• Déclaration CGT au Conseil National de l’emploi 7 avril 2011

    ETRANGERS= PRESUMES COUPABLES ?

    Le Conseil National de l’Emploi est saisi aujourd’hui pour avis sur le projet de décret ministériel portant sur la création du dispositif AGDREF2, destiné à la mise en fiche systématique et prolongée des étrangers qui demandent un titre de séjour.

    Tout d’abord, il est étonnant de constater que cette question des fichiers des étrangers, salariés ou non, est examinée au détour d’une réunion du CNE.

    Le Conseil National de l’Emploi est en effet bien loin d’être au fait, jusqu’à présent, de la panoplie, pour le moins fournie, de l’ensemble des mesures de police, administratives, juridiques et réglementaires qui sont prises depuis des années à l’encontre des migrants.

    Si le gouvernement souhaite que le CNE s’empare de ces questions, nous le ferons bien volontiers : les migrants, quelle que soit leur situation administrative, sont avant tout des salariés, et comme tout salarié, ils doivent avoir des droits reconnus et nous avons à cœur de les défendre.

    Cela signifie que les longs efforts qu’il a fallu déployer pour que le gouvernement consente à faire participer le Ministère du Travail aux négociations ouvertes entre les organisations syndicales et le Ministère de l’Immigration sur la régularisation des salariés dépourvus de titre de séjour valable, seraient aujourd’hui vraiment derrière nous. Nous attendons donc que le Ministère du Travail investisse alors enfin totalement ces négociations ! Puisqu’il s’agit dans ce dossier d’assainissement par le haut du marché du travail, de salariés aujourd’hui sans droits dans les entreprises, et qui doivent enfin recouvrer leurs droits !

    Il est malgré tout alors étonnant que lors des récentes discussions avec la Commission européenne et le Parlement européen au sujet du permis unique de séjour et de travail pour les migrants issus de pays tiers, le Gouvernement français ait pu écrire que les migrants détachés, saisonniers, ou mutés à l’intérieur d’un groupe multinational, ne faisaient pas partie du marché du travail, tant européen que national.

    Avec les travailleurs migrants, nous sommes oui ou non sur une question d’emploi, donc susceptible d’être traitée au Conseil national de l’Emploi ? Si c’est oui, que le gouvernement cesse de tergiverser, tant dans les négociations sur les travailleurs sans papiers que dans ses déclarations sur le permis unique européen séjour-travail ! Si c’est non, que faisons nous ici aujourd’hui ?

    Sur le fond : L’immigration dans notre pays, de fait, est d’abord une immigration de travail. Il ne sert à rien de tenter de faire passer les migrants pour des délinquants potentiels, qu’il faudrait suivre à la trace, et pour ce faire, les répertorier, les ficher et les classer afin de pouvoir mieux éventuellement les expulser.

    Cette pression constante que le gouvernement actuel prétend maintenir sur les migrants, et cette fusion des fichiers AGDREF et ELOI en est une nouvelle illustration, ne vise au bout du compte qu’à donner aux autorités les moyens de maintenir ces salariés dans la peur et l’angoisse d’être reconduits dans leur pays d’origine alors qu’ils travaillent ici. Pourquoi sinon réintroduire le maintien des données contenues dans ces fichiers sur cinq ans, alors que le Conseil d’Etat s’y était opposé?

    D’autre part, l’enrôlement forcé dans cette politique de chasse aux salariés migrants des agents de Pôle Emploi, de la Sécurité sociale, après celui de l’Inspection du Travail que le Bureau International du Travail vient encore de fustiger, est une ignominie.

    Le migrant, et qui plus est le travailleur migrant, avec ou sans titre de séjour valable, n’est pas un « ennemi intérieur »! Bien au contraire son travail crée des richesses pour toute la communauté nationale. Comme tous les salariés de notre pays, il doit être respecté et considéré.

    Vouloir l’affubler d’un nouveau numéro AGDREF, concentré informatique de son état civil, de sa situation administrative et de travail, attaché en tant que tel à sa personne, n’est pas la marque d’un progrès. Bien au contraire.

    Alors que notre économie a besoin de ces travailleurs migrants, alors qu’ils ne prennent le travail de personne mais acceptent le travail que personne ne veut faire dans les conditions qui leur sont imposées, il est temps d’arrêter de considérer ces salariés comme des « forçats en rupture de ban », dont le passeport jaune serait juste remplacé par des données biométriques.

    Montreuil, le 7 avril 2011


    De : s@brina
    vendredi 8 avril 2011


    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article115909


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  • ATHENES : 2e séance congrès FSM, échos du Monde en lutte !

    Portail de l'action des Elus et de la vie citoyenneJeudi 7 avril, à Athènes, se tient le 16e Congrès de la Fédération syndicale mondiale (FSM).

    Au deuxième jour du congrès,le secrétaire général de la FSM Georges Mavrikos dresse un bilan de l’action de la fédération. Celle-ci forte de 200 organisations a reçu récemment 89 demades d’adhésions.

    L’ancien dirigeant du PAME grec (front de lutte syndical) exprime l’urgence pour tous d’avancer plus vite et fermement pour faire face à une dégradation globale des conditions de travail et à l’aggravation de la pauvreté. Urgence de lutter pour une société qui respecte les salariés, leurs besoins fondamentaux, leurs conditions de vie et leur liberté d’expression et d’action. Et enfin de dénoncer les guerres impérialistes, sous le prétexte du terrorisme ou des droits de l’homme. Celles-ci entraînent les pays dans des crises de plus en plus profondes, aux dépens des populations et des salariés.

    Ces guerres résultent des contradictions du système capitaliste, du choix de la violence militaire pour le contrôle des ressources et l’accaparation des richesses.

    Augmentation de la pauvreté dans les pays les plus pauvres eux-mêmes, espérance de vie en dessous de 50 ans pour un nombre croissant de pays, défis d’un développement écologique et égalitaire, dette publique qui aliène les pays, Nord compris, et les oblige à subir les plans de restructuration : tous ces constats liés à la mondialisation sont partagés par les organisations syndicales de lutte

    Face à la hausse des prix des produits de première nécessité révélée par la FAO (+ 27%), à la destruction de l’emploi et la hausse du chômage, qui font peser des menaces sur la vie des collectivités, le choix de la cogestion avec le capital n’existe pas pour les syndicats se réclamant des intérets des travailleurs.

    En Amérique latine, en Asie, en Afrique, au Moyen Orient, les conditions historiques ont suscité des luttes à partie d’une résistance idéologique plus affirmée. En Europe, des pensées formatées par le renoncement idéologique, la recherche de consensus mous pèsent lourdement.

    Seuls au plan politique les partis communistes grec (KKE) et dans une moindre mesure le PC portugais font l’effort de former les jeunesses de leur pays à la résistance idéologique, à la lutte contre une économie inégalitaire. Ils dénoncent, parallèlement, une hausse des ventes d’armement qui a pour effet de contraindre des peuples à accepter la loi des firmes multinationales exploitant la planète et installant une dictature globale.

    Les partis dominants faute de perspectives radicales crédibles de sortie de la crise, laissent démunies les couches populaires, qui peuvent devenir sensibles aux faux programmes sociaux d’extrême droite.

    Certains économistes mentent en affirmant : la crise est provisoire, il y a des solutions techniques … Nous devons dire quels sont les faits réels, insiste Georges Mavrikos, c’est une responsabilité face aux nouvelles générations. La crise accumule les richesses considérables à un pôle de la société, tandis que les conditions des travailleurs et leurs acquis séculaires sont détruits. Et cela continuera !

    Trois organisations de masse exposent leur soutien à la FSM, après un bref message de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le « travail décent ». Ces trois organisations rassemblent des millions de travailleurs : l’Organisation syndicale africaine (OATUL), liée à la FSM depuis sa création en 1976, dénonce les «génocides» perpétrés contre une Afrique qui ploie sous le poids de la domination des firmes internationales.

    La Fédération de tous les syndicats de Chine (ACFTU), organisatrice avec la FSM d’un congrès mondial sur la crise économique mondiale et le rôle des syndicats, rappelle son soutien de masse à la fédération.

    La fédération des syndicats arabes (ICATU), qui a intensifié ses relations avec la FSM ces dernières années, fait part de la situation dans les pays arabes.

    Une quinzaine de délégués syndicaux exposent ensuite les difficultés face à la crise dans leur pays. Colombie, Palestine, Vietnam, Brésil, Australie, Cuba (CTC), Tunisie, Afrique du Sud (Cosatur), Liban, Venezuela, Philippines, Panama, Inde, exposent les conséquences massives de la crise capitaliste sur les populations.

    Répondant à une demande de la FSM d’organiser des bureaux régionaux les Philippines proposent d’implanter un bureau régional de la FSM avec une base à Manille.

    Parallèlement aux nouvelles implantations régionales, en Afrique du Sud, et aux sous-bureaux régionaux (Costa Rica, Panama, Guatemala), quatre bureaux sectoriels ont été ouverts par la FSM en 2010 dans le tourisme, la banque, la métallurgie…

    Partout, l’implantation de la FSM est en progression, répondant à la conscience qui s’accentue que la crise systématique du système ne laisse pas d’autre alternative que la lutte sans compromission et sans illusion. A l’inverse de l’orientation des organisations syndicales internationales réformistes comme la Confération Syndicale Internationale 5CSI) et la Confédération Européenne des Syndicats (CES).

    Cette évolution est attestée en particulier avec l’adhésion récente d’un syndicat indien de 5,5 millions de membres, dont la contribution aux travaux de la FSM pourrait s’avérer importante.

    Partant de presque zéro en 2005, au congrès de La Havane à Cuba, présentée comme moribonde ou marginale par les syndicats réformistes, la FSM se remet sur pied rapidement en phase avec les besoins pour face aux effets de la crise.

    Cette deuxième journée de congrès renforce notre détermination à faire connaître la FSM comme l’outil syndical international de notre temps.

    Et de l’Inde au Chili, la lutte des travailleurs passera aussi nécessairement par l’Europe et la convergence des luttes dans le monde!

    La délégation du Front Syndical de Classe au 16e congrès de la FSM


    De : rodrigue
    vendredi 8 avril 2011



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  • Officiel : le Portugal ne peut plus rembourser ses dettes. Le domino portugais vient de tomber mercredi soir.

    de : Prochain domino : l'Espagne.
    mercredi 6 avril 2011 

    Portail de l'action des Elus et de la vie citoyenne

     
     
    Le gouvernement portugais a finalement reconnu mercredi la nécessité d’un recours à une aide financière dans le cadre des mécanismes de l’Union européenne, invoquant la "situation difficile" sur les marchés financiers.

    http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=29d4f13011abdef5dbadfe6c485c29fd

    Le premier domino est tombé : la Grèce.

    Ensuite, le deuxième domino est tombé : l’Irlande.

    Ensuite, le troisième domino est tombé : le Portugal.

    Maintenant, le quatrième domino va tomber : l’Espagne.

    Maintenant, la bataille d’Espagne va pouvoir commencer.

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article115849


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  • Les gourous de la com’, ces décideurs de l’ombre par Jean-Marie Durand

    Portail de l'action des Elus et de la vie citoyenne

    Crédit Photo : Franca Maï (2011)

     

    Ils sont trois. Anne Méaux, Michel Calzaroni et Stéphane Fouks disposent d’un immense pouvoir d’influence sur la vie politique et économique française. Une enquête nous fait découvrir ces grands gourous de la com, vrais décideurs installés dans l’ombre de notre système démocratique.

    Serait-ce le signe d’une prise de conscience des citoyens ?

    L’opacité qui préside à l’organisation de la vie publique semble de moins en moins supportable aux yeux des gouvernés. L’affaire WikiLeaks a illustré ce désir de transparence et de contrôle de la vie diplomatique. L’enquête d’Aurore Gorius et Michaël Moreau, Les Gourous de la com’ - Trente ans de manipulations politiques et économiques, s’inscrit dans un élan plus large qui vise à dévoiler les mécanismes de la prise de décision publique.

    Qui sait, en dehors des petits milieux autorisés, que la vie politique et économique en France passe par le filtre invisible et pourtant décisif des conseillers en communication ? Leur zone d’influence dépasse l’idée que chacun pourrait se faire de leur existence : tous les patrons du CAC 40 et tous les politiques en vue font appel à eux pour les guider dans l’orientation stratégique de leurs actions.

    Une dizaine de personnes partageraient la majorité des décisions d’intérêt général

    Sans discréditer pour autant ni leur rôle technique ni même le principe du lobbying, vieille pratique des démocraties modernes, les deux journalistes décrivent un système opaque et posent une question qui touche le coeur de l’esprit public : peut-on se satisfaire d’un pouvoir d’influence qui ne dit pas son nom, qui échappe à la vigilance des citoyens, qui monopolise la majorité des décisions d’intérêt général ? Ce pouvoir occulte, contrôlé par moins d’une dizaine de personnes sur la place de Paris, est-il acceptable dans une démocratie moderne ?

    Ce monopole de la communication se partage entre trois personnes dont les noms sont surtout connus de leurs clients et des journalistes spécialisés : Anne Méaux, Stéphane Fouks, Michel Calzaroni. Le grand public ignore leurs visages : on ne les voit jamais à la télé, on ne les entend pas à la radio, on ne les lit guère dans la presse. Pourtant ils pèsent sur tous les médias.

    Leur obscurité sert leur éclat, leur sous-exposition médiatique illustre leur surexposition stratégique.

    Comme si les mots, les postures, les déclarations, les gestes des acteurs de la vie publique - élus et patrons - relevaient de leur ressort. Ils ne revendiquent certainement pas le terme de "gourou", ni celui de "magicien", ni celui de "faiseur de roi" : les termes "conseiller" ou "codécideur" leur vont mieux, mais restent trop euphémiques pour éclairer la dérive de leur pouvoir opérationnel. On ne vote pas pour eux mais ce sont eux qui décident !

    Cultivant la discrétion, condition du succès de leur influence, ces "gourous de la com’" ont accepté de dévoiler leurs méthodes. Aurore Gorius et Michaël Moreau les ont rencontrés plusieurs fois au cours de leur enquête, qui a duré près de deux ans.

    "Au départ, Anne Méaux a été la plus réticente à nous parler, reconnaît Michaël Moreau, mais elle a finalement joué le jeu lors de deux longs rendez-vous."

    En retraçant le parcours de ces trois personnes, depuis leurs débuts dans la communication politique au milieu des années 80 jusqu’à aujourd’hui, les auteurs révèlent comment, à partir d’une fonction modeste - le conseil en image -, leur métier, de plus en plus professionnalisé, a évolué vers une fonction stratégique : l’aide à la décision plus qu’à la démonstration.

    Des méthodes de com’ toujours plus agressives

    L’artifice (l’image) s’est transformé en feu (l’action), le vernis s’est définitivement écaillé. Rappelant certaines des récentes batailles qui les ont opposés sur le front des grandes entreprises publiques - la nomination du président d’EDF en 2004, les dossiers complexes concernant les stratégies industrielles de Veolia, GDF et Suez, où leurs conseils valent comme principe d’action sur les marchés... -, les auteurs analysent leurs méthodes toujours plus agressives.

    Si Jacques Pilhan, maître en la matière, ancien conseiller de Mitterrand puis de Chirac à l’Elysée, a posé les bases de la communication politique - aujourd’hui prolongées par les Louvrier, Charon, Giacometti, Buisson auprès de Sarkozy -, Anne Méaux et Michel Calzaroni ont élargi le territoire de la com au patronat. Venus l’un et l’autre de la droite dure libérale, ils créent leur boîte à peu près en même temps : DGM pour Calzaroni en 1985 et Image 7 pour Méaux en 1988. Concurrents directs - Calzaroni baptise Anne Méaux "Cruella", c’est dire l’ambiance... -, ils se partagent les affaires dans tous les secteurs où coulent les profits (industrie, services, luxe, télécoms...).

    "En 2011, ils coachent les deux tiers des patrons du CAC 40".

    Anne Méaux gère la communication des Pinault père et fils, de la patronne d’Areva Anne Lauvergeon, du producteur de télé Stéphane Courbit, de la patronne du Medef Laurence Parisot, de Jacques Servier, empêtré dans le scandale du Mediator... La com’ de crise l’intéresse, à défaut de faire des miracles : c’est elle qui a conseillé Eric Woerth durant l’affaire Bettencourt.

    Chez elle, rue de Courcelles à Paris, ou dans sa maison de Saint-Tropez, Anne Méaux aime, dit-on, recevoir des dirigeants de l’industrie, des hommes politiques ou des journalistes dans un climat de convivialité "propice à la connivence". Ancienne giscardienne, proche d’Alain Madelin, de Jean-Pierre Raffarin ou d’Hervé Novelli après avoir flirté avec les mouvements d’extrême droite (le Gud et le Parti des forces nouvelles) au début des années 70, Anne Méaux a tempéré ses positions : le business a noyé ses anciens élans politiques droitiers.

    Elle a inventé un style, une démarche, une manière de travailler "cash" :

    "Elle parle à ses clients sans ménagement et fait de sa franchise un véritable atout. Elle bouscule les chefs d’entreprise dans leur confort quand en interne, les collaborateurs directs n’osent pas souvent contrecarrer leur patron", explique Michaël Moreau.

    Anne Méaux ne démarche jamais : "Ce sont les patrons qui viennent à elle." Avec le plaisir de se faire malmener dans un affrontement direct. "Elle est la maman qui protège et qui punit." Sa devise, empruntée à Charles Péguy, leur plaît : "Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse, c’est d’avoir une âme habituée."

    Elle a appris à placer ses hommes et femmes partout où il faut, dans les cabinets ministériels, dans tous les relais de pouvoir possibles. L’entrisme est de règle, la seule voie possible de ses conquêtes à venir. Face à cette guerrière, Michel Calzaroni jouerait plutôt la carte du séducteur. Tout aussi marqué à droite, il est proche de Vincent Bolloré, Bernard Arnault ou Gérard Mestrallet (pdg de GDF Suez) mais son style affiche davantage de souplesse et de rondeur. Le groupe LVMH, en lui confiant sa stratégie de communication dès 1999, a nourri la croissance de sa carrière.

    Plus qu’une idée, la com’ c’est le plaisir du jeu

    A force de s’infiltrer dans l’économie française, les deux rivaux risquent le conflit d’intérêts et le mélange des genres. Comment conseiller au sein d’une même structure deux concurrents directs sur un même marché (deux banques, deux groupes de luxe, deux entreprises de téléphonie...) ? Le problème ne semble pas les perturber, comme si leur éthique s’effaçait sous le poids de leur voracité. C’est le vice premier de la communication : le geste technique dépasse le cadre affectif ou idéologique dans lequel il se déploie.

    La com se déconnecte de la croyance.

    Plus qu’une idée, un projet ou un individu, c’est le plaisir du jeu, désinvesti de tout affect, qui importe le plus souvent.

    En la matière, Stéphane Fouks s’impose comme un maître. Ancien rocardien devenu strauss-kahnien notoire, proche de Manuel Valls et d’Alain Bauer, Fouks régente Euro RSCG, une machine de guerre dans le monde du conseil et de la communication, qui s’accommode de n’importe quel client. Fouks a le carnet d’adresses le plus épais de Paris, avec un atout qui échappe à certain de ses rivaux : ses réseaux à l’international.

    Chez cet ancien protégé de Jacques Séguéla, le mélange des genres relève d’un art de l’équilibre, théorisé par ses soins.

    Rapporté par un concurrent, il a une formule éclairante :

    "Quand on a deux clients dans le même secteur, c’est un conflit d’intérêts ; quand on en a quatre, c’est une expertise."

    Tout en se disant de gauche, il s’entoure de lobbyistes de droite (Bernard Sananès, Michel Bettan) et conseille des leaders de l’UMP (Xavier Bertrand...), des présidents étrangers parfois peu recommandables (Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, Ali Bongo au Gabon...), des patrons du CAC 40 (Henri Proglio à EDF, Stéphane Richard chez France Télécom, Henri de Castries chez Axa...). Mais surtout, il manie avec dextérité la pratique anglo-saxonne des revolving doors, ces allers-retours entre cabinets ministériels et agence de communication.

    Exemple : le secrétaire d’Etat au Logement Benoist Apparu est un ancien d’Euro RSCG. Ces portes tournantes entre privé et public, droite et gauche, ouvrent sur une "immense toile tissée entre les différents lieux de pouvoir". Avec la plume de l’agence, Gilles Finchelstein, et le démineur de crise Ramzi Khiroun, porte-parole parallèle du groupe Lagardère (mélange des genres ?), Stéphane Fouks pratique le "management en râteau".

    Bien que tout à fait légale et encadrée par des règles, l’influence de ces conseillers de l’ombre reste un angle mort dans notre système démocratique. Pour une raison fondamentale : les citoyens ignorent tout de leur rôle. D’où l’introduction d’un vice dans un jeu fondé depuis longtemps déjà sur la pratique du lobbying. La communication s’est accaparé un pouvoir que personne ne remet en cause. "Ces agences interviennent dans la vie publique et dans celle des affaires pour défendre des intérêts particuliers", souligne Michaël Moreau.

    Au-delà des copinages, arrangements entre amis, connivences extradémocratiques, la nouvelle fonction des conseillers influe sur la collecte de l’information. Il est devenu difficile d’accéder aux figures du monde patronal ou politique sans l’aval des conseillers qui les entourent ; le journalisme de validation remplace désormais le journalisme d’investigation...

    Cette communication triomphante nourrit une crise de l’information.

    Et manifeste un déficit démocratique.

    Jean-Marie Durand
    Source : http://www.lesinrocks.com

    http://e-torpedo.net

     

     


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  • Informations exclusives en directe d’Athénes face au silence des médias qui en France tairont à coup sûr l’évènement !

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    Mercredi 6 avril 2001 s’est ouvert à Athènes le 16e Congrès de la Fédération syndicale mondiale (FSM). Avec près de 70 millions de membres, la FSM constitue une alternative sérieuse au syndicalisme de compromis.

    Mercredi 6 avril 2001 s’est ouvert à Athènes le 16e Congrès de la Fédération syndicale mondiale (FSM). Près de 800 délégués représentant plus de 100 pays. Les premiers orateurs (Inde, Colombie, Afrique du Sud, Grèce, Syrie et Cuba) ont témoigné contre la crise capitaliste, les guerres impérialistes et fait part de la nécessité de la lutte des peuples contre les politiques d’austérité.

    Par leur présence des personnalités grecques (vice-président du Parlement, maires d’Athènes et du Pirée...) ont souligné l’audience et la représentativité acquise et par la FSM et par le syndicat de classe grec (le PAME). Des milliers de Grecs, et parmi eux de très nombreux jeunes, dans la lancée des puissantes luttes de cet automne ont marqué cette séance inaugurale par des slogans et des chants enthousiastes et combatifs. Avec près de 70 millions de membres dans le monde, la FSM constitue bien une alternative sérieuse au syndicalisme de compromis (1), contrairement aux idées reçues et largement diffusées. Des syndicats de tous pays ne cessent de rejoindre la FSM comme adhérents ou comme observateurs ; citons l’Inde, le Portugal, le Bangladesh…

    Le Front syndical de classe ( http://www.frontsyndical-classe.org/ ), créé en 2009 en France et présent au Congrès d’Athènes, continuera jusqu’au 10 avril à rendre compte de ce congrès de révolte et d’espoir !

    1) http://www.wftucentral.org/?language=fr. « Le pacte d’Athènes », document préparatoire au congrès, établit le bilan des cinq dernières années d’activités de la FSM, sur http://www.scribd.com/doc/51307323/... (en français).

    http://blogs.mediapart.fr/blog/louiser/070411/syndicalisme-international-l-heure-des-choix


    De : rodrigue
    jeudi 7 avril 2011



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  • Besancon  : CRS et lacrymos contre parents d’élèves

    Portail de l'action des Elus et de la vie citoyenne

     

    Lundi 2 avril, à l’appel du Collectif des parents d’élèves en colère, plus de 300 personnes se sont réunis devant l’inspection académique de Besançon, avant d’occuper les locaux. Ils entendaient ainsi protester contre la fermeture d’une trentaine de classes dans le département et la suppression de 35 postes à la rentrée prochaine. Devant l’absence de dialogue, parents d’élèves et enseignants décident d’occuper pour la nuit le bâtiment. En début de soirée, une petite centaine de personnes sont rassemblées à l’intérieur des locaux, de manière pacifique mais déterminées. L’ambiance est chaleureuse, et le slogan "on lâche rien", popularisé durant le mouvement sur les retraites, résonne jusqu’à l’extérieur. Vers 20h cependant, la réponse du ministère ne tarde pas à arriver : une dizaine de cars de CRS. Les forces de l’ordre chargent alors violemment les parents d’élèves et évacuent les lieux par la force.

    Photos : http://www.macommune.info/actualite...

    Hier, nouvelle manifestation dans les rues de Besançon, jusqu’au rectorat. La police accueille les 500 manifestants à coup de matraque et de gaz lacrymos.

    A Besançon, des lacrymos contre les parents d’élèves :

    Des parents et enseignants qui manifestaient contre les suppressions de postes ont été accueillis de manière plutôt musclée à leur arrivée au rectorat.

    Lacrymos contre casseroles et cuillères en bois. A Besançon, une manifestation de parents d’élèves contre la suppression de postes d’enseignants a pris une étonnante tournure ce mercredi en fin de matinée.

    A l’appel de la FCPE (fédération des conseils de parents d’élèves) et du réseau «Ecoles en danger 25», qui regroupe des parents mobilisés du département, environ 500 parents, enseignants et lycéens se sont retrouvés sous les fenêtres du rectorat avec cuillères et casseroles, l’objectif étant de faire un «boucan d’enfer». Les y attendaient six policiers, bientôt rejoints par des CRS, selon les témoins, ce que réfute la préfecture.

    «L’ambiance était bon enfant, quand un car est passé dans cette rue plutôt étroite et il y a eu un mouvement de foule. J’ai entendu "mais vous êtes fous ! Il y a des enfants!" Et j’ai vu les gens tousser et pleurer», raconte Isabelle Cauwet, de la FCPE du Doubs, venue à la manif avec ses deux filles de trois et six ans.

    Lionel, dont l’école de ses enfants perd une classe à la rentrée, avait son fils de deux ans dans les bras et son autre de quatre ans à la main quand «la police a dégainé les lacrymos, dans le tas, sans sommation, alors qu’ils voyaient très bien qu’il y avait quinze-vingt gamins devant eux». Résultat, son plus jeune fils «s’est retrouvé pris de tremblement, les yeux tout rouges».

    Aperçu avec ces images envoyées par le blogueur Lebisonteint, qui raconte l’épisode ici (la tension monte en fin de séquence) ;

    Au cabinet du préfet de Franche-Comté, on se défend en expliquant que les forces de l’ordre, comprimées contre le rectorat par la foule déplacée par le passage du fameux car, n’ont pas eu le choix : «Douze à quinze manifestants très remontés ont alors refusé de reculer. Un des six policiers présents devant ces portes a été contraint de faire usage de son aérosol d’autodéfense à deux reprises pour se dégager et assurer sa propre sécurité. Le calme est revenu immédiatement.»

    Comme les autres manifestants, Lionel ne s’explique pas la réaction des forces de l’ordre «alors que nous n’avions vraiment rien de menaçants. Il y avait bien un dizaine de jeunes arnarchistes, mais vraiment pas belliqueux». D’un policier à qui il réclame des explications, il s’entend répondre «vous n’aviez qu’à pas utiliser les enfants comme bouclier humain», rapporte-t-il.

    «L’usage de la force par la police ne pouvait absolument pas être justifié par une quelconque menace ou pression des manifestants sur le portail du rectorat. Tout était calme avant les coups de matraques dans les jambes, les bousculades et l’utilisation du gaz», s’étonne l’Est républicain, qui relate l’affaire, aussitôt dénoncée par les représentants locaux du PS et Europe Ecologie - les Verts Franche-Comté comme le signe de «la fébrilité d’un pouvoir qui tente à tout prix d’imposer sa destruction du service public et qui n’a plus que la force et le silence obstiné à opposer aux revendications».

    Bilan de l’incident, plus de peur que de mal : des parents et des enfants choqués, pas mal de larmes, une préfecture quelque peu embarrassée et, côté police, «des coupures et une morsurse (!)».

    http://www.liberation.fr/societe/01...

    Pour plus d’infos :

    Vidéos, photos et autres liens (Libé, owni, L’est républicain, France3, youtube,...=> voir en fin de page du blog) sur le site suivant :

    http://bisonteint.net/2011/04/06/un...

    A voir (écouter) aussi :

    http://www.la-bas.org/article.php3?... (émissions de mardi 29/03, lundi 04/04, mercredi 06/04)

    D’autres informations sur :

    http://tazmob.wordpress.com/
    http://www.gresetdavid.fr/?p=424

    Parents et enseignants en lutte :

    http://www.parents-enseignants25.ve...
    http://ecoleendanger25.tumblr.com/


    De : étudiant Besancon
    jeudi 7 avril 2011

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article115870


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  • Sarkozy annonce des contrôles «plus précis et plus exigeants» envers les chômeurs

    Nicolas Sarkozy (ici le 19 mars à l'Elysée).

    Nicolas Sarkozy (ici le 19 mars à l'Elysée). (© AFP Lionel Bonaventure)

    Nicolas Sarkozy s’est prononcé jeudi dans le Puy-de-Dôme pour un renforcement, à la faveur de la sortie de la crise, des contrôles exercés sur les chômeurs, estimant qu’il s’agissait d’un élément de «justice sociale envers les salariés et les ouvriers qui travaillent dur».

    «Puisque nous commençons à sortir de la crise, il va falloir faire des contrôles, je suis désolé de le dire mais je le pense, plus précis et plus exigeants pour les chômeurs qui bénéficient d’allocations et qui refuseraient des offres d’emploi disponibles», a lancé M. Sarkozy lors d’une table ronde sur l’avenir de l’industrie à Issoire.

    «Etre au chômage est un drame. L’immense majorité des chômeurs subit le chômage. Il est normal de les accompagner, de les soutenir. Mais si on est au chômage, on a le devoir soit d’accepter une demande d’emploi raisonnable proposée, soit d’accepter un cursus de formation professionnelle pour recycler vos compétences et pouvoir prendre une offre d’emploi», a-t-il ajouté.

    «On avait 500.000 chômeurs de plus, c’était pas le moment de renforcer les contrôles parce que dans l’ambiance de crise, il fallait soutenir les gens qui étaient licenciés économiques et qui n’y étaient pour rien», a également estimé le chef de l’Etat.

    «Maintenant qu’on sort de la crise, c’est un problème de justice, de justice sociale envers les salariés et les ouvriers qui travaillent dur que de s’assurer que celui qui est au chômage et qui a des allocations grâce à la solidarité nationale fera tous ses efforts pour accepter une offre d’emploi, pour accepter une formation pour s’en sortir», a-t-il insisté.

    «Ne pas contrôler, ne pas exiger des résultats de ce point de vue, me semble-t-il, est injuste», a conclu le président.

    (Source AFP)

    http://www.liberation.fr/politiques


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  • A. — Le capitalisme prémonopoliste

    Chapitre 14 — La rente foncière — Les rapports agraires en régime capitaliste

    14.1. Le régime capitaliste de l’agriculture et la propriété privée de la terre.

    Dans les pays bourgeois, le capitalisme règne non seulement dans l’industrie, mais aussi dans l’agriculture. La plus grande partie de la terre est concentrée dans les mains de la classe des gros propriétaires terriens. La masse de la production agricole marchande appartient à des entreprises capitalistes employant du travail salarié. Néanmoins, dans les pays bourgeois, la forme d’exploitation prédominante sous le rapport numérique dans l’agriculture reste la petite exploitation paysanne marchande.

    Les voies les plus typiques du développement du capitalisme dans l’agriculture sont les deux voies suivantes :

    La première est celle du maintien, pour l’essentiel, de l’ancienne exploitation seigneuriale et de sa transformation progressive, au moyen de réformes, en exploitation capitaliste. En passant aux formes de gestion capitalistes, les propriétaires fonciers, parallèlement à l’emploi du travail salarié libre, utilisent aussi les méthodes d’exploitation du servage. Dans l’économie rurale subsistent des formes d’assujettissement des paysans aux propriétaires fonciers, telles que les redevances, le métayage, etc. Cette voie de l’évolution capitaliste de l’agriculture est caractéristique de l’Allemagne, de la Russie tsariste, de l’Italie, du Japon et de plusieurs autres pays.

    La seconde voie est celle de la rupture de l’ancien système d’exploitation seigneuriale par la révolution bourgeoise, de l’affranchissement de l’économie rurale des entraves féodales, ce qui accélère le développement des forces productives. Ainsi, en France, la Révolution bourgeoise de 1789-1794 a supprimé la propriété foncière féodale. Les terres confisquées de la noblesse et du clergé furent mises en vente. Dans le pays, la petite exploitation paysanne devint prédominante encore qu’une grande partie des terres fût tombée entre les mains de la bourgeoisie. Aux États-Unis, à la suite de la guerre civile de 1861-1865, les latifundia des esclavagistes des États du Sud furent supprimés, la masse des terres libres fut distribuée à bas prix et le développement de l’agriculture suivit la voie capitaliste. Cependant dans ces pays aussi, avec les progrès du capitalisme, la grande propriété terrienne renaissait sur une base nouvelle, capitaliste.

    À la suite de la transformation des formes précapitalistes de la propriété terrienne, la grande propriété féodale et la petite propriété paysanne cèdent de plus en plus le pas à la propriété terrienne bourgeoise. Une partie sans cesse grandissante des terres seigneuriales et paysannes passe entre les mains des banques, de la bourgeoisie rurale, des industriels, des marchands et des usuriers.

    Les chiffres suivants témoignent de la concentration de la propriété terrienne. Aux États-Unis, en 1950, 76,4 % des fermes n’avaient que 23 % de la totalité des terres, tandis que 23,6 % des fermes détenaient 77 % de la terre. Notons que les grands latifundia de plus de 1 000 acres1 de terre chacun qui représentaient 2,3 % de l’ensemble des exploitations, possédaient 42,6 % de la terre.

    En Angleterre, d’après les données du recensement de 1950 (sans l’Irlande du Nord), 75,9 % des exploitations ne possédaient que 20,4 % des terres en culture, tandis que 24,1 % des exploitations en possédaient 79,6 % ; 2,3 % des plus grandes exploitations détenaient à elles seules 34,6 % de la terre.

    En France, en 1950, 62,1 % de la terre étaient détenus par 20,5 % des exploitations.

    Dans la Russie d’avant la Révolution, les seigneurs terriens, la famille impériale, les couvents et les koulaks possédaient une quantité énorme de terres. Dans la Russie d’Europe, à la fin du 19e siècle, il y avait environ, 30 000 grands propriétaires qui possédaient plus de 500 déciatines2 chacun. Ils détenaient en tout 70 millions de déciatines. En même temps, 10,5 millions d’exploitations paysannes, écrasées par l’exploitation semi-féodale, ne possédaient que 75 millions de déciatines.

    En régime capitaliste, la classe des grands propriétaires terriens a le monopole de la propriété privée du sol. Le gros propriétaire terrien donne généralement en location une grande partie de sa terre à des fermiers capitalistes et à des petits paysans. La propriété du sol se sépare de la production agricole.

    Les capitalistes-fermiers, à des échéances déterminées, une fois l’an, par exemple, paient au propriétaire un prix de fermage établi par un bail, c’est-à-dire une somme d’argent pour le droit d’employer leur capital sur une terre donnée.

    La plus grande partie du prix de fermage est constituée par la rente foncière. Le prix de fermage comprend, outre la rente foncière, d’autres éléments. Ainsi, lorsque sur la terre donnée en location, des capitaux ont été investis précédemment dans des bâtiments d’exploitation, des canaux d’irrigation, par exemple, le fermier, en plus de la rente foncière, est obligé de payer au propriétaire l’intérêt annuel de ces capitaux. Pratiquement il n’est pas rare que les capitalistes-fermiers couvrent les frais d’une partie du prix de fermage en diminuant le salaire de leurs ouvriers.

    La rente foncière capitaliste reflète les rapports des trois classes de la société bourgeoise : ouvriers salariés, capitalistes et propriétaires terriens. La plus-value créée par le travail des ouvriers salariés tombe tout d’abord entre les mains du capitaliste-fermier qui en conserve une partie sous la forme du profit moyen du capital. L’autre partie de la plus-value, qui représente l’excédent sur le profit moyen, le fermier est obligé de la remettre au propriétaire terrien sous forme de rente foncière. La rente foncière capitaliste est la partie de la plus-value qui reste, déduction faite du profit moyen du capital investi dans l’exploitation ; elle est payée au propriétaire terrien. Souvent, ce dernier ne donne pas sa terre en location, mais embauche lui-même des ouvriers pour exploiter son terrain. Dans ce cas, il est seul à percevoir la rente et le profit.

    Il faut distinguer entre la rente différentielle et la rente absolue.

    14.2. La rente différentielle.

    Dans l’agriculture comme dans l’industrie, l’entrepreneur n’investit ses capitaux dans la production que s’il est assuré d’en tirer le profit moyen. Les entrepreneurs qui emploient leurs capitaux dans des conditions de production plus favorables, par exemple sur des terrains plus fertiles, reçoivent, en plus du profit moyen sur le capital, un surprofit.

    Dans l’industrie, obtiennent le surprofit les entreprises dont l’équipement technique est supérieur à l’équipement technique moyen de la branche industrielle dont elles font partie. Le surprofit ne saurait y être un phénomène durable. Dès qu’un perfectionnement technique introduit dans une entreprise se généralise, cette entreprise cesse d’obtenir le surprofit. Mais dans l’agriculture le surprofit est assuré pour une période plus ou moins longue. Cela s’explique par le fait que dans l’industrie on peut édifier n’importe quelle quantité d’entreprises dotées des machines les plus perfectionnées, tandis que dans l’agriculture, on ne saurait créer n’importe quelle quantité de terrains, à plus forte raison de bons terrains, étant donné que la surface des terres est limitée et que toute la terre propre à la culture est occupée par des exploitations privées. Le caractère limité de la terre et le fait qu’elle est occupée par des exploitations, conditionnent le monopole de l’exploitation capitalistesur la terre ou le monopole de la terre en tant qu’objet d’exploitation.

    Ensuite, le prix de production des marchandises industrielles est déterminé par les conditions moyennes de production. Il en est autrement du prix de production des marchandises agricoles. Le monopole de l’exploitation capitaliste sur la terre, en tant qu’objet d’exploitation, aboutit au fait que le prix général, régulateur de la production (c’est-à-dire le coût de production plus le profit moyen) des produits agricoles est déterminé par les conditions de la production non pas sur les terres de qualité moyenne, mais sur les plus mauvaises, étant donné que la production des meilleures terres et des terres moyennes n’est pas suffisante pour couvrir la demande sociale. Si le fermier capitaliste, qui emploie son capital sur le plus mauvais terrain, ne réalisait pas le profit moyen, il transférerait ce capital dans une autre branche de production.

    Les capitalistes qui exploitent des terrains moyens et les meilleurs terrains, produisent des denrées agricoles à meilleur marché, autrement dit le prix individuel de production est chez eux inférieur au prix général de production. Jouissant du monopole de la terre en tant qu’objet d’exploitation, ces capitalistes vendent leurs marchandises au prix général de production et reçoivent ainsi un surprofit, qui constitue la rente différentielle. Celle-ci prend naissance indépendamment de l’existence de la propriété privée de la terre ; elle se forme, parce que les denrées agricoles produites malgré des conditions de productivité du travail différentes, se vendent au prix identique du marché, déterminé par les conditions de production sur les plus mauvaises terres. Les fermiers capitalistes sont obligés de livrer la rente différentielle aux propriétaires terriens, et ne gardent que le profit moyen.

    La rente différentielle est l’excédent de profit sur le profit moyen, obtenu dans les exploitations où les conditions de production sont plus favorables ; elle représente la différence entre le prix général de production déterminé par les conditions de production sur les plus mauvais terrains et le prix individuel de production sur les meilleurs terrains et les terrains moyens.

    Ce surprofit, comme d’ailleurs toute la plus-value dans l’agriculture, est créé par le travail des ouvriers agricoles. Les différences de fertilité des terrains ne sont que la condition d’une plus haute productivité du travail sur les meilleures terres. Mais en régime capitaliste, on a l’illusion que la rente, que s’approprient les détenteurs de la terre, est le produit de la terre et non du travail. Or, en réalité, l’unique source de la rente foncière est le surtravail, la plus-value.

    Une conception saine de la rente amène tout d’abord à reconnaître que la rente ne provient pas du sol, mais du produit de l’agriculture, c’est-à-dire du travail et du prix de son produit, du blé, par exemple ; de la valeur du produit agricole, du travail incorpore à la terre, et non du sol.

    K. Marx, Théories de la plus-value, t. 2, 1re partie, p. 221 (éd. russe).

    Il existe deux formes de rente différentielle.

    La rente différentielle I est liée à la différence de fertilité du sol et de situation géographique des terrains par rapport aux débouchés.

    Sur un terrain plus fertile, les dépenses de capitaux étant les mêmes, la récolte est plus abondante. Prenons à titre d’exemple trois terrains, d’égale étendue, mais de fertilité différente.

           
    Prix indi
    de pro
    viduel
    duction
    Prix
    de pro
    général
    duction
     
    Terrains
    Dépen-
    ses
     
    de
    capi-
    taux
     
    en
    dollars
    Profit
     
    moyen
     
    en
     
    dollars
    Produits
     
     
    en
     
     
    quintaux
    de la
    totalité
    de la
    produc-
    tion
    en
    dollars
    d’un
    quin-
    tal
     
    en
    dollars
    d’un
    quin-
    tal
     
    en
    dollars
    de la
    totalité
    de la
    produc-
    tion
    en
    dollars
    Rente
     
    dif-
    féren-
    tielle
     
    en
     
    dollars
    I… 100 20 4 120 30 30 120 0
    II… 100 20 5 120 24 30 150 30
    III… 100 20 6 120 20 30 180 60

    Le fermier de chacun de ces terrains dépense pour l’embauchage des ouvriers, l’achat des semences, des machines et du matériel agricole, pour l’entretien du bétail et autres frais 100 dollars. Le profit moyen est égal à 20 %. Le travail incorporé dans les terrains de différente fertilité, rapporte sur un premier terrain une récolte de 4 quintaux ; sur le deuxième de 5 et sur le troisième de 6 quintaux.

    Le prix individuel de production de toute la masse des produits obtenus sur chaque terrain est le même. Il est égal à 120 dollars (coût de production plus profit moyen). Le prix individuel de production d’une unité de produit sur chaque terrain est différent. Un quintal de produits agricoles du premier terrain devrait se vendre à raison de 30 dollars ; du deuxième terrain, 24 ; du troisième, 20 dollars. Mais comme le prix général de production des denrées agricoles est le même et qu’il est déterminé par les conditions de production sur le plus mauvais terrain, chaque quintal de produits de tous les terrains se vendra à raison de 30 dollars. Le fermier du premier terrain (le plus mauvais) retirera de sa récolte de 4 quintaux 120 dollars, soit une somme équivalente à son coût de production (100 dollars), plus le profit moyen (20 dollars). Le fermier du second terrain retirera pour ses 5 quintaux 150 dollars. En plus du coût de production et du profit moyen, il percevra 30 dollars de surprofit qui constitueront la rente différentielle. Enfin, le fermier du troisième terrain percevra pour ses 6 quintaux 180 dollars. La rente différentielle ici se montera à 60 dollars.

    La rente différentielle I est liée également à la différence de situation géographique des terrains. Les exploitations situées plus près des débouchés (villes, gares de chemin de fer, ports, élévateurs, etc.), économisent une part considérable de travail et de moyens de production sur le transport des produits, par rapport aux exploitations qui sont plus éloignées de ces points. En vendant leurs produits au même prix, les exploitations situées plus près des débouchés perçoivent un surprofit qui forme la rente différentielle de situation.

    La rente différentielle II provient des investissements supplémentaires de moyens de production et de travail sur une même superficie de terre ; elle apparaît donc avec l’intensification de la culture. Contrairement à l’exploitation extensive qui se développe grâce à l’augmentation des surfaces ensemencées ou des pâturages, l’exploitation intensive se développe grâce à l’emploi de machines perfectionnées, d’engrais chimiques, grâce à des travaux de bonification, à l’élevage de bétail de races plus productives, etc. En dehors de tout perfectionnement technique, l’intensification de la culture peut s’exprimer dans un accroissement des dépenses de travail sur une parcelle de terrain donné.

    Il en résulte des surprofits qui forment la rente différentielle.

    Reprenons notre exemple. Sur le troisième terrain, le plus fertile, on a dépensé primitivement 100 dollars et obtenu une production de 6 quintaux ; le profit moyen était de 20 dollars, la rente différentielle de 60 dollars. Supposons que, les prix restant les mêmes, on effectue sur ce terrain, pour augmenter la production, une dépense de capital supplémentaire de 100 dollars, dépense liée au progrès technique, à l’emploi d’une grande quantité d’engrais, etc. Il en résultera une récolte supplémentaire de 7 quintaux, un profit moyen de 20 dollars sur le capital additionnel, tandis que l’excédent sur le profit moyen sera de 90 dollars. C’est cet excédent de 90 dollars qui constitue la rente différentielle II. Tant que subsiste le bail précédent, le fermier paye pour ce terrain 60 dollars de rente différentielle, et il empoche l’excédent en plus du profit moyen, fruit de sa seconde dépense de capital. Mais la terre est affermée pour un délai déterminé. Lors du renouvellement du bail, le propriétaire terrien tiendra compte des avantages que procurent les dépenses additionnelles de capitaux et augmentera de 90 dollars le montant de la rente foncière sur ce terrain. Dans ce but, les propriétaires terriens cherchent à conclure des baux à court terme. Il en résulte que les fermiers capitalistes n’ont pas intérêt à faire de grosses dépenses qui ne produisent d’effet qu’au bout d’un long intervalle de temps, car c’est le propriétaire qui en définitive s’approprie le gain résultant de ces dépenses.

    L’intensification capitaliste de l’agriculture a pour but d’obtenir le plus grand profit possible. Dans la course aux profits élevés, les capitalistes utilisent abusivement la terre en développant des exploitations étroitement spécialisées pratiquant la monoculture. Ainsi, dans le dernier quart du 19e siècle, aux États-Unis, les terres des États du Nord ont été ensemencées principalement en céréales. Cela a eu pour effet la dégradation du sol, son érosion, les tempêtes de poussière ou « tempêtes noires ».

    Le choix des cultures agricoles dépend de la variation des prix du marché. Cela constitue un obstacle à la pratique généralisée d’assolements réguliers, qui sont la base d’une agriculture évoluée. La propriété privée de la terre entrave la réalisation de grands travaux de bonification et autres, qui ne rapportent qu’au bout de plusieurs années. Le capitalisme rend donc difficile l’application d’un système rationnel de culture.

    Chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité.

    K. Marx, Le Capital, livre 1, t. 2, p. 181.

    Les défenseurs du capitalisme, qui cherchent à masquer les contradictions de l’agriculture capitaliste et justifier la misère des masses, affirment que l’économie rurale serait soumise à l’action d’une loi naturelle éternelle, la « loi de la fertilité décroissante du sol » : tout travail additionnel appliqué à la terre fournirait un résultat inférieur au précédent.

    Cette invention de l’économie politique bourgeoise part de la fausse hypothèse que la technique de la production en agriculture reste invariable et que le progrès technique y est une exception. En réalité, les investissements additionnels de moyens de production dans un même terrain, en règle générale, sont liés au développement de la technique, à l’introduction de méthodes nouvelles, perfectionnées, de production agricole, ce qui aboutit à une élévation de la productivité du travail agricole. La véritable cause de l’épuisement de la fertilité naturelle, de la dégradation de l’agriculture capitaliste est non pas la « loi de la fertilité décroissante du sol », inventée par les économistes bourgeois, mais les rapports capitalistes, et surtout la propriété privée de la terre, qui entravent le développement des forces productives de l’agriculture. En effet, ce qui augmente en régime capitaliste, ce n’est pas la difficulté de produire les denrées agricoles, mais la difficulté pour les ouvriers de se les procurer en raison de leur paupérisation croissante.

    14.3. La rente absolue. Le prix de la terre.

    En plus de la rente différentielle, le propriétaire du sol reçoit la rente absolue. L’existence de celle-ci est liée au monopole de la propriété privée de la terre.

    Quand nous avons examiné la rente différentielle, nous avons supposé que le fermier du plus mauvais terrain, en vendant les produits agricoles, ne récupérait que son coût de production plus le profit moyen, c’est-à-dire qu’il ne payait pas de rente foncière. Or le propriétaire même du plus mauvais terrain ne le donne pas à cultiver gratuitement. Donc, le fermier d’un mauvais terrain doit avoir un excédent sur le profit moyen pour acquitter la rente foncière. Cela veut dire que le prix du marché des produits agricoles doit être supérieur au prix de production sur le plus mauvais terrain.

    D’où provient cet excédent ? En régime capitaliste, l’agriculture est fort en retard sur l’industrie au point de vue technique et économique. La composition organique du capital dans l’agriculture est inférieure à ce qu’elle est dans l’industrie. Admettons que la composition organique du capital dans l’industrie soit en moyenne 80 c + 20 v. Le taux de plus-value étant supposé égal à 100 %, un capital de 100 dollars donne 20 dollars de plus-value, et le prix de production est égal à 120 dollars. La composition organique du capital dans l’agriculture est, par exemple, de 60 c + 40 v. Ici 100 dollars produisent 40 dollars de plus-value, et la valeur des produits agricoles est égale à 140 dollars. Le fermier capitaliste, tout comme le capitaliste industriel, reçoit de son capital un profit moyen de 20 dollars. Par conséquent, le prix de production des produits agricoles est égal à 120 dollars. La rente absolue est dès lors de 140 − 120 = 20 dollars. Il ressort de là que la valeur des produits agricoles est supérieure au prix général de la production, et que la grandeur de la plus-value dans l’agriculture est supérieure au profit moyen. C’est cet excédent de plus-value sur le profit moyen qui constitue la source de la rente absolue.

    S’il n’y avait pas de propriété privée de la terre, cet excédent entrerait dans la répartition générale entre capitalistes, et les produits agricoles se vendraient alors au prix de production. Mais la propriété privée du sol entrave la libre concurrence, le transfert des capitaux de l’industrie à l’agriculture et la formation d’un profit moyen, commun aux entreprises agricoles et industrielles. Aussi les produits agricoles se vendent-ils à un prix équivalent à leur valeur, c’est-à-dire supérieur au prix général de production. Dans quelle mesure cette différence peut-elle être réalisée et convertie en rente absolue ? Cela dépend du niveau des prix du marché, qui s’établit par le jeu de la concurrence.

    Ainsi, le monopole de la propriété privée de la terre est la cause de l’existence de la rente absolue, payée pour chaque terrain indépendamment de sa fertilité et de sa situation géographique. La rente absolue est l’excédent de valeur sur le prix général de production créé dans l’agriculture par suite d’une composition organique du capital plus basse que dans l’industrie, et les propriétaires terriens se l’approprient en vertu de la propriété privée de la terre.

    Outre la rente différentielle et la rente absolue, il existe en régime capitaliste, une rente monopole. La rente monopole est le revenu additionnel obtenu du fait que le prix d’une marchandise, produite dans des conditions naturelles particulièrement favorables, est supérieur à sa valeur. Telle est, par exemple, la rente pour les terres qui permettent de produire des cultures agricoles rares en quantité limitée (par exemple, des variétés particulièrement précieuses de raisin, des agrumes, etc.), et la rente pour l’usage de l’eau dans les régions de cultures irriguées. Les marchandises produites dans ces conditions se vendent, en règle générale, à des prix supérieurs à leur valeur, c’est-à-dire à des prix de monopole. C’est le consommateur qui fait les frais de la rente monopole dans l’agriculture.

    La classe des grands propriétaires terriens, qui n’ont aucun rapport avec la production matérielle, par suite du monopole de la propriété privée de la terre, met à profit les progrès techniques dans l’agriculture pour s’enrichir. La rente foncière est un tribut que la société, en régime capitaliste, est tenue de payer aux grands propriétaires terriens. L’existence de la rente absolue et de la rente monopole renchérit les produits agricoles : denrées alimentaires pour les ouvriers, matières premières pour l’industrie. L’existence de la rente différentielle dépouille la société de tous les avantages liés à une productivité plus élevée du travail sur les terres fertiles. Ces avantages reviennent aux propriétaires terriens et aux fermiers capitalistes. On peut se faire une idée du fardeau de la rente foncière pour la société, quand on voit qu’aux États-Unis, d’après les chiffres de 1935-1937, elle représentait 26 à 29 % du prix du maïs, 26 à 36 % du prix du froment.

    Les sommes énormes consacrées à l’achat de la terre sont retirées de leur emploi productif dans l’agriculture. Si l’on excepte les installations et les améliorations artificielles (constructions, irrigation, assèchement des marais, emploi d’engrais), la terre par elle-même n’a pas de valeur, puisqu’elle n’est pas le produit du travail humain. Toutefois la terre, bien qu’elle n’ait pas de valeur, est en régime capitaliste un objet de vente et d’achat et possède un prix. Cela s’explique par le fait que la terre est accaparée par les propriétaires qui en font leur propriété privée.

    Le prix du terrain est déterminé en fonction de la rente annuelle qu’il produit et du taux d’intérêt que la banque paye pour les dépôts. Le prix de la terre est égal à la somme d’argent qui, déposée en banque, fournit à titre d’intérêt un revenu de la même grandeur que la rente prélevée sur le terrain considéré. Supposons qu’un terrain rapporte 300 dollars de rente par an, et que la banque paye 4 % d’intérêt pour les dépôts. Dans ce cas, le prix du terrain sera de 300×1004=7 500 dollars. Le prix de la terre est donc une rente capitalisée. Le prix de la terre est d’autant plus élevé que la rente est plus forte et que le taux d’intérêt est plus bas.

    Avec le développement du capitalisme, la grandeur de la rente s’élève. Cela entraîne une hausse systématique des prix de la terre. Les prix de la terre augmentent également par suite de la baisse du taux de l’intérêt.

    Les chiffres suivants donnent une idée de la hausse des prix de la terre. Le prix des fermes aux États-Unis a augmenté en 10 ans (de 1900 à 1910) de plus de 20 milliards de dollars. Sur cette somme, l’augmentation de la valeur du matériel, des bâtiments, etc., ne représente que 5 milliards de dollars, les 15 milliards de dollars qui restent proviennent de la hausse du prix de la terre. Au cours des dix années suivantes, le prix global des fermes a augmenté de 37 milliards de dollars, dont plus de 26 milliards proviennent de la hausse du prix de la terre.

    14.4. La rente dans l’industrie extractive. La rente sur les terrains à bâtir.

    La rente foncière n’existe pas seulement dans l’agriculture. Elle est perçue par les propriétaires des terrains, dont le sous-sol fournit des minéraux utiles (minerais, charbon, pétrole, etc.), ainsi que par les propriétaires des terrains à bâtir dans les villes et les centres industriels, lorsqu’on y construit des maisons d’habitation, des entreprises industrielles et commerciales, des édifices publics, etc.

    La rente dans l’industrie extractive se forme exactement de la même manière que la rente foncière. Les mines, les gisements de pétrole diffèrent par leur richesse, la profondeur des gisements, par l’éloignement des débouchés ; des capitaux de grandeur différente y sont investis. Aussi le prix individuel de production de chaque tonne de minerai, de charbon, de pétrole diffère-t-il du prix général de production. Mais sur le marché chacune de ces marchandises est vendue au prix général de production, déterminé par les conditions de production les plus défavorables. Le surprofit obtenu de ce fait, dans les gisements les meilleurs et dans les gisements moyens, forme une rente différentielle que s’approprie le propriétaire terrien.

    En outre, les propriétaires terriens prélèvent sur chaque terrain, indépendamment de la présence des minéraux utiles que recèle son sous-sol, la rente absolue. Elle constitue, comme on l’a déjà vu, l’excédent de la valeur sur le prix général de production. L’existence de cet excédent s’explique par le fait que, dans l’industrie extractive, la composition organique du capital, par suite du niveau relativement bas de la mécanisation et de l’absence des frais nécessités par les achats de matières premières, est inférieure au niveau moyen de l’industrie. La rente absolue augmente les prix du minerai, du charbon, du pétrole, etc.

    Enfin, il existe, dans l’industrie extractive, une rente monopole sur les terrains où l’on extrait des minéraux extrêmement rares qui se vendent à des prix supérieurs à la valeur de leur extraction.

    La rente foncière perçue par les gros propriétaires terriens sur les mines et les exploitations pétrolières empêche l’utilisation rationnelle du sous-sol. La propriété privée du sol détermine le morcellement des entreprises de l’industrie extractive, ce qui rend difficile la mécanisation et aboutit à renchérir la production.

    La rente sur les terrains à bâtir est payée au propriétaire par les entrepreneurs qui louent la terre pour y construire des immeubles d’habitation, des entreprises industrielles, commerciales et autres. La plus grande partie de la rente foncière dans les villes est constituée par la rente des terrains occupés par les immeubles d’habitation. L’emplacement des terrains à bâtir exerce une influence énorme sur le montant de la rente différentielle. Les terrains situés plus près du centre de la ville et des entreprises industrielles fournissent la rente la plus élevée. C’est l’une des raisons pour lesquelles, dans les grandes villes des pays capitalistes, les logements s’entassent, les rues sont étroites, etc.

    Outre la rente différentielle et absolue, les possesseurs de terrains urbains, profitant du nombre extrêmement limité des terrains dans beaucoup de villes et de centres industriels, lèvent sur la société un tribut sous forme de rente monopole, ce qui élève considérablement le prix des loyers. Avec l’accroissement de la population des villes, les détenteurs de terrains urbains font monter en flèche la rente sur les terrains à bâtir, ce qui freine la construction des logements. Une partie importante de la population ouvrière est obligée de s’entasser dans des taudis. La hausse constante des loyers diminue le salaire réel des ouvriers.

    Le monopole de la propriété privée du sol freine le développement de l’industrie. Pour construire une entreprise industrielle, le capitaliste doit faire des dépenses improductives pour l’achat d’un terrain ou le paiement de la rente foncière d’un terrain loué. La rente foncière constitue un poste important des dépenses de l’industrie de transformation.

    On peut juger de l’importance de la rente foncière sur les terrains à bâtir, par le fait que sur la somme totale de la rente de 155 millions de livres sterling, touchée chaque année par les landlords anglais entre 1930 et 1940, 100 millions de livres sterling provenaient de la rente foncière des villes. Les prix du terrain dans les grandes villes augmentent rapidement.

    14.5. La grande et la petite production agricole.

    Les lois économiques du développement du capitalisme sont les mêmes pour l’industrie et l’agriculture. La concentration de la production, dans l’agriculture comme dans l’industrie, aboutit à l’élimination des petites exploitations par les grandes exploitations capitalistes, ce gui a pour effet d’aggraver inévitablement les antagonismes de classe. Les défenseurs du capitalisme ont intérêt à atténuer et à masquer ce processus. Pour falsifier la réalité, ils ont créé la fausse théorie de « la stabilité de la petite exploitation paysanne ». Suivant cette théorie, la petite exploitation paysanne conserverait sa stabilité dans la lutte contre les grandes exploitations.

    Mais en réalité, la grande production agricole possède une série d’avantages décisifs sur la petite. C’est avant tout qu’elle a la possibilité d’employer des machines coûteuses (tracteurs, moissonneuses-batteuses, etc.) qui augmentent considérablement la productivité du travail. Avec le mode de production capitaliste, les moyens mécaniques sont concentrés entre les mains des grands fermiers capitalistes et restent inaccessibles aux couches laborieuses de la campagne.

    La grande production jouit de tous les avantages de la coopération capitaliste et de la division du travail. Un de ses avantages importants est son rendement marchand élevé. Les grandes et les très grandes entreprises agricoles aux États-Unis fournissent la majeure partie de l’ensemble de la production agricole marchande, tandis que la masse des fermiers n’exploite guère que pour sa propre consommation ; ils n’ont même pas assez de leur production pour satisfaire les besoins immédiats de leur famille.

    De par sa nature, la propriété parcellaire exclut le développement de la productivité sociale du travail, les formes sociales du travail, la concentration sociale des capitaux, l’élevage en grand, l’utilisation progressive de la science.

    K. Marx, Le Capital, livre 3, chap. 47.

    Cependant, le développement de la grande production et l’élimination de la petite production dans l’agriculture ont leurs particularités. Les grandes entreprises agricoles capitalistes se développent principalement dans le sens d’une intensification de l’agriculture. Souvent une exploitation d’une petite superficie constitue une grande entreprise capitaliste par le volume de sa production globale et de sa production marchande. La concentration de la production agricole dans de grandes exploitations capitalistes s’accompagne souvent d’un accroissement numérique des toutes petites exploitations paysannes. L’existence d’un nombre important de ces toutes petites exploitations, dans les pays capitalistes hautement évolués, s’explique par le fait que les capitalistes ont intérêt au maintien d’ouvriers agricoles ayant un petit lopin de terre, afin de les exploiter.

    Le développement de la grande production agricole capitaliste accentue la différenciation de la paysannerie, en augmentant la servitude, la paupérisation et la ruine de millions de petites et de moyennes exploitations paysannes.

    Dans la Russie tsariste, avant la Révolution d’Octobre, on comptait parmi les exploitations paysannes 65 % d’exploitations de paysans pauvres, 20 % de paysans moyens et 15 % de koulaks. En France, le nombre de propriétaires terriens est tombé de 7 000 000-7 500 000 en 1850 à 2 700 000 en 1929 par suite de l’expropriation des petites exploitations paysannes parcellaires ; le nombre des prolétaires et semi-prolétaires atteignait en 1929 près de 4 millions dans l’agriculture française.

    La petite exploitation agricole se maintient au prix d’incroyables privations, du gaspillage du travail de l’agriculteur et de toute sa famille. Le paysan a beau s’exténuer pour garder une indépendance illusoire, il perd sa terre et se ruine.

    Un grand rôle dans la dépossession de la paysannerie appartient au crédit hypothécaire. Le crédit hypothécaire est un prêt gagé sur la terre et les biens immobiliers. Lorsque le cultivateur, qui exploite son propre terrain, a des besoins pressants d’argent (par exemple, pour payer ses impôts), il demande un prêt à une banque. Souvent, il demande un prêt pour l’achat d’un terrain. La banque délivre une certaine somme gagée sur le terrain. Si l’argent n’est pas remboursé à temps, la terre devient propriété de la banque. En réalité, la banque devient son véritable propriétaire bien avant, car le débiteur est obligé de lui rembourser sous forme d’intérêt une partie importante du revenu de cette terre. Sous forme d’intérêt, le paysan verse en fait à la banque une rente foncière pour son propre terrain.

    La dette hypothécaire des fermiers américains en 1910 était de 3,2 milliards de dollars et en 1940, de 6,6 milliards de dollars. D’après les chiffres de 1936, l’intérêt du crédit et les impôts constituaient environ 45 % du revenu net des fermiers.

    L’endettement vis-à-vis des banques est un véritable fléau pour la petite exploitation agricole. Le pourcentage des fermes hypothéquées aux États-Unis était en 1890 de 28,2 %, et en 1940 de 43,8 %.

    Chaque année un grand nombre d’exploitations paysannes hypothéquées sont vendues aux enchères. Les paysans ruinés sont chassés de leur terre. L’accroissement des dettes contractées par les paysans illustre le processus de séparation de la propriété terrienne d’avec la production agricole, sa concentration dans les mains des grands propriétaires terriens et la transformation du producteur indépendant en fermier ou en ouvrier salarié.

    Un nombre considérable de petits paysans prend à bail, chez les gros propriétaires terriens, des parcelles de terres de peu d’étendue à des conditions très dures. La bourgeoisie rurale en prend à bail afin de produire pour le marché et d’en tirer bénéfice C’est l’affermage d’entreprise. Le petit fermier paysan est obligé de louer un lopin de terre pour pouvoir manger. C’est ce qu’on peut appeler l’affermage d’alimentation ou de famine. Le montant du loyer à l’hectare est généralement plus élevé pour les petits terrains que pour les grands. Le fermage du petit paysan engloutit souvent non seulement la totalité de son surtravail, mais aussi une fraction de son travail nécessaire. Les rapports d’affermage s’entremêlent ici avec les survivances du servage. La survivance la plus répandue de la féodalité dans les conditions du capitalisme est le métayage, dans lequel le paysan paye en nature, pour sa redevance, jusqu’à la moitié et plus de la récolte rentrée.

    Aux États-Unis, en 1950, 57,5 % des cultivateurs étaient propriétaires de leurs terres et 26,5 % étaient fermiers. En outre, 15,6 % de l’ensemble des cultivateurs étaient des « propriétaires partiels », c’est-à-dire qu’ils étaient également obligés de louer une certaine partie de la terre cultivée par eux. Environ la moitié des paysans qui louent de la terre sont des métayers. Bien que l’esclavage aux États-Unis ait été officiellement aboli au siècle précédent, des survivances de l’esclavage, notamment en ce qui concerne les métayers noirs, subsistent encore aujourd’hui.

    En France, il existe un grand nombre de métayers. Outre la redevance en nature, qui comprend la moitié de la récolte et même davantage dans certains cas, ils sont souvent obligés de ravitailler le propriétaire en produits de leur propre exploitation : fromage, beurre, œufs, volailles, etc.

    14.6. L’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne.

    Un trait caractéristique du mode de production capitaliste est le retard marqué de l’agriculture sur l’industrie, l’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne.

    Dans son développement, l’agriculture retarde sur l’industrie : c’est là un phénomène propre à tous les pays capitalistes et qui est l’une des causes les plus profondes de la rupture de la proportionnalité entre les différentes branches de l’économie nationale, des crises et de la hausse du coût de la vie.

    V. Lénine, « Nouvelles données sur les lois du développement du capitalisme dans l’agriculture », Œuvres, t. 22, p. 100.

    L’agriculture en régime capitaliste retarde sur l’industrie avant tout par le niveau des forces productives. Le progrès technique se réalise dans l’agriculture avec beaucoup plus de lenteur que dans l’industrie. On n’emploie les machines que dans les grandes exploitations, tandis que les exploitations paysannes à petite production marchande sont incapables d’en faire usage. D’autre part, l’emploi capitaliste des machines conduit à un renforcement de l’exploitation et à la ruine du petit producteur. L’emploi des machines en grand dans l’agriculture est retardé par suite du bon marché de la main-d’œuvre, conséquence de la surpopulation agraire.

    Le capitalisme a considérablement accentué le retard de la campagne sur la ville dans le domaine culturel. Les villes sont des foyers scientifiques et artistiques. C’est là que se trouvent concentrés les établissements d’enseignement supérieur, les musées, les théâtres, les cinémas. Et ce sont les classes exploiteuses qui profitent des richesses de cette culture. Les masses prolétariennes ne peuvent profiter que médiocrement du progrès culturel des villes. Quant aux masses de la population paysanne des pays capitalistes, elles sont coupées des centres urbains et sont condamnées à rester en retard au point de vue culturel.

    La base économique de l’opposition entre la ville et la campagne en régime capitaliste est l’exploitation du village par la ville, l’expropriation de la paysannerie et la ruine de la majorité de la population rurale par tout le cours du développement de l’industrie, du commerce et du système de crédit capitalistes. La bourgeoisie des villes, avec les capitalistes-fermiers et les propriétaires fonciers, exploite les millions de paysans. Les formes de cette exploitation sont multiples : la bourgeoisie industrielle et les commerçants exploitent la campagne grâce aux prix élevés des produits industriels et aux prix relativement bas des produits agricoles ; les banques et les usuriers, par l’octroi de crédits à des conditions draconiennes ; l’État bourgeois, par ses impôts de tout genre. Les sommes énormes que les grands propriétaires terriens s’approprient en prélevant la rente et en vendant la terre, les ressources que perçoivent les banques sous forme d’intérêts pour les prêts hypothécaires, etc., sont détournées de la campagne vers la ville pour la consommation parasite des classes exploiteuses.

    Ainsi, les causes du retard de l’agriculture sur l’industrie, l’approfondissement et l’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne résident dans le système même du capitalisme.

    14.7. La propriété privée de la terre et la nationalisation de la terre.

    Avec le développement du capitalisme, la propriété privée de la terre prend un caractère de plus en plus parasite. La classe des grands propriétaires terriens accapare, sous forme de rente foncière, une part immense des revenus provenant de l’agriculture. Une partie considérable de ces revenus est, par le prix de la terre, retirée de l’économie rurale et tombe entre les mains des grands propriétaires terriens. Tout cela entrave le progrès des forces productives et fait monter les prix des produits agricoles, ce qui pèse lourdement sur les épaules des travailleurs. Il en résulte que « la nationalisation de la terre est devenue une nécessité sociale » (K. Marx, « La nationalisation de la terre », dans K. Marx et F. Engels, Œuvres, t. 13, 1re partie, p. 341 (en russe).) La nationalisation de la terre est la transformation de la propriété privée de la terre en propriété de l’État.

    En justifiant la nationalisation de la terre, Lénine partait de l’existence de deux sortes de monopoles : le monopole de la propriété privée de la terre et le monopole de la terre en tant qu’objet d’exploitation. Nationaliser la terre, c’est supprimer le monopole de la propriété privée de la terre et la rente absolue qui s’y rattache. La suppression de la rente absolue amènerait la baisse des prix des produits agricoles. Mais la rente différentielle continuerait à exister, car elle est liée au monopole de la terre en tant qu’objet d’exploitation. Dans le cadre du capitalisme, en cas de la nationalisation de la terre, une partie importante de la rente différentielle serait mise à la disposition de l’État bourgeois. La nationalisation de la terre écarterait une série d’obstacles sur la voie du développement du capitalisme dans l’agriculture, obstacles dressés par la propriété privée de la terre, et affranchirait la paysannerie des survivances féodales du servage.

    Le mot d’ordre de nationalisation de la terre a été formulé par le Parti communiste dès la première révolution russe de 1905-1907. La nationalisation de la terre impliquait la confiscation sans indemnité de toute la terre des gros propriétaires fonciers au profit des paysans.

    Lénine n’estimait possible la nationalisation de la terre dans le cadre de la révolution démocratique bourgeoise qu’avec l’établissement de la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie. La nationalisation de la terre en tant que mot d’ordre de la révolution démocratique bourgeoise ne renferme en soi rien de socialiste. Mais l’abolition de la grande propriété terrienne renforce l’alliance du prolétariat avec les masses de la paysannerie, déblaie le terrain de la lutte de classes entre prolétariat et bourgeoisie. La nationalisation de la terre en ce cas aide le prolétariat, allié avec la paysannerie pauvre, dans sa lutte pour la transformation de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste.

    Développant la théorie marxiste de la rente, Lénine a montré que la nationalisation de la terre, dans le cadre de la société bourgeoise, n’est réalisable que dans la période des révolutions bourgeoises et est « inconcevable si la lutte des classes s’aggrave fortement entre le prolétariat et la bourgeoisie ». (V. Lénine : « Le programme agraire de la social-démocratie dans la première révolution russe de 1905-1907 », Œuvres, t. 13, p. 336.) À l’époque du capitalisme développé, lorsque la révolution socialiste est à l’ordre du jour, la nationalisation du sol ne peut être réalisée dans le cadre de la société bourgeoise pour les raisons suivantes : Premièrement, la bourgeoisie n’ose pas liquider la propriété privée de la terre, craignant qu’avec la montée du mouvement révolutionnaire du prolétariat, cela puisse ébranler les fondements de la propriété privée en général. En second lieu, les capitalistes se sont eux-mêmes pourvus de propriété terrienne. Les intérêts de la classe de la bourgeoisie et de la classe des propriétaires fonciers s’enchevêtrent de plus en plus. Dans la lutte contre le prolétariat et la paysannerie, ils agissent toujours de concert.

    Tout le cours du développement historique du capitalisme confirme que, dans la société bourgeoise, les masses essentielles de la paysannerie, férocement exploitées par les capitalistes, les propriétaires fonciers, les usuriers et les marchands, sont fatalement vouées à la ruine et à la misère. En régime capitaliste, les petits paysans ne peuvent espérer voir leur situation s’améliorer. Inéluctablement la lutte des classes s’accentue à la campagne.

    Les intérêts vitaux des masses fondamentales de la paysannerie concordent avec les intérêts du prolétariat. C’est là la base économique de l’alliance du prolétariat et de la paysannerie laborieuse dans leur lutte commune contre le régime capitaliste.

    Résumé du chapitre 14

    1. Le régime capitaliste de l’agriculture est caractérisé par le fait que, premièrement, la plus grande partie de la terre est concentrée entre les mains de grands propriétaires fonciers, qui donnent la terre à bail ; deuxièmement, les fermiers capitalistes organisent leur production sur la base de l’exploitation d’ouvriers salaries ; troisièmement, une classe nombreuse de petits et moyens paysans participe à la propriété privée des moyens de production, et aussi de la terre. L’agriculture des pays bourgeois, malgré les progrès du. capitalisme, est encore très morcelée entre petits et moyens propriétaires paysans, qui sont exploités par les capitalistes et les propriétaires fonciers.

    2. La rente foncière capitaliste est une partie de la plus-value créée par les ouvriers salariés dans l’agriculture ; elle représente un excédent sur le profit moyen, excédent que le fermier capitaliste verse au propriétaire du sol pour le droit de jouir de la terre. L’existence de la rente foncière capitaliste est liée à l’existence d’un double monopole. Le monopole de l’exploitation capitaliste sur la terre en tant qu’objet d’exploitation dérive de la quantité limitée des terres, de l’occupation de celle-ci par diverses exploitations et de ce fait le prix de production de la marchandise agricole est déterminé par les conditions de production les plus mauvaises. Le surprofit, provenant des meilleures terres ou d’une dépense plus productive de capital, forme la rente différentielle. Le monopole de la propriété privée de la terre, la composition organique du capital étant plus basse dans l’agriculture que la composition du capital dans l’industrie, engendre la rente absolue. Avec le développement du capitalisme, augmentent les taux de toutes les formes de rente, ainsi que le prix de la terre qui représente la rente capitalisée.

    3. Dans l’agriculture comme dans l’industrie, la grande production supplante la petite. Cependant la grande production mécanique, même dans les pays capitalistes les plus développés, se répand dans l’agriculture avec beaucoup plus de lenteur que dans l’industrie. Ce n’est qu’au prix d’un effort immense et exténuant, d’un abaissement rapide du niveau de vie du petit paysan et de sa famille, que se maintient dans les pays capitalistes la masse des petites exploitations paysannes, que caractérise une extrême instabilité.

    4. Le capitalisme engendre inévitablement un retard grandissant de l’agriculture sur l’industrie, approfondit et aggrave l’opposition entre la ville et la campagne. Le monopole de la propriété privée de la terre détourne de l’agriculture, sous forme de rente foncière et de dépenses improductives pour l’achat de la terre, d’immenses ressources qui vont à la consommation parasite de la classe des propriétaires terriens et retardent le développement des forces productives de l’économie rurale.

    5. Les masses essentielles de la paysannerie en régime capitaliste sont vouées à la ruine et à la paupérisation. Les intérêts vitaux du prolétariat et des masses exploitées de la paysannerie sont les mêmes. C’est seulement dans l’alliance avec le prolétariat et sous sa direction, par une révolution qui détruira le régime capitaliste, que la paysannerie laborieuse peut se libérer de l’exploitation et de la misère.


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  • A. — Le capitalisme prémonopoliste

    Chapitre 15 — Le revenu national

    15.1. Le produit social total et le revenu national.

    Toute la masse des biens matériels produits dans la société dans une période déterminée, par exemple en l’espace d’un an, forme le produit social total (ou produit global). Une partie de ce produit, équivalente à la valeur du capital constant consommé, sert dans le processus de reproduction à compenser les moyens de production dépensés. Le coton transformé à la fabrique est compensé par des lots de coton provenant de la récolte de l’année en cours. À la place du combustible brûlé sont livrées de nouvelles quantités de charbon et de pétrole. Les machines mises hors d’usage sont remplacées par d’autres. La partie restante du produit social total constitue la valeur nouvelle créée par la classe ouvrière dans le cours de la production.

    La partie du produit social total dans laquelle se trouve incarnée la valeur nouvellement créée, est le revenu national. Le revenu national dans la société capitaliste est équivalent par conséquent à la valeur du produit social total moins la valeur des moyens de production dépensés dans l’année, ou, en d’autres termes, il est égal à la somme du capital variable et de la plus-value. Sous sa forme matérielle, le revenu national est constitué par toute la masse des objets de consommation personnelle et par la partie des moyens de production qui sert à l’élargissement de la production. Ainsi, le revenu national se présente comme la somme de la valeur nouvellement créée en l’espace d’un an ; comme la masse des biens matériels de toute sorte, la partie du produit social total dans laquelle est incarnée la valeur nouvellement créée.

    Si, par exemple, dans un pays, il a été produit au cours d’un an pour 90 milliards de dollars ou de marks de marchandises, dont 60 milliards servent à compenser les moyens de production dépensés au cours de l’année, le revenu national créé en l’espace d’un an équivaudra à 30 milliards. Il existe en régime capitaliste une masse de petits producteurs, paysans et artisans, dont le travail crée également une partie déterminée du produit social total. Le revenu national du pays comprend donc aussi la valeur nouvellement créée durant la période donnée par les paysans et les artisans.

    Le produit social total et, par suite, le revenu national, sont créés par les travailleurs occupés dans les branches de la production matérielle. Ce sont toutes les branches dans lesquelles sont produits les biens matériels : industrie, agriculture, construction, transports, etc. Dans les branches non productives, qui comprennent l’appareil d’État, le crédit, le commerce (à l’exception des opérations qui prolongent le processus de production dans la sphère de la circulation), les services médicaux, les spectacles, etc., il n’est pas créé de revenu national.

    Dans les pays capitalistes, une partie très importante de la population apte au travail, non seulement ne crée pas de produit social et de revenu national, mais ne participe à aucun travail socialement utile. Ce sont avant tout les classes exploiteuses et leur cortège de parasites, le gigantesque appareil bureaucratique et policier, militariste, etc., qui assure la garde du système de l’esclavage salarié capitaliste. Une grande partie de la force de travail est dépensée sans aucune utilité pour la société. Ainsi, des dépenses improductives énormes sont liées à la concurrence, à une spéculation effrénée, à une publicité démesurément gonflée.

    L’anarchie de la production capitaliste, les crises économiques dévastatrices, le sous-emploi important de l’appareil de production réduisent considérablement l’utilisation de la main-d’œuvre. Des masses énormes de travailleurs, en régime capitaliste, n’ont pas la possibilité de travailler. Dans les pays bourgeois, le nombre de chômeurs totaux inscrits dans les villes, dans la période de 1930 à 1938, n’a jamais été inférieur à 14 millions. Au fur et à mesure que le capitalisme se développe, l’appareil d’État s’hypertrophie, le nombre de personnes au service de la bourgeoisie augmente, la part de la population occupée dans la sphère de la production matérielle diminue, et l’on voit augmenter considérablement la proportion des gens qui sont occupés dans la sphère de la circulation. L’armée des chômeurs grandit, la surpopulation agraire s’accentue. Tout cela a pour effet de limiter à l’extrême l’accroissement du produit social total et du revenu national dans la société bourgeoise.

    Aux États-Unis, les branches de la production matérielle occupaient en 1910 43,9 % du total de la population apte au travail ; en 1930, 35,5 % ; en 1950, environ 34 %.

    Aux États-Unis, le rythme d’accroissement annuel du revenu national, durant les trente dernières années du siècle dernier, était en moyenne de 4,7 % ; dans la période comprise entre 1900 et 1919, de 2,8 % ; de 1920 à 1938, de 1 %, et dans les années qui suivirent la deuxième guerre mondiale (de 1945 à 1954), de 0,7 %.

    15.2. La répartition du revenu national.

    À chaque mode de production correspondent des formes de répartition historiquement définies. La répartition du revenu national en régime capitaliste est déterminée par le fait que la propriété des moyens de production est concentrée entre les mains des capitalistes et des propriétaires fonciers qui exploitent le prolétariat et la paysannerie. Dès lors, la répartition du revenu national s’opère non pas dans l’intérêt des travailleurs, mais dans celui des classes exploiteuses.

    En régime capitaliste, le revenu national créé par le travail des ouvriers va d’abord aux capitalistes exploitants (y compris les entrepreneurs capitalistes dans l’agriculture). Les capitalistes industriels, en réalisant les marchandises produites, perçoivent toute la somme de leur valeur, y compris la somme du capital variable et de la plus-value. Le capital variable se transforme en salaire, que les capitalistes industriels paient aux ouvriers occupés dans la production. La plus-value reste aux mains des capitalistes industriels ; c’est elle qui est la source des revenus de tous les groupes des classes exploiteuses. Une partie de la plus-value se transforme en profit des capitalistes industriels. Ils cèdent une partie de la plus-value aux capitalistes commerçants sous la forme du profit commercial et aux banquiers sous la forme de l’intérêt. Ils remettent une partie de la plus-value aux propriétaires terriens, sous la forme de la rente foncière. Cette répartition du revenu national, entre les diverses classes de la société capitaliste, peut être représentée schématiquement de la façon suivante (en milliards de dollars ou de francs) :

      Produit social total 90 Revenu national 30 Compensation du capital constant consommé 60 Capital variable 10 Plus-value 20 Salaire des ouviers dans la production 10 Profit des capitalistes industriels 10 Profit commercial 3 Intérêts 2 Rente 5

    La répartition comprend également la part du revenu national, qui a été créée dans la période considérée par le travail des paysans et des artisans : une partie reste aux paysans et aux artisans ; une autre va aux capitalistes (paysans riches, revendeurs, marchands, banquiers, etc.) ; la troisième, aux propriétaires terriens.

    Les revenus des travailleurs reposent sur leur travail personnel et représentent les revenus du travail. La source des revenus des classes exploiteuses est le travail des ouvriers, et aussi des paysans et des artisans. Les revenus des capitalistes et des propriétaires fonciers reposent sur l’exploitation du travail d’autrui et constituent des revenus parasites.

    Dans le cours de la répartition ultérieure du revenu national, les revenus parasites des classes exploiteuses augmentent. Une partie des revenus de la population — en premier lieu des classes laborieuses — est redistribuée par l’intermédiaire du budget d’État et utilisée dans l’intérêt des classes exploiteuses. Ainsi, une part des revenus des ouvriers et des paysans, qui sous forme d’impôts entre dans le budget d’État, se transforme ensuite en revenus additionnels des capitalistes et en revenu des fonctionnaires. Les charges fiscales, imposées par les classes exploiteuses aux travailleurs, augmentent rapidement.

    En Angleterre, à la fin du 19e siècle, les impôts représentaient de 6 à 7 % du revenu national ; en 1913, 11 % ; en 1924, 23 % ; en 1950,38 % ; en France, à la fin du 19e siècle, 10 % ; en 1913, 13 % ; en 1924, 21 % ; en 1950, 29 % du revenu national.

    De plus, une part du revenu national est transmise, par voie de paiement de ce qu’on appelle les services, dans les branches non productives (par exemple, pour les services médicaux, les spectacles, les établissements d’entretien domestique, etc.) Comme on l’a déjà indiqué, il n’est pas créé de produit social dans ces branches, et, par suite, pas de revenu national ; mais les capitalistes, en exploitant les ouvriers salariés occupés dans ces secteurs, reçoivent une partie du revenu national créé dans les branches de la production matérielle. Avec ce revenu, les capitalistes, propriétaires d’entreprises des branches non productives, paient les salaires des travailleurs salariés, couvrent les dépenses matérielles (locaux, outillage, chauffage, etc.) et obtiennent un profit.

    Ainsi, la rémunération des services doit compenser les frais de ces entreprises et assurer le taux moyen du profit, sinon les capitalistes cesseraient de placer leurs capitaux dans ces branches. Dans leur course au profit élevé, les capitalistes s’efforcent de faire monter le prix des services, ce qui aboutit à la baisse du salaire réel des ouvriers et des revenus réels des paysans.

    La redistribution du revenu national par l’intermédiaire du budget et par les prix élevés des services a pour effet d’aggraver la paupérisation des travailleurs.

    À l’issue de la répartition du revenu national, ce dernier se décompose en deux parties : 1o le revenu des classes exploiteuses et 2o le revenu des travailleurs occupés tant dans les branches de la production matérielle que dans les branches non productives.

    La part des ouvriers et des autres travailleurs de la ville et des campagnes, qui n’exploitent pas le travail d’autrui, dans le revenu national était égale aux États-Unis (en 1923) à 54 %, et la part des capitalistes, à 46 % ; en Angleterre (en 1924) la part des travailleurs était de 45 % ; celle des capitalistes, de 55 % ; en Allemagne (en 1929) la part des travailleurs était de 55 %, la part des capitalistes, de 45 %. À l’heure actuelle, dans les pays capitalistes, les travailleurs, qui forment les 9/10 de la population, reçoivent sensiblement moins de la moitié du revenu national ; tandis que les classes exploiteuses en reçoivent sensiblement plus.

    La part des classes travailleuses dans le revenu national décroît sans cesse ; celle des classes exploiteuses augmente. Aux États-Unis, par exemple, la part des travailleurs dans le revenu national était en 1870, de 58 % ; en 1890, de 56 % ; en 1923, de 54 % ; en 1951, à peu près de 40 %.

    Le revenu national est utilisé en définitive à la consommation et à l’accumulation. L’utilisation du revenu national dans les pays bourgeois est déterminée par le caractère de classe du capitalisme et reflète le parasitisme sans cesse accentué des classes exploiteuses.

    La part du revenu national destinée à la consommation personnelle des travailleurs, qui sont la principale force productive de la société, est si faible qu’elle n’assure en règle générale même pas le minimum vital. Une masse énorme d’ouvriers et de paysans travailleurs est obligée de se priver personnellement et de priver leurs familles du strict nécessaire, de s’entasser dans des masures, de priver leurs enfants d’instruction.

    Une partie très importante du revenu national est destinée à la consommation parasite des capitalistes et des propriétaires terriens. Ils dépensent des sommes colossales pour l’achat d’objets de luxe et pour l’entretien d’une nombreuse domesticité.

    En régime capitaliste, la part du revenu national destinée à élargir la production est très faible par rapport aux possibilités et aux besoins de la société. Ainsi, aux États-Unis, la part du revenu national destinée à l’accumulation, était entre 1919 et 1928, d’environ 10 % ; pour la période comprise entre 1929 et 1938, l’accumulation n’a été en moyenne que de 2 % du revenu national des États-Unis, et dans les années de crise le capital fixe était entamé.

    Le volume relativement faible de l’accumulation en régime capitaliste est déterminé par le fait qu’une partie considérable du revenu national va à la consommation parasite des capitalistes, à des dépenses improductives. Ainsi les frais de circulation atteignent des dimensions considérables : entretien de l’appareil commercial et de l’appareil de crédit, stockage des marchandises excédentaires, frais de publicité, de spéculation boursière, etc. Aux États-Unis, dans l’entre-deux-guerres, les frais de circulation proprement dits absorbaient de 17 à 19 % du revenu national. Une part toujours croissante du revenu national en régime capitaliste va aux dépenses militaires, à la course aux armements, à l’entretien de l’appareil d’État.

    À la surface des phénomènes de la société capitaliste les revenus et leurs sources se présentent sous une forme défigurée, fétichiste. On a l’impression que le capital engendre par lui-même le profit ; la terre — la rente, et que les ouvriers ne créent qu’une valeur égale à leur salaire.

    Ces représentations fétichistes sont à la base des théories bourgeoises du revenu national. À l’aide des théories de ce genre, les économistes bourgeois cherchent à embrouiller la question du revenu national au profit de la bourgeoisie. Ils s’efforcent de prouver qu’à l’égal des ouvriers et des paysans, le revenu national est créé par les capitalistes et les propriétaires terriens, ainsi que par les fonctionnaires, les policiers, les spéculateurs en bourse, le clergé, etc.

    Ensuite, les économistes bourgeois présentent sous un faux jour la répartition du revenu national. Ils minimisent la part du revenu perçu par les capitalistes et les propriétaires terriens. Ainsi, par exemple, les revenus des classes exploiteuses sont déterminés sur la base des renseignements très inférieurs à la réalité que fournissent les contribuables eux-mêmes ; on ne tient pas compte des appointements énormes que beaucoup de capitalistes touchent comme dirigeants de sociétés par actions: on ne tient pas compte des revenus de la bourgeoisie rurale, etc. En même temps, les revenus des travailleurs sont gonflés de façon artificielle en rangeant parmi eux les hauts fonctionnaires, les directeurs d’entreprises, de banques, de maisons commerciales, etc., grassement payés.

    Enfin, les économistes bourgeois dénaturent la répartition réelle du revenu national, en ne tenant pas un compte à part des dépenses de consommation des classes exploiteuses, des frais proprement dits de circulation, en minimisant la part des dépenses militaires, en camouflant de mille manières le gaspillage improductif d’une énorme partie du revenu national.

    15.3. Le budget de l’État.

    L’État bourgeois est l’organe des classes exploiteuses qui a pour but de maintenir en sujétion la majorité exploitée de la société et de sauvegarder les intérêts de la minorité exploiteuse dans l’ensemble de la politique intérieure et extérieure.

    Pour accomplir sa mission, l’État bourgeois dispose de tout un appareil : armée, police, organismes punitifs et judiciaires, service de renseignements, différents organes d’administration et d’action idéologique sur les masses. Cet appareil est entretenu aux frais du budget de l’État. Les impôts et les emprunts sont la source qui alimente le budget de l’État.

    Le budget de l’État est un instrument de redistribution d’une partie du revenu national dans l’intérêt des classes exploiteuses. Il est établi sous la forme d’un devis annuel des recettes et des dépenses de l’État. Marx écrivait que le budget de l’État capitaliste « n’était pas autre chose qu’un budget de classe, qu’un budget pour la bourgeoisie ». (K. Marx, « Livres, shillings, pence, ou un budget de classe et à qui il profite », dans K. Marx et F. Engels, Œuvres, t. 9, p. 146 (éd. russe).)

    Les dépenses de l’État capitaliste pour la plus grande part sont improductives. Une part importante des ressources du budget de l’État en régime capitaliste va à la préparation et à la conduite des guerres. Il faut également y rattacher les dépenses nécessitées par les recherches scientifiques dans le domaine de la production et du perfectionnement des nouveaux engins de destruction massive des êtres humains, les dépenses pour les activités de sabotage à l’étranger.

    Une autre part importante des dépenses de l’État capitaliste va à l’entretien de l’appareil d’oppression des travailleurs.

    Le militarisme moderne est le résultat du capitalisme. En tant que force armée utilisée par les États capitalistes dans les conflits extérieurs […] et en tant que moyen employé par les classes dominantes pour réprimer toute espèce de mouvement prolétarien, qu’il soit politique ou économique […], le militarisme constitue, sous ces deux formes, une « manifestation vitale » du capitalisme.

    V. Lénine, « Le militarisme militant et la tactique antimilitariste de la social-démocratie », Œuvres, t. 15, p. 205.

    L’État dépense des sommes fort importantes, notamment pendant les crises et les guerres, pour soutenir directement les entreprises capitalistes et leur assurer des profits élevés. Souvent les subventions accordées aux banques et aux industriels ont pour but de les sauver de la faillite pendant les crises. Au moyen de commandes d’État, réalisées aux dépens du budget, des milliards de profits supplémentaires vont dans les poches des gros capitalistes.

    Les dépenses consacrées à la culture et à la science, à l’instruction et à la santé publiques représentent une part infime des budgets d’État des pays capitalistes. Aux États-Unis, par exemple, dans les budgets fédéraux de ces dernières années, plus des deux tiers de la somme totale des ressources ont été utilisés à des fins militaires ; moins de 4 % à la santé, à l’instruction publique et à la construction de logements, la part de l’instruction publique étant inférieure à 1 %.

    La masse essentielle des revenus de l’État capitaliste est constituée par les impôts. En Angleterre, par exemple, les impôts constituaient, en 1938, 89 % de la somme totale des revenus du budget de l’État.

    Les impôts, en régime capitaliste, sont une forme d’exploitation supplémentaire des travailleurs par la redistribution budgétaire d’une partie de leurs revenus au profit de la bourgeoisie. Les impôts sont appelés directs s’ils grèvent les revenus des particuliers, et indirects s’ils grèvent les marchandises mises en vente (principalement les objets de consommation courante) ou bien les services (par exemple, les billets de cinéma et de théâtre, les tickets distribués aux usagers des transports urbains, etc.) Les impôts indirects élèvent le prix des marchandises et des services. En fait, les impôts indirects sont payés par les acheteurs. Les capitalistes font retomber aussi sur les acheteurs une partie de leurs contributions directes, s’ils parviennent à faire monter le prix des marchandises ou des services.

    La politique de l’État bourgeois tend à réduire par tous les moyens les charges fiscales qui pèsent sur les classes exploiteuses. Les capitalistes se dérobent au paiement des impôts, en dissimulant l’ampleur réelle de leurs revenus. La politique des impôts indirects est particulièrement profitable aux classes possédantes.

    […] les contributions indirectes, qui portent sur les objets de première nécessité, sont très injustes. Elles pèsent de tout leur poids sur les pauvres, créant un privilège pour les riches. Plus un homme est pauvre, plus est grande la part de son revenu qu’il abandonne à l’État au titre des contributions indirectes. La masse des gens pauvres et de médiocre aisance forme les 9/10 de toute la population, consomme les 9/10 de tous les produits imposés et paie les 9/10 de tous les impôts indirects, tandis que de tout le revenu national elle ne reçoit que 2 ou 3/10.

    V. Lénine, « À propos du budget », Œuvres, t. 5, p. 342.

    Par conséquent, le poids principal des impôts pèse sur les masses laborieuses : ouvriers, paysans, employés. Comme nous l’avons déjà indiqué, à l’heure actuelle, dans les pays bourgeois, près d’un tiers des salaires des ouvriers et des employés est transféré sous forme d’impôts au budget de l’État. De lourds impôts pèsent sur les paysans et ont pour effet d’accroître leur misère.

    Outre les impôts, les emprunts constituent un important chapitre des recettes de l’État capitaliste. L’État bourgeois recourt le plus souvent aux emprunts pour couvrir les dépenses exceptionnelles, en premier lieu les dépenses militaires. Une grande partie des ressources recueillies au moyen des emprunts, sert à l’État à payer des fournitures d’armement et d’équipement militaires qui rapportent des profits énormes aux industriels. En définitive, les emprunts amènent un nouvel accroissement des impôts frappant les travailleurs, afin d’acquitter les intérêts des emprunts et d’amortir les emprunts eux-mêmes. Le montant de la dette publique dans les pays bourgeois augmente rapidement.

    Le montant total de la dette publique dans le monde entier est passé de 38 milliards de francs en 1825 à 250 milliards de francs en 1900 ; il a donc été multiplié par 6,6. La dette publique a augmenté encore plus rapidement au 20e siècle. Aux États-Unis, en 1914, le montant de la dette publique était de 1,2 milliard de dollars ; en 1938, de 37,2 milliards ; elle a donc été multipliée par 31. En Angleterre, en 1890, il a été payé à titre d’intérêt des emprunts 24,1 millions de livres sterling ; en 1953-1954, 570,4 millions ; aux États-Unis, en 1940, il a été payé à titre d’intérêt des emprunts 1 milliard de dollars, en 1953-1954, 6,5 milliards de dollars.

    Une des sources des revenus du budget de l’État capitaliste est l’émission de papier-monnaie. Provoquant l’inflation et la hausse des prix, elle fait passer à l’État bourgeois une partie du revenu national en abaissant le niveau de vie des masses populaires.

    Ainsi, le budget de l’État en régime capitaliste est, entre les mains de l’État bourgeois, un instrument de dépossession supplémentaire des travailleurs et d’enrichissement de la classe capitaliste ; il accentue le caractère improductif et parasitaire de l’utilisation du revenu national.

    Résumé du chapitre 15

    1. Le revenu national dans la société capitaliste est la partie du produit social total, dans laquelle est incarnée la valeur nouvellement créée. Il se forme dans les branches de la production matérielle par le travail de la classe ouvrière et aussi par celui des paysans et des artisans. Sous sa forme matérielle, le revenu national représente l’ensemble des objets de consommation produits et la partie des moyens de production qui est destinée à élargir la production. En régime capitaliste, une partie considérable de la population apte au travail non seulement ne crée pas de revenu national, mais ne participe pas à un travail socialement utile.

    2. La répartition du revenu national en régime capitaliste se fait en vue d’enrichir les classes exploiteuses. La part des classes laborieuses dans le revenu national diminue, tandis que celle des classes exploiteuses augmente.

    3. En régime capitaliste, le revenu national créé par la classe ouvrière est réparti sous forme de salaire des ouvriers, de profit des capitalistes (industriels, commerçants et propriétaires de capitaux de prêt) et de rente foncière prélevée par les propriétaires terriens. Une grande partie des produits du travail fourni par les paysans et les artisans est également accaparée par les capitalistes et les propriétaires terriens. Par le budget de l’État et au moyen du prix élevé des services, s’effectue la redistribution du revenu national, qui accentue encore la paupérisation des travailleurs.

    4. Une part immense et sans cesse accrue du revenu national en régime capitaliste est utilisée de façon improductive : pour la consommation parasite de la bourgeoisie, pour couvrir des frais de circulation excessivement gonflés, pour entretenir l’appareil d’État en vue de l’oppression des masses, pour préparer et conduire des guerres de conquête.


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  • A. — Le capitalisme prémonopoliste

    Chapitre 17 — Les crises économiques

    17.1. Le fondement des crises capitalistes de surproduction.

    Dès le début du 19e siècle, depuis que la grande industrie mécanique a fait son apparition, le cours de la reproduction capitaliste élargie est coupé périodiquement de crises économiques.

    Les crises capitalistes sont des crises de surproduction. La crise se traduit tout d’abord par le fait que les marchandises restent invendues, parce qu’il en a été produit plus que n’en peuvent acheter les principaux consommateurs, les masses populaires, dont le pouvoir d’achat sous la domination des rapports de production capitalistes est extrêmement limité. Les « surplus » de marchandises s’amoncellent dans les entrepôts. Les capitalistes réduisent la production et congédient les ouvriers. Des centaines et des milliers d’entreprises ferment. Le chômage s’étend brusquement. Une multitude de petits producteurs de la ville et des campagnes se ruinent. La mévente des marchandises produites désorganise le commerce. Les liens du crédit se rompent. Les capitalistes éprouvent un manque extrême d’argent liquide pour effectuer leurs paiements. Et c’est le krach en Bourse : le cours des actions, des obligations et des autres valeurs s’effondre irrésistiblement. Une vague de faillites déferle sur les entreprises industrielles, les firmes commerciales et bancaires.

    La surproduction des marchandises pendant les crises n’est pas absolue, mais relative. C’est dire que le surplus de marchandises n’existe que par rapport à la demande solvable, et non point par rapport aux besoins réels de la société. En période de crise, les masses laborieuses manquent du plus strict nécessaire, leurs besoins sont satisfaits plus mal que jamais. Des millions d’hommes souffrent de la faim, parce qu’on a produit « trop » de blé ; les hommes souffrent du froid parce qu’on a extrait « trop » de charbon. Les travailleurs sont privés de moyens de subsistance précisément parce qu’ils ont produit tous ces moyens « en trop grande quantité ». Telle est la contradiction criante du mode de production capitaliste, lorsque, selon le socialiste utopiste français Fourier, « la pauvreté naît en civilisation de l’abondance même ». (Fourier, Textes choisis, p. 105, Classiques du peuple, Éditions sociales, Paris, 1953.)

    Des perturbations de la vie économique ont eu lieu souvent aussi sous le régime des modes de production précapitalistes. Mais elles étaient dues à des calamités naturelles ou sociales exceptionnelles : inondation, sécheresse, guerre sanglante ou épidémie qui ravageaient parfois des pays entiers, vouant la population à la famine et à la mort. Mais la différence essentielle entre ces perturbations économiques et les crises capitalistes est que la famine et la misère qu’elles entraînaient étaient la conséquence d’une production peu développée, d’une extrême pénurie de produits. Or, en régime capitaliste, les crises sont engendrées par l’accroissement de la production alors que le niveau de vie des masses populaires est misérable, par un « excédent » relatif des marchandises produites.

    Comme nous l’avons montré au chapitre 4, la production marchande simple et la circulation renferment déjà en elles des possibilités de crise. Mais les crises ne deviennent inévitables qu’en régime capitaliste, lorsque la production prend un caractère social, et que le produit du travail socialisé de milliers et de millions d’ouvriers fait l’objet de l’appropriation privée des capitalistes. La contradiction entre le caractère social de la production et la forme capitaliste, privée de l’appropriation des résultats de la production, contradiction fondamentale du capitalisme, constitue le fondement des crises économiques de surproduction. Ainsi, l’inévitabilité des crises a ses racines dans le système même de l’économie capitaliste.

    La contradiction fondamentale du capitalisme se manifeste sous forme d’une opposition entre l’organisation de la production dans les entreprises isolées et l’anarchie de la production dans l’ensemble de la société.

    Dans chaque fabrique prise à part le travail des ouvriers est organisé et subordonné à la volonté unique de l’entrepreneur. Mais dans la société prise dans son ensemble, par suite de la domination de la propriété privée des moyens de production, c’est l’anarchie qui règne dans la production ; elle exclut le développement harmonieux de l’économie. Aussi les conditions complexes qui sont nécessaires à la réalisation du produit social dans la reproduction capitaliste élargie sont-elles inévitablement détruites. Ces perturbations peu à peu s’accumulent jusqu’à la crise, qui se produit quand le processus de réalisation est entièrement désorganisé.

    Dans leur course au profit le plus élevé, les capitalistes élargissent la production, perfectionnent les techniques, introduisent de nouvelles machines et jettent des masses énormes de marchandises sur le marché. C’est dans le même sens qu’agit la tendance constante du taux de profit à la baisse, tendance conditionnée par l’élévation de la composition organique du capital. Les entrepreneurs s’efforcent de compenser la chute du taux de profit en augmentant la masse des profits par l’extension du volume de la production, l’augmentation de la quantité des marchandises fabriquées. Ainsi est inhérente au capitalisme la tendance à l’élargissement de la production, à l’accroissement énorme des possibilités de production. Mais la paupérisation de la classe ouvrière et de la paysannerie a pour effet une réduction relative de la demande solvable des travailleurs. De ce fait, l’élargissement de la production capitaliste se heurte inévitablement au cadre étroit de la consommation des masses essentielles de la population. De la loi économique fondamentale du capitalisme il résulte que le but de la production capitaliste, le profit toujours plus grand, entre en contradiction avec le moyen d’atteindre ce but, l’élargissement de la production. La crise est la phase du cours de la reproduction capitaliste élargie dans laquelle cette contradiction apparaît sous la forme aiguë de la surproduction de marchandises qui ne trouvent pas d’écoulement.

    La base de la crise réside dans la contradiction entre le caractère social de la production et la forme capitaliste d’appropriation des résultats de la production. L’expression de cette contradiction fondamentale du capitalisme, c’est la contradiction existant entre l’accroissement colossal des possibilités productives du capitalisme visant à l’obtention d’un maximum de profit capitaliste, et la réduction relative de la demande solvable des millions de travailleurs, dont les capitalistes s’efforcent toujours de maintenir le niveau de vie dans les limites d’un minimum extrême.

    J. Staline, Rapport politique du Comité central au 16e Congrès du Parti communiste (b) de l’U.R.S.S., p. 12. Éditions en langues étrangères, Moscou, 1955.

    La contradiction fondamentale du capitalisme se manifeste dans l’antagonisme de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie. Ce qui est caractéristique du capitalisme, c’est la rupture entre les deux conditions les plus importantes de la production : entre les moyens de production concentrés entre les mains des capitalistes, et les producteurs directs qui sont privés de tout, sauf de leur force de travail. Cette rupture s’affirme nettement dans les crises de surproduction, où l’on est en plein cercle vicieux : d’un côté, excédent des moyens de production et des produits, de l’autre excédent de la force de travail, des masses de chômeurs privés de moyens de subsistance.

    Les crises accompagnent inéluctablement le mode de production capitaliste. Pour supprimer les crises, il faut supprimer le capitalisme.

    17.2. Le caractère cyclique de la reproduction capitaliste.

    Les crises capitalistes de surproduction se renouvellent à des intervalles déterminés, tous les huit à douze ans. L’inéluctabilité des crises est déterminée par les lois économiques générales du mode capitaliste de production qui agissent dans tous les pays qui suivent la voie capitaliste de développement. Cependant le cours de chaque crise, les formes de ses manifestations et ses particularités dépendent aussi des conditions concrètes du développement de chaque pays.

    Des crises partielles de surproduction, qui frappaient telles ou telles branches de l’industrie, se sont produites en Angleterre dès la fin du 18e siècle et au début du 19e. La première crise industrielle, qui ait frappé toute l’économie d’un pays, a éclaté en Angleterre en 1825. En 1836, une crise commence en Angleterre et gagne ensuite les États-Unis. La crise de 1847-1848, en Angleterre, dans plusieurs pays du continent européen et aux États-Unis, a été au fond la première crise mondiale. La crise de 1857 frappe les principaux pays d’Europe et d’Amérique. Viennent ensuite les crises de 1866, 1873, 1882 et 1890. La plus aiguë de ces crises a été celle de 1873 qui a marqué le début du passage du capitalisme prémonopoliste au capitalisme monopoliste. Au 20e siècle, des crises eurent lieu en 1900-1903 (cette crise a commencé en Russie, où son effet a été beaucoup plus violent que dans n’importe quel autre pays), en 1907, 1920-1921, 1929-1933, 1937-1938, 1948-1949 (aux États-Unis).

    La période comprise entre le début d’une crise et celui d’une autre s’appelle cycle. Le cycle comporte quatre phases : la crise, la dépression, la reprise d’activité et l’essor. La phase principale du cycle est la crise qui constitue le point de départ d’un nouveau cycle.

    La crise est la phase d’un cycle dans laquelle la contradiction entre l’accroissement des possibilités de production et la réduction relative de la demande solvable se manifeste sous une forme violente et destructrice. Cette phase est caractérisée par la surproduction des marchandises qui ne trouvent pas de débouché, par un brusque effondrement des prix, la pénurie des moyens de paiement et un krach boursier générateur de banqueroutes nombreuses, par une réduction brutale de la production, l’augmentation du chômage, la baisse des salaires. La dépréciation des marchandises, le chômage, la destruction directe des machines, de l’outillage et d’entreprises entières, tout cela marque une destruction énorme des forces productives de la société. C’est en ruinant et faisant périr une multitude d’entreprises, c’est en détruisant une partie des forces productives crue la crise adapte brutalement, et cela pour un très bref délai, la production à la demande solvable.

    Les crises ne sont jamais que des solutions momentanées, violentes des contradictions existantes, des éruptions violentes qui rétablissent pour un moment l’équilibre troublé.

    K. Marx, Le Capital, livre 3, chap. 15.

    La dépression est la phase qui suit immédiatement la crise. Elle se caractérise par le fait que la production industrielle est à l’état de stagnation, les prix des marchandises sont bas, le commerce est languissant, il y a pléthore de capitaux disponibles. En période de dépression se créent les conditions d’une reprise d’activité et d’un essor ultérieurs. Les réserves accumulées de marchandises sont partiellement détruites, partiellement vendues à vil prix. Les capitalistes s’efforcent de trouver une issue à l’état de stagnation de la production en réduisant les frais de production. Ils cherchent à atteindre ce but, premièrement, en augmentant systématiquement l’exploitation des ouvriers, en réduisant les salaires et en intensifiant le travail ; deuxièmement, en rééquipant les entreprises, en renouvelant le capital fixe, en introduisant des perfectionnements techniques qui ont pour but de rendre la production bénéficiaire avec les bas prix qui se sont établis à la suite de la crise. Le renouvellement du capital fixe donne une impulsion à l’accroissement de la production dans une série de branches d’industrie. Les entreprises qui fabriquent l’outillage reçoivent des commandes et font appel, à leur tour, à toutes sortes de matières premières et de matériaux. C’est là l’issue de la crise et de la dépression et le passage à la reprise d’activité.

    La reprise d’activité est la phase du cycle pendant laquelle les entreprises se remettent des perturbations subies et procèdent à l’élargissement de la production. Peu à peu le niveau de la production atteint les proportions précédentes, les prix augmentent, les bénéfices de même. La reprise d’activité aboutit à l’essor.

    L’essor est la phase du cycle pendant laquelle la production dépasse le point supérieur atteint dans le cycle précédent, à la veille de la crise. Pendant la période d’essor on construit de nouvelles entreprises industrielles, des voies ferrées, etc. Les prix augmentent, les commerçants s’efforcent d’acheter le plus de marchandises possible, escomptant une hausse ultérieure des prix et poussant par là les industriels à élargir encore davantage la production. Les banques consentent volontiers des prêts aux industriels et aux commerçants. Tout cela permet d’élargir le volume de la production et du commerce bien au-delà de la demande solvable. C’est ainsi que se créent les conditions d’une nouvelle crise de surproduction.

    À la veille de la crise, la production atteint son niveau le plus haut, mais les possibilités d’écoulement paraissent encore plus grandes. La surproduction existe déjà, mais sous forme latente. La spéculation fait monter les prix en flèche et gonfle démesurément la demande des marchandises. Les excédents de marchandises s’accumulent. Le crédit cache encore davantage la surproduction : les banques continuent à accorder des crédits à l’industrie et au commerce, soutenant ainsi artificiellement l’extension de la production. Quand la surproduction atteint son point culminant, la crise éclate. Ensuite le cycle entier se renouvelle.

    Chaque crise donne une impulsion à un renouvellement massif du capital fixe. Soucieux de rétablir la rentabilité de leurs entreprises dans le cadre d’une réduction brutale des prix, les capitalistes, tout en accentuant l’exploitation des ouvriers, introduisent de nouvelles machines, de nouvelles méthodes de production. Grâce au renforcement de l’exploitation de la classe ouvrière, à la ruine des petits producteurs, à l’absorption de nombreuses entreprises concurrentes, les gros capitalistes effectuent de nouveaux investissements de capitaux. Ainsi l’issue de la crise est assurée par les forces internes du mode capitaliste de production. Mais avec la reprise d’activité et l’essor s’accumulent de nouveau inévitablement les violations des conditions de la reproduction, les disproportions, les contradictions entre l’accroissement de la production et les cadres étroits de la demande solvable. En conséquence, après un délai plus ou moins long, inévitablement, commence une nouvelle crise de surproduction.

    Sans doute les périodes d’investissement du capital sont fort différentes, mais la crise sert toujours de point de départ à un puissant investissement ; elle fournit donc plus ou moins — au point de vue de la société prise dans son ensemble — une nouvelle base matérielle pour le prochain cycle de rotation.

    K. Marx, Le Capital, livre 2, t. 1, p. 171.

    Dans les branches-clés de l’industrie, la durée des principaux moyens de production, compte tenu de l’usure non seulement physique mais aussi morale, est en moyenne de dix ans environ. La nécessité du renouvellement périodique massif du capital fixe détermine la base matérielle de la périodicité des crises, qui se répètent avec régularité tout au long de l’histoire du capitalisme.

    Chaque crise prépare le terrain pour des crises nouvelles, encore plus profondes, ce qui fait qu’avec le développement du capitalisme leur force destructrice et leur acuité augmentent.

    17.3. Les crises agraires.

    Les crises capitalistes de surproduction, qui provoquent le chômage, la baisse des salaires, la réduction de la demande solvable en produits agricoles, engendrent inévitablement une surproduction partielle ou générale dans l’agriculture. Les crises de surproduction agricole s’appellent crises agraires.

    L’inévitabilité des crises agraires est la conséquence de cette même contradiction fondamentale du capitalisme qui constitue la base des crises industrielles. Cependant, ces crises comportent certains traits particuliers : elles sont généralement de plus longue durée que les crises industrielles.

    La crise agraire du dernier quart du 19e siècle, dans les pays d’Europe occidentale, en Russie, puis aux États-Unis, avait commencé vers 1875 et s’est poursuivie sous une forme ou une autre jusque vers 1895. Elle était due au fait que, le développement des transports maritimes et du réseau des voies ferrées aidant, du blé meilleur marché avait commencé à affluer en grandes quantités sur les marchés européens en provenance des États-Unis, de la Russie et de l’Inde. En Amérique, la production du blé était meilleur marché, par suite de la mise en culture de nouvelles terres fertiles et de la présence de terres vacantes sur lesquelles on ne prélevait pas la rente absolue. La Russie et l’Inde pouvaient exporter en Europe occidentale du blé à bas prix, les paysans russes et indiens, écrasés de lourds impôts, étant obligés de vendre leur blé à vil prix. Les fermiers capitalistes et les paysans d’Europe ne pouvaient, la rente étant élevée à l’excès par les gros propriétaires terriens, résister à cette concurrence. Après la première guerre mondiale, avec la réduction extrême du pouvoir d’achat de la population, une crise agraire aiguë éclatait au printemps de 1920, qui frappait surtout les pays non-européens (États-Unis, Canada, Argentine, Australie). L’agriculture ne s’était pas encore rétablie de cette crise que des signes évidents d’une nouvelle crise agraire se manifestèrent à la fin de 1928 au Canada, aux États-Unis, au Brésil et en Australie. Elle gagna les principaux pays du monde capitaliste, exportateurs de matières premières et de produits alimentaires. La crise s’étendit à toutes les branches de l’agriculture s’enchevêtra avec la crise industrielle de 1929-1933 et dura jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale. Depuis la deuxième guerre mondiale une crise agraire se prépare de nouveau dans les pays exportateurs de produits agricoles (États-Unis, Canada, Argentine) ainsi que dans certaines branches de l’agriculture des pays de l’Europe occidentale.

    La longue durée des crises agraires s’explique par les causes principales suivantes :

    Premièrement, les propriétaires fonciers en raison du monopole de la propriété privée de la terre obligent les fermiers, pendant les crises agraires également, à payer le même fermage» fixé par contrat, que précédemment. Avec la baisse des prix des denrées agricoles, la rente foncière est payée aux dépens des salaires des ouvriers agricoles, et aussi des profits et parfois même du capital avancé par les fermiers. Dans ces conditions, sortir de la crise par l’introduction d’un matériel modernisé et la réduction des frais de production devient très difficile.

    Deuxièmement, l’agriculture en régime capitaliste est une branche retardataire par rapport à l’industrie. La propriété privée de la terre, les survivances des rapports féodaux, la nécessité de payer aux propriétaires terriens une rente absolue et différentielle, tout cela fait obstacle au libre afflux des capitaux dans l’agriculture, retarde le développement des forces productives. La composition organique du capital dans l’agriculture est inférieure à celle de l’industrie ; le capital fixe, dont le renouvellement massif constitue la base matérielle de la périodicité des crises industrielles, joue dans l’agriculture un rôle beaucoup moins important que dans l’industrie.

    Troisièmement, les petits producteurs, les paysans, pendant les crises, s’appliquent à conserver le volume antérieur de la production, pour se maintenir à tout prix sur les lopins de terre qui leur appartiennent ou qu’ils louent, par un labeur excessif, par la sous-alimentation, par une exploitation forcenée du sol et du bétail. Cela a pour effet d’augmenter encore la surproduction des produits agricoles.

    Ainsi, la longue durée des crises agraires a pour base générale le monopole de la propriété privée de la terre, les survivances féodales qui s’y rattachent, ainsi que le retard de l’agriculture des pays capitalistes.

    Le poids principal des crises agraires retombe sur les larges masses de la paysannerie. La crise agraire ruine la masse des petits producteurs ; en rompant les rapports de propriété établis, elle accélère la différenciation de la paysannerie, le développement des rapports capitalistes dans l’agriculture. En même temps, les crises agraires exercent une influence destructrice sur l’agriculture des pays capitalistes en provoquant la réduction des surfaces cultivées, la baisse du niveau de la technique agricole, du rendement des cultures agricoles et de l’élevage.

    17.4. Les crises et l’aggravation des contradictions du capitalisme.

    Les crises économiques, explosions brutales de toutes les contradictions du mode de production capitaliste, aboutissent infailliblement à une nouvelle aggravation de ces contradictions.

    Les crises capitalistes de surproduction revêtent, la plupart du temps, un caractère général. Débutant dans une branche quelconque de la production, elles s’étendent rapidement à l’ensemble de l’économie nationale. Elles naissent dans un ou plusieurs pays, et gagnent de proche en proche l’ensemble du monde capitaliste.

    Toute crise amène une réduction brutale de la production, la chute des prix de gros des marchandises, ainsi que des cours des actions en Bourse, la diminution du volume du commerce intérieur et extérieur. Le volume de la production redescend au niveau où il se trouvait plusieurs années auparavant. Au 19e siècle, pendant les crises, le niveau de la vie économique des pays capitalistes était ramené en arrière de trois à cinq ans, et au 20e siècle, de dizaines d’années.

    L’extraction du charbon aux États-Unis est tombée pendant la crise de 1873, de 9,1 % ; en 1882, de 7,5 % ; en 1893, de 6,4 % ; en 1907, de 13,4 % ; en 1920-1921, de 27,5 % ; en 1929-1933, de 40,9 %. La production de fonte est tombée, pendant la crise de 1873, de 27 % ; en 1882, de 12,5 % ; en 1893, de 27,3 % ; en 1907, de 38,2 % ; en 1920-1921, de 54,8 % et en 1929-1933, de 79,4 %.

    En Allemagne, le volume général de la production industrielle est tombé pendant la crise de 1873, de 6,1 % ; en 1890, de 3,4 % ; en 1907, de 6,5 % et en 1929-1933, de 40,6 %.

    En Russie, pendant la crise de 1902-1903 la production de fonte a diminué de 17 %, celle du pétrole de 10 %, celle des rails de 30 %, celle du sucre de 19 %.

    Les États-Unis, à la suite de la crise de 1857, se sont trouvés ramenés en arrière, pour l’extraction du charbon, de 2 ans ; pour la production de la fonte, de 4 ans ; pour les exportations, de 2 ans et pour les importations, de 3 ans. À la suite de la crise de 1929, les États-Unis se sont trouvés ramenés en arrière, pour l’extraction du charbon, de 28 ans ; pour la production de la fonte, de 36 ans ; pour la production d’acier, de 31 ans ; pour les exportations, de 35 ans ; pour les importations, de 31 ans.

    L’Angleterre, à la suite de la crise de 1929, s’est trouvée ramenée en arrière, pour la production du charbon, de 35 ans ; pour la production de la fonte, de 76 ans ; pour la production d’acier, de 23 ans ; pour le commerce extérieur, de 36 ans.

    Les crises économiques font la démonstration éclatante de la rapacité du capitalisme. À chaque crise, qui voue des millions d’hommes à la misère et à la famine, des quantités énormes de marchandises qui ne trouvent pas de débouchés sont détruites : blé, pommes de terre, lait, bétail, coton. Des usines entières, des chantiers navals, des hauts fourneaux sont mis en sommeil ou jetés à la ferraille ; on détruit des emblavures de céréales et de cultures industrielles, on abat des plantations d’arbres fruitiers.

    Au cours des trois années de crise 1929-1933, on a démoli aux États-Unis 92 hauts fourneaux ; en Angleterre, 72 ; en Allemagne, 28 ; en France, 10. Le tonnage des navires détruits au cours de ces années s’élève à 6 500 000 tonnes.

    L’action destructrice des crises agraires ressort des données suivantes. Aux États-Unis, de 1926 à 1937, plus de 2 millions de fermes ont été vendues pour dettes. Le revenu de l’agriculture est tombé de 6,8 milliards de dollars en 1929, à 2,4 milliards en 1932. Dans le même temps, la vente des machines agricoles et de l’outillage est passée de 458 millions de dollars à 65 millions par an, soit sept fois moins. L’emploi des engrais chimiques a diminué de près de moitié. Le gouvernement des États-Unis a pris toutes mesures pour réduire la production agricole. En 1933, on a détruit, par un nouveau labour, 10,4 millions d’acres de plantations de coton, on a acheté et détruit 6,4 millions de porcs, on brûlait le blé dans les foyers des locomotives. Au Brésil, on a détruit près de 22 millions de sacs de café ; au Danemark, 117 000 têtes de bétail.

    Les crises entraînent des maux sans nombre pour la classe ouvrière, les masses essentielles de la paysannerie, pour tous les travailleurs. Elles provoquent un chômage massif qui voue à une inaction forcée, à la misère et à la famine, des centaines de milliers et des millions d’hommes. Les capitalistes utilisent le chômage pour intensifier l’exploitation de la classe ouvrière, pour abaisser sensiblement le niveau de vie des travailleurs.

    Le nombre d’ouvriers occupés dans l’industrie de transformation aux États-Unis, pendant la crise de 1907, a diminué de 11,8 %. Pendant la crise de 1929-1933, le nombre d’ouvriers de l’industrie de transformation américaine a diminué de 38,8 % ; le montant des salaires payés a baissé de 57,7 %. D’après les chiffres des statisticiens américains, de 1929 à 1938, par suite du chômage, on a perdu 43 millions d’années-travail.

    Les crises augmentent dans une notable mesure les privations des travailleurs, leur peur du lendemain. Ne trouvant pas à s’employer durant des années, les prolétaires finissent par perdre leur qualification ; à l’issue de la crise, beaucoup d’entre eux ne peuvent plus retourner à leur travail. Les conditions de logement des travailleurs s’aggravent à l’extrême, le nombre des sans-foyer en quête d’un gagne-pain se multiplie. Dans les années de crise, les suicides dus au désespoir sont en progression rapide ; la mendicité et la criminalité augmentent.

    Les crises amènent l’aggravation des contradictions de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les masses essentielles de la paysannerie et les propriétaires fonciers, les Usuriers et les paysans riches qui les exploitent. Durant la crise, la classe ouvrière perd beaucoup des avantages qu’elle a conquis dans une longue et âpre lutte contre les exploiteurs et l’État bourgeois. Cela montre aux ouvriers que le seul moyen de remédier à la misère et à la faim est de supprimer l’esclavage salarié capitaliste. Les plus larges masses du prolétariat, que les crises vouent aux pires privations, acquièrent une conscience de classe et un esprit révolutionnaire. L’incapacité de la bourgeoisie à diriger les forces productives de la société sape parmi les couches petites-bourgeoises de la population la foi en l’immuabilité du régime capitaliste. Tout cela amène une aggravation de la lutte de classes dans la société capitaliste. L’État bourgeois, pendant les crises, vient en aide aux capitalistes par des subventions en argent, dont le poids en dernière analyse retombe sur le dos des masses laborieuses. Utilisant son appareil de violence et de coercition, l’État aide les capitalistes à conduire l’offensive contre le niveau de vie de la classe ouvrière et de la paysannerie. Tout cela augmente la paupérisation des masses laborieuses. D’autre part, les crises montrent l’incapacité totale de l’État bourgeois à maîtriser si peu que ce soit les lois spontanées du capitalisme dans les pays capitalistes, ce n’est pas l’État qui dirige l’économie, au contraire, c’est l’État lui-même qui est dominé par l’économie capitaliste, soumis au grand capital.

    Les crises sont l’indice le plus frappant du fait que les forces productives créées par le capitalisme dépassent le cadre des rapports de production bourgeois ; aussi ces derniers sont-ils devenus une entrave au progrès des forces productives.

    La crise prouve que la société actuelle pourrait sortir infiniment plus de produits destinés à améliorer les conditions de vie des travailleurs, si la terre, les fabriques, les machines et le reste n’avaient pas été accaparés par une bande de propriétaires privés qui tirent des millions de la misère du peuple.

    V. Lénine, « Les leçons de la crise », Œuvres, t. 5, p. 89.

    Chaque crise rapproche l’effondrement du mode de production capitaliste.

    Gomme c’est dans les crises que se manifestent de façon particulièrement nette et aiguë les contradictions insolubles du capitalisme, qui témoignent de l’inéluctabilité de sa fin, les économistes bourgeois cherchent par tous les moyens à cacher la vraie nature et les causes des crises. Voulant escamoter l’inéluctabilité des crises en régime capitaliste, ils déclarent d’ordinaire que les crises sont dues à des causes fortuites, que l’on peut soi-disant écarter, tout en maintenant le système capitaliste d’économie.

    Dans ce but, les économistes de la bourgeoisie proclament qu’en fin de compte la cause des crises réside soit dans la rupture de l’équilibre entre les branches de la production, soit dans le retard de la consommation sur la production, et ils proposent pour guérir le capitalisme des crises de recourir à certains procédés de « consommation » comme la course aux armements et les guerres. En réalité l’absence d’équilibre dans la production, de même que la contradiction entre la production et la consommation ne sont pas des défauts fortuits du mode capitaliste de production, mais les formes inévitables de: la manifestation de la contradiction fondamentale du capitalisme, qui ne saurait être supprimée tant qu’existe le capitalisme. Certains économistes bourgeois vont même jusqu’à prétendre que les crises sont le résultat du déplacement des taches solaires, qui exerceraient une influence sur les récoltes, et, par conséquent, sur l’ensemble de la vie économique.

    Dans les intervalles entre les crises, les défenseurs de la bourgeoisie proclament d’ordinaire à grand renfort de diffusion la fin des crises et l’entrée du capitalisme dans la voie d’un développement sans crises ; la crise suivante révèle l’erreur de telles affirmations. Invariablement la vie met en lumière l’inconsistance totale des remèdes de toute sorte proposés pour guérir le capitalisme des crises.

    17.5. La tendance historique du développement du capitalisme. Le prolétariat, fossoyeur du capitalisme.

    Le capitalisme étant devenu le régime dominant, la concentration de la propriété entre les mains d’un petit nombre a progressé à pas de géant. Le développement du capitalisme amène la ruine des petits producteurs qui vont grossir les rangs de l’armée des ouvriers salariés. La concurrence s’aggrave entre capitalistes, ce qui a pour résultat qu’un capitaliste l’emporte sur beaucoup d’autres. La concentration du capital rassemble d’immenses richesses entre les mains d’un cercle de plus en plus étroit de personnes.

    Tout en développant les forces productives et en socialisant la production, le capitalisme crée les conditions matérielles du socialisme ; en même temps, il engendre son fossoyeur en la personne de la classe ouvrière qui assume le rôle de dirigeant et de guide de toutes les masses laborieuses et exploitées. Le progrès de l’industrie s’accompagne d’un accroissement des effectifs du prolétariat, du développement de sa cohésion, de sa conscience et de son organisation. Le prolétariat se dresse avec toujours plus de résolution pour la lutte contre le capital. Le développement de la société capitaliste s’accompagne d’une aggravation des contradictions antagonistes qui lui sont propres et d’un renforcement de la lutte de classe, préparant ainsi les conditions nécessaires pour la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie.

    L’expression théorique des intérêts vitaux de la classe ouvrière est le marxisme, le socialisme scientifique, qui présente une conception du monde cohérente et harmonieuse, Le socialisme scientifique apprend au prolétariat à s’unir pour la lutte de classe contre la bourgeoisie. Les intérêts de classe du Prolétariat coïncident avec ceux du développement progressif de la société humaine ; ils se fondent avec les intérêts de l’immense majorité de la société, car la révolution du prolétariat signifie la destruction non point de telle ou telle formes d’exploitation, mais la destruction de toute exploitation en général.

    Si à l’aube du capitalisme, un petit nombre d’usurpateurs, en la personne des capitalistes et des propriétaires fonciers, a exproprié les masses populaires, le développement du capitalisme rend inévitable l’expropriation du petit nombre des usurpateurs par les masses populaires. Cette tâche est accomplie par la révolution socialiste, qui socialise les moyens de production et supprime le capitalisme avec ses crises, son chômage et la misère des masses.

    Le monopole du capital devient une entrave pour le mode de production qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices. La socialisation du travail et la centralisation des moyens de production arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans l’enveloppe capitaliste. Cette enveloppe se brise en éclats. L’heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés.

    K. Marx, Le Capital, livre 1, t. 3, p. 205.

    Telle est la tendance historique du développement du mode de production capitaliste.

    Résumé du chapitre 17

    1. Les crises économiques sont des crises de surproduction. Le fondement des crises est la contradiction entre le caractère social de la production et la forme capitaliste, privée de l’appropriation des produits du travail. Les formes par lesquelles s’exprime cette contradiction sont, premièrement, l’opposition entre l’organisation de la production à l’intérieur des différentes entreprises capitalistes et l’anarchie de la production dans l’ensemble de la société ; en second lieu, la contradiction entre le large développement des possibilités de production du capitalisme et la réduction relative de la demande, solvable des masses laborieuses. La contradiction fondamentale du capitalisme se manifeste dans l’antagonisme de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie.

    2. La période comprise entre le début d’une crise et celui d’une autre s’appelle cycle. Celui-ci comporte les phases suivantes : la crise, la Répression, la reprise d’activité, l’essor. La base matérielle de la périodicité des crises capitalistes est la nécessité du renouvellement périodique du capital fixe. Avec les crises industrielles s’enchevêtrent les crises agraires qui se distinguent par leur longue durée, résultat du monopole de la propriété privée de la terre, des survivances féodales et du retard de l’agriculture en régime capitaliste.

    3. Les crises capitalistes signifient une destruction gigantesque des forces productives. Elles causent des maux infinis aux masses laborieuses. Dans les crises se manifeste de façon saisissante le caractère historiquement limité du régime bourgeois, l’incapacité du capitalisme de continuer à diriger les forces productives qui ont grandi dans son sein. Pour supprimer les crises, il faut supprimer le capitalisme.

    4. La tendance historique du développement du capitalisme est que, d’une part, il fait progresser les forces productives et socialise la production, créant ainsi les conditions matérielles du socialisme ; que d’autre part, il engendre son fossoyeur en la personne du prolétariat qui organise et dirige la lutte révolutionnaire de tous les travailleurs pour la libération du joug du capital.


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