• akel.jpgLes communistes chypriotes de l'AKEL dénoncent le plan d'austérité drastique imposé par la Troika et posent la question de la sortie de l'euro

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

     

    Trois semaines après la victoire de la droite lors des présidentielles chypriotes contre le candidat soutenu par le Parti communiste, un plan d'austérité inédit dans l'UE vient d'être négocié entre le gouvernement et la Troïka prévoyant la taxation des dépôts bancaires.

     

    En quelques heures, la folie et la colère se sont emparés du peuple chypriote : les banques chypriotes prises d'assaut par les petits épargnants, les cris de colère contre les banques, l'Union européenne et le gouvernement de droite émaillant les reportages de la presse chypriote.

     

    Les communistes de l'AKEL avaient mis en garde leurs électeurs, dans l'entre-deux tours, sur les manœuvres du parti de droite DISY. La réalité dépasse largement au-delà des prévisions.

     

    Non seulement la droite mettra en place le plan de privatisations dénoncé par les communistes, mais elle rehaussera également l'impôt sur les sociétés de 10 à 13% – préconisé par l'AKEL, dénoncé par la droite pendant la campagne.

     

    Et surtout, elle appliquera une mesure inédite en Europe : la taxation de tous les dépôts bancaires, de 7 à 10% selon l'épaisseur du compte en banque.

     

    Plutôt que de baisser directement les salaires, d'augmenter la TVA – des mesures pas nécessairement exclues et toujours discutées – le gouvernement chypriote, sous pression de la Troika (UE, BCE, FMI) a décidé de franchir ce pas sans précédent depuis le début de la crise.

     

    L'AKEL contre le plan imposé par l'UE et la Troika

     

    Les communistes chypriotes se sont exprimés clairement pour le rejet de cet accord inique et ont annoncé qu'ils voteront contre l'accord au Parlement.

     

    L'AKEL avait dû négocié un premier mémorandum après avoir longtemps résisté aux sirènes de l'austérité jusqu'en début 2012, sollicité des aides extérieures à l'UE russes ou chinoises.

     

    Il avait posé comme condition à toute aide étrangère le refus de toute privatisation, de baisses des salaires ou de compression des budgets publics.

     

    Aujourd'hui, l'AKEL exprime ses inquiétudes et son opposition au plan dévoilé par la Troika.

     

    D'une part, par les revendications toujours plus excessives avancées par la Troika, appuyées sur les propositions du FMI : « les baisses des salaires et des retraites, les coupes drastiques qui seront accompagnées de licenciements dans l'éducation et la santé ».

     

    D'autre part, un plan de privatisations des entreprises publiques telle que AHK (électricité), ATHK (télécoms) ou encore ALK (ports), un programme « accepté par le nouveau président Anastasiades et qu'il tente désormais difficilement de faire accepter aux travailleurs ».

     

    Après l'annonce de la mesure inique de taxation des dépôts, l'AKEL est monté d'un ton, selon les propos rapportés par le Cyprus Mail, les mesures imposées par l'UE sont « vengeresses et néo-coloniales ».

     

    Le secrétaire-général de l'AKEL, toujours selon le Cyprus Mail, aurait même déclaré que le Comité central du Parti discuterait prochainement la sortie de Chypre de la zone euro, si les mesures imposées par la Troika étaient confirmées.

     

    En septembre 2012, alors que les communistes étaient au pouvoir, Kyprianou avait avancé sérieusement la même hypothèse (« si les mesures imposées par la Troika sont très dures, sortir de l'Euro est assurément une option »), avant d'être désavoué par le porte-parole du gouvernement.

     

    Dans une situation difficile, avec de réelles et inévitables contradictions, nous ne pouvons que soutenir la position de nos camarades communistes chypriotes et marquer notre solidarité avec le peuple chypriote.


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  • L'étrange défaite

    Lorsqu’au début de la campagne présidentielle de 2012 Mélenchon avait qualifié François Hollande de « capitaine de pédalo », l’expression avait fait mouche. Et si elle avait fait mouche, c’est parce qu’avec ce talent si particulier de la formule Mélenchon avait touché juste. Quelque soient les qualités de notre président de la République – et il doit en avoir, puisqu’il est arrivé là où il est – l’autorité, le charisme, l’expérience, la puissance intellectuelle nécessaire au pilotage d’un grand navire ne figurent pas parmi celles-ci. François Hollande est désespéramment normal, alors que le sort lui a donné la fonction la plus « anormale » qui soit.

     

    Cela ne serait pas grave si la situation était différente. Après tout, Jacques Chirac, un autre faux corrézien obligé de cacher son passage à l’ENA et sa passion pour les arts orientaux pour paraître proche du peuple a réussi à incarner la fonction malgré un immobilisme quasi total et une absence manifeste d’idées. Mais Chirac était porté par les dernières vagues de la pensée gaullienne, par « une certaine idée de la France » qui pour être plus radicale-socialiste que gaulliste n’avait pas moins son unité. Et puis, Chirac – c’est là une affaire de génération - avait sur Hollande l’avantage d’avoir le sens du tragique de l’action politique acquis dans les combats de la guerre d’Algérie auxquels il a participé comme jeune lieutenant, puis dans les combats au couteau à l’intérieur de la droite après le départ de Mongénéral des affaires, dans différentes fonctions ministérielles et même au plan intime, avec la maladie de sa fille. A côté, les dilemmes moraux et les tragédies de la vie d’Hollande paraissent négligeables : pas de guerre, pas d’affrontement sanglant, pas de meurtre du père… Certes, sa vie puis sa séparation vaudevillesque d’avec Ségolène a de quoi de quoi être traumatisante mais on ne peut pas vraiment dire que cela donne le genre de hauteur de vue nécessaire aux plus hautes responsabilités.

     

    Or, l’heure est véritablement grave. Je pense pouvoir dire que le seul moment comparable dans notre histoire récente est la débâcle de 1940. Il y a d’ailleurs entre la débâcle de 1940 et celle de 2012 beaucoup de points communs. Hier comme aujourd’hui, les élites (1) françaises ont failli, par faiblesse, par incapacité de s’abstraire des intérêts particuliers, par lâcheté, lorsqu’il s’est agi de préparer le pays à se défendre. Et devant l’attaque, ces mêmes élites ont capitulé en rase campagne et expliqué au pays qu’il fallait accepter la souffrance qui seule pouvait purifier le pays. Bien sur, en 1940 il avait fallu deux ans entre les accords de Munich et l’occupation de la France. En 2012, entre le traité de Maastricht – Mitterrand ne dit pas « nous avons sauvé la paix de notre temps », mais l’idée y était - et le défilé des troupes d’occupation à Paris il s’est passé vingt ans. Mais les résultats sont à peu près les mêmes. Et comme en 1940, l’ennemi peut compter sur la quasi totalité de nos élites politiques pour nous expliquer que c’est notre paresse, notre insouciance, notre goût du plaisir qui expliquent notre défaite, et qu’il nous faut souffrir pour expier nos fautes et forger une nouvelle nation. La seule différence est qu’en 1940 les ordres venaient de Wiesbaden, et qu’aujourd’hui elles viennent de Bruxelles.

     

    Poussons un peu plus l’analogie. En 1940 comme aujourd’hui, il y avait à Vichy ceux qui pensaient sincèrement que pour servir les intérêts de la France il fallait chercher la bienveillance de l’occupant. D’autres pensaient qu’il fallait ruser avec lui. Nous avons aujourd’hui ces deux mêmes écoles : chez Cahuzac et Moscovici on fait preuve d’orthodoxie européenne, tandis que Montebourg se gratte la tête pour trouver comment contourner les règles de la Commission. Mais en dernière instance, comme en 1940, les deux sont condamnés à échouer : les premiers, parce que l’occupant n’est pas intéressé par un compromis, les seconds parce qu’en fin de compte ils sont obligés de sacrifier l’essentiel pour gagner l’accessoire. Et en fin de comptes, les deux finiront par faire le jeu de l’occupant et se rendront complices du pillage et de l’abaissement du pays.

     

    Oui, la situation est grave. Les Dieux de Francfort exigent chaque jour de nouveaux sacrifices. A Bercy, on se demande chaque jour qu’est ce qu’on peut couper pour entrer dans l’épure : Les retraites ? L’enseignement ? Les programmes de recherche ? Les allocations familiales ? Pour donner une idée de l’état des choses, il suffit de suivre certaines déclarations et rumeurs qui font le tour de la place de Paris. On se souvient il n’y a pas si longtemps des déclarations de l’ancien ministre mitterrandien Paul Quilès expliquant qu’il fallait abandonner la dissuasion nucléaire pour faire des économies. Cette semaine, « Le Point » fait référence à des fuites indiquant que le ministère de la Défense s’apprêterait à annoncer un plan d’économies drastiques incluant la suppression de 30 régiments, l’arrêt de la plupart des programmes techniques de l’armement et la vente où la « mise sous cocon » du porte-avions Charles de Gaulle. Comme en 1940, le régime semble prêt à abdiquer tout toute ambition de grandeur, toute espérance universelle, pour se résigner à un second rôle de province dans le « nouvel ordre européen ». En priant que cet abandon puisse nous valoir la bienveillance de l’occupant à l’heure de faire bouillir la marmite. La triste réalité d’aujourd’hui comme celle de 1940 est que les classes moyennes pour préserver leur petit confort sont prêtes à jeter par-dessus bord tout ce qui fait la grandeur de la France. En 1940 ces classes étaient pacifistes au point d’applaudir Munich et de s’opposer à toute intervention contre Hitler. En 2013 ces mêmes couches, beaucoup plus puissantes et plus nombreuses, sont prêtes à tous les abandons. Et elles ont trouvé en Hollande leur Maréchal.

     

    C’est la panique à bord. Ceux de mes lecteurs qui fréquentent un organisme public savent le climat de crise qu’on y vit. Le jeu des « gels budgétaires » suivis des « surgels » puis des « sur-surgels » menacent d’araser des pans entiers de l’activité des organismes publics. Comme on ne peut toucher au personnel, comme les dépenses d’intervention sont généralement défendues par des lobbies puissants, c’est l’investissement qui souffre. Et donc les domaines où l’investissement est important : l’éducation, l’équipement, la défense, la recherche, les infrastructures. Des domaines où il faut souvent des dizaines d’années pour monter des équipes et des projets. Un véritable désastre en préparation et qui pourtant ne semble préoccuper personne. Vous trouvez que j'exagère ? Regardez donc les débats qui ont lieu aujourd'hui dans le microcosme politique. A part les questions sociétales, le reste s'est perdu dans les limbes. Le "grand débat national sur l'énergie" est sortie des radars, et si j'en crois ce que disent ceux qui y participent on discute un peu de tout... comme si la réalité n'existait pas. Comme si la question de financer les politiques qu'on propose ne se posait pas.

     

    Certains croient – ou font semblant de croire – que la crise que nous vivons est un simple « accident » temporaire, causé par un ou deux banquiers indélicats, par un ou deux gouvernements imprudents. D’autres veulent voir la phase descendante d’un cycle économique. Les premiers comme les seconds nous expliquent qu’il suffit de tenir un peu, de se serrer la ceinture le temps que la machine reparte. Ces gens voient toujours la lumière au bout du tunnel, et expliquent qu’il suffit de continuer dans la même direction pour en sortir. Ils se trompent. Et ils se trompent parce qu’ils font une faute d’analyse, qui est celle de croire qu’il n’y a qu’une crise, alors qu’en fait il y en a deux. Il y a bien une crise du système financier international, liée l’explosion d’une « bulle » financière. Cette crise est, pour une large part, terminée. Mais cette crise à provoqué l’explosion d’une deuxième bulle dont tout el monde avait – volontairement – oublié l’existence, qui est la « bulle européenne ». Pendant les vingt ans qui ont suivi Maastricht, les déséquilibres entre les pays européens se sont creusés à l’ombre des illusions européennes, et cela indépendamment de la « bulle » financière. L’explosion de celle-ci n’est pas la cause de la crise européenne, mais son révélateur.

     

    Si nos élites avaient la moindre imagination, elles auraient compris que le système qui a produit ces déséquilibres nécessite une profonde réforme pour pouvoir les éliminer. Mais nos élites n’ont pas d’imagination, tout simplement parce qu’elles n’ont pas assez de culture et de curiosité pour concevoir le monde autrement que comme il est. C’est pourquoi il ne leur vient d’autre idée que de renforcer les mécanismes et les institutions qui ont produit le déséquilibre, imaginant peut-être que si un peu d’Euro éloigne de la prospérité, beaucoup pourrait y rapprocher. Le traité de Maastricht – ceux qui l’ont suivi n’ont fait que confirmer et renforcer la même ligne – était dangereux non seulement parce qu’il créait le monstre, mais parce qu’il imposait – et impose toujours – des règles et des disciplines fondées sur l’orthodoxie libérale qui assurent non seulement que le monstre ne sera pas contrôlé, mais qu’il pourra prospérer et nous dévorer tous. Pour le plus grand profit de l'Allemagne.

     

    Nos dirigeants ont oublié la leçon que Keynes avait tiré de la crise de 1929. Il est peut-être utile de rappeler quelques faits : de la fin du XIX siècle jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le monde capitaliste a connu des crises cycliques profondes. L’amplitude des cyles était très grande parce que les gouvernements tendaient intuitivement à appliquer des politiques pro-cycliques : lorsque l’activité était florissante et les rentrées fiscales importantes, on augmentait la dépense publique, ce qui bien entendu augmentait la demande sur un appareil productif proche de sa pleine capacité, ce qui générait de l’inflation et tendait à la surchauffe de l’économie. Lors des phases descendantes, alors que l’activité diminuait et les rentrées fiscales avec, les gouvernements réduisaient la dépense publique, ce qui à son tour réduisait la demande sur un appareil productif sous-utilisé, ce qui à son tour augmentait le chômage, réduisant la demande et poussant l’économie dans une spirale dépressive.

     

    En fait, l’idée dominante à l’époque était que l’Etat devait être géré « comme un ménage ». Quand on a un bon salaire, on peut dépenser beaucoup, quand on est au chômage, on réduit les dépenses. Mais après avoir vu en 1929 ce que ce genre de raisonnement peut produire, Keynes conclut qu’on ne pouvait pas comparer la logique des dépenses de l’Etat avec celle des particuliers. D’une part, parce que l’Etat est un acteur suffisamment gros pour que ses choix pèsent sur tous les autres acteurs, et d’autre part parce que c’est le seul acteur économique qui peut s’endetter à volonté alors que les autres acteurs économiques ne le peuvent plus, et donc dépenser pendant une crise. De cela sortent deux idées : la première est que les politiques publiques doivent être contre-cycliques, c’est à dire, qu’il faut augmenter la dépense publique pendant les périodes de vaches maigres et la réduire au contraire pendant les périodes fastes (2). La seconde idée est qu’il faut à l’économie des « stabilisateurs automatiques » qui soutiennent la dépense privée pendant les périodes récessives. C’était l’un des avantages secondaires des systèmes généreux de protection sociale : alors que les salaires diminuent et le chômage augmente, la sécurité sociale, les allocations familiales, les allocations chômage permettent de maintenir un niveau minimum de demande privée.

     

    La mise en pratique des idées de Keynes explique pourquoi après 1945 les crises cycliques ont pratiquement disparu. Non que les cycles aient disparu, mais les politiques contre-cycliques rendaient les variations au cours du cycle relativement faibles. Grâce à la « pensée européenne » - en fait, allemande – nous sommes revenus à une vision pré-1929 de l’économie. Bruxelles est donc investie du pouvoir de vérifier que les Etats sont gérés comme le ménage cher à Mme Thatcher, en réduisant partout la dépense publique pour l’adapter à des ressources fiscales qui ne peuvent que diminuer du fait même de cette politique. Un cercle vicieux qui conduit l’Union Européenne à approfondir sa récession au moment où les états extérieurs à celle-ci – même ceux durement touchés par l’explosion de la « bulle » financière, comme l’Islande ou les Etats-Unis – commencent à en sortir.

     

    Le gouvernement est aujourd’hui en grande difficulté. Le décrochage de la cote de popularité du président et du premier ministre, le fait qu’une large majorité de français souhaite le départ du gouvernement sont des signes inquiétants : jamais dans l’histoire un gouvernement n’a été aussi usé à peine dix mois après sa nomination. Mais la difficulté principale vient du fait qu'on voit mal comment la situation pourrait s’améliorer : les socialistes rêvent de pouvoir annoncer de bonnes nouvelles dans un ou deux ans tout en faisant une politique qui ne peut que rendre la situation encore pire. Ceux qui pensent que la déflation salariale nous rendra plus compétitifs devraient réfléchir au fait que dans la mesure où voisins font la même chose, nous ne pouvons restaurer la compétitivité qu’en allant plus loin qu’eux. Et si tout le monde joue à ce petit jeu, on se retrouvera tous avec le niveau de vie des philippins ou des indiens. Après nous avoir expliqué qu’on faisait l’Euro pour éviter les « dévaluations compétitives », on s’aperçoit qu’il nous oblige aux « déflations compétitives ». Pas vraiment un progrès.

     

    Il semble donc une bonne idée politiquement de parier sur l’échec du gouvernement, et certains en sont tentés. Encore faut-il pouvoir le faire d’une manière crédible. C’est maintenant qu’il faudrait une organisation progressiste ayant pris de manière consistante une position nationale et eurosceptique (3). Ce qui rend la situation dangereuse, est que la seule organisation ayant une certaine surface politique qui ait pris une position sans équivoque sur ces questions est aujourd’hui le Front National. L’échec des socialistes risque donc d’alimenter l’extrême droite plutôt que l’extrême gauche…

     

    Les temps sont durs. Raison de plus pour relire Marc Bloch… (4)

     

    Descartes

     

    (1) Dans tout ce qui suit, j’utilise le terme « élite » dans le sens de ceux qui occupent les plus hauts postes et fonctions et ceux qui font l’opinion. Je ne parle pas bien entendu de l’élite au sens éthymologique du terme, c’est à dire, ceux qui ont les plus hautes qualités. Il y a dejà un certain temps que les deux ne sont pas corrélées.

     

    (2) Curieusement, la gauche – y compris la gauche radicale – est elle aussi anti-keynésienne : il faut se souvenir du débat sur la « cagnotte » au début des années 2000. En toute logique keynésienne, la « cagnotte » aurait du servir au désendettement, pour permettre au contraire de creuser la dette plus tard, en période récessive. La gauche « radicale » exigea au contraire que la cagnotte soit dépensée.

     

    (3) Mais comme d’habitude, la « gauche radicale » a raté le train : eurosceptique alors que l’opinion ne jurait que sur l’Europe, elle est devenue europhile juste au moment où l’Europe est en train de se démoder.

     

    (4) Je ne peux que recommander l’indispensable « L’Etrange défaite ». Une réflexion sur la défaillance des élites et le poids de la « petite France » qui n’a pas pris une ride... et qui m'a donné l'idée d'écrire ce papier !

    http://descartes.over-blog.fr/article-l-etrange-defaite-116315693.html


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  • Santé publique

    Trafic de pesticides et trafic de drogues, même combat ?

    Par Sophie Chapelle (18 mars 2013)

    Fin février, les agents de l’Office national de la chasse et les gendarmes ont mis fin à un trafic de pesticides illégaux en Midi-Pyrénées. Une molécule interdite et mortelle – le carbofuran – était importée clandestinement d’Espagne, causant des ravages parmi la faune sauvage [1]. Le trafic de pesticides est un marché lucratif et en pleine croissance. Dans plusieurs pays européens, plus du quart des produits phytosanitaires en circulation proviennent de réseaux illégaux, estimait Europol. D’après cette organisation chargée de faciliter l’échange d’informations entre les polices au sein de l’Europe, ce commerce serait organisé par des réseaux criminels très structurés et professionnels. « Les trafiquants ont développé des réseaux d’approvisionnement complexes, et se servent de certaines entreprises pour camoufler leurs activités », déclarait Europol il y a un an.

    Le faible risque [2] combiné à un bénéfice élevé ferait du trafic de pesticides« un secteur à croissance rapide de la criminalité organisée ». Qui générerait plusieurs milliards d’euros de bénéfices par an, selon Europol. « Par son organisation, le marché des pesticides illégaux peut être comparé au marché des stupéfiants », souligne Ulrich Vollmer, de l’Association of European Businesses, qui regroupe des entreprises européennes et russes.

    Ces molécules toxiques contrefaites, achetées 5 à 10 % moins cher que les substances autorisées, menacent directement la santé des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement. La France est au cœur de ce trafic. 60 % des rivières et 45 % des nappes phréatiques du quart sud-est de la France sont polluées par six pesticides interdits depuis 2003, rapporte l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse. « Leur présence dans les eaux courantes est la preuve d’un usage actuel, bien qu’illicite », ajoute t-elle. Face à cette déferlante de pesticides illicites, 700 événements à travers toute la France sont planifiés du 20 au 30 mars dans le cadre de la semaine pour les alternatives aux pesticides.

    Notes

    [1] Lire l’article du Parisien.

    [2] La contrefaçon est punie de trois ans de prison et 300 000 € d’amende. Pour une mise sur le marché d’un produit interdit, il en coûte deux ans d’emprisonnement et 75000 € d’amende.

    http://www.bastamag.net/article2989.html


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  • Jean-Pierre Elkabbach au service de Laurence Parisot

    par Blaise Magnin, le 19 mars 2013

    Le 15 février 2013, Jean-Pierre Elkabbach recevait pour son interview matinale sur Europe 1, Laurence Parisot qui achevait alors les négociations sur la réforme du marché du travail. Une performance de haute volée, où chaque question est une perche tendue à la présidente du Medef invitée à vendre l’accord comme un cadeau de l’organisation patronale aux salariés et à la France… Une très cordiale complaisance et un parti-pris certain (mais assez peu surprenant, il est vrai) qui prennent tout leur relief lorsqu’on les compare avec la morgue affichée face aux trois syndicalistes reçus moins de deux semaines avant sur la même antenne. Pour pleinement profiter de ce morceau de bravoure, la vidéo est disponible ici.

    I. Face à la patronne des patrons.

    Un accueil de brosse-à-reluire

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Vous vous rendez compte Bruce [Toussaint], la dernière séance de la négociation avec les syndicats commence dans 40 minutes, Laurence Parisot merci d’être là avec nous, c’est assez exceptionnel.  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Merci, c’est vous qui conduirez la négociation pour le Medef, la négociation va échouer ou aboutir à un accord d’ici à 21 heures, ou éventuellement demain matin, est-ce qu’un délai supplémentaire est d’ores et déjà envisageable ? » (Elkabbach anticipe la réponse de Parisot en la mimant avec les mains !)
    - Laurence Parisot : « Non. »
    - Jean-Pierre Elkabbach : « Les 45 patrons… donc il y a un enjeu majeur, et un engagement majeur de tous les syndicalistes et du Medef. » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Les 45 patrons du conseil exécutif du Medef réunis hier soir vous ont auditionné, d’après ce qu’on m’a raconté, on vous a applaudi, c’est vrai ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « C’est-à-dire qu’ il y a unanimité patronale pour vous donner mandat, aux négociateurs du Medef, de réussir à un véritable accord. » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Un accord petit, a minima comme on l’entend, ou un vrai accord ? »

    Les questions d’un passe-plat

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Donc, sur les points de friction que nous allons voir tout à l’heure, le Medef peut bouger puisqu’il y a unanimité des patrons, et vous êtes prêts peut-être à d’ultimes concessions, mais déjà, voyons le contenu. Est-ce que vous acceptez les complémentaires des frais de santé pour les 3 millions cinq cent mille salariés surtout des petites entreprises qui n’en bénéficient pas encore ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Mais votre réponse c’est oui, c’est-à-dire c’est 3 milliards de coût, la moitié payée par les employeurs et applicable, pourquoi vous dites dans quatre ans, ça peut pas se faire plus vite  ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Mais sur le principe il y accord et avancée du Medef.  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Olivier (Saben ?) disait tout à l’heure que la CFDT demande aussi des droits rechargeables qui permettent à un chômeur reprenant un emploi de ne pas perdre ses droits à l’assurance chômage. Le Medef est-il d’accord ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : «  Mais ça é-vo-lue là !  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Le Medef accepte-t-il que des représentants des salariés siègent dans les conseils d’administration des entreprises mondiales qui font plus, d’après ce que j’ai lu dans le protocole, plus de 15 000 employés, et naturellement pas pour faire de la figuration, mais pour voter avec des voix délibératives ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « L’article 17 de ce protocole permet qu’en cas de crise, et de carnet de commandes qui se vide, les salariés accepteraient la baisse momentanée de la durée du travail et du salaire, avec en échange le maintien de l’emploi et des effectifs. Si c’est vrai, c’est un pas important vers la flexibilité, est-ce que c’est vrai ?  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « C’est-à-dire les droits sociaux acquis ne sont pas touchés, mais est-ce que ça veut dire que l’employeur ne va pas en profiter justement pour prolonger des situations qui l’avantagent ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « En cas de conflit ou de séparation avec un salarié, l’accord prévoit de chercher aux prud’hommes en général moins le contentieux que la conciliation… Comment ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « D’accord, mais les salariés ont peur, eux, du licenciement… » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Laurence Parisot, il y a du contenu, mais il reste des incertitudes, des points de blocage, des conditions sine qua non des syndicats sur la taxation des contrats courts, est-ce que vous allez bouger ? » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Non mais ça veut dire est-ce que vous ne lâcherez rien, est-ce que ça veut dire… vous êtes si près du but, avec le contenu que vous venez de dire, Laurence Parisot, est-ce qu’à cause des CDD, taxer ou pas taxer, la négociation peut aujourd’hui capoter ? »

    La conclusion d‘un chargé de com’

    - Jean-Pierre Elkabbach : «  Sur les CDD, l’État et les collectivités locales utilisent plus, ou est-ce qu’ils utilisent moins de CDD que vous les patrons ?  »
    - Laurence Parisot : « Il y a eu une croissance tout à fait spectaculaire des contrats courts, notamment de moins d’un mois, ces dix dernières années. Or vous avez raison de mettre cela en avant, l’essentiel de cette croissance, 60%, est de la responsabilité des administrations publiques (…) » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Mais il faudra que ça bouge au dernier moment, sinon il y a échec.  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Dernière question : en quoi un accord conclu avec trois syndicats, même si ils sont réformistes a une dimension historique ? En quoi ? »

    II. Test comparatif.
    Face à des syndicalistes (4 février 2013) : un gardien de l’ordre

    Bref rappel de l’interrogatoire des syndicalistes.

    Face à Jean-Pierre Mercier

    - Jean-Pierre Mercier : « (...) Et ils ont décidé de voter la grève reconductible avec occupation. Et depuis hier, c’est zéro voiture qui sortent de l’usine… »
    - Jean-Pierre Elkabbach (en père sévère) : «  Et vous en êtes fier ? […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : «  Mais est-ce qu’on ne peut pas, à l’intérieur de l’usine, utiliser moins de boulons, de pétards et d’œufs ?  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « La contestation, Jean-Pierre Mercier… est utile. Mais les cris, les invectives, les menaces, les coups le sont beaucoup moins ! »

    Face à Mickaël Wamen

    - Jean-Pierre Elkabbach (pointant le doigt vers son interlocuteur) : «  Ça a l’air d’être facile de discuter avec vous ! Quand on vous entend et qu’on vous voit parler comme ça !  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : « Et le 13 février, une fois que la manifestation aura eu lieu ? Qu’est-ce que ça aura changé ?  » […]

    - Jean-Pierre Elkabbach : «  Quand vous entendez parler du mot compétitif, du mot compétitivité, vous pensez que c’est un gros mot ?  »

    Et quand vous entendez « Elkabbach », vous pensez quoi ?

    http://www.acrimed.org/article4026.html


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  • "L’indépendance de la BCE n’est qu’allégeance au système bancaire"

    Michel Santi
     

    Quand comprendra-t-on enfin que les déboires européens actuels ne sont en rien dus aux endettements publics ? Pourquoi l’orthodoxie, la pensée dominante, l’écrasante majorité des économistes, comme les dirigeants politiques (qui n’y comprennent pas grand-chose), s’obstinent-ils à considérer cette crise comme celle des « dettes souveraines » européennes ? Un petit rappel historique serait à cet égard éclairant. D’Histoire de France en l’occurrence, car c’est une loi française du début des années 70 qui devait consacrer cette orthodoxie financière - et figer dans le marbre la sacro-saint indépendance des banques centrales -, responsable des ravages actuels de l’Union européenne !

    La finance a mis la main sur les politiques monétaires

    Le 3 janvier 1973 étaient en effet adoptés les nouveaux statuts de la Banque de France qui devaient révolutionner le job de banquier central, le transformant ainsi en une sorte de personnage « téflon » - totalement antiadhésif - n’ayant nul compte à rendre à l’exécutif de son pays ni à ses concitoyens. C’est effectivement à 1973 et à cette loi française qu’il est possible de dater le début de l’irresponsabilité des banques centrales, et particulièrement dans son article 25 qui indique que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». Tournant crucial donc dans la gestion des finances publiques des nations occidentales qui emboitèrent le pas à la France. Les Etats étant dès lors - et de facto - définitivement à la merci du système bancaire, puisque leurs Trésoreries n’étaient plus en droit d’emprunter auprès de leurs banque centrale.

    Etape historique sur le chemin de la libéralisation financière internationale, franchie et initiée par la France qui s’interdisait dorénavant de recourir à la planche à billets de sa banque centrale en cas de besoin. Problématique d’une actualité brûlante dans le contexte européen d’aujourd’hui ! L’adoption de cette loi ne devant du reste rien au hasard à une époque où la France était présidée par un ancien banquier, à savoir Georges Pompidou. Dans un contexte où, suite à la décision du Président américain Nixon en 1971 de suspendre tous les achats et ventes d’or, le billet vert n’était plus convertible en métal jaune. Et dans une atmosphère de tension financière internationale où les américains espéraient tirer leur épingle du jeu, illustrée par la fameuse répartie du Secrétaire au Trésor de l’époque John Connally : « le dollar est notre monnaie mais c’est votre problème » !

    Bref, l’effondrement du système instauré à Bretton Woods en 1944 (sous l’impulsion de Keynes) inaugurait une nouvelle période où les risques étaient appelés à être assumés par les investisseurs, désormais confrontés aux aléas des fluctuations monétaires. L’abandon de cette convertibilité ayant par ailleurs des conséquences fondamentales sur les acteurs financiers qui ne manqueraient évidemment pas de saisir toutes les opportunités offertes par la spéculation sur la volatilité naissante du marché des changes. La dérégulation et la libéralisation du secteur financier constituaient donc le préalable incontournable qui autoriserait ses intervenants à profiter des fluctuations de ce nouveau marché. C’est donc dans cet environnement que s’est imposé le concept d’indépendance des banques centrales dont l’objectif était de stériliser la politique monétaire.

    Le banquier central dans une tour d’ivoire

    Et de la soustraire à toute ingérence de la part de politiques trop souvent enclins à l’utiliser à des fins de relance économique, au risque d’attiser l’inflation. Dès lors, le banquier central devait se complaire dans son splendide isolement. Il se transformait en une sorte de cardinal - ou d’éminence grise - emmuré dans un conclave permanent et prompt à distiller la fumée noire afin d’empêcher toute velléité de monétisation de sa dette par l’exécutif de son pays. Voilà le banquier central - responsable devant personne - qui disposait donc du pouvoir de sanction vis-à-vis des élus. Du coup, la politique monétaire - c’est-à-dire la cruciale définition des taux d’intérêt - en devenait passive. Elle se contentait en effet de répercuter et de se faire l’écho des volontés et du dictat de la haute finance.

    Cette loi française de 1973 fut par la suite abrogée...mais seulement pour être remplacée en 1992 par le Traité de Maastricht et en 2009 par celui de Lisbonne qui défendaient jalousement la même orthodoxie. A savoir de prévenir toute facilité de découvert ou de crédit consentis par la Banque centrale européenne en faveur de gouvernements, de régions ou de collectivités locales membres de l’Union. Comme nos Etats ne pouvaient plus faire appel à leur banque centrale afin de financer leurs comptes et dépenses publics en cas de besoin, nous sommes donc tous devenus dépendants du système bancaire commercial qui, lui, était bel et bien en mesure de créer des liquidités en privé à partir du néant pour les prêter à nos Etats moyennant intérêts.

    Intouchable stabilité des prix au mépris de la stabilité macro-économique

    Pratique inaugurée dès 1973 par la France mais qui s’avère aujourd’hui quasi globale puisqu’une étude du F.M.I. révèle effectivement que deux-tiers des 152 banques centrales autour du globe restreignent considérablement - quand elles n’empêchent pas tout court - tout prêt ou toute mise à disposition des banques centrales en faveur de leur gouvernement. Au nom de la très vénérable et de l’intouchable « stabilité des prix ». Au mépris de la stabilité macroéconomique. Et tant pis si les frais de financements de leurs dettes par nos Etats atteignent des sommets intenables, et pour les finances publiques, et pour la croissance, et pour le pouvoir d’achat du citoyen... Utilisant les données fournies par Eurostat, un économiste britannique d’Oxford, Simon Thorpe, parvient ainsi à la conclusion que les seuls intérêts payés en 2011 par l’Union européenne sur sa dette publique se montent à 371 milliards d’euros, soit près de 3% du P.I.B. de l’ensemble de ses membres !

    Tel est donc le prix à payer pour l’indépendance de la BCE. Dans une conjoncture de déprime européenne absolue, burinée d’effondrement des recettes fiscales, de rétrécissement des aides sociales et d’envolée du chômage. Avec des Etats qui, afin de financer leur train de vie - donc le nôtre ! - se retrouvent contraints de descendre dans l’arène des marchés financiers, lesquels ne se privent évidemment pas de faire monter les enchères en même temps qu’ils imposent l’austérité avec, à la clé, davantage de récession. Simplement parce qu’il nous est impossible de nous financer auprès de nos banquiers centraux qui se drapent dans leur toge d’indépendance. Indépendance qui n’est en réalité qu’un rideau de fumée destiné à masquer leur allégeance au système bancaire.

    Michel Santi

    http://www.gestionsuisse.com/2013/lindependance-de-la-bce-es...

    *Michel Santi est un économiste franco-suisse qui conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l’IFRI et est membre fondateur de l’O.N.G. « Finance Watch ». Il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Splendeurs et misères du libéralisme"

    URL de cet article 19764
    http://www.legrandsoir.info/l-039-independance-de-la-bce-n-039-est-qu-039-allegeance-au-systeme-bancaire.html

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  •  Montebourg force one made in france

    Souvent, pour alimenter mes chroniques, je n'ai qu'à lire un interview dans les médias. Un que j'aime bien, c'est Arnaud Montebourg, du pain béni comme on dirait à Rome.

    Il fait démarrer un "train de l'industrie et de l'innovation" qui fera étape dans 19 villes. On ne sait pas si Guillaume Pépy, le pdg de la SNCF qui saborde le rail français et vient d'être renouvelé à son poste par l'Elysée, le conduira. Arnaud Montebourg, jamais à court de gadgets à défaut d'acte, fait débuter aussi la "Semaine de l'industrie". On ne sait pas non plus si elle passera voir les PSA d'Aulnay Goodyear à Amiens, ou ailleurs.

    Il vient de raconter tout ça dans le JDD. Comme je ne ferai aucun commentaire,  quelques extraits:

     

    En tant que ministre du Redressement productif, vous serez sur tous les fronts. que comptez-vous faire?
    Je suis à la tête d'un ministère de combat et d'unité nationale au service de la renaissance industrielle de la France. Le rapport Gallois a constitué la première étape de ce processus et donné lieu au pacte de compétitivité...

     

    Après Montebourg le "Pompier" voici Montebourg le "Bâtisseur"?
    Il n'y a pas deux Montebourg. Ma politique industrielle avance sur deux jambes. On m'a reproché de faire le pompier. Mais il y a nécessité à préserver l'appareil industriel et notre savoir-faire technologique. Auparavant, personne ne l'avait jamais fait. Depuis mon arrivée, nous avons sauvé 59.961 emplois sur 70.909 postes menacés...

     

    Au bout de dix mois, on retient surtout les échecs...
    Il est regrettable qu’on ne m’interroge que sur quelques dossiers alors que nous en suivons plus de 2000. Nous connaissons tous les jours des succès mais aussi malheureusement des échecs, des semi-échecs et des semi-victoires.

     

    Comment allez-vous faire pour attirer de nouveaux investisseurs et faire revenir des entreprises qui ont délocalisé?

    (...) C’est un travail de bénédictin.

     

    Regrettez-vous vos saillies contre plusieurs grands dirigeants et le dommage d’image qui a pu en résulter pour la France?
    Je travaille dans un esprit patriotique et considère qu’il n’y a pas d’infaillibilité actionnariale. S’agissant de PSA, l’Etat a du s’engager à hauteur de 7 milliards d’euros sur sa banque...

     

    La France en fait-elle assez pour rester compétitive?
    Nous avons mobilisé 20 milliards d'euros en faveur des entreprises pour qu'elles investissent et recrutent. La droite en parlait mais n'a rien fait. La gauche a pris le taureau par les cornes...

     

    François Hollande veut forcer l’allure. S’il devait légiférer par ordonnance cela vous choquerait-il?
    Le premier ministre a dit que cela concernerait des questions exceptionnelles. Transformer un pays en profondeur comme nous souhaitons le faire c’est d’abord un art de l’exécution. Légiférer par ordonnance peut-être utile à condition que le parlement soit d’accord.  (Le Parlement est à majorité PS, note de ma pomme).

     

    On vous dit a la fois isolé au sein du gouvernement et très mobilisé, dans quel état d’esprit êtes-vous?
    Je suis un combattant au service du made in France et de la renaissance de l’industrie. Je suis en quelque sorte à la tête d’un ministère anti-dépresseur. Ma mission est un travail de longue haleine, difficile mais passionnant.

     

    Comme je n'ai pas fait de commentaire, une photo aux Emirats arabes unis:

    A Abu Dhabi, lors de la visite de François Hollande aux Emirats arabes unis, le 15 janvier, l'émir de Dubai, le cheikh Mohammed bin Rashid al-Maktoum, accueille Arnaud Montebourg.

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com/article-montebourg-force-one-made-in-france-116265745.html


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  •  POURQUOI LES SOCIALISTES ONT RECU UNE DECULOTEE DANS L'OISE

     Pourquoi les socialistes ont recu une deculotée dans l'Oise

     

     

     

     

     

     

     

    Quand les socialistes remplissent la bedaine

    du patron, voilà ce qui se passe

     

    POURQUOI MANCEL ET L’EXTREME DROITE ONT ELIMINE LA CANDIDATE SOCIALISTE DANS LA CIRCONSCRIPTION DE BEAUVAIS-SUD

    Pouvait-il en être autrement ?

    Les socialistes disent que les électeurs ne se sont pas déplacés parce que l’enjeu n’était pas important rajoutant que de toute façon cette circonscription est ancrée à droite.

    C’est le genre d’excuse quand on a pas d’excuses à faire valoir.

    En fait, ce résultat qui élimine au premier tour la candidate socialiste qui avait raté de 63 voix l’élection en juin dernier, place Mancel en tête et le Front national en second et montre que la désillusion est grande parmi l’électorat socialiste qui a décidé de ne pas se rendre aux urnes même s’il faut convenir qu’une déperdition existe d’électeurs qui ne se déplacent que pour l’enjeu national des législatives.

    L’électorat socialiste  a fait plus que de bouder les urnes.

    Cet électorat a vu son vote bafoué par Hollande et son gouvernement qui se sont rangés dans les politiques d’austérité qui frappe les salariés et les retraités notamment dans cette circonscription de Beauvais -Sud.

    Ces mêmes électeurs voient leur conditions de vie et de travail s’aggraver et le chômage progresser contrairement aux déclarations péremptoires de Montebourg annonçant qu’il avait sauvé 60000 emplois, ce qui faire rire jaune tous ceux qui dans la dernière période viennent de perdre  leur emploi, comme dans la Picardie où la frappe chirurgicale du CAC 40 vient de détruire en quelques semaines des milliers d’emplois.

    Et les électeurs de l’Oise savent qu’Hollande était venu recueillir leur voix dans des entreprises qui ont été ensuite abattues par le patronat à l’exemple de Still à Montataire.

    C’est cette politique que s’entête à mener Hollande qui a conduit à ce résultat électoral et à la victoire de Mancel et surtout une nouvelle progression du Front National qui nage à l’aise dans les fanes défraichies des promesses non tenues du président de la République.

    Dans ces conditions, le résultat du Front de gauche est un encouragement dans une circonscription où les communistes dans le cadre du Front de Gauche mènent un combat de longue haleine pour devenir une force qui compte. Mais, ne nous trompons pas, le sillon a besoin de prendre de la profondeur et notamment pour gagner cet électorat qui vient de se détourner du vote socialiste mais qui n’a pas encore fait le pas de rejoindre massivement les communistes et le Front de Gauche.

    C’est à ce travail qu’il faut consacrer du temps pour que nos propositions dépassent le coté sympathique que les gens nous donnent volontiers pour être littéralement porté comme la vraie alternative sur laquelle ils se prononcent et surtout luttent.

    Ce travail là nous attend car  Hollande a choisi une ligne qui va à l’encontre du progrès social et cela va peser dans les prochains scrutins, notamment les municipales, qui deviennent le terrain propice de reconquête pour la droite en alliance avec le Front National dans ce département qui grimpe et recueille des voix qui ne devraient pas lui être destiné.

    Le parti socialiste en Picardie est responsable de cette montée du Front National parce que sa politique qu’il mène éloigne des gens qui sont travaillés par ce FN sur l’idée « du tous pourris ».

    Ce résultat favorable à la droite est plus qu’une semonce pour ce parti qui détient tout et mène une politique gouvernementale contraire aux intérêts des salariés et des retraités dans cette région.

     Tiendra t’il compte de ce résultat, s’engagera t’il à se sortir du guêpier dans lequel il s’est soumis au capital ; les quelques mois qui nous reste avant les municipales confirmeront ou infirmerons cette interrogation.

    Ce que l’on peut savoir aujourd’hui, c’est que le scénario que l’on voyait se profiler d’un retour de la droite est en cours.

    Les socialistes militants sincères ne peuvent plus se murer dans le silence. L’obstination de leurs dirigeants pour appliquer une politique gouvernementale favorable aux thèses libérales créant de l’insécurité sociale ne peut être que destructrice pour l’ensemble des forces qui se réclament du progrès social.

    A bon entendeur salut.

    Bernard LAMIRAND


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  • LE GRAND PATRONAT PREND LES CHOSES EN MAIN

     Merckel HollandeLES LARBINS CONVOQUES

    CE JOUR A BERLIN

    J'ai entendu sur France inter ce matin du 18 mars 2013, que Hollande, Merckel et les autres - les larbins au service du grand patronat - sont convoqués aujourd'hui - à Berlin s'il vous plaît -  pour "rencontrer" les très grands patrons européens, de la Table Ronde des Entrepreneurs. C'est une rencontre inédite. Jusqu'à présent ces saigneurs (les très grands patrons bien sur)  étaient discrets. Il faut que les choses aillent mal pour qu'ils se décident à donner des ordres directs et sans intermédiaires aux ci devant chefs d'états et de gouvernements, leurs larbins préposés aux basses oeuvres.

    France info marque sa surprise:  "Dîner européen à Berlin  Le président de la République française, la chancelière allemande et le président de la Commission européenne conviés à un dîner réunissant les principaux grands patrons européens, l'affaire est inédite. De prime abord, on pense à un "dîner du Siècle"(link) européen, ou a un "sous-forum économique de Davos". Pourtant, il s'agit d'un dîner de travail : tous vont plancher sur la compétitivité de l'Europe de demain".

    La Tribune de ce 18 mars, nous en dit plus : "François Hollande et le président de la commission européenne, José Manuel Barroso sont attendus à Berlin par la chancelière allemande Angela Merkel pour un diner inédit avec le patronat européen. Objectif : trouver les moyens de relancer "la croissance et la compétitivité en Europe". L’initiative vient de la chancelière allemande. Autour de la table, Angela Merkel réunira le président français, François Hollande et celui de la commission européenne, José Manuel Barroso, et une quinzaine de grands patrons. Au menu : la crise en Europe et les moyens de s’en sortir.  Les dirigeants invités sont tous membres de la "Table ronde des industriels européens", un club très sélect d'obédience libérale, présidé par le PDG de Volvo, Leif Johansson. Ce forum réunit une cinquantaine d'entreprises industrielles et de hautes technologies de tout premier plan qui "pèsent" à elle-seules 1.300 milliards d'euros de chiffres d'affaires et 6,8 millions de salariés. La rencontre se veut une nouvelle "étape dans un cycle de réflexion" sur la croissance engagé par le sommet européen de juin 2012 et qui doit donner lieu en juin prochain à une feuille de route des Vingt-Sept". Il est parfaitement clair que ce sont ces "principaux grands patrons qui vont donner les ordres au prochain sommet européen. Et si après ça, il y a des gens en France qui ne voient aps que Hollande est celui qui fait aujourd'hui la politqiue du grand patronat en France ...

    Toujours dans la Tribune: "Des réformes structurelles demande l’Allemagne. Angela Merkel a encore répété samedi sa conviction: des réformes structurelles devront être menées dans de nombreux pays européens afin que "les grandes entreprises européennes aient encore leur chance sur le marché mondial et puissent devenir des acteurs majeurs". 

     "Ne croyez pas que ce dîner va être une espèce d'instruction à charge voulu par la chancelière afin d'utiliser quinze chefs d'entreprises pour dire: ‘la France n'est pas bonne, regardez le modèle allemand’, pas du tout", soutient l'entourage du président français. Avant ce sommet, le président français doit annoncer dans la matinée à Paris avec le PDG d'Airbus un accord industriel majeur". Ni l'Elysée, ni l'entreprise aéronautique n'ont donné de détail". Cette défanse 

     

    Enfin, BFM BUSINESS (revue patronale sur internet) lâche le morceau: "Hollande et Merkel à l'écoute des grands patrons. François Hollande se rend à Berlin, ce lundi 18 mars en fin de journée, invité par Angela Merkel. Les deux responsables vont participer à une réunion d'un lobby d'industriels très puissant : la European Round Table".

    ___________________________________________________________________________________________________________

     Vous connaissiez cette European Round Table (en français la Table Ronde des Entrepreneurs?) Sans doute que non. Pourtant c'est ce groupuscule de très grands patrons, qui de fait gouverne l'Europe. 

    Deux chercheurs belges, Gérard de Sélys et Nico Hirt  avait dès 1998 dans un petit livre intitulé "Tableau noir" démonté le mécanisme. Quelques citations: 

    "A la fin de la 2ème guerre mondiale, et les années suivantes, les dirigeants politiques et industriels des pays occidentaux les plus riches ont créé plusieurs organisations internationales, publiques ou privées.

    "Officiellement, on expliquera la création des grandes organisations publiques telles que l'ONU, le FMI (Fond Monétaire International), la banque Mondiale, l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), la CEE (Comunauté Economique Européenne) qui deviendra l'Union Européenne d'aujourd'hui, par la nécessité de sauvegarder la paix mondiale et de contrôler l'économie.... 

    "En 1995 a été mis en place l'Organisation Mondiale du Commerce dont l'objectif est de transformer le monde entier en un gigantesque marché (la mondialisation capitaliste) ... y compris le marché des travailleurs, esclaves modernes ...

    "La création des grandes organisations privées, elle, ne fut expliquée ni officiellement ni officieusement. Elle fut tenue secrète...

    'La LECE (Ligue Européenne de Coopération Economique) réunit ainsi dans l'ombre plusieurs centaines d'industriels et de banquiers européens dès 1947.

    "La Trilatérale, regroupe, très confidentiellement, les principaux dirigeants politiques et industriels  des trois principaux pôles du monde occidental(Etats-Unis, Europe, Japon).

    "L'ERT (Table Ronde Européenne  des Industriels) est fondée en 1983 par un quarantaine de grands patrons européens dans le but secret , mais avoué, de devenir le principal centre de décision du continent européen. 

    "Les grandes organisations internationales publiques et privées se sont vite organisées pour piller le monde au seul profit des plus riches ... Les riches ont en effet besoin d'un Etat  pour faire la guerre dans leur intérêt, pour collecter l'impôt et percevoir les taxes à leur profit. Pour réprimer les révoltes que provoquent leurs exactions. Pour édicter des lois? Pour répandre leurs mensonges et leurs propagande qu'ils appellent "informations". (extraordinaire non? On trouve la description fidèle de ce que nous vivons aujourd'hui sous la président "normal")

    "On l'ignore, ces organisations élaborent de véritables plans de bataille pour renforcer et enrichir plus encore la classe des riches. Ainsi, à l'abri des murs de leur bureau, elles ont élaboré les plans de privatisation qui leur ont déjà permis de mettre la main sur des milliers d'usines et de services publics, précipitant des peuples entiers dans la misère et le chômage. Mais les riches en veulent plus. C'est la raison pour laquelle, ils veulent s'en prendre aujourd'hui à l'enseignement. Ils veulent détruire l'enseignement public et imposer l'enseignement privé. Un enseignement marchandise qu'ils veulent vendre... (Comme on peut le constater c'est exactement se qui se passe sous nos yeux: Grèce, Italie, Portugal Espagne, Chypre ... et chez nous ça commence).

    Les auteurs s de ce précieux livre démontrent ensuite, par quels mécanismes les directives de l'ERT sont reprises par FMI, la Commission Euroéenne, via l'OCDE etc  et en définitive les gouvernements des différents états européens. Ils démontrent ainsi que ce sont les très grands patrons qui gouvernent en réalité. La troïka (FMI, Union Européenne, la commission de Bruxelle) sont les petits porteurs des messages des grands patrons. Tout comme Merckel Sarkozy et Hollande. 

    jacques.lacaze@gmail.com

     

     

    GRANDES MANOEUVRES DU GRAND PATRONAT EUROPEEN

     

    En complément à l'article sur la rencontre entre Merckel Hollande et  il faut savoir que la Commission Trilatérale s'est réuni à Berlin les 16 et 17 mars.

     

    Vous avez dit coïncidence?

     

    Pour en savoir plus, cliquez sur: link

     

     

    http://www.jacques-lacaze.com/


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  • Barricades

     

    Barricades

    Le 18 mars 1871, le peuple parisien se soulève, en opposition à la tentative d'Adolphe Thiers - fondé de pouvoir des classes dominantes - de s'emparer des armes de la Garde nationale. Dans la foulée, des barricades sont érigées au faubourg Saint-Antoine et à Ménilmontant, signant le début de la révolution sociale et politique connue sous le nom de Commune de Paris. A l'occasion de ce 18 mars, Contretemps vous propose de lire un texte de l'écrivain Pierre Vinclair, intitulé "Barricades", ayant précisément pour cadre cette formidable insurrection populaire qui constitua, selon le mot de Marx, "le glorieux fourrier d'une société nouvelle". 

     

                                                       – Extrait de Commune mémoire

     

    J'avais compris : je n'en sortirais pas, de Paris.

    On pourrissait sur les barricades. Les troufions buvaient toute la journée, jouaient aux cartes en ragotant sur le capitaine et déployaient des bouillies d’opinions immédiatement dissoutes par le soleil qui nous brûlait la face. Ils commentaient la valse des généraux qui prenaient, les uns après les autres, la direction de la Garde Nationale pendant que Versailles les écrasait, jour après jour, sur le front de l’ouest ; et alors que nous n'avions que la rumeur de ces combats, chacun croyait savoir mieux que les autres comment la guerre devait être menée. Les échos d’affaires politiques, les décrets du Conseil, le nombre de prisonniers, de morts et de mouchards exécutés, les messages de Thiers : oui tout ce qui déchaînait leur enthousiasme me glissait dessus.

    — C’est évidemment Rossel, qu’il nous faut !

    — C’est Dombrowski !

    — C’est Delescluze !

    — Delescluze est trop vieux ! Pourquoi pas Pyat pendant que tu y es !

    — Tous ces vieux briscards qui ne veulent que prendre leur revanche sur quarante-huit ! C’est notre révolution ! Nous en sommes les soldats ! Elle ne doit pas leur servir à régler leurs comptes !

    — La Commune, elle est à nous !

    — Vive la Commune !

    — La Commune éternelle !

    Quant aux civils, pour eux la Révolution était faite, et la Commune avait gagné depuis longtemps. Dès mi-avril, ils s'étaient mis à flâner, à s’aimer. Ils s’arrêtaient pour discuter : on n’est plus des bêtes, disaient-ils à qui voulait l'entendre. Leurs élus leur parlaient, de fait, comme à des hommes véritables et leur laissaient le droit de vivre et de penser, d’avoir du temps, d’aller où bon leur semblait, et même de se distraire. Le soir, ils se retrouvaient dans les cafés, assistaient aux concerts et dansaient, chantaient, buvaient jusqu’à l’ivresse. Comme ils étaient heureux !

     

    Comme ils étaient insouciants. Thiers et sa meute de seigneurs, derrière deux cents rangées de fantassins, vinrent bientôt leur dire :

    — Votre demande n'est pas celle de mortels.

    Les toits flambèrent. On continua de trouer la ville – ponts écroulés, façades arrachées. Les barricades se transformèrent en fosses communes. Les devantures dégueulèrent les entrailles des immeubles. Les derniers Parisiens qui le pouvaient déménagèrent et leurs habitations furent des torches de paille sous un feu que rien ne calma, vorace, rampant le long des rues, transformant la Paris en brasier. La terre des corps en décomposition, le ciel en cendres. Les Versaillais, gagnant le terrain dégagé, répandirent la rumeur : les insurgés eux-mêmes auraient mis le feu à la ville – et ceux-ci furent lâchés par la population civile. Leurs troupes reculèrent jusqu’à la Butte aux Cailles. Pendant ce temps-là les immeubles se contaminaient, communiquaient le feu comme une parole que l’on échange et le dragon les avalait, d’un coup de langue bleue, les uns après les autres. Le 24 mai, il rampait sur les arêtes de l’hôtel de ville. Il le caressa, en explora les contours, paradant sous le ciel nuageux – et puis… Il s’engouffra, dévorant le bois des portes, les poutres, les meubles et les parquets, ne laissant derrière lui qu’un tas de corps pourris, de macchabées la bouche cariée par la cendre. Les pans de murs tombaient et le peuple assistait, impuissant. Le coeur de Paris s’effondrait. Les habitants hurlaient, demandaient à Jésus de pardonner leur faute et la grande bouche de Dieu depuis le ciel cramoisi grondait :

    — Quand je vous appelais, vous ne m'avez pas écouté : vous pouvez m'appeler, je ne vous écoute plus.

    La Commune était faite.

    Brûlée vive, la Commune éternelle ! Delescluze avait dit :

    — Maintenant foin des bataillons rangés… Place au peuple, aux combattants aux bras nus !

    L’armée n’existait plus – ne restaient que des lambeaux d’escouades composées de socialistes et de fous – et ceux qui n’étaient pas morts avaient fui. Lécréand, lui, n’était pas socialiste. Peut-être était-il fou.

    Mais les troupes versaillaises finiraient par passer chez Anne-Marie – elles ratissaient chaque pièce à la recherche de fédérés, inspectaient tout. Si l’on l’y avait trouvé, on les aurait fusillés, tous les deux. Seule elle s'en sortirait.

    Il aurait dû mourir depuis longtemps déjà, depuis l'enfer du 4 avril. Il se rendait à ce brasier. Son corps serait comme le pétrole répandu dans la ville : un combustible pour le feu, une croquette pour le dragon qui dévorait Paris. Sa peau, sa chair et ses muscles brûleraient, et il s'évanouirait dans cette fumée qui rejoignait les cieux.

    — Adieu.

    Anne-Marie restait sur le seuil.

    Elle le regardait partir dans le soleil éblouissant, le chassepot en bandoulière. Dans le costume de son mari, il rejoignait la porte Saint-Martin, où se livraient les derniers combats. C'était le 27. Paris libre n'était plus qu'un minuscule carré : Parmentier, le faubourg du Temple, les Trois-Bornes et les Trois-Couronnes, le boulevard de Belleville. Entre ces quatre rues s’élevaient des barricades de rien – des pavés, de la ferraille des chaises et les murs effondrés des maisons que les canons les uns après les autres avaient défoncés et dessous, de la terre, du gravat – à quoi tenait leur territoire ? Leur Commune ! Il n’y avait plus que ça – et pourquoi ? Les Insurgés, sans doute, avaient désiré sans fin. La liberté avec l’égalité, le loisir et l’argent, et la fête – tout ! L’amour ! Et à mesure qu'ils désiraient, leur pauvre Commune se réduisait, comme la peau de chagrin. Les derniers braves se retrouvaient au milieu de cinquante hectares entourés par les flammes, en un combat désespéré de mille contre cent mille.

     

    Je n’étais pas encore monté au front lorsque, parmi trois cents autres combattants (non plus des soldats ou des civils mais rien que des hommes avec la rage, coincés derrière leur barricade comme des rats), je le reconnus, lui, avec sa grande mèche de cheveux bruns et son air élégant, à une vingtaine de mètres de moi, nonchalamment posé contre le mur de la manufacture d'instrument de musiques, dans un renfoncement de la rue Timbaud : c'était Arnaud Blanchard, le soldat du fort d'Ivry. Il fumait là son clope, le regard vide, ce Blanchard même à cause de qui j'avais passé quinze jours derrière les barreaux. Je le fixai de mes yeux noirs – je lui aurais planté ma baïonnette dans le ventre – et il tourna la tête vers moi.

    — Hep, toi.

    Un mélange de colère et de joie m'envahit. M'avait-il reconnu ? Je m’approchai doucement.

    — Oui, camarade ?

    Il tapait du pied, sur le sol.

    — Je crois bien que je vais mourir aujourd’hui ! dit-il calme, avec une douce mélancolie.

    La mort, déjà, avait pris possession de lui ; elle avait recouvert ses yeux d'un léger voile gris qui chaque seconde tournait encore un peu au blanc. Derrière ce minuscule linceul, on eût dit qu'il voyait, non pas les barricades, non pas les combattants aux corps tressés de muscles fins, prêts à se rompre, yeux globuleux barbes hirsutes, qui se relayaient sur le front, mais quelque chose qui n'était pas vraiment du monde, pas ici-et-maintenant. Ou plutôt, même s'il les voyait, car il pouvait les voir, bien sûr, que ce n'était pas lui qui les voyait, mais bien la mort, s'étant installée sous son crâne, qui voyait par ces yeux et comptait froidement, sans même se régaler de cette comptabilité macabre, ses prochains locataires.

    — Je vais te montrer quelque chose, dit-il.

     Il me prit par la manche : la mort nous avait fait colocataires. Je me laissai guider, comme si c'était la destinée elle-même qui me tirait le bras, pour m'emmener à l’intérieur de la manufacture.

    — Ne t’inquiète pas, il n’y a personne.

    Il a refermé le grillage. Nous nous sommes retrouvés dans une cour intérieure pavée, bordée de maisons basses, au milieu de laquelle un arbre était planté. Mon esprit fatigué était prêt à tout recevoir ; quelque serpent eût habité dans ce pommier que je l'aurais compris. Nous étions proche du jugement dernier ; les structures mythiques d'un réel essoré de sa graisse se révélaient dans leur pureté. Tout faisait sens.

    — Tu entends ?

    Blanchard souriait. Un obus éclata. La rumeur des combats reprit…

    — Quoi ?

    — Approche-toi…

    Il me fit lever la tête :

    — Il y a des oiseaux, regarde, imbécile ! C'est le printemps, et la vie continue…

    Dans le pommier en fleurs, deux moineaux sautillaient, de branche en branche.

    Blanchard me fit signe de le suivre. Le bâtiment principal de la manufacture s’élevait sur cinq étages de briques et il fallait monter une douzaine de marches pour parvenir au rez-de-chaussée. Comme l’énorme porte de fonte avait été forcée, il lui suffit de se servir de son fusil comme d’un levier pour l’ouvrir dans un grincement ; j'ai pénétré juste après lui dans une pièce immense, sombre et humide, où résonnaient chacun de nos pas – elle était vide et avait dû être pillée. A l’intérieur, seule l’ouverture grillagée d’un soupirail diffusait la lumière.

    Blanchard s’enfonça dans les ténèbres de la pièce.

    — Qu'est-ce que tu veux ?

    Dans cette pénombre, ma voix, en sortant de ma bouche, s'était dix fois amplifiée. Elle emplissait chaque recoin de l'immense salle vide, comme si ce n'était pas moi, véritablement qui parlait, mais quelque puissance démoniaque venue de moi bien sûr, immatérielle, vivant au fond de moi et qui se fût servie de mes lèvres pour donner une chair à son discours – et me ventriloquait pour résonner encore.

    — Tu vas voir.

    Et la voix de Blanchard résonnait tout pareillement, et quand elle frappait mes tympans montait et descendait de partout en même temps, m'assaillant à droite et à gauche tant la manufacture, pareille à une église, l'avait amplifiée, déformée, diffractée. Nos frères mouraient, pendant ce temps-là, sur les barricades.

    — On a mieux à faire, dis-je en amorçant un demi-tour.

    Sa voix comme une camisole vint m’embrasser :

    — Lécréand !

    Il se souvenait de mon nom, il m'avait reconnu. Alors c'était tout différent. Je me suis retourné.

    — Qu'est-ce que tu veux Blanchard ?

    Je ne bougeai pas.

    — Là où je suis, il y a une trappe, dit-il. Dessous, il y a une cave qui peut accueillir cinquante personnes… Je vais te montrer. Ils ne te trouveront pas.

    — On a soudain peur de la mort ? Je croyais que tu t'y préparais, bien bravement...

    — Toi tu peux choisir, tu peux t’en sortir. Écoute-moi. Nous allons nous faire écraser, c’est certain.

    — Je veux me battre.

    — Ne sois pas ridicule. On a déjà perdu.

    Je le savais. On avait en effet déjà perdu, et désirer se battre, maintenant, n'avait plus aucun sens. Blanchard se rapprochant traversa la lumière que filtrait le soupirail. L’ombre des grilles se déplaça sur son visage :

    — Y a rien à gagner. Ne sois pas stupide. Ta femme t’attend.

    —  Laisse tomber je te dis.

    — Je te comprends, Lécréand. Mais tu te trompes, si tu crois qu'il y a d'un côté des héros, et de l'autre des lâches. Y a que des vivants et des morts.

    Je me suis rapproché de lui. Il aurait fallu me faire partir il y a deux mois, au lieu de me jeter dans la geôle. J'allais lui foutre mon poing dans la figure et il la fermerait, une bonne fois pour toutes. Comme ça on serait quitte.

    — Tu ne semblais pas si sûr de ton engagement, quand je t'ai rencontré…

    Comme une corde trop tendue qui craque, je me ruai vers lui et le plaquai à terre. Je pris sa gorge dans mes pouces – et je serrai, serrai jusqu’à ce qu’il ne puisse plus parler.

    — Écoute-moi bien maintenant ! J'ai crié comme un fou. Je m’en souviens plus, de ma femme, t’entends !

    Ce n’était pas ma voix, amplifiée par la carcasse vide du bâtiment, qui partait et revenait s'enrouler autour de moi, étrangère la voix d'un autre, située derrière ma voix, venue du soupirail – la voix d’un démon chuchotant derrière mon corps et me domptant, me possédant. Blanchard se défendait à peine sous la pression des pouces au bout desquels je sentais le tambour du pouls s’emballer – mais allais-je tuer cet homme ? Allais-je tuer cet homme ? Effrayé par moi-même je lâchai son cou et saisis sa tête pour la rejeter avec violence, et le punir de m’avoir rendu fou.

    Arnaud comme un sac s’effondra sur le sol.

    — J’ai vu le visage de mes amis réduits en bouillie ! Les corps coupés par les obus ! L’odeur des morts est rentrée si loin dans mon crâne qu’elle a pourri mon corps, alors je suis déjà mort t’entends !

    Il se tenait le cou, gesticulant dans sa douleur.

    — Diable ! Lécréand ! articula-t-il d'une voix étouffée.

    J'ai couru vers la porte de fonte comme pour me fuir, poursuivi par le bruit des pas. Le soleil m’arracha les yeux. On va finir par se bouffer entre nous ! Pensai-je.

    Je me suis assis – ou plutôt j'ai balancé mon corps sur un sac de gravats qui traînait là. Mes jambes tremblaient. Reste tranquille maintenant ! Il n’y en avait plus que pour quelques heures.

     

    Petit à petit, mes yeux se sont habitués au soleil.

     

    Et de cinquante, on est passé à vingt hectares ; l’étau n’en finit pas de se resserrer – on ne mourrait pas l’arme à la main, on crèverait étouffés. Les soldats continuaient de se battre – on entendait les coups de feu et parfois le grondement d’un canon – d’où venaient-ils et quelles tourments avaient-ils traversés, eux qui comme moi se retrouvaient ici au fin fond de l’enfer ? Les mêmes que moi peut-être... Et j’imaginais les batailles, les famines et la boue sur les visages, les pieds déchiquetés, le ventre troué, les épaules meurtries par les sacs…

    Blanchard m’apostropha depuis le grillage de la manufacture :

    — Lécréand…

    Son visage était blême et ses yeux plissaient sous la lumière. Mes pieds continuaient de taper nerveusement le sol. Je n'ai pas répondu. Il se tenait le cou d'une main.

    — Longue vie à toi ! cria-t-il.

    Il reprit son souffle :

    — La mienne, salaud, je l’offre à la révolution.

    Et comme si elle lui avait obéi, la détonation lourde et rauque d’un boulet qui sautait par-dessus la barricade, d’effroi me fit tomber de mon sac de gravats – j’étais déjà au sol – les chiens ! – et la terre volait en éclats, retombant sur mon crâne comme une pluie de cendres – le bruit qui trouait les tympans – les yeux cachés au creux des paumes, aveugle et respirant avec difficulté, je n’osais plus me retourner – la fin commençait donc – nous serions morts bientôt, et j’entendis le râle long, la partition où s’élevait le chant des morts – c’était le sifflet de mon tympan percé – replié sur moi-même j’écartai les doigts pour voir à travers leur grillage. Croisant les insurgés, fuyant dans l’autre sens et le visage roussi par la poussière, Blanchard courait l’arme à la main vers la barricade qu’enfonçait déjà l'offensive des troupes de Versailles – il trébuchait sur un pavé, embrochait un soldat, levait son arme comme s’il criait victoire. Un bourdonnement continu s’était installé dans le palais de mon oreille. Versailles ! Ils profitaient de l’effet de surprise pour pénétrer dans le dernier quartier et il remuait son arme éraflant les visages, perçant les corps, manquant de tomber vingt fois et retrouvant l’équilibre comme un pantin dégingandé –

    D’une pression insignifiante sur la gâchette un soldat fit planer une seule balle de simple métal.

    Blanchard tomba.

    Sur la Terre qui tournait imperceptiblement, comme à son habitude.

     

    Tu as de la chance, dit une voix, d’avoir survécu jusque ici ! Il n'y a pas de héros. Déguerpis !

    Les soldats n’étaient plus qu’à cinquante mètres et où aller ? Je fonçai vers la première porte ouverte, me prit les pieds dans le palier et en m’aidant des mains m’engouffrai comme un chien, à quatre pattes, à l’intérieur d'une maison, la traversai et ressortis par la fenêtre opposée – la baïonnette se prit dans un rideau – je regroupai mes forces et d’un grand geste le déchirai – l’ouïe revint – une nouvelle rue – j’entendis les voix qui me poursuivaient – des balles trouèrent les murs – je courus comme un dératé tête en avant – zigzaguant sans logique – Paris déserte n’était qu’une ruine grise immense et moi la bête traquée qui n’avais plus de souffle… Je m’arrêtai d’un coup, éclatai une fenêtre avec la crosse de l'arme, escaladai, et m'écrasai au milieu d’une pièce qui puait la mort. Quelques maigres affaires étaient rangées. On n’habitait sans doute plus ici depuis des semaines.

     

    Je rampais sur le plancher défoncé au milieu du verre – quand d’autres voix s'engouffrèrent, avec le vent, par la vitre brisée – je m'accroupis derrière le mur – c'était les soldats de Versailles qui poussaient leurs nouveaux prisonniers – j’avais du verre dans les paumes des mains, sur les genoux. Ils tournaient au coin de la maison et s'arrêtèrent juste derrière la fenêtre éclatée, à un mètre de moi. J’entendais leur haleine, devinais leur coeur battre.

    — Es-tu de ceux-là, toi ? demandait-on.

    — Nous en sommes, répondit un enfant.

    — Quel est ton nom.

    — Victor, m’sieur !

    — On va te fusiller, attends ton tour.

    Le sang dégoulinait, réchauffant mes genoux.

    — Vous permettez que j’aille rapporter cette montre à ma mère ?

    Les prisonniers durent s'aligner contre le mur, et je sentais déjà les balles plier leurs corps et traverser le mur pour m'embrocher dans la foulée.

    Brochette de fédérés.

    Alors, malgré le verre et malgré la douleur, sans précaution je m'allongeai par terre et je sentis les bords de chaque bris de la fenêtre, les uns après les autres, crever ma chair en mille endroits comme des boutons de pus.

    — Tu veux t’enfuir ?

    Je retenais mes larmes et l’enfant répondit :

    — C’est juste là, au coin de la rue, et je vais revenir, monsieur le capitaine.

    — Va-t’en, drôle !

    J'ai prié.

     

    Les balles ont tardé à venir.

     

    J'ai entendu la voix fluette de l'enfant :

    — Je suis prêt !

    Alors une rafale de balles a balayé le mur – retiens ton souffle – seules deux d’entre elles l'ont traversé – les autres bien logées au fond des coeurs, des estomacs, dans les mètres d’intestin percés – et l’envie de vomir m'a pris lorsque j'ai entendu juste de l'autre côté de la fenêtre le glouglou du sang qui bullait hors de la bouche des fusillés.

    — On les laisse là ?

     

    — Qu’est-ce qu’on en fait, lieutenant ?

    — On verra plus tard.

    J’ai à peine eu le temps de relâcher mon souffle qu’un obus a pété cinquante mètres plus loin ; les soldats se sont mis à courir. J'ai rampé vers la porte située à l’opposé de la fenêtre, me suis levé et ai ouvert la porte – et le soleil, en m'inondant de sa lumière, se réfracta dans les petits bris de verre qui restaient accrochés à mon costume, au milieu du sang qui coulait. Dans la douleur mon corps, mu par une force obscure, s'est remis à marcher, malgré les entailles qui s'ouvraient à chaque pas lorsque les jambes pliaient et dépliaient, et le vent léger qui s’engouffrait à l’intérieur – les portes des maisons se succédaient comme des taches de couleur et les rues perpendiculaires se bousculaient et se croisaient. Je ne sais pas d'où viens cette force. Si c'est ce que l'on appelle l'âme. Ou si c'est l'animal en soi. Ou peut-être était-ce la ville elle-même et les rues, affolées, qui pivotaient autour de moi – non pas moi qui marchais – mais la ville tout entière qui venait s'enrouler autour des jambes – combien de centaines de mètres parcourus, seul, sans rencontrer personne ?

     

    La rue me jette, racontait Lécréand à Allemane, sur l’énorme trouée de Ménilmontant au moment où cinq soldats tirent un prisonnier les mains accrochées dans le dos, gesticulant tellement qu’ils le piquent d’un coup de baïonnette pour le faire avancer. Ils rient – cinq soldats pour ce seul pauvre homme ! Je suis à moins de dix mètres d’eux – je dois relever la tête pour les saluer – il faut que je la relève, je vais relever la tête – je contracte les muscles du cou et mes cheveux tirent mon visage, un rayon de soleil dans les yeux mais – Diable ! Mon regard attrapé par la moustache de… Malcombe me dévisage et – Henri ! – les cinq soldats me dépassent… enfin et je vais respirer… ma tête retombe sur ma nuque… je me suis dominé – Malcombe ! – mais je n’ai pas fait quatre pas que j’entends :

    — Vive la Révolution ! Vive la Commune !

    Sa voix éclate, brise le ciel comme un vitrail et je vais tomber sur les genoux – je me retourne et les soldats lui tapent sur le haut du crâne d’un coup de crosse pour qu’il la ferme et Malcombe continue :

    — Vive la Commune !

    Lui aussi s’est retourné car c’est à moi qu’il parle mais les soldats ne l’ont pas compris et ils le rouent de coups et Malcombe en tenant son regard fixé dans le mien s’effondre : un soldat lui a planté sa baïonnette dans le ventre – il tombe à terre et je cours, je cours pour le prendre dans mes bras et on l’achève d’une balle – il se tord sur le sol – du sang va sortir de sa bouche – je suis à genoux aux pieds des cinq soldats.

    Ils découvrent ma présence en riant, ils ont compris la scène. Ils rient et mes larmes coulent sur la nuque de Malcombe :

    — Henri ! Henri ! Pourquoi n’as-tu pas pris la fuite ?

    Le ciel déverse dans mon crâne une tristesse infinie. On agrippe mes aisselles, me relève. Un enfant sans visage empaqueté dans son casque me demande si je connais cet homme – et l’on m’embarque en me poussant d’un coup de baïonnette. Malcombe est resté mort, gisant à terre sur le boulevard comme un chien crevé de Ménilmontant. 

    Et les combats ont continué sans nous, finissait Lécréand.

     

    — En haut de la rue Oberkampf, répondait Allemane, on se relayait sur le front, caché derrière la barricade, ou tireur isolé, dans les immeubles. On a attendu là, des heures durant, en se contentant de tirer une balle de temps en temps pour affirmer notre présence – jusqu’à ce qu'ils viennent, jusqu'à ce que les combats s’engagent, et que les hommes, des deux côtés, montent risquer leur vie – ça voulait dire la perdre. Bien sûr on savait que les coups de fusils ne suffiraient pas. Mais on n'avait pas le choix : où l'on se battait, où l'on se laissait écraser. Alors, de chaque côté, couverts par les tireurs cachés derrière les murs, les soldats ramassaient toutes leurs forces pour se mettre à courir, escaladant comme ils pouvaient l’accumulation de briques, de tuiles et de tas de sables qu'étaient les barricades, et tombant, se remettant debout, grimpant tout de même à l’affrontement – jusqu’à embrocher leurs ennemis d’un coup de baïonnette. Ils se ruaient sur tout ce qui bougeait, jusqu'à ce qu'un Versaillais leur décoche un pruneau et ils s’affaissaient là, au milieu du néant, avec les autres en train d’agoniser – n’ayant plus pour passer les heures qu’il leur restait à vivre qu’à écouter la symphonie des cris, des larmes et coups de feu qui éclatait partout. On profitait d’une trêve pour les en dégager et on les emmenait dans des hôpitaux de fortune – les chambres des maisons de la rue – à l’intérieur desquels les femmes et les vieux essayaient de les rafistoler. D’autres pièces servaient de cantine ; on s’asseyait, lorsqu’on était en pause, le long de petites tables qu’on avait mises bout à bout et qui faisaient banquet. On mangeait trois fois rien – un peu de pain, de la soupe et des rats, quelques pigeons rôtis – consciencieusement, en sachant que c’était là notre dernier repas ; alors, on s’efforçait d’oublier les obus qui tombaient et dans le drame lorsque tout brûle autour, lorsque l’on ne se bat plus pour vaincre mais parce qu’il n’y a que ça – ou bien s’abandonner à la mort – de la place se faisait à nouveau pour de la joie. Parce qu'on n'en n'avait plus que pour quelques instants et que le futur n’existait plus. Les conventions, les codes, tout s’écroulait autour de nous ; le masque derrière lequel se cachent les hommes craquelait, se fissurait – et j'ai compris soudain l’ivresse de nos quarante-huitards, eux qui couraient depuis vingt ans après leur révolution, la hargne des Polonais comme Dombrowski et Wroblewski qui combattaient pour la Commune à peine revenus des émeutes de Pologne où ils avaient manqué dix fois, cent fois d’y passer – et le sursaut des Algériens ! Ils le connaissaient sans doute tous, ce moment où les hommes affirment... quoi ? On n'a qu'à appeler ça leur liberté ; et ils ne parlent plus, alors, aux autres hommes – c’est face à la mort qu’ils se dressent. Elle éclabousse leurs derniers instants d’une lumière éblouissante. C’est le vertige avant le saut. Vous vous dressez face au néant – vous lui offrez sa part de viande. Ainsi derrière ces barricades retrouvait-on tous les miséreux de la terre et tous les exploités, tous ceux à qui l’on avait dit que leur vie ne valait rien : et ils revêtaient, en luttant, leurs habits glorieux, prouvant non seulement que leur vie en valait bien une autre, valait bien celle des ennemis – mais même plus : qu’elle se cabrait, se rebellait, et résistait – et qu’il faudrait en dépenser, de l’énergie, de la mitraille et de l’intelligence, pour la réduire à rien. Ainsi le 28 mai derrière la barricade tous les damnés du monde luttaient contre cette République qui refermait sur eux son piège. N’était-ce pourtant pas des hommes, de l’autre côté des barricades ? Et des Français, nos frères ? Ils agitaient les torches, les flambeaux et les lançaient dans les immeubles. Leurs yeux pleins de pétrole jouissaient à voir le feu – et ils dansaient, parce qu'eux aussi voulaient leur part de sang. Les énormes canons derrière lesquels ils avançaient ne nous envoyaient des boulets que faute de mieux : ils auraient préféré nous avaler, ou nous broyer. J’étais avec les Justes. Je me battais à leurs côtés. Et ce sentiment seul suffisait à justifier la mort : c'était notre salut. Maintenant que les ans ont passé tout cela me semble moins sûr. Ne sommes-nous pas toujours, en même temps que des opprimés, les exploiteurs de ceux qui souffrent plus que nous ? Exploiteurs, traîtres, salauds – lorsqu’en 78, à Nouméa où l'on nous avait déportés, les Kanak se sont révoltés – qu’est-ce que nous avons fait ? C’était un peuple, comme les Algériens, ils ne demandaient rien qu’à être libres, comme nous l’avions fait en défendant Le Havre contre la Prusse et Paris contre Versailles – un peuple simplement, qui réclame le droit d’être libre... Pourtant on les traitait comme des esclaves, comme des chiens ! L’autonomie – et quoi ? Répondions-nous. Les animaux sont autonomes ? Alors qu'est-ce qu'on a fait ? Nous qui étions là-bas parce qu’on nous y avait déportés, nous nous sommes rangés dans les bataillons de nos maîtres ! Nous avons obéi à ceux qui nous avaient privés des nôtres – oui nous avons lutté avec les porcs, avec ceux qui, la veille encore, frappaient sur notre propre peau le cuir du martinet, qui nous battaient et qui nous humiliaient : les militaires et les matons. Oui ! C’est avec le pouvoir de Versailles que nous avons écrasé les Kanak ! Alors... Le bon camp ! Les Kanak, on leur avait pris leur île, et on élevait notre bétail sur leurs terres, en leur défendant de cultiver... Alors qu'au fond ils étaient... ben socialistes, socialistes comme les Communards avaient toujours rêvé de l'être... Au bout d'un moment ils ont été à bout et ils se révoltèrent – on jeta dix de leurs chefs en prison. Alors les Kanak se vengèrent en massacrant tous les colons qu’ils rencontraient – y compris les demeures des forçats algériens. Et du coup les Kabyles eux aussi se sont mis dans les rangs pour se venger – et ils se sont offerts à la disposition de l’armée. Du moins ceux qui restaient...

     

    — Parce que les Kabyles eux aussi, reprit Jean Allemane, se sont fait déporter... même si, pour la plupart, ils ne sont pas arrivés jusqu'à destination – le scorbut les a emportés... En vérité, on les a tués petit à petit, parce que sur Le Rhin on n’avait chaque jour qu’un biscuit et un seizième de pain, un bouillon, des haricots et un quart de vin à onze heures ; un biscuit, une soupe de riz, un second seizième de pain à seize – et c’est tout ! Alors on attendait le dimanche, parce que le dimanche une soupe avec du lard nous remplissait le ventre – mais eux, les Kabyles, ne mangeaient pas de porc – et on les affama comme ça. Le scorbut, la gangrène. Ils tombaient dans les pommes les uns après les autres.

     

    — Ils étaient en révolte, les Algériens aussi... Du Tarf à Bou Hadjar, et jusqu'à Bône... Au moment même qu'on se battait, nous autres ! Leur insurrection s'amplifia, jusqu'à ce qu'un dignitaire de l'administration, Mokrani, finisse par les rejoindre ; c'est grâce à lui que les révoltés parvinrent à soulever plus de deux cents tribus, un tiers de l’Algérie ! Un jour que Mokrani, portant un burnous gris pour ne pas être distingué par la blancheur de ses vêtements, ayant gravi je ne sais plus quelle colline, avait mis pied à terre pour faire ses dévotions, sa prière terminée, il resta immobile à quelques pas des siens, inspectant le terrain. Soudain une balle le frappa entre les deux yeux ; il murmura le début d'une profession de foi : « La Illa Illa Allah ; Mohamed Rassoul Allah » et il tomba prosterné, le front touchant le sol. Les siens, m'a dit Kaouane, crurent d’abord qu’il faisait une nouvelle prière ; mais on ne le voyait pas se relever – et il est resté dans cette attitude de prière éternelle, éternelle – il était mort. Alors, partout autour, les hommes se mirent à chanter des chansons, en l'honneur de leur chef :

     

    j’ai regardé par la fenêtre

    c’est le bachagha qu’on lavait

    on lui enleva les burnous

    on lui mit un linceul blanc

    on l’enterra à Béni-Abbès

    soyez contents ô caïds

    soyez contents ô chrétiens

     

    — Bref, reprenait Allemane, les Kabyles eux aussi qui avaient tant souffert se liguèrent avec les gardes pour exterminer les Kanak. Ainsi la colonie emploie-t-elle ses esclaves pour mater ses esclaves ! On a exécuté vingt types à Dumbéa, et les cent trente Kanak vivant à Nouméa, on les a internés au bagne. Ensuite, le premier septembre, assistés par les Algériens et même par une tribu Kanak, on a attaqué Ataï, le chef du clan rebelle, et vous savez quoi ? C’est un Kanak qui l'a tué ! Les esclaves contre les esclaves… La Nation… Elle ne se mouille pas, la Nation ! Les puissants montent les Miséreux les uns contre les autres… Ils nous ont fait couper la tête d’Ataï, et ils l’ont envoyée à Paris en guise de trophée. Et cette fois encore, nous nous croyions du bon côté. Mais je sais maintenant qu'il n’y a pas de mort juste. Pas même les morts de Versailles. Maintenant – car quand je regardais par-dessus la barricade les pauvres types qu’ils envoyaient sur le front, j’avais beau me douter que c’était des pauvres gens comme moi, avec une femme et des enfants, je jouissais à l’idée d’une balle qui sortirait de mon chassepot et percerait leur carotide – oui, je voulais leur sang, c'est tout. On n’apprend rien avec des balles, oh non, sur les barricades – on n’apprend rien ! Les Algériens, et les Kanak – et les Polonais – qui s’étaient révoltés contre le colon Russe ! Tous écrasés également, et les uns par les autres !

     

    — Pourtant, finit Allemane, je ne regrette pas de m'être battu, d'avoir été sur cette barricade de la rue Oberkampf, parce que si l'on n'a pas tout le temps été du bon côté, on n'était quand même entre braves, à ce moment-là – entre petites gens qui nous battions contre une armée qui pouvait nous broyer et qui nous a broyés. Nous pouvions nous enfuir et nous n'avons pas fui, nous nous sommes battus jusqu'au bout... Mais il faudrait s'arrêter là, Lécréand, je vais m'arrêter là, quand nous étions au sommet de Paris dans notre minuscule carré, dans notre ville libre, et réduite à la taille d'un timbre – on devrait toujours s'arrêter un peu avant, comme s'il n'y avait rien eu après, comme si l'histoire s'était finie, ici, et comme si nous avions gagné. Oui, camarade, dans mon récit on a gagné, et on sera restés du bon côté, éternellement : sur cette barricade où se sont retrouvés, à un moment donné, les révoltés, les exploités ayant enfin sorti leurs armes. C'était très beau. Le reste n'aura pas eu lieu. Pas cette fois.

     

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    date: 
    17/03/2013 - 18:12
    Pierre Vinclair
     

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  • conferencia_002.jpgLe président vénézuélien Nicolas Maduro rend hommage à la fidélité des communistes : « le Parti communiste n'a jamais trahi notre peuple »

     

    Article de Tribuna popular, organe du Parti communiste vénézuelien

     

    Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

     

    Le président en exercice du Vénézuela, Nicolas Maduro, a souligné la nécessité pour les forces révolutionnaires vénézuéliennes d'unir leurs forces pour continuer à construire le modèle politique laissé en héritage par le commandant Hugo Chavez.

     

    « Nous avons besoin de courage en cette heure de notre histoire pour prendre la patrie sur nos épaules et accomplir cette tâche historique qu'Hugo Chavez a légué à notre peuple et que nous assumons pleinement », a-t-il exprimé lors de la XII ème Conférence nationale du Parti communiste du Venezuela, qui se déroule au Théâtre Cantaclaro, à Caracas.

     

    « Nous recherchons la force morale, la force spirituelle, la force historique pour relancer la machine de la construction de la patrie que nous a laissée notre Commandant », a affirmé Maduro qui a reçu l'appui du PCV comme candidat pour les présidentielles du 14 avril.

     

    Il a souligné qu'à travers le projet politique du président Hugo Chavez, toutes les luttes révolutionnaires ont pu être canalisées de façon grandiose et juste : « Au cours des siècles, les luttes révolutionnaires ont produit sacrifices et douleurs, et le PCV en est un exemple », a-t-il affirmé.

     

    Il a rappelé que quand certains courants de la droite ont l'intention d'insulter quelque acteur politique auquel il s'oppose, en le traitant de communiste, il répond : « Comme l'a dit le Christ : Dieu, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils disent et ce qu'ils dont, car dire de quelqu'un qu'il est 'communiste', c'est dire qu'il est honnête, humble, transparent », a-t-il exprimé.

     

    Il a insisté sur les actes historiques des dirigeants du PCV depuis sa fondation le 5 mars 1931 :

     

    « Quelqu'un peut-il vous reprocher la moindre chose ? Quelqu'un peut-il vous traiter de marchand de tapis, de voleurs, de profiteurs ? Quelqu'un peut-il dire des communistes qu'ils ont trahi la classe ouvrière où que ce soit, ou qu'ils ont embrassé des causes contraires à celle de notre patrie ? », a-t-il demandé.

     

    A ce sujet, il a souligné que les communistes vénézuéliens doivent se sentir fiers d'avoir une histoire quasi parfaite. Il a également annoncé qu'il avait proposé au PCV de s'intégrer à la Direction politico-militaire de la Révolution bolivarienne.

     

    Le président en exercice Nicolas Maduro a exprimé son souhait que le peuple vénézuélien commémore chaque 5 mars l'héritage du leader de la révolution bolivarienne, Hugo Chavez :

     

    conferencia_0081.jpg« Nous sommes d'accord pour commémorer ces années et ces décennies où cette homme était avec nous physiquement, mais qu'il continue à être parmi nous avec son esprit gardien de notre peuple, notre commandant aimé et éternel », a-t-il déclaré.

     

    Il a rappelé que le PCV avait également été fondé un 5 mars (1931) par un groupe de jeunes révolutionnaires qui s'opposaient au gouvernement dictatorial de Juan Vicente Gomez.

     

    Cette organisation politique « a été, est et sera un parti patriote et révolutionnaire de gens honnêtes et admirables ».


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