• Par Agnès Rousseaux (12 décembre 2011)

    Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Unedic, Réseau ferré de France, Caisse des dépôts et consignations... De nombreuses structures publiques sont sous la menace d’une dégradation de leur notation financière par l’agence Standard & Poor’s. Comme si tout ce qui relevait de l’intérêt général devait être éradiqué au profit de la spéculation

    Standard & Poor’s s’attaque à la Sécurité sociale

    Photo : DR

    L’agence Standard and Poor’s semble partie en croisade : après avoir placé « sous surveillance avec implication négative » le triple A de la France, en même temps que les notes de 15 pays de la zone euro le 5 décembre, puis sous surveillance négative le Fonds européen de stabilité financière (FESF) le 6 décembre, l’agence de notation a menacé de dégrader la note de régions et de grandes villes françaises. Le 7 décembre, elle envisageait de baisser les notes de la Ville de Paris et de la région Île-de-France. Ce même jour, elle plaçait « sous surveillance avec implication négative » les notes de plusieurs organismes publics français : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), l’Agence française de développement, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la Caisse nationale des autoroutes, l’Unedic, le Réseau ferré de France (RFF)… L’agence de notation cible ainsi la protection sociale, la santé, les transports publics et la coopération internationale, estimant que ces organismes dépendent de l’État et seraient donc mécaniquement touchés par une dégradation du triple A de la France.

    La Caisse des dépôts et consignations (CDC), elle aussi menacée d’une dégradation de son triple A, rappelle dans un communiqué qu’elle dispose d’une « situation de solvabilité très solide, nettement supérieure à celle requise par les normes bancaires, et adaptée à sa mission d’investisseur de long terme et de protection des dépôts réglementés ». La décision de Standard and Poor’s pourrait pénaliser la CDC dans son rôle de soutien financier à l’économie française (sauvetage de la banque Dexia, financement des collectivités locales...). Alors qu’elle a réalisé en 2010 un bénéfice net 2,1 milliards d’euros, en progression de 8,6 %.

    La Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) s’étonne également de cette décision, alors qu’une loi organique protège ses ressources jusqu’en 2025, prévoyant que toute nouvelle dette reçue par la Cades soit accompagnée de ressources nouvelles [1]. La menace de Standard and Poor’s provoquera un enchérissement du crédit pour ces structures publiques, ce qui diminuera leurs ressources et donc, entre autres, alourdira la dette de la Sécurité sociale ou affaiblira leurs capacités d’action. En s’attaquant à des organismes dépendants de l’État mais dont les finances semblent saines, Standard and Poor’s donne un signal clair aux marchés financiers : feu vert à la spéculation sur tous les leviers financiers de l’État !

    Agnès Rousseaux

    Source

    Notes

    [1] Chaque année, le Conseil constitutionnel vérifie que les ressources qui lui sont affectées sont suffisantes pour qu’elle puisse mener ses missions. Le remboursement de la Cades est notamment garanti par le produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et par un prélèvement sur la contribution sociale généralisée (CSG).

    http://www.bastamag.net/article1986.html


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  • Après Durban, tout reste à faire !

    lundi 12 décembre 2011André Chassaigne de retour de Durban

    Le rideau est tombé sur la Conférence de Durban. Les masques tombent aussi à l’issue d’un spectacle où les puissants auront joué au mieux les rôles qu’ils devaient tenir. Une fois de plus, leur comédie aura tenu le monde en haleine. Les tirades sur le devenir de l’humanité, la main sur le cœur, auront nourri les espoirs de tous ceux qui ont conscience du drame vers lequel court la planète. Les postures affichées auront même déclenché les applaudissements de quelques acteurs de second rang, relégués en figurants, mais tellement attachés à la moindre avancée.

    Chacun savait pourtant que la partition avait été écrite par les gardiens du temple libéral, présents en souffleurs des pays industrialisés du Nord pendant toute la durée de la grande représentation finale. Les nations les plus riches ont su gérer avec cynisme leurs intérêts immédiats, conscientes que dans tout théâtre, pour reprendre la formule de Jean Vilar, « l’habit fait le moine ». Durban n’aura pas échappé à cette règle d’or !

    Pour les autres, les peuples du Sud condamnés par le réchauffement de la planète, les petits Etats insulaires livrés à la montée des eaux, les pauvres et les personnes vulnérables de l’ensemble du monde, le grand spectacle de Durban est tout simplement une terrible tragédie, celle d’une mort annoncée par la perspective d’une augmentation de 4° C en moyenne de la température mondiale.

    Et si, au final, quelques espoirs sont affichés avec une feuille de route jusqu’en 2020, si la pièce n’est pas complètement jouée puisque reportée à la Conférence des Parties de 2012 (COP 18), chacun repart avec le sentiment d’un immense gâchis au regard des enjeux pour tous les habitants de la planète, tant l’écart est grand entre les décisions prises et les scénarios scientifiques pour éviter la catastrophe climatique.

    Tous les peuples, d’une façon ou d’une autre, paieront un jour la note. Les uns, ceux qui espéraient tant, en connaissent déjà le prix, celui de la famine, de la guerre et de l’exode. D’autres vivront un temps l’illusion de « l’émergence », certes indispensable et voulue par leurs populations, mais combien illusoire dans ce contexte. Les autres, qui portent la responsabilité historique de ce suicide collectif, pensent avoir sauvegardé leurs privilèges qui ne sont en fait qu’un miroir aux alouettes au service d’une poignée de nantis.

    Tout reste donc à faire aujourd’hui après cette occasion manquée. Le plus petit dénominateur commun qu’est le texte de cette « fin de partie » ne laisse qu’un espoir : une large mobilisation de tous les progressistes et humanistes de ce monde qui n’en finit pas de glisser vers sa perte. Faisons donc en sorte que naissent des débris de Durban l’immense mouvement des hommes de bonne volonté, avec une seule ligne de conduite : « L’Humain d’abord ! ».


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  • http://www.lequotidien.lu/thumbnail.php?file=/300409expo_756687261.jpg&size=article_medium

    le radeau de la monnaie unique

    Le dimanche, la masse des gens ont autre chose à faire que de lire les pages éco de la presse internationale. Normal. C'est pourtant fort intéressant. "24h00 en Suisse" en fait la démonstration :

    Il publie un texte à décrypter. Il ne s'git pas d'un quelconque papier d'un journaliste en mal de copie, encore moins d'une page d'un écoblogonomiste comme La Canaille mais d'un texte de travail interne à l'Union des Banques Suisses à partir d'un débat sur les hypothèses sur le démembrement de la zone euro.

    Selon une analyse de Capital Economics, même un changement limité de périmètre de la zone euro, où seuls la Grèce puis le Portugal et l’Irlande quitteraient la monnaie unique au cours des deux prochaines années, entraînerait une baisse du PIB de la zone euro de 1% en 2012 et 2,5% en 2013, soit une proportion équivalente à celle de la récession observée en 2008-2009.

    Les banquiers Suisse qui dès qu'il s'agit de comptes et de coffres forts sont tout sauf des aventuriers sont nettement moins affirmatifs et ont déjà fait des simulations que ni Bercy ni le Medef ne mettent à disposition des citoyens :

    Dans une note récente, UBS estimait que, si un pays «faible» comme la Grèce quittait l’euro, il lui en coûterait entre 9500 et 11’500 euros par habitant la première année, puis 2000 à 4000 les années suivantes.

    Combien coute à chaque habitant le maintien dans a zones pour aider le capital grec et par rebond les capitalise dominant dans l'UE

    Si un pays «fort» comme l’Allemagne devait quitter la zone euro, les conséquences ne seraient pas neutres non plus: le coût par habitant serait de 6000 à 8000 euros la première année, soit 20 à 25% du PIB du pays, puis 3500 à 4500 euros les années suivantes, selon cette étude.

    Désordres sociaux

    Le retour aux monnaies nationales se traduirait par des dévaluations pour certaines, une appréciation pour d’autres.

    Selon Jens Nordvig, de Nomura Securities, si l’Allemagne retrouvait le mark, celui-ci s’apprécierait face au dollar, tandis qu’à l’inverse la Grèce verrait la valeur de sa monnaie plonger de 60%, l’Italie, la Belgique ou l’Espagne de 35%.

    En bon français, cela signifie que la sur évaluation de l'Euro par rapport à la valeur économique réelle des différents états membre à pour fonction de masquer le dopage des exportations allemandes

    Dès lors, selon la plupart des analystes, les pays les plus fragiles, soit pour simplifier ceux du sud de l’Europe, devraient restructurer leur dette à un coût beaucoup plus élevé et le système bancaire national risquerait de s’écrouler en raison du peu de confiance accordée à la nouvelle monnaie.

    Les citoyens, face au risque de dévalorisation de leur épargne, seraient en effet tentés de retirer leurs économies, les entreprises peineraient à trouver des capitaux et, au final, l’économie risquerait de ne plus fonctionner, entraînant le risque de désordres sociaux.

    Garder l'€ dans les conditions d'aujourd'hui consiste à empêcher que les peuples spolié par les politiques monétaires exigées par le capital ne viennent demander des compte et imposent une autres issue

    Mais, si c’est un pays comme l’Allemagne qui quittait l’euro, alors l’appréciation de sa monnaie lui ferait perdre des parts de marché à l’exportation.

    Ils sont là à ce moment obligé de cracher le morceau

    C’est d’ailleurs aussi ce qui se passerait dans le cas où le géant d’outre-Rhin conserverait l’euro, accompagnée d’un groupe de pays, tandis que la France ou l’Italie quitteraient la monnaie unique.

    La conséquence en France ne serait pas aussi sismique que l'annonce les tenants de l'Euro, un rééquilibrage des balances commerciales entre l'Allemagne et ses partenaires au bénéfice des seconds certes n'arrangerait pas le capital allemand qui verrait son dynamisme à l'exportation entravé mais soulagerait les autres pays.

    C'est donc bien le poids de l'Allemagne dans le mécanisme en crise qui est au cœur du débat.

    Il ne s'agit pas de germanophobie. Goethe Schiller Heine ou Beethoven n'y sont pour rien. Mais les outils qui ont traversé le soutien au nazisme et reconstitué après guerre grâce à la CECA et le lobbying de tous les collabos de tout poil pour beaucoup.

    Ce ne sont pas Werner Herzog,  Heinrich Böll ou Christa Wolf mais bien les exploiteurs de travail forcée comme Siemens, BMW ou WV etc. directement alimenté en enclaves par le système concentrationnaire, les groupes d'assurances comme Allianz bâtis dès les années 50  sur les richesses des spoliations des peuples dont l'or de la Banque de Grèce qui n'a jamais été rendu à ses propriétaires.

    http://storage.canalblog.com/26/82/273797/11545773.jpg

    Complexe IG Farben à Auschwitz . (I-F se transformera en BASF) 

    Dans ce cas, «il n’est pas certain que le franc serait dévalué par rapport à l’euro», énonce Jacques Cailloux, analyste à la Royal Bank of Scotland, soulignant que l’Allemagne se trouverait fragilisée par le fait que «son système bancaire a une exposition de 200 milliards d’euros aux banques françaises».

    Économies extérieures prétéritées (terme propre à la Suisse qui signifie "léser", "désavantager.")

    De la même manière, la disparition de la zone euro ou sa survie sous une forme amoindrie nuirait aux économies extérieures, ce qui explique les appels pressants des dirigeants américains à ce que les Européens trouvent une solution à la crise de la dette. «L’exposition des banques américaines au système bancaire de la zone euro est de 2000 milliards d’euros», souligne M. Cailloux.

    Dans ce cas la cuisine économique et financière historique des USA qui depuis les accords de Bretton Woods (qui mettrons en place la Banque Mondiale et le FMI) font payer leur déficit en l'exportant au reste de la planète, serait mise en grande difficulté.

    A terme, cependant, le tableau n’est pas forcément aussi noir. «Les perspectives à long terme pour les anciennes économies de la zone euro seront peut-être améliorées par la capacité des anciens Etats membres à mettre en œuvre leurs propres politiques et à permettre à leurs monnaies de fluctuer», écrivent les analystes de Capital Economics. La dévaluation leur permettrait notamment de gagner en compétitivité sans baisser les salaires.

    Tiens donc alors pourquoi la bande à Merkozy maintient-elle le contraire ?

    La disparition éventuelle de la zone euro ou sa réduction à un nombre limité de pays «n’est pas facile à estimer, mais il n’est pas clair que le coût soit immense, ce n’est pas forcément apocalyptique», avance de son côté Jacques Cailloux. Une chose est sûre, selon lui, «tout le monde va devoir travailler sur la question, cela va être le sujet de 2012».

    http://www.mecanopolis.org/wp-content/uploads/2011/09/euro2.png

    Conclusion : on ne dira pas ici que les banquiers suisses sont d'un enthousiasme frénétique à l'idée de voir disparaitre une monnaie qui a eu aussi pour eux le mérite de valoriser leur fond de commerce. Mais moins impliqués dans le bras de fer politico-social du débat, ils mesurent les conséquence à partir d'une approche qui fait le pragmatisme protestan du capital helvète.

    Ils placent la barre sur d'autres poteaux du même sautoir et à une hauteur différente de façon a être sur de la franchir.  Maintenant à toi lecteur de te faire ton opinion et de travailler à faire basculer les dogmes.

    Par canaille le rouge


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  • Anicet Le Pors « Il manque à la gauche une pensée théorisée du monde »


     Ancien ministre communiste, Anicet Le Pors n’est plus membre du PCF. Très impliqué et actif sur des questions centrales posées à la société - droit d’asile, services publics, laïcité, citoyenneté… -, il estime que les outils du passé ne permettent pas d’analyser les contradictions du présent.

    A lire aussi du même auteur: 

     Là où est la propriété, là est le pou­voir 

    La politique décomposée, ou est la république?

    Communisme : mais où est donc passé le socialisme ?

    Éloge contradictoire de l’état de droit

     

    Ministre communiste du gouvernement Mauroy de 1981 à 1984, vous avez conduit une importante réforme du statut de la fonction publique : élargissement aux fonctions publiques hospitalière et territoriale, création d’une nouvelle voie d’accès à l’ENA… Comment jugez-vous les orientations actuelles concernant la fonction publique ?

     

    Anicet Le Pors. C’est un moment très important car les dernières décennies ont été, dans leur ensemble, marquées par l’affirmation d’une conception, historiquement très forte en France, de la fonction publique comme coeur de la notion de service public. Après le premier statut démocratique des fonctionnaires de 1946 - je passe sur les réformes de 1959 qui n’ont pas bouleversé le paysage -, notre souci en 1983-1984 a été d’élargir la fonction publique à d’autres secteurs que ceux de l’État et de la moderniser en profondeur. La régression que nous vivons aujourd’hui a été initiée notamment lors des périodes de la droite au pouvoir, sans que la gauche revienne sur ces atteintes lorsqu’elle y revenait. On se plaint qu’il n’y ait pas assez de mobilité entre fonction publique de l’État et fonction publique territoriale, mais c’est le résultat de la loi Galland de 1987 qui les a éloignées l’une de l’autre.

     

    Il y a eu aussi la suppression de la troisième voie d’accès à l’ENA réservée aux syndicalistes, aux élus et aux dirigeants associatifs, une réforme emblématique qui avait provoqué beaucoup de réactions parce qu’elle s’attaquait à l’élitisme bourgeois. Aujourd’hui, il s’agit d’un véritable coup de force. Le pouvoir veut s’appuyer d’une part sur les progrès d’une mondialisation libérale qui ne peut manquer de déteindre sur notre vie intérieure et d’autre part sur le modèle dominant en Europe. Ainsi l’Allemagne a 700 000 fonctionnaires (contre 5,2 millions en France). Mais, dans les Länder, notamment, travaillent beaucoup d’employés sous contrat qui seraient chez nous des fonctionnaires. Le gouvernement français actuel veut nous aligner sur cette conception d’une fonction publique cantonnée aux fonctions régaliennes : administration centrale, justice, armée, affaires étrangères. À partir d’un rapport du Conseil d’État de 2003, le contrat tend à être promu « source autonome du droit » dans la fonction publique. En bref, le contrat contre le statut. Une idée reprise par Nicolas Sarkozy lorsqu’il dit que le fonctionnaire devrait pouvoir choisir. Car personne n’est assez imprudent pour annoncer la suppression immédiate du statut. Simplement, il est mis progressivement en extinction. Comme à La Poste ou à France Télécom.

     

    Dans une tribune récente, vous parlez de forfaiture…

    Anicet Le Pors. Dans une autre tribune, pour l’Humanité, j’ai aussi parlé de dérive bonapartiste en montrant, avec une série d’exemples, que Nicolas Sarkozy s’affranchit de grands principes républicains pour définir de manière discrétionnaire le mandat qu’il prétend avoir reçu du peuple français. L’exemple souvent cité est celui de l’article 20 de la Constitution : le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il est clair qu’il n’est pas prévu que le président de la République joue aussi le rôle de premier ministre. Ce qu’il a pourtant décidé de faire. Et il s’arroge le droit de dire ce que doit être la « révolution culturelle » dans la fonction publique, dans les services publics. Pourquoi est-ce une forfaiture ? Parce que je conteste qu’il ait reçu mandat du peuple français pour s’attaquer à une pièce essentielle du pacte républicain. Il a décidé que le contrat prendrait la place du statut sans concertation, sans que la représentation nationale ne se soit jamais exprimée sur le sujet.

     

    Le terrain n’a-t-il pas été préparé par des renoncements de la gauche ? La privatisation de France Télécom, le fameux « il faut dégraisser le mammouth »…

     

    Anicet Le Pors. Je pense que nous sommes dans une situation de décomposition sociale. Je me rattache à une analyse de René Rémond disant que le XXe siècle a été un siècle communiste. Il entendait par là, que dans cette période allant de 1917 à 1991, une partie de l’humanité avait voulu maîtriser son destin et imprimer un puissant volontarisme dans la conduite des affaires du monde et la domination de la nature. Cela a échoué… Nous avons été marqués, singulièrement en France, par cette épopée prométhéenne. Le dernier exemple est le programme commun (1). Volontariste, structuré, cartésien, il correspondait à cette manière de voir et de penser. Il ne fait pas de doute que la domination du Parti communiste sur la gauche depuis la Libération a profondément déterminé la vie politique durant ces décennies. Aujourd’hui, nous vivons ce qu’on appelle une perte de repères, une phase de transition, qui peut être longue et où nous n’avons que les outils du passé pour analyser les contradictions du présent. Quels sont ces repères perdus ? L’État nation n’a plus la consistance, la fascination qu’il a eues dans la première moitié du XXe siècle. Mourir pour la patrie ne se proclame plus. Et si je reste attaché à l’État nation, il faut le saisir dans ses relations internationales. Ensuite, c’est l’analyse en termes de classes. Non pas que les classes aient disparu, mais elles se sont technicisées, stratifiées. Mineurs, métallos, dockers ne constituent plus des blocs. Et on ne peut en faire une somme dotée de caractères clairs et identifiants, permettant de parler de classe ouvrière comme autrefois. La bourgeoisie s’est, elle aussi, technicisée avec des gens dont le rapport au capital est complexe et opaque. Or l’inscription dans le mouvement de la classe ouvrière était le moyen, pour les travailleurs, de se doter d’une citoyenneté de combat, d’exister socialement avec des valeurs propres. Un troisième facteur concerne les mutations spatiales : l’urbanisation, le développement des transports… On n’en est plus à l’affiche du village tranquille de François Mitterrand dans sa campagne présidentielle de 1981. Et il faut ajouter la prise de conscience de l’écologie, de la finitude de la planète. Pour la première fois dans l’histoire du genre humain existe ce sentiment de la saturation de l’espace et, partant de là, celui d’une unité de destin. Quatrième dimension, les mœurs : familles, couples, recompositions, tout cela bouge beaucoup. Enfin, et je reviens par-là à la question des renoncements de la gauche, nous vivons un effondrement idéologique. C’est peut-être le plus important.

     

    Effondrement idéologique, c’est plus que des renoncements…

     Anicet Le Pors. Je reste très imprégné du marxisme mais on ne peut pas transposer aujourd’hui les catégories que Marx a créées au milieu du XIXe siècle, non seulement s’agissant de la notion de classe, mais à travers le mécanisme d’exploitation qui a changé dans sa dimension et ses mécanismes. C’est pourquoi je ne m’inscris pas dans les efforts du type d’Actuel Marx, Espaces Marx… Je pense quy a là un reste de fétichisme. L’effondrement idéologique touche aussi la social-démocratie. Dans tous les pays qui s’en réclament, l’État providence est à bout de souffle. Quant au libéralisme, il n’a pas de théorie. La théorie néoclassique qui, à la fin du XIXe siècle, a semblé susceptible d’expliquer le capitalisme et son évolution a perdu depuis longtemps toute pertinence.


     Les économistes libéraux sont devenus pragmatiques, ils étudient le cours des Bourses, les statistiques et théorisent très peu. Mais les libéraux n’en ont pas besoin. Le choix de thèmes comme « travailler plus pour gagner plus », sur lesquels ils font de la com, leur suffit. Le marché fait le reste, c’est-à-dire l’essentiel. Il existe ainsi à cet égard une dissymétrie entre la droite et la gauche. La gauche ne peut prospérer que sur la base d’une compréhension théorisée du monde et de sa traduction dans un projet politique. Si elle est en faillite aujourd’hui, c’est parce qu’elle a perdu cette dialectique antérieure, cette aptitude à élaborer des constructions fondamentales, la dernière étant probablement le programme commun. Au-delà, elle nourrit même une certaine culpabilité. Un exemple caractéristique : la hantise d’être taxé d’étatisme. De crainte d’être assimilé au modèle soviétique, on ne fait plus de différence entre étatisme et État, et, partant, entre étatisme et services publics. On nous explique, par exemple, que la « désétatisation » d’Air France n’est pas une privatisation. Plus question de propriété, on parle de pôle. Mais qu’est-ce qu’un pôle public ? Quel champ couvre-t-il ? Quels sont les instruments appliqués ? Quelle en est la signification, l’orientation ? Ce laisser-aller sur des questions idéologiques fondamentales est une erreur grave.

     

    Vous préférez parler de nationalisation ?

    Anicet Le Pors. On ne peut évidemment rester sur le terrain de la nationalisation au sens de 1946 ou 1972. Il convient en la matière d’aller vers quelque chose qui est inévitablement plus compliqué mais tout aussi nécessaire que par le passé. Du fait de la mondialisation, qui n’est pas seulement marchande mais aussi culturelle, de communication, d’échange, se posent des problèmes nouveaux. Ils pourraient, si on leur apportait des réponses adéquates, ouvrir un âge d’or des services publics dans le monde. La question de l’appropriation sociale au niveau international et mondial de l’eau, de ressources du sous-sol, de certaines activités productrices ou de services devrait être posée avec beaucoup de conviction. Kant dit que la terre étant une sphère, tous les hommes ont un droit égal à se trouver à tel ou tel endroit. Cela ne conduit pas à nier les contraintes étatiques et économiques, mais il faut se mettre dans l’optique que l’appropriation sociale a un grand avenir.

     

    Quel regard portez-vous sur l’état de la gauche ?

    Anicet Le Pors. La décomposition sociale, la perte des repères dont je parlais ne caractérise pas seulement la gauche mais l’ensemble de la société. La gauche est plus affectée en raison de l’impératif de construction qui généralement la caractérise, et comme le Parti communiste était le plus théoricien, le plus constructif, organisé, structuré, c’est lui qui subit avec le plus de violence ce retour de l’histoire. C’est pourquoi il ne sait plus où il est. C’est vrai aussi pour le Parti socialiste. L’un des intérêts de sa campagne a été de révéler son vide idéologique. Maintenant des socialistes disent qu’il faut revenir aux fondamentaux. Fort bien, mais lesquels ? Je ne crois pas à l’ouverture d’une perspective immédiate. Il faut se mettre dans le temps long de l’histoire. Nous sommes dans une crise de civilisation sans trop savoir quelle sera la nature de celle à venir. Que faut-il faire ? Dans la mesure où les repères fondamentaux n’existent plus, l’intérêt de la crise est de renvoyer chacun vers sa propre responsabilité. Et comme on n’a plus de systèmes globaux auxquels adhérer, qu’il s’agisse de l’État providence ou surtout du marxisme, c’est à chacun de reconstruire son être politique. Cela suppose un travail dans deux directions. La première : essayer de comprendre les contradictions dans lesquelles nous vivons. Voir quelle est la nature de cette mondialisation sans l’analyser systématiquement comme un phénomène entièrement négatif, exclusivement dicté par le capital international. Elle est cela, mais elle est aussi complexe, multiple et porteuse du destin du genre humain. Nous qui étions les internationalistes les plus éminents, nous devrions trouver là l’espace de création d’une pensée. Deuxième voie de recherche : quel héritage conserver, comment lui donner sens en le mettant en forme et en essayant d’en faire un investissement pour les temps à venir. Par exemple la laïcité est à la fois un héritage et un investissement. Idem pour le service public, nos conceptions de l’asile, des institutions. Le concept de citoyenneté peut fédérer cette démarche.

     

    Dire à chacun de construire son être politique ne permet pas de répondre aux urgences et renvoie à une démarche très individuelle…

     Anicet Le Pors. Quand je dis qu’il faut que chacun se reconstruise, c’est sur le plan idéologique de la manière que je viens d’indiquer. Bien entendu il faut être inscrit dans le réel. Personnellement, je fais partie d’une quinzaine d’associations sur les questions de l’asile, de la fonction publique, du service public et autres. Ce sont quinze engagements personnels dans la société telle qu’elle est. C’est mon génome de citoyenneté. Mais comme les partis sont discrédités, on va où on peut.

     

    Ce discrédit est-il durable ?

    Anicet Le Pors. Je pense que oui. Les partis ne pourront renaître que sous une forme à inventer, très différente. Mais, pour l’instant, souhaiter leur disparition serait irresponsable.

     

     Et, selon vous, nous n’en sommes pas à l’invention ?

    Anicet Le Pors. Le fait de renvoyer vers le citoyen sa responsabilité civique est très novateur. Dans l’ancienne manière de faire de la politique, un communiste était peu tenté de s’interroger sur sa responsabilité propre, de développer un esprit critique. Cela a conduit aux pires erreurs. Aujourd’hui la situation est inverse, on est renvoyé vers son moi. Et le problème est celui de la recherche d’une nouvelle centralité. Comment la recréer à partir de l’atomisation des citoyens ? Ce n’est pas simple à concevoir. Mais c’est très intéressant.

     

    Dans ces conditions, comment voyez-vous les prochaines batailles, par exemple électorales ?

    Anicet Le Pors. Il faut faire pour le mieux. Je le répète, ce qui manque aujourd’hui à la gauche, c’est une pensée. Je crois beaucoup aussi à l’événement. Il est peut-être plus proche qu’on ne peut l’imaginer. Un aventurier comme Sarkozy peut être celui qui risque de le créer.

     

    Vous avez dit du communisme : le mot n’emporte pas la chose. Qu’entendez-vous par là ?

    Anicet Le Pors. Dans l’absolu c’est un beau mot, il ne faut pas le sacrifier, mais il ne suffit pas de le prononcer pour exprimer une vérité ou une solution. Il y a des fondamentaux dans le communisme : le sens de la justice sociale, de la communauté de destin, de la fraternité… On peut à l’inverse y rattacher des idées d’une plate généralité. C’est un mot qu’il faut protéger. Je ne supporte plus les déclamations autour du mot lui-même, surtout lorsque cela recouvre des abandons de fond caractérisés. C’est un peu étrange que ce soit moi qui dise qu’il ne faut pas l’abandonner. Pour le sauvegarder, il faudrait avant tout avancer des raisons tangibles, pouvoir dire quelles en sont les fortes justifications, avoir suffisamment travaillé à cela. Si on est vide idéologiquement, dans les propositions, il ne reste que le mot. Et il en subit forcément le préjudice.

     

     Vous caractérisez la période actuelle comme celle d’une décomposition et à la fois vous vous refusez « à nourrir le pessimisme ». Où puisez-vous ce relatif optimisme ?

    Anicet Le Pors. Avant, le matérialisme historique disait l’avenir. Il y avait des séquences dans l’histoire : le féodalisme, le capitalisme avec trois ou quatre phases, le socialisme et le communisme. L’aventure humaine était réduite à une seule voie. Aujourd’hui, à travers la composition des génomes individuels et la recherche pour les faire converger dans des démarches collectives constructives, c’est beaucoup plus intéressant. Mille aventures sont possibles et nous avons la responsabilité de choisir. D’où la nécessité de regrouper les moyens du passé pour prendre en compte ce que les générations précédentes ont accumulé en conscience, en bonne volonté, en aspiration. Mais en avenir aléatoire les monstres ne sont pas non plus exclus. L’événement dont je parlais peut être catalyseur de révolution ou entraîner sur des chemins abominables. Il faut donc être prêt.

     

    Et la gauche a l’obligation d’acquérir l’intelligence de la situation, la créativité nécessaire pour déboucher sur des propositions cohérentes. Mais c’est une course de vitesse…

    Anicet Le Pors. C’est pourquoi un parti digne de ce nom ne doit pas se laisser dériver dans le courant. Il doit réagir, même s’il est très minoritaire. Ses positions de principe, si elles ne sont pas comprises maintenant, doivent pouvoir servir de référence pour l’avenir.

     

     Entretien réalisé par Jacqueline Sellem

     

    (1) Le programme commun a été signé le 26 juin 1972 par le PS, le PCF et le MRG. Il prévoyait de grandes réformes. Malgré l’échec des négociations d’actualisation en 1977, c’est sur sa lancée que François Mitterrand a été élu en 1981.

    http://www.pcfbassin.fr


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  • 1 863Le Parti Communiste Russe conteste des « élections illégitimes » et soutient les luttes populaires pour de nouvelles élections transparentes

     

    Article BL pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

     

    Alors que le régime de Poutine est affaibli et délégitimé, le Parti Communiste de la Fédération de Russie organise la riposte.

     

    Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté hier et aujourd’hui dans plusieurs grandes villes de Russie pour protester contre les fraudes massives qui ont été observées au cours des élections législatives de dimanche dernier.

     

    Alors que le Comité Central aux Élections s’apprête à proclamer les résultats officiels des élections législatives, donnant à Russie Unie, le parti de Poutine et des oligarques, près de la moitié des voix et une majorité absolue à la Douma, le peuple russe a massivement manifesté sa colère.

     

    A l’appel de divers collectifs d’opposition, ou à l’initiative des citoyens eux-mêmes, ils ont été plusieurs dizaines de milliers à braver le froid et la répression policière pour porter leurs justes revendications.

     

    Les manifestants réclament la tenue de nouvelles élections et la libération de toutes les personnes emprisonnées depuis dimanche.

     

    De tous les partis représentés au Parlement, le Parti Communiste de la Fédération de Russie a été le seul à prendre le parti du peuple dans la lutte qui s’est engagée, montrant par là le degré d’allégeance au pouvoir oligarchique, et désormais ouvertement dictatorial, de Vladimir Poutine des soi-disant partis « d’opposition » pilotés par le Kremlin (le parti de centre-gauche Russie Juste et le parti d’extrême-droite LDPR).

     

    D’après un observatoire « indépendant »1, mais réputé proche des partis libéraux, les résultats réels des élections de dimanche donneraient au KPRF environ 25% des voix, talonnant Russie Unie qui n’aurait qu’un point d’avance. Plus que jamais, le KPRF apparaît comme le grand vainqueur de cette élection et s’engage dans la lutte historique qui débute contre la dictature et le régime oligarchique.

     

    Le secrétaire général du Parti, Guennadi Ziouganov, a d’ores et déjà refusé de reconnaître les résultats de ces élections, les qualifiant d’ « illégitimes, tant du point de vue moral que du point de vue politique ». Les brigades d’observateurs mises en place par le Parti ont pu mettre en évidence l’étendue des fraudes auxquelles ont donné lieu ces élections, parfois au péril de leur vie, comme l’illustre le destin tragique du camarade Sergueï Mikhailovitch Babenko, de Krasnodar, battu à mort par les responsables d’un bureau de vote dont il avait dénoncé les fraudes.

     

    Le KPRF entend s’appuyer sur la légitimité que lui confèrent ses succès électoraux, notamment dans les grandes villes, pour organiser les luttes. Le Parti a appelé à une grande marche le 18 décembre qui, partant de la place Pouchkine à Moscou, aura pour destination la place Loubianka, siège du FSB, principal organe de la répression policière.

     

    Face au risque de montée des tensions et de la violence du régime, un scénario révolutionnaire est de plus en plus plausible. Devant les incertitudes que réservent les temps à venir, le vice-président du Comité Central Ivan Melnikov a été particulièrement clair :« La protestation du peuple russe est une affaire intérieure ». Si le peuple russe entend mener à bien sa lutte pour la liberté et la dignité, il ne tolérera aucune ingérence de l’impérialisme occidental. Répondant aux insinuations du président géorgien Mikheil Saakachvili, Ivan Melnikov a mis en garde : « Ce qui se passe actuellement en Russie ne concerne ni M. Saakachvili, ni ses idoles de l’administration américaine ».

    1http://nabludatel.org/


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  • Á propos des nouveaux horaires de la SNCFÁ partir de dimanche 11 décembre, 85% des horaires de la SNCF sont modifiés. La presse qui ment, toujours à la pointe de l’information de propagande, nous en « explique » les raisons : mise en service du TGV Rhin-Rhône, cadencement des horaires, travaux de rénovation et nécessité de faire circuler « plus de trains ». Bref, que de la joie !


    Assez bizarrement, les usagers qui s’expriment montrent que les nouveaux horaires sont pires que les anciens !


    La SNCF (qui n’est plus une entreprise nationale, mais est devenue une entreprise privée) a donc nommée une « médiatrice », Nicole Notat, une fanatique de l’ouverture à la concurrence.


    En effet, le problème est simple : ce même dimanche 11 décembre est le jour béni (pour le capital) de l’ouverture à la concurrence. Un premier train inaugural partira de Paris vers Venise, via Dijon. Un train de passagers aux couleurs de Veolia (ex Générale des Eaux, ex Vivendi) et de son homologue italien Trenitalia.


    C’est l’application d’une décision de Bruxelles qui date de 2001, effective pour le fret depuis 2003, et qui atteint maintenant le trafic passagers.


    Les nouveaux horaires SNCF sont donc destinés à ouvrir des « sillons horaires » pour ses concurrents.


    La cible des « concurrents », qui se révèleront bientôt des complices, n’est rien moins que les passagers huppés des grandes lignes chics, comme Paris - Venise.


    La FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usager des Transports) ne voit que du bien à cette mise en concurrence ! Elle a même la naïveté de croire que les trains visés sont les TER, et que chaque Région « conserverait la maîtrise de la définition de l’offre et de la tarification ». La FNAUT, fine mouche, s’abstient donc de critiques sur ces nouveaux horaires !


    L’AVUC, et son porte-parole Willy Colin, sans faire de critiques particulières de la mise en concurrence, s’élève contre le chaos engendré par la mise en place de ces « sillons ».


    Mais alors, la concurrence, c’est bon ou c’est pas bon ?


    La propagande officielle nous montre que c’est excellent ! Parce que chaque opérateur, pour avoir plus de clients, doit les piquer à l’autre, et « donc » baisser ses tarifs et augmenter ses services ! Et ça, c’est que du bonheur pour l’usager devenu client !


    Pourtant, La Tribune, peu soupçonnable d’anti-européisme, explique que Jean-Claude Gayssot (tiens, il a été communiste celui-là ? Ça doit faire longtemps !) prévoyait que la dérégulation du fret entraînerait un doublement du trafic. C’est le contraire qui s’est produit : il était de 14 % avant, et est tombé à moins de 10% après ! Et au profit de qui ? De la route !


    Normal, la stratégie du trafic étant arrachée des mains (un peu) collectives de l’État pour être confiée aux mains (très) avides du capital, celui-ci choisit la rentabilité immédiate : les routes sont fiscalisées, le rail est à sa charge !


    Toutes les mises en concurrence ont montrées que, contrairement au dogme officiel, elles conduisaient à une augmentation des tarifs et à une dégradation du service. L’électricité, le gaz, la Poste, etc., en sont des exemples plus probants que les démonstrations libérales.


    Il faut comprendre le point de vue du capital : une entreprise nationale ne doit pas faire de gros bénéfices, ça engraisse tout un tas de fainéants. Il faut au contraire lui couper les vivres. Pour ça on dérégule, on démantèle, on répartit entre copains, on se met d’accord, on encaisse, on dépense le moins possible. Les prix montent, le service baisse !

    DR.


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  • poutine,nemtsov,ponomarev,chirikova,akounine

                            Ce samedi, à Moscou. (Photo : Olga Maltseva-AFP)

    De Moscou,

     

    C’est sous une pluie glaciale que la Russie vient, cet après-midi, d’entamer son dégel démocratique.

    Place du Marais, à Moscou, ils sont venus par dizaines de milliers (cent mille, disent certains) jeunes et vieux, libéraux et communistes, hommes et femmes, manifester ensemble leur mépris pour ce pouvoir qui a ouvertement falsifié le résultat des élections législatives – et pour exiger leur annulation. Jamais, depuis vingt ans, une telle foule n’avait été rassemblée à Moscou.

     

    Le pouvoir avait tout fait pour les dissuader. La mairie de Moscou a institué au dernier moment un examen ce jour pour les élèves de 14 à 16 ans afin de les détourner de la manifestation. Un ponte du ministère de la Santé a mis en garde contre les risques de propagation de maladies, en cas de grand rassemblement. Poutine a implicitement accusé les organisateurs de la manifestation d'être des agents américains. Et surtout des milliers de policiers et de militaires en armes, des centaines de véhicules blindés et même un grand nombre de chiens policiers ont été déployés dans le centre-ville pour effrayer les apprentis manifestants. Mais, cette fois, rien n’a marché.  

     

    Ce samedi, c’est la classe moyenne moscovite qui était dans la rue. Calme, pacifique mais déterminée. Vladimir, 55 ans, est un militaire à la retraite. Il a voté pour le parti libéral Iabloko. C’est sa première manifestation. Il dit : « Je viens parce que j’en ai assez de cette corruption du pouvoir, de ses mensonges permanents. La fraude aux dernières élections, ça a été la goutte d’eau. Les hommes du Kremlin savent que l’on sait qu’ils vont truquer et ils le font quand même. Ce mépris me dégoute. Il faut qu’ils partent.»

     

    Rimma, 72 ans, a été choquée par le tour de passe-passe entre Poutine et Medvedev. « Ils décident de s’échanger les postes, et nous n’avons rien à dire ! Ils se moquent de nous. Ca ne peut plus durer ». Et elle ajoute : « Il faudra bien un jour qu'ils rendent au peuple les milliards de dollars du pétrole dont ce clan s'est accaparés  ».

     

    Micha est ouvrier spécialisé, il a 27 ans. Il a voté communiste. « On nous a volé le vrai score du PC. Il faut de nouvelles élections, dit-il. Nous reviendrons manifester tant qu’elles n’auront pas lieu. C’est à nous, au peuple, de décider de ce qui est bien pour nous, pas à Poutine.»

     

    La cible c’est bien lui, le « leader national ». Au début du meeting, les orateurs désignent d’abord à la vindicte le président de la commission électorale, l’inénarrable Chourov, qui, un jour, a déclaré que « Poutine avait toujours raison »… Un responsable de "Golos", l'ONG qui a traqué les fraudes, explique que Russie Unie n'a pas obtenu 49%, comme Chourov l'affirme, mais moins de 30%. Selon lui, le Parti Communiste a recueilli 24%; la Russie Juste 19 ou 20%, Iabloko 5 à 6%... Il faut donc limoger ce Chourov.


    Mais bientôt, les slogans les plus repris sont « Poutine dehors », « Poutine en Tchétchénie » ou « Une Russie sans Poutine. » Pas une fois ou presque le nom de Medvedev n’est mentionné comme s’il n’existait déjà plus.

     

     poutine,nemtsov,ponomarev,chirikova,akounine

     Tous les chefs de l’opposition qui ne sont pas en prison s’expriment les uns après les autres. Il y a les anciens, comme l’ex vice-premier ministre de Boris Eltsine, le fringuant Boris Nemtsov, ou l’éternel chef des libéraux, ancien conseiller économique de Gorbatchev, Gregori Yavlinski, ou encore l’ancien député Vladimir Ryjkov.


    Il y a aussi les nouveaux, ceux qui sont apparus sur la scène publique ces derniers mois : des figures de la société civile comme l’écologiste Irina Chirikova, le journaliste Oleg Kashin ou le célèbre écrivain Boris Akounine (très applaudi) ; et des activistes politiques de la nouvelle génération comme Ilya Ponomarev.


    Tous attendaient ce réveil depuis des années. « Nous vivons un moment historique. Nous irons jusqu’au bout », affirment-ils. Ils annoncent déjà une nouvelle manifestation pour samedi prochain et surtout le 24 décembre, date à laquelle, disent-ils, toutes les revendications doivent être satisfaites et notamment, au-delà du limogeage de Chourov, l'annulation du résultat des élections, l'établissement d'une date pour la tenue d'un nouveau scrutin et le changement de la loi électorale de façon à permettre à tous les partis d'opposition de concourir.


    Un seul leader semble se dégager. Il s’appelle Alexeï Navalny. Il a une trentaine d'années. C’est un blogueur très populaire qui milite contre la corruption en exposant des scandales sur son site internet, Rospil.info. A propos du parti de Poutine, Russie Unie, il a inventé une formule choc qui est reprise par toute l'opposition : "Le parti des voleurs et escrocs". Certains s'inquiètent de sa participation à un rassemblement de nationalistes, il y a quelques semaines.


    Navalny n’était pas là cet après-midi. Le pouvoir a commis l’erreur de l’arrêter lors de la précédente manifestation, le 5 décembre, et de le condamner à 15 jours de prison. Cet après-midi, il était dans toutes les têtes et tous les discours. Quand il sortira, normalement juste avant le meeting du 24 décembre, Navalny ne sera plus seulement un héros du net mais une figure majeure de la politique russe - l'opposant principal de Vladimir Poutine. Lui rêve d'être son tombeur.


    Une révolution est-elle en marche ? Le mot a été sifflé par la foule, il terrifie les Russes. Mais si, dans les jours qui viennent, le "leader national" ne trouve pas une parade intelligente, c’est peut-être bien de cela qu'il s'agira.

    http://globe.blogs.nouvelobs.com


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  • Je me souviens de la lutte des classes. Qu'il fallait se battre pour survivre, pour sauvegarder un peu de dignité, pour arracher quelque miette au gâteau qu'ils voulaient garder pour eux, alors que nous avions sué sang et eau pour le faire.

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    Ils disaient que nous prônions la lutte des classes, que c'était très mal de dresser les citoyens les uns contre les autres, que les riches ne pensaient qu'à augmenter la richesse de tous et qu'ils prêtaient même de l'argent aux pauvres pour qu'ils puissent, eux aussi, avoir tout le confort moderne, ils défendaient l'alliance du capital et du travail !!! autant dire dela carpe et du lapin...

    Je me souviens de la dénonciation des multinationales qui, par-dessus les frontières, réalisaient des bénéfices qui dépassaient parfois le PIB de certains pays, qui dictaient aux gouvernements des mesures qui leur étaient favorables, qui s'arrangeaient pour ne pas payer d'impôts. Ils disaient que nous nagions en plein fantasme : pourquoi ne pas dénoncer les 200 familles, tant que vous y êtes! Ringards, passéistes, inaptes à comprendre les lois élémentaires et naturelles de l'économie politique. Eux-mêmes donnaient beaucoup d'argent aux économistes pour qu'ils énoncent "scientifiquement" les dites lois.

    Je me souviens des valets du capitalisme qui mettaient toute leur énergie et leur intelligence au service des capitalistes; lesquels les récompensaient généreusement en leur offrant des prébendes juteuses. Mais ils disaient que la pensée est libre et que c'est du totalitarisme que de dénoncer les théories brillantissimes des essayistes affairistes ; d'ailleurs, ce n'est pas de leur faute, disaient-ils, si les élèves les plus brillants sortents des lycées les plus huppés et entrent dans les plus grandes écoles, ils ne vont quand même pas mettre leurs enfants dans des quartiers suburbains.

    Je me souviens de l'idéologie dominante qui empoisonnait les esprits dès leur plus jeune âge, grâce à la complicité des principaux medias et des organisateurs des jeux du cirque ou du stade ; mais c'est nous qu' ils traitaient d'idéologues et qu'ils accusaient de faire de la propagande quand nous distribuions quelques malheureux tracts. ou que nous osions contester leur(bon) droit.

    Je me souviens de la dictature du prolétariat - le mal absolu - même Marchais (mais qui s'en souvient ?) l'avait supprimée. Ils disaient que c'était la plus sanglante qui soit, ils tremblaient d'indignation à l'idée que des prolos puissent être aux postes de commande, ils se délectaient des crimes du stalinisme soviétique qui en donnait l'image la plus immonde - et en cela ils n'avaient pas tort mais s'exonéraient du même coup des crimes qu'ils accomplissaient au nom de la liberté.

    Je me souviens du rêve révolutionnaire. Rêve révolu...

    Je me souviens de Marx.

    Avez-vous oublié, mes camarades, ces outils qui nous permettaient d'être en prise avec le réel et de mener des combats qui n'étaient pas tous inutiles ? vous les avez laissé tomber et en même temps vous vous êtes faits à l'idée que les choses étaient ce qu'elles sont parce qu'elles ne peuvent pas être autrement. Des riches et des pauvres. Des riches toujours plus riches. Des pauvres toujours plus nombreux et toujours plus pauvres. Plus de classe ouvrière. Plus de syndicats ouvriers. Plus de parti ouvrier. Plus de projet commun, mais la défense obtuse de quelques avantages acquis

    Eux n'ont pas oublié, je vous l'assure. Ils n'ont pas oublié leur frousse à l'idée qu'ils pourraient tout perdre. Et tout ce qui leur avait été arraché, par de rudes combats, vous vous souvenez ? les congés payés ! la sécurité sociale ! la retraite par répartition ! etc. ils sont bien décidés à le casser définitivement, histoire de vous, de nous ôter une fois pour toutes l'envie de changer le monde. La lutte des classes, ils nel'ont pas oubliée et entendent bien la mener jusqu'à son terme. Les multinationales, ils ne les ont pas oubliées mais simplement dissimulées derrière les oripeaux de la mondialisation. L'idéologie dominante, ils ne l'ont pas oubliée et ils ont su faire le nécessaire pour qu'elle domine encore plus tôt et encore plus les esprits. La dictature, ils ne l'ont pas oubliée non plus ; ils se sont seulement assurés qu'eux seuls et leurs maîtres seraint en mesure de l'exercer. La révolution, ils ne l'ont pas oubliée non plus et dès qu'en un pays elle pointe le bout de son nez, voyez leur visage devenir grave , entendez-les appeler au respect de ce qui est le socle même de leur pouvoir - l'argent, les ressources pétrolières etc.

    Que faudra-t-il donc pour que vous retrouviez votre mémoire ? Pour que vous retrouviez votre fierté ?

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    http://blogs.mediapart.fr/


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  • Début 2010, la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) impose à la Grèce son premier plan d'austérité. Il apparaît alors qu'on a décidé de profiter de la crise financière pour porter des coups décisifs aux compromis sociaux concédés après la deuxième guerre mondiale. La parenthèse « keynésienne » – consistant à laisser filer temporairement les déficits publics pour éviter que l'effondrement de Lehman Brothers ne se transforme en cataclysme incontrôlable – est refermée, et l'offensive décrétée contre les dépenses publiques et les droits sociaux en Europe.

     

    L'Espagne, le Portugal, l'Italie, la France, la Grande-Bretagne, et même l'Allemagne, suivent ensuite le même chemin : blocage des salaires et/ou réduction du nombre des fonctionnaires, réformes des retraites, de l'assurance-maladie, remise en cause des politiques et prestations sociales, privatisations… Des mesures – qui n'ont qu'un rapport très lointain avec les déficits et la dette – sont imposées avec la même urgence : les patrons grecs et espagnols pourront licencier plus facilement et se débarrasser des conventions collectives, le salaire minimum irlandais est réduit…

     

    Dans une incroyable lettre secrète, expédiée le 5 août, M. Trichet enjoint à M. Berlusconi de réformer le système de négociation collective, de réduire la protection des salariés contre les licenciements et de mener "une vaste réforme de l'administration publique afin d'améliorer l'efficacité administrative et la bienveillance à l'égard des entreprises"…

     

    Personne ne pouvait ignorer qu'en présence d'un chômage massif approchant ou dépassant déjà 10 %, réduire partout les dépenses publiques en Europe allait nécessairement provoquer une récession et une crise sociale majeure. Les pays de l'Union ont tous comme principaux clients d'autres pays européens. Si chacun se serre la ceinture, aucun ne peut espérer compenser la chute de sa demande intérieure par une hausse de ses exportations.

     

    La récession est désormais une réalité, aggravée par la crise bancaire.

     

    "UN IMPACT RÉCESSIF ÉVIDENT"

     

    Peut-on croire que nos dirigeants n'ont pas vu l'évidence ? L'impact récessif de ces politiques était tellement prévisible que l'hypothèse d'une erreur d'appréciation ne tient pas. S'ils s'acharnent à mener des politiques qui provoquent récession et chômage, c'est pour préserver quelque chose de plus important à leurs yeux que la stabilité économique et le bien-être des populations. Il s'agit de sauver à tout prix l'édifice institutionnel de la zone euro. Celui-ci repose sur deux principes : les capitaux et les marchandises doivent circuler librement dans la zone euro et avec le reste du monde ; les Etats doivent financer leurs déficits en empruntant sur les marchés financiers, sous la férule des agences de notation. Ces deux règles garantissent que les
    gouvernements et les travailleurs européens demeureront soumis à la discipline exigée par l'industrie financière.

     

    L'union monétaire a été construite sans budget commun, soumise aux marchés, ouverte à tous les vents de la spéculation, et avec interdiction expresse de toute solidarité entre Etats. Cette dernière clause a du être abandonnée par la force des choses, et il va falloir réformer les traités pour pérenniser le Fonds européen de stabilité financière. Mais nos dirigeants veulent conserver l'essentiel : grâce la libre circulation des capitaux et des marchandises, rien ne doit venir limiter la concurrence entre salariés européens, ni entre ceux-ci et les travailleurs des pays du Sud. La crise bancaire et financière qui s'aggrave désormais de façon irrémédiable, la récession et le chaos économique qui va s'ensuivre, pourraient permettre dans les années à venir de réduire d'environ un tiers la protection sociale et les salaires en Europe, comme les Grecs en font déjà l'expérience.

     

    La restauration de la compétitivité de la vieille Europe face à la Chine et aux Etats-Unis se ferait ainsi au prix de convulsions sociales et politiques majeures en revenant sur les droits sociaux existants et en renonçant à toute Europe sociale ; mais il semble que les détenteurs du capital et leurs alliés dans les technocraties européennes jugent que le jeu en vaut la chandelle. Ils sont d'ailleurs prêts, comme en Grèce, à chercher des alliances très à droite pour le faire. Il y a véritablement de quoi s'indigner.

     

    Source : lemonde.fr


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  • Mikhaïl Gorbatchev, l'ancien président de l'URSS, démissionnaire il y a près de vingt ans jour pour jour, a lancé un appel aux dirigeants russes pour qu'ils refassent des élections législatives « honnêtes », le scrutin du 4 décembre étant largement contesté, y compris par l'OSCE et les Etats-Unis. Plusieurs manifestations de protestataires - unis et partagés entre libéraux et communistes- ont eu lieu, entraînant des centaines d'interpellations et quelques arrestations. Peu de réelles violences jusqu'à nouvelle ordre. Mais un nouveau rassemblement anti-Poutine (l'actuel permier ministre étant la bête noire des opposants) est prévu le 10 décembre.

     

    Elections contestées et « désordres » en Russie

     

    Il n’y a évidemment pas de « Retour de l’URSS » (titre à sensation et ridicule du « Courrier International ») et « Russie Unie » n’est pas un nouveau « PCUS ». (PC soviétique dissous en 1991) Certains observateurs ont apparemment vingt ans, au moins, de retard. Qualifier l'actuelle Russie de "dictature totalitaire" n'est pas sérieux non plus, ou en tout cas...prématuré. Jamais dans son histoire millénaire, la Russie n'a connu d'aussi larges libertés - individuelles, de choix de vie, de commerce, d'expression. La "Démocratie", c'est une autre histoire. Le multipartisme n'a guère pris racine et les partis politiques rassemblent peu de monde. Les élections ont été sans cesse manipulées et trafiquées depuis les débuts de la "Nouvelle Russie".

    La brutale libéralisation économique entamée après 1991 a plongé la majorité des gens dans la pauvreté et les stratégies de survie. Les privatisations au profit des oligarques ont...privé les travailleurs et les citoyens de leurs droits formels à la propriété publique. Aucune espèce d'autogestion ou de participation - comme on en rêvait dans les années Glasnost - n'a réellement pu se développer. Sous Poutine, depuis 1999, la conjoncture économique s'est redressée, après une décennie de dépression, les pétrodollars ont enrichi, outre les super-riches, une classe moyenne (20 % de la population ?)

    L'Etat a repris le contrôle des ressources naturelles, il est vrai au profit d'une caste-classe dirigeante peu transparente. Des promesses de redéploiement industriel, scientifique, éducatif, social ont valu à Poutine une vaste popularité, entre 1999 et 2008. Depuis lors, les résultats se font attendre, et les "fondamentaux" (démographie, infrastructures, santé publique, éducation) continuent à se dégrader. D'où le mécontentement diffus, exploité par les oppositions jusque là peu influentes. D'où la lassitude et, d'après divers sondages, le pessimisme des jeunes diplômés, qui ont des emplois (nous ne sommes pas en Tunisie) mais songent à partir, à quitter un pays qui leur apparaît médiocre et sans perspectives. Il faut dire qu'en vingt ans de "libéralisation", l'effondrement de la culture littéraire traditionnelle et l'avènement d'une culture audiovisuelle digne de la Berlusconnie n'ont pas peu contribué à une débilisation générale.
    Et la priorité absolue aux exportations de gaz et de pétrole - à la course aux profits que cela implique et au mépris de tout ce qui lui est étranger- laissent peu espérer une "renaissance russe".

     

    Le tableau des forces en présence

     

    RUSSIE UNIE (Poutine-Medvedev) est une sorte de « syndicat des élites » et des décideurs - business, pouvoir d’état, gouverneurs et maires, etc…- doublé de mouvements de jeunesse de masse qui, certes, reprennent les « techniques » soviétiques de mobilisation. Mais ce parti n’a aucune idéologie autre que « la modernisation ». Son succès est du au fait qu’il a « rassuré » les gens après le chaos des années 90 et que Poutine apparaissait comme un nouveau leader crédible. Son recul est du au fait que l’autoritarisme officiel n’a pas…d’autorité réelle dans un appareil d’état et une société rongés par la corruption et les illégalismes. Donc, on est encore loin du parti « dictatorial » espéré par certains milieux « décideurs » et policiers…et parfois dénoncé par les opposants.

     

    Le PARTI COMMUNISTE de la FEDERATION DE RUSSIE (Ziouganov) N’EST PAS un « PC soviétique » reconduit, mais un parti RUSSE, qui planche sur les intérêts RUSSES. Il cultive bien sûr la nostalgie de l’URSS (répandue dans toutes les couches de la société) et les traditions d’Octobre 1917, de Staline, et de la Victoire de 1945. Mais il affirme aussi un profil nationaliste et s’est rapproché de l’Eglise orthodoxe. Il recrute dans les couches pauvres et âgées. Il revendique la nationalisation des secteurs clé. Au plan international, il se veut « antiimpérialiste » (anti-US), il a soutenu Saddam Hussein et Kadhafi, le régime syrien, l’antisionisme, dénonce les guerres en Libye et celle qui se prépare contre l’Iran

     

    Le parti JUSTE RUSSIE (Mironov) a été propulsé par le Kremlin pour concurrencer le PC, de façon à avoir une gauche « loyale ». Mais ce parti s’est pris au jeu, s’est engagé dans des protestations sociales, et s’est réclamé de projets et valeurs partagées entre un héritage « soviétique » et un « réalisme » social-démocrate. Il recrute dans les milieux ouvriers, syndicaux, d’intellectuels « de gauche ». Il occupe désormais (pour combien de temps ?) la place restée vide d’une social-démocratie dont avait rêvé Gorbatchev et qu’a refusé de devenir le PC.

     

     Le PARTI LIBERAL-DEMOCRATE (Jirinovski) est ultranationaliste et xénophobe, mais son nationalisme, à la différence du PC, est anticommuniste. Il flirte avec l’extrême-droite néofasciste mais, à chaque moment décisif, tant sous Eltsine que sous Poutine, se range aux côtés du pouvoir, ce qui lui vaut la suspicion d’être « téléguidé par le Kremlin ». Il recrute surtout parmi les petits entrepreneurs et les commerçants.

     

    Le Parti IABLOKO (Iavlinski) est membre de l’Internationale libérale. A la différence des autres partis libéraux eltsiniens, discrédités par les « réformes » catastrophiques des années 90, il porte un regard critique sur ces « réformes » et se réclame d’un libéralisme plus social.

     

    A proximité de ce dernier parti se situe la nébuleuse des partis et groupes d’opposition qui réclament une « Russie sans Poutine ».

    Par exemple, « Solidarnost » que mène l’ancien dirigeant eltsinien Boris Nemtsov, les mouvements de défense des Droits de l’Homme et des libertés (comme « Mémorial » et « Golos » très cités ces derniers jours chez nous), une kyrielle d’ONG financées par les Etats-Unis (National Endowment fort Démocracy), et – à gauche et à l’extrême-gauche- les mouvements protestataires écologistes, trotskistes, anarchistes etc… 

    Au plan international, les opposants libéraux et démocrates en général sont pro-occidentaux, pro-US, pro-Israël, hostiles à la politique extérieure russe jugée « antiaméricaine » et « soutenant les dictateurs ».

    Tous ces partis, groupes et mouvements d’opposition – dont seuls les plus libéraux sont mis en avant dans les médias occidentaux- sont vraiment d’accord sur un seul point : éliminer Poutine. Au delà, on peut imaginer que si les ultralibéraux retrouvaient une place dans le pouvoir, ils mèneraient une politique contraire à celle qu’on souhaite parmi les « antipoutiniens » de gauche ou anars.

     

    Le Parti National Bolchévik, interdit, se recycle, avec son leader Edouard Limonov dans un mouvement « Autre Russie ». Ces « natsboly » sont alliés aux libéraux et ont rompu avec l’aile fascisante et « eurasienne » d’ Alexandre Douguine.

     

    A noter encore : les protestations sociales se déroulent la plupart en dehors de toutes ces structures politiques. Elles émanent souvent de groupes formés spontanément, dans les usines, les quartiers, les régions, autour de revendications qui portent sur le logement, l’aménagement urbain, la défense de l’emploi, de l’environnement, des jardins d’enfants, de la gratuité de l’école et des soins etc...
     

    Elections législatives du 03 décembre 2011 : les résultats

     

    Suite au décompte mardi de 99,99% des bulletins de vote, le parti Russie unie recueille 49,3% des voix aux élections à la Douma (chambre basse du parlement), le Parti communiste (KPRF) 19,2%, Russie Juste 13,25% des suffrages, le Parti libéral-démocrate (LDPR) 12,0%.

    "Il s'agit d'un bilan provisoire que je peux vous remettre aujourd'hui", a déclaré mardi le président de la Commission électorale centrale (CEC) Vladimir Tchourov, au chef de l'Etat Dmitri Medvedev.

    Selon M.Tchourov, le taux de participation aux législatives du 4 décembre s'est élevé à 60,2%. 32.348.000 électeurs ont donné leurs voix au parti au pouvoir Russie unie, qui pourrait avoir 238 sièges à la nouvelle Douma. Le KPRF aurait 92 mandats, Russie Juste 64 sièges et le LDPR en obtiendrait 56.

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