• C’est castoche de casser du syndicat chez Castorama ?

    Révélation : le mode d’emploi de Castorama pour briser les syndicats

    Thomas Lemahieu
     

    Dans un manuel révélé par l’Humanité à consulter ici, l’enseigne de bricolage, à la pointe du combat patronal pour le travail du dimanche, apprend à ses dirigeants à «  marginaliser  » les syndicalistes.

    Quand elles ne mettent pas en scène la mobilisation des « vrais » salariés qui, malgré le Code du travail, voudraient tant avoir la liberté chérie de travailler le dimanche, les grandes enseignes du bricolage passent leur temps du lundi au samedi à contrecarrer l’implantation syndicale dans leurs magasins. Dans un diaporama que l’Humanité révèle (voir le document ci-dessous, notamment à partir de la page 30), Castorama détaille une série de consignes édifiantes pour ses cadres dirigeants, encouragés à opposer la « représentativité salariale » à la représentativité syndicale : au premier tour des élections professionnelles, il faut, indique le manuel, « inciter à l’abstention » afin de faire perdre aux organisations syndicales leur monopole en matière de représentation et, permettre à des candidats « sans étiquette » de se présenter au second tour.

    Piloter des suffrages

    Mais attention, ajoutent les Machiavel de Castorama, « moins il y aura de suffrages valablement exprimés, plus le délégué syndical aura la chance d’atteindre les 10% qui lui permettront de garder son mandat (seuil de représentativité) : il faudrait piloter suffisamment de suffrages exprimés sur une organisation syndicale pour mettre en délicatesse une autre, mais ne pas dépasser la moitié des inscrits pour ne pas réaliser le quorum. Ainsi, on écarte une organisation syndicale et on en légitime une autre  ». Les dirigeants de magasins sont encore appelés à « affaiblir la capacité électorale », « soutenir le cas échéant le CE en place », « identifier une liste alliée », « marginaliser les organisations syndicales », etc.

    Devant cette pièce datant de 2010, Jean-Paul Gathier, délégué central FO, s’est mis en tête de demander des explications à la direction de Castorama au mois de juin dernier. Le syndicaliste les attend encore, mais il assure : « Pour la direction, les élections doivent servir à contrer les délégués qui les embêtent et à limiter l’influence syndicale. Ce type de pratiques perdure, les syndicalistes les voient à l’œuvre dans tout le pays… »

    Thomas Lemahieu

    Documents à télécharger :
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  • Lutter contre la mondialisation, c’est être aussi réactionnaire que les luddites, dit Pascal Lamy.

    lundi 30 septembre 2013 par  Jean-Claude Delaunay

    On connaît le mouvement luddite qui, dans l’Angleterre du début du 19ème siècle, se traduisit par la destruction de métiers à tisser. A cette époque, les machines-outils industrielles servaient d’ossature au mouvement d’expansion du capitalisme. Rétrospectivement, on a pu dire que les luddites étaient réactionnaires en cela qu’ils menaient un combat perdu d’avance. Marx porta sur eux le jugement suivant : « La machine est innocente des misères qu’elle entraîne… Il faut du temps et de l’expérience avant que les ouvriers, ayant appris à distinguer entre la machine et son emploi capitaliste, dirigent leurs attaques non contre le moyen matériel de production mais contre son mode social d’exploitation » (Le Capital, Livre 1).

    Dans l’un de ses entretiens, Pascal Lamy (PL) fait allusion aux luddites pour qualifier diverses thèses contemporaines relatives à la mondialisation. « La thèse de la démondialisation… est une thèse réactionnaire. Ce qui compte n’est pas le passé mais l’avenir » (entretien sur Europe 1 avec J.-P. Elkabbach, 25 juin 2013). L’hostilité au processus actuel de mondialisation capitaliste, celle par exemple exprimée par Nicolas Dupont-Aignan, Arnaud Montebourg, Maurice Allais, Jean-Luc Gréau, ou bien encore par tous ceux que l’idéologie mondialiste nomme « les intégristes souverainistes », est par lui qualifiée de ringarde ou de réactionnaire. Ce serait, en quelque sorte, des néo-luddites.

    Ces gens nourriraient « l’idée que l’on doit revenir au monde d’avant ». Or c’est impossible et ce serait vain, défend PL. En interprétant sa pensée je dirai que « la mondialisation » serait, selon lui, la vaste machinerie du monde moderne comme les métiers à tisser furent la machinerie du libre-échange. Il ne faudrait pas confondre « le métier à tisser » (en l’occurrence « la machine mondialisation ») et les rapports sociaux qui l’enveloppent. Vouloir briser la machine serait réactionnaire. Certes, on peut vouloir améliorer les rapports sociaux, mais on ne pourrait pas changer la machine.

    Nombreux sont ceux ayant déjà critiqué les thèses de PL. Je pense cependant que son argumentation est perverse. Il faut donc s’y opposer sans relâche et dans le détail, avec encore plus d’obstination que celle qu’il met à la défendre. Cette thèse appartient à l’idéologie courante. Elle constitue l’essentiel de la pensée socialiste actuelle et elle imprègne, malheureusement, certaines franges de la pensée communiste. Pourtant, je ne vois aucune raison de m’y soumettre et les imprécations de PL relatives à la nature réactionnaire de toute pensée opposée à la mondialisation contemporaine ne m’impressionnent pas [1]. Je ne confonds pas, comme lui, domination du Capital et capacité du Capital à découvrir les chemins de la modernité.

    Je souhaite donc, dans cet article, commencer à discuter la thèse défendue par PL. Pour cela, je développe ici mon argumentation à travers 4 points, dont voici les titres :

    - 1 - La mondialisation n’est pas un phénomène technique.
    -2 - En décrivant la mondialisation capitaliste comme un phénomène technique, et notamment comme une simple « mondialisation », quelle conséquence théorique pour PL ?
    - 3 - Les acteurs et les lois économiques de la mondialisation capitaliste.
    - 4 - Est-il possible, au plan économique, de réguler et maîtriser la mondialisation capitaliste ?

    Après les conclusions tirées de l’examen de ces 4 points, je chercherai, dans un autre article, à progresser dans l’examen des propos de Pascal Lamy. Les problèmes en cause dépassent largement sa personne. Ce sont, de plus, des problèmes difficiles. On doit donc prendre le temps qu’il faut pour chercher à les comprendre. ___

    1 - La mondialisation n’est pas un phénomène technique.

    Le procédé le plus couramment utilisé par les idéologues des classes dominantes pour mettre leurs conceptions de la société « hors débat » et ensuite « hors révolution » consiste, au plan intellectuel, à en naturaliser les concepts.

    Naturaliser les concepts signifie leur donner un contenu physique, technique, naturel en quelque sorte. Il s’agit de les sortir de la politique. Ainsi la mondialisation est-elle mise « hors débat » et « hors d’atteinte révolutionnaire » si elle est décrite et acceptée comme relevant de la technique ou du monde physique.

    C’est ce que fait PL. Selon lui, la mondialisation doit s’imposer, quoique l’on fasse, dise ou pense, parce qu’elle relèverait de la technique. Certes, il explique qu’elle est enveloppée par des règles, des lois, des comportements. Elle est enveloppée par des rapports sociaux. Mais ces derniers ne seraient qu’un voile, un habit. En tant que phénomène technique, la mondialisation serait une réalité aussi solide que le roc.

    Selon PL (conférence du 20 décembre 2012, Forum Europe), on peut la définir à l’aide des trois composantes principales suivantes : 1) Les nouvelles technologies (celles du transport des marchandises et de l’information). C’est la composante essentielle. 2) La multilocalisation de la production. Pour atteindre et dépasser sans cesse l’efficience technologique, les processus de production seraient désormais éclatés de par le monde dans des « chaînes de valeur globales ». 3) L’urbanisation croissante de la planète. Ce dernier phénomène engendrerait à son tour de nouveaux facteurs d’efficience.

    La conclusion qu’il tire implicitement de ces trois composantes est que la mondialisation serait de nature technique. Elle n’aurait rien à voir dans son essence avec « la politique », ou, comme disent les marxistes, avec les rapports sociaux. Car les nouvelles technologies, par exemple, ne sont ni de droite ni de gauche, n’est-ce pas, mon cher Watson ? Elles sont, tout simplement. L’efficience économique, qui serait, selon PL, le moteur de la multi-localisation, ne serait, elle aussi, ni de droite ni de gauche. Elle est, elle s’impose, c’est une force. Il en est de même de l’urbanisation. Pascal Lamy ne serait qu’un observateur attentif de ce qui existe au plan technique, tout comme le Doyen Jèze, autrefois, observait que les ponts n’étaient pas des êtres politiques.

    En réalité (c’est moi qui parle), les nouvelles techniques ne sont pas à l’origine des nouveaux rapports sociaux. Ce sont les nouveaux rapports sociaux qui appellent le besoin de nouvelles techniques. Marx n’est pas le penseur de la technique, c’est le penseur des rapports sociaux ainsi que du travail. Par suite, c’est le penseur des techniques nouvelles que les rapports sociaux, eux-mêmes nouveaux, appellent et contribuent à développer, notamment au niveau du travail, dans la lutte et la contradiction.

    2 - En décrivant la mondialisation capitaliste comme un phénomène technique, et notamment comme une simple « mondialisation », quelles conséquences pour Pascal Lamy ?

    La principale conséquence est la suivante. PL fait dériver de sa description technique une partie des nouveaux rapports sociaux politiques, de la mondialisation en cours. Il inverse le cours des explications comme du mouvement réel. Bien entendu, il ne parle jamais de « mondialisation capitaliste » mais toujours de « mondialisation ».

    Pour lui, la grande transformation (l’aspect technique de la mondialisation) serait à l’origine du grand basculement (son aspect politique, le rôle nouveau des pays émergeant). Puis, par voie de conséquence, le grand basculement donnerait à la « mondialisation » un caractère durable.

    En effet, selon lui, l’efficience économique induite par la mondialisation aurait été le point de départ de la croissance impétueuse des pays émergents (Chine, Inde, Russie, Brésil, Afrique du Sud, Indonésie, etc.). Cette évolution, ponctuée par le recul de la misère mondiale et la formation de « nouvelles classes moyennes » (25% de la population mondiale dans 20 ans, selon PL), serait irréversible. Elle s’imposerait donc aux pays anciennement dominants de l’hémisphère Nord.

    PL reconstruit l’histoire avec un manque total de rigueur intellectuelle et de respect des faits. En réalité, la mondialisation actuelle est née de la crise généralisée du Capital des années 1970. Dans tous les pays développés, à cette époque, les capitalistes (les grands, ceux qui font le destin du monde, pas les petits qui travaillent comme sous-traitants des grands) ont cherché une issue aux difficultés qu’ils rencontraient dans la mise en valeur du capital. Il existe des tonnes de travaux à ce propos. Cette issue a consisté, pour eux, à « libérer le Capital » des contraintes que ce rapport social fondamental pouvait rencontrer dans « les vieux pays » et à se lancer dans l’aventure économique du monde. Enfin seuls, enfin libres ! Je vais reprendre dans le point ci-après les traits essentiels de cette « libération ».

    Mais ce que je retiens ici, pour critiquer les propos de Lamy, est que les traits majeurs de cette « libération » ont consisté en la mise en place de nouveaux rapports sociaux de fonctionnement du Capital, au premier rang desquels la priorité désormais accordée à l’entreprise géante mondialisée, la mise en place d’une infrastructure financière mondiale, la mise à l’écart et la destruction des nations comme territoires pertinents de l’activité économique, une modification radicale du rôle des États dans le fonctionnement économique, et, cela va de soi, la surexploitation des travailleurs, ceux des vieux pays comme ceux des nouveaux, mais avec des effets politiques et psychologiques complètement opposés. Ce sont tous ces rapports sociaux nouveaux (nouveaux en ce qui concerne le fonctionnement courant du Capital, mais pas du tout nouveaux en ce qui concerne l’essence du Capital) qui ont tissé la trame de la mondialisation capitaliste de la fin du 20ème siècle. C’est dans ce cadre que se sont installées les nouvelles technologies et, notamment, la considérable réduction du coût de l’information comme du coût direct du transport des marchandises.

    Simultanément, un certain nombre de pays émergents, après avoir expérimenté les limites de leur organisation sociale (pour la Chine, par exemple, l’échec du socialisme de pénurie à la Mao Zédong), se sont lancés dans la réforme, l’ouverture et le développement, intégrant le capitalisme, et donc les autres pays développés du monde, à leur mode de production. Ce n’est pas la mondialisation qui a provoqué leur développement. C’est leur aspiration immense au développement économique, et donc la mise en place de nouveaux rapports sociaux, qui les a poussés à intervenir dans le monde comme ils le font.

    Il s’est donc produit une conjonction heureuse entre la crise du capitalisme dans les pays développés et l’aspiration au développement économique rapide dans les pays sous-développés. L’état actuel de l’économie allemande illustre cette coïncidence.

    Le point de départ de l’analyse que l’on doit faire du monde contemporain n’est donc pas une analyse technique. C’est une analyse sociale. L’intérêt du marxisme est, pour employer le langage un peu étrange de Marx, de « défétichiser » ces rapports sociaux nouveaux en montrant que leur origine est "dans la société" et non dans "la nature" ou dans "la technique". Le rôle des idéologues du capitalisme mondialisé est au contraire de les « fétichiser », de les décrire comme naturels, comme extérieurs à la société, comme techniques, et donc s’imposant à tous. Défétichiser les rapports sociaux revient à se donner les moyens intellectuels de les transformer. Au contraire, accepter leur fétichisation, c’est abandonner a priori toute volonté révolutionnaire et transformatrice de ces rapports.

    3 - Les acteurs et les lois économiques de la mondialisation capitaliste

    Quels sont les acteurs et les principales lois de fonctionnement de la mondialisation capitaliste ?

    - a) Les acteurs de la mondialisation capitaliste.

    On peut distinguer 3 catégories d’acteurs dirigeants de la mondialisation capitaliste :
    — 1) Les firmes géantes. Initialement le territoire national était la base productive des grandes firmes, le territoire national et le reste du monde étant le lieu d’écoulement de leurs produits. Puis, pour des raisons de rentabilité, elles ont eu le besoin d’exporter non seulement leurs produits mais leurs processus productifs, de se rapprocher des marchés de leurs produits, de se rapprocher de facteurs de production économiquement plus avantageux.

    Le résultat est que l’entreprise géante n’est plus organisée autour de la production d’un produit. Bien sûr, l’entreprise géante vend des produits. Mais son activité principale n’est plus la production en tant que telle [2]. Elle rassemble des opérations effectuées ici et là de manière sous-traitée et disséminée. Par suite de quoi, organisée autour de contrats et non plus de produits, elle devient avant tout un centre d’information, un centre d’achats, un centre financier. La finalité de l’entreprise géante en est profondément modifiée. Le territoire national original ne compte plus sous l’angle de la production. La politique économique nationale d’autrefois, elle s’en moque.

    Cela dit, en même temps que le Capital est libéré des « contraintes nationales », au plan de la production, des impôts, de la consommation de ses produits, la concurrence mondiale des capitaux passe à une échelle supérieure. Les entreprises petites et moyennes du territoire national sont embringuées dans le sillon des entreprises géantes, par exemple en tant que sous-traitantes. Elles subissent les effets de la mondialisation capitaliste, même si elles restent cantonnées dans leur petit territoire d’autrefois. Toutes les entreprises, grandes ou petites, de tous les pays développés sont aujourd’hui entraînées dans la mondialisation capitaliste.

    — 2) Les acteurs financiers. La cour de récréation des entreprises géantes est désormais le monde entier. Là où existent de bonnes conditions de rentabilisation de leurs capitaux, elles investissent. Elles font appel à des actionnaires ou s’endettent. Mais elles peuvent avoir besoin de quitter les lieux, et très vite.

    Dans leur marche vers le taux de profit maximum au plan mondial, elles ont besoin d’institutions qui leurs permettent d’engager et de dégager leur mise de façon rapide. Elles ont besoin de marchés financiers. Elles ont besoin de places où se rassemblent les collecteurs de cette épargne, tels les fonds de pension, ou d’éventuels acheteurs de leurs actifs. De la même façon qu’existent autour du globe des ceintures de volcans, existent, au cœur de la mondialisation capitaliste des ceintures de marchés financiers (un peu plus d’une trentaine dans le monde) animés par des investisseurs financiers de toutes sortes.

    Les États, de leur côté, sont poussés à financer une partie de leurs dépenses via les marchés financiers. Les titres publics de créance deviennent une sorte de refuge pour les créanciers (car les États « ne font pas faillite », en théorie). Mais, simultanément, l’ampleur de la dette des États est soumise au contrôle implicite des opérateurs financiers mondiaux.

    — 3) Les États. Ils interviennent, ou au contraire, sont incapables d’intervenir, dans deux domaines distincts.

    Le premier domaine d’intervention est celui de l’ordre politique mondial. Ici, les États-Unis jouent le rôle de « gendarme en chef ». Le capitalisme a toujours eu besoin d’un État-gendarme. On peut dire que, sur ce plan, la mondialisation capitaliste est dotée des bases d’une action mondiale de gendarmerie.

    Nous avons le triste privilège, en France, d’observer combien les élites socialistes se plaisent à intervenir politiquement dans le monde, au nom de l’idéologie des Droits de l’Homme et se comportent en réalité pour ce qu’ils sont, des partisans résolus de l’impérialisme, le système politique mondial ayant leur soutien. Ils ne sont plus seulement des partenaires loyaux du capitalisme. Ce sont, aujourd’hui, des partenaires loyaux du capitalisme mondialisé.

    Je ne leur ferai pas le reproche d’être des supplétifs de l’Amérique du Nord. En effet, cela pourrait laisser croire que, si les socialistes agissaient seuls en tant que gardiens des intérêts politiques les plus généraux du Capital mondial, cela trouverait grâce à mes yeux. Il n’en reste pas moins, sous cette réserve, que leur servilité mal récompensée envers l’Amérique donne de la France une image peu honorable.

    On remarque cependant que, eu égard à la nature composite de la mondialisation capitaliste (pays capitalistes, pays émergents diversifiés), les gendarmes capitalistes du monde n’ont plus les coudées aussi franches qu’autrefois. Il n’a pas été indifférent de passer du G5 (1975) au G8 (1998), puis au G20 (1999), quand bien même ces regroupements mondiaux n’auraient pas de pouvoir de décision [3].

    Le second domaine d’intervention des États dans le monde est celui de l’ordre économique. Dans ce domaine, les agents moteurs de la mondialisation capitaliste ne disposent, au plan mondial, d’aucune institution étatique qui régulerait l’ordre économique mondial.

    La stabilité économique du monde repose sur la morale et la bonne volonté, ce qui, dans les pays capitalistes, ne veut pas dire grand-chose. En réalité, non seulement le processus de la mondialisation capitaliste fonctionne sans filets de sécurité mais il est émaillé de ces zones de non-droit économique absolu que sont les places financières « libres ».

    - b) Les lois économiques de la mondialisation capitaliste.

    J’en, énonce quatre :

    — (1) La loi du taux de profit mondial maximum. Comme indiqué supra, les firmes géantes ratissent toute la planète, là où il y a du revenu. Elles ont besoin de la plus grande mobilité économique et législative possible : marchés et acteurs financiers, pas d’entraves à leurs déplacements, évasion fiscale maximum, accords divers, par exemple accords de l’OMC (marchandises, libertés financières), accords de l’OCDE (investissements).

    — (2) La loi de la valeur mondialeunique (ce qu’on appelle « la loi du prix unique »). En vérité, la théorie marxiste permet d’être plus précis que la théorie courante. D’une part, il tend certainement à s’établir une valeur unique des produits et des services, même si, d’autre part, les prix des produits (ou les taux d’intérêt) peuvent être encore très différenciés.

    — (3) La loi de l’hyper-concurrence. La mondialisation capitaliste se fraie son chemin dans le cadre d’une concurrence exacerbée. La compétitivité mondiale devient le maître mot du vocabulaire économique. C’est le harcèlement permanent des salariés qui l’emporte.

    — (4) Le triangle d’incompatibilité de Mundell. Cette règle empirique indique que si, dans un pays, fonctionne la mobilité totale de ses capitaux, il n’est pas possible de réaliser, en plus de cette mobilité, une politique monétaire indépendante ET une politique indépendante des taux de change. Il faut choisir entre ces deux dernières branches de la politique économique. En général, avec la mondialisation capitaliste (liberté généralisée des capitaux), les États (ou leur équivalent territorial) choisissent de fixer le taux de l’intérêt (la circulation des capitaux). Le taux de change (variable pesant sur les échanges commerciaux) s’adapte en conséquence, sans que cette adaptation soit nécessairement adaptée aux besoins généraux de l’économie.

    Il ressort de cette règle que la mondialisation capitaliste accroît les degrés de liberté des capitalistes mais réduit les degrés de liberté de la nation, ou de l’ensemble géographique considéré.

    Si l’on fait le bilan de cette partie, on aboutit aux deux grandes conclusions suivantes : le processus de mondialisation capitaliste entraîne d’une part la dévalorisation des nations et d’autre part la régression de l’ordre mondial, tant au plan politique qu’économique.

    D’un côté, les « lois » économiques de la mondialisation capitaliste anéantissent progressivement les nations telles qu’elles fonctionnaient dans les années 1950-1980.

    De l’autre, l’ordre politique mondial ne s’est aucunement amélioré, pas plus que l’ordre économique mondial. Ils ont régressé l’un et l’autre. La violence guerrière s’est accrue de la part des impérialismes, comme on a pu l’observer hier avec la Libye, comme on peut l’observer aujourd’hui avec la Syrie. Quant aux crises économiques, elles ont été, depuis 1980, de plus en plus graves et fréquentes.

    En se situant seulement dans le plan économique, que faut-il faire ? Faut-il, si l’on souhaite défendre les intérêts de la France, intégrer encore plus notre économie dans la mondialisation capitaliste et accepter à terme sa disparition comme économie indépendante ?

    Faut-il, au contraire, s’opposer résolument à ce courant dominant ? Mais alors, au nom de quels principes et à la suite de quelles analyses ? Avec quels alliés, en France et dans le monde ? En promouvant quels changements ?

    4 - Est-il possible, au plan économique, de réguler la mondialisation capitaliste, comme le pense Pascal Lamy ?

    Il est clair que, si l’on envisage de sortir de la mondialisation capitaliste, c’est notamment pour la raison qu’on ne peut pas la réguler, ce que je vais examiner dans cette partie.

    Jusqu’à présent, le fonctionnement de la mondialisation capitaliste s’est accompagné d’une absence à peu près totale de régulation économique mondiale. Cela pourrait-il évoluer ? Peut-on envisager la création d’un État mondial compensateur, au moins dans certains domaines de l’économie ?

    Dans la phase antérieure du capitalisme monopoliste d’État, les économies des différentes nations étaient tant bien que mal stabilisées grâce à des institutions et à des décisions de politique économique nationales. L’ordre monétaire du monde (Accords de Bretton Woods) avait d’ailleurs été conçu pour ça.

    Dans la phase actuelle, celle du capitalisme monopoliste financier mondialisé, où l’emporte au plan mondial la liberté absolue des capitaux (financiers, productifs et marchandises), il n’existe plus de régulation nationale équilibrée du rapport entre Capital et Travail et il n’existe pas davantage de régulation mondiale des crises engendrées par le Capital.

    Après l’éclatement de la dernière crise, le gouvernement de la Chine a lancé (novembre 2008) un grand plan de dépenses (600 milliards $). C’était un acte volontaire, une décision totalement chinoise.

    Ce plan n’a pas été suffisant pour résorber la crise mondiale. Il a quand même eu un effet stimulant des activités dans les pays développés, notamment les États-Unis. Sans doute avait-il été aussi lancé dans l’intérêt de l’économie chinoise. Les dirigeants chinois ne sont pas des philanthropes et n’ont pas les moyens de la philanthropie. C’est un vieux principe de la sagesse humaine que de donner pour recevoir. Do ut das. Mais comment se fait-il que ce principe de sagesse n’ait pas été traduit, au plan institutionnel mondial, par une sorte de volonté générale de régulation concertée ?

    Pascal Lamy pense que la mondialisation devrait être maîtrisée (notion de « mondialisation maîtrisée » par lui proposée en 1999, avant qu’il ne devienne Commissaire européen au Commerce).

    Il n’est pas le seul à faire ce genre de commentaire. M. Sarkozy s’est lancé dans cet exercice après la crise de 2007-2008. M. Borloo, par exemple, fait tout le temps des discours sur l’aisance avec laquelle il serait possible de « maîtriser » la mondialisation « si on le voulait ». M. Swab, fondateur et Président du Forum de Davos, s’exprimait récemment sur ce point. « Après la crise économique, nous devons repenser notre système mondial et nos processus de décision… La coopération et la gestion de la copropriété mondiale doivent être stratégiques plutôt que réactives, en priorisant les besoins mondiaux et en corrigeant les déséquilibres… Nous devons non seulement servir nos propres intérêts mais aussi ceux de tous ceux avec qui nous sommes interconnectés » (Chine informations, Liu Ying, 12 Septembre 2013). Et ainsi de suite. Oui, sur le papier, c’est facile. Mais en réalité ?

    La thèse que je défends ici est que cette maîtrise n’est pas possible, structurellement, par la seule volonté des forces capitalistes mondialisées, et que, en tout cas, nous en sommes fort éloignés. Quels sont mes arguments ?

    On peut commencer par rappeler certains débats qui eurent lieu, pendant la première guerre mondiale, au sein du mouvement « social-démocrate ». Ils portaient sur la capacité du système impérialiste à organiser entre ses membres des règles de paix. Comme on le sait, K. Kautsky produisit, peu de temps avant le déclenchement de cette guerre, la notion de super-impérialisme (Super-Imperialism, paru en septembre 1914 dans Die Neue Zeit, traduction anglaise). Le danger de guerre, selon lui, avait pour fondement « le nationalisme » mais non les pulsions et contradictions économiques internes du capitalisme impérialiste. Il estimait possible, rationnel, que les capitalistes puissent suivre le mot d’ordre que Marx lançait aux prolétaires du monde : « Capitalistes de tous les pays, unissez-vous ! ».

    On peut donc inférer de sa position, bien que celle-ci ait été développée sur des bases théoriques étranges (la disproportion entre les secteurs industriels et agricoles et la décroissance du rendement économique à régler cet écart par la guerre), que, pour lui, le réglage mondial concerté des déséquilibres contemporains aurait été envisageable.

    La position de Kautsky fut sévèrement critiquée par la plupart des théoriciens et dirigeants du mouvement social-démocrate de l’époque (L. Trotski, R. Luxemburg, N. Boukharine, V. Lénine). Lénine, par exemple, donnait en 1916 une définition indiquant l’agressivité de l’impérialisme. Et il écrivait, dans une brochure sur les États-Unis d’Europe, parue en 1915 : « En régime capitaliste, le développement égal… des différents États est impossible. Les seuls moyens possibles de rétablir de temps en temps l’équilibre compromis, ce sont… les crises dans l’industrie, les guerres en politique ».

    Il ne fait donc pas de doute que, selon Lénine, au contraire de Kautsky, le système impérialiste contemporain ne serait pas capable de régler rationnellement et pacifiquement ses contradictions économiques, dans le cadre d’un État mondial, d’un super-impérialisme. Cela dit, on doit se demander si des faits nouveaux sont intervenus depuis la première guerre mondiale.

    Le monde a changé depuis 1914-1918. Plusieurs faits pourraient aller dans le sens d’une régulation mondiale concertée. Je vais indiquer trois grands arguments favorables à cette thèse et exprimer mes doutes à leur propos.

    Supposons que je dialogue avec un interlocuteur imaginaire. Il pourrait tout d’abord me dire que « … le "capitalisme classique" s’est affaibli. Il n’a plus aujourd’hui la même puissance qu’il y a un siècle. Des pays émergents contestent sa suprématie. Pourquoi ses dirigeants ne seraient-ils pas, de ce fait, enclins à se donner pacifiquement des règles de fonctionnement mondial, pour éviter que le système ne soit encore plus affaibli ? ».

    Je suis d’accord que les dirigeants capitalistes ou assimilés du système capitaliste l’ont toujours défendu avec détermination, sachant faire, le moment venu, quand ils étaient en mauvaise posture (par exemple en Mai 1968), les concessions nécessaires pour assurer la survie du système. Mais depuis 1990, le système socialiste de type soviétique est « out ». En outre, les pays émergents sont, pour une partie d’entre eux, le Brésil par exemple, des pays capitalistes. Les entreprises géantes brésiliennes prennent la place d’entreprises géantes américaines dans certains domaines. Elles ne contestent pas le bien-fondé de la mondialisation capitaliste. Les vieux pays impérialistes n’ont, pour l’instant, en ce qui concerne la nature capitaliste des structures sociales de base, rien à craindre d’eux. Quant à la Chine, pays constitutionnellement communiste, elle a besoin du marché mondial actuel pour se développer.

    Au total, ce premier argument (l’affaiblissement du système capitaliste) paraît insuffisant pour justifier la formation d’un État mondial compensateur. Les capitalistes issus des « vieux pays » n’ont rien à craindre pour l’instant. Le capitalisme est fondé sur la propriété et l’appropriation privées des capitaux. C’est un système décentralisé dans son essence. Pourquoi se donner la contrainte d’un « horrible » principe de centralisation et de contrôle s’il n’y a pas de danger à l’horizon ? Cet État mondial serait d’autant plus horrible qu’il devrait faire une place à la Chine, à la Russie.

    Je poursuis le débat en imagination.

    « Oui, mais depuis les dernières décennies, les capitaux des divers pays capitalistes se sont davantage interpénétrés. Un seuil a été franchi. Il tend à se former une classe capitaliste mondiale. Pourquoi cette classe mondiale n’accepterait-elle pas la formation d’un État mondial capitaliste pour faire face aux déséquilibres les plus graves, d’abord pour elle ? ».

    L’existence ou non d’une classe capitaliste mondiale est un aspect de la discussion scientifique contemporaine. Je ne suis pas en mesure de trancher, seul, un tel débat pourrait nous aider, même si j’ai des doutes sur l’existence d’une telle classe. Cela dit, on observe que ces capitalistes de dimension mondiale, ainsi que leurs grands commis, comme Pascal Lamy, se déclarent à peu près tous « patriotes » (par exemple entretien de PL avec Francis Brochet, France-monde, 14/07/2013). Il y a bien une raison pour que des individus qui détruisent les nations, qui envoient leurs enfants dans les universités américaines, qui constituent une sorte de famille dirigeante des grands organismes internationaux et pour lesquels le monde est un village, se déclarent patriotes.

    Celle-ci, à mon avis, est la suivante : des groupements capitalistes se forment autour des États existants, lesquels assurent leur défense dans l’arène mondiale et concentrent pour eux les capitaux nécessaires. Un État mondial ne pourrait assurer une défense aussi différenciée. Et puis, que voudrait dire « un État mondial » s’il est vrai, comme je l’ai défendu au point précédent, que l’hyper-concurrence entre entreprises géantes est le principe concret de fonctionnement de la mondialisation capitaliste ?

    Ce que l’on observe, au plan mondial, ce sont donc, selon moi, des dirigeants de firmes géantes ainsi que les représentants des États. Or ces derniers sont dotés de puissances économiques, politiques, financières, scientifiques, militaires, culturelles, inégales.

    L’État des États-Unis est certainement le plus puissant de tous et dans tous les domaines. Il émet la monnaie mondiale. Il dirige l’OTAN. Il est à la pointe des nouvelles technologies. Il draine les cerveaux du monde et son produit phare, Coca-Cola, est partout le symbole de la civilisation.

    Avec la mondialisation capitaliste, c’est le modèle américain de la liberté totale des capitaux et des entreprises qui est affirmé. Pourquoi le Président de cet État, à l’occasion d’une réunion du G20, plaiderait-il, autrement que pour rire, le bien-fondé d’une organisation étatique mondiale qui réduirait nécessairement le pouvoir de l’État américain ainsi que le pouvoir de « ses capitalistes » ? Il revient aux capitalistes mondiaux ne figurant pas dans ce lot de s’organiser autour des autres États.

    Que les États-Unis ainsi que leurs alliés naturels puissent se mettre en mouvement ensemble pour empêcher toute atteinte grave portée à la liberté absolue des capitaux dans le monde, est une éventualité que les communistes devraient considérer très sérieusement. Si les circonstances politiques le permettent, et si l’un des États capitalistes actuels change de couleur, ils n’hésiteront pas une seconde à intervenir pour préserver « la règle du jeu générale ».

    Mais que ces États décident, dès aujourd’hui, de mettre en place un contrôle économique mondial de la gestion de l’ensemble des capitaux ou une monnaie mondiale gérée par le FMI, cela paraît « hors sujet ».

    Mon interlocuteur imaginaire lève alors le doigt pour la troisième fois et demande : « Mais enfin, l’Union européenne ne pourrait-elle pas être un exemple pour le monde entier ? Avec l’Union européenne, il apparaît que, même si c’est difficile, il est possible de rassembler des capitalistes et des États dans une même construction. Trotski lui-même n’avait-il pas envisagé cette possibilité ? Pourquoi ce qui est peut-être en passe d’être atteint en Europe ne pourrait-il l’être au plan mondial ? ».

    Je renvoie sur ce point à un article important de Pierre Le Gall, sur l’URSS et l’unification européenne, publié par la Revue Française de Sciences Politiques en 1967. Dans cet article, l’auteur rappelle que le refus initial de l’URSS de prêter attention aux débuts de l’Europe reposait sur l’analyse que Lénine avait faite en 1915 (cf. plus haut) sur l’inégalité de développement des États de référence capitaliste, interdisant selon lui qu’une concertation puisse avoir lieu entre eux. Mais à partir de 1962, avec les contributions et analyses de l’économiste A. Arzumanian puis de J. Varga, les positions du gouvernement soviétique changèrent du tout au tout. Le processus de la construction européenne fut pris au sérieux. Ce gouvernement rejoignait en quelque sorte les positions de Trotski, selon lequel les États d’Europe pourraient se réunir pour faire face à l’État américain. Cette hypothèse était par ailleurs cohérente avec sa théorie selon laquelle la révolution bolchévique en Europe ne pouvait être gagnée dans un seul pays.

    Je pense que le gouvernement soviétique de l’époque a eu raison de faire évoluer sa position théorique sur l’Europe. S’il est vrai qu’existent, entre Etats impérialistes, d’importantes inégalités de développement, économiques et politiques, comme on l’observe aujourd’hui entre l’Allemagne et les autres pays proches, s’il est vrai par conséquent, que des forces centrifuges traversent leurs relations, elle peuvent également se rassembler et suivre les forces centripètes les conduisant à placer en commun leurs classes salariales sous une tutelle institutionnelle plus étroite.

    Ce qui voudrait dire, au plan européen, que plus la contradiction entre Capital et Travail serait forte en ce lieu, et plus la construction institutionnelle de l’Europe serait stimulée, toutes choses égales par ailleurs en ce qui concerne la lutte des classes. L’analyse de Trotski, à ce propos, paraît tout à fait acceptable. Mais cela ne modifie pas ma conclusion relativement à la rationalité d’un État mondial.

    Les capitalistes implantés en Europe sont certes partis eux aussi à la conquête du monde, comme leurs homologues américains. Mais ils se sont engagés dans l’organisation institutionnelle de l’Europe pour accroître leurs avantages comparatifs, relativement aux entreprises géantes américaines et non pour réaliser un modèle transposable au plan mondial.

    La construction européenne, dont l’aboutissement effectif est toujours soumis aux aléas de la lutte des classes, n’est pas un modèle d’État super-impérialiste transposable au plan mondial. Elle est conçue comme une composante de l’affrontement concurrentiel mondial et non comme le modèle d’un État super-impérialiste compensateur.

    La Chine souhaiterait sans doute que le monde fût une arène pacifiée et civilisée, où l’on puisse débattre et décider « en toute sérénité ». Mais ses gouvernants sont animés par la culture confucéenne de l’harmonie, qui est très différente de la culture américaine du rapport des forces et du conflit frontal.

    Le comportement américain est plus conforme au fonctionnement de l’hyper-concurrence capitaliste qu’à la morale enseignée par Kong Zi. No pity no mercy, disent les adeptes de Locke et de Hume. En sorte que, au total, il me semble que le troisième argument que j’avançais ci-dessus (l’éventuelle exemplarité de l’Europe) n’est pas recevable.

    Il est temps pour moi de ramasser dans une conclusion partielle les éléments de la discussion menée dans cet article.

    5 - Pour conclure momentanément la discussion

    Je suis parti de certains propos de Pascal Lamy pour rendre compte de l’idéologie des élites socialistes relatives à la mondialisation capitaliste tout en donnant ma propre interprétation de ce phénomène. Comme Nicolas Dupont-Aignan (ainsi que ses commentateurs) en ont fait le constat, PL est un triste et terne personnage (Cf. Pascal Lamy, Docteur Folamour de la mondialisation, en ligne).

    Quoiqu’il en soit, ce que j’espère avoir établi est que l’on doit absolument éviter de confondre la mondialisation et la mondialisation capitaliste. Le discours n’est jamais innocent. Ne pas faire cette distinction, quand on est communiste, revient à se mouler dans « les pensées » de ses adversaires politiques. Parler de mondialisation et non de mondialisation capitaliste revient à exclure la mondialisation capitaliste de la critique révolutionnaire. En tout cas, si l’on emploie le terme de mondialisation sans qualificatif, le contenu du concept doit le plus précis possible.

    Car la mondialisation capitaliste suit des règles et des lois qui, sans être des lois physiques, ne sont pas tombées du ciel et ne sont pas de vagues approximations. Elle est animée par des agents concrets et non par des structures abstraites (les marchés financiers, par exemple), comme l’énonce trop souvent le langage militant. L’exigence permanente de compétitivité mondiale au nom de laquelle les entreprises géantes harcèlent et surexploitent leurs salariés, comme toutes les entreprises qu’elles dominent et pressurent, en est la principale manifestation.

    N’y aurait-il donc point de salut aujourd’hui hors la mondialisation capitaliste ? C’est alors que j’ai commencé à m’attaquer à l’idée, développée par PL, selon laquelle la mondialisation capitaliste présenterait, certes des mauvais côtés, mais que les bons côtés l’emporteraient, et de loin. Il conviendrait seulement, selon lui,de trouver les règles de son équilibrage, de sa maîtrise.

    J’ai exprimé mes doutes sur cette possibilité et présenté dans le détail mon argumentation. Cela m’a conduit à évoquer des débats anciens qui me seront utiles par la suite.

    Maintenant, voici mon programme de travail. Puisque, selon moi, la mondialisation capitaliste ne peut être équilibrée et réglée, puisque les travailleurs du monde entier en feront toujours les frais, ils doivent en sortir. Mais vers quelle issue territoriale et politique ? La nation ? L’Europe ? Cette interrogation fera l’objet de mon troisième papier.

    Dans l’immédiat, je souhaite éclairer le fait que la mondialisation capitaliste est coûteuse en même temps que contre-productive. Il convient non seulement d’en sortir, de le faire le plus rapidement possible. Mais il faut agir ainsi pour satisfaire des objectifs et d’autres lois de fonctionnement et de développement que celles actuellement permises par la mondialisation capitaliste.

    Jean-Claude Delaunay, septembre 2013


    [1] Je renvoie au chapitre 12 du livre que j’ai rédigé avec Quynh Delaunay, Lire le Capitalisme, Essai sur le capitalisme contemporain, Le Temps des Cerises, 2007.

    [2] Le paradoxe de l’entreprise géante est de « se centrer sur le cœur de son métier » (donc, apparemment, sur un produit principal) mais c’est pour être « un centre de contrats » plus efficace.

    [3] Supposons, par hypothèse d’école, que la France devienne, dans sa masse, un pays authentiquement socialiste et antimondialiste. Quel serait l’attitude du gendarme mondial et de ses alliés « socialistes » à l’égard de notre pays et de son gouvernement ? Pourquoi la mise en cause socialiste du capitalisme et de la « liberté d’entreprendre » de très grandes entreprises ne seraient-elles pas évoquées comme des « atteintes intolérables au Droits de l’Homme » ?

    http://lepcf.fr/Lutter-contre-la-mondialisation-c


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  • « Dire que c’est le peuple qui paie la crise n’est pas du populisme »

    Reportage mi-figue mi-raisin à la RTBF sur le PTB et d’autres petits partis. On y voit un PTB, crédible et proche des gens. Dommage que le montage crée l’amalgame entre des partis qui n’ont rien à voir entre eux sous couvert de « populisme ».

    Axel Bernard

    Ce mercredi 2 octobre 2013, la RTBF a diffusé un reportage « Petits partis, grand danger? ». Les caméras de la RTBF se sont concentrés sur 2 partis de gauche, le PTB et le MG (Mouvement de Gauche de Bernard Wesphael) et 2 partis de droite extrême, le Parti Populaire de Modrikamen et un groupuscule appelé La Droite. Les téléspectateurs ont pu découvrir ce qu'était le PTB, avec son service d'étude dont les chiffres sont fiables, un parti qui est aux côtés des petites gens, présent dans les luttes sociales, un parti qui monte dans les urnes, un parti qui pointe clairement qui sont les responsables de cette crise (spéculateurs, millionnaires …), un parti de terrain dont les responsables vivent comme tout le monde dans un quartier ouvrier - et non dans un château comme Modrikamen, porte-parole du parti qui n’a de populaire que le nom). Mais le reportage crée néanmoins le malaise. Car le montage est constitué de bribes d'entretiens, entrecoupées par des avis "éclairés" de "spécialistes" ; formant un continuel et rapide va-et-vient entre partis de gauche et d’extrême-droite en Belgique et en Europe (jusqu’à Aube Dorée, le parti néonazi en Grèce) qui sont tous mis dans le même panier de partis “populistes”. Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB : « je ne peux regretter qu'une chose, c'est l'amalgame que l'émission peut créer en brandissant l'étiquette de "POPULISTE" pour classer tout ce qui est parti non traditionnel ». 

    Populiste, le PTB?

    Raoul Hedbouw s’en défend bien : « Dire que c’est le peuple qui paie la crise n’est pas du populisme ». Dans le reportage déjà, il répondait à cette question : « Le vrai populisme réside chez tous ces ministres qui trouvent logique qu’on aille une nouvelle fois chercher l’argent chez les travailleurs, en coupant une nouvelle fois dans les services publics, en coupant une nouvelle fois dans ces services qui sont tellement nécessaires pour les gens. Ça, c’est du populisme, ça, c’est du simplisme. Et ce n’est pas parce que c’est devenu la pensée dominante que c’en est devenu juste ». Il rejoint Jean-Luc Mélenchon, Parti de Gauche en France, lui aussi visé par le reportage : « quand on nous dit populistes, on dit qu’on flatte les instincts du peuple. Mais bon, cela dépend quels instincts. Il y a des instincts tout à fait nobles dans le peuple : l’égalité par exemple. Si vous croyez que je flatte les instincts du peuple, parce que je propose de partager la richesse, je trouve qu’on fait pire comme bas instinct que celui du partage ».

    Dans un article publié dans la Revue Politique, Daniel Zamora, chercheur à l’ULB, pose la question : « Qu’est-ce que le populisme? ». Après avoir décrit tous les sens (et contresens) possibles à cette notion, Daniel Zamora aboutit à la conclusion que le qualificatif joue un rôle “écran” permettant d’éviter tout débat de fond sérieux et « vise à fonder en théorie que nous n’avons pas d’autres choix que celui que les élites nous offrent » (voir le lien ici). C’est en d’autres mots ce que le porte-parole du PTB dit : « Le populisme est le qualificatif donné par les puissants bien en place pour disqualifier toute alternative crédible à leur politique d'austérité sociale ». Un internaute, Marco Liradelfo, résumait également : pour lui, « le fil conducteur » du reportage était qu'« il faut à tout prix ne pas sortir des rails tracés par les gros partis au pouvoir (qui nous ont foutus dans la m...). »

    Stop aux amalgames

    Le reportage fait des aller-retour entre partis de gauche et d’extrême-droite. Sofie Merckx, conseillère communale PTB+ à Charleroi se confie : « Je suis mal à l’aise en étant mis dans le même panier que l'extrême droite. Mon militantisme a débuté toute petite contre la montée du racisme, l'apartheid ... Notre vision de société basée sur l'égalité et la solidarité est tout le contraire de ses semeurs de haine!. » « Le PTB n’a rien à voir avec le PP de Modrikamen et encore moins avec le parti néonazi grec Aube Dorée tout comme Jean-Luc Mélenchon n'a rien à voir avec Marine Le Pen », poursuit Raoul Hedebouw. « Nous, militants de gauche, sommes tous les jours sur le terrain pour faire reculer les idées nauséabondes de la droite extrême ». Deux visions du monde totalement différentes mises dans le même sac … Il faudra aller au-delà des images montrées à l’écran.

     http://www.ptb.be


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  • François II à ses ministres: au pas camarades!

    3 Octobre 2013 , Rédigé par Le Mantois et Partout ailleurs 

    "J'en ai plein la casquette!" Oui, lors du Conseil des ministres, celui qu'on a mis sur un trône dans un palais était vénère. Contre son premier chambellan qui ne mène pas à la baguette sa troupe. Ensuite, contre ladite troupe munie de maroquins ministériels que par la bonne grâce de l'Elysée. "Qu'on se le dise pour la dernière fois", a conclu François II très furax.

    Aussitôt, illico presto, le bosco de Nantes, qui ne veut pas se retrouver dans le bourbier de l'Ayraultport ND des Landes, a adressé une bafouille à tous les directeurs de cabinet des ministres. En clair, le premier ministre peut s'opposer à une communication d'un de ses "subordonnés" dans les médias. Extraits:

    "Le schéma est le suivant : lorsque votre ministre reçoit une invitation pour un passage média (radio, télé, presse écrite papier ou internet), vous nous informez au préalable, avant de donner un accord au média. Lorsque votre ministre envisage de susciter un passage média, vous nous informez avant de prendre l’attache du média".

    "Cette démarche de coordination des passages médias ne remet pas en question la ligne décidée cet été s’agissant des tribunes ou des interviews écrites. Il n’y a pas de relecture systématique par Matignon, même si, comme je vous l’avais dit fin juin, il vous appartient d’apprécier si une relecture est souhaitable. Le cabinet du Premier ministre sera toujours à votre disposition pour cela".

     

    Madame Najat Vallaud Belkacem, ministre chargée de la propagande de l'Elysée, dans son compte-rendu hebdomadaire du conseil des ministres, a dit que tout allait parfaitement bien par ailleurs. Bon, si la voix de son maître le claironne...

    François Hollande avait pourtant entraîné ses ministres à marcher au pas. Et il avait chassé des rangs la petite madame Batho à l'écharpe bleue qui trainaillait trop. 

    Mais du passé faisons table rase. Maintenant, c'est l'application stricte des pouvoirs absolus que confère la 5e Constitution au roi élu à l'Elysée.

    Aujourd'hui, François Hollande va célébrer les 55 ans de la 5e République initiée par le général de Gaulle après un coup d'état en 1958. C'est quand même drôle de la part d'un démocrate. Sont invités à cette cérémonie, pas moins de 200 anciens ministres. Delphine Batho sera-t-elle de cette fête républicaine? Et les anciens ministres cocos aussi?

    Quelques images de 1958:

     http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com


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  • Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle

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    L’essai est d’importance, qui conclut quinze années de recherches, embrassant l’histoire économique dans la longue durée de vingt pays, pour débusquer les mécanismes à l’œuvre en les confrontant aux grandes analyses des économistes historiques, Marx en tête.
    Parmi les thèses fortes de cet essai, celle concernant la répartition des richesses. On n’apprend tout d’abord rien qu’on ne savait : elle est toujours une histoire politique, qu’il n’est pas possible de ramener à un mécanisme économique. Et quant à la théorie du ruissellement selon laquelle plus les riches s’enrichissent, plus les classes moyennes à leur tour en profitent, elle est tout simplement fausse, mais constituent là encore un élément solide du langage démagogique… Nous ne ferons donc pas l’économie de luttes sociales et politiques dures, non seulement pour préserver nos acquis, mais pour donner un sens autre au destin d’une nation comme la nôtre. D’autant que les analyses de Piketty pointent un vrai scandale : les inégalités n’ont cessé de se creuser depuis les années 90, pour atteindre aujourd’hui dans les pays occidentaux des écarts hallucinants.  Or il n’existe aucun processus naturel autorisant de croire que les inégalités pourraient ralentir un jour : la rationalité économique ne débouche jamais sur une rationalité démocratique.
    Et ce qui creuse ces inégalités, c’est le tournant pris par le Capital au XXIème siècle : sa nature a profondément changé. A la terre s’est substituée le foncier (la grande révolution bobo des années 2000), et aux rentes de la terre celles de la Finance. De ce point de vue, la Dette Publique est l’aubaine des grandes fortunes privées, qui grâce à elle, s’enrichissent chaque jour sans vergogne.
    Dans ce dispositif, l’héritage est redevenu décisif ! Quelle avancée sociale que ce retour au XIXème siècle ! Face à l’héritage, chiffres à l’appui, Piketty démontre que la dynamique du savoir ne pèse rien, d’autant que l’investissement en formation s’avère nul et non avenu dans un pays comme le nôtre, et que la méritocratie n’est cette fois encore qu’un leurre que l’on nous sert pour nous donner à espérer, sinon nous culpabiliser de n’être pas tous polytechniciens... La diffusion du savoir est redevenue parfaitement inégalitaire. On le savait, mais d’un socialiste déçu du socialisme sauce Hollande cela fait du bien à entendre, tout comme il est bon de réaliser que le salaire moyen des parents dont l’enfant étudie à Sciences Po est de 90 000 euros… Ou bien d’apprendre que les inégalités dans les pays émergents sont plus faibles qu’aux Etats-Unis !
    dette.jpgle XXIème siècle sera plus inégalitaire que le XXème siècle… Piketty pointe deux dangers qui nous menacent très concrètement : le décrochage des très hautes rémunérations, qui ponctionnent honteusement les capacités d’investissement, et surtout, la concentration des patrimoines qui conduira à des niveaux d’inégalités inconnus dans le passé –il faut remonter au XVIIIème siècle pour en retrouver du même genre…
    La sécession des très hauts salaires, vrais renégats de l’idéal national, crée une situation inédite de transfert massif des gains financiers dans les poches de quelques-uns. Quant aux patrimoines hérités, ils sont aux yeux de Piketty des bombes à retardement pour l’économie mondiale, produisant déjà des effets extrêmement nocifs sur la structure des sociétés. Pensez à la force de frappe dont dispose ce Capital privé, qui représente aujourd’hui en France 6 fois le revenu national. Une prospérité patrimoniale inconnue en France depuis les Années Folles. Une prospérité qui s‘accommode fort bien d’un taux de croissance très bas, au contraire même, puisqu’il enlise le plus grand nombre et le contraint autant politiquement qu’économiquement à tout juste surnager la tête hors de l’eau pour régler le montant de la Dette Publique. Une Dette qui est devenue un vrai outil d’accumulation du Capital privé.  Obligeant par exemple les gouvernements à « déréguler », c’est-à-dire à opérer à un transfert massif de la richesse publique vers la richesse privée, les services publics, entre autres étant peu à peu confisqués pour le plus grand profit des grandes fortunes. De même assiste-t-on partout dans les pays riches à la privatisation du Patrimoine national (en France, 95% du patrimoine national se trouve déjà entre les mains des fortunes privées, quand pour des millions de français, le patrimoine se résume à quelques semaines de salaire d’avance). Le tout dessine un horizon bien sombre, qui commanderait du courage, là où l’ex-opposition ne fait que gérer une tendance néo-libérale qui à terme nous dépossèdera tous de nos droits les plus élémentaires…
       
    Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle, Seuil, Coll. Les Livres du Nouveau Monde, 30 août 2013, 970 pages, 25 euros, ISBN-13: 978-2021082289.

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  • Vers la disparition des communes ?

     

    Publié le 03/10/2013 à 09:51 par bezierspcf

     

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    Béziers le 2 octobre 2013 - réunion-débat au Capharnarhum

     

    Rapport introductif au débat par Aimé Couquet

     

    La commune est la plus petite subdivision administrative française mais c'est aussi la plus ancienne puisqu'elle a succédé aux villes et paroisses du Moyen-Age. Elle a été instituée en 1789 avant de connaître un début d'autonomie avec la loi du 5 avril 1884, véritable charte communale.

     

    Les communes sont de véritables enjeux : économique, politique et démocratique. Le maire est l'exécutif de la commune qu'il représente et dont il gère le budget. Il est l'employeur du personnel communal et exerce les compétences de proximité (écoles, urbanisme, action sociale, voirie, transports scolaires, ramassage des ordures ménagères, assainissement...). Il est également, agent de l’État, pour les fonctions d'état civil, d'ordre public, d'organisation des élections et de délivrance de titres réglementaires.

     

    Il y a actuellement environ 36 600 communes en France. Depuis de nombreuses années, sous couvert de l'émiettement des collectivités locales sur le territoire national, les pouvoirs centraux successifs ont essayé d'en réduire le nombre sous la pression de l'Union Européenne et des marchés. Par exemple en 1970, la loi de « Fusion et regroupement des communes » d'un ministre de l'intérieur de Pompidou. Cette loi trop coercitive n'a pas rencontré une oreille attentive, ni du côté des élus, ni de la population. D'autres ont suivi sans grand succès. C'est par la suite la décentralisation qui a impliqué de nombreux regroupements.

     

    Où en sommes nous ? D'une manière générale la décentralisation est restée trop institutionnelle. Si elle a permis de mieux gérer les équipements, les transformer, les moderniser, en créer de nouveaux ; si elle a facilité les évolutions nécessaires en matière de transports publics, elle est loin de répondre à tous les besoins croissants de déplacements ; elle a également généré de nouvelles inégalités territoriales. Elle s'est également accompagnée d'un présidentialisme exacerbé à travers des exécutifs départementaux et régionaux prenant le pas sur le rôle des assemblées et des citoyens et suscitant des concurrences et des clientélismes éloignés de l'intérêt général. Cela a été mené, en parallèle avec une intercommunalité de plus en plus contrainte, éloignant encore plus le pouvoir des citoyens. Les différentes étapes de décentralisation n'ont pas permis d'améliorer la proximité sociale des élus, au contraire, la représentation s'est éloignée des réalités sociales de la population, écartant les couches populaires des responsabilités. De plus de nombreuses compétences ont été transférées sans que soit alloués les moyens et les recettes pour les assumer correctement, poussant à en réduire la portée, à aggraver la fiscalité locale, ou encore à une mutualisation ayant seulement pour but des économies en personnel.

     

    Qu'en est-il avec le gouvernement actuel socialiste-écologiste ? : Le 24 juillet l'assemblée nationale a adopté en première lecture le premier des trois projets de lois sur la décentralisation qui consacre la création de métropoles. J'y reviendrai. L'ensemble du projet s'inscrit dans la MAP (Modernisation de l'Action Publique) qui reste dans les ornières de la précédente réforme territoriale initiée par Sarkozy, la RGPP (Réforme Générale des Politiques Publiques) et des recommandations dictées à la France par la Commission Européenne : « ...il est particulièrement important que le budget 2013 soit rigoureusement exécuté et que des efforts d'assainissement substantiels soient résolument poursuivis les années suivantes. Il est impératif notamment que les dépenses publiques qui concernent non seulement l'administration centrale mais aussi les administrations des collectivités locales et de la Sécurité sociale,devraient indiquer comment améliorer encore l'efficacité des dépenses publiques. Il est également possible de rationaliser davantage les différents niveaux et compétences administratifs afin d'accroître encore les gains d'efficacité et les économies. La nouvelle loi de décentralisation devrait traiter de cette question. ». C'est la logique de l'acte III de la décentralisation : l'Etat se défausse une nouvelle fois de ses missions nationales devant garantir l'égalité sur tout le territoire. Les collectivités deviendraient des variables d'ajustement au nom du remboursement de la dette publique alors qu'elles n'en sont pas responsables. L'acte III prévoit l'encadrement et le contrôle de la dépense publique, mettant en œuvre la baisse des investissements publics des collectivités. C'est leur capacité à contribuer à une relance de l'activité économique en répondant aux besoins des habitants qui est mise en cause. Il n'y aura pourtant pas de sortie de crise sans les collectivités territoriales qui génèrent 70% de l'investissement public.

     

    La métropole supplante la commune. Au cœur de l'été et en quatre jour de débat à peine, le gouvernement et sa majorité auront réussi à imposer un texte de loi des plus controversés. André CHASSAIGNE, député PCF-Front de Gauche, au nom du groupe a indiqué « Nous considérons que ce projet de loi sur les métropoles est d'une extrême gravité car il porte en lui, par le remodelage de nos institutions territoriales, la remise en cause des fondements même de notre République, en premier lieu la commune, base de notre démocratie. » Ainsi, non seulement le projet prévoit la création de métropoles à Paris, Lyon et Marseille, de même que dans une dizaine d'autres grandes villes (Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Brest et Nice), mais les « conseils de territoire » qui les dirigeront seront élus au suffrage universel à partir de 2020. En conséquence, les métropoles prendront rang de véritables collectivités territoriales et supplanteront l'ensemble des communes qui les composent. Si le texte a été adopté par 294 voix (PS, écologistes et radicaux de gauche) contre 235 (Front de gauche, UMP et UDI), l'affaire n'est pas terminée. Le Front de gauche, qui demande que, pour chaque métropole, les citoyens puisent s'exprimer par référendum, donne rendez-vous à partir du 2 octobre, quand le projet repasse au Sénat.

     

    Qui peut croire que l'intérêt général soit bien porté par une recentralisation et une concentration des pouvoirs locaux au sein d'intercommunalités de très grande taille ou de métropoles intégrées, nouvelles collectivités de plein droit qui se verraient transférer l'essentiel des compétences locales ? Dans la mondialisation capitaliste faite de concurrence et de domination, les peuples ont besoin d’États capables de défendre les intérêts des populations face aux marchés, et il n'y a pas d'opposition entre l’État et la démocratie locale dès lors que les citoyens sont concernés pour faire vivre une république où liberté et responsabilité se conjuguentavec recherche d'égalité et de justice. La place des citoyens doit donc être beaucoup plus présente dans la décentralisation pour faire vivre la diversité de nos villes et de nos villages, de la culture et de ses habitants. C'est pourquoi, l'instauration de la proportionnelle, la citoyenneté de résidence avec le vote des étrangers aux élections locales, et l'institutionnalisation de la démocratie participative à tous les niveaux, sont des changements à décider sans délais. L'Etat doit s'engager et jouer son rôle pour que vivent les communes.

     

    Aujourd'hui, parler de décentralisation, c'est mentir aux élus et aux populations. Avec l'acte III, il ne s'agit pas d'acter l'essor depuis trente ans des collectivités territoriales en leur permettant de réfléchir à la façon de mieux travailler ensemble, mais de rationalisation, de politiques visant à la baisse des dépenses en augmentant le rendement. Le but de ce texte est de rendre certains territoires plus compétitifs au détriment d'autres. C'est le principe même de la compétition. Double question démocratique. Avec le fléchage directement sur la liste le jour de l'élection municipale, on entérinera le fait que ce ne sera plus une équipe municipale avec son projet politique qui désignera en son sein qui portera son projet à l'intercommunalité. Premièrement, cela veut dire que l'on entérine le fait que ces élus qui siégeront à l'intercommunalité n'auront plus de comptes à rendre au conseil municipal et à fortiori à la population. Le second risque que l'on voit arriver, c'est la possibilité dans l'avenir, en 2020, de voir présenter deux listes. Le conseiller communautaire ne serait plus du tout lié au conseil municipal.

     

    Où en sommes-nous à Béziers ? La Communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée a été dotée des compétences obligatoires, à sa création : le développement économique, l'aménagement de l'espace et des transports, la politique de l'habitat et la politique de la ville. Y ont été ajouté des compétences optionnelles : la voirie d'intérêt communautaire, l'eau et l'assainissement, la collecte des ordures ménagères, l'élimination des déchets, la création d'équipements sportifs et culturels (médiathèque, piscine, conservatoire..), des compétences facultatives comme le contrôle de la qualité de l'air et la gestion des espaces Natura 2000. Il y a aussi des compétences complémentaires comme : la fourrière animale, la gestion du matériel pour les manifestations publiques, le développement de l'enseignement supérieur et l'amélioration de vie des étudiants, l'enseignement de la musique, la danse et l'art dramatique, la gestion à très haut débit, celle des abri bus et des cars,le tourisme et la promotion touristique. Il reste à la commune : l'enseignement primaire, la culture, les bibliothèques et musées, les sports et les loisirs, la voirie communale, l'état-civil, l'ordre public (tranquillité publique, sécurité). Avec la mise en place de la taxe additionnelle de l'agglo, pour la première fois une assemblée non élue a voté un impôt assez lourd. Vous vous en êtes aperçu. Mais ce n'est pas tout, comme la CABM a bénéficié, comme les autres, puisque nouvel établissement public, d'un endettement à zéro, les emprunts sont montés en flèche, mais maintenant il faut rembourser. La Chambre Régionale des comptes vient de pointer ces risques. Y aura-t-il une augmentation de l'impôt. Entre temps, nous savons nous les biterrois qu'au moment du passage de la compétence du traitement des déchets à l'agglo, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a augmenté de + 37%.

     

    La commune doit être le premier échelon de proximité, de lieu de vie de la démocratie, le coeur battant de la République. Dans n'importe qu'elle commune, quelle que soit sa taille, quand quelqu'un a un problème, il va d'abord voir son maire. La crainte aujourd'hui, c'est que la commune reste comme un pis-aller avec de élus qui auront perdu leur légitimité et leurs pouvoirs sur les territoires. Pour pallier à cela, il faut que le rôle de l’État soit repensé : non réduit à ses missions régaliennes, il doit assumer et impulser des politiques publiques nationales en faveur du développement, de l'égalité territoriale, de la cohésion sociale et de la continuité territoriale. Pour y parvenir, il doit impulser un véritable partenariat avec les collectivités territoriales et non, comme le prévoit le texte, laisser place à des « pactes de gouvernance » loin des citoyens, instituant la tutelle de « grandes entités territoriales », métropoles par exemple, sur les communes en particulier, et soumettant la compétence générale des collectivités à l'adoption de schémas contraignants. La réforme doit se hisser à la hauteur du niveau de coopération volontaire aujourd'hui rendu nécessaire entre les différentes institutions de notre République. Cela appelle à inventer des formes nouvelles de « coopératives » opérationnelles ou de « gouvernement partagé », à l'échelle de grands projets volontaires et librement consentis, sous contrôle citoyen.

     

    Vive les communes ! Elles sont le creuset historique de traditions et de transformations, des lieux de résistance, de projets et de décisions partagées... Elles sont des forces d'entraînement démocratique incomparables. Il serait impensable de se priver de cet atout unique en Europe, en leur retirant leurs compétences, leur capacité d'initiative, de coopération, en les subsidiarisant, en les intégrant systématiquement à des échelons supérieurs, en attendant leur mort lente. Les communes, leurs élus, leurs citoyens doivent être respectés. Elles peuvent et doivent être un formidable moteur démocratique pour construire et mener les coopérations et les projets partagés, conçus avec les citoyens. Elles doivent garder la maîtrise des sols, refus de l'instauration de PLU intercommunaux prévu dans le texte.

     

    Des moyens financiers au service des habitants. A l'opposé des mesures d'austérité en direction des collectivités, il faut leur donner les moyens de remplir pleinement leurs missions et les services aux populations. Il faut cesser cette intolérable et dangereuse réduction des dotations d’État et les revaloriser au contraire. Une réforme fiscale juste et ambitieuse doit voir le jour au plus vite, avec le rétablissement d'un impôt économique lié au territoire et une taxation des actifs financiers des entreprises répartie équitablement.

     

    Aimé COUQUET

    http://www.pcfbassin.fr


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  • Industriels et banquiers français sous l’occupation : le livre révélation d’Annie Lacroix-Riz

    Industriels et banquiers français sous l’occupation est le fruit de nombreuses années de travail dans les archives aussi bien françaises qu’allemandes. Il montre comment le grand patronat « dirige et anime, au détail près, la guerre sociale ». Son seul but, hier comme aujourd’hui, est de se bétonner les profits les plus élevés possibles, de faire baisser les salaires des travailleurs, de diriger l’État contre le peuple.

    Jean Pestieau

    L’ouverture des archives des années 1930 et 1940 ont permis à l’historienne Annie Lacroix-Riz, stupéfiante par son érudition, de répondre à la question : la grande industrie et la haute banque françaises furent-elles confrontées au vainqueur nazi de juin 1940 ou accueillèrent-elles avec empressement leurs partenaires allemands afin d’amplifier une collaboration déjà bien établie dans la crise des années 1930 ? La continuité de cette collaboration, qui a explosé avec l’occupation, est démontrée : vente à l’Allemagne nazie de tout ce qui pouvait être vendu, des matières premières aux produits finis, fondation de cartels « européens » à direction allemande, associations de capitaux, avec éviction, depuis l’occupation, des « capitaux juifs » au profit de la machine de guerre nazie, du capitalisme financier allemand mais aussi français « aryanisé » , etc.

    Est également démontré le rôle central joué par les grands lieutenants de la synarchie1 dans le régime de Vichy et dans l’économie, désormais exclusivement mise au service de la machine de guerre nazie : industriels et banquiers, hauts-fonctionnaires, ils appliquèrent, de connivence avec l’occupant, des mesures drastiques de hausse du profit, de concentration du capital et de baisse des salaires. Ils collaborèrent activement à la répression indispensable à l’exécution de leurs plans.

    La mainmise d’une véritable mafia

    Ainsi, « le délégué en France pour le plan de quatre ans, le major Edinger-Hodapp, considérait en mars 1941, les “conséquences sur la situation matérielle et l’état d’esprit des travailleurs français, des mesures et initiatives des entrepreneurs français et de l’organisation économique française” comme la cause essentielle, avec “l’agitation subversive des communistes français”, d’une résistance croissante aux objectifs allemands [...]. Vichy codifiait et exécutait “les consignes [allemandes] sur les mesures salariales” qui faisaient l’unanimité patronale » (p.582)

    « En résumé, avaient tranché les RG [Renseignements Généraux français] en octobre 1941, une véritable mafia d’anciens polytechniciens et d’inspecteurs des Finances, groupés au sein d’une société secrète à ramifications internationales, a mis la main sur la quasi-totalité des leviers de commande de l’État, à la faveur de la défaite militaire de mai-juin 40. Elle organise la mise en coupe réglée de l’économie de notre pays, au profit de puissants intérêts financiers et y associant habilement certains groupes allemands au moyen d’une armature législative et réglementaire nouvelle créée à cette seule fin et par laquelle les organismes du Nouvel État français ne sont plus que les services extérieurs de la banque Worms. » (p. 22-23)  « Ainsi un clan financier domina l’État de 1940 à 1944, déléguant à sa tête l’“équipe” Worms-Indochine-Lehideux-Nervo, entichée de collaboration “continentale” et européenne depuis la crise » (p.23)

    Mais la résistance britannique, et plus encore soviétique, couplées à la résistance intérieure, ébranla la confiance des banquiers et des industriels dans une Europe à direction allemande : « Stalingrad [février 1943] acheva la “rupture”, la victoire soviétique persuadant la synarchie du raccourcissement des délais de la défaite du Reich. Le plus grand tournant visible de la guerre renforça l’urgence de la “voie américaine”, qui fournirait bientot les partenaires économiques privilégiés et, atout apprécié bien au-delà de la synarchie, le suprême “rempart” sociopolitique » (p. 546) face aux revendications et luttes ouvrières, face à l’Union soviétique victorieuse. « L’américanophilie des grands patrons, égale à leur collaborationnisme, leur assura “protection contre leurs ennemis intérieurs”, dans “l’isolement et l’encerclement” apparents d’après-Libération » (p. 570)

    Un bilan de collaboration positif

    Le bilan de la collaboration, sous l’occupation, des industriels et des banquiers a été très positif. « Quel gâteau se tailla le grand capital français dans la “collaboration économique” ? Doubla-t-il ou tripla-t-il au moins, comme le capital déclaré des grandes banques ? Quadrupla-t-il comme les profits déclarés de Théraplix ? Sextupla-t-il comme, de 1939 (indice 110) à janvier 1943 (610), le cours boursier des 35 grandes valeurs “nationalisées” après-guerre (4 banques, 6 d’assurances, 7 de houillères, 5 de chemins de fer des anciens réseaux, 5 de gaz et 8 d’électricité). Septupla-t-il presque comme celui des valeurs du secteur dit ’libre’ (de 113 à 697) avant que, à partir de 1943, la Bourse [ne] commen[çat...] à se méfier quelque peu des perspectives ultérieures, quant aux compartiments “nationalisables” ? [...] L’Occupation fut l’ère pour ceux qui travaillaient avec le Reich des “bons profits” » (p.651)

    À la question, « Votre livre éclaire étonnamment ce qui se passe en 2013... » posée par le journal La Marseillaise (1/09/13), Annie Lacroix-Riz répond : « Tout ce qui précède souligne l’actualité des questions traitées : maintien voire hausse du profit monopoliste en pleine tourmente via la casse drastique des salaires, un financement étatique sans limites et des privilèges fiscaux inouïs, le tout avec aide “européenne” ; fascination pour le modèle économique et social allemand ; contrôle de l’État par les groupes dont les chefs sont souvent les descendants de ces industriels et banquiers. Dans le plan assigné par le MEDEF [organisation patronale française] à l’État en 2007 – liquider “le modèle social français” fixé par le CNR [Conseil National de la Résistance], on retrouve l’ardeur des synarques ravis de la défaite qu’ils avaient “mijotée” et des “malheurs de la patrie, [et] renouant avec l’opportunisme cynique des grands bourgeois de 1815, 1830, 1852, 1871” : François  Bloch-Lainé, haut fonctionnaire de Vichy et d’après-guerre puis grand banquier (comme ses père et fils), jugeait ainsi son monde en 1976, avis qu’il censura ensuite. »


    1. Synarchie : organisation secrète française, politico-financière, mise sur pied par la « crème » du grand capital, pour l’accumulation maximale, par la baisse des salaires et des conditions de vie de la classe ouvrière et par l’appropriation des biens des capitalistes plus modestes et des « capitaux juifs »

    Annie Lacroix-Riz, Industriels et Banquiers français sous l’Occupation, Nouvelle édition entièrement refondue, 816 pages, Armand Colin, 2013, 35 euros

     

     Parallèle franco-belge

    Au début de son livre, Annie Lacroix-Riz fait un parallèle éclairant entre la Belgique et la France : « Je fais mienne l’analyse de John Gillingham sur le “grand capital” belge appliquant dès la défaite [de 1940] une stratégie mise au point dans la décennie de crise, d’adaptation au “nouvel ordre nazi”.

    La Belgique était entre les deux guerres dominée par trois holdings géants : la Société générale, fief du “roi sans couronne” Alexandre Galopin, “avec la famille royale belge [...] pour principale actionnaire” ; le consortium Banque de Bruxelles-Cofinindus-Brufina, maître du charbon, de l’acier et de l’industrie de transformation, dirigé par le Baron Paul de Launoit, “véritable eurovisionnaire” selon le baron Kurt von Schröder, chef de la banque Stein de Cologne, haut lieu d’alliances de capitaux germano-anglo-américain, membre du CA de la Banque des règlements internationaux (BRI), acteur du 30 janvier 1933 [accession d’Hitler au pouvoir] et commandant SS ; le groupe Société belge de banque-Solvay, maître de la chimie.La Société Générale [...] “contrôlait tous les grands secteurs de l’industrie”, de la métropole au joyau congolais. [...] C’est avec ces milieux belges que frayèrent les Allemands, délégués du grand capital et de l’État, tant avant que pendant la guerre » (p. 8-9)

    « John Gillingham a montré que “le grand capital belge” avait planifié sa “politique de production” au cours de la décennie de crise dans le cadre attendu d’une invasion allemande. Ses holdings bancaires concentreraient et moderniseraient bien mieux l’économie après avoir levé les obstacles  auxquels s’était heurtée cette ligne de l’entre-deux-guerres si dures aux ouvriers : les syndicats [...] ; le Parlement [...]. Ce modèle allemand à poigne fut celui du “grand capital français” qui avait comme son homologue belge intensifié la collaboration d’entre-deux-guerres que l’Occupation fit prospérer. Son rappel évite de s’interroger sur les causes de l’excellent accueil de l’occupant par les décideurs économiques. » (p.27)

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  • Peut-on être encore « européens » ?
    lundi, 30 septembre 2013 / Bernard Cassen /

    Secrétaire général de Mémoire des luttes, président d’honneur d’Attac

    Avec Le Monde diplomatique en español

    Dans les maisons d’édition, le constat est unanime : les livres sur l’Europe se vendent mal. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais ses causes ont sans doute évolué au fil des années. Pendant quelques décennies, la construction européenne est apparue comme un dispositif lointain, que la masse des citoyens – quand elle était consciente de son existence – regardait de l’extérieur. Le sujet n’intéressait vraiment que les dirigeants politiques et administratifs, les industriels et les financiers, et certains universitaires dont les travaux – dès lors qu’ils restaient dans les limites de l’orthodoxie – étaient généreusement subventionnés par la Commission européenne. Le seul secteur d’activité dont pratiquement tous les membres étaient familiers des institutions de Bruxelles était celui de l’agriculture en raison de la mise en place, dans les années 1960, d’une politique agricole commune.

    C’est seulement à partir du traité de Maastricht (1992) que les opinions ont commencé à prendre conscience d’une évidence : dans les domaines les plus importants, les politiques nationales ne sont rien d’autre que la déclinaison locale de politiques décidées au niveau européen par les gouvernements à partir des propositions de la Commission – institution n’ayant de comptes à rendre à personne –, et toujours dans une logique ultralibérale. La création de l’euro, sous la férule d’une Banque centrale européenne (BCE) indépendante, en a été la disposition la plus emblématique.

    Une douzaine d’années plus tard, les débats autour du traité constitutionnel européen (2005) ont permis à un nombre croissant de citoyens de s’approprier encore davantage la question européenne. Et ils n’ont pas aimé ce qu’ils avaient ainsi appris à connaître… L’atteste, entre autres éléments d’appréciation, la victoire du « non » aux référendums français et néerlandais. Longtemps « objet politique non identifié » – pour reprendre la formule de Jacques Delors –, l’Europe s’est peu à peu installée dans les esprits non seulement comme un acteur central, mais surtout comme un acteur hostile aux aspirations populaires, suscitant en retour un rejet croissant.

    Au cours des cinq dernières années, la gestion de la crise financière par les institutions et les gouvernements européens n’a fait qu’exacerber ce rejet. Le sauvetage des banques et de l’euro, avec la conversion massive des dettes privées en dettes publiques à la charge des contribuables, sont apparues comme leurs seuls objectifs, quel qu’en soit le prix social à payer, surtout dans les pays du Sud : explosion du chômage, baisse des salaires et des retraites, démantèlement de la protection sociale et des systèmes de santé, licenciements de fonctionnaires, privatisations des biens publics, etc.

    Le prix démocratique n’a pas été moins élevé. En témoignent notamment, d’un côté, la création d’une nouvelle police européenne, la troïka (Commission, BCE, FMI) qui dicte déjà sa loi à une demi-douzaine d’Etats relégués au statut de républiques bananières, et, d’un autre côté, les pouvoirs exorbitants de censure des budgets nationaux confiés à la Commission par des gouvernements de droite ou prétendument « de gauche », comme celui de François Hollande. Parler aujourd’hui de souveraineté des peuples et de leurs élus au sein de l’Union européenne relève de la plaisanterie.

    Alors, face à ce naufrage, comment rester encore « européens » ? L’extrême-droite, en ascension fulgurante dans plusieurs pays, a choisi de ne plus l’être du tout. Mais faute de remettre en cause les fondements de l’Europe réellement existante, les partis de l’arc démocratique, et en premier lieu ceux se réclamant de la gauche, auront, plus encore, contribué à enterrer une idée qui avait un réel potentiel progressiste

    http://www.medelu.org/Peut-on-etre-encore-europeens


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  • Portugal :: Excellents scores de communistes aux élections municipales

    Ce dimanche 29 septembre, c’étaient les élections municipales au Portugal. Les deux grands vainqueurs ont été les socialistes et les communistes (tous deux au national, dans l’opposition). Les grands perdants ont été le parti gouvernemental social-démocrate de Passos Coelho.

    Tim Joye et Bert De Belder

    On savait d’avance que le PS allait progresser considérablement. Les 18 premiers mois de l’application du mémorandum avec la troïka (FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne), les socialistes se sont encore tenus étonnamment silencieux, parce que, dans un précédent gouvernement, avant que le social-démocrate de droite Passos Coelho ne devienne Premier ministre, ils avaient encore participé aux négociations du plan sévère d’économie. Mais, ces derniers mois, le PS a été de plus en plus mis en épingle par les médias en tant qu’alternative parlementaire crédible aux yeux du peuple portugais, furieux contre les économies néolibérales. Désormais, 148 des 307 municipalités portugaises reçoivent un maire PS.

    Le parti gouvernemental PSD a encaissé des coups durs. A Porto, où l’ancien ministre était candidat, le parti jouait gros jeu, mais a été battu par le candidat indépendant Rui Moreira, qui était toutefois soutenu par le parti conservateur CDS. 

    Mais le seul parti qui monte vraiment dans ces élections, c’est la CDU, la coalition entre (surtout) les communistes (PCP) et les Verts. Un journaliste d’O Publico, le principal quotidien, a dit en guise de boutade le soir des élections : « Comme toujours, les communistes prétendront que les élections sont une grande victoire pour eux. A la différence près que, pour la première fois depuis des décennies, leurs propos sont bel et bien exacts. » Et, effectivement : le parti passe de 174 à 213 sièges dans les conseils municipaux et de 28 à 34 maires. Au national, il obtient 11,06 % des suffrages. Fait surprenant : au niveau des freguesias, les conseils de quartier, la CDU fait encore mieux : 11,94 %. Plus le niveau des élections est proche des gens, plus élevé est le score des communistes.

    Dans le sud du pays, où le PCP était au pouvoir dans bien des endroits, les gens sont contents et la CDU progresse encore. Dans la grande ville portuaire de Setubal, elle obtient 41,93 % et passe de 5 à 6 des 11 sièges. D’importantes chefs-lieux de district, où c’était souvent le coude à coude, ont été reconquis sur le PS : Beija, Evora et Loures, une banlieue de Lisbonne. Dans cette dernière ville, il y avait eu une grande campagne contre la privatisation de la distribution d’eau par le pouvoir du PS. « Depuis le milieu des années 80, la CDU n’avait plus eu le pouvoir dans les grands chefs-lieux de district du Sud », explique avec enthousiasme au téléphone Pedro Guerreiro, responsable du département international du PCP. Outre les traditionnels bastions communistes, le parti progresse également dans le reste du pays : à Lisbonne, de 1 à 2 sièges (9,85 %), idem à Braga et, à Porto, il passe même de 1 à 5 sièges (6,12 %).

    Chute du Bloc de gauche

    Hormis le PCP, il y a encore un autre parti de gauche au Portugal, le Bloc de gauche, un rassemblement d’eurocommunistes, de trotskistes et de social-démocrates de gauche. Il y a quelques années, ce parti atteignait encore des sommets, mais ces élections ont constitué une grosse déception. La seule municipalité où le Bloc de gauche a eu la majorité ces quatre dernières années, il a dû la céder au PS. Mais c’est surtout la défaite de Joao Semedo qui a été le plus durement perçue : à Lisbonne, le président du parti n’est même pas parvenu à garder son siège.

    Jerónimo de Sousa, secrétaire général du Parti communiste portugais, voyait bien sûr dans le résultat électoral un sévère blâme adressé au gouvernement : « Quels qu’aient été la nature locale, les facteurs et la dynamique de ces élections, la lourde perte encaissée par les partis gouvernementaux PSD (social-démocrate) et CDS (conservateur) ne peut être dissociée de la condamnation manifeste par les  travailleurs et la population du Portugal de la politique gouvernementale de ruine et de paupérisation. » Et il a invité à utiliser la progression des communistes en vue de relancer la lutte sociale de plus belle : « Chaque position que nous avons conquise aujourd’hui, chacun des plus de 3.000 mandats que la CDU détient aujourd’hui (aux divers niveaux, y compris les conseils de quartier, NdlR), signifie plus de travail, un enjeu plus important et un engagement total en défense des intérêts de la population. Un enjeu qui sera poursuivi dès demain dans la lutte quotidienne pour l’amélioration des salaires et des pensions, pour le renforcement de la sécurité sociale, la défense des services publics et la création d’emplois. Avec une vaste action de mobilisation nationale qui en découlera : la marche contre l’exploitation et la paupérisation que le syndicat CGTP appelle pour le 19 octobre. »

    http://www.ptb.be

    cdu_autarquicas13.jpg Élections locales au Portugal : succès historique pour le Parti communiste (11-12%) et effondrement du Bloc de gauche (2-3%)

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Les élections locales (autarquicas) de ce 29 septembre ont vu une défaite historique de la droite, maître d'œuvre de l'austérité. Si le PS a profité de la situation pour gagner quelques mairies, il recule en voix. Les communistes de la CDU sortent grands gagnants du scrutin.

     

    La droite représentée avant tout par le PSD (Parti social-démocrate) mais aussi le CDS-PP (Parti populaire) avaient exhorté les Portugais à ne pas «  nationaliser  » le scrutin. Peine perdue. Après les deux années de plans d’austérité, le gouvernement sort dramatiquement affaibli.

     

    La droite subit sa pire défaite depuis 20 ans : 16,5% pour le PSD, 3,5% pour le CDS-PP – plus une dizaine de % pour les listes de divers droite (avec 7,5% pour les listes PSD-CDS). Soit un recul de plus de 10 points par rapport à 2009 et la perte de23mairies.

     

    Les partis de droite ainsi que le PS (la « troika ») perdent sur ce scrutin près de 750 000 voix.

     

    Les grosses ficelles des partis du consensus dominant PS-PSD pour garder la main : « indépendants », clientélisme, alliances tacites

     

    Dans des bastions historiques de la droite, le PSD connaît des défaites historiques. Au nord, le PSD perd la deuxième ville du pays, Porto et Vila nova de Gaia. Dans le fief de Madère, et de son président corrompu Alberto Jardim, il perd 7 des 11 mairies.

     

    Prévoyant sa débâcle, la droite a mobilisé toutes ses ressources : la carte du localisme, l'activation de ses réseaux clientélistes, mais aussi la dissimulation de ces candidats derrière les étiquettes d' «  indépendants  » : comme Marco Almeida battu de peu à Sintra, Rui Moreira vainqueur à Porto.

     

    Rui Moreira, présenté comme le candidat « anti-parti » (son slogan, le populiste quasi footballistique : « Notre parti, c’est Porto »), des citoyens à Porto a pourtant été soutenu par le CDS-PP et épaulé par une série d’anciens responsables locaux du PSD.

     

    Lui-même grand industriel du secteur immobilier, président de la Chambre de commerce de Porto,il est impliqué dans les opérations de réhabilitation, de fait d’expulsions des populations pauvres, du centre-ville de Porto. Moreira a représenté une alternative populiste de droite au candidat du PSD, Luis Filipe Menenzens, plongé dans une série de scandales.

     

    Le vainqueur attendu est le Parti socialiste. Il remporte 150mairies et renforce son hégémonie dans des régions-clés, comme à Lisbonne, et récupère des villes majeures comme Coimbra. Le secrétaire-général du PS n’a pas hésité à parler de la plus grande victoire de l’histoire du scrutin.

     

    Sur une corde raide, le PS a capitalisé sur le rejet global du gouvernement de droite, feignant l’indignation tardive quant au budget 2014 tout en se revendiquant après le scrutin d’une « opposition constructive » au gouvernement.

     

    Il a également utilisé à plein ses réseaux clientélistes locaux, tout en profitant des reports de voix habituels des électeurs conservateurs dans les duels attendus au sud avec les candidats communistes.

     

    Le Parti communiste : troisième force politique du pays, en progression nationale et locale

     

    En dépit de ces manœuvres, le seul parti à réellement progresser, tant en voix qu'en nombre de majorités conquises, c'est le Parti Communiste, rassemblé dans la Coalition CDU (Convergence Démocratique Unitaire).

     

    Le PCP-CDU obtient 11,1% pour les Chambres municipales (exécutif) et 12% aux Assemblées municipales (législatif), une progression de 1,3 points par rapport à 2009 : des résultats inédits aux élections locales sur ces vingt dernières années.

     

    Si le PCP s'installe plus que jamais comme la troisième force politique du pays et surtout la seule alternative au consensus dominant PS-droite, les résultats au niveau local sont encore plus impressionnants.

     

    On note d'une part une progression encourageante dans les régions qui ne sont pourtant pas ses bastions, ce dans tout le pays : 7% dans la région de Porto au nord (4% en 2009), 7,5% à Coimbra au centre (5,5% en 2009) ou encore 11,7% à Faro, à l’extrême-sud (6% en 2009).

     

    Dans les régions « rouges » du Sud, les communistes font le plein : 14,1% à Santarem, 15,8% dans la région métropolitaine de Lisbonne, 17,2 % à Portalegre, 38,6% à Beja, 38,5% à Évora (première place devant le PS) et 42% dans la région de Setúbal – la 3 ème du pays – avec majorité absolue à l'Exécutif régional.

     

    A l'échelle des communes, le PCP récupère 10 mairies dont les deux capitales de district Beja et Evora, tout en récupérant la majorité absolue dans les deux plus importantes mairies communistes, Setubal et Almada, la 10ème ville du pays dans la banlieue de Setúbal.

     

    Huit autres communes ont été conquises, parmi lesquelles Loures, 6 ème ville du pays située dans la banlieue de Lisbonne ou encore la mythique Grândola, la ville d’Alentejo dont fut tirée la chanson de Zeca Afonso « Grândola, vila morena », hymne de la Révolution d’avril.

     

    En termes d’élus locaux, le PCP passe de 174 à 213 élus dans les exécutifs municipaux, et de 655 à 746 dans les Conseils municipaux. Les communistes dirigeront 34 mairies sur les 308 que compte le pays, soit une mairie portugaise sur neuf.

     

    Après l’annonce des résultats, le secrétaire-général du PCP, Jerónimo de Sousa a annoncé les priorités futures du Parti, la lutte contre les politiques du capital, d'où qu'elles viennent :

     

    « Les voix obtenues par la CDU sont un facteur de confiance et d’espoir, sur le fait qu’il est possible de tracer un autre chemin, un autre cap. Une impulsion à la lutte, à ce qu’elle peut ouvrir de perspectives et réalisation d’une politique alternative, une preuve qu’il revient aux travailleurs et au peuple dans leur action, leurs choix et leur vote de battre les partis des politiques de droite [NdT : le PCP intègre les PS dans les partis responsables des « politiques de droite »], de donner plus de force à la CDU pour réaliser une politique patriotique et de gauche.

     

    Cet engagement local trouvera une continuité dès demain dans la lutte quotidienne – avec la grande action de lutte nationale « Marche pour Avril : contre l’exploitation et la paupérisation » déjà convoquée par la CGTP pour le 19 octobre ».

     

    Le « Bloc de gauche » en voie de disparition

     

    Au-delà de l’affaissement des partis du consensus dominant PS-PSD, de la progression des communistes, le dernier enseignement du scrutin, c’est la quasi-disparition électorale du « Bloc de gauche ».

     

    La formation dite de « gauche radicale » (issue de courants maoistes, trotskistes, ex-socialdémocrates, refondateurs …), soutenue par le PGE contre le Parti communiste passe de 3 à 2,4% aux exécutifs municipaux, de 4 à 3% aux Conseils municipaux.

     

    Elle ne garde plus que 8 élus aux exécutifs et 100 dans les Assemblées, des chiffres qui supportent mal la comparaison avec ceux obtenus par les communistes, respectivement 213 et 747

     

    Le Bloc de gauche subit électoralement la conséquence de l’incohérence de son discours pendant la campagne, reflet de son alignement fondamental sur le consensus dominant.

     

    Ainsi, pendant la campagne, le Bloc a alterné entre des mains tendues au PS pour des alliances électorales locales et nationales, avant de dénoncer … l’intransigeance du PS (et non la politique d’austérité dont il est complice !).

     

    Ironie de l’histoire, c’est le PS qui a enlevé au Bloc sa seule mairie, Salvaterra do Magos, dans le Ribatejo. Autre symbole frappant, l’absence du moindre élu du Bloc de gauche à l’exécutif dans un de ses fiefs, la région de Lisbonne où se présentait son secrétaire-général João Semedo … le dernier élu récupéré par le PCP.

     

    Sur un autre point majeur, le « Bloc de gauche » s’est encore gardé de tout positionnement de rupture, tant avec l’Euro qu’avec l’Union européenne, là où le PCP maintient son discours de rupture avec l’intégration européenne, ouvrant même la question de la sortie de la monnaie unique.

     

    Un gouvernement de droite plus affaibli que jamais et un Parti Socialiste empêtré dans les contradictions de son double discours, déterminés à appliquer par alternance les diktats de la « Troika », désirée par le patronat portugais comme européen :

     

    Plus que jamais la seule alternative est le Parti Communiste, plus fort sur les territoires locaux, plus fort dans les luttes pour faire triompher une alternative au consensus dominant, capitaliste et européiste.


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  • Quelques informations au cours du débat parlementaire de le réforme des collectivités territoriale et l'acte III de la décentralisation

     

    Jacky CUSOL

    Cellule Gérard Philippe Le Barp

    Section Bassin d'Arcachon

     

    Jeudi 30 mai 2013 le Sénat examinait le 1er volet de l'acte III de la décentralisation. La particularité de ce débat c'est que contrairement aux députés, le Sénat est représentatif des élu(e)s des collectivités territoriales et locales, dépendant qu'il est des grands électeurs.

     

    Ce qui explique sans doute en parti, que ces élu(e)s aient depuis longtemps fait connaître leurs désaccords sur le projet du gouvernement Ayrault.

     

    Déjà en 2012 avec N. Sarkozy à l'Elysée et aujourd'hui présentée par la ministre de la réforme de l'Etat, Marylise Lebranchu et la ministre déléguée à la décentralisation, Anne-Marie Escoffier, s'inscrivant dans la continuité des anciens textes et usant de manœuvres parlementaires pour en camoufler les aspects nocifs.

     

    Il faut dire que le gouvernement se heurte à une réelle contestation des élus et des populations excédés par le contenu anti-démocratique du projet de réforme et de création d'un serpent de mer institutionnel, éloignant toujours plus les citoyens des lieux de décisions.

     

    Ce qui ne rend pas la tâche facile à ces ministres de tutelles, obligées de décortiquer en 3 textes leur projet de loi, au risque de rejet de l'assemblée sénatoriale.

     

    Ce que nous savons du 1er volet de ces 3 textes, c'est que celui-ci ouvre le débat sur la compétence de chacun des échelons des collectivités; la création du statut de métropole pour les agglomérations de plus de 450 000 habitants.

     

    Le projet rétablit la clause de compétence générale (que Lebranchu conteste), qui devait disparaître en 2015. Cependant cette liberté décisionnelle des élus se trouve entachée d'un encadrement de l'action publique par l'institution de ''conférences territoriales'' devant regrouper toutes les collectivités et l'Etat à l'échelle régionale, avec pour objectif de définir un « pacte de gouvernance territoriale ».

     

    Disposition de gouvernance rejetée par la commission des lois du sénat et que la ministre Lebranchu espère rétablir.

     

    Autre aspect de discorde la « métropolisation » aux compétences renforcées, notamment en terme de développement économique. Ainsi Paris, Lyon et Marseille bénéficieront de statuts particuliers. Au-delà 15 métropoles seraient également crées.

     

    Les maires et leurs conseils municipaux seraient dessaisis des décisions devant répondre à l'intérêt général, amputant de fait la libre administration de leurs collectivités.

     

    Ceci à partir de transferts de compétences à l'échelon supérieur des communautés de communes, voir d'agglomération (rappelons-nous le projet d'une grande intercommunalité sur nos territoires -le Bassin et Libourne-) au pouvoir d'intégration des communes à leurs projets.

     

    L'idée même de faire de nos communautés de communes des arrondissements aux métropoles est significatif de mise en concurrence des collectivités, pour des territoires plus attractifs, vis à vis de capitaux en mal de rentabilité.

     

    Nous passerions ainsi d'intercommunalité de projets communs, partagés et volontaire, comme de coopération et de mutualisation, à des regroupements intercommunaux à caractères stratégiques touchant l'urbanisme, la maitrise des sols ( PLU ), l'habitat, l'urgence sociale...

     

    La gouvernance de ces instances intercommunales à son importance, dans le sens ou les décisions devront se prendre à la majorité qualifiée, avec le risque qu'un système d'alternance, prolonge au niveau local ou régional, une gestion libérale des services à la population, que sont nos services publics (privatisation). Dans ce cadre, on prend aucun risque à dénoncer que l'emploi public et les services publics sont menacés.

     

    Ce que ne manque par d'ailleurs de dénoncer la CGT et FO, voyant dans cette course à la compétitivité des territoires une remise en cause de ce qui fonde notre république, la commune et le statut de ses agents territoriaux.

    L'asphyxie financière des collectivités pèse déjà lourdement dans la réponse aux besoins des populations et de leur territoire. L'emploi et l'investissement public recul, rendant nos collectivités dépendantes d'investisseurs et d'aménageurs privés.

     

    L'Etat dans sa loi des finances a décidé de réduire de 4,5 milliards sur 3 ans ses dotations aux  collectivités. A celles-ci de trouver de nouveaux financements, quitte à peser sur l'impôt local, de façon sélective, vu la suppression de la taxe professionnelle.

     

    Sur fond d'austérité, la création de métropoles va chambouler  le paysage institutionnel de nos collectivités, aux inégalités territoriales et sociales garanties, ou la concurrence libre et non faussée, régira les rapports économiques et sociaux, avec les conséquences que l'on connait, d'un chômage de masse et de désindustrialisation du pays.

     

    Cette loi prépare donc d'un côté la liberté d'entreprendre pour les métropoles et les régions, jusqu'à, pour cette dernière, pouvoir prendre des prises de participations dans certains conseil d'administration, régionaliser ses propres lois et de l'autre côté réduire les pouvoirs d'initiatives des communes et des départements ( certains en rupture de paiement ) faute de moyens et de compétences à minima.

     

    Nous voyons bien là l'impact d'un ralliement de F. Hollande au pacte européen de compétitivité, sacrifiant au demeurant nos lois républicaines et un modèle social qui durant des années ont démontré leur efficacité sociale, économique et culturelle, tout en ayant valeur de protéger nos concitoyens d'un monde impitoyable de l'argent roi.

     

    Le problème n'est donc pas la réforme en soi, mais ce que l'on veut en faire !

     

    Nous sommes sur un enjeu du long terme, contre un court terme qui instaure la loi du plus fort !

     

    C'est sans doute ce qu'on compris les Alsaciens qui par référendum on rejeté le projet de remaniement territorial et institutionnel. C'est aussi l'action des maires de France refusant ce projet de loi, mais aussi de l'ANECR, du Front de Gauche, à Aubagne, Bouches-du-Rhône, Haute Garonne, etc..., toutes et tous opposés à la centralisation des pouvoirs, préférant la proximité à la coercition.

     

    Comme sur l'ANI instituant la flexibilité de l'emploi à outrance, les retraites et la protection sociale, le bouleversement territorial est une nouvelle occasion d'une politique d'ajustement aux exigences de la finance.

     

    Au stade du débat parlementaire et à la veille d'élections municipales, régionales et européennes, il y a tout intérêt d'éclairer les enjeux d'une telle réforme et de soumettre d'autres alternatives de démocratisation de nos institutions locales, au contenu social, économique et citoyenne que doit porter une VIème république.

     

    Moderniser l'action publique n'est-il pas de mettre en place un statut de l'élu, le vote des immigrés, la proportionnelle, développer la démocratie participative pour plus de citoyenneté, respecter le non cumul des mandats...?

     

    La place du citoyen dans cette réforme est à conquérir, ainsi que la place de l'Etat à partir du moment ou celui-ci respecte la démocratie locale et la diversité de nos villes et villages et la culture de ces habitants.

                                                                                                

    Jacky CUSOL

     

    Cellule Gérard Philippe Le Barp

    Section Bassin d'Arcachon

     

    Commentaire de Bernard Trannoy n'infirmant en rien ce qui est d'écrit ci-dessus :

    Il convient de souligner, avec force me semble-t-il, que cette réforme s'inscrit dans un cadre plus large, européens.

    Cette réforme participe d'une orientation globale visant à construire une Europe des "Landers", des régions. Europe qui à comme objectif central de conduire aux démantèlement des Etats Nation et de tous les systèmes de protection sociale qui s'y attachent. Cette Europe créée pour et par le grand capital, pour répondre à ses rapacités.  

    De ce point de vue il convient de souligner la plus totale hypocrisie utilisée par le duo Hollande, Ayrault. Les décisions prises au niveau européen ne sont que l'application par la commission européenne des décisions prises par l'ensemble des gouvernements européens, donc du gouvernement Français. Rien n'obligeait celui-çi à se coucher sur l'hôtel du nouveau veau d'or appelé €uro, Europe de "la conccurence libre et non fausée". (TES)

    A contrario, de la mise en cause de la nation et de sa souveraineté par cette Europe, prison des peuples. Il convient de s'acheminer vers une réappropriation de nos souverainetés de la commune à la nation. C'est notre capacité à la libre administration qu'il est ici en question. 

    Etre solidaire, coopérer avec les autres nations supposent de maîtriser totalement sa souveraineté. Pas de coopération sans souveraineté. 

    Pour vivre et décider içi et maintenant, une neccéssité être un peuple libre totalement souverain.

    http://www.pcfbassin.fr


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