• ArcelorMittal Liège :: Funérailles en tenue de travail

    Le dimanche 13 octobre, Alain Vigneron, 45 ans, sidérurgiste chez ArcelorMittal Liège, s’est donné la mort. Il a laissé une lettre d’adieu, qui ne laisse aucun doute sur le pourquoi de son geste. La fin de la sidérurgie liégeoise a fait une victime de plus.

    Jonathan Lefèvre

    ArcelorMittal Liège : Funérailles en tenue de travail


    Nous aurions pu titrer « Le capitalisme tue ». Bien que ce slogan circule abondamment en manifestation depuis longtemps, il est malheureusement d’actualité. La dernière victime en date est Alain Vigneron. Qui laisse une femme et une fille derrière lui. Fatigué de lutter, il a décidé d’en finir, pointant clairement les responsables : Lakshmi Mittal et le gouvernement wallon. Il a voulu faire de son suicide un acte politique : dans sa lettre d’adieu, en plus de pointer les responsables de la mort de la sidérurgie liégeoise, et donc de la sienne, il demande à son collègue Fred Gillot, délégué MWB-FGTB à ArcelorMittal, d’alerter la presse. « Les causes exactes ne sont pas difficiles à comprendre. Quand on lit sa lettre d’adieu, c’est très clair. La fermeture de la sidérurgie, le comportement de Mittal et du gouvernement wallon… Un camarade m’a téléphoné samedi à 23h pour me demander si la mort d’Alain était une rumeur. Je suis rentré en vitesse chez moi (nous étions voisins Alain et moi) et j’ai vu la police. »

    « C’était un camarade de plus de 20 ans. Il était de toutes les batailles, de toutes les manifestations, tous les piquets. J’ai la rage contre Mittal mais aussi contre les dirigeants politiques. C’est ce qu’Alain disait : les politiques ont demandé des études, payées par la Région wallonne. Elles ont toutes prouvée que la sidérurgie était viable, qu’il fallait la nationaliser. Et les politiciens ont laissé tomber le truc. La Région wallonne a donné beaucoup d’espoir aux travailleurs, en faisant faire des études. Cela lui donne une fameuse responsabilité... », enchaîne le leader syndical.

    « De grandes craintes »

    Fred Gillot continue : « Par le contact que j’ai avec les travailleurs, je sais qu’il y en a qui sont mal en point. Vu le taux de chômage dans la région… On a de grandes craintes. Tous les travailleurs ne se rendent pas compte du séisme que ça va être. Si on prend la phase à chaud et la phase à froid, deux travailleurs sur trois seront licenciés. »

    Le suivi psychologique des travailleurs d’ArcelorMittal est-il suffisant ? « Il est trop tôt pour le dire. Il y a une cellule psychologique dans l’entreprise. Mais il n’y a pas beaucoup de demande de la part des travailleurs. C’est difficile de se dire que l’on a besoin d’aller chez un psy. »

    Le geste de son « camarade de plus de 20 ans », transformer son enterrement en lutte politique, ne l’a pas surpris : « Je comptais aller aux funérailles simplement. Mais la famille a tenu à ce que les travailleurs viennent avec leurs vêtements de travail et leurs couleurs syndicales. Ca ne m’étonne pas, venant de lui. C’est ce qu’il demande dans sa lettre. »

    Damien Robert, président du PTB local et en charge du dossier sidérurgie pour le parti, « exprime ses plus sincères condoléances à Laurence, l’épouse d’Alain et à Sophie, sa fille. Alain, nous faisons la promesse que ta voix et ta colère vont continuer à résonner à travers le combat des sidérurgistes pour la dignité. »

    Des précédents

    Le cas d’Alain n’est pas isolé. Déjà en juin 2009, un ouvrier en CDD d’ArcelorMittal Liège avait tenté de se suicider. Les syndicats pointaient déjà la direction et la Région du doigt. En novembre 2012, deux travailleurs, à quelques jours d’intervalle, étaient passés à l’acte. La direction avait déclaré à l’époque « ces suicides seraient plus liés à des éléments externes à l’entreprise ». Il est impossible de le savoir pour ces deux décès. Mais pour celui d’Alain…

    Outre ArcelorMittal, une étude réalisée en janvier 2012 par deux médecins de Médecine pour le Peuple, en collaboration avec l’Université d’Anvers et la VUB, montrait que leurs patients étaient plus sensibles au suicide depuis la crise. Filip Vanderoost de la maison médicale de La Louvière, et Susan Van der Wielen, de Deurne (Anvers) avaient interrogé en tout 377 patients sur leur bien-être physique et psychique et sur leur situation sur le marché de l’emploi. La majorité des personnes interrogées travaillaient dans le nettoyage, la construction ou des métiers techniques. 
« De nos chiffres, nous ne pouvons que tirer des conclusions prudentes, déclaraient Filip Vanderoost et Susan Van der Wielen. L’enquête visait un groupe cible spécifique, qui n’est pas représentatif de l’ensemble de la population. Ce qui est toutefois pertinent sur le plan scientifique, ce sont les importantes différences mutuelles au sein de ce groupe. »

    Dans la classe socioéconomique inférieure, il y a donc bel et bien un lien entre les pensées suicidaires et la crise. La raison donnée par les personnes interrogées à leur licenciement est généralement liée aussi à la crise : faillite, restructurations, fin de contrat…

    Quelques chiffres

    Quelques chiffres ressortaient de leur enquête. Parmi ceux-ci, on pouvait voir que 36 % des patients qui ont été licenciés au cours de l’année 2011 ont pensé au suicide. D’après l’Enquête nationale sur la santé en Belgique (2008), 4 % de la population belge a pensé au suicide au cours de l’année écoulée.

    Alors que la semaine dernière, l’Echo alertait sur le risque de voir l’année 2013 battre des records en terme de fermeture d’entreprises (8 904 sociétés ont fermé lors des neufs premiers mois, soit une hausse de 12,14 % par rapport à la même période un an auparavant), se dirige-t-on aussi vers un record de suicides dus au travail ? Il est trop tôt pour le dire.

    Mais ce qui est certain, c’est qu’Alain ne sera pas le dernier. La crise économique provoque la faillite d’entreprises. Ce qui augmente le chômage. Qui augmente le taux de dépressions. Qui peuvent mener au suicide. D’où l’importance de lutter, comme l’a fait Alain pendant plus de 31 ans. Comme il le résume dans la dernière phrase de sa lettre d’adieu, « merci à tous les battants ».

     

    Lire la lettre d'adieu d'Alain ici

    Chez Ford aussi...

    Un amoureux de la nature
    Alain adorait les oiseaux. Il possédait une voilière. C’est d’ailleurs un CD de chants d’oiseaux qui résonnait au funérarium. Un petit oiseau sur le cercueil. Marco Liradelfo raconte : « Alain a même coupé les ongles de mon canari que j’avais amené à l’usine. » Il aimait la nature, il avait un étang dans son jardin dont il parlait souvent.
    « Son travail c’était sa deuxième famille. Et se dire qu’on va perdre sa deuxième famille, c’est dur », d’après ses collègues.Son père était mineur. Ce qui lui a donné très vite l’envie de s’engager dans le syndicat. Il a été délégué FGTB chez MultiServ avant de l’être à Cockeril, ancêtre d’ArcelorMittal.
    « C’était un travailleur qui avait un très grand sens des responsabilités. Alain n’avait pas été beaucoup à l’école (il a commencé à travailler à 14 ans) mais avait atteint le plus haut poste qu’il pouvait atteindre : brigadier, responsable de fabrication en laminoir. Il était rigoureux dans sont travail, il fallait travailler proprement. Il aimait surtout encadrer les jeunes, surtout pour transmettre son métier aux jeunes et transmettre aussi sa culture de combat », raconte Frédéric Gillot.

     http://www.ptb.be/nouvelles/article/arcelormittal-liege-funerailles-en-tenue-de-travail.html


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  • espana-desigual.jpgEn Espagne, l'austérité conduit à l'explosion des inégalités : deux fois plus de millionnaires et de personnes dans la misère depuis 2008

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    En Espagne, comme ailleurs, l'hypocrisie du discours sur le « fardeau des sacrifices » à supporter équitablement vole en éclats : la politique d'austérité se révèle une politique de classe pour transférer les richesses des travailleurs vers le capital.

     

    Deux études publiées cette semaine en Espagne révèlent les effets des politiques suivies depuis 2008 en Espagne au nom du sauvetage de l'Euro et de l'UE : austérité et appauvrissement pour la majorité des travailleurs, cadeaux et prospérité pour les entreprises et les riches.

     

    D'un côté, l'organisme de charité religieux « Caritas » révèlent que l'Espagne compte désormais 3 millions de personnes vivant dans l'extrême pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 300 € par mois. Leur nombre a doublé depuis le début de la crise, en 2008.

     

    « Caritas » souligne qu'elle aide désormais 1,3 millions d'Espagnols, un nombre trois fois plus élevé qu'en 2009. La « Croix-Rouge », elle, déclare assister 2,4 millions de personnes. Elle a livré 1 millions de colis alimentaires en 2012, 350 000 produits d'hygiène et vêtements

     

    La progression de la charité privée est en proportion inverse du désengagement de la solidarité publique. Depuis 2008, les gouvernements socialistes comme conservateurs ont réduit les allocations-chômage, maternité ou encore logement.

     

    Cet extrême dénuement trouve une explication partielle dans les chiffres record du chômage : six millions d'Espagnols sont au chômage en septembre 2013, 26% de la population active, 56% des moins de 25 ans.

     

    Une situation dont les travailleurs ne sont plus exclus. Le développement massif de la précarité, lot obligé de la jeunesse espagnole, conduit à l'explosion des travailleurs pauvres. Selon Caritas, le taux de pauvreté en Espagne est désormais de 21%, soit 12 millions de personnes.

     

    Il cache aussi une misère plus ordinaire : 40% des Espagnols ne peuvent faire face à des dépenses imprévues, 15% n'arrivent plus à boucler les fins de mois tandis qu'un ménage sur huit est en « précarité énergétique », dans l'incapacité de payer ses factures d'énergie.

     

    Les expulsions de logement ont également explosé depuis le début de la crise, 250 000 depuis 2008 avec un nouveau triste record de 75 000 expulsions en 2008.

     

    De l'autre côté, le « Crédit Suisse » a publié son rapport sur l'évolution des grandes fortunes mondiales. L'Espagne se porte bien : dixième pays au monde pour son nombre de grandes fortunes.

     

    L'Espagne compte en effet 402 000 millionnaires, soit 13% de plus qu'en 2012, 45 000 nouveaux élus. Depuis 2007, leur chiffre a connu une progression spectaculaire, ils étaient alors près de 170 000.

     

    Selon la banque suisse, cette irrésistible ascension devrait se poursuivre. D'ici 2017, leur chiffre devrait atteindre les 600 000, doublant depuis 2011.

     

    Conséquences des plans d'austérité cyniques adoptés depuis 2008, d'abord par le gouvernement socialiste de Zapatero

     

    Ces chiffres déchirent le voile du cynisme de la classe dominante espagnole et européenne, et de ceux qui la servent – partis de droite comme le PP (Parti populaire) ou supposés de gauche comme le PSOE.

     

    Car le premier responsable de cette explosion des inégalités, c'est le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero qui a appliqué dès 2008 un « plan de relance » (le plan E) destiné aux grandes entreprises et aux plus riches.

     

    Cette année-là, l'Etat accordait plusieurs milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises des secteurs en crise (immobilier, automobile, tourisme, banques), baissait l'Impôt sur les Sociétés de 2,5 points tout en supprimant l'Impôt sur les grandes fortunes.

     

    Dans le même temps, en particulier avec le plan d'austérité de 2010, il baissait les salaires des fonctionnaires de 5 %, déremboursait une série de médicaments, réduisait ou supprimait les allocations sociales, tandis qu'il augmentait de deux points la TVA.

     

    La « réforme du marché du travail », entamée sous Zapatero a, elle, trouvé une continuité dans le dernier plan d'austérité du gouvernement de droite de Mariano Rajoy. La dernière réforme assouplit encore les conditions d'emploi et de licenciement, dans les intérêts exclusifs de l'employeur.

     

    Le Premier ministre espagnol s'est même félicité récemment (mais au Japon) que la « flexibilisation de la main d'oeuvre » entreprise sous son mandat ait conduit à la baisse des salaires réels dans le secteur privé, une baisse confirmée par une étude de la « Banque d'Espagne ».

     

    La colère monte en Espagne contre la politique menée par les deux partis du consensus dominant, par la politique d' « austérité » à sens unique, les concessions faites à la « Troika » (UE, BCE, FMI) pour mieux défendre les intérêts de la classe dominante espagnole.


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    Que faire ?

    CE MERCREDI 16 OCTOBRE 2013   A 19H00 *  

    C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »  

    Sur RADIO CAMPUS Lille 106,6  

    En direct et en archives sur www.campuslille.com                

    C’est en 1902 qu’un certain Lénine pose la question : que faire ? La Commune a été écrasée il y a 30 ans à peine, et Marx est mort il y a 20 ans. Le partage du monde capitaliste se termine peu à peu, les puissances coloniales se disputant les derniers morceaux du continent africain. En Europe, la classe ouvrière arrache, malgré une répression féroce, ses premières conquêtes. Mais face à la crise et quelque temps avant la grande boucherie impérialiste de 14, alors que le mouvement ouvrier commence à se diviser sur la question du réformisme ou de la révolution, il s’agit de tracer une route qui ne soit pas une impasse.

    Un siècle et des poussières plus tard, l’Union Sacrée du réformisme avec la bourgeoisie et ses marchands de canons n’en finit pas de se poursuivre ; la question de Lénine a été tranchée par l’Histoire et 1917 ; puis, contredisant en apparence 1917, la défaite du camp socialiste a finalement semblé sceller la question pour toujours : il n’y avait rien à faire.              

    Mais l’Histoire n’est pas terminée. Face aux dangers du capitalisme en crise, la nécessité d’un autre monde a ressurgi. Et alors à nouveau, dans la foulée, la question : que faire ? Posée timidement, elle reste dans le camp de l’opportunisme. Posée franchement, elle amène à des développements intéressants.              

    Alors nous l’avons posée franchement à des militants des partis communistes turc, néerlandais, italien, et portugais. C’était à Manifiesta le 21 septembre dernier. Si leurs réponses laissent entrevoir, parfois, quelques nuances, en tout cas la question est la même pour tous.    

    *Radio Campus est partenaire du Ciné Cité Social http://www.cinecitesocial.org/ et diffuse à ce titre reportages et débats en direct.

    « L’heure de l’mettre », ce sera donc exceptionnellement à 19 h.              

    "l'heure de l'mettre"
    radio campus lille 106,6
    en direct sur www.campuslille.com


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    Rouge Midi
    http://rougemidi.fr/spip.php?article8107
    La doctrine « trop grandes pour être condamnées » ou comment les banques sont au-dessus des lois
    lundi, 14 octobre 2013  

    Dans une période caractérisée par le pouvoir économique et politique croissant du système financier au niveau mondial, l’utilisation de ressources publiques pour sauver des entités bancaires est devenue un lieu commun.

    Que ce soit à Chypre, en Grèce, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les sauvetages bancaires d’institutions impliquées dans des affaires de corruption, de fraude et de spéculation sont, les uns après les autres, justifiés par le fait qu’elles sont trop grandes pour faire faillite (Too Big to Fail). Selon ce raisonnement, la banqueroute de grandes banques menace la stabilité financière et économique de leur pays de résidence, d’où l’utilisation nécessaire de l’argent public afin d’éviter une mise en faillite.

    Rabâché inlassablement par tous les médias possibles, cet argument est malheureusement devenu un élément rebattu du discours politique dans une bonne partie du monde. Il n’est dès lors plus surprenant d’entendre un fonctionnaire public en Espagne, au Portugal ou en Irlande signaler qu’il n’y a pas d’alternative à l’application de coupes drastiques dans les dépenses publiques, ceci afin d’assurer la solvabilité et la stabilité des banques. Le comble, c’est que transférer de l’argent public aux banques ne suffit plus, il faut en outre protéger les banques et leurs dirigeants des conséquences légales et juridiques des activités illégales et criminelles menées par nombre d’entre eux. Aujourd’hui, les banques sont non seulement trop grandes pour faire faillite, mais aussi trop grandes pour être condamnées.

    Le point clef de la nouvelle doctrine visant à offrir un blanc-seing aux banques, indépendamment des activités illégales dans lesquelles elles sont impliquées et des conséquences sociales de celles-ci, a été résumé par Eric Holder, procureur général des États-Unis. Interrogé au sein du Sénat étasunien sur la position de la Cour des Comptes quant à la condamnation des banques étasuniennes et de leurs dirigeants pour des actes de corruption et de fraude, Holder souligna que « ces institutions sont si grandes qu’il est difficile de les poursuivre en justice, et le faire montre qu’effectivement, si on les inculpe pour activités criminelles, cela peut avoir des répercussions négatives pour l’économie nationale, voire mondiale »  [1].

    Les retombées de cette position sont claires. Le fait que les excès et la spéculation financière aient causé la pire crise économique du siècle dernier n’a aucune importance. Que de tels excès soient associés a une épidémie de fraudes [2], à tous les niveaux d’opérations des entités financières, est insignifiant. Et ce n’est qu’un détail si, suite aux pratiques frauduleuses des banques, 495 000 personnes au moins aux États-Unis ont été expulsées illégalement de leurs logements [3] et les fonds de pensions des pays développés ont perdu près de 5400 milliards de dollars [4]. Le rôle des banques est apparemment si important et indispensable que leur fonctionnement transcende les requêtes légales et constitutionnelles des sociétés modernes. Dès lors, la justice détourne le regard des banques et des dirigeants responsables d’actes de corruption et de fraude pour leur éviter de passer ne serait-ce qu’un jour en prison. En fin de compte, on ne peut tout de même pas poursuivre en justice un dirigeant d’une institution bancaire qui « ne fait que le travail de Dieu » [5], des mots de Lloyd Blankfein (CEO de Goldman Sachs).

    Les arguments ci-dessus pourraient prêter à sourire si les conséquences de la doctrine « trop grandes pour être condamnées » n’étaient pas régulièrement visibles par le biais de plusieurs affaires judiciaires très médiatisées, ces derniers mois, des deux côtés de l’océan. Les affaires se suivent et la justice se borne à des amendes qui représentent bien souvent une maigre fraction des bénéfices issus d’activités illégales, sans qu’aucun dirigeant ne soit inquiété. Trois exemples suffisent pour témoigner de l’absurdité de la situation actuelle : le jugement sur les expulsions illégales de logement (« foreclosures ») aux États-Unis, HSBC épinglée pour blanchiment d’argent des cartels de la drogue également aux États-Unis, et l’affaire sur la manipulation du taux LIBOR au Royaume-Uni.

    Premier exemple. En janvier 2013, Bank of America, aux côtés de neuf autres banques (parmi lesquelles Citigroup, J.P. Morgan Chase, Goldman Sachs), a convenu avec des régulateurs fédéraux étasuniens de payer une amende de 9,3 milliards de dollars (9 300 000 000 dollars) pour clore l’enquête sur la responsabilité des banques dans les expulsions illégales de maisons [6]. L’affaire contre ces institutions financières se basait sur leur incapacité à fournir les documents justifiant l’expulsion de propriétaires en retard de paiement d’un crédit hypothécaire. La régulation inexistante et le volume élevé de crédits de ce type, accordés dans la période précédant la crise, ont mené les banques à embaucher du personnel chargé de signer quotidiennement des centaines de documents approuvant les expulsions sans suivre la procédure légale. Les banques se sont saisi de logements sans justification économique ou légale dans au moins 450 000 cas. En dépit des dommages massifs causés par les pratiques frauduleuses des banques, l’amende ne s’élève qu’au paiement de moins de 300 dollars par foyer affecté [7]. Malgré les preuves, aucune arrestation ni charges criminelles n’ont été retenues à leur encontre, et l’accord exempte les banques de leur responsabilité à répondre financièrement ou légalement à des accusations similaires survenues au cours de la période antérieure.

    Le cas de la banque HSBC illustre le deuxième exemple de la doctrine « trop grandes pour être incarcérées ». Au cours de la dernière décennie, HSBC a collaboré avec les cartels de la drogue du Mexique, de Colombie et avec d’autres organisations terroristes dans le blanchiment d’argent pour un montant de près de 880 milliards de dollars [8]. Les relations commerciales de la banque britannique avec les cartels de la drogue ont perduré malgré les centaines de notifications et avertissements du Département de la Justice des États-Unis. Les bénéfices obtenus ont non seulement conduit HSBC à ignorer les avertissements mais, qui plus est, à ouvrir des guichets spéciaux dans ses locaux à Mexico, où les narcotrafiquants pouvaient déposer des caisses emplies d’argent liquide, pour faciliter le processus de blanchiment [9]. Malgré l’attitude ouvertement provocante de HSBC envers la loi, les conséquences de sa collaboration directe avec des organisations criminelles furent pratiquement nulles. HSBC dut payer une amende de 1,2 milliards de dollars - soit l’équivalent d’une semaine de recettes de la banque - pour clore l’affaire de blanchiment. Pas un seul dirigeant ou employé n’eut à essuyer de poursuites criminelles, bien que la collaboration avec des organisations terroristes ou la participation à des activités liées au narcotrafic requièrent des peines d’au moins cinq ans de prison. Être employé de n’importe quelle grande banque à travers le monde semble être un blanc-seing pour participer au trafic de drogue sans crainte d’être poursuivi en justice.

    Le 3ème et dernier exemple est lié à la manipulation du taux LIBOR (London Interbank Offered Rate) par un groupe de dix-huit banques. Le LIBOR est le taux d’intérêt de référence sur base duquel se calculent les taux de retour de 700 000 milliards (700 millions de millions) de dollars d’actifs et de dérivés financiers, ce qui en fait le taux de référence sans doute le plus important au monde. Ce taux est calculé sur base de l’information fournie par dix-huit banques quant à leurs coûts individuels de financement sur les marchés interbancaires. En 2012, des preuves ont révélé la collusion entre de grandes banques, comme UBS et Barclays, afin de manipuler le LIBOR conformément à leurs intérêts. Comme dans les cas précédents, le résultat fut prévisible. Aucune poursuite criminelle à l’encontre des responsables et des amendes d’un montant ridicule en comparaison de l’ampleur de la manipulation : un total de 450 millions de dollars pour Barclays, 1500 millions pour UBS et 615 millions pour RBS [10].

    Bien que les banques en question ont accepté les accusations de manipulation et par conséquent les sanctions imposées par la justice britannique, la justice étasunienne a statué différemment. Le 29 mars, Naomi Buchwald, juge du District de New York, a exempté les banques impliquées dans le scandale de toute responsabilité légale face à des personnes ou institutions affectées par la manipulation du LIBOR [11]. Pour protéger les banques de possibles plaintes pour collusion et pratiques monopolistiques, elle basa son argumentation sur le fait que la fixation du taux LIBOR ne relève pas des lois sur la concurrence. Les banques peuvent dès lors s’accorder sur le taux sans que cela ne constitue une violation des lois antitrust aux États-Unis. La fixation des taux sur les marchés des Swaps et des CDS étant similaire - via l’envoi des taux par les participants, dont on fait la moyenne pour obtenir le résultat final -, ce verdict crée un dangereux précédent, ouvrant la porte à la manipulation manifeste par de grandes institutions financières des prix et taux clefs qui régissent le fonctionnement des marchés financiers globaux.

    Il apparaît clairement que les banques et autres grandes institutions financières de portée mondiale tendent vers un niveau totalement méconnu de cynisme et d’abus de pouvoir. Aujourd’hui, mettre l’argent public à disposition des entités financières dès que leurs paris spéculatifs tournent mal ne suffit plus. Désormais, la loi s’adapte afin de protéger les responsables et de justifier a posteriori toute conduite illégale ou criminelle dont ils se seraient rendus coupables. Un tel contexte, où règne l’impunité, encourage les dirigeants des firmes financières à davantage d’abus et de prises de risque. Ils sont confrontés à une situation dans laquelle, au meilleur des cas, le montant de leurs bonus augmente suite à l’augmentation des revenus de la banque, indépendamment de l’origine illégale des ressources ou du fait qu’elles soient issues d’activités financières spéculatives extrêmement risquées. Dans le pire des cas, s’ils sont découverts, ils n’ont qu’à quitter l’institution, ils ne seront pas poursuivis par la justice et conserveront sur leurs comptes bancaires l’entièreté des bénéfices obtenus. Tant que ce genre d’incitants pervers est maintenu, les abus et le pillage des ressources publiques de la part du système financier ne peuvent qu’aller croissant au fil du temps.

    Daniel Munevar le 20/09/2013
    Traduit par Cécile Lamarque

    Transmis par Linsay

    [1] Voir “Holder admits some Banks too big to jail”, disponible sur : http://www.huffingtonpost.com/2013/...

    [2] Une étude récente sur les pratiques de crédits des banques aux Etats-Unis signale qu’en dépit de leur hétérogénéité, les irrégularités et les faux sont présents à divers degrés dans toutes les institutions financières analysées. Voir “Asset Quality Misrepresentation by Financial Intermediaries : Evidence from RMBS Market”, disponible sur : http://papers.ssrn.com/sol3/papers....

    [3] Voir “Banks to pay $8,5 billion to speed up housing relief”, disponible sur : http://dealbook.nytimes.com/2013/01...

    [4] Voir OECD (2010) “The Impact of the Financial Crisis on Defined Benefit Plans and the Need for Counter-Cyclical Funding Regulations”, disponible sur : http://www.oecd.org/insurance/priva...

    [5] Voir “Goldman Sachs Blankfein : Doing Gods work”, disponible sur : http://blogs.wsj.com/marketbeat/200...

    [6] Voir “The Top 12 Reasons Why You Should Hate The Mortgage Settlement”, disponible sur : http://www.huffingtonpost.com/yves-...

    [7] Voir “The Banks penalty to put robbosining behind them : 300 dollars per person”, disponible sur : http://www.zerohedge.com/news/2013-...

    [8] Voir “Elizabeth Warren Savaged A Treasury Official During A Hearing On HSBC’s International Money Laundering Scandal” disponible sur : http://www.businessinsider.com/eliz...

    [9] Voir “Gangster Bankers : Too Big to Jail”, disponible sur : http://www.rollingstone.com/politic...

    [10] Voir “Everything is rigged : The biggest price fixing scandal ever”, disponible sur : http://www.rollingstone.com/politic...

    [11] Voir “Judge dismisses antitrust claims in LIBOR suits” disponible sur : http://online.wsj.com/article/SB100...

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article8107


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  • La télévision de l'ignoble : France 2, Pujadas, Copé et la chômeuse

     
     Dans l'émission "Des Paroles et des actes", jeudi 10 octobre, David Pujadas a confronté Jean-François Copé à une femme au chômage. 
    À l'arrivée, une séquence surréaliste où la détresse d'une personne a été détournée pour n'en faire qu'un produit à faire du buzz pour l'audimat.
     
     Bruno Roger-Petit.

    La chômeuse rigolote en vedette, ce fut le grand moment de l'émission des "Paroles et des actes" sur France 2, avec pour invité Jean-François Copé. Tragique et terrible moment, illustration de tous les maux de la télévision.
     
    "Des Paroles et des actes" a une apparence : un quarteron de journalistes jouant au fact checking, confrontant la parole des politiques à leurs actes. Elle a une réalité, un présentateur et un directeur de l'information, partisans de la société du spectacle, ambitieux d'audience et fanatiques de la part de marché.
    Dans la dernière production de l'émission, consacrée à Jean-François Copé, David Pujadas et ses camarades de France 2 ont eu l'idée de confronter les propositions du président de l'UMP en matière d'indemnisation du chômage et allocations sociales à la réalité de la vie d'une chômeuse, invitée en tant que témoin du réel.
     
    A priori, pourquoi pas se dit-on. Sauf que, comme souvent dans les émissions de Pujadas, la bonne intention dissimule toujours une manipulation.Quand Isabelle Maurer apparait sur l'écran, le téléspectateur note immédiatement qu'elle n'est pas sur le plateau de France 2, au milieu de la noblesse politico-médiatique. Elle est assise sur un canapé bas de gamme, à côté d'une lampe bon marché qui diffuse une lumière blafarde.
     
    On commence par se dire qu'elle est chez elle, qu'il s'agit d'un duplex, mais non, elle vend la mèche, "je ne suis pas venue de Mulhouse pour juste vous souhaiter le bonsoir", ce qui veut dire qu'elle est dans une loge, quelque part à proximité du plateau de l'émission, en duplex.
     
    Pourquoi n'est-elle pas face à Copé, comme Saint-Cricq, Lenglet et les autres ? Pourquoi celle qui est censée incarner la vraie France, les vraies gens, n'a-t-elle pas accès à ce lieu sacré ? Pourquoi cette représentation d'une coupure entre ceux qui ont le droit d'être entre eux et cette Française "représentative" ?

     

    L'irruption soudaine du réel

     
    Et elle crève l'écran Isabelle Maurer. Elle parle, parle, parle... Elle sait qu'elle n'a que peu de temps, qu'il faut faire vite. Elle connait la mécanique de la télévision, comme tous les téléspectateurs de l'époque. Elle ne s'arrête pas, elle sait que marquer une pause, c'est s'exposer à être interrompu. De sa faiblesse, ne pas être sur le plateau, elle fait une force, car il est plus difficile pour un présentateur de couper un invité en duplex que présent sur le plateau.
     
    Alors elle parle, puis elle crie, puis elle hurle... Elle lance à la face de Copé, qui veut lui réduire ses allocations chômage, qui lui dit que ne travaillant pas elle est une assistée, elle lui jette à la face sa vérité, celle d'une femme qui vit avec 471 euros par mois, celle des classes populaires de ce début de XXIe siècle, entre "L’Assommoir" de Zola et "Les Démons de Jésus" de Bonvoisin...
     
    Copé, d'instinct, sait qu'il ne faut rien faire et rien dire. Il sait que plus vite la séquence se terminera, plus vite il en finira avec cette irruption du réel dans l'émission. Car sur ce réel, il ne peut avoir de prise, lui, le politique. Parce que le politique est général et qu'il ne s'adresse jamais au particulier. Le témoignage en direct auquel il est confronté n'est pas anonyme, comme celui servi à Christiane Taubira il y a quelques semaines, mais la mécanique du piège est identique.
     
    Donc Copé attend, laisse la bête de télévision dévorer l'écran. Il sait que tout cela ne durera que quelques minutes, et que l'on aura tout oublié après. Que le conducteur de l'émission reprendra ses droits. Pour la forme, il fait mine de vouloir répondre à la dame, mais voyant qu'il est débordé, il adopte la posture du type qui trouve cela marrant.
     
    Copé a beau ne pas être aimé, il sait que la télévision est le média de l'émotion et que compte tenu de son impopularité, il ne peut pas se payer le luxe de se confronter de manière conflictuelle à l'émotion qu'engendre nécessairement Isabelle Maurer chez les téléspectateurs. Attendre donc. Attendre la fin du moment de télé.

     

    Le chômage comme objet de divertissement

     
    Et c'est là que le piège se retourne contre Isabelle Maurer. Elle crève tellement l'écran, avec sa manière de s'exprimer, sublime femme du peuple en colère s’efforçant à la dignité, empêchant Jean-François Copé, qui n'a plus ouvert lui-même la portière d'une automobile depuis quinze ans, de lui répondre, que le moment finit par en devenir comique.
     
    Copé sourit. Pujadas sourit. Lenglet sourit. Le public du plateau sourit. Comme elle est drôle Isabelle, la chômeuse en colère ! "Vas-y Zaza, rentre lui dedans au Copé ! T'as cinq minutes encore !"
     
    C'est le moment où tout se renverse, où la dramaturgie bascule. Parce que la séquence tourne au comique de situation, parce que tout le monde en sourit, on perd le sens de la présence d'Isabelle Maurer.
     
    Et l'on découvre alors le pot-aux-roses, la perversité des responsables de l'émission : si elle est là, sur l'écran, c'est bien parce qu'elle a été castée, repérée, identifiée. Sa faconde, l'émotion qu'elle dégage ont été nécessairement décelées par les journalistes de "DPDA". Elle est marrante, c'est une bonne cliente. Elle a un accent alsacien pittoresque. Elle va nous mettre le feu au plateau. Elle va nous faire marrer. Elle est tellement poilante. Ça va être un grand moment de télé.
     

    Pour Pujadas, le chômage est un objet de divertissement, et Isabelle Maurer en est le vecteur idéal.
     
    Et c'est ainsi que les choses se passent. On lui a dit qu'elle pourrait se faire entendre. Que ce serait une occasion exceptionnelle de dire ce qu'elle a sur le cœur, ce qu'elle vit dans sa chair. Mais c'est un marché de dupes. Isabelle est là pour nous faire poiler. C'est la séquence comique de l'émission. Sa détresse est un prétexte. On n'est pas là pour compatir, mais pour rire. Comme elle est rigolote la chômeuse avec son fils ouvrier chez Peugeot qui dit que la retraite à 63 ans quand on a fait ce boulot, c'est dégueulasse. Comme elle est cocasse. On s'est pas planté dans le casting.
     
    En vérité, la télé, France 2, Pujadas et les autres se foutent de sa gueule à Isabelle Maurer.
     

    L'élite rit de la misère du petit peuple

     
    Ce n'est pas un être humain à qui l'on donne la parole, c'est une bête de scène que l'on produit, une Jackie Sardou de province destinée à occuper le temps de cerveau disponible du téléspectateur.
     
    Et l'on comprend alors ce que signifie le dispositif technique retenu. Si Isabelle Maurer n'est pas sur le plateau, avec Pujadas, Copé et les autres, c'est parce qu'elle n'est pas du même monde. La coupure entre le haut et le bas, le sommet et la base, l'élite et le peuple, la distance qui sépare deux mondes, deux France, apparaît dans sa vérité brutale.
     
    La séparation d'Isabelle du reste du plateau signifie qu'elle ne peut avoir sa place dans cet univers là. Elle n'est pas dans le code, dans les usages. Elle n'est pas de chez eux. Qu'elle fasse marrer, oui, mais dans un studio, à coté du grand studio.
     
    Donc, à la fin, quand Isabelle Maurer tire la langue comme pour signifier que l'épreuve l'a éreintée, elle qui n'aura accès à la télé, durant toute son existence, que pour ce quart d'heure warholien, tout le monde rit. Copé rit. Pujadas rit. Lenglet rit. Le public rit. L'élite rit de la misère du petit peuple, voilà ce que dit l'image qui clôt la séquence "chômeuse rigolote en colère", sa misère réduite à un moment comique dans une émission de télévision.
     
    Isabelle Maurer ne s'en rend pas compte, mais Pujadas lui a volé son malheur, souillé sa dignité, réduit sa vie à n'être qu'un objet de potacherie pour étudiants prolongés en charge d'une émission de service public. C'est d'une cruauté insigne.
     
    Et devant la télévision, face à ces rires, devant cette expression de la pire des dominations de classe, on se sent triste, tellement triste. On lit les tweets, en temps réel des confrères journalistes ou des autres "twittos" qui, peu au fait du langage binaire de la télévision, ne voient que la bête de scène qui a crevé l'écran mais qui ne comprennent pas que le sous-texte de la séquence est ravageur.
     
    Et puis, passé cet éphémère abattement, on tire les conclusions de ce que l'on vient de voir. Cette coupure entre France d'en haut et France d'en bas... Cette misère, cette détresse que l'on entend pas, que l'on néglige, que l'on traite en objet de dérision pour la télévision..
     

    Une séquence tragique

     
    On pense à Isabelle Maurer, livrée en pâture pour l'audimat, et qui dans les jours qui viennent sera interpellée dans la rue par des gens qui lui diront sans doute "Vous nous avez fait marrer !" "Vous avez été formidable !" et qui se rendra compte, in fine, même si elle niera, ce qui est compréhensible, que le message qu'elle voulait transmettre a été effacé par la manipulation qui a été faite de son personnage.
     
    On pense à ceux que France 2 n'aurait jamais castés et propulsés en direct dans l'émission. Isabelle Maurer, provinciale et blanche, sentant bon le terroir et la France de souche avec son accent alsacien, avait sans doute plus de chances de se retrouver là, indirectement confrontée à Copé, que bien des jeunes issus de l'immigration, tout aussi citoyens français qu'elle. Mais ceux là, jamais ils ne seront conviés sur un plateau de télévision. Et chacun sait pourquoi. Dans son malheur, Isabelle Maurer a de la chance. C'est une chômeuse qui ne fait pas peur. Elle ne "clive" pas, elle est "fédératrice" comme on dit à la télévision.
     
    On pense à cette France populaire qui se sent abandonnée, si ce n'est rejetée. Cette France qui, comme Isabelle Maurer, voudrait travailler mais ne peut pas. Cette France que l'on cantonne sur un bout de canapé usé, dans une loge de boîte de production transformée en studio d'occasion, loin du plateau, noble majestueux, réservé à l'élite politique et médiatique nationale.
     
    On pense à ces électeurs en colère, à ces électeurs qui sont aussi des téléspectateurs et qui, comme vous, comme moi, comme nous, savent lire le dispositif d'une émission de télévision, le décrypter, et l'on se dit : combien de voix encore cette séquence tragique a-t-elle apportées au Front national ? Combien de voix pour Marine Le Pen ?
     
    C'est là qu'est la faute, le crime de Pujadas et de ses complices : ne faire de la télévision que pour faire de la télévision. Au moins ont-ils pour circonstance atténuante de ne même plus se cacher, de ne pas dissimuler le cynisme de leurs méthodes, leur fracture avec la cause du peuple, leur rupture avec l'idée même de service public. Ainsi Nathalie Saint-Cricq, interpellée par Copé au sujet de la mise en scène, très "Star Trek", déployée par la chaîne pour lui présenter les mauvais sondages le concernant et lui répondant, mi-ironique, mi-arrogante : "Ben oui, c'est de la télé".

       

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  • Politique - le 14 Octobre 2013

    Retraites

    Le racket sur les retraites entériné ?

    Les députés se prononcent demain mardi par un vote solennel sur l'ensemble de la réforme des retraites. Les organisations syndicales CGT, FO, FSU et SOLIDAIRES ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation.

    «La réforme des retraites méritait mieux que cela. » C’est en substance ce que dénoncent les députés du Front de gauche, les radicaux et plusieurs membres de la majorité. En dépit du fiasco sur le vote concernant le report de la hausse des pensions, les députés ont achevé plus tôt que prévu, dans la nuit de vendredi à samedi, l’examen de la réforme des retraites, menée pour la première fois par un gouvernement socialiste. À ce titre, les députés du Front de gauche ne décolèrent pas, dénonçant « l’acharnement du gouvernement à dicter leur vote aux parlementaires sur une mesure rejetée par cinq groupes parlementaires sur six et qui frappera les retraités les plus modestes ».

    L’assemblée avait effectivement supprimé dans la nuit de mercredi à jeudi cet article 3, avant que huit socialistes ne plaident « l’erreur technique ». Pourtant plusieurs députés de la majorité sont montés au ­créneau sur cette mesure injuste, avant que Jean-Marc Ayrault ne les rappelle à l’ordre. Après une semaine de débats, le projet de loi n’aura donc été modifié qu’à la marge. Le gouvernement n’aura eu qu’à assouplir les règles du compte pénibilité pour faire avaler la pilule dans ses propres rangs.

    Seuls les députés du Front de gauche et quelques radicaux ont défendu des centaines d’amendements pour améliorer le texte, faiblement relayés en dehors de l’Hémicycle. « Le peuple de gauche a la tête dans le sac », regrette leur chef de file, André Chassaigne, qui rappelle que cette réforme ne revient pas sur le passage de soixante à soixante-deux ans de l’âge légal de départ à la retraite, institué en 2010 par Nicolas Sarkozy.

    • 150 rassemblements demain

    A Paris, la CGT, FO, FSU et Solidaires donnent rendez-vous sur le pont de la Concorde, face à l’Assemblée nationale, pour dénoncer cette « contre-réforme des retraites ». Le rendez-vous est à 12h30 au départ de St Augustin à l'appel de la CGT, FSU et SOLIDAIRES… Pour rejoindre le rassemblement unitaire, initié par FO, sur le Pont de la Concorde - face à l'Assemblée Nationale.

    • La carte des rassemblements de la CGT

    Pour visualiser l'ensemble des 151 rassemblements, cliquez sur la carte.

    Maud Vergnol


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  • Une déclaration transatlantique des droits des multinationales

    Les Dessous de Bruxelles publient la traduction française de l’excellent rapport rédigé par le réseau Seattle to Brussels, Corporate Europe Observatory et Transnational Institute sur les dangers de l’accord de libre-échange et d’investissement entre l’Union européenne et les Etats-Unis.La traduction a été réalisée par les auteurs. La version originale du texte est disponible sur le site du CEO.

    11 octobre
    Une déclaration transatlantique des droits des multinationales

    Le mandat de négociation pour un accord étendu de libre commerce avec les Etats-Unis révèle la volonté de la Commission européenne de renforcer le pouvoir des entreprises transnationales. Le texte du mandat fait suite à une intense et longue campagne des lobbies de l’industrie et des officines juridiques pour permettre aux grandes compagnies de contester les réglementations nationales et internationales si elles affectent leurs profits.

    Ainsi, les Etats membres de l’UE peuvent voir leurs lois domestiques de protection des intérêts publics contestées dans des tribunaux offshore, secrets, dans lesquels les lois nationales n’ont aucun poids et les élus politiques aucun pouvoir d’intervention.

    La proposition de la Commission concernant le règlement des conflits entre investisseurs et Etats dans le Partenariat transatlantique pour le commerce et les investissements (PTCI) [1] autoriserait les compagnies américaines investissant en Europe à contourner les cours de justice européennes et d’attaquer directement l’UE et ses gouvernements devant un tribunal international ad hoc dès lors qu’elles estimeraient que les lois réglementant les domaines de la santé, de l’environnement, ou de la protection sociale interfèrent avec leurs profits. Les compagnies européennes investissant aux États-Unis auront le même privilège.

    A travers le monde, les entreprises transnationales ont déjà utilisé les organismes de règlement des conflits investisseurs-Etats et les accords sur le commerces et l’investissement pour réclamer des sommes vertigineuses en compensation de lois démocratiques prises dans le but de protéger l’intérêt public (voir ci-dessous). Parfois la simple menace d’une plainte ou son dépôt a suffi pour voir des législations abandonnées ou privées de substance. Dans d’autres cas, des tribunaux ad-hoc, c’est-à-dire un panel de 3 membres issus d’un club d’avocats privés et englués dans des conflits d’intérêts [2] – ont ordonnés que des milliards d’euros soient versées aux entreprises, milliards sortis de la poche des contribuables.

    Une multiplication des conflits

    En tant que principaux bénéficiaires des traités internationaux existant sur les investissements, les entreprises américaines et européennes ont multiplié les litiges investisseurs-Etat dans les deux dernières décennies. La plupart des 514 conflits ouverts à la fin 2012 ont été lancé par les investisseurs américains. Ils ont déposé 24% (129) de toutes les plaintes. Les suivants sont les investisseurs néerlandais (50 plaintes), ceux du Royaume Unis (30) et d’Allemagne (27). Ensemble, les investisseurs des Etats membres de l’UE ont déposé 40% de tous les recours connus [3].

    Les sociétés européennes et américaines ont utilisé ces procédures pour contester les politiques d’énergie verte et de santé publique, les législations anti-tabac, les interdictions de produits chimiques dangereux, les restrictions environnementales sur l’exploitation minière, les politiques d’assurance santé, les mesures d’amélioration de la situation économique des minorités et bien plus encore. Quelques conflits emblématiques :

    Multinationales contre santé publique

    - Philip Morris v. Uruguay et Australie : Au travers d’un traité bilatéral d’investissements, le géant du tabac Philip Morris poursuit en justice l’Uruguay et l’Australie sur leurs lois anti-tabac. La compagnie soutient que les encadrés d’alerte sur les paquets de cigarettes et les simples emballages les empêchent d’afficher effectivement le logo de leur marque, causant une perte substantielle de leur part de marché [4].

    - Achmea v. la république slovaque : Fin 2012, l’assureur néerlandais Achmea (anciennement Eureko) a reçu 22 millions d’euros de la Slovaquie en compensation car, en 2006, le gouvernement slovaque a remis en cause la privatisation de la santé effectuée par l’administration précédente et demandé aux assureurs de la santé d’opérer sans ne plus faire de profits [5].

    Multinationales contre protection de l’environnement

    - Vattenfall v. Allemagne : en 2012 le géant Swedish energy a porté plainte contre l’Allemagne demandant 3,7 milliards en compensation de profits perdus suite à l’arrêt de deux de ses centrales nucléaires. La plainte suivait la décision du gouvernement fédéral allemand de supprimer progressivement l’énergie nucléaire après le désastre nucléaire de Fukushima [6].

    - Lone Pine v. Canada : sur la base de l’ALENA (accord entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, la société américaine Lone Pine Ressources Inc. demande 250 millions de dollars américains de compensation au Canada. Le « crime » du Canada : la province canadienne du Québec a décrété un moratoire sur l’extraction d’huile et gaz de schiste en raison du risque environnemental de cette technologie [7].

    Multinationales contre régulation financière – Argentine et Grèce.

    - Lorsque l’Argentine a figé les prix courants essentiels (énergie, eau …) et dévalué sa monnaie en réponse à la crise financière de 2001-2002, elle fut frappée par plus de 40 plaintes de sociétés comme CMS energy (US), Suez et Vivendi (France). A la fin de 2008, les condamnations contre le pays totalisaient 1.15 M$ [8].

    - En mai 2013, des investisseurs slovaques et cypriotes poursuivaient en justice pour l’échange réalisé sur sa dette souveraine (détenue sur le second marché) pour pouvoir bénéficier de l’aide monétaire de l’UE et du FMI [9].

    - L’UE et le FMI ont tous deux averti que les accords sur les investissements peuvent sévèrement affecter l’aptitude des Etats à lutter contre la crise économique et financière [10].

    Désormais les multinationales s’intéressent aux perspectives qu’ouvre le chapitre investissements dans la négociation Etats-Unis-UE sur le libre échange (PTCI ou « Pacte transatlantique pour le commerce et l’investissement »), la plus importante négociation jamais entamée sur les investissements.

    Protection des investissements à tout prix

    Les procédures investisseurs-Etat instaurées par le PTCI permettraient aux entreprises de l’UE et des EU de s’engager dans des guerres juridiques d’usure afin de limiter le pouvoir des gouvernements des deux côtés de l’Atlantique. L’énorme volume d’investissements transatlantiques – chaque partenaire compte pour plus de la moitié des investissements directs à l’étranger dans l’économie de l’autre – montre l’ampleur du risque dans de telles guerres juridiques.

    De plus, des milliers de sociétés de l’UE et des EU ont des filiales au-delà de l’Atlantique. Utilisant le PTCI, elles pourraient monter des procédures investisseurs-Etat, via ces filiales, pour contraindre leur propre gouvernement à s’abstenir de prendre des règlements dont elles ne voudraient pas.

    Sans surprise, les lobbyistes européens comme américains ont poussé pour inclure des arbitrages investisseurs-Etats dans le PTCI. Le syndicat représentant le patronat européen Business Europe, la chambre américaine du commerce, AmCham UE, le Transatlantic Business Council (TABC), et d’autres poids lourds du lobbying ont tous plaidé pour donner ce privilège aux investisseurs.

    Ils nourrissent aussi l’espoir que la négociation aboutisse à mettre en place un « gold standard » global, un modèle pour la protection des investissements qui s’étende aux autres accords dans le monde [11].

    De plus en plus de pays questionnent et même abandonnent globalement les arbitrages investisseurs-Etat précisément en raison de l’impact négatif sur l’intérêt public [12].

    En réponse, le monde des affaires demande un « signal au monde de sa volonté à s’engager »dans un « gold standard » protégeant les investissements [13].

    Depuis décembre 2009, quand l’UE a reçu le pouvoir de négocier les sujets de la protection des investissements dans le cadre du traité de Lisbonne, les grandes entreprises de l’industrie se sont mobilisées contre toute opportunité pouvant permettre d’instituer un équilibre plus juste entre les intérêts public et privé [14].

    Elles ont compris que les négociations qui s’ouvraient entre les Etats-Unis et l’UE auraient pu être l’occasion pour l’UE d’apprendre de l’expérience négative des accords d’investissements existants, de considérer leurs défauts et de développer une nouvelle génération de traités – sans dispositif de règlement des différends investisseurs- Etats, avec des obligations pour les investisseurs et des restrictions plus précises de leurs droits. Les organisations syndicales, les groupements d’intérêts publics et les associations à travers le monde appelaient à une telle volte-face.

    Dans de nombreuses lettres, séminaires, débats et rencontres confidentielles avec des députés européens et la Commission, les lobbies industriels européens comme BusinessEurope ou les lobbies nationaux comme la fédération allemande de l’industrie (BDI) ont plaidé contre ce changement de cap. Ils ont clairement indiqué que l’industrie s’opposerait à tout accord dans lequel la protection de l’investissement serait « négocié contre des objectifs de politiques publiques, y compris les droits humains et du travail », pour citer Pascal Kerneis de l’ European Service Forum (ESF) (un lobby pour des acteurs de services mondiaux comme Deutche Bank, IBM ou Vodafone) [15].

    A quel point les gouvernements des Etats-Unis et de l’UE sont-ils vulnérables [16] ?

    Quelques chiffres :

    - Globalement, 514 procédures investisseurs-Etats en tout avaient été ouvertes à la fin 2012 ;

    - en 2012 seulement, 58 plaintes ont été lancées, soit le plus grand nombre de conflits ouverts en une année ;

    - Les investisseurs des États-Unis et de l’EU ont initialisé 329 (64%) de toutes les procédures connues ;

    - Les États-Unis ont fait face à plus de 20 plaintes d’investisseurs sous le chapitre « investissements » de l’ALENA (accord de libre-échange nord-américain) ;

    - 15 États membres de l’UE ont fait face à une ou plus plaintes d’investisseurs [17] ;

    - La République tchèque est le cinquième pays du monde le plus poursuivi dans ce cadre ;

    - Plus de la moitié des investissements directs extérieurs (IDE) de l’UE viennent des Etats-Unis ; de même, la moitié des IDE aux Etats-Unis viennent de l’UE ;

    - Seuls 8 États membres de l’UE, tous européens de l’Est , ont déjà un traité bilatéral avec les Etats-Unis [18] ;

    - Le PTCI devrait contenir un des premiers chapitres de protection des investissements à l’échelle de l’UE ;

    - Environ 42% des conclusions connues des procès investisseurs-Etat ont été en faveur des Etats, 31% en faveur des investisseurs et 27% sont réglés à l’amiable (la plupart du temps avec des paiements ou des concessions pour les investisseurs) ;

    - Les dommages et intérêts les plus hauts à ce jour : 1.77 M$ ont été attribués à la compagnie américaine Occidental Petroleum contre l’Equateur ;

    - Le coût légal moyen de ces procès avoisine 8 m$ pouvant atteindre jusqu’à 30 millions dans certains cas. Ils ne sont pas toujours mis en charge de la partie perdante.

    Toujours plus de droits pour les investisseurs

    Si le grand business l’emporte, le dispositif de protection des investissements sera encore plus orienté vers les entreprises qu’actuellement. Tandis que le Parlement européen soulignait à plusieurs reprises le droit des gouvernements de réglementer pour protéger l’environnement, la santé publique et les consommateurs, Peter Chase – un ancien du gouvernement Etats-Unis, désormais travaillant pour la chambre du commerce Etats-Unis à Bruxelles – a encouragé les négociateurs des Etats-Unis à expliquer « le danger des droits sociaux, environnementaux et de régulation non nécessaires présents dans les demandes du Parlement européen [19] ».

    Le géant de l’énergie des Etats-Unis Chevron, lui aussi plaide pour un chapitre sur les investissements allant au-delà du modèle courant des traités américains. Ayant été poursuivi plusieurs fois par des entreprises canadiennes avec l’ALENA, les Etats-Unis ont deux fois révisé leur modèle de traités internationaux sur les investissements pour mieux protéger leur espace politique. Chevron veut que le PTCI restaure de certains des droits excessifs en faveur des investisseurs telle que la « clause parapluie », ce qui augmenterait considérablement les obligations de l’Etat (voir annexe pour plus de détails). Chevron a aussi proposé que le mécanisme dans le PTCI inclut « à la fois les investissements existants et futurs » [20].

    Quand un mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etat est combiné avec ce genre de clause, les risques pour des procédures judiciaires coûteuses augmentent considérablement.

    Préparer le terrain aux gaz de schiste…

    Chevron est engagé dans une bataille légale controversée avec l’Équateur. La compagnie a demandé un arbitrage pour éviter de payer 18 M$ pour nettoyer une pollution occasionnée par ses forages dans la forêt amazonienne ainsi que l’avait ordonné la Cour équatorienne. On a interprété le cas comme « une mauvaise utilisation flagrante » d’arbitrage sur l’investissement pour éluder la justice [21].

    Il n’est pas étonnant que Chevron ait consacré toute sa contribution à la consultation lancée par le gouvernement des Etats-Unis à la protection des investissements : «  globalement l’un des sujets les plus importants »selon ses dires [22].

    En Europe, Chevron veut « la protection la plus complète possible » des mesures gouvernementales « pour atténuer le risque associé aux projets de large échelle, à haut niveau de capital et de long terme [….] comme le développement de gaz de schiste ». A cause de ses impacts environnementaux et sanitaires, plusieurs gouvernements de l’UE ont décidé un moratoire sur le développement du gaz de schiste (fracturation hydraulique). Le chapitre proposé dans le PTCI sur la protection des investissements donnerait pouvoir à des sociétés de l’énergie comme Chevron de contester ces mesures de précaution « afin d’obliger les gouvernements à s’abstenir de saper des espérances légitimes soutenues par des investisseurs », pour reprendre les termes de Chevron (voir Encadré 1 pour un précédent légal ALENA).

    La simple menace d’un procès investisseur-Etat de 1 million d’euros pourrait être suffisant pour effrayer un gouvernement jusqu’à ce qu’il cède, affaiblisse ou supprime l’interdiction des techniques de fracturation ou bien son encadrement strict. Selon les termes de Chevron : « L’accès à l’arbitrage [….] accroît la probabilité que les investisseurs et les Etats hôtes soient capables de résoudre les désagréments et les négocient avec succès et équitablement » [23].

    Les mercenaires des multinationales

    Lorsque les décideurs de l’UE ont voulu changer les traités internationaux sur les investissements ces dernières années, les officines juridiques et les arbitres, en lien avec les organisations de l’industrie, ont organisé une campagne de lobbying féroce pour résister aux réformes visant à un meilleur équilibrage des intérêts publics et privés [24]. Ce n’est pas surprenant : l’arbitrage sur les investissements est une grosse affaire pour eux. Les factures encaissées par les meilleurs cabinets juridiques peuvent atteindre 1 000$ de l’heure dans les procès de traités sur l’investissement. Les émoluments perçus par des cabinets juridiques d’élite peuvent être de 1,000$ par heure et par avocat dans des cas de traité d’investissement, avec un staff complet d’assistants. Les juristes privés qui décident dans ces conflits, les arbitres, se remplissent aussi les poches, gagnant par jour jusqu’à 3000$ voire plus [25]. Plus il y a de conflits investisseurs-Etat dans les traités et plus ils ont d’affaires à traiter.

    Les juristes de l’UE et des Etats-Unis dominent le terrain, cherchant toute opportunité pour porter plainte contre les Etats. 19 des 20 offices juridiques dominantes représentant les entreprises accusateurs ou défenseurs dans ces litiges ont leur siège en Europe ou aux Etats-Unis. Leur grande majorité (14) sont étasuniennes. Sur les 15 arbitres qui ont décidé de 55% du total des litiges investisseurs-Etats ouverts et connus aujourd’hui, 10 sont européens ou états-uniens [26].

    Depuis l’entrée en application du traité de Lisbonne dans l’UE en 2009, les sociétés de juristes comme Hogan Lovells et Herbert Smith Freehills se sont donnés les moyens d’influencer le débat, invitant la Commission européenne, les représentants officiels des Etats et les parlementaires européens à d’informels (mais informés) séminaires sur le web ou à des tables rondes avec leurs clients – incluant certains qui ont porté plainte contre des Etats au nom de traités existants – comme la Deutch Bank , Shell ou le géant de l’énergie GDF-Suez. Leur message portait sur le besoin d’une protection des investissements de haut niveau et surtout que la question de la protection de l’investissement ne soient pas liée aux règles de protection du travail ou de l’environnement [27].

    L’une des préoccupations exprimée par les juristes était la politisation des politiques d’investissement résultant du Traité de Lisbonne. L’implication du Parlement européen dans les décisions constitue pour eux un souci particulier. A une conférence en décembre 2009, Daniel Price, un ex- négociateurs des Etats-Unis et ex co-président du Transatlantic Economic Council (TEC) [28] qui travaille maintenant principalement comme lobbyiste, juriste pour les investisseurs et arbitre, avertissait de la dégradation continue des traités sur les investissements qu’il avait constaté aux Etats-Unis.

    L’implication du Congrès a conduit à des controverses et plus tard à une révision des politiques d’investissements que Price considérait comme « inutile ». Cette révision tentait de mieux équilibrer les droits des investisseurs et des Etats grâce à une formulation légale plus précise. En Janvier 2010, peu après que Price ait pantouflé depuis l’administration Bush, il écrivit au responsable de la Commission pour les dossiers d’investissements et offrait son assistance sur la réflexion concernant le sujet. Il ajoutait : « comme vous le savez, mon groupe a conseillé aussi bien les investisseurs que les Etats » [29] :

    Une pure usurpation de pouvoir.

    Quelques-uns des collègues arbitres de Price ont déjà plaidé pour défendre la mise en place d’organismes de règlement des différends dans le PTCI, remettant en cause le besoin d’un renforcement judiciaire dans des systèmes légaux jugés trop sophistiqués comme ceux de l’UE ou des Etats-Unis. Simon Lester, par exemple, analyste des politiques de l’institut libertarien Cato et habituel partisan de l’arbitrage des différends investisseurs-Etat a averti du risque sans précédent que pourrait créer un système de règlement des différends dans le contexte d’énormes flux d’investissements transatlantiques [30].

    Un des arguments habituels pour la défense de l’arbitrage dans les différents Etats-investisseurs – le besoin d’assurer une sécurité légale pour attirer les investisseurs étrangers dans des pays où le système judiciaire est faible – n’a aucun fondement dans le contexte du PTCI. où les investisseurs des Etats-Unis et UE assurent déjà plus de la moitié des investissements directs dans chacune des économies. Il est ainsi clair que les investisseurs semblent assez satisfaits de l’état du droit des deux côtés de l’Atlantique. Ceci est confirmé par un rapport interne de la Commission européenne de 2011 déclarant « Il est discutable qu’un accord de protection des investissements soit nécessaire au vu de l’état du droit. [31] »

    Tollé public croissant

    Les citoyens et la société civile organisée s’opposent aux dispositifs de règlement des différends Etats-investisseurs. D’après une déclaration du Transatlantic Consumer Dialogue formé par des groupes de consommateurs de l’UE et des Etats-Unis, le PTCI ne devrait pas comporter de résolution sur les différends investisseurs-Etats. Les investisseurs ne doivent pas avoir le droit de porter plainte contre les Etats pour obtenir des accords dans des tribunaux secrets et privés et pour court-circuiter les systèmes judiciaires domestiques qui fonctionnent bien et consolident la protection des droits de propriété aux Etats-unis comme dans l’Union européenne [32].

    De manière similaire, la fédération des syndicats des Etats-Unis AFL-CIO argue que « étant donné le niveau des systèmes judiciaires Etats-Unis et de l’UE, un système de règlement des différends investisseurs-Etat est un risque inutile pour l’établissement des politiques domestiques au niveau local comme fédéral » [33].

    Les militants des droits numériques, environnementaux et de la santé se sont aussi déclarés contre la menace d’un assaut des firmes transnationales sur la démocratie.

    Aux Etats-Unis, la conférence nationale des législateurs des Etats qui représente les parlementaires de 50 Etats a aussi annoncé qu’elle ne soutiendrait pas « un accord (de libre-échange) qui comporterait une clause relative portant sur les différends entre Etat et investisseurs » car cela interférerait avec « leur capacité d’action et leur responsabilité en tant que législateurs d’Etat d’ordonner et de faire appliquer des règles justes, non discriminatoires, qui protègent la santé publique, la sécurité et le bien-être, assure aux travailleurs santé et sécurité et protègent l’environnement » [34].

    Les parlementaires européens des groupes Verts, Socialistes et GUE-NGL semblent dans le même état d’esprit.

    Lorsque le membre du congrès étasunien Alan Grayson a publiquement affirmé que le PTCI inclurait un système de règlement des différends investisseurs-Etat permettant de détruire la protection des consommateurs, de l’environnement, des lois sur le travail et la sécurité devant des « tribunaux internationaux », cela a généré près de 10 000 commentaires indignés de citoyens en à peine plus de 24 heures [35].

    Attention à l’agenda de l’Union Européenne

    Des Etats membre de l’UE semblent aussi s’interroger sur le besoin de clauses de protection des investissements entre deux systèmes légaux aussi sophistiqués que ceux de l’UE et des Etats-Unis. Certains craignent une inondation de procès depuis les Etats-Unis qui ont une culture légale des plus agressives. Il est à craindre que le secteur financier des Etats-Unis puisse sciemment utiliser la crise économique européenne comme un moyen de sauver et de restructurer leur dette. D’un autre côté, des Etats membres comme l’Allemagne ou les Pays Bas, qui défendent profondément les droits des investisseurs, veulent au contraire éviter le langage pro-intérêt public qui est plus habituel aux Etats-Unis que chez eux et qui, de leur point de vue, pourrait « diluer » la protection des investissements.

    Quoiqu’il en soit, le gouvernement des Etats-Unis et la Commission européenne semblent déterminés à utiliser le PTCI pour permettre aux investisseurs étrangers de contourner les tribunaux locaux et attaquer les Etats directement par des tribunaux internationaux dès que des décisions démocratiques mettraient en cause leurs intérêts.

    Le mandat de négociation de la Commission européenne porte des suggestions détaillées concernant la mise en place d’un mécanisme de règlement investisseur-Etat qui est le reflet des propositions émanant des lobbies d’affaires [36].

    Cette clause mettra en cause de nombreuses politiques publiques et refroidira certainement les gouvernements qui chercheraient à établir de nouvelles règles pour protéger l’environnement et la société (voir annexe).

    Il est grand temps que gouvernements et parlements des deux côtés de l’Atlantique comprennent le risque politique et financier de ces mécanismes de règlement des conflits. Le Parlement européen en particulier devrait contrôler réellement la Commission qui ignore de toute évidence les appels des députés pour des « changements majeurs » [37] dans le régime des investissements internationaux(voir annexe)

    Pourquoi les législateurs devraient-il donner aux milieux d’affaires un outil si puissant pour maîtriser la démocratie et freiner les politiques définies dans l’intérêt du public ?

    Annexe : Le diable est dans les détails du PTCI

    Examinons point par point ce que veut négocier l’UE [38] :

    - Le chapitre de protection des investissements « devrait couvrir une large gamme d’investisseurs et leurs investissements […] si l’investissement est fait auparavant ou après l’entrée en vigueur de l’Accord ».

    Quelle signification en pratique ?

    Les définitions « d’investisseur » et « d’investissements » sont clés parce qu’ils déterminent ce qui est couvert par le chapitre. Une large définition couvre non seulement des entreprises réellement implantées dans l’Etat hôte, mais également la foule d’établissements secondaires et les instruments souverains de la dette, ce qui expose les Etats à un risque légal imprévisible. Des définitions larges ouvrent aussi la porte aux entreprises boîte aux lettres abusant du traité pour « faire leur marché », qui permettrait, par exemple, qu’une société américaine poursuive en justice l’UE via une entreprise de boîte aux lettres hollandaise.

    - Les droits de propriété intellectuelle (DPI) devraient être inclus dans la définition ’d’investissements’ protégés par PTCI.

    Quelle signification en pratique ?

    Les conflits Etat-investisseurs menés par l’entreprise Philip Morris contre l’Uruguay et l’Australie montrent les risques de cette proposition (l’Encadré 1). Dans une autre réclamation [...] le géant Eli Lilly attaque des lois sur les brevets au Canada par lesquelles l’utilité médicale d’un médicament doit être démontrée pour pouvoir déposer un brevet [39]. Les avocats de santé publique ont baptisé les accords semblables à celui prévu dans le PTCI : « un piège pour l’accès aux médicaments [40] ».

    - Les investisseurs devront être traités « de façon juste et raisonnable incluant une interdiction de mesures peu raisonnables, arbitraires ou discriminatoires ».

    Quelle signification en pratique ?

    Une disposition fourre-tout la plus prisée par investisseurs poursuivant en justice un Etats. Dans 74 % des affaires où des investisseurs américains ont gagné, les tribunaux ont trouvé une violation sur la base de ce type de clause. Dans Tecmed v. Mexique, par exemple, le tribunal a constaté que le Mexique « n’avait pas agi sans ambiguïté et d’une manière totalement transparente ». En raison des préoccupations environnementales, une administration locale n’avait pas accordé une licence à une usine [41] de traitement des déchets.

    L’UE va probablement proposer une version large de la clause, protégeant même les investisseurs contre la remise en cause de leurs espérances « légitimes » du fait de changements « imprévisibles ». On pourrait considérer une interdiction d’un produit chimique trouvé nuisible pour la santé publique comme une violation de cette disposition. On permettra ainsi aux investisseurs de défier les justifications scientifiques d’une politique et de faire déclarer celle-ci « arbitraire » ou « peu raisonnable ».

    - Les investisseurs devraient être protégés « contre l’expropriation directe et indirecte », y compris avec un droit à compensation.

    Quelle signification en pratique ?

    D’un certain point de vue, favorable à l’investisseur, presque n’importe quelle mesure légale ou réglementaire peut être considérée comme une expropriation indirecte quand elle a pour effet de baisser le montant des profits attendus. Plusieurs tribunaux ont interprété des politiques publiques environnementales et autres illégitimes de ce point de vue.

    - L’accord devrait aussi inclure « une clause parapluie ».

    Quelle signification en pratique ?

    Ceci ferait assumer par un Etat toutes les obligations qui concernent un investissement, le PTCI servant « de parapluie » (ainsi en serait-il du contrat lui-même avec un investisseur), multipliant ainsi le risque de procès coûteux.

    - L’accord devrait garantir « le transfert libre des fonds de capital et des paiements par des investisseurs ».

    Quelle signification en pratique ?

    Cette disposition permettrait à l’investisseur d’importer ou d’exporter librement ses capitaux, réduisant la capacité de pays à traiter de soudains et massifs flux de capitaux positifs ou négatifs, mettant en cause l’équilibre des paiements avec le risque de crises macro-économiques.

    - La protection des investissements « devra se faire sans préjudice des droits de l’UE et des États membres d’ adopter et faire respecter […] les mesures nécessaire pour poursuivre des objectifs de politiques publiques légitimes sociales, environnementales, de stabilité du système financier, de santé publique et de sécurité dans une façon non-discriminatoire ».

    Quelle signification en pratique ?

    Ce paragraphe est faussement rassurant. Il lie la politique publique aux résultats de tests de nécessité, plaçant la charge de la preuve sur le gouvernement pour justifier ses actions. La règle édictée par l’Australie sur les paquets de cigarettes est-elle nécessaire pour protéger la santé publique ? Est-ce qu’en Allemagne la sortie de l’énergie nucléaire était nécessaire ? Ne pourrait-il pas y avoir d’autres solutions, des mesures plus efficaces ? Il reviendrait à un tribunal offshore d’avocats privés de décider avec un total manque de responsabilité.

    Les arbitres qui décident dans les procédures investisseurs-Etat devraient être indépendants Ceci répond aux préoccupations répandues de conflits d’intérêts parmi les groupes de trois avocats qui décident en fin de compte des résultats du conflit. Contrairement aux juges, ils n’ont pas de salaire fixe, mais sont payés sur le nombre de cas qu’ils traitent. Des codes de conduite existants n’ont pas empêché un petit nombre d’officines arbitrales de « s’emparer » de l’arbitrage de la majorité de conflits Etat-investisseur, ouvrant la voie dans l’avenir à de nombreuses affaires dans lesquelles l’interprétation de la loi se révélerait le plus souvent favorables à l’investisseur. Par cette clause, l’UE ne considère pas les conflits d’intérêts entre ces arbitres entrepreneuriaux. La seule revendication de leur indépendance est clairement insuffisante.

    - Il devrait y avoir "une interprétation contraignante de l’Accord par les Parties".

    Quelle signification en pratique ?

    Ceci est supposé permettre aux gouvernements de contrôler comment la loi qu’ils ont créée est interprétée. Après une vague de réclamations d’investisseur avec l’ALENA(l’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN), les EU, le Canada et le Mexique ont publié de telles clarifications communes de droits d’investisseur vaguement formulées. En pratique, les arbitres ont largement prouvé qu’ils étaient enclins à ignorer de telles interprétations contraignantes [42].

    - Les investisseurs devraient pouvoir utiliser « une aussi large gamme de forums d’arbitrage qu’il en est actuellement disponible conformément aux accords bilatéraux sur les investissements conclus par les Etats membres ».

    Quelle signification en pratique ?

    L’institution administrant un conflit Etat-investisseur est importante : par exemple, quand elle nomme des arbitres ou reçoit des réclamations contre eux sur la base de conflits d’intérêts. « Une vaste gamme » de forums pourrait inclure des organisations entièrement immergées dans les affaires comme la Chambre de commerce Internationale Basée à Paris (l’ICC), un des lobbies d’entreprises les plus influents du monde.

    Un tel centre d’affaires pourrait-il réellement être considéré comme « indépendant » dans un différend entre Etat et investisseurs ?

    - Les mécanismes de règlement des différends état-investisseurs doivent inclure des sécurités contre les plaintes injustifiées ou peu sérieuses.

    Quelle signification en pratique ?

    Un paragraphe lui-aussi est faussement rassurant. Aucune des attaques controversées sur des politiques publiques mentionnées précédemment ne serait écartée par un tel mécanisme - parce que basées sur l’allégation de violations réelles des clauses du traité souvent rédigées de façon interprétable. Les plaintes sont seulement considérées « frivoles » quand il y a un manque total de bases légales.

    Sous les règles existantes, les Etats pourraient à priori demander aux arbitres de rejeter des recours « frivoles » mais aucune occurrence n’est connue à ce jour [43]

    - On devrait prendre en considération la possibilité de créer un mécanisme d’appel applicable au règlement des conflits dans le cadre de l’accord.

    Quelle signification en pratique ?

    Contrairement à ce qu’on trouve dans les systèmes judiciaires publics, les décisions des juridictions d’arbitrage Etat- investisseur ne sont pas révisables, mises à part les procédures d’annulation qui concernent à une gamme étroite d’erreurs procédurales et ne sont pas traitées par des juges, mais par un autre tribunal d’arbitrage. Un mécanisme d’appel pourrait contribuer à des décisions plus cohérentes, mais les choses étant ce qu’elles sont, les perspectives de réalisation sont lointaines..

    Publié par Seattle to Brussels Network, Corporate Europe Observatory et Transnational Institute, octobre 2013

    [1] Le mandat de la Commission, du 17 juin 2013, peut être trouvé sur le site du réseau S2B, http://www.s2bnetwork.org/fileadmin... 18-09-2013

    [2] Pour les conflits d’intérêts voir chapitre 4 du document de Corporate Europe Observatory/ Transnational Institute (2012) Profiting from Injustice, http://corporateeurope.org/publicat... [15-05-2013].

    [3] UNCTAD (2013) Recent Developments in Investor-State Dispute Settlement (ISDS), No 1, Revised, May, p. 4, unctad.org/en/Docs/webdiaeia20103_en.pdf [15-05-2013], with additional research in the UNCTAD database of investor-state disputes, http://unctad.org/en/pages/DIAE/Int... [26-05-2013].

    [4] Porterfield, Matthew C. and Byrnes, Christopher R. (2011) Philip Morris v. Uruguay. Will investor-State arbitration send restrictions on tobacco marketing up in smoke ? Investment Treaty News, http://www.iisd.org/itn/2011/07/12/... [15-05-2013].

    [5] 9 Hall, David (2010) Challenges to Slovakia and Poland health policy decisions : use of investment treaties to claim compensation for reversal of privation/liberalisation policies, January, http://www.psiru.org/reports/2010-0... [23-05-2013] ; Peterson, Luke Eric (2012) Investor Announces Victory in Intra-EU BIT Arbitration with Slovakia Arising out of Health Insurance Policy Changes, Investment Arbitration Reporter, 10 December.

    [6] Bernasconi-Osterwalder, Nathalie/ Hoffmann, Rhea Tamara (2012) The German Nuclear Phase-Out Put to Test in International Investment Arbitration ? Background to the new dispute Vattenfall v. Germany (II), http://www.iisd.org/publications/pu... [23-05-2013].

    [7] Corporate Europe Observatory/ Council of Canadians/ Transnational Institute (2013) The right to say no. EU-Canada trade agreement threatens fracking bans, http://corporateeurope.org/publicat... [15-05-2013].

    [8] Phillips, Tony (2008) Argentina Versus the World Bank : Fair Play or Fixed Fight ?, Center for International Policy (CIP), http://www.cipamericas.org/archives/1434 [15-05-2012]. Peterson, Luke Erik (2008) Round-Up : Where things stand with Argentina and its many investment treaty arbitrations, Investment Arbitration Reporter, 17 December.

    [9] Perry, Sebastian (2013) Bondholders pursue Greece over debt haircut, Global Arbitration Review, 7 May.

    [10] 7 UNCTAD (2011) Sovereign Debt Restructuring and International Investment Agreements, Issues Note No 2, July, unctad.org/en/Docs/webdiaepcb2011d3_en.pdf [15-05-2013] ; International Monetary Fund (2012) The Liberalization and Management of Capital Flows : An Institutional View, www.imf.org/external/np/pp/e... [15-05-2013].

    [11] Voir, par exemple, la lettre conjointe de la Chambre de commerce des Etats-Unis, de BusinessEurope, du Transatlantic Business Dialogue, l’AmCham EU et autres dans le document EU-US Investment Dialogue, daté de 16 novembre 2011, http://www.amchameu.eu/Portals/0/20... [15-05-2013]. In leurs contributions en 2012 et 2013 sur le PTCI pour l’UE et les Etats-Unis US, tous ces lobbies ont plaidé pour un mécanisme de règlements des différends investisseurs-Etat.

    [12] 12- Au printemps 2011, le gouvernement australien a annoncé qu’il n’inclurait plus désormais de mécanisme investisseurs-Etats dans les accords de commerce. La Bolivie, l’Equateur et le Venezuela ont mis un terme à plusieurs traités sur l’investissement et se sont retirés du mécanisme instauré par la Banque mondiale pour régler ces différends, le Centre international de règlement de différends sur l’investissement (le CIRDI). L’Afrique du Sud a revu ses traités.

    [13] Déclaration de la Chambre de commerce des Etats-Unis sur le PTCI au bureau du représentant des Etats-unis pour le commerce, 10 mai 2013, http://www.regulations.gov/# !docume... [23-05-2013].

    [14] Voir, par exemple, Corporate Europe Observatory (2011) Le droit de l’investissement défit la démocratie, http://corporateeurope.org/publicat... [23-05-2012].

    [15] Rapport interne de la Commission européenne d’une rencontre sur la politique de l’UE sur l’investissement et sur le dialogue EU-UE , organisé par AmCham EU le 8 Juillet 2011. Obtenu par une requête faite dans le cadre de la loi sur l’accès au document. Voir le CEO.

    [16] CNUCED (2013), see endnote 10 ; Akhtar, Shayerah Ilias/ Weiss, Martin A. (2013) U.S. International Investment Agreements. Issues for Congress. Congressional Research Service, April 29, www.fas.org/sgp/crs/row/R430... [23-05-2-13].

    [17] 20 République Tchèque (20 demandes), Pologne (14), République Slovaque (11), Hongrie (10), Roumanie (9), Lituanie (5), Estonie, Allemagne, Latvie (all 3 demandes), Slovénie et Espagne (2 demades, Belgique, France, Italie et Portugal (tous une demande).

    [18] Bulgarie, République Tchèque, Estonie, Latvie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie.

    [19] Chase, Peter H. (2011) The United States, European Union and International Investment, GMF policy brief, July, p.8, http://www.gmfus.org/archives/the-u... [15-05-2013].

    [20] Chevron Corporation : Comments on Proposed Transatlantic Trade and Investment Partnership, May 7, 2013, http://www.regulations.gov/# !docume... [23-05-2013].

    [21] Voir le site http://chevrontoxico.com/. Pour la version de Chevron, voir http://www.theamazonpost.com/.

    [22] Chevron Corporation, voir note 22.

    [23] Ibid.

    [24] 27 See : Corporate Europe Observatory (2011), voir note 15 ; Corporate Europe Observatory/ Transnational Institute (2012) Profiting from Injustice, chapitres 3 et 4, http://corporateeurope.org/publicat... [15-05-2013].

    [25] OCDE (2012) Mécanisme de règlement des différends Investisseurs-Etat, Consultation publique : 16 Mai– 23 Juillet 2012, p. 20. International Center for Settlement of Investment Disputes (2008) Schedule of Fees (Effective January 1, 2012), p.1.

    [26] Corporate Europe Observatory/ Transnational Institute (2012) Profiting from Injustice, voir note 27.

    [27] Analyse du contexte pour la table ronde sur l’investissement étranger organisé par Hogan Lovells à Frankfurt le 7 juin 2010 et rapport interne de la Commission sur l’investissement direct, table ronde organisé par Hogan Lovells à Bruxelles le 7 décembre 2010, daté du 21 décembre 2010, TRADE F.2 CB/MAL/ba. Obtenu par une requête faite dans le cadre de la loi sur l’accès au document . Voir le CEO.

    [28] Le Conseil Economique transatlantique (CTE) regroupe la Commission européenne et les représentants du gouvernement des Etats-Unis. Mise en place par le Président de la Commission, la Chancelière allemande Merkel et le Président des Etats-Unis Bush en 2007 pour faire progresser l’intégration économique transatlantique.

    [29] 32 Commission européenne (2009) : Rapport de Mission . Conférence, 50 ans de traités d’investissement bilatéraux – Frankfort 1-3 Décembre 2009 ; mail de Daniel Price à Jean-François Brakeland, chef de pour l’unité sur les services et l’investissement au département commerce de la Commission, daté du 5 janvier 2010. Obtenu par une requête faite dans le cadre de la loi sur l’accès au document . Voir le CEO.

    [30] 33 voir l’échange sur le blog de Simon Lester, analyste de la politique commerciale au Cato Institute, et l’arbitre Mark Kantor, http://worldtradelaw.typepad.com/ie... [15-05-2013].

    [31] Rapport interne de la Commission européenne d’une rencontre sur la politique européenne d’investissement et dialogue sur l’investissement entre les EU et l’UE, organisé parAmCham EU le 8 juillet 11 avec le European Services Forum, 13 Décembre 2011, daté du 17 Décembre 2011.Obtenu par une requête faite dans le cadre de la loi sur l’accès au document . Voir le CEO.

    [32] Dialogue transatlantique des consommateurs (2013) : réaction des groupes de consommateurs des EU et de l’UE à l’annonce du PTCI, 5 Mai 2103, http://www.tacd.org/index2.php?opti... [15-05-2013].

    [33] 38 AFL-CIO (2013) U.S.-EU Free Trade Agreement, http://www.aflcio.org/Issues/Trade/... [15-04-2013].

    [34] Lettre ouverte des législateurs des Etats-Unis aux négociateurs du PTCI réclamant le rejet du mécanisme Investisseurs-Etat, Juillet 2013.

    [35] Les Sociaux-démocrates soulèvent la question du mécanisme Etat-Investisseur, 23 Mai 2012, http://www.socialistsanddemocrats.e... [26-05-2013].

    [36] Voir note 1.

    [37] Résolution du Parlement européen du 6 avril 2011 sur la future politique européenne d’investissement international (2010/2203(INI), 6 avril 2011.

    [38] voir note 1.

    [39] Conseil des Canadiens (2013)le cas Eli Lilly’s, poursuite sur le fondement de l’ALENA devrait faire réfléchir rapidement aux droits des investisseurs dans les accords de commerce, http://canadians.org/blog/eli-lilly... [18.09.2013].

    [40] Baker, Book K. (2013) Corporate Power Unbound. Investor-State Arbitration of IP Monopolies on Medicines – Eli Lilly and the TPP, PIJIP Research Paper Series, Paper 36, http://digitalcommons.wcl.american.... [26-05-2013].

    [41] Public Citizen (2012) Memorandum. “Fair and Equitable Treatment” and Investors’ Reasonable Expectations : Rulings in U.S. FTAs & BITs Demonstrate FET Definition Must be Narrowed, www.citizen.org/documents/MS... [26-05-2013].

    [42] Porterfield, Matthew C. (2013) A Distinction Without a Difference ? The Interpretation of Fair and Equitable Treatment Under Customary International Law by Investment Tribunals, Investment Treaty News, 22 March, http://www.iisd.org/itn/2013/03/22/... [26-05-2013].

    [43] Inside US Trade (2013) Revised EU Mandate Seeks To Prevent ‘Frivolous’ Investor-State Claims, 23 May.

    http://ellynn.fr/dessousdebruxelles/spip.php?article206


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  • Le nombre de suicides d’agriculteurs révèle les drames de la profession

    POI
    agriculture

    s'informerL’Institut de Veille Sanitaire a publié hier les résultats de travaux portant sur les années 2007 à 2009 : le suicide est la troisième cause de décès chez les agriculteurs, après le cancer et les maladies cardiovasculaires.

    La mortalité par suicide chez les agriculteurs masculins est de 20 % supérieure à celle de la population française. En trois ans, il y a en eu plus de 500, surtout chez les éleveurs de bovins, confrontés à de graves difficultés financières.

    La production du lait est particulièrement touchée par ces difficultés. En novembre 2012, des centaines de représentants des producteurs de lait de l’Union européenne ont manifesté à Bruxelles, déversant 5 000 litres de lait devant le Parlement européen ; « le lait déborde et les prix plongent » dénonçaient-ils.

    Selon l’Européen milk board, qui regroupe 19 organisations de 14 pays européens, environ 100 000 producteurs, le litre de lait coûte près de 40 centimes aux éleveurs mais n’est vendu qu’autour de 25 centimes, en raison d’une offre supérieure à la demande.

    Les producteurs réclamaient une réduction des volumes produits, en échange d’indemnisations, et la mise en place d’une agence de surveillance européenne pour le rééquilibrage de l’offre et de la demande.

    Au lendemain d’une table ronde sur la filière laitière, le 10 octobre, l’hebdomadaire La France agricole titre un article « L’inutilité du paquet lait », dans lequel la Confédération paysanne se dit persuadée « du nécessaire maintien de la valorisation de la production sur le marché intérieur […] devant prendre en compte les coûts de production des éleveurs ».


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  • Un cheminot en colère

    12 Octobre 2013 , Rédigé par Le Mantois et Partout ailleurs 

    Gilles Morel est lecteur assidu de l'Humanité. Il est aussi secrétaire général du syndicat CGT des directions centrales de la SNCF et élu au comité d'établissement fret SNCF.

    Ce journal a relaté les manifestations des riverains du triage du Bourget, inquiets pour leur sécurité et dans ces actions, aux côtés des élus de droite du Bourget, se cotoyaient les élus du PCF, dont la député Marie-George Buffet.

    D'où un premier courrier à l'Humanité, le 26 septembre:

    "Ça ne m’arrive pas souvent mais je me suis étranglé en lisant l’Huma de ce matin (page 13 Libres échanges du 26/09/13).

    Votre correspondante y relate le défilé des riverains du triage SNCF du Bourget-Drancy en colère contre les dangers que représente le tri de wagons de marchandises dangereuses sur le site. Inquiétude justifiée des riverains car rassurez-vous, je n’irai jamais affirmer que la circulation de matières radioactives et autres est sans danger. La catastrophe de cet été au Canada est là pour nous rappeler que le risque 0 n’existe pas.

    Je crains par contre que dans cette affaire, la population et certains élus communistes ne se soient laissés manipuler par les maires du Bourget et de Drancy (tous deux UDI). La mairie du Bourget (pourtant au courant de la dangerosité du site) a acheté ou fait acheter des terrains à RFF (Réseau Ferré de France) en bordure du triage. Avec l’activité ferroviaire  du site, la municipalité ne peut rien faire de ces terrains surtout pas des logements  mais elle espère bien valoriser son achat en poussant la SNCF à trier les wagons de matière dangereuses ailleurs. Le problème c’est que si le tri des wagons de marchandises dangereuses quitte Le Bourget, l’activité Fret déjà bien faible n’y survivra pas. Et c’est ce que visent les élus UDI, une vaste opération immobilière sur l’ensemble des installations SNCF du Bourget-Drancy.

    Il ne faut pas oublier enfin qu’une fois les wagons partis, les marchandises dangereuses iront sur la route car le Bourget est le dernier triage francilien en activité. Concernant la circulation et le stationnement des marchandises dangereuses, la règlementation ferroviaire est autrement plus contraignante que la règlementation routière. Laquelle règlementation routière n’est tout simplement pas respectée. Pensez-y lorsque vous êtes sur la route ou sur un parking d’autoroute, un camion de comburant peut circuler ou stationner à proximité de camions de produits inflammables, explosifs ou autres et là c’est potentiellement plus dangereux que les abords d’un triage.

    Votre correspondante concluait son article par le célèbre « Indignez-vous ». Indignons-nous d’accord mais si possible en toute connaissance de cause."


    Et un deuxième en date du 10 octobre:

    "A deux reprises, vous avez relayé les revendications de la population limitrophe du triage SNCF du Bourget.

    Comme je vous le disais le 26/09, leurs revendications sont certes légitimes mais posons-nous toutes les questions.

    Lorsque vous relayez le slogan « un wagon deux wagons ça va, trois wagons bonjour les dégâts » demandez-vous où il passe ce troisième wagon dont vous ne voulez pas. La réponse est simple : il passe sur la route. Il est remplacé par deux camions (car un wagon charge le volume et le tonnage de deux camions) immatriculés en Estonie et conduits par un routier Polonais ou Bulgare (eh oui, Bolkestein est passé par là).

    Dite- vous bien aussi que si le 3° wagon passe sur la route, la sacro-sainte rentabilité du triage sera mise à mal et ce sont tous les wagons qui iront demain sur des camions (mais là ça ne choquera personne).

    Autre point concernant ce sujet et que j’ai mentionné dans mon courriel du 26/09 : à qui profite le crime ?

    Surprenant non qu’on découvre soudainement la dangerosité d’un triage qui existe pourtant depuis près d’un siècle ?

    Le maire UDI du Bourget a déjà acheté (ou fait acheter) des terrains aujourd’hui inconstructibles en bordure de voies. N’y a –t-il pas là une juteuse opération immobilière en cours ? Les associations parties prenantes de cette manif œcuménique -tout comme les élus communistes- ne seraient-ils pas un poil manipulés ?

    Nous sommes là en plein dans l’écologie bobo :  « Fermez cette usine, ce triage (rayez la mention inutile) qui gâche mon paysage quitte à foutre des ouvriers à la porte et à délocaliser, polluer en Inde où ailleurs mais loin de chez moi. Ah oui M. le Maire, après avoir viré le triage, débarrassez moi donc aussi de ces mendiants qui gâchent la jolie rénovation du centre-ville.»"

     

    Note de ma pomme: pour conforter le coup de colère de mon camarade, 3 images

    triage du Blanc-Mesnil

    cimetière de machines fret Sotteville

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  • L’instrumentalisation de Chavez par l’extrême droite

    Bernard TOMARE
     

    Depuis quelques années une partie importante de l’extrême droite des pays francophones s’est lancée sur une nouvelle voie stratégique et électorale : réunir dans un seul courant les branches traditionnelles de la "droite des valeurs" (catholiques ultraconservateurs, nostalgiques royalistes, antisémites de tout bord, etc.) avec les secteurs de la gauche révolutionnaire (les déçus de la gauche traditionnelle, PS, PCF et dans une certaine mesure, le F de G.

    Avec aussi, même si cela peut sembler paradoxal, celui de l’immigration. On peut ajouter à cela une politique très audacieuse de dénonciation des actions néo-coloniales en Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, etc. et du comportement de l’ État d’Israel dans les territoires occupés de la Palestine.

    On ne peut pas nier, si l’on fait abstraction de l’origine idéologique de ces dénonciations, qu’ils ne se trompent pas quand ils s’attaquent à montrer les énormes contradictions dans les discours d’une gauche qui a perdu la boussole à propos des principes et valeurs du communisme, de la solidarité du prolétariat international et qui se rallie, sans complexes, aux intérêts des États-Unis et de ses affidés dans chaque cas concret où elle intervient.

    Cette situation est très dangereuse, justement parce que ces nouveaux théoriciens d’extrême-droite sont forts quand il s’agît de reprendre les drapeaux du socialisme que d’autres ont laissé tomber et traîner dans la boue.

    En ce qui concerne le lien avec l’Amérique latine et le Venezuela en particulier, la nouvelle stratégie de l’extrême droite se tient. Ils essayent de récupérer deux grands sujets du chavisme et de la révolution bolivarienne : le patriotisme ou nationalisme et la foi religieuse. Ils essayent de transposer de façon quasi automatique la réalité vénézuélienne à la réalité française sans aucune analyse. Là est le point faible de cette idéologie qui prend de l’envol. Etant donné les différences qui existent entre les deux réalités, cette assimilation est naturellement absurde.

    En réalité il existe deux sortes de nationalisme et "d’amour à la patrie". Au Venezuela, comme dans les autres républiques latino-américaines – toutes des nations en construction, avec d’énormes problèmes d’identité et soumises historiquement à la volonté des puissances impérialistes – l’idée de Nation souveraine et de patriotisme est évidement une idée révolutionnaire qui ne peut conduire qu’à l’émancipation des peuples et à la révolution sociale contre la domination des oligarchies soutenues par l’impérialisme etatsunien.

    Pour cela, Chávez à consolidé un mouvement de récupération de la mémoire historique autour de l’indépendance du Venezuela comme nation et autour de Simon Bolívar, comme un symbole de cette lutte pour la liberté et l’auto-détermination.

    Par contre, le nationalisme en France, ne peut avoir qu’un sens tout à fait différent. Comme puissance politique le nationalisme, dans le pays développés et anciennes métropoles impériales, ne peut signifier que la nostalgie pour la suprématie perdue, la résistance à une décadence peut-être inévitable et une rentrée en force dans les enjeux de pouvoirs internationaux, tout en évoquant un passé magnifique.

    Mussolini évoquait le grand Empire Romain, Hitler le Saint-Empire romain germanique, les Américains d’aujourd’hui, plus à court en mémoire historique, la libération européenne après la 2ème guerre mondiale. Dans tous les cas, le "nationalisme" prendra un sens réactionnaire comme véhicule de conduite politique. Voilà pourquoi le nationalisme et l’amour à la patrie qu’évoque la révolution bolivarienne n’est pas transmissible dans nos contrées.

    L’autre point c’est le rôle de la religion en politique. Et là, Mélenchon du Front de Gauche, se trompe lourdement quand il nie ce rôle. Lénine avait donné une réponse très intelligente, dans un interview, à la question "Qu’est-ce que vous pensez de quelqu’un qui croit que le socialisme est une religion ?" et lui répondit : "Je pense que s’il s’agit d’un intellectuel de classe moyenne, il est en train de s’éloigner du socialisme pour se rapprocher de la religion ; mais s’il s’agit d’un ouvrier, il s’éloigne de la religion pour se rapprocher du socialisme." Ceci éclaire bien le rôle de la religion en politique.

    Evidemment, ce rôle prend des sens très différents selon les conditions de vie et la situation socio-culturelle des peuples concernées. Au Venezuela, comme dans la plupart des nations latino américaines, la foi religieuse catholique et dernièrement chrétienne, ont une très grande influence parmi les masses populaires et les prêtres exercent un pouvoir important comme "guides" de l’opinion pour beaucoup de monde. Aussi il existe un clivage souvent très fort entre les hiérarchies de l’Église et les prêtres en contact avec les besoins des couches défavorisées.

    Ce n’est pas par hasard si c’est en Amérique Latine qu’a pris naissance la Théologie de la Libération ou l’Église du Tiers Monde, parfaitement compatibles avec les objectifs du socialisme et la révolution.

    Chavez avait appris de l’expérience de Peron en Argentine dans les années 40 et sans doute aussi de l’importance de la religion dans les révolutions dans le monde musulman pendant ces trois dernières décennies. La conduite politique ne peut pas, au Venezuela tout au moins, négliger les ressources qu’offre la foi religieuse pour réussir une véritable unité nationale. De là les constantes invocations au Christ pour consolider et unir un rapport très solide, en coeur et en esprit, avec les masses populaires.

    Mais en France, par exemple, ce "christianisme" ne peut que prendre un sens réactionnaire, voire anti-Islam et/ou antisémite. Dans les nations développées et puissances mondiales, pendant cette nouvelle expansion néo-coloniale, l’adhésion au catholicisme coïncide assez bien avec le "Choc de civilisations"* de Samuel Huntinton. Étant donnée la présence massive de population musulmane dans des nations comme la France, la religion comme véhicule politique d’unité nationale – à la différence du Venezuela – ne peut que conduire à des politiques discriminatoires et à des situations de confrontation.

    Voilà pourquoi ces mouvements ne devraient pas être surpris d’être considérés comme fascistes, même s’ils remplissent leurs discours de principes et de slogans qui sont révolutionnaires sous d’autres latitudes.

    Les frontières idéologiques deviennent floues et délibérément confuses lorsqu’elle sont pratiquées avec des stratégies politiques et électorales tels que décrites ici. Nous ne devons pas céder au "chant des sirènes" d’une droite en quête de popularité, chant qui peut être fascinant comme dans l’Odyssée d’Ulysse, mais qui nous mènera rapidement aux pires catastrophes.

    Hugo Chavez avait dit un jour : "La conscience est le résultat de la connaissance. Pour cela il faut étudier, lire et beaucoup analyser",

    Aujourd’hui c’est plus nécessaire que jamais.

    Bernard Tornare

    Avec mes remerciements à Alberto Ruano, analyste et écrivain international, pour son aide précieuse à la préparation de ce billet.

    * Huntington nous dit qu’il faut désormais penser les conflits en termes non plus idéologiques mais culturels : " Dans ce monde nouveau, la source fondamentale et première de conflit ne sera ni idéologique ni économique. Les grandes divisions au sein de l’humanité et la source principale de conflit sont culturelles. Les États-nations resteront les acteurs les plus puissants sur la scène internationale, mais les conflits centraux de la politique globale opposeront des nations et des groupes relevant de civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique à l’échelle planétaire. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front des batailles du futur. " (Wikipedia)

    * http://b-tornare.overblog.com/l-instrumentalisation-de-chavez-par-l-ex...
    URL de cet article 22767
    http://www.legrandsoir.info/l-instrumentalisation-de-chavez-par-l-extreme-droite.html

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