• Vers la disparition des communes ?

    Vers la disparition des communes ?

     

    Publié le 03/10/2013 à 09:51 par bezierspcf

     

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    Béziers le 2 octobre 2013 - réunion-débat au Capharnarhum

     

    Rapport introductif au débat par Aimé Couquet

     

    La commune est la plus petite subdivision administrative française mais c'est aussi la plus ancienne puisqu'elle a succédé aux villes et paroisses du Moyen-Age. Elle a été instituée en 1789 avant de connaître un début d'autonomie avec la loi du 5 avril 1884, véritable charte communale.

     

    Les communes sont de véritables enjeux : économique, politique et démocratique. Le maire est l'exécutif de la commune qu'il représente et dont il gère le budget. Il est l'employeur du personnel communal et exerce les compétences de proximité (écoles, urbanisme, action sociale, voirie, transports scolaires, ramassage des ordures ménagères, assainissement...). Il est également, agent de l’État, pour les fonctions d'état civil, d'ordre public, d'organisation des élections et de délivrance de titres réglementaires.

     

    Il y a actuellement environ 36 600 communes en France. Depuis de nombreuses années, sous couvert de l'émiettement des collectivités locales sur le territoire national, les pouvoirs centraux successifs ont essayé d'en réduire le nombre sous la pression de l'Union Européenne et des marchés. Par exemple en 1970, la loi de « Fusion et regroupement des communes » d'un ministre de l'intérieur de Pompidou. Cette loi trop coercitive n'a pas rencontré une oreille attentive, ni du côté des élus, ni de la population. D'autres ont suivi sans grand succès. C'est par la suite la décentralisation qui a impliqué de nombreux regroupements.

     

    Où en sommes nous ? D'une manière générale la décentralisation est restée trop institutionnelle. Si elle a permis de mieux gérer les équipements, les transformer, les moderniser, en créer de nouveaux ; si elle a facilité les évolutions nécessaires en matière de transports publics, elle est loin de répondre à tous les besoins croissants de déplacements ; elle a également généré de nouvelles inégalités territoriales. Elle s'est également accompagnée d'un présidentialisme exacerbé à travers des exécutifs départementaux et régionaux prenant le pas sur le rôle des assemblées et des citoyens et suscitant des concurrences et des clientélismes éloignés de l'intérêt général. Cela a été mené, en parallèle avec une intercommunalité de plus en plus contrainte, éloignant encore plus le pouvoir des citoyens. Les différentes étapes de décentralisation n'ont pas permis d'améliorer la proximité sociale des élus, au contraire, la représentation s'est éloignée des réalités sociales de la population, écartant les couches populaires des responsabilités. De plus de nombreuses compétences ont été transférées sans que soit alloués les moyens et les recettes pour les assumer correctement, poussant à en réduire la portée, à aggraver la fiscalité locale, ou encore à une mutualisation ayant seulement pour but des économies en personnel.

     

    Qu'en est-il avec le gouvernement actuel socialiste-écologiste ? : Le 24 juillet l'assemblée nationale a adopté en première lecture le premier des trois projets de lois sur la décentralisation qui consacre la création de métropoles. J'y reviendrai. L'ensemble du projet s'inscrit dans la MAP (Modernisation de l'Action Publique) qui reste dans les ornières de la précédente réforme territoriale initiée par Sarkozy, la RGPP (Réforme Générale des Politiques Publiques) et des recommandations dictées à la France par la Commission Européenne : « ...il est particulièrement important que le budget 2013 soit rigoureusement exécuté et que des efforts d'assainissement substantiels soient résolument poursuivis les années suivantes. Il est impératif notamment que les dépenses publiques qui concernent non seulement l'administration centrale mais aussi les administrations des collectivités locales et de la Sécurité sociale,devraient indiquer comment améliorer encore l'efficacité des dépenses publiques. Il est également possible de rationaliser davantage les différents niveaux et compétences administratifs afin d'accroître encore les gains d'efficacité et les économies. La nouvelle loi de décentralisation devrait traiter de cette question. ». C'est la logique de l'acte III de la décentralisation : l'Etat se défausse une nouvelle fois de ses missions nationales devant garantir l'égalité sur tout le territoire. Les collectivités deviendraient des variables d'ajustement au nom du remboursement de la dette publique alors qu'elles n'en sont pas responsables. L'acte III prévoit l'encadrement et le contrôle de la dépense publique, mettant en œuvre la baisse des investissements publics des collectivités. C'est leur capacité à contribuer à une relance de l'activité économique en répondant aux besoins des habitants qui est mise en cause. Il n'y aura pourtant pas de sortie de crise sans les collectivités territoriales qui génèrent 70% de l'investissement public.

     

    La métropole supplante la commune. Au cœur de l'été et en quatre jour de débat à peine, le gouvernement et sa majorité auront réussi à imposer un texte de loi des plus controversés. André CHASSAIGNE, député PCF-Front de Gauche, au nom du groupe a indiqué « Nous considérons que ce projet de loi sur les métropoles est d'une extrême gravité car il porte en lui, par le remodelage de nos institutions territoriales, la remise en cause des fondements même de notre République, en premier lieu la commune, base de notre démocratie. » Ainsi, non seulement le projet prévoit la création de métropoles à Paris, Lyon et Marseille, de même que dans une dizaine d'autres grandes villes (Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Brest et Nice), mais les « conseils de territoire » qui les dirigeront seront élus au suffrage universel à partir de 2020. En conséquence, les métropoles prendront rang de véritables collectivités territoriales et supplanteront l'ensemble des communes qui les composent. Si le texte a été adopté par 294 voix (PS, écologistes et radicaux de gauche) contre 235 (Front de gauche, UMP et UDI), l'affaire n'est pas terminée. Le Front de gauche, qui demande que, pour chaque métropole, les citoyens puisent s'exprimer par référendum, donne rendez-vous à partir du 2 octobre, quand le projet repasse au Sénat.

     

    Qui peut croire que l'intérêt général soit bien porté par une recentralisation et une concentration des pouvoirs locaux au sein d'intercommunalités de très grande taille ou de métropoles intégrées, nouvelles collectivités de plein droit qui se verraient transférer l'essentiel des compétences locales ? Dans la mondialisation capitaliste faite de concurrence et de domination, les peuples ont besoin d’États capables de défendre les intérêts des populations face aux marchés, et il n'y a pas d'opposition entre l’État et la démocratie locale dès lors que les citoyens sont concernés pour faire vivre une république où liberté et responsabilité se conjuguentavec recherche d'égalité et de justice. La place des citoyens doit donc être beaucoup plus présente dans la décentralisation pour faire vivre la diversité de nos villes et de nos villages, de la culture et de ses habitants. C'est pourquoi, l'instauration de la proportionnelle, la citoyenneté de résidence avec le vote des étrangers aux élections locales, et l'institutionnalisation de la démocratie participative à tous les niveaux, sont des changements à décider sans délais. L'Etat doit s'engager et jouer son rôle pour que vivent les communes.

     

    Aujourd'hui, parler de décentralisation, c'est mentir aux élus et aux populations. Avec l'acte III, il ne s'agit pas d'acter l'essor depuis trente ans des collectivités territoriales en leur permettant de réfléchir à la façon de mieux travailler ensemble, mais de rationalisation, de politiques visant à la baisse des dépenses en augmentant le rendement. Le but de ce texte est de rendre certains territoires plus compétitifs au détriment d'autres. C'est le principe même de la compétition. Double question démocratique. Avec le fléchage directement sur la liste le jour de l'élection municipale, on entérinera le fait que ce ne sera plus une équipe municipale avec son projet politique qui désignera en son sein qui portera son projet à l'intercommunalité. Premièrement, cela veut dire que l'on entérine le fait que ces élus qui siégeront à l'intercommunalité n'auront plus de comptes à rendre au conseil municipal et à fortiori à la population. Le second risque que l'on voit arriver, c'est la possibilité dans l'avenir, en 2020, de voir présenter deux listes. Le conseiller communautaire ne serait plus du tout lié au conseil municipal.

     

    Où en sommes-nous à Béziers ? La Communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée a été dotée des compétences obligatoires, à sa création : le développement économique, l'aménagement de l'espace et des transports, la politique de l'habitat et la politique de la ville. Y ont été ajouté des compétences optionnelles : la voirie d'intérêt communautaire, l'eau et l'assainissement, la collecte des ordures ménagères, l'élimination des déchets, la création d'équipements sportifs et culturels (médiathèque, piscine, conservatoire..), des compétences facultatives comme le contrôle de la qualité de l'air et la gestion des espaces Natura 2000. Il y a aussi des compétences complémentaires comme : la fourrière animale, la gestion du matériel pour les manifestations publiques, le développement de l'enseignement supérieur et l'amélioration de vie des étudiants, l'enseignement de la musique, la danse et l'art dramatique, la gestion à très haut débit, celle des abri bus et des cars,le tourisme et la promotion touristique. Il reste à la commune : l'enseignement primaire, la culture, les bibliothèques et musées, les sports et les loisirs, la voirie communale, l'état-civil, l'ordre public (tranquillité publique, sécurité). Avec la mise en place de la taxe additionnelle de l'agglo, pour la première fois une assemblée non élue a voté un impôt assez lourd. Vous vous en êtes aperçu. Mais ce n'est pas tout, comme la CABM a bénéficié, comme les autres, puisque nouvel établissement public, d'un endettement à zéro, les emprunts sont montés en flèche, mais maintenant il faut rembourser. La Chambre Régionale des comptes vient de pointer ces risques. Y aura-t-il une augmentation de l'impôt. Entre temps, nous savons nous les biterrois qu'au moment du passage de la compétence du traitement des déchets à l'agglo, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a augmenté de + 37%.

     

    La commune doit être le premier échelon de proximité, de lieu de vie de la démocratie, le coeur battant de la République. Dans n'importe qu'elle commune, quelle que soit sa taille, quand quelqu'un a un problème, il va d'abord voir son maire. La crainte aujourd'hui, c'est que la commune reste comme un pis-aller avec de élus qui auront perdu leur légitimité et leurs pouvoirs sur les territoires. Pour pallier à cela, il faut que le rôle de l’État soit repensé : non réduit à ses missions régaliennes, il doit assumer et impulser des politiques publiques nationales en faveur du développement, de l'égalité territoriale, de la cohésion sociale et de la continuité territoriale. Pour y parvenir, il doit impulser un véritable partenariat avec les collectivités territoriales et non, comme le prévoit le texte, laisser place à des « pactes de gouvernance » loin des citoyens, instituant la tutelle de « grandes entités territoriales », métropoles par exemple, sur les communes en particulier, et soumettant la compétence générale des collectivités à l'adoption de schémas contraignants. La réforme doit se hisser à la hauteur du niveau de coopération volontaire aujourd'hui rendu nécessaire entre les différentes institutions de notre République. Cela appelle à inventer des formes nouvelles de « coopératives » opérationnelles ou de « gouvernement partagé », à l'échelle de grands projets volontaires et librement consentis, sous contrôle citoyen.

     

    Vive les communes ! Elles sont le creuset historique de traditions et de transformations, des lieux de résistance, de projets et de décisions partagées... Elles sont des forces d'entraînement démocratique incomparables. Il serait impensable de se priver de cet atout unique en Europe, en leur retirant leurs compétences, leur capacité d'initiative, de coopération, en les subsidiarisant, en les intégrant systématiquement à des échelons supérieurs, en attendant leur mort lente. Les communes, leurs élus, leurs citoyens doivent être respectés. Elles peuvent et doivent être un formidable moteur démocratique pour construire et mener les coopérations et les projets partagés, conçus avec les citoyens. Elles doivent garder la maîtrise des sols, refus de l'instauration de PLU intercommunaux prévu dans le texte.

     

    Des moyens financiers au service des habitants. A l'opposé des mesures d'austérité en direction des collectivités, il faut leur donner les moyens de remplir pleinement leurs missions et les services aux populations. Il faut cesser cette intolérable et dangereuse réduction des dotations d’État et les revaloriser au contraire. Une réforme fiscale juste et ambitieuse doit voir le jour au plus vite, avec le rétablissement d'un impôt économique lié au territoire et une taxation des actifs financiers des entreprises répartie équitablement.

     

    Aimé COUQUET

    http://www.pcfbassin.fr


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