européenne.

     

    Presque au même moment, une douzaine d’autres pays, dont l’Italie, le Royaume-Uni et la Pologne, ont également réclamé une réorientation de la politique économique concoctée par le tandem germano-français. M. Hollande pourrait s’en réjouir. Il espère en effet que son éventuelle élection bouleversera les rapports de forces continentaux, sans qu’il doive engager un bras de fer — auquel manifestement il répugne — avec plusieurs gouvernements européens, la BCE et la Commission de Bruxelles.

     

    Seulement, la réorientation voulue par les pays libéraux n’a guère à voir avec celle que lui-même et ses amis recommandent. Le mot « croissance » signifie chez les uns l’adoption de politiques de l’offre thatchériennes (baisse des impôts, déréglementations sociales et environnementales), chez les autres une petite panoplie d’investissements publics (éducation, recherche, infrastructures). L’équivoque ne sera pas entretenue indéfiniment. Très vite, il faudra envisager la « désobéissance européenne » que recommandent M. Mélenchon et d’autres forces de gauche. Ou bien poursuivre sans espoir le cours déjà engagé.

     

    Au-delà de ce qui les distingue — en matière de justice fiscale, par exemple —, MM. Sarkozy et Hollande ont soutenu les mêmes traités européens, de Maastricht à Lisbonne. Ils ont tous deux entériné des objectifs draconiens de réduction des déficits publics (3 % du produit intérieur brut en 2013, 0 % en 2016 ou en 2017). Ils récusent l’un et l’autre le protectionnisme. Ils attendent tout de la croissance. Ils défendent des orientations de politique étrangère et de défense identiques, dès lors que même la réintégration par la France du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) n’est plus remise en cause par les socialistes français.

     

    L’heure est pourtant venue de rompre avec l’ensemble de ces postulats. Changer de président en est assurément la condition. Mais ni l’histoire de la gauche au pouvoir ni le déroulement de la campagne actuelle n’autorisent à imaginer qu’elle pourrait suffire.

     

    Par Serge Halimi source Le Monde Diplomatique d’avril 2012


    Transmis par Linsay

    (1) Respectivement sur RTL, 22 janvier 2012, et dans Le Journal du dimanche, Paris, 15 janvier 2012.

    (2) Préambule à la proposition de loi budgétaire du groupe socialiste pour 1933.

    (3) Lire notre dossier « Le gouvernement des banques », Le Monde diplomatique, juin 2010.

    (4) Le Monde, 1er mars 2012.

    (5) Agence France-Presse, Paris, 15 février 2012.

    (6) Pierre Moscovici, Un an après, Grasset, Paris, 2003, p. 90-91.


    URL article : http://www.rougemidi.fr/spip.php?article6704


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    L’austérité à marche forcée...  

    Corporate Europe Observatory


    Le 1er mars 2012, 25 chefs d’État et de gouvernements ont signé un nouveau traité, qui devrait entrer en vigueur au début de l’année 2013.Ce Pacte budgétaire a été conçu dans l’urgence, et sous de très mauvais auspices : ses promoteurs avaient initialement prévu de l’adopter sous forme de modification des traités existants, mais le véto de la Grande-Bretagne, lors du Conseil européen du 9 décembre, les a obligés à créer un nouveau Traité ad hoc. Cette procédure permettait en outre une adoption plus « souple » et « simple », c’est-à-dire qu’elle garantissait moins d’« interférences » liées à tout débat public et démocratique, en adoptant un traité de l’Union européenne qui n’en était pas vraiment un.
     

    Ce Pacte budgétaire a pour vocation à obliger les États signataires à appliquer des politiques budgétaires très strictes via un renforcement des règles et contrôles. Entre autres, les dénommés « déficits structurels » devront rester sous la limite de 0,5% du PIB. Si l’adoption du nouveau traité a été chaudement applaudie par le monde des affaires, et notamment la fédération patronale européenne BusinessEurope, elle a été dénoncée de manière univoque par les syndicats, et pour la première fois de son histoire, la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est opposée à un traité européen.

    Pourquoi maintenant ?

    « Ce Traité rassure peut-être les amis politiques de la Chancelière Merkel, mais sûrement pas les millions de chômeurs, de travailleurs pauvres et précaires en Europe, qui attendent en vain un véritable soutien de la part des institutions européennes. C’est pourquoi nous y sommes opposés » a expliqué Bernadette Ségol, secrétaire générale de la CES [2].
     

    La plupart des commentateurs et analystes s’accordent pour dire que ce traité ne va pas changer le cours de la crise de l’euro, et il n’a pas vocation à le faire. Il vise davantage à orienter les politiques économiques futures de l’Union européenne, ainsi qu’à donner des gages à l’électorat allemand. La Chancelière Angela Merkel a ainsi souhaité exprimer sa fermeté à l’égard des pays surendettés, et montrer que le co-financement du Mécanisme européen de stabilité (MES) sera assorti de strictes conditionnalités – de plans d’austérité drastiques – pour les Etats membres qui souhaiteraient en bénéficier.
     

    Trois nouveautés 

    Une analyse rapide du nouveau traité peut donner l’impression qu’il s’agit tout au plus d’un ensemble de nouvelles règles et de mécanismes. Ce texte est en effet rempli de dispositifs qui visent à orienter les politiques économiques dans de nombreux domaines. Si l’on met de côté les déclarations d’autocongratulation sur les « réalisations » passées, la répétition des contrôles déjà prévus dans la législation européenne et les suites à donner à ce Pacte, il reste tout au plus trois nouveautés : une formalisation plus poussée des Sommets de la zone euro, des mécanismes d’intervention plus réactifs à l’égard des pays en déficits, ainsi que le fameux « frein à la dette », qui met en place de manière contraignante des règles pour réduire la dette et les déficits.
     

    Dénouer l’enchevêtrement de ces mesures peut s’avérer compliqué. En fait, les principaux éléments de ce traité se résument en 10 points :
     

    - 1. Un « traité pour l’austérité »

    Voici l’aspect central de ce traité : l’obligation pour les États membres de durcir leurs politiques budgétaires – en réduisant voire évitant les déficits – de manière bien plus drastique que ce qui est prévu dans la législation européenne.

    Le resserrement des politiques budgétaires n’est bien évidemment pas un élément nouveau des politiques européennes. Le Pacte de stabilité et de croissance (issu du traité de Maastricht), au cœur de l’Union économique et monétaire impose aux États membres de garder leurs déficits sous les 3% du PIB… Avec amendes à la clé, dans le cas des pays de la Zone euro. Dans un premier temps, les gouvernements en faute se voient attribuer un programme pour atteindre un budget équilibré. L’élément clé de ce « programme d’ajustement » est la réduction du « déficit structurel » (voir ci-après), l’objectif étant généralement d’atteindre un objectif de 0,5% du PIB en plusieurs années [3]. Le nouveau traité rend cet objectif obligatoire.
     

    Qu’est-ce que le déficit structurel ? 

    Le déficit structurel est censé révéler un problème à moyen-terme dans le budget d’un État qui aurait des recettes insuffisantes et de dépenses trop importantes. Pour obtenir ce déficit, il faut soustraire au déficit annuel de l’État le déficit dû aux variations de l’économie (en temps de crise, les déficits s’accroissent de manière « automatique ») ainsi que les dépenses exceptionnelles des gouvernements, dépenses considérées comme « légitimes » dont la liste est établie. Ce déficit structurel est la base sur laquelle on considère qu’un État doit prendre des mesures pour couper dans les dépenses ou augmenter les taxes. Le « frein à la dette » vise à réduire ce déficit identifié comme cause structurelle d’endettement. 

    On peut ainsi calculer que si le traité était appliqué, les coupes budgétaires (ou hausses fiscales) se seraient avérées considérables : pour le moment, seuls 4 États membres font état d’un déficit en dessous du seuil « magique » de 3% (Luxembourg, Finlande, Suède, Estonie) [4]. Dans de nombreux pays, des mesures dramatiques devraient être prises. En Belgique, par exemple, où sur un déficit total de 4,6%, 4% sont considérés par la Commission comme « déficit structurel ». La Belgique devrait donc, selon le traité, réduire son déficit sous une barre de 1,1% (0,5% de déficit structurel + 0,6% de déficit non structurel).
     

    A première vue, les États signataires ne sont pas directement contraints à prendre des mesures de réduction des dépenses sociales. Pourtant, « réduire le déficit structurel » présuppose ici des mesures bien particulières. Les recommandations de la Commission aux États membres sous les coups d’une procédure de déficit excessif – actuellement cela concerne 23 des 27 Etats membres – sont très claires : il faut couper dans les dépenses sociales pour diminuer le déficit structurel [5]. Une limite de 0,5% du déficit structurel va par ailleurs sérieusement réduire les options disponibles pour les gouvernements, notamment en situation de crise. Elle les empêchera de faire les investissements publics nécessaires pour répondre à la crise.
     

    Enfin, il faut noter que le traité – ainsi que de nombreuses des règles et procédures européennes actuelles – met particulièrement l’accent sur les dépenses. Cela a été confirmé avec l’adoption du Pacte pour l’euro en mars 2011, qui explique de manière claire que l’« équilibre des finances publiques » présuppose des attaques contre les retraites, les dépenses de santé et allocations sociales [6].
     

    - 2. Un pilotage automatique 

    Lorsque le « frein à la dette » n’est pas respecté par un gouvernement lors de l’adoption du budget national, des mécanismes au sein même de la législation nationale devraient déclencher des sanctions – suffisamment sérieuses pour remettre le gouvernement sur la voie d’une « réduction des déficits ».
     

    Cela pose la question suivante : dans ce cas, qui va se charger de faire rentrer les gouvernements dans le rang, et comment ? Qui va poursuivre les gouvernements et les obliger à changer sa politique économique, et par quel biais ? Le traité nous donne quelques indices. La responsabilité pour définir les « principes communs » des règles budgétaires est dévolue à la Commission européenne, y compris les principes sur « l’indépendance des institutions responsables au niveau européen pour contrôler le respect strict des règles ». En d’autres termes, des instances indépendantes seront mises en place au niveau national, probablement composées d’experts et d’économistes, afin de veiller à l’application de la discipline budgétaire [7].
     

    - 3. L’austérité à perpétuité 

    Aucune limite temporelle n’est prévue au renforcement des politiques budgétaires.
     

    Le texte stipule en effet que les États membres doivent adopter des « dispositions à caractère contraignant, de préférence constitutionnelles, ou bien avec la garantie d’une application et d’une adhésion totale lors du processus d’adoption du budget national ». En d’autres termes, de manière permanente.
     

    La préférence de l’Allemagne va pour la procédure constitutionnelle. L’Allemagne a récemment adopté une modification constitutionnelle qui s’apprête à forcer les gouvernements futurs à rester en dessous d’un déficit structurel de 0,35%. C’est ce type de mesure que la Chancelière Merkel souhaiterait voir appliquer dans les autres États membres. Il y a cependant d’autres possibilités, qui doivent néanmoins s’appliquer de manière permanente. Comme l’indiquait la Chancelière :
     

    « Le frein à la dette va être contraignant et s’appliquer de manière permanente. Les règles ne doivent en aucun cas pouvoir être changées par une nouvelle majorité parlementaire. [8] »
     

    Bien sûr, le texte stipule qu’il faut « respecter totalement les prérogatives des parlements nationaux », mais dans un tel contexte, cela sonne davantage comme un véritable pied-de-nez.
     

    Dans certains pays, une modification de la constitution nécessite un referendum, et il s’agit là d’un scénario à éviter à tout prix pour les promoteurs du Pacte budgétaire. Une manière de faire cela, dans le cadre de ce nouveau traité européen qui n’en est pas un, serait de mettre en place une règle permanente, quasi-constitutionnelle, mais en dehors de la Constitution. 

    - 4. En cas de doute, la Cour européenne de justice aura le dernier mot 

    Que se passe-t-il si un État membre considère qu’un autre État membre n’a pas adopté de législation suffisamment contraignante pour mettre en œuvre les règles du traité ? Dans ce cas, le plaignant peut porter plainte auprès de la Cour de justice européenne. Cela peut s’avérer quelque peu surprenant : en effet, le rôle de la Cour de justice européenne est de s’assurer du respect de la législation européenne, pas de régler des différends entre États de manière générale ou sur la base de traités hors de l’Union européenne. Pourtant, la Cour de justice européenne pourra à ce titre imposer des amendes à hauteur de 0,1% du PIB. 

    Ce rôle clé dévolu à la Cour de justice européenne pourrait devenir très important dans le futur. Il permettra a tout État membre de porter plainte sur tout aspect de la mise en œuvre du traité dans un autre État membre.
     

    - 5. Peu ou pas de flexibilité 

    Les signataires devront-ils ramener leur déficit structurel en dessous de 0,5% du PIB dès l’application du traité ?
     

    Non, mais cela devra se faire rapidement. Le temps dévolu n’est pas encore clairement défini dans les propositions de la Commission. Dans leurs « efforts » pour réduire les déficits, les signataires auront exceptionnellement la possibilité de dévier du chemin étroit de l’austérité, dans le cas où ils feraient face à une récession ou croissance faible, à condition que cela ne mette pas en danger l’atteinte d’un « équilibre budgétaire à moyen terme ». La même exception figure lorsque l’objectif de 0,5% est atteint.
     

    Cette exception reste néanmoins très floue, et pourrait ne jamais entrer en vigueur. La seule véritable disposition permettant une flexibilité concerne les États qui sont peu endettés, pour lesquels un déficit de 1% du PIB est toléré. Mais peu de signataires pourront profiter de cette exception dans les prochaines années [9]. Même en temps de crise, les signataires qui souhaiteraient mettre en place des politiques budgétaires ambitieuses et des investissements publics se verront opposer des obstacles importants. Il s’agit de tuer dans l’œuf toute tentative de réponse keynésienne à la crise, réponse qui a pourtant prouvé son efficacité dans le passé quand bien même elles auraient provoqué d’importants déficits. 

    « Quand tout va bien, de tels resserrement budgétaires sont inutiles. Quand tout va mal, ils ont des conséquences néfastes. Ce n’est pas un signe de mauvaise gestion que de présenter des déficits en temps de crise » comme l’explique l’économiste Jesper Jeffersen [10].
     

    Ce traité s’apprête donc à graver dans le marbre une réponse à la crise qui s’avère inadaptée, et à faire en sorte que, en temps de crise, ce soient les dépenses publiques qui soient systématiquement désignées comme responsables – même si, comme c’est le cas aujourd’hui, les causes de la crise se trouvent davantage dans le fonctionnement du secteur privé.
     

    Mauvais diagnostic… mauvais remèdes.

     - 6. La méthode de calcul est biaisée, et stigmatise les dépenses sociales 

    Les détails du calcul du « déficit structurel » sont trop compliqués pour être compréhensibles et transparents vis-à-vis du grand public. En fait, il n’y a pas de consensus au plan international, ni même à l’échelle européenne, sur la méthode de calcul. Le FMI, l’OCDE, la Banque centrale européenne et la Commission européenne, chacun utilise sa propre approche.
     

    Pourtant, la méthode utilisée joue un rôle crucial. Ce chiffre de 0,5% peut déterminer à maints égards l’avenir de nos droits sociaux. Déterminer si un État se trouve d’un côté ou de l’autre de ce seuil dépend dans une large mesure de la méthode de calcul.
     

    Un exemple : en 2011, la Commission a calculé que le déficit structurel du Danemark était de 3%. Le gouvernement danois, quant à lui, a avancé le chiffre de 1%. Si c’était le chiffre de la Commission qui devait être utilisé, le pays devrait faire en termes d’efforts budgétaires le double des économies qu’il a réalisées en « réformant » son système de retraite (c’est-à-dire en réduisant les pensions).
     

    Pour la Banque nationale danoise, et le Ministre des finances du Danemark, la méthode employée par le gouvernement reflète mieux la réalité de l’économie danoise, tandis que la méthode de la Commission comprend des biais à l’égard des pays qui disposent d’une importante protection sociale [11]. Pourtant, c’est bien la Commission qui sera en charge des principes communs de calculs des déficits structurels, et il y a fort à parier qu’elle propose les mêmes méthodes qu’elle utilise actuellement.
     

    Les méthodes employées par un État pourront par ailleurs être portées devant la Cour de justice européenne si elles sont considérées comme inadaptées. Là encore, tout porte à croire que la Cour soutiendra les méthodes employées par la Commission depuis des années. Ainsi les méthodes nationales de calcul risquent de ne pas faire long-feu : la Commission devrait faire de l’adoption de règles uniformes une priorité ; ces règles pourraient s’avérer un outil politique de premier choix pour imposer la discipline budgétaire.
     

    - 7. Il s’agit d’un outil politique – les calculs sont peu fiables, voire dangereux 

    La Commission aura donc un rôle considérable vis-à-vis de l’établissement de ces règles de calcul. Elle a pourtant, à plusieurs occasions, fait preuve d’une certaine forme de partialité dans ses fameux calculs. Le cas de l’Irlande est particulièrement parlant : fin 2008, la Commission avait ainsi prévu de très bonnes perspectives pour l’économie irlandaise, qui s’est pourtant effondrée en 2009. Plus étonnants, sans doute, sont les calculs que la Commission a réalisés après l’arrivée de la crise. Selon ces calculs, l’Irlande, qui subit actuellement une crise économique majeure, serait pourtant proche d’un optimum de performance [12].
     

    On se doute bien que la Commission ne dispose pas de boule de cristal. Et quand bien même, le calcul du « déficit structurel » comporte tant d’impondérables [13] que cet indicateur n’est pas vraiment pertinent pour juger de l’état d’une économie. Dans le cadre du Pacte budgétaire, il est davantage utilisé comme un outil pour jeter l’opprobre sur les dépenses publiques comme des maux, et pousser les États à réformer leurs économies.
     

    - 8. La zone euro est aux manettes 

    Au-delà du « frein à la dette », le traité comporte deux sections importantes.
     

    La première reprend la décision prise en octobre de tenir deux sommets la zone euro par an. Ces sommets seront présidés par un nouveau président du sommet de la zone euro qui sera « désigné par les chefs d’État et de gouvernements des parties contractantes dont la monnaie est l’euro à la majorité simple, en même temps que le Conseil européen élit son Président, et pour la même durée ».
     

    Cette partie du traité a prêté à controverse, en effet plusieurs pays en dehors de la zone euro, la Pologne en tête, ont exprimé leurs craintes que les décisions importantes soient prises au sein du club de l’euro (à la majorité qualifiée), club duquel ils seraient écartés. Le traité prévoit en l’occurrence que les pays hors de la zone euro puissent assister aux Sommets comme participants, ainsi que la tenue d’un Sommet des signataires du Pacte budgétaire. 

    - 9. Soumission et mise à l’amende des pays en déficit 

    La seconde section concerne les règles à l’égard des pays en déficits, qui sont elles aussi modifiées. Dans le cadre des traités européens, il existe une « procédure de déficit excessif » qui vise à obliger les États membres à rester sous le seuil de 3% de déficit. Cette procédure comprend plusieurs étapes : tout d’abord, la décision de lancer la procédure doit être prise par Conseil européen sur proposition de la Commission, puis l’État membre concerné doit produire un rapport sur les mesures qu’il considère de prendre pour résorber le déficit, enfin en cas d’absence de résultats, il peut recevoir un avertissement ou une amende s’il appartient à la zone euro.
     

    Cette procédure est considérablement renforcée avec le Pacte budgétaire. En effet, les décisions seront désormais prises à la « majorité inversée », y compris pour le lancement de la procédure. Le traité prévoit en effet qu’il faudra une majorité qualifiée des membres de la zone euro pour s’opposer au lancement des poursuites contre un État membre.
     

    Aujourd’hui, seuls quatre membres de la zone euro ne sont pas sous le coup d’une procédure de déficit excessif [14], mais le mode de vote rendait la procédure lente voire la bloquait. La majorité qualifiée étant difficile à obtenir, ce sera désormais plus simple d’infliger des amendes. En 2011, la France s’était opposée à la majorité inversée… Ce sera désormais la règle avec le nouveau traité. 

    - 10. Le traité va entrer dans la législation européenne 

    Le traité n’est pas un traité européen. Pourtant, il donne des tâches et responsabilités très importantes à la Commission, et confère à la Cour de justice européenne un pouvoir considérable. Il est néanmoins prévu qu’il intègre, d’ici 5 ans, la législation européenne. Vu l’état des discussions, ce scénario est tout à fait probable. La République Tchèque et le Royaume-Uni ne sont pour le moment pas signataires, mais des arrangements sont en bonne voie d’être trouvés, et le Royaume-Uni pourrait bien bénéficier d’exemptions à certaines clauses dans le cadre d’un traité de l’UE.

     

    Un danger pour la société et la démocratie 

    D’ici à ce qu’il soit intégré à la législation européenne, cela ne fera pas de différence. Le vrai changement sera sur le court-terme. Déjà l’an dernier, les règles concernant la surveillance des budgets en déficit ont été considérablement renforcées, avec un resserrement des délais, des exigences plus pressantes et plus contraignantes pour la mise en place de mesures d’austérité, des amendes plus élevées… Avec le Pacte pour l’euro et les réformes de la gouvernance économique (« six-pack »), cette tendance s’est accrue. Le « traité d’austérité » resserre un cran de plus les vis d’un édifice institutionnel complexe qui fait de l’austérité l’alpha et l’oméga des politiques économiques européennes… Et qui s’apprête à heurter de plein fouet les droits sociaux et la protection sociale.

     
    Néanmoins, tout n’est pas encore joué. Le fait que 25 chefs d’État et de gouvernement aient paraphé le texte ne signifie pas que tout est terminé. Pour commencer, le traité doit être ratifié, et malgré le fait qu’il ait été tout particulièrement pensé pour éviter de susciter le débat démocratique, le gouvernement irlandais a d’ores et déjà été forcé de tenir à un référendum en fin d’année. Et quand bien même il serait ratifié et mis en œuvre, ce traité sera sans doute la cible d’une résistance sociale massive, lorsque ses conséquences deviendront claires.
     

    Traduction par Frédéric Lemaire 

    Investig Action
     

    Cri du Peuple 1871 : http://www.mleray.info/article-europe-pacte-budgetaire-10-choses-que-vous-devez-savoir-102168716.html


    Notes 

    Source : Les dessous de Bruxelles

    [1] Pacte budgétaire, ou Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » T, http://www.european-council.europa....

    [2] Communiqué de presse de la CES, 31 janvier 2012, http://etuc.org/a/9605

    [3] Réglement 1466/97, article 5,http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ...

    [4] Statistiques Eurostat, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tg...

    [5] European Economy, Occassional Papers 65, 2010, http://ec.europa.eu/economy_finance...

    [6] Pacte Europlus, page 19 des conclusions du Conseil, 24, 25 mars 2011, http://www.consilium.europa.eu/uedo...

    [7] Cela fait longtemps que l’idée de telles instances indépendantes, disposant d’un rôle important est débattue au sein les institutions européennes, et de nouvelles propositions législatives dans ce sens devraient être faites bientôt.

    [8] The Guardian, 30 janvier 2012, http://www.guardian.co.uk/business/...

    [9] Dépêche Eurostat, 6 février 2012, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ca...

    [10] Professeur Jesper Jespersen, interview, 24 février 2012.

    [11] Commission européenne, European Economy no 3, 2006, http://ec.europa.eu/economy_finance...

    [12] Exemples tirés de Pat McArcle ; “The Euro Crisis : The ‘Fiscal Compact’ and Fiscal Policy”, Working Paper 6, Institute of International and European Affairs, 2012, page 13. http://www.iiea.com/publications/th...

    [13] A critique argumentée de la méthode de la Commission européenne a été élaborée par la Banque Nationale danoise (département économie) : Ann-Louise Winther ; “Konjunkturudsving og offentlige finanser”, Kvartalsoversigt, 1. Kvartal 2011 del 1, Danmarks Nationalbank, 2011, pp. 71- 91. https://www.nationalbanken.dk/C1256... 

     

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  • Le plan de sauvetage des banques privées  
     
    La réalité est très loin des images d’Epinal qui nous présentent le « plan de sauvetage de la Grèce » comme un exercice d’équilibre entre les sacrifices « consentis » par le peuple grec et les « sacrifices » des banques. Les sacrifices ne sont nullement « consentis » par le peuple grec qui multiplie grèves et manifestations. Les « sacrifices » des banques ne sont en rien des sacrifices. La Grèce est loin d’être sortie d’affaire, au contraire. Quant à la crise de la dette publique européenne elle resurgit maintenant sous d’autres formes, tout aussi dangereuses.  
     
    Le « sacrifice » des banques   
     
    Les créanciers privés et les banques qui sont les principales créancières privées de la Grèce se sont-ils « sacrifiés », comme le proclament à grands renforts de violons plaintifs la quasi-totalité des médias, en « effaçant » 53,5 % de leurs créances, c’est-à-dire 107 milliards d’euros ?   Il suffit pour répondre à cette question d’imaginer ce qui serait advenu en cas d’impossibilité pour la Grèce de rembourser ses créanciers.
     
    La Grèce n’aurait pas obtenu les 130 milliards d’euros versés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le FMI. Elle n’aurait donc pas pu faire face au remboursement de ses obligations arrivées à échéance (14,5 milliards d’euros à la fin du mois de mars). La panique aurait gagné les marchés financiers et se serait immédiatement étendue aux titres des dettes publiques italiennes et espagnoles qui représentent un total de près de 3 000 milliarsd d'euros en grande partie détenus par les banques et les assurances de l’Union européenne.  
     
    C’est donc pour sauver leurs créances de près de 3 000 milliards d’euros et leur propre peau (une crise bancaire aurait immédiatement suivi ce défaut grec), que les banques et les assurances européennes ont accepté de « perdre » 106 milliards d’euros.   Ensuite, sur les 130 milliards soi-disant versés par le FESF et le FMI pour « aider la Grèce », 25 milliards d’euros seront aussitôt utilisés à recapitaliser les banques grecques et retourneront donc aux banques.  
     
    Ensuite, la valeur des obligations grecques n’avaient plus rien à voir avec leur valeur d’émission. Une obligation de 100 euros lors de son émission (sa valeur faciale) ne valait plus sur le marché secondaire (la bourse) que 10 euros dans le meilleur des cas. Les nouvelles obligations reçues par les banques et les assurances en contrepartie de leurs anciennes obligations auront une valeur de 46,5 % de la valeur faciale des anciennes obligations. Soit une valeur de 46,5 euros pour une obligation de 100 euros qui ne valait plus que 10 euros sur le marché boursier.
     
     
    Un cadeau, donc, de 36,5 euros par obligation de 100 euros pour les banques !   Ensuite, les banques pourront faire jouer les assurances, les fameux CDS (Credit Default Swap) qu’elles avaient prises sur la dette publique grecque. Certes, d’autres banques devront cracher au bassinet les 3,2 milliards d’euros concernés mais se sont essentiellement des banques anglo-saxonnes, Morgan Stanley notamment.  
     
    Les banques et les assurances européennes s’étaient de toute façon déjà défaussées d’une bonne partie des titres de la dette publique grecque qu’elles avaient acquises aux dépens de la Banque centrale européenne (BCE) et du FESF.
     
    Un nouveau transfert, d’une rare discrétion, des dettes privées vers les dettes publiques, après celui de 2008-2009.   Les banques européennes avaient investi en titre de la dette publique grecque une partie des centaines de milliards d’euros que la Réserve fédérale américaine et la BCE leur avait fourni à taux zéro lors de la crise bancaire de 2008. Grâce à ce plan de sauvetage, elles auront sauvé l’essentiel de leurs fonds malgré l’échec de leur spéculation.
     
    Ce sera aux peuples européens de payer la facture puisque les dettes de la BCE et du FESF sont garanties par les Etats de l’Union européenne.   Les Grecs ne bénéficieront pas de l’ « aide » de l’UE et du FMI   
     
    L’argent sera versé sur un compte bloqué comme l’avait exigé Merkozy. Les sommes ne seront débloquées que pour recapitaliser les banques ou payer les créanciers de la dette grecque au fur et à mesure de leur arrivée à échéance.  
     
    Les Grecs ne verront donc pas la couleur d’un seul euro des 130 milliards d’euros de l’UE et du FMI, comme cela avait déjà été le cas pour le précédent prêt de 110 milliards. Ce plan de sauvetage n’est pas un plan de sauvetage de la Grèce, bien au contraire puisqu’il l’enfonce encore plus dans la récession et la misère sociale. C’est uniquement un plan de sauvetage des banques.   
     
    La dette publique grecque ne diminuera pas   
     
    La dette grecque s’élève à 365 milliards d’euro, c’est-à-dire à 160 % d’un PIB de 328 milliards d’euros fin 2011.  
     
    Merkozy et la finance annoncent qu’avec les « sacrifices » des banques et le prêt de 130 milliard d’euros, la dette grecque ne devrait plus s’élever qu’à 120 % du PIB de la Grèce en 2020. Pourquoi en 2020 ? Tout simplement parce que le prêt de 130 milliards du FESF et du FMI viendra s’ajouter à la dette publique actuelle de la Grèce : 106 milliards en moins et 130 milliards en plus, cela signifie à court terme une dette accrue de 24 milliards d’euros !  
     
    La Troïka (BCE, UE, FMI) prévoit pour arriver à une dette grecque de 120 % du PIB en 2020 une croissance de 1,1 % en 2012 et de 4 % par an ensuite. Ce scénario illustre parfaitement l’incroyable aveuglement de la Troïka. En 2011, le PIB de la Grèce a diminué de 6 %. Cela devrait être encore pire en 2012 et on ne voit pas comment la situation pourrait s’améliorer entre 2013 et 2020. Ce que la Troïka est incapable de comprendre c’est que les plans de destruction sociale imposée à la Grèce ont massacré sa consommation intérieure et que la généralisation de l’ « austérité » à l’ensemble de l’Europe détruisent ses débouchés extérieurs.  
     
    Il faudra bien, tôt ou tard, se rendre à l’évidence, la Grèce est insolvable, elle ne pourra jamais rembourser sa dette. La seule solution pour elle est d’annuler sa dette publique et d’éjecter de son sol les hommes en noir de la Troïka avec leurs plans de destruction sociale.   
     
    Petros Giannakouris/AP/SIPA
    Petros Giannakouris/AP/SIPA
     
    La démocratie grecque pulvérisée   
    La formule employée par le ministre de l’économie grec, Evángelos Venizélos, illustre parfaitement ce qu’il en est, aujourd’hui, de la démocratie grecque. Ce triste personnage s’est félicité d’une participation « massive » des créanciers grecs qui constitue « un vote de confiance » de ces créanciers. Voilà le seul « vote » qui compte pour le gouvernement grec actuel. Il faut dire que Venizélos, venu dans les bagages de Papademos doit son poste actuel de ministre aux marchés financiers qui avaient imposé ce nouveau gouvernement dit d’ « union nationale » après que Papandréou ait osé (pas longtemps, hélas) s’opposer à Merkozy en annonçant un référendum.   Les sommes versées par le FESF et le FMI le seront sur un compte bloqué, contrôlé par la Troïka. Les nouvelles obligations émises par la Grèce seront soumises au droit anglais pour rendre plus difficile une restructuration ou une annulation de la dette grecque.  
     
    La Troïka siège en permanence à Athènes et se substitue de plus en plus au gouvernement et à l’Etat grec. Cela ne suffit pas à Merkel qui veut, de nouveau, imposer à la Grèce la présence d’un commissaire européen chargé d’administrer la Grèce.  
     
    La Troïka a exigé, avant les élections législatives, que les dirigeants des « partis de gouvernement » signe un document les obligeant à ne rien changer aux engagements pris par le gouvernement de Papadémos. Une façon évidente d’annoncer que ses élections ne serviront à rien, que le suffrage universel n’a plus aucune valeur.  
     
    Les élections législatives sont sans cesse repoussées. Elles devaient avoir lieu en février, le gouvernement parle maintenant de mai ou de juin. Il faut dire que les sondages donnent 40 % des suffrages aux partis de gauche qui refusent les plans de destruction sociale. Le PASOK, déjà affaibli par le refus courageux de 22 de ses députés de voter la dernier plan de destruction sociale, n’obtiendrait plus que 10 % des voix alors qu’il avait recueilli 44 % des suffrages en 2009.  
     
    La politique des oligarques européens est une quadruple catastrophe   
     
    Une catastrophe démocratique comme nous  venons de le voir. Une catastrophe sociale avec les plans de destruction sociale à répétition imposés au peuple grec. Une catastrophe économique puisque ces plans plongent la Grèce dans une récession de plus en plus profonde.   Une catastrophe financière, enfin, puisque le déficit public de la Grèce s’accroît chaque année de 6 ou 7 %, contrairement aux objectifs des oligarques européens. Selon le dernier rapport de la Troïka, la Grèce pourrait revenir sur les marchés financiers en 2015. C’est complètement farfelu. Il faudrait pour cela que les marchés financiers exigent de la Grèce des taux de l’ordre de 5 % pour acquérir les obligations qu’elle émettrait afin de rembourser les titres de sa dette publique arrivés à échéance. Cela n’a aucun rapport avec la réalité : le taux de rendement des obligations grecques exigé par la finance est aujourd’hui supérieur à  34 % sur le marché secondaire (la bourse). L’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » du 4 mars affirmait que la Troïka, dans une première version de son rapport, avait écrit que ce retour de la Grèce sur les marchés financiers était loin d’être évident et que les besoins en financement de ce pays pourraient alors atteindre 50 milliards d’euros entre 2013 et 2020. Ce passage, selon « Der Spiegel », avait été retiré à la demande du gouvernement allemand.  

    La crise de la dette publique européenne est, hélas, loin d’être terminée   
     
    Sarkozy, à l’issue du sommet européen de Bruxelles, le vendredi 2 mars proclamait : « nous ne sommes pas sortis de la crise économique mais nous sommes en train de tourner la page de la crise financière ». Il n’avait toujours pas compris qu’il y avait un rapport étroit entre crise financière et crise économique. Sous prétexte de répondre à la crise financière en réduisant les déficits à marche forcée, les « plans de rigueur » imposés aux pays européens plongent leurs économies dans la récession. La récession, à son tour, empêche toute réduction des déficits publics et accroît la crise financière.  
     
    Pour sortir de ce cercle vicieux, les oligarques européens veulent imposer des « réformes de structure ». Ainsi, en Espagne, au nom de la lutte contre le chômage, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy entend-il imposer une réforme du marché du travail qui passe par une suppression de toute entrave aux licenciements, une durée de stage avant titularisation passant de six mois à un an. La meilleure recette pour encore augmenter le chômage et accentuer la récession de l’avis des syndicats espagnols (UGT et CCOO) qui appellent à une nouvelle grève générale le 29 mars prochain. En attendant, la Commission européenne « attend des explication » et envoie ses « inspecteurs » à Madrid.  
     
    Sarkozy veut nous faire croire que le répit relatif que connaissent aujourd’hui les taux d’intérêts de l’Espagne et de l’Italie (5 à 6 % au lieu de 6 à 7 %) serait dû au pacte Merkozy. C’est entièrement faux, ce pacte aboutit exactement à l’effet inverse en enfonçant encore plus l’Europe dans la récession.  
     
    Le répit donné à ces deux pays a une seule origine, les 1 018 milliards d’euros prêtés aux banques européennes par la BCE au taux de 1 % : 489 milliards en décembre 2011et 539 milliards en mars 2012. Les banques (en particulier italiennes et espagnoles) utilisent les fonds qu’elles ont obtenus aux guichets de la BCE pour acheter des titres des dettes publiques espagnoles et grecques et faire baisser leurs taux de rendement. Mais la BCE aura du mal à renouveler ce type de crédit car les marchés financiers commencent (à juste titre) à s’inquiéter de l’addiction des banques à ce type de crédit. Et peut-être aussi les peuples espagnols et italiens commenceront-ils à se poser la question de savoir pourquoi les banques prêtent à l’Espagne et à l’Italie à des taux supérieurs à 5 % alors qu’elles obtiennent cet argent au taux de 1 % auprès de la BCE ?    
     

     

    A peine signé, le traité Merkozy ne peut déjà plus s’appliquer   
     
    A peine le pacte budgétaire était-il signé (et non ratifié), le 2 mars, par 25 pays européens,  que les Pays-Bas et l’Espagne annonçaient qu’ils ne pourraient pas l’appliquer.   Le pays le plus acharné à imposer la « règle d’or » du pacte budgétaire de Merkozy, les Pays-Bas, annonçait que son déficit public atteindrait 4,5 % du PIB en 2012 et 4,1 % en 2013. Très loin des 3 % auxquels le gouvernement des Pays-Bas s’était engagé.  
     
    Le chef du gouvernement conservateur de l’Espagne annonçait, lui aussi, qu’il ne pourrait tenir les objectifs fixés par le traité Merkozy. Le  déficit public s’élevait à 8,51 % du PIB espagnol en 2001 et Mariano Rajoy ne voyait pas comment il pourrait atteindre les objectifs de 4,4 % en 2012 et de 3 % en 2013.  
     
    Les malheurs des oligarques européens ne s’arrêtent pas là. Les marchés financiers semblent maintenant comprendre (à la différence de Sarkozy) que, sans croissance économique, la détention des titres de la dette publique portugaise sera de plus en plus risquée. Et comme les prévisions de croissance négative au Portugal dépassent les 5 % en 2012, le taux de rendement des obligations portugaises à 10 ans atteignent maintenant 12,45 %. Ce qui rend illusoire la possibilité d’un retour du Portugal sur les marchés financiers en 2014. Il ne restera plus alors au Portugal que deux solutions : faire défaut de sa dette ou demander un nouveau prêt à la Troïka. Le Portugal apparaît donc maintenant comme le nouveau maillon faible de l’Union européenne.  
     
    Pire que tout, pour les oligarques européens, la démocratie qu’ils veulent à tout prix mettre au pas leur fait obstacle dans trois pays européens.  
     
    L’Irlande où l’annonce d’un référendum sur le traité Merkzoy leur à fait l’effet d’une douche glacée.  
     
    La France où l’élection présidentielle pose un gros problème à Merkozy dans la mesure où l’élection de François Hollande signifierait la disparition de la moitié de ce duo de droite et la volonté du nouveau gouvernement français de renégocier le traité.  
     
    L’Allemagne elle-même, enfin, puisque sa constitution exige une majorité des 2/3 pour ratifier le traité européen alors qu’une partie de la coalition de droite refuse le traité (pour ne pas « aider » ces horribles Grecs) et que le SPD et les Verts posent leurs conditions à ce vote : l’adjonction d’un volet destiné à assurer la croissance économique.  
     
     
     
    Gérard Filoche Jean-Jacques Chavigné      
     

    Le plan de Merkozy et de la finance

      assiette-au-be6e-688bf.jpg  Ce plan comprend trois volets :  
    Premier volet : un prêt de 130 milliards d’euros à la Grèce financé par le FESF (112 milliards d’euros) et le FMI (18 milliards d’euros). L’octroi de ce prêt est conditionné à la réalisation des deux autres volets.  
     
    Deuxième volet : un abandon de créances de 107 milliards d’euros par les créanciers privés de la Grèce (banques, assurances, fonds spéculatifs…)  
    Les créanciers privés de la dette publique grecque détiennent des titres de cette dette pour un montant de 206 milliards.   Les créanciers privés qui détiennent 83, 5 % du montant total de ces titres (172 milliards d’euros) ont « volontairement » accepté de diminuer leurs créances de 53,5 %. Un titre qui valait 100 euros lors de son émission (sa valeur faciale) ne vaudra plus que 46,5 euros.  
    Le parlement grec a ensuite décidé d’actionner la « clause d’action collective » et tous les créanciers privés des obligations grecques régies par le droit grec verront la valeur faciale des obligations de l’Etat grec qu’ils détiennent diminuée de 53,5 %. Cela concerne au total 95,7 % des 206 milliards d’euros, soit 107 milliards d’euros.  
    En contrepartie de leurs anciennes obligations, les créanciers privés recevront des obligations émises par le FESF pour 15 % de la valeur initiale de leurs obligations et de nouvelles obligations grecques pour 31,5 %. Les 53,5 % restant seront « perdus ».  
     
    Troisième volet : un nouveau plan de destruction sociale infligé au peuple Grec. Ce plan (voir D&S de janvier 2012), la pire agression qu’un peuple européen ait eu à subir en temps de paix depuis des siècles, a été voté, en février 2012, par un Parlement grec assiégé par le peuple grec. 
     

     http://www.marianne2.fr:80/gerardfiloche/Un-mensonge-de-plus-de-Sarkozy-la-Grece-n-est-pas-sauvee_a44.html

     

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    Pourquoi je quitte Goldman Sachs

     

     

     

    Un directeur général de la célèbre banque d'affaires américaine claque bruyamment la porte. Dans cette tribune virulente, il dénonce le fonctionnement “toxique et destructeur" d'un établissement qui ne pense qu'à plumer ses clients.

    Aujourd'hui, c'est mon dernier jour chez Goldman Sachs. Après douze ans passés dans la société - d'abord comme stagiaire alors que j'étudiais à Stanford, puis à New York pendant dix ans, et maintenant à Londres -, je crois y avoir travaillé assez longtemps pour comprendre l'évolution de sa culture, de son personnel et de son identité. Et je peux dire en toute honnêteté que l'environnement y est désormais plus toxique et destructeur que jamais.

    Pour décrire le problème en termes simples, les intérêts du client continuent de passer au second plan dans la façon qu'a la société de fonctionner et de calculer comment gagner de l'argent. Goldman Sachs est l'une des plus grandes et des plus puissantes banques d'investissements de la planète, et elle est beaucoup trop intégrée à la finance planétaire pour continuer à agir de la sorte. Elle a tellement dévié, par rapport à ce qu'elle était quand j'y suis entré, que je ne peux plus, en mon âme et conscience, m'identifier à ce qu'elle incarne.

    Le public, sceptique, en sera peut-être étonné, mais la culture était un élément essentiel du succès de Goldman Sachs. Cette culture était affaire de travail d'équipe, d'intégrité, d'humilité, de service apporté au client. Elle était le mortier invisible qui garantissait la cohésion de cette formidable entreprise, qui nous avait permis de nous assurer la confiance de nos clients pendant 143 ans. Il n'était pas seulement question de gagner de l'argent : une société qui n'a que cela en tête ne tient pas longtemps. La fierté et la foi dans l'entreprise jouaient aussi un rôle. J'ai le regret de dire que quand je regarde aujourd'hui autour de moi, je ne vois pratiquement aucune trace de cette culture qui a fait que j'ai tant aimé travailler ici pendant des années. Je ne ressens plus cette fierté, ni cette foi.

    Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Pendant plus de dix ans, j'ai recruté et supervisé des candidats au fil de notre redoutable processus de sélection. J'ai été choisi pour faire partie des dix personnes (sur les quelque 30 000 que compte l'entreprise) qui apparaissent dans notre vidéo de recrutement, laquelle est diffusée sur tous les campus universitaires où nous nous rendons de par le monde. J'ai su qu'il était temps de partir quand je me suis aperçu que je ne pouvais plus regarder les étudiants dans les yeux pour leur dire à quel point il était merveilleux de travailler ici.

    Au fil de ma carrière, j'ai eu le privilège de conseiller deux des plus importants fonds spéculatifs de la planète, cinq des plus grands gestionnaires d'actifs aux Etats-Unis et trois des plus éminents fonds souverains au Moyen-Orient et en Asie. Je mettais toujours un point d'honneur à conseiller à mes clients de faire ce qui était selon moi bon pour eux, même si cela impliquait que la société gagnerait moins d'argent. Une façon de voir les choses de moins en moins populaire chez Goldman Sachs.

    Comment en sommes-nous arrivés là ? C'est le leadership que la société ne considère plus sous le même angle. Autrefois, le leadership était une affaire d'idées, il importait de donner l'exemple et de faire ce qu'il fallait. Aujourd'hui, si vous rapportez assez à l'entreprise (et n'êtes pas un tueur psychopathe), vous serez promu à un poste influent.

    Quels sont les trois moyens les plus rapides de s'imposer en tant que leader ? a) Rentabiliser les "intérêts" de la société, autrement dit convaincre ses clients d'investir dans les actions et autres produits dont nous nous efforçons de nous débarrasser parce qu'ils n'ont qu'un faible potentiel de rendement. b) Partir à la "Chasse à l'éléphant" : pousser ses clients - dont certains ne sont pas naïfs, d'autres si - à acheter ce qui sera le plus profitable pour Goldman. Vous allez peut-être me trouver démodé, mais je n'aime pas vendre à mes clients un produit qui n'est pas bon pour eux. c) Se retrouver à un poste où l'on a pour mission de négocier des produits opaques affublés d'acronymes à trois lettres.

    J'espère que cela pourra ouvrir les yeux des membres du conseil d'administration. Replacez le client au centre de vos préoccupations. Sans clients, vous ne gagnerez pas d'argent. En fait, vous n'existerez tout simplement pas. Ecartez les gens moralement corrompus, peu importe combien ils rapportent à l'entreprise. Et renouez avec votre culture, de sorte que l'on ait ait envie de travailler chez vous pour les bonnes raisons. Ceux qui ne pensent qu'à se remplir les poches n'enrichiront pas la société pendant encore très longtemps.

    Note :L'auteur a démissionné le 14 mars de ses fonctions de directeur exécutif de Goldman Sachs, responsable du département des produits dérivés pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique.
     
     



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  • Une convergence possible dans une stratégie de rupture...

     

    Notes de lectures d’un article de Michel Husson

     

    La lecture de l’article de Michel Husson « Euro : en sortir ou pas ? » est utile. Non seulement, elle permet de faire le tour des points qui le différencie par exemple de Jacques Sapir, mais surtout, il esquisse dans sa proposition d’une « stratégie de rupture » les termes d’un dépassement possible de la contradiction entre les points de vues anticapitalistes pour ou contre cette sortie de l’Euro.

     

    On peut le mesurer à la lecture de cette phrase qui conclut le paragraphe sur cette stratégie de rupture et d’extension

     

    La sortie de l’euro n’est plus, dans ce schéma, un préalable. C’est au contraire une arme à utiliser en dernier recours. La rupture devrait plutôt se faire sur deux points qui permettraient de dégager de véritables marges de manœuvre : nationalisation des banques et dénonciation de la dette.

     

    En quelque sorte, la question n’est plus de savoir si « en théorie », la sortie de l’Euro est bonne ou non, mais plutôt de bien comprendre à quel moment elle serait utilement posée dans les rapports de forces politiques.

     

    Comme aucun anticapitaliste n’imagine que la sortie de l’Euro apporterait la sortie du capitalisme, quand Husson nous dit que la rupture anticapitaliste ne peut que naitre dans le cadre national, et posera nécessairement la question de l’Euro, qu’il faut « rompre avec l’Europe réellement existante », prendre le risque « d’enfreindre les règles européennes »... il y a du grain à moudre pour ouvrir réellement le débat pour un objectif commun de rupture avec le capitalisme

     

    Notes de lecture

    Profit fictif ?

    L’analyse de la crise est bien évidemment pour les communistes une question essentielle. Crise de surproduction ? de taux de profit ?... Un des enjeux est bien la nature parfois dite "financière" de cette crise qui conduit parfois à dire qu’il s’agit, non d’une crise du capitalisme, qui supposerait donc d’en sortir, mais d’une crise du capitalisme financier, et qu’il y aurait donc un compromis temporaire possible avec le capitalisme industriel qui serait victime lui aussi de cette crise. Michel Husson ne soutient pas cette dernière analyse, mais il faut faire attention à certains mots, comme le fait de parler de « profits fictifs ».

     

    Le capitalisme s’est reproduit durant les deux décennies précédant la crise en accumulant une montagne de dettes. [...] En résumé la majorité de la population (travailleurs et retraités) doit assurer la réalisation de profits fictifs accumulés durant de longues années.

     

    De fait, les profits réalisés dans cette période n’ont rien de fictifs ! Comme le montrait avec précision notre regretté camarade Raphael Thaller, aucun centimes des profits accumulés n’est fictif, mais provient uniquement de l’exploitation du travail réel ! L’endettement bien réel sur lequel reposait la croissance notamment états-unienne, ne fait pas de cette part du travail extorqué par le capitaliste quelque chose de fictif. Il parait au contraire indispensable de toujours rappeler aux salariés que ce sont eux, et eux seuls, qui produisent toute la richesse que s’accaparent les bourgeoisies.

     

    Un projet raté ?

    La nature de la construction européenne est aussi un enjeu de l’analyse de cette crise. Car si ce qui se passe révèle une « erreur » de conception du projet européen, qui aurait pu, en corrigeant cette erreur, être réussi, alors on considère que l’Union Européenne est une institution neutre, qui peut être favorable ou défavorable aux travailleurs selon le rapport de forces.

     

    Le ver était dans le fruit. Vouloir construire un espace économique avec une monnaie unique, mais sans budget, n’était pas un projet cohérent. Une union monétaire tronquée devient une machine à fabriquer de l’hétérogénéité et de la divergence.

     

    Mais comment penser que l’Union Européenne, chantre de la concurrence, héritière de la communauté économique du charbon et de l’acier, qui était déjà la continuité du cartel de l’acier d’avant-guerre, comment penser que cette construction pouvait être un outil de convergence des situations des différents pays ? Comment ne pas voir que le capitalisme ne peut JAMAIS trouver l’équilibre et l’égalité, mais qu’il est par nature le lieu de concurrence et d’inégalités qui ne peuvent que provoquer périodiquement des crises ?

     

    D’autant que quelques lignes plus loin, Husson confirme

     

    En réalité, l’euro était conçu comme un instrument de discipline budgétaire et surtout salariale. Le recours à la dévaluation étant impossible, le salaire devenait la seule variable d’ajustement.

     

    Et de fait, c’est ben la vieille concurrence de l’Allemagne qui a marqué la construction européenne, notamment après la « digestion » de l’ancienne RDA. La première guerre mondiale est née de cet affrontement entre la nouvelle puissance industrielle allemande, cherchant des débouchés face à une Angleterre dominant la planète. Ce seront les Etats-Unis qui en sortiront nouvelle grande puissance, et la question sera de nouveau posée pendant la deuxième guerre mondiale qui voit l’émergence du Reich, autrement dit l’empire allemand... Si la bourgeoisie Française a fait le choix de la défaite (plutôt Hitler que le Front Populaire), ce sont bien les logiques de puissance et de leurs (re)partage permanent du monde qui conduise l’Angleterre à défendre une Europe de marché préservant ce qui reste de son rôle mondial, quand la France de De Gaulle tente une alliance pour tenir tête aux USA, alors que l’Allemagne poursuit avec l’Union Européenne son objectif de puissance à l’Est, faisant au passage exploser la Yougoslavie (avec l’aide de l’OTAN, et, déjà l’arme du nationalisme), et installant un Euro-Mark lui assurant la domination économique sur la zone.

     

    Même si la zone euro était globalement en équilibre, l’écart s’est ainsi creusé entre les excédents allemands et les déficits de la majorité des autres pays.

     

    La construction européenne est bien l’outil des stratégies des différentes forces capitalistes, quelque soient les situations politiques dans lesquelles elles s’expriment. C’est sans doute cette analyse manquante de la nature capitaliste de l’UE qui conduit de manière surprenante Michel Husson a titré « pour une refondation de l’Europe », un chapitre qui parle d’alternative au capitalisme. On ne peut que partager l’affirmation d’une rupture par la réponse aux besoins sociaux et une autre répartition des revenus. Mais de quoi parle-t-on alors à propos d’une autre Europe, si ses institutions sont des outils du capitalisme ? Comme si on pouvait demander au FMI ou à la bourse de se transformer en outil de l’égalité et de la redistribution des revenus ?

     

    Oui, une rupture anticapitaliste

    Il faut donc prendre en tenailles les inégalités : d’un côté par l’augmentation de la masse salariale, de l’autre par la réforme fiscale.

     

    Et ce chapitre se conclue sur des objectifs que nous partageons, mais qui fondent justement l’argumentaire de ceux qui pensent qu’une rupture politique dans un pays le conduit nécessairement à se libérer des directives européennes, et donc de fait à poser la question de la sortie des mécanismes économiques de ces institutions, entre autre de l’Euro.

     

    1. résistance aux politiques d’austérité ;
    2. réforme fiscale radicale et contrôle des capitaux ;
    3. nationalisation/socialisation des banques sous contrôle démocratique ;
    4. audit de la dette sous contrôle démocratique suivi d’un éventuel défaut. » (1)

     

    Sortie du capitalisme avec ou sans l’Euro ?

    C’est alors que Michel Husson ouvre la critique de la thèse de sortie de l’Euro. Tout en reconnaissant que l’Euro pose bien un problème aux pays « victimes » de la concurrence sur la compétitivité imposée par l’Allemagne, l’auteur affirme que

     

    La sortie de l’euro ne résoudrait en rien la question de la dette et l’aggraverait au contraire, dans la mesure où la dette à l’égard des non-résidents serait immédiatement augmentée du taux de dévaluation.

     

    Mais si, comme il le propose quelques lignes auparavant, la dette est mise sous audit et que l’état qui choisit une politique de rupture affirme qu’il peut « faire défaut » et refuser de payer (une part de) la dette, alors pourquoi serait-il impossible de lier justement cette reconnaissance ou non de la dette à sa conversion dans une monnaie nationale ?

     

    Le raisonnement devient visiblement fragile quand Michel Husson se laisse aller à reprendre les arguments défaits par l’expérience sur un Euro protecteur...

     

    Revenir à une monnaie nationale dans le cas de pays qui enregistrent d’importants déficits extérieurs les soumet directement à la spéculation sur la monnaie. L’appartenance à l’euro avait au moins l’avantage de préserver les pays de ces attaques spéculatives :

     

    Au contraire, la Grèce, l’Italie, l’Espagne ont bien compris qu’ils pouvaient être attaqués par la spéculation malgré l’Euro, et que le vrai et seul objectif était bien la baisse massive des salaires !

     

    Et au lieu de critiquer le projet de sortie anticapitaliste de l’Euro ? Michel Husson dénonce justement une sortie de l’Euro outil de concurrence entre pays, par la dévaluation compétitive.

     

    Une dévaluation rend les produits d’un pays plus compétitifs, en tout cas à l’égard des pays qui ne dévaluent pas. Il faudrait donc que la sortie de l’euro ne concerne qu’un petit nombre de pays. C’est donc une solution nationale non coopérative où un pays cherche à gagner des parts de marché sur ses partenaires commerciaux.

     

    Or, pour les communistes, la sortie de l’Euro n’a de sens que comme un outil d’une politique de sortie du capitalisme, donc de recherche de coopération internationale, dégagée justement de cette concurrence faussée qu’impose l’Union Européenne. SI la dévaluation serait évidemment techniquement nécessaire, ce n’est pas pour mieux vendre dans ou hors de l’Europe nos propres produits, mais bien comme outil de rééquilibrage des rapports salaires-profits, ce qui rend nécessaire de modifier les prix de produits, en cherchant à baisser le coût relatif des produits de première nécessité, en augmentant le coût relatif des produits de consommation de luxe. Car l’augmentation relative des salaires doit s’accompagner d’un renversement des choix d’investissements pour développer la productivité dans les secteurs nécessaires à la réponse aux besoins sociaux justement.

    C’est bien d’ailleurs pourquoi on ne peut que partager l’idée que la sortie de l’Euro peut tout aussi bien être un choix de défense du capitalisme, et que la condition d’efficacité d’une dévaluation est bien la modification des rapports de force

     

    Pour que la dévaluation serve à la mise en place d’une autre répartition des revenus et d’un autre mode de croissance, il faudrait que les rapports de forces sociaux aient été profondément transformés.

     

    Sortie de l’Euro, préalable, conséquence ou moyen politique ?

    Et on arrive alors à la question clé du « moment » politique ou une question est ou n’est pas posée. Comme le dit Marx, les peuples ne se posent que les questions auxquelles ils peuvent répondre.

     

    Pourquoi alors le peuple pose-t-il avec autant de forces la question de l’Euro ?

    Faire de la sortie de l’euro un préalable revient donc à inverser les priorités entre transformation sociale et taux de change.

     

    Mais qui fait de la sortie de l’Euro un préalable ? Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de forces politiques de gauche en font un interdit politique au moment même où le peuple souffre et exprime toujours plus largement un rejet de l’institution européenne et de l’Euro.

     

    C’est la question clé des propositions politiques qui font ou non bouger le rapport des forces. Et quand Michel Husson nous dit

     

    Politiquement, le risque est très grand de donner une légitimité de gauche aux programmes populistes. En France, le Front National fait de la sortie de l’euro l’un des axes de sa politique.

     

    On ne peut que s’étonner qu’il ne fasse pas lui-même la lecture inverse. Si le peuple pose la question de l’Euro, laisser le Front National proposer une seule issue, capitaliste derrière le masque dangereux du national-socialisme, c’est bien le drame d’une gauche, fut-elle radicale, qui soumet toute alternative à l’acceptation du cadre imposé de l’institution européenne.

     

    Car, encore une fois, il ne faut pas déformer les positions des anticapitalistes contre l’Euro dont aucun ne veut

     

    Laisser croire que la sortie de l’euro pourrait en soi améliorer le rapport de forces en faveur des travailleurs est au fond l’erreur d’analyse fondamentale.

     

    Au contraire, la sortie de l’Euro est bien un outil politique de mobilisation pour reconstruire les rapports de force nécessaires au peuple pour une politique de rupture sur les questions clés des salaires, de la fiscalité, de la nature de la croissance.

     

    Mais c’est justement en répondant à cette question que Michel Husson esquisse une position qui peut être une base de rapprochement en affirmant qu’une stratégie de rupture ne doit pas pensée uniquement à l’échelle européenne. La question du cadre national de la rupture, si elle n’est pas posée textuellement

     

    Cet argument passe à côté de la possibilité même d’une stratégie de rupture qui ne présuppose pas qu’elle intervienne de manière simultanée dans tous les pays européens.

     

    Car Michel Husson ne tombe pas dans l’illusion de la promesse de l’Europe sociale unie et égalitaire !

     

    Le choix semble donc être entre une aventure hasardeuse et une harmonisation utopique.

     

    A vrai dire, l’aventure ne fait pas peur aux révolutionnaires !

     

    Cadre national et international

    Michel Husson propose donc une stratégie de rupture, qui peut se construire dans un cadre national, tout en sachant qu’il existe bien des contraintes qui dépassent ce cadre national

     

    Ces enjeux passent par la mise en cause des intérêts sociaux dominants, de leurs privilèges, et cet affrontement se déroule avant tout dans un cadre national. Mais les atouts des dominants et les mesures de rétorsion possibles dépassent ce cadre national :

     

    Il estime que

     

    La seule stratégie possible doit alors s’appuyer sur la légitimité des solutions progressistes, qui résulte de leur caractère éminemment coopératif

     

    En revanche, les solutions progressistes sont coopératives : elles fonctionnent d’autant mieux qu’elles s’étendent à un plus grand nombre de pays. Si tous les pays européens réduisaient la durée du travail et imposaient les revenus du capital, cette coordination permettrait d’éliminer les contrecoups auxquels serait exposée cette même politique menée dans un seul pays

     

    On ne peut qu’être d’accord. A l’évidence, une rupture politique dans un seul pays le mettrait, comme Cuba d’ailleurs, dans une situation difficile, avec une alliance tournée contre lui pour le ramener à la raison capitaliste ! L’effet d’entrainement éventuel serait bien entendu essentiel, et les propositions de coopération pour sortir du cadre de la concurrence une bataille internationaliste essentielle.

     

    Une stratégie de rupture qui pose la question de la sortie de l’Euro

    On arrive alors à une proposition de stratégie sur laquelle beaucoup de militants anticapitalistes de la sortie de l’Euro peuvent discuter :

     

    1. On prend unilatéralement les « bonnes » mesures (par exemple la taxation des transactions financières) ;
    2. On les assortit de mesures de protection (par exemple un contrôle des capitaux) ;
    3. On prend le risque politique d’enfreindre les règles européennes ;
    4. On propose de les modifier en étendant à l’échelle européenne les mesures prises ;
    5. On n’exclut pas un bras de fer et on use de la menace de sortie de l’euro.

     

    Voilà une base de discussion sérieuse qui repose sur le constat de la nature capitalise de l’Union Européenne, de la nécessité d’une rupture anticapitaliste qui se construit dans le cadre national et doit trouver les formes de coopération internationale pour réussir.

     

    A quoi une telle stratégie conduirait-elle ? La sortie de l’Euro peut-elle n’être qu’une menace ? A force d’affirmer qu’elle est impossible, on se demande si la menace peut être prise au sérieux !

     

    Comment construire le rapport de forces nécessaire ?

    L’article se conclue justement sur la question principale, celle des rapports de forces en cherchant à situer le niveau des propositions politiques qui sont utiles à renforcer le camp du travail contre les bourgeoisies.

     

    Michel Husson cite ainsi les questions de la nationalisation et de la dette.

     

    Sur les banques, l’éventail va de la nationalisation intégrale à la régulation, en passant par la constitution d’un pôle financier public ou la mise en place d’une réglementation très contraignante. La dette publique peut quant à elle être annulée, suspendue, renégociée, etc.

     

    On comprend donc bien que la proposition d’un pôle public financier est bien « intermédiaire » entre la régulation proposée par le PS et la nationalisation (proposée par exemple par le parti communiste grec).

     

    Là se situe le véritable débat : quelle est, sur l’échelle du radicalisme, la position du curseur qui permet le mieux de mobiliser ? Ce n’est pas aux économistes de trancher ce débat.

     

    Il faut tirer de ce point de vue des leçons des années passées, notamment en France. Quelle lecture de l’abstention massive du monde du travail et des milieux populaires aux élections européennes ? de l’impasse à laquelle est confrontée le mouvement social pourtant puissant en 2009 mais renvoyé à des échéances électorales dans lesquelles il ne sait pas comment porter la rupture nécessaire ?

     

    La conclusion de l’article parait alors bien surprenante

     

    La tâche prioritaire aujourd’hui est en tout cas, pour la gauche radicale, de construire un horizon européen commun, qui serve de base à un véritable internationalisme.

     

    Ne faut-il d’abord répondre clairement à cette question du « niveau du curseur » qui permet de rendre crédible, par la mobilisation populaire, la rupture politique dans le cadre national. Et « l’horizon européen », dont on ne comprend pas pourquoi il ne serait pas un « horizon international » devient alors un élément nécessaire à la rupture nationale, sans laquelle la mobilisation populaire ne pourrait que se détourner de tout horizon qui l’éloignerait de l’affrontement que le peuple sait profondément nécessaire. 


    Article sur le site de Michel Husson


    URL article : http://lepcf.fr/Une-convergence-possible-dans-une


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  • Au Parlement européen, l’UMP veut une règle d’or non renégociable

    l’UMP veut une règle d’or non renégociable

    Sera-t-il possible de renégocier le pacte budgétaire européen Merkel-Sarkozy, aussi nommé Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), comme le souhaite François Hollande ? Pas sûr, car au Parlement européen, l’UMP veut graver dans le marbre la règle d’or d’équilibre budgétaire dans deux règlements européens. Explications.

    Dans le programme pour la présidentielle de François Hollande, c’est écrit noir sur blanc : « Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction ».

    Le candidat socialiste pourra-t-il passer à l’acte une fois élu président ?

    Rien n’est moins sûr. Rappelons qu’après la signature, lors du sommet européen des 1er et 2 mars, du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de l’union économique et monétaire, le fameux pacte budgétaire européen de la chancelière Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, chaque État signataire en difficulté conditionne son accès au Mécanisme européen de stabilité (MES) à l’application d’une règle d’or d’équilibre budgétaire.

    Celui-ci impose un retour à un déficit structurel qui ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB. On l’a déjà écrit sur ce blog, l’application de cette nouvelle règle plus drastique que les critères du Pacte de stabilité, et comme l’on indiqué nombre d’économistes, plongerait progressivement la zone euro dans une récession durable. « Les gouvernements seront donc amenés, de gré ou de force, à procéder à des coupes drastiques dans la fonction publique, à financiariser les régimes de retraite, à flexibiliser leur marché du travail et remettre en cause les droits sociaux et syndicaux pour mieux “modérer” es salaires », résume l’association Attac France dans un communiqué.

    Une perspective peu réjouissante qui a poussé des pays à ne pas signer le TSCG pour des raisons diverses, ou à le signer mais en le dénonçant aussitôt comme en Espagne. Un autre, l’Irlande, a lancé cette idée saugrenue d’organiser un référendum. En France, la gauche est apparu divisé lors de la ratification des traités, le Front de gauche étant opposé au MES et au TSCG. Le PS s’est abstenu, certains députés et sénateurs socialistes étant contre la ratification. On le voit, le Pacte budgétaire risque d’être remis en question dans plusieurs pays.

    C’est sans doute pour prévenir l’éventualité d’une mise en cause du TSCG que la droite au Parlement européen tente d’inscrire en catimini ses règles (orthodoxie budgétaire et sanctions quasi automatiques) dans la législation européenne.

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    Car deux règlements européens appelés « two packs », qui s’appliquent directement sans transposition par les États membres contrairement aux directives, doivent compléter le paquet gouvernance (« six packs »), adopté en codécision par le Parlement européen et le Conseil en septembre 2011.

    Liêm Hoang-Ngoc, député socialiste au Parlement européen, membre de la commission des affaires économiques et monétaires, indique que les députés membres de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen ont « découvert » le 28 février, « lors des premiers échanges de vue sur le rapport rédigé par le député UMP-PPE Jean-Paul Gauzès », un amendement (le numéro 9) qui propose d’introduire « un article 1bis incluant la “règle d’or” » dans ces règlements.

    Voici l’extrait révélé par l’eurodéputé socialiste :

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    « La situation des administrations est jugée équilibrée si leur solde structurel annuel atteint l’objectif budgétaire de moyen terme spécifique du pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure du déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut au prix du marché ».

    Liêm Hoang-Ngoc explique aussi :

    « Le calendrier retenu est des plus serrés. Il précipite le vote au Parlement avant l’été. Cela conduirait à inscrire la “règle d’or” dans les règlements européens que les États devront transposer, avant même que les citoyens de chacun de ces États aient pu, par voie parlementaire ou référendaire, ratifier le TSCG ! Ce coup de force est inacceptable. Il faut à tout prix s’opposer au “two packs” et au TSCG pour que le débat ouvert par le candidat français puisse être mené en toute sérénité et transparence après l’élection française, à l’heure où la généralisation des plans d’austérité est en passe de plonger l’Europe vers la plus grave récession depuis 1929, sans même parvenir à résorber la crise des dettes publiques. »

    Le rapporteur de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le député socialiste Christophe Caresche, avait évoqué le contenu des « two packs », lors d’une séance de la commission, le 14 février. Voici ce qu’il en dit :

    « Si le couple franco-allemand donne à la France l’illusion de sa grandeur passée, il est surtout pour l’Allemagne un habillage utile pour faire entériner ses décisions. Ce mode de fonctionnement n’a pas été positif et a abouti à des décisions contestables. Ce déficit démocratique est aussi la caractéristique des dispositifs qui ont été mis en place pour contraindre les États à la discipline ou à appliquer des programmes d’ajustement. Que ce soit dans le cadre des sanctions automatiques, ou dans celui de la judiciarisation de la discipline budgétaire avec l’intervention de la Cour de justice que consacre le traité budgétaire, ou dans la mise sous tutelle des États placés sous assistance, avec deux directives, les « two-packs », qui retirent toute souveraineté aux pays placés dans cette situation, il s’agit d’autant de dispositions qui visent à écarter les représentants des peuples de leurs responsabilités. Finalement, un ordre normatif extrêmement imposant est en train de se bâtir, qui va mettre à l’épreuve la souveraineté d’un certain nombre de pays, dont le nôtre. Ainsi, le budget de la France sera directement opposable à la Cour de justice européenne, si le traité budgétaire est ratifié ».

    Par Thierry Brun


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  • http://www.dutoitfreeblog.com/.a/6a00d83451935369e20162ff83bb8d970d-800wi

     

    La meilleure taxe sur le capital reste le salaire

    A propos de la taxation des transactions financières annoncée par Nicolas Sarkozy

     

    Avec la proposition de Nicolas Sarkozy d’instaurer une taxe sur les transactions financières dite "Taxe Tobin", l’idée du Président de la république, futur candidat, est de se montrer comme le défenseur de l’intérêt général face à l’hyper puissance financière. Le Président remet de plus sur le devant de la scène, une idée à laquelle le voisin allemand, assez impopulaire dans l’opinion française, ne semble pas vouloir se rallier rapidement. Nicolas Sarkozy veut aussi mieux faire passer la pilule de la "TVA sociale" qui coince, y compris dans une partie de son propre électorat. La taxe sur les transactions financières a vocation à être un marqueur dans la campagne du futur candidat.
     

    Dépassant le simple effet d’annonce et la stratégie purement politicienne du Président candidat, nous proposons de réfléchir aux fondamentaux de ladite taxe. Pour cela, nous reviendrons sur le pourquoi de l’hypertrophie financière, sur la caractérisation des échanges en milieu financier pour ensuite traiter des questions relatives à la mise en œuvre de la taxe.


    1. Pourquoi la finance est-elle aujourd’hui hypertrophiée ?

    1ère idée fondamentale : la bonne santé de la finance dépend du taux d’exploitation du travail productif dans l’économie réelle.

    L’idée répandue est que la finance est toute puissante dans ce monde. Tout le monde en dépendrait, entreprises, États et collectivités, consommateurs/emprunteurs, salariés et elle dicterait la politique à suivre.

    Mais la question légitime à se poser est pourquoi et comment la finance a pris une telle importance ?

    La finance est la forme monétaire de l’accumulation du capital. La finance représente donc une partie du capital. De fait, si on distingue souvent les capitalistes industriels des capitalistes financiers, sur un plan global, le capital financier et le capital industriel forment un tout : il s’agit de deux facettes du capital.

    Si l’une des formes du capital s’hypertrophie, c’est-à-dire croît de manière rapide, c’est bien que le système capitaliste fonctionne. C’est-à-dire que le rapport social de production désormais mondialisé, assis sur le salariat généralisé, permet à une frange très limitée de la population mondiale de pomper la valeur produite par le travail du plus grand nombre. Nous nous limiterons ici à rappeler que seul le travail crée de la valeur (c’est-à-dire de la richesse économique sous forme de biens et de services). Le capitaliste exploite, au sens économique du terme, le travail et prend sa part de richesse.

    De l’intensité de l’exploitation du travail productif va donc dépendre la bonne santé du capital. Et plus le taux d’exploitation du travail productif sera important dans l’économie et plus le capital financier pourra croître et s’hypertrophier. La finance n’est donc absolument pas autonome. Sa « pérennité », sa « bonne santé » dépendent, sur longue période, du taux d’exploitation du travail productif dans l’économie réelle. Fondamentalement, la finance se nourrit de l’augmentation de la plus-value produite. Elle la capte en détournant à son avantage les gains de productivité au détriment du travail.

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    Par exemple, le graphique ci-dessus [1] montre qu’en France et d’après les chiffres de l’INSEE, la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée (échelle de gauche) a été concomitante avec une hausse des profits distribués sous forme de dividende (en pourcentage de la masse salariale, échelle de droite).

    La finance se nourrit de la faiblesse du salaire. Cependant, le capital pour assurer son accumulation doit faire face à deux contraintes : reproduire la force de travail, sinon la richesse ne se crée plus, et trouver des débouchés pour les biens et services produits. Dans les deux cas, il faut suffisamment de salaire ! Concernant les débouchés, on peut dire que jusqu’à la crise de 2008, la consommation des rentiers et le recours massif au crédit pour les ménages ont permis de « faire avec » la faiblesse du salaire et de maintenir la croissance de la consommation. Depuis la crise du crédit [2], la situation est beaucoup plus tendue. D’un côté, relancer la consommation demanderait d’augmenter les salaires, mais de l’autre cela signifierait à courte vue, la baisse du taux de marge des entreprises et la diminution des revenus du capital.

    La situation actuelle fait ressortir les contradictions inhérentes au système.

    Elles sont aujourd’hui exacerbées et la classe des capitalistes se crispe sur ses acquis en ne voulant rien lâcher. Le choix assumé par l’actuel gouvernement est par exemple de continuer à baisser le salaire que ce soit en remettant en cause la cotisation sociale via la TVA sociale ou en généralisant les « accords salaire contre emploi ».

    2de idée fondamentale : la mondialisation capitaliste et la financiarisation qui en résulte, émanent de politiques économiques et sociales coordonnées entre les grands États.

    Le monde économique dans lequel nous vivons n’est pas devenu ce qu’il est par hasard et fatalité. Il est le résultat d’une politique. On a tort de dire que la politique est désormais absente du débat. Le système n’est pas mal conçu. Il permet à un petit nombre d’individus de retirer d’énormes bénéfices de l’exploitation du travail productif. Il est donc conçu pour générer des inégalités économiques, sous couvert d’une doctrine libérale très marquée.

    Le mouvement est double puisqu’il comprend à la fois une dimension d’extension et d’intensification du degré d’exploitation : 
    - La mondialisation capitaliste a permis d’étendre l’exploitation à de nouveaux territoires comme la Chine, l’Inde… dont certains ont la taille de continents. Jamais, le capital n’a disposé d’un tel prolétariat [3] ! Cette mondialisation permet aussi d’ouvrir de nouveaux champs d’exploitation via les privatisations et la marche forcée vers la marchandisation des services publiques et de la protection sociale dans tous les pays. Le processus d’extension est donc double : il est géographique et sectoriel
    - La mondialisation capitaliste permet d’intensifier l’exploitation dans l’ensemble des pays et en particulier les pays développés de l’OCDE : la période est à la régression sociale, de plus en plus assumée politiquement via la mise en œuvre de politiques de rigueur. Dans un contexte qui lui est favorable, le capital a exigé et a obtenu des politiques la suppression de tous les obstacles à sa libre circulation : dérégulation, désintermédiation et décloisonnement font que les contraintes imposées aux acteurs de la finance ont considérablement été réduites. Ces acteurs peuvent ainsi se lancer dans une chasse à la plus-value au niveau mondial.

    Et le capital est allé jusqu’à obtenir aussi la privatisation du service de création monétaire au profit des banques commerciales. La création de monnaie devient un pur outil lucratif et orientable vers la spéculation sur les devises, les titres de dette publique, les titres d’entreprises, les matières premières, l’immobilier… La mondialisation capitaliste s’est aussi caractérisée par une défiscalisation des revenus du capital : une véritable « machine à défiscaliser » à été mise en place, selon l’expression de Vito Tanzi lorsqu’il était Directeur du département des affaires fiscales au FMI. On peut par exemple l’observer au travers de l’évolution du taux d’imposition des sociétés dans le monde et en particulier dans l’Union Européenne de 1993 à 2010 [4].

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    Aujourd’hui, les États semblent se trouver désarmés face à la finance. Cette situation n’est pourtant pas une fatalité qui se serait abattue sur eux et sur les peuples. Déréglementer, c’est aussi une politique ! Quand on dit que les grands dirigeants de la planète ont toujours du mal à se mettre d’accord, c’est faux ! Ils ont su mettre en place et coordonner une politique économique cohérente du point de vue du capital.

    Ce constat doit nous amener d’une certaine manière à l’optimisme puisqu’une politique économique coordonnée a donc déjà existé et à été mise en œuvre. Reste maintenant à en imposer une plus favorable aux travailleurs !

    2. Caractéristiques des échanges en milieu financier

    Les échanges monétaires dans l’économie réelle valident la valeur de marchandises et de services produits par le travail. Je paie un kilo de tomate, je paie une table, une coupe de cheveux… autant de richesses produites par le travail et dont la valeur est validée par un échange monétaire. Sur un territoire, lorsqu’on fait la somme de cette richesse économique produite on obtient le Produit Intérieur Brut (PIB). Ce même Produit fait l’objet d’une répartition entre le travail et le capital.

    Au bout du bout, les conditions de vie d’une personne vont dépendre de sa possibilité d’avoir accès aux richesses produites. La plupart d’entre nous accède plus ou moins bien à cette richesse selon le niveau du salaire perçu ; d’autres y accèdent par la rente, l’intérêt, le dividende… revenus du capital. Une petite part d’entre nous accède à cette richesse produite en accumulant du capital financier, c’est-à-dire un portefeuille de droits sur la valeur produite.

    Les échanges sur les marchés financiers portent sur ces droits qui prennent la forme d’actions, d’obligations, de SICAV, de produits financiers dérivés, de« droits à polluer », de titres de dette, de devises [5]…

    Les institutions financières qui gèrent les portefeuilles s’échangent ces droits entre elles. Elles « spéculent » sur la valeur future des droits et des devises : cette valeur future est in fine appréciée en fonction de la capacité estimée d’un « droit » à s’exercer sur l’économie réelle, c’est-à-dire à en extraire de la valeur. Par exemple, les actions d’une société qui promet le versement durable d’importants dividendes vont être très recherchées par les agents financiers.

    Chaque acteur de la finance vise à accumuler « les meilleurs droits sur la valeur », ceux à plus fort potentiel, ceux qui auront le meilleur rendement, ceux qui rapporteront le plus de dividendes, le plus d’intérêts… et ceux pour lesquels la spéculation est la plus juteuse. Chacun tente d’anticiper les baisses comme les hausses…

    La finance multiplie les échanges entre ses institutions : banques, fonds de couverture, fonds de pension, assurances, etc. jusqu’à créer des bulles spéculatives. Ces échanges sur du capital fictif, des droits sur la valeur, provoquent des gains et des pertes, qui globalement aux bornes de l’ensemble des agents financiers sont nuls. En permanence certains gagnent quand d’autres perdent dans un monde où l’objectif de tous est d’obtenir un rendement supérieur à la moyenne du marché ! Ce qui est logiquement impossible ! Tout le monde ne peut pas être satisfait.

    Ainsi, la finance peut croire qu’elle assure elle-même sa propre liquidité mais en réalité tout cela est fictif. Tant que l’échange de titres est possible, tant qu’un vendeur trouve un acheteur alors les plus-values sont réalisables. La spéculation en enrichit certains, sans pour autant produire de valeur. Tout cela fait oublier que, pour qu’au global et sur une longue période la finance croisse, il faut qu’elle soit en mesure de tirer toujours plus de valeur de l’économie réelle : par exemple en soutirant 50 milliards d’intérêts des titres de dette publique de l’Etat français en 2012 ou en recevant 35,6 milliards d’euros de dividendes et 10 milliards d’euros de rachats d’actions des groupes du CAC40 en 2011 [6], etc. La finance reste dépendante de l’économie réelle. Elle dépend du rapport d’exploitation. Gardons en tête notre première idée fondamentale.


    Les transactions financières sont les échanges monétaires de droits (devises, actions, obligations…) entre agents financiers. Le niveau des transactions financières est largement supérieur à celui des transactions réalisées dans l’économie réelle. Plus de 70 fois supérieur ! Les agents de la finance ne cessent de s’échanger des « droits » et de spéculer sur leur valeur future. Le nombre d’opérations donne donc le tournis ! De ce point de vue, la finance semble prendre le pas sur l’économie réelle. Mais c’est un mirage ! En réalité, une bataille de chien sévit entre financiers pour acheter au bon moment les meilleurs droits de tirage sur la valeur. Si la finance est frénétique et exaltée (que d’énergie en effet dépensée par ses agents dans les salles de marché !), c’est avant toute chose parce qu’elle estime que l’économie réelle va continuer à l’alimenter, c’est-à-dire que le taux de profit dans l’économie va rester élevé. Autrement dit, que l’exploitation du travail productif va continuer de s’étendre et de s’intensifier.


    3. Des échanges de plus en plus rapides et dématérialisés

    Une partie de plus en plus importante des échanges financiers échappe au contrôle des autorités de régulation. Si la City de Londres ou la bourse de Singapour concentrent autant d’échanges financiers, c’est parce que les contraintes et le contrôle y sont moins importants qu’à Paris ou à Francfort par exemple. Mais la finance pratique aussi de manière croissante des opérations qualifiées d’off-shore c’est-à-dire hors des grandes places financières. L’ingénierie financière crée des parades pour échapper aux contrôles.

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    Les échanges financiers sont réalisés sur des marchés dits régulés (bourse de Paris, New York…) mais aussi de plus en plus sur des marchés non régulés : paradis fiscaux, chambres privées de compensation comme le désormais célèbre Clearstream, échanges de gré à gré, etc. La finance a aussi créé des plateformes complètement dématérialisées pour réaliser des échanges qui concentreraient maintenant la majeure partie des transactions financières. Fragmentés, dématérialisés, les échanges seraient de moins en moins contrôlables.


    La finance est High-tech et utilise les outils les plus sophistiqués. Les ordres d’échanges sont gérés par des logarithmes informatiques afin d’arbitrer dans la milliseconde sur des titres. On achète à terme, on achète sur la base de plus-values non encore effectives… on achète avec de l’argent que l’on n’a encore pas… que d’innovations, que d’imagination, que de matière grise utilisées à des tâches sans réelle valeur ajoutée ! Mais si le développement de l’ingénierie financière est débridé c’est surtout parce que le législateur a décidé de lâcher la bride, d’abolir la plupart des contraintes réglementaires.

    4. Une taxe sur les transactions financières pour quoi faire ?

    C’est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy reprend à son compte l’idée générale de taxer les transactions financières.

    Cette idée n’est pas nouvelle. On l’attribue souvent à James Tobin, prix Nobel d’économie, suite à ses propositions formulées en 1972. Il est important de souligner que Tobin n’est pas un anticapitaliste. Sa proposition avait un simple objectif de régulation des échanges de devises suite à la montée en puissance de la spéculation au début des années 70. Rien de révolutionnaire donc. Tobin a même tenu à distinguer sa proposition d’origine de celles formulées par ceux qui ensuite ont repris à leur compte l’idée d’une telle taxe ; en France par exemple l’Association Attac.

    4.1. L’objectif de la Taxe

    Quel est l’objectif que l’on fixe à une telle taxe ?

     

    Première chose, la taxe sur les transactions financières porte sur les dites transactions et n’a pas pour objectif d’interférer sur le niveau fondamental du partage des richesses entre salaire et profit dans l’économie réelle. Ainsi, la taxe sur les transactions financières ne remonte pas à la source du problème. Nous y reviendrons en conclusion. C’est pourquoi d’ailleurs, de notre point de vue, elle peut être prônée par Nicolas Sarkozy. D’une certaine manière, on prend acte du partage des richesses favorable au capital (au détriment du salaire) et on propose d’apporter quelques corrections. On laisse ainsi intact le niveau d’exploitation du travail productif et pour le capital il s’agit bien là d’un acquis essentiel.

    Cette précision étant faite, deux points de vue sont à distinguer concernant l’objectif de la taxe : 
    - Une taxe sur les transactions financières aurait pour but de réguler les dites transactions. C’est la théorie du « grain de sable ». Comme la fréquence des transactions financières est très grande et que les plus-values réalisées par chaque agent à chaque transaction sont très faibles, il suffirait d’appliquer un taux très bas sur chaque transaction réalisée pour en réguler le nombre. Se faisant, les agents de la finance auraient moins d’intérêt à spéculer à court terme. Dans ce cas, la mise en œuvre de la taxe aurait pour conséquence de baisser le nombre des transactions et donc progressivement de limiter les montants levés via cette taxe.

    - Pour d’autres spécialistes, il serait illusoire de penser qu’on va réguler le rythme des échanges via une telle taxe : « Il existe d’autres instruments plus efficaces pour cela (renforcer les normes prudentielles, limiter l’accès à certains marchés et/ou à certains intervenants, scinder les activités, etc.). L’objectif de la taxe est aujourd’hui ramené à sa plus simple expression : collecter des fonds » [7]. Si ce n’est pas pour réguler les échanges financiers, la taxe aurait donc pour objectif de générer et de pérenniser de nouvelles ressources fiscales. C’est comme cela qu’elle est présentée au niveau de la Communauté Européenne.

    4.2. Ce sur quoi porte la taxe (« L’assiette »)

    L’autre point qui est en débat porte sur l’assiette de la taxe, c’est-à-dire la nature des transactions financières qui seraient imposées. Tobin limitait sa proposition à la spéculation sur les devises.

    Mais le champ de la finance et la nature des produits échangés sont immenses. Surtout, la faiblesse de la réglementation permet à la finance de limiter les traces laissées par la plupart des transactions réalisées. La mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières portant sur l’ensemble des produits financiers échangés nécessite d’abord la mise en œuvre de règles et de contraintes de traçabilité. Dans l’absolu, il faudrait contraindre les opérateurs financiers à réaliser tous leurs échanges sur des marchés réglementés ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui.

    Il y a donc fort à parier que l’assiette de la taxe ne sera pas déterminée ex-ante par le législateur mais ex-post, en portant seulement sur les transactions qu’il est possible de tracer et d’identifier. Le problème est alors que la majeure partie des transactions spéculatives en serait ainsi protégée.

    4.3. Quel taux ?

    Généralement, ceux qui prônent l’instauration d’une taxe sur les transactions partent du principe de l’application d’un taux faible d’imposition compris entre 0,05% et 1% au grand maximum. Au-delà, le taux aurait un effet contreproductif en ne limitant pas seulement les échanges spéculatifs mais également les échanges financiers considérés comme étant indispensables au bon fonctionnement de l’économie [8]. D’autres proposent la mise en œuvre de taux différenciés : très élevés pour les opérations purement spéculatives, très faibles pour les autres.Fondamentalement le présupposé est alors de pouvoir faire une distinction claire entre les transactions spéculatives et les autres. Pas facile !

    4.4. Qui taxe, qui collecte, qui profite de la taxe ? Le processus engagé au niveau européen

    Le modèle idéal présenté par les supporters d’une taxe sur les transactions financières serait celui d’une taxe mondialisée, c’est-à-dire appliquée de la même manière partout. Elle serait collectée par les États pour ensuite être affectée à des projets de développement internationaux.

    Plus modestement, le projet pourrait concerner une zone économique comme l’Union Européenne. Mais alors, outre que les partenaires de la zone Euro ont déjà du mal à se mettre d’accord, il faudrait surtout convaincre la Grande Bretagne de l’appliquer. En effet, la City de Londres concentre la majeure partie des échanges financiers en Europe. Cela pour une bonne raison : la finance y est plus tranquille qu’ailleurs.

    Un pays peut-il mettre en œuvre seul une telle taxe ? « oui ». Mais alors sa portée serait encore plus limitée. La Suède a essayé sans grand succès et s’est résignée à l’abandonner.

    4.5. Le processus engagé au niveau européen

    En juin 2011, la Commission avançait l’idée d’un taux compris entre 0,01 et 0,001% de la valeur des transactions rapportant entre 30 et 50 milliards d’euros par an au budget de l’Europe. Une résolution du parlement de Strasbourg fixe un objectif de recettes à terme de 200 milliards d’euros avec un taux passant à 0,05% [9]. L’Assemblée Nationale en France a approuvé la résolution européenne le 14 juin 2011 en précisant ses ambitions concernant l’assiette de la taxe : toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes.

    4.6. La taxation des transactions financières en France : retour sur l’annonce de Nicolas Sarkozy

    Dans son allocution du dimanche 29 janvier, Nicolas Sarkozy a annoncé la mise en place d’une « taxe boursière » à compter du 1er août 2012. Le taux serait plus important que les préconisations communautaires puisqu’il serait de 0,1%. La taxation concernerait les transactions sur les actions, celles sur les dérivés (comme les CDS) et le « trading haute fréquence » (les échanges automatisés à la microseconde). La taxe serait acquittée par les acheteurs.

    Le gouvernement espère que cette taxe rapportera 1 milliard d’euros. Ces recettes seraient affectées à la réduction des déficits publics et non à compenser la baisse des cotisations sociales patronales comme cela a été dit au départ [10].

    Pour un taux plutôt haut (par rapport à d’autres préconisations) la recette attendue est plutôt faible. C’est que l’assiette est réduite puisqu’il est précisé que la taxe porterait sur « les acquisitions à titre onéreux de titres admis sur les marchés réglementés d’entreprises dont le siège social est en France ». Ne seraient taxés que les échanges portant sur des titres de sociétés dont le siège est en France. L’argument est qu’il ne faut pas dissuader les sociétés étrangères de venir se faire coter sur le marché parisien.

    De plus, la taxation sur le « trading haute fréquence », sans réglementation et action coordonnée avec le Royaume Uni reste un vœu pieux ! En effet, en Europe, comme nous l’avons dit, c’est la City de Londres qui concentre la majeure partie des échanges. Et David Cameron a réaffirmé sa farouche opposition à une taxation de ce type sur le territoire du Royaume-Uni. On remarquera que la spéculation sur les devises et sur les obligations d’Etat ou d’entreprises ne seraient pas soumise à la taxe.

    Concernant les devises, on peut s’interroger sur le pourquoi de cette restriction. En fait, le 13 décembre 2001, à l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin, une loi sur les transactions sur les devises avait été votée par le parlement. Faisant partie du Code Général des Impôts, elle n’a pourtant jamais été appliquée. Son dernier alinéa prévoit en effet que : « Le décret mentionné ci-dessus prend effet à la date à laquelle les Etats membres de la Communauté Européenne auront dû achever l’intégration dans leur droit interne des mesures arrêtées par le Conseil prévoyant l’instauration, dans l’ensemble des Etats membres, d’une taxe sur les transactions sur devises ».

    Ça n’a jamais été fait !

    5. En guise de conclusion

    La politique économique menée par les gouvernements successifs depuis le début des années 70 a mené à contenir les salaires par une politique de rigueur et au contraire à lâcher les brides du capital. La finance s’est développée sur ce rapport d’exploitation. Les gouvernements ont délibérément déréglementé la finance et défiscalisé les revenus du capital. La finance, grenier à grain du capital, se porte bien d’abord parce que le flux de richesse nourrit de mieux en mieux le capital au détriment du travail. L’État, comme gouverné actuellement, n’a pas l’intention de reprendre de la main gauche ce qu’il a donné de la main droite. Il le laissera penser par des mesures comme celles annoncées par Nicolas Sarkozy le 29 janvier. Mais ne soyons pas dupes !

    La finance n’est pas hypertrophiée parce qu’elle spécule. Elle spécule parce qu’elle est hypertrophiée. Pourquoi l’est-elle ? Parce que le taux d’exploitation du travail productif est historiquement haut depuis les années 80.

    Aujourd’hui, le monde est en train de supporter un trop plein de profit et un trop peu de salaire mais, au lieu de prendre le taureau par les cornes, on tente de lui planter quelques banderilles qui au mieux ressemblent à des aiguilles à tricoter. La proposition de Nicolas Sarkozy ne va pas plus loin. Et quand le taureau de la finance a découvert son torero, il n’a pas dû être impressionné. Il s’est notamment rappelé que le courageux avait un moment promis la fin des paradis fiscaux !

    Plus sérieusement, une taxe sur les transactions financières devrait au minimum faire partie d’un « train de mesures ». Elle n’a de sens que si elle s’insère dans un ensemble cohérent de mesures de politique économique et fiscale. C’est d’ailleurs de la sorte qu’une association comme Attac la conçoit sans aller aussi loin que nous pourrions l’envisager.

    De notre point de vue, s’il faut passer par une telle taxe pour inverser un processus trop favorable au capital, la perspective est autrement plus intéressante. Mais alors, par cohérence, il faut intégrer d’autres éléments qui demandent de rentrer en conflit ouvert avec la partie adverse : pouvoir de contrôle et transparence fiscale obligent.

    Pour le moins : 
    - Revenir sur la déréglementation de la finance ; réinstaurer des règles, monter des cloisons entre les différentes institutions et mettre à bas la doctrine libérale de « libre circulation » qui n’est qu’un fardeau pour le travail. 
    - Interdire aux institutions financières qui ont pignon sur rue et à leurs filiales de réaliser des transactions dans des paradis fiscaux, des chambres de compensation privées ou des plateformes virtuelles non réglementées. 
    - Engager un processus de socialisation de la création monétaire pour qu’elle ne soit plus un instrument lucratif au service des banques commerciales. 
    - Refiscaliser les revenus du capital. 
    - Et surtout, tarir le flux à la source en menant une politique favorable au salaire. Remettre ainsi en cause le rapport d’exploitation tel qu’il est.

    Via des propositions comme la taxation des transactions financières, on cherche à corriger un peu les inégalités générées par le système. Mais si l’on veut être efficace, alors il convient de rappeler que la meilleure taxe sur le capital est encore le salaire !

    Lilian Brissaud, directeur de CIDECOS 

      mercredi 29 février 2012

     

    Droit d’Alerte n°15


    [1] Tiré de Michel Husson : « compression salariale et inégalités de revenus », octobre 2010.

    [2] Qui masque en réalité la crise du salaire.

    [3] La notion de prolétariat regroupe l’ensemble des individus qui n’ont pas d’autre choix pour vivre que de vendre leur force travail.

    [4] Tiré de Michel Husson : « Où va le capitalisme ? ».

    [5] Détenir la monnaie d’un pays c’est avoir accès à la valeur économique que ses agents produisent.

    [6] Source : la lettre Vernimmem.net, n°104, janvier 2012.

    [7] « Taxer les activités financières : un débat qui rebondit », la Lettre du Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII) n°304 – 23 décembre 2010.

    [8] Notre point de vue est qu’on doit surtout distinguer le financement de l’économie de « la finance ». Autrement dit, on peut très bien financer l’économie réelle en se passant de ce qu’on appelle aujourd’hui « la finance ». Nous développons ce point dans d’autres écrits.

    [9] Le taux de 0,05% a aussi été proposé par Attac estimant que cela pourrait rapporter entre 400 à 1000 milliards d’euros au niveau mondial.

    [10] Article du journal Les Echos, du lundi 30 janvier 2012.


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  • MES & TSCG ou comment N. Sarkozy et A. Merkel vont imposer l’austérité à tous les états européens, France comprise.

    L’assemblée nationale a approuvé le 22 février le traité européen instaurant un mécanisme européen de solidarité (MES). Ce mécanisme doit prendre le relais du Fond Européen de Solidarité Financière ( FESF ). En apparence, il s’agit d’instaurer un mécanisme permanent de solidarité financière entre les états de la zone Euro pour éviter la faillite de l’un d’eux et la propagation de la crise à toute la zone euro.. En réalité, il s’agit de la première étape pour imposer à l’ensemble des pays européens la fameuse « règle d’or » du 0% de déficit, c'est-à-dire l’austérité généralisée, avec le succès qu’on lui a connu en Grèce.

    A l’approche des échéances présidentielles et législatives, il est important de préciser que l’UMP a voté pour ce texte, le parti socialiste s’est abstenu, et les députés PCF, PG et Verts ont voté contre.

    Pourtant, majoritaire au Sénat, la gauche aurait pu bloquer le texte jusqu’aux élections présidentielles. Permettant ensuite à F. Hollande, une fois élu, de le renégocier – comme il l’a promis. Mais en s’abstenant, le Parti Socialiste a laissé le texte être définitivement adopté. Le renégocier maintenant qu’il est adopté paraît délicat. Ce n’est en tout cas pas se mettre en position de force.

    Derrière le MES, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance.

    Sous l’apparence de solidarité financière du MESF, il y’a beaucoup à dire sur le déni total de démocratie et de souveraineté nationale qui a inspiré les auteurs du texte. J’en parle plus bas. Néanmoins, l’important est ailleurs. « L’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné à la ratification du TSCG par les états membre » (Art 5 de l’introduction du traité).

    En approuvant le MES, l’assemblée nationale et ceux qui ne ce sont pas opposés aux traités (UMP, PS) se sont donc de fait engagés à appliquer le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance – même si celui-ci n’a pas encore été ratifié par les deux assemblées (il passera au vote après les élections législatives). Dès lors, la question est : que contient ce traité ?

    • En premier lieu, il instaure la règle d’or à l’ensemble des pays signataires. Il interdit désormais de descendre en dessous de 0.5% du PIB de déficit structurel (hors investissement) et de dépasser 60% du PIB d’endettement. Les états qui ne respectent pas actuellement les 60% d’endettement du PIB doivent réduire leur endettement d’1/20 par an.
    • En cas de non-respect de cet objectif, un mécanisme automatique de correction (entendre, de réduction budgétaire) doit être mis en place et défini dans chaque pays. En cas de déficit excessif, les pays signataires acceptent de devoir être mis sous la surveillance du conseil européen et de la commission européenne pour l’application d’un programme de réforme structurelle. (On a vu en Grèce de quel type de réforme structurelle il s’agit : privatisation à tout-va, destruction du code du travail…). Eventuellement, la cour de justice européenne peut soumettre le pays à une amende.

    Bref, il ne s’agit ni plus ni moins que d’imposer la politique d’austérité et de réduction de déficit publique à toute l’Europe, et d’interdire toute possibilité de relance par la consommation comme le propose – par exemple – le Front de Gauche.

    Même si un gouvernement de gauche venait à être élu, il n’aurait d’autre choix que d’appliquer une politique de rigueur. Et même avec du « sens » ( pour reprendre les mots de F. Hollande) la politique de rigueur, ça voudra toujours dire « se serrer la ceinture » pour les salariés.

    Le MES, un déni de démocratie

    Il est de plus à noter que le MESF a été conçu comme une structure supra-nationale au dessus de toutes lois, et de touts devoirs de rendre des comptes. Quelques exemples d’un beau florilège :

    • « Les pays s’engagent irrévocablement et sans condition à répondre à tout appel de capital en 7 jours ». Les parlements nationaux perdent ainsi la souveraineté budgétaire, puisqu’ils ne peuvent refuser une demande de capital du MES. Ceci n’est cependant qu’une mise en bouche.
    • Le MESF (on n’est jamais mieux servi que par soi même) est exonérés de tout impôts direct, de tout droits, taxes interdictions ou restrictions à l’importation.  Sans être paranoïaque, on se demande bien en quoi un organisme purement financier a besoin d’importer sans droit de douanes des produits interdits à l’importation dans l’UE…
    • Les agents du MESF seront exonérés d’impôts sur le revenu dans leurs propres pays, pour n’être soumis qu’à un impot sur le revenu au bénéfice du MESF. Pourquoi se gêner, si on peut rendre service à quelques amis ?
    •  « Le MES et ses bien, ses financements et ses avoirs, où qu’ils soient situés jouissent de l’immunité de juridiction sur tous ses aspects (…) ne peuvent faire l’objet de perquisitions, de réqusisitons, de confiscations, d’expropriations ou de toute autre forme de saisie ou de mainmise de la part du pouvoir exécutif, judiciaire, administratif ou législatif » (…) exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature ». Pas de commentaire. Le MES sera au dessus des lois. Sans aucun contrôle possible, d’aucun pouvoir. Ce qui est totalement contraire à tout principe démocratique, ou tout simplement d’état de droit.
    • « Les archives du MES et tous les documents qui lui appartiennent ou qu’il détient sont inviolables, ainsi que ses locaux ». Aucune transparence possible, ni aucune enquête judiciaire possible en cas de soupçon de fraude. Ca donne confiance.

    Les dirigeants européens ont ainsi créé une entité sous leur contrôle, mais qu’ils ont délibérément placé au dessus des lois de leurs pays, et en dehors de toute possibilité de contrôle par les parlements nationaux, par le pouvoir judiciaire etc… Il s’agit d’un déni de démocratie, plus même d’un déni de l’état de droit sans précédent. On voit quelle Europe sont en train de construire ceux qui le promeuvent…

     Le MES et le TSCG sont la mise en application à l’Europe entière de ce que la Grèce subit depuis 2 ans : l’abandon de toute démocratie, de toute souveraineté nationale au nom de la rigueur budgétaire et de l’austérité.

     C’est un projet digne de la droite ultralibérale la plus dure, qui doit être combattu avec force. Et je m’étonne, je m’inquiète même que le Parti Socialiste se contente de s’abstenir sur une question aussi grave. Mais, faut-il rappeler qu’il a toujours été solidaire du gouvernement socialiste grec dans la mise en place de ces mesures d’austérité.

    http://pensees-politiques.over-blog.net/


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  • La Banque centrale européenne (BCE) a procédé, mercredi 29 février 2012, à une deuxième vague de prêts à trois ans et au taux  de 1%.

    La Banque centrale européenne (BCE) a procédé, mercredi 29 février 2012, à une deuxième vague de prêts à trois ans et au taux de 1%.AFP

    Un succès. Pour sa seconde opération de soutien aux banques, la Banque centrale européenne (BCE) a prêté 529,5 milliards d'euros à 800 établissements bancaires – soit encore plus que lors de sa première opération de refinancement à long terme (LTRO) du 21 décembre, qui s'élevait à 489 milliards.

    Ce montant, prêté au taux avantageux de 1 % et pour une durée de trois ans, est globalement en phase avec les estimations des observateurs, qui tablaient sur un montant de 400 à 500 milliards. L'objectif du dispositif – enrayer la paralysie du système bancaire et éviter tout credit crunch (pénurie de crédits) – semble donc atteint.

     REMBOURSEMENT DE LA DETTE

    L'annonce de la BCE a fait brièvement grimper les Bourses européennes et l'euro face au dollar. Mais la monnaie unique a rapidement effacé ses gains et se traitait vers midi autour de 1,3440 dollar. Le marché se demande désormais quel usage les établissements feront de cet argent à l'heure où la croissance montre des signes de faiblesse en Europe.

    Le président de la BCE, Mario Draghi, qui avait déclaré après le premier LTRO qu'un "credit crunch majeur" avait été évité, a exhorté dimanche les banques à soutenir la croissance économique en prêtant aux ménages et aux entreprises les liquidités qu'elles auront empruntées. Lors de l'opération de décembre, les banques avaient utilisé la majeure partie des fonds empruntés pour rembourser de la dette arrivant à maturité, et non pour accroître leur offre de crédit.

    Ce programme d'injection de liquidités, considéré par certains comme une opération détournée de création de masse monétaire, alimente les craintes de certains dirigeants, notamment allemands, qui redoutent que les LTRO n'aient des conséquences néfastes à l'avenir. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a ainsi déclaré ce mois-ci qu'une offre de liquidité "trop généreuse" pourrait déboucher à terme sur des risques inflationnistes.

     Le Monde.fr (avec agences)


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  • Intervention de Michelle DEMESSINE sur le Mécanisme Européen de Stabilité

     

    Le Parlement ratifie le Mécanisme européen de stabilitéDébat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012

    (Intervention générale au Sénat, séance du mardi 28 février)

     

    Michelle Demessine, sénatrice du Nord

     

    Notre débat de ce soir, préalablement au Conseil européen d’après-demain à Bruxelles, a quelque chose de surréaliste

    En effet, à la suite de votre déclaration liminaire, monsieur le ministre, vous sollicitez l’analyse des différents groupes de notre assemblée, puis nous vous interrogerons sur quelques points particuliers.

    Mais cette sympathique discussion à cette heure tardive est vraiment un théâtre d’ombres.

    Les décisions ont déjà été prises avant, et ailleurs, et ce que nous vous disons n’aura qu’un effet limité, voire aucun effet du tout, sur la décision du Président de la République de signer le traité dit : de stabilité, de coordination et de gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

    Car c’est bien de la signature de ce traité qu’il s’agira le 1er mars prochain. 25 des 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, l’adopteront solennellement, en marge de la réunion du Conseil, et c’est cet évènement qui fera date et qui sera le seul point que l’histoire retiendra de ce sommet.

    A nos yeux, le grand danger de ce traité que le chef de l’Etat signera au nom de la France, est d’être un nouvel instrument antidémocratique pour imposer, sous couvert de discipline budgétaire, la loi des marchés financiers aux Etats et aux peuples d’Europe.

    Ce traité, concocté entre la Chancelière et le Président de la République, aggrave encore les quelques dispositions sur la gouvernance économique et le semblant de solidarité européenne, contenues dans son prédécesseur de 2005. Le peuple français l’avait rejeté par référendum, le Chef de l’Etat le lui avait alors imposé par la voie parlementaire.

    Aujourd’hui nous refuserons le nouveau scénario qui s’annonce.

    C’est dès maintenant que nous dénonçons le danger d’une signature du Chef de l’Etat. Nous refusons ce traité car il est profondément antidémocratique et contraire à l’intérêt national puisqu’il s’agit de limiter la souveraineté budgétaire des Etats et de leur dicter leurs politiques économique et sociale.

    De surcroît c’est de lui que procèdent tous les plans d’austérité qui sont imposés aux pays en difficulté en échange de financements pour tenter de payer leurs dettes.

    Cette filiation montre également le lien incontestable et indéfectible qui existe entre les deux projets de loi autorisant la création du Mécanisme européen de stabilité, contre lesquels notre groupe a voté cet après-midi, et le traité que va signer le Président de la République.

    En effet, la possibilité pour un Etat membre de l’Union européenne de participer à ce Mécanisme, à ce Fonds de soutien, est conditionnée à l’approbation de ce traité. Ce n’est qu’à cette condition, en effet, que pourra être activé, à partir du 1er juillet, ce fonds monétaire européen dont la mission est d’imposer l’austérité aux peuples dont les Etats n’arrivent pas à financer leurs dettes sur les marchés.

    C’est la carotte pour accepter les coups de bâtons !

    L’intérêt du débat de ce soir pourrait être ainsi d’éclairer les enjeux et de montrer toutes les conséquences négatives pour notre pays, pour notre peuple, mais aussi pour l’Europe, d’une signature du chef de l’Etat.

    Fruit de deux mois de laborieux compromis avec l’Allemagne, ce traité vise à instaurer une forme autoritaire de gouvernement économique de la zone euro en prétendant la protéger contre les attaques spéculatives des marchés financiers, et faciliter les prises de décisions rapides qui ont tant fait défaut ces dernier mois.

    De nouvelles règles communes, des budgets favorisant le développement économique et social des Etats membre, des solidarités concrètes entre les pays face à la puissance déstabilisatrice des marchés, voila ce dont aurait besoin l’Europe !

    Mais ce qui sera avalisé par Nicolas Sarkozy à Bruxelles n’est qu’une fausse solidarité qui enfoncera un peu plus encore les pays dans leurs difficultés.

    Car ce traité, bien qu’il prétende lutter contre les marchés financiers pour protéger la zone euro de leurs attaques, ne s’en donne, en réalité, pas les moyens. Et ceci tout simplement parce que les gouvernements des pays membres n’en ont pas la volonté politique.

    Tout au contraire. Les dispositions prévues, que ce soit l’instauration de la « règle d’or », ou plutôt de la « règle d’airain » interdisant tout déficit budgétaire, ou bien les sanctions automatiques contre les Etats contrevenants, toutes ces mesures vont précisément dans le sens de la logique de l’austérité économique et sociale réclamée par les marchés.

    Et pourtant l’expérience de ces derniers mois a démontré combien la mise en œuvre de ces politiques d’austérité était totalement inefficace pour résoudre la crise qui secoue l’euro.

    Mais prenons garde, car si cette crise n’était pas jugulée, elle détruirait les économies européennes les unes après les autres. C’est pour cela qu’il faut changer de méthode. Si notre groupe est si vivement hostile à cette signature, c’est que nous considérons que la méthode et les politiques publiques qu’il inspire, sont mauvaises et dangereuses pour les économies et les peuples. Elles vont même à l’encontre des objectifs affichés.

    Car ce sont justement ces politiques qui alimentent la crise.

    Ce sont ces politiques d’austérité qui, en comprimant la demande, font reculer l’activité, ce qui à son tour réduit les rentrées fiscales et creuse encore plus vite les déficits. Partout où elles ont été mises en œuvre, les résultats parlent d’eux-mêmes. Ces pays se sont enfoncés dans la récession, ils ont subi un appauvrissement sans précédent, ils sont accablés par le chômage et atteints dans leur dignité même.

    Tout cela s’accompagnant d’un démantèlement systématique des services publics des systèmes sociaux, du droit du travail qui provoque la colère des peuples et prépare dans certain pays un véritable séisme social.

    Où est la solidarité pour aider les pays menacés par les attaques des marchés financiers, quand par exemple depuis le début de la crise, le produit intérieur brut de la Grèce a baissé de près de 20%, et que les salaires et les retraites en baisse seront bientôt au même niveau qu’en Roumanie ? Est-ce là le résultat d’une vraie solidarité européenne envers les victimes des marchés financiers ?

    Les prévisions de la Commission européenne présentées jeudi dernier sont d’ailleurs l’éclatante illustration de ce que ce mécanisme dit de soutien ne préconise qu’une austérité asphyxiant l’économie réelle et empêchant la croissance.

    La Commission a tout simplement annoncé la récession dans la zone euro, avec un recul du PIB de 0,3%, et une quasi absence de croissance dans l’Union européenne. Huit des dix-sept Etats de la zone euro, la Grèce en tête, mais aussi le Portugal, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique seront en récession.

    La France et l’Allemagne, quant à elles, comme l’ensemble des 27, n’auront qu’une croissance infime de 0,4 à 0,6%.

    Avec le Mécanisme européen de stabilité dont le Sénat, à l’exception de notre groupe, a accepté la mise en place, ce sera l’aggravation de ces politiques, car il se fonde sur la même logique que son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité.

    La seule différence, maintenant, est qu’il est pérenne et que les décisions seront plus rapides à prendre pour mieux les imposer aux Etats.

    On peut d’ailleurs d’ores et déjà douter de son avenir, car Standard’s and Poors vient de le placer sous perspective négative, et l’Allemagne a annoncé qu’elle ne céderait pas face à ceux qui demandent déjà le renforcement le renforcement de ce soi-disant pare-feu européen.

    Le dispositif lié à l’adoption du traité va au-delà de tout ce qu’on a connu jusqu’à présent au niveau européen en matière d’abandon de souveraineté, d’opacité et de recul démocratique.

    Il implique une perte évidente de souveraineté budgétaire, puisque c’est le regroupement des gouverneurs de ce fonds qui décidera du dépassement de son plafond sans l’avis des Parlements nationaux.

    Sous la direction du condominium franco-allemand, une mécanique implacable de contrôle et de corsetage des finances publiques nationales se met en place.

    Mesurez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que pour la fameuse troïka que sont, la Commission, la Banque centrale européenne, et le FMI invité à participer à l’affaiblissement des économies européennes, ce qui se passe en Grèce est une expérience grandeur nature pour démanteler les droits démocratiques et sociaux partout en Europe.La Grèce est leur laboratoire.

    Et ce sont ces politiques, formalisées dans un traité, que le chef de l’Etat et votre gouvernement accepterait de faire inscrire dans le marbre des législations nationales !

    Cette discipline budgétaire aveugle, sous prétexte de davantage maîtriser leurs finances publiques, contraint les Etats à voter des budgets équilibrés en limitant leur déficit structurel à 0,5% de leur PIB.

    Réclamée par l’Allemagne, cette règle est impitoyable avec ceux qui l’enfreindraient puisqu’elle prévoit des amendes allant jusqu’à 0,1% du PIB et des sanctions quasi automatiques pour les pays affichant un déficit supérieur à 3% du PIB.

    Cette règle d’airain, plutôt que d’or, pourrait sembler aux naïfs être une saine gestion des affaires publiques.

    Il n’en est rien, car ses conséquences sont contraires à nos principes démocratiques. Son principal danger est de limiter la souveraineté parlementaire sur le budget en nous obligeant notamment à soumettre préalablement à Bruxelles les projets de lois de finances.

    Il place ainsi les budgets nationaux sous la tutelle des institutions européennes, mais aussi, indirectement, du Fonds monétaire international.

    Ce serait ainsi, pour un gouvernement, accepter d’avance de renoncer à la liberté de décider de la politique qu’il veut appliquer, à la liberté de mener une politique de transformation sociale.

    Et il est prévu que cela se fasse en vertu de dispositions contraignantes et permanentes venues d’ailleurs et qui s’imposeraient à nos lois de finances.

    Dans ces conditions, que devient l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’un des fondements de notre Constitution, qui nous dit, je le cite, que « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ?

    Qu’en est-il aussi de l’article 39 de notre Constitution, qui dispose que « les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale » ?

    Soumettre ainsi nos budgets à une institution supranationale composée de technocrates non élus est clairement incompatible avec nos principes constitutionnels. Je le répète avec force, les fondements même de ce traité heurtent fondamentalement les principes démocratiques énoncés dans notre Constitution.

    De ce point de vue, à la veille d’échéances électorales qui peuvent changer l’avenir de notre pays, il n’est pas souhaitable que le Président de la République sortant décide, seul, aujourd’hui, de les mettre en cause lors de ce prochain Conseil européen.

    Lorsqu’il faudra, dans quelque temps, ratifier ce traité, qui comprends tant de mesures néfastes pour l’intérêt national et celui des peuples d’Europe, il faudra donc consulter notre peuple pour qu’il s’exprime en toute connaissance de cause.

    Nos institutions le permettent, c’est la voie du référendum que le Président de la République, quel qu’il soit, devra choisir !

    Telles sont monsieur le ministre, les appréciations dont le groupe communiste, républicain et citoyen souhaitait vous faire part à la veille de ce Conseil.

     

    L'hémicycle de l'Assemblée nationale.

    L'hémicycle de l'Assemblée nationale. AFP/JOEL SAGET

    Le Parlement français a donné mardi 28 février son feu vert au Mécanisme européen de stabilité (MES), structure commune permanente pour financer les pays en difficulté de la zone euro. Le vote s'est tenu dans un climat de polémique politique, attisé par la campagne électorale.

    Après l'Assemblée nationale le 21 février, le Sénat a approuvé mardi les deux traités qui vont remplacer à terme l'actuel Fonds européen de solidarité par le MES. Le premier texte, qui modifie un article du traité de l'Union européenne, autorise la création d'un tel mécanisme, tandis que le second traité fixe ses modalités de fonctionnement.

    ABSTENTION SOCIALISTE

    Ces deux traités sont juridiquement distincts du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l'UE, qui doit être officiellement signé le 1er mars et que le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, veut renégocier. Mais un lien fort existe entre les deux car les prêts du MES ne pourront être accordés qu'à des pays membres du pacte. Ce lien a justifié l'abstention socialiste. La gauche s'est toutefois divisée, les communistes du Front de gauche votant contre. Cette abstention a été qualifiée de "faute historique" par le premier ministre François Fillon.

    Ce vote intervient alors que le sommet de la zone euro prévu le 2 mars à la fin du sommet européen des 27 a été annulé en raison des réticences de l'Allemagne à discuter des moyens alloués au MES, ce pare-feu contre les crises des dettes.

    http://www.lemonde.fr

    Le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité a été adopté par le Sénat le 28 février 2012

    Les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ont voté contre le MES mais aussi contrele projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

    Les sénateurs socialistes se sont abstenus

    - Voir le scrutin

    Lire les interventions :

    - Un instrument de vassalisation des peuples européensModification de l’article 136 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne - Par Eric Bocquet / 28 février 2012

    - Pourquoi je vote contre le MES (Mécanisme européen de stabilité) - Par Annie David / 28 février 2012

    - Un nouveau coup de force des partisans de l’Europe libéraleMécanisme européen de stabilité : exception d’irrecevabilité - Par Eliane Assassi / 28 février 2012

    - Vous devez refuser la soumission de notre peuple aux partisans d’un libéralisme sans frein en Europe - explication de vote sur l’exception d’irrecevabilité - Par Eliane Assassi / 28 février 2012


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