• ArcelorMittal : après Florange, les salariés du site de Basse-Indre en grève

    ArcelorMittal : les salariés du site de Basse-Indre en grève

    À l'appel des syndicats, les salariés de l'usine ArcelorMittal de Basse-Indre (Loire-Atlantique) ont entamé ce lundi une première grève de 24 heures pour protester contre l'accord conclu entre le gouvernement et le groupe sidérurgique qui prévoit le transfert des deux premières étapes de la production de Basse-Indre sur son site de Florange (Moselle).

    Plusieurs centaines de salariés sont rassemblés, ce lundi, devant le site de l’usine ArcelorMittal de Basse-Indre (Loire-Atlantique) pour protester contre le transfert de certaines de leurs activités vers Florange (Moselle).

    Le site ArcelorMittal de Basse-Indre est spécialisé dans la fabrication d'acier plat pour emballages alimentaires et industriels. Il emploie près de 550 CDI et quelque 150 sous-traitants.

    ArcelorMittal : les salariés du site de Basse-Indre en grève

    Le projet de  transférer les activités de laminage et de décapage de Basse-Indre à Florange fait partie de l'accord signé par le Premier ministre et Mittal, lors des discussions sur l'avenir du site de Moselle.

     "Cet accord fragiliserait terriblement le site de Basse-Indre, et ne donnerait qu'une petite bouffée d'oxygène à Florange, mais en aucun cas ne la sauverait", a déclaré Frédéric Gautier, délégué syndical CGT de l'usine de Basse-Indre, devant près de 300 salariés réunis aux portes de l'usine. "Le pronostic vital de Basse-Indre serait engagé, car on amputerait notre process", a-t-il ajouté, parlant d'une "incohérence industrielle et économique".  

    Une grosse inquiétude pour l'avenir

    Le transfert du décapage et du laminage des bobines d'acier - activités jugées "cruciales" par les syndicats pour l'avenir de l'usine de Basse-Indre - va entraîner la suppression d'une soixantaine de postes. Pour Fabrice Hauraix, délégué syndical Force ouvrière de l'usine, ce projet "est une coquille vide, qui ne peut qu'aboutir à plus ou moins long terme à la mort" du site. "C'est bien la survie de Basse-Indre qui se joue en ce moment." L'intersyndicale a par ailleurs annoncé son intention de faire appel à un cabinet d'expertise jeudi, lors d'un comité central d'entreprise, pour "démontrer que ce projet n'est pas viable" pour Basse-Indre.

    "On l'a amère. On pense que le deal entre le gouvernement et Florange n'est pas de bon augure pour Basse-Indre", confiait Frédéric Gautier, délégué CGT, il y a quelques jours. "Le laminage va disparaître, alors que c'est le coeur de notre métier. Il y a une grosse inquiétude pour l'avenir"

    Ce transfert d'activité survient après l'accord passé entre le groupe sidérurgiste et le gouvernement français sur l'avenir du site de Florange, pour lequel la possibilité d'une "nationalisation" partielle et temporaire avait été évoquée par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg.

    "Ce qui risque d'arriver à long ou moyen terme, c'est la fermeture du site de Basse-Indre", a de son côté estimé le maire DVG de cette commune de 4.000 habitants de l'ouest de l'agglomération nantaise, Jean-Luc Le Drenn. "Les gens sont très mécontents. On sait que ce transfert d'activités ce n'est pas viable à terme".

    ArcelorMittal : les salariés du site de Basse-Indre en grève

    Dès 5 h 30 ce matin, les syndicats CGT, FO et CFDT de l’usine ont appelé à une grève d’une journée. Les élus locaux sont à leurs côtés comme le maire d’Indre Jean-Luc Le Drenn. Ou de nombreux habitants venus soutenir la mobilisation. Il est même envisagé une opération ville morte aujourd’hui.

    Dès 7h, plus d'une centaine de véhicules étaient garés le long des routes d'accès et tout autour du rond point situé devant l'entrée de l'usine, tandis qu'un barrage de palettes en interdisait l'accès. Devant l'usine étaient placardées des affiches avec notamment le slogan: "Full Mittal Racket". Actuellement, l'usine emploie 546 personnes en CDI et 150 sous-traitants, et ce transfert d'activités concernerait 60 personnes qu'il faudra reclasser au sein de l'usine, selon les syndicats.


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  • Travail

    Des salariés plus productifs, mais moins payés

    Par Ivan du Roy (10 décembre 2012)


    Voilà une information qui devrait déplaire aux tenants de la « compétitivité » : entre 1999 et 2011, la productivité des salariés dans le monde a progressé trois fois plus vite que les salaires moyens. « Pour le dire simplement, davantage du gâteau national est allé aux profits, et moins aux salariés », résume l’Organisation internationale du travail (OIT), suite à la publication de son rapport mondial sur les salaires, ce 7 décembre.

    « La part des salariés dans le revenu national s’est rétrécie dans la plupart des pays, provoquant un mécontentement populaire et augmentant le risque de troubles sociaux », souligne l’OIT. Dans les économies développées, la part de la rétribution du travail est passée de 75% du revenu national, à 65%. A l’échelle de la France, cela signifie qu’aujourd’hui environ 200 milliards d’euros [1] ont été transférés de la rémunération du travail vers la rémunération du capital et les marchés financiers. En trente ans, la part des dividendes dans les revenus distribués a été multipliée par trois , passant de 4% à 13%. Vous avez dit compétitivité ?

    Pire : désormais, au prétexte de l’austérité, les salaires au sein des économies développées commencent à baisser. En Grèce, le revenu minimum a ainsi été amputé de 22%. Résultat : « Les travailleurs pauvres représentent plus de 7% de l’ensemble des travailleurs aux États-Unis et 8% en Europe », ajoute l’OIT. Au sein des pays émergents, si les salaires continuent de croître, ils subissent la même pression de la part de la finance. « Même en Chine, où les salaires ont triplé au cours de la décennie écoulée, la part du revenu national qui revient aux salariés a baissé », pointe l’organisation. Les disparités entre salariés restent très fortes : un ouvrier grec du secteur manufacturier (13 dollars de l’heure) gagne dix fois plus que son homologue philippin (1,40 dollar), mais presque trois fois moins que son camarade danois (35 dollars).

    Notes

    [1] 10% du revenu national brut de 2011.

    http://www.bastamag.net/article2830.html


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  • Du Printemps occidental (MAI-68) au Printemps dévoyé (MAI-2008)

    Robert BIBEAU
     

    Les pavés lancés par la jeunesse parisienne font encore rêver les nostalgiques du Grand Soir-des-insurgés, autant qu’ils font trembler ceux que terrorisent les révoltes populaires. Les opportunistes d’hier, incorrigibles idéalistes, proclament aujourd’hui le retour des grands jours de Mai 68 et d’une nouvelle ode révolutionnaire, de l’éducation humaniste contre l’enseignement marchand et autres utopies petites-bourgeoises-opportunistes. Quelles leçons peut-on tirer de Mai 68 et à partir de ce bilan comment peut-on éclairer la route des révoltés entamée depuis quelques années par les ouvriers et la jeunesse du monde entier ?

    Les mouvements sociaux de Mai 1968 en France, en Europe et en Amérique se sont soldés par une « trêve » sociale, résultat d’un pacte social signé entre les bureaucrates syndicaux affairistes et les Conseils des ministres des gouvernements occidentaux sous l’œil complices des organisations et partis politique de la gauche plurielle et travestie (1). Ce pacte social – cette quasi « trêve » – aura duré quarante ans.

    Suite à la crise économique de 2008 qui n’en finit plus de saccager l’économie des pays impérialistes en déclin – la débandade structurelle la plus sévère ayant frappé le monde capitaliste depuis 1929 – la classe capitaliste des pays occidentaux a déchiré ce pacte social et lancé de façon concertée des assauts féroces contre les travailleurs et les couches populaires des pays d’Occident et réorienté ses capitaux en direction de l’Asie émergente. La classe sociale des capitalistes monopolistes a alors intensifié et accéléré le processus de délocalisation-relocalisation des industries à fort coefficient de main-d’œuvre, capital variable important (CV) – faible valeur ajoutée (à cause d’une faible mécanisation) et à forte plus-value ouvrière.

    Il en fut de même d’une partie des usines à fort coefficient de capital constant (CC), industries innovantes, automatisées et robotisées, délocalisées vers les pays émergents. La classe capitaliste monopoliste de ces pays ascendants (Chine, Corée du Sud, Inde, Taiwan, Indonésie) profite de ce mouvement pour s’intégrer à l’impérialisme dominant, et pour la Chine notamment, se tailler une place au sommet de la pyramide impérialiste mondiale.

    Comment les ouvriers des différents pays capitalistes à travers le monde répondront-ils à ces agressions planifiées et répétées contre les conditions de production de leur force de travail – contre leur pouvoir d’achat – contre leur reproduction étendue en tant que classe sociale ?

    Voici l’histoire de cette guerre de classe contemporaine en deux épisodes : Mai 68, la « trêve » sociale, et, en deuxième partie, Mai 2008, la révolte sociale dévoyée.

    Mai 68, la « trêve » sociale (Première partie)

    Les pavés lancés par la jeunesse parisienne font encore rêver les nostalgiques du Grand Soir-des-insurgés, autant qu’ils font trembler ceux que terrorisent les révoltes populaires. Les opportunistes d’hier, incorrigibles idéalistes, proclament aujourd’hui le retour des grands jours de Mai 68 et d’une nouvelle ode révolutionnaire, de l’éducation humaniste contre l’enseignement marchand et autres utopies petites-bourgeoises-opportunistes. Quelles leçons peut-on tirer de Mai 68 et à partir de ce bilan comment peut-on éclairer la route des révoltés entamée depuis quelques années par les ouvriers et la jeunesse du monde entier ?

    Question et investigation

    Pourquoi la plupart des leaders étudiants de la génération de Mai 68 ont-ils mal tourné ? Étrange malédiction s’acharnant sur ces fils de bourgeois, n’est-ce pas ? Pourquoi autant de néo-fascistes, de révisionnistes, d’opportunistes, de chauvins-nationalistes issus des rangs du mouvement étudiant et s’épandant à tout vent comme du chiendent ?

    Deux témoignages nous serviront de guide dans l’exploration de cette grande esbroufe étudiante et populaire. L’essai d’une universitaire, M. Marion, intitulé « Conséquences et héritage de Mai 68 dans la société actuelle », qui présente le point de vue d’une intellectuelle universitaire sur cette série d’événements turbulents (2) et un second article sur l’activité de l’extrême-gauche en France en Mai 68 (3).

    Conjoncture économique et sociale de Mai 68

    Si en 1960 la France comptait 310 000 étudiants universitaires, en Mai 68 on en dénombrait 800 000 et la croissance se poursuivit, ininterrompue, jusqu’en 1990 (1 300 000 étudiants post-secondaires). Il en fut ainsi dans tous les pays d’Occident. En ce temps-là, l’État n’attaquait pas le droit aux études universitaires ; au contraire, il en favorisait l’accès de façon à fournir un personnel scolarisé et de bonne qualité aux entreprises américaines se ruant à la conquête des marchés européen, canadien et australien florissants et exploitant la main d’œuvre de ces pays afin de leur extorquer la plus-value unique source de toutes formes de profit. À l’époque, la « deuxième puissance économique mondiale » était constituée par les oligopoles américains installés en sol européen ce qui n’empêchaient pas les entreprises monopolistes européennes de se consolider et de se chamailler contre les monopoles étatsunien comme De Gaulle le démontra parfois. L’Allemagne elle, sans rechigner, accepta de se muter en atelier industriel de l’Oncle Sam, de même pour le Japon de l’impérialisme Asie-Pacifique (4).

    L’impérialisme américain était à l’apogée de sa croissance et de son hégémonie. Les bombardements au napalm décimaient l’héroïque peuple vietnamien qui menait une véritable guerre populaire pour bouter l’assassin étatsunien hors d’Indochine, ce qui advint le 30 avril 1975 après le sacrifice de quelques millions de partisans vietnamiens, cambodgiens et laotiens.

    La dame Marion résume ainsi cette période d’effervescence atlantiste succédant au Plan Marshall : « C’est dans une période de plein emploi, de prospérité, au plus fort des Trente Glorieuses, libérée des guerres coloniales (sic) que cette situation « insaisissable » a explosé. Jusqu’à cette fin des années soixante, l’ordre du monde issu de la défaite nazie est bipolaire : Est et Ouest se font face. Mai 68 est un moment charnière qui marque la fin d’un monde. » (5).

    Madame Marion poursuit : « Mai 68 marque le passage culturel d’une époque à une autre. La génération du baby-boom, née après la guerre, affirmait ses vingt ans en 1968 et prenait la parole. Contre ses aînés, elle va refuser et ébranler ce partage du monde. C’est un double refus du modèle capitaliste et du modèle stalinien (sic) qui inspire les années soixante. La jeunesse est antifasciste et anti-impérialiste. » (6).

    Le troisième monde – la mystique des « non-alignés »

    Il faut se rappeler qu’en 1955 Zhou Enlai (Chine), Soekarno (Indonésie), Nehru (Inde), Tito (Yougoslavie), Nasser (Égypte) et le prince Norodom Sihanouk (Cambodge) ainsi que les représentants de 29 pays se sont réunis à Bandung, en Indonésie, afin de promouvoir une soi-disant troisième voie, celle des « non-alignés », celle d’un « troisième monde », en double refus du camp socialiste et du monde capitaliste comme s’il existait sur Terre un troisième système d’économie politique (7). Notez que cette rencontre indonésienne des « non-alignés » survient dix ans avant la nuit de la « Gestapu ». Le 30 septembre 1965 un million de paysans et d’ouvriers membres du PKI (Parti communiste indonésien) furent égorgés par l’armée indonésienne « non-alignée » aux ordres de la CIA très alignée (8).

    Par ailleurs, madame Marion et ses comparses « bobos » intellectuels sont incapables de décrire ce « nouveau monde culturel » et ce nouveau mode de production, cette nouvelle économie politique qui serait ni capitaliste, ni socialiste, issue de Mai 68 et des « non-alignés ». Quelques années plus tard la fumeuse théorie des « Trois mondes » endossera l’accoutrement du non-alignement espérant réchapper cette lubie évanescente.

    Le XVIe Sommet des pays soi-disant non-alignés a réuni 120 États membres à Téhéran en août 2012 (9). L’Égypte sous tutelle américaine y côtoyait l’Arabie Saoudite sous monarchie féodale de la famille Saoude également sous tutelle américaine. La Côte-d’Ivoire sous domination française côtoyait la néo-colonie camerounaise et l’Inde, siégeant face à l’Afrique du Sud, quelques jours avant que les armées de ces deux pays ne massacrent des dizaines de travailleurs sous-payés (10). Lequel de ces 120 pays n’est pas régi par le mode de production et les rapports de production capitalistes ? Lequel de ces 120 États ne souffre pas sous domination impérialiste mondialisé avec la complicité complaisante de ses dirigeants larbins ?

    Que reste-t-il de cette utopique voie des « non-alignés – nouveau monde culturel – théorie des Trois mondes » ? Où sont les pays non assujettis à une puissance impérialiste ou à une autre, non spoliés par l’impérialisme mondial ? Nous savons déjà qu’en 1956 le camp socialiste a été miné par les révisionnistes khrouchtchéviens si bien que de nos jours tous les pays du globe sont assujettis à un système unique et soumis aux lois du marché impérialiste que l’économiste de renom J.K. Galbraith présente de cette façon :

    « L’économie de marché est volontiers décrite comme un héritage ancien. En l’occurrence, c’est une escroquerie, ou plus exactement une erreur communément admise. Trop de gens apprennent l’économie dans des manuels qui entretiennent encore les dogmes de la production concurrentielle des biens et des services et de la capacité d’acheter sans entraves. En fait, il peut n’y avoir qu’un ou quelques vendeurs assez puissants et persuasifs pour déterminer ce que les gens achètent, mangent et boivent. » (11).

    Voilà déjà une immense différence entre Mai 68 et Mai 2008. En 40 ans l’horizon géostratégique, idéologique et géopolitique s’est éclairci ; et si le monde est toujours bipolaire, il confronte désormais le monde du travail-socialisé-planifié, sans pouvoir mais plein d’espoir contre le monde du capital financier privé, monopolistique, anarchique, décadent, omnipotent et désespéré. Entre les deux, une coterie de sous-fifres vendant leurs services qui aux impérialistes français, qui aux impérialistes britanniques, qui aux impérialistes américains, qui au social-impérialisme chinois. Certains « nationalistes ouvriers » voudraient que la classe prolétarienne sacrifie sa vie pour « libérer » ces valets plénipotentiaires du joug de leurs maîtres autoritaires ! Que nenni !

    L’épanouissement individuel – le droit au bonheur !

    Poursuivons notre investigation des caractéristiques idéologiques de Mai 68. Madame Marion écrit : « Mai 68 exalte l’épanouissement de l’individu, son droit au bonheur, contre la rigidité des hiérarchies et des disciplines. Dans le monde entier, des mouvements contestataires analogues retentiront. Mai 68 entraîna d’importants changements culturels. De nouvelles valeurs (sic) dont la naissance d’une contre-culture, c’est-à-dire d’une révolution dans le domaine des rapports sociaux et de civilisation (sic). On assista à une brusque évolution des mœurs, une façon de penser le monde différemment : Mai 68 a accéléré la conquête par les femmes de leur égalité et a vu naître un questionnement sur l’éducation ». Des années plus tard, surfant sur cette vague culturelle réactionnaire, Samuel Huntington, l’intellectuel fascisant, présentera la théorie raciste du « clash des civilisations » afin de promouvoir le devoir d’intervention militaire « humanitaire » contre les civilisations arabe, musulmane et chinoise, soi-disant attardées et sans droit au bonheur (!), en réalité pour le bénéfice des puissances impérialistes occidentales guerrières et en déclin (12). Voilà un bien triste vestige idéologique, héritage des courants opportunistes anarcho-syndicalistes de Mai 68, que l’on voit aujourd’hui resurgir au milieu des présents soulèvements populaires inorganisés.

    Hédonisme, égocentrisme, individualisme, narcissisme, féminisme petit-bourgeois – à la Hillary Clinton et à la Margaret Thatcher – seraient des acquis de cette révolte d’éphèbes encore glabres du « Printemps de l’Occident ». Rappelons à madame Marion et aux autres exégètes que de nouveaux rapports sociaux sont obligatoirement le construit de nouvelles forces productives et d’un nouveau mode de propriété des moyens de production. C’est l’existence sociale des hommes qui détermine leur conscience et non l’inverse (Marx). Quel nouveau mode de production sociale et quel nouveau mode de propriété des moyens de production furent initiés en Mai 68 ? Ne cherchez pas, il n’y en a pas. Nous verrons qu’il en fut de même en Mai-2008.

    En ce qui concerne la nouvelle façon de penser le monde et la contre-culture « civilisatrice » de Mai 68, cherchons-en les traces tangibles. Quelle contre-culture peut-on observer dans les galas de vedettes qui ne payent pas leurs impôts et se mettent à l’abri dans les paradis fiscaux ; dans le mainstream médiatique flagornant la pensée unique ; dans les festivals d’été bon enfant ; dans la musique éclectique et décapante ; dans la littérature crypto-féodale désolante ; dans le cinéma hollywoodien violent et déliquescent, tout ceci chapeautant ce nouveau millénaire déprimant où famine et misère ravagent plusieurs pays d’Occident et d’Orient ? Croyez-vous que les ouvriers grecs menacés d’inanition bataillent pour accéder au nirvana du « bonheur » et de la contre-culture petite-bourgeoise ?

    En ce qui a trait à l’évolution des mœurs et du mode de penser, la mutation était déjà amorcée suite à l’extension du capitalisme marchand et industriel sur la planète toute entière après l’effondrement du camp socialiste (1956). Le travail émancipateur de la femme, le contrôle des naissances, l’abaissement de la mortalité infantile, l’allongement de la vie « utile » et l’alphabétisation des populations ont suivi partout l’industrialisation et les hausses de productivité dans les champs et les ateliers, ce qui explique l’évolution plutôt que la diffusion de la fumeuse « Révolution culturelle » de la petite bourgeoisie « virtuelle », rêveuse, indolente, « démocrate », électoraliste, futile, narcissique et libertaire de Mai-68.

    Il est vrai cependant qu’à cette époque les pays coloniaux étaient « libérés » et placés sous statut néocolonial soumis aux thuriféraires nationaux sous contrôle de quelques puissances impérialistes gérant le camp du capital – le camp impérialiste. Quand un serviteur-sous-fifre ne fait plus l’affaire, un coup d’État, une élection truquée, une « Révolution colorée » vient à point nommé rappeler ce peuple à ses devoirs de soumission « tiers-mondistes ». En Occident, l’élection « démocratique » permettra de changer la garde et les chiens de garde, c’est-à-dire de changer de faction capitaliste dominante (UMP-Socialiste, Libéral-Conservateur, Libéral-Péquiste, Travailliste-Conservateur, Démocrate-Républicain).

    Les casseurs de mai revendiquent l’équité et la justice (des riches)
    En Mai-68, en Europe occidentale et en France gaulliste, la jeunesse occupait les universités pour réclamer que le système scolaire joue adéquatement son rôle d’instrument de progrès individuel et d’ascension sociale personnelle égocentrique, et qu’il offre l’égalité des chances à tous et chacun d’accéder aux emplois prestigieux et bien rémunérés des bureaux feutrés. De Nanterre et de la Sorbonne la jeunesse exigeait d’être appréciée-évaluée d’après ses capacités et non plus du fait d’être bien née. Elle représentait en-cela toute la jeunesse des pays occidentaux et une fraction bourgeoise de la jeunesse des pays néocoloniaux.

    Les fils et les filles de la petite bourgeoisie ont chahuté l’oligarchie établie, prédateurs des sociétés occidentales sclérosées, et ils ont proposé de placer tout au sommet de l’échiquier les valeurs d’égalité et d’équité entre membres de la classe dominante comprenant la petite bourgeoisie florissante à laquelle eux-mêmes souhaitaient accéder. « Il faut partager les profits tirer de la plus-value ouvrière avec la petite et la moyenne bourgeoise », tel était le leitmotiv « révolutionnaire » de cette classe oubliée. En contrepartie la petite bourgeoisie a promis de désarmer idéologiquement et politiquement la classe ouvrière enragée et trahie, ce qu’elle fit.

    Les accords de Grenelle (France) et le contrat social occidental

    Quelle était la composition de classe des contestataires et des casseurs qui ont tenté de se dégager une place dans l’échelle d’ascension sociale encombrée de la France des grandes Écoles aristocratiques ? Madame Marion répond : « Des centaines de milliers d’intellectuels, de cadres, de médecins, d’étudiants, d’artistes et de chercheurs se sont lancés dans l’action et ont tenté de changer le monde et de réinventer la société ». Pour réinventer une société il faut d’abord renverser celle qui est déjà en place – hégémonique et jalouse de ses privilèges de classes. Rien de tel ni en France, ni en Europe, ni au Canada, ni aux États-Unis.

    Quelqu’un pourra-t-il nous présenter cette société que les soixante-huitards auraient soi-disant inventée ? Rien ne ressemblait davantage à la société capitaliste d’avant Mai-68 que celle observée après Mai-68 et jusqu’en Mai 2008. Le secteur tertiaire parasitaire hypertrophié, basée sur une frauduleuse pyramide de Pondi boursière spéculative poursuivant ses ravages de l’économie. Les crises de surproduction succèdent aux périodes de récession et la classe bourgeoise spoliant le surtravail des ouvriers.

    De fait, après des mois d’échauffourées larvées, en tournante dans différentes capitales européennes, le mouvement souleva Paris. Le grand capital international choisit de tout miser sur la « bataille de France » et d’y casser définitivement le mouvement continental. Le Président français Charles de Gaulle était une pointure politique à la mesure de cette mission diabolique. Effectivement, le mouvement des casseurs revendicateurs fut brisé en France où les accords de Grenelle assurèrent le rehaussement du SMIC (salaire minimum) et un « enrichissement » relatif de l’aristocratie ouvrière française (on commencera alors à spéculer à propos de la « classe moyenne » florissante aujourd’hui en cours de paupérisation). La bureaucratie syndicale, la gauche caviar et les révisionnistes cassoulets, en collusion avec le grand capital venaient de signer une trêve et un pacte social qui devaient durer quarante ans, du moins en Occident (13).

    Aussitôt, toutes les capitales occidentales emboîtèrent le pas et accordèrent des conditions similaires à leurs étudiants, à leurs aristocraties syndicales et à leurs « bobos », chiens de garde du système capitaliste pseudo « réinventé » ! Les accords de Grenelle marquèrent la fin du mouvement des récalcitrants de Mai-68. La grande bourgeoisie d’affaire venait d’acheter la paix sociale sur le dos des peuples néo coloniaux qu’il fallait maintenant assujettir fermement afin qu’ils fournissent la plus-value requise pour cette mise en coupe réglée des sociétés occidentales aliénées. La course effrénée à la productivité-compétitivité venait de s’amorcer.

    La stratégie guerrière et mortifère des puissances occidentales, et de sujétion des peuples des pays néo-colonisés allait régler cette affaire et entraîner dans ces pays exploités moult guerres « contrôlées » sous les yeux de cette pseudo-gauche veule, repue et collaboratrice se questionnant benoîtement-religieusement à l’effet de soutenir ou non ces guerres de massacre « humanitaire, collatéraux et chirurgicaux ».

    Un aspect intéressant de la révolte étudiante de Mai-68 effraie cependant madame Marion, l’intellectuelle universitaire, qui proteste vertement : « Mai 68 a malheureusement vu naître des groupuscules armés anarcho-communistes qui pensaient que la libération du peuple devait passer par la violence. » (14). Gauche Prolétarienne fut un acteur éphémère de ce courant militant. Diverses organisations opportunistes similaires se sabordèrent au début des années 80 sur ordre de leur gourou de tutelle. Voilà enfin la réponse à notre interrogation initiale… « Pourquoi autant de néo-fascistes, de révisionnistes, d’opportunistes, de chauvins-nationalistes issus des rangs du mouvement étudiant de Mai-68 s’épandant à tout vent comme du chiendent ? ».

    Mai 2008 – Les anciennes puissances impérialistes sur le déclin

    Les récentes révoltes ouvrières, étudiantes et populaires tonitruantes apparaissent comme des protestations et un refus de la répudiation du pacte social convenu par les bourgeoisies impérialistes occidentales empêtrées dans leurs crises économique, financière, boursière et monétaire récurrentes dont le monde impérialiste ne parvient plus à s’extraire. Récemment Noam Chomsky, toujours lui, pleurnichait ainsi cette répudiation : « Les capitalistes américains ont rompu et rejeté le fragile pacte non écrit entre le monde patronal et celui des travailleurs, pacte qui avait existé auparavant à l’époque de la croissance et du progrès (sic) ». Croissance éphémère de la partie occidentale sur le dos des peuples des néo-colonies spoliés, meurtris, exterminés, néglige pudiquement d’avouer le curé Chomsky que les « bobos » acclament comme leur héros (15).

    Les crises succèdent aux crises et l’impérialisme vacille sur ses bases. Serait-ce l’éruption de la fin ? Le chômage catastrophique frappe les États occidentaux surendettés auprès des banquiers et des requins financiers qui rançonnent les peuples du monde entier.

    L’impérialisme américain bat en retraite et se voit contesté dans toutes ses néo colonies en Amérique latine pour commencer, puis au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. L’aigle américain détermine de moins en moins ce dont demain sera oint. L’Amérique est en faillite (bientôt 24 mille milliards de dollars de dette souveraine). Les dettes cumulées de l’État, des entreprises et des particuliers équivalent à 350% du PIB national. Il faudrait hausser les impôts de 64 pour cent simplement pour équilibrer demain le budget fédéral américain (16). Ils ne parviennent pas à vaincre le peuple afghan révolté et mal armé. Les villes américaines sont en déroute. Par exemple, Détroit se vide, la ville est passée de 2 millions à 700 mille habitants. Le chômage s’accroissant, le surendettement des ménages atteint des sommets épiques – la consommation diminue – et les revenus de l’État périclitent. Crise de surproduction au milieu de la famine, leur système socio-économique ne répond plus aux stimuli financiers. Les « produits » boursiers dérivés-frauduleux se comptent par milliers de milliards de fausse valeurs qui se volatiseront lors du prochain crash boursier (rappelez-vous des « subprimes » du crash de 2008). La spirale déflationniste détruit les fondements de l’économie, de la plus-value, du profit et de la reproduction élargie et étendue du système capitaliste (17).

    Les États-Unis d’Amérique flouent leurs alliés, leurs partenaires et leurs créanciers en imprimant chaque mois, 40 milliards de dollars inflationnistes, de l’argent de Monopoly, de la « monkey money », qui déprécient d’autant la valeur des créances en billets verts détenus par les pays du Golfe (leurs alliés), l’Iran, le Japon et la Chine, ainsi que par les fonds de pension et les caisses d’assurance des épargnants américains. Bientôt cet argent ne vaudra plus rien. Les États-Unis d’Amérique préparent une grande dévaluation de leur monnaie, c’est la raison pour laquelle des milliardaires chinois achètent tout l’immobilier de certaines villes américaines pour se débarrasser de leurs dollars de pacotille. Mieux vaut détenir un parc immobilier que des sous de loup-garou pensent-ils.

    Barack Obama a demandé à l’armée américaine d’être prête à intervenir sur le territoire étatsunien pour réprimer toute velléité de révolte plébéienne américaine. Obama a signé, le 31 décembre 2011, le National Defence Authorization Act, qui, ayant préséance sur la Constitution américaine, permet à l’Armée d’arrêter, d’interroger et de tuer des citoyens américains soupçonnés de participer à des activités « terroristes » ou insurrectionnelles, sans aucune preuve, sans aucun mandat, et de les détenir indéfiniment sans procès (abrogation de l’Habeas Corpus) aux États-Unis preuve que la classe impérialiste américaine a déjà identifié son ennemi principal le plus dangereux… la classe ouvrière américaine et ses alliés (18). Classe ouvrière révoltée, enragée, grosse d’une insurrection, qui risque d’être massacrée inutilement par des millions de flics et de soldats, parce que sans organisation, sans direction révolutionnaire pour diriger son mouvement vers la prise de pouvoir d’État (conscience de classe pour soi).

    Nonobstant les détracteurs « tiers-mondiste », aujourd’hui le maillon faible de la chaîne impérialiste mondiale est au cœur de l’Amérique aliénée, dépolitisée, rétrograde, dégénérée, opprimée, surexploitée, malaimée et sans alternative. Barak Obama l’a compris et il prépare sa classe à faire face aux vents de révolte appréhendés. Romney, le candidat Républicain défait, ne pouvait pas jouer ce rôle et il risquait de faire tout éclater prématurément. La classe capitaliste monopoliste étatsunienne a compris qu’en ce temps troublé il fallait stranguler l’ouvrier le sourire aux lèvres avec des mots pour l’apaiser plutôt que de le confronter.

    LA SEMAINE PROCHAINE - MAI 2008 LA RÉVOLTE SOCIALE DÉVOYÉE

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  •  Cuba : résumé de l’histoire des « Cinq »

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    Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Ramón Labañino, Fernando González et René González, « les Cinq » comme on les appelle, sont des Cubains emprisonnés depuis plus de 14 ans aux Etats-Unis.

     

    Les Cinq, agents Cubains membres du « réseau Avispa », avaient été envoyés dans les années quatre-vingt-dix à Miami par leur gouvernement pour infiltrer les groupes terroristes de Floride et prévenir les attentats contre leur pays.

     

    Pour comprendre leur histoire, il faut savoir que les Etats-Unis, depuis plus de cinquante ans, soutiennent, voire organisent, le terrorisme à l’encontre de Cuba. Ils n’ont jamais admis que Cuba soit un pays souverain, libre de son choix de société. En 1960, le sous-secrétaire d’Etat pour les Affaires interaméricaines : Lester D. Mallory, préconisait dans un mémorandum : « La majorité des Cubains soutient Castro, il n’y a pas d’opposition politique efficace(…)Tous les moyens doivent être entrepris rapidement  pour affaiblir la vie économique de Cuba(…)Une mesure qui pourrait avoir un très fort impact serait de refuser tout financement et livraison à Cuba, ce qui réduirait les revenus monétaires et les salaires réels et provoquerait la famine, le désespoir et le renversement du gouvernement ».

     

    Depuis telle est la ligne de conduite des U.S.A. envers Cuba, non seulement il y a le blocus, mais les actes terroristes se sont multipliés du fait des organisations financées et souvent mises en place par les gouvernements des Etats-Unis.

     

    Ces attentats ont fait de nombreuses victimes. Il est impossible de les citer tous, mais signalons tout de même celui contre le vol 455 de la Cubana le 6 octobre 1976 qui a causé la mort des 73 passagers et membres de l’équipage. Ses concepteurs sont  Orlando Bosch et Luis Posada Carriles. Orlando Bosch est décédé en 2011, il avait été gracié par George Bush père en 1990. Luis Posada Carriles, lui, après quelques années d’emprisonnement, et de nombreuses années de  cavale et de terrorisme, vit tranquille sous le soleil de  Miami après avoir été jugé sur les conditions de son entrée clandestine aux Etats-Unis !!! .

     

    Après l’écroulement de l’Union Soviétique, les Etats-Unis ont multiplié les attentats contre les infrastructures touristiques de La Havane pour ruiner le tourisme de l’île, source de devises. En 1998, les membres du réseau Avispa ont appris que de nouveaux attentats étaient programmés contre des avions de lignes desservant Cuba. Ils en ont informé leur gouvernement. L’écrivain Garcia Marquez, servant d’intermédiaire entre les gouvernements de Cuba et des USA, une délégation du FBI s’est rendue à La Havane en juin 1998. Trois mois plus tard, le 12 septembre 1998, étaient arrêtés ceux-là même qui avaient constitué le volumineux dossier remis à La Havane, par les autorités Cubaines, aux agents du FBI.

     

    Après leur arrestation, Les Cinq ont été enfermés pendant 17 mois dans des cellules d’isolement de la prison de Miami dans des conditions extrêmes.

     

    En décembre 2001, le tribunal de Miami à l’issue d’une parodie de procès, a condamné les Cinq à de très lourdes peines. En tout, 4 perpétuités plus 75 ans. Mais, comme l’a déclaré, le 14 oct.2009 dans le New York Times, le docteur Pastor, ancien conseiller de la sécurité nationale du président Jimmy Carter pour l'Amérique latine : " Un jugement contre cinq agents de l'intelligence cubaine se déroulant à Miami est aussi juste qu'un jugement contre un agent de l'intelligence israélienne qui aurait lieu en Iran ».

    Depuis ce jugement, les appels se sont succédé, les uns annulant les autres. Le dernier en date, celui du 4 juin 2008 a ratifié les verdicts de culpabilité des Cinq. Il a confirmé les sentences de Gerardo et de René, et demandé de revoir à la baisse celles des trois autres Cubains. A la suite de cette décision, les avocats des Cinq ont demandé l’arbitrage de la Cour Suprême de Justice. Contre toute attente, et malgré les 12 demandes des nombreux « amis de la Cour », celle-ci a refusé le 15 juin 2009 d’étudier le dossier des Cinq.

     

    - Le 13 octobre 2009 : Antonio a eu sa condamnation à perpétuité plus 10 ans ramenée à 22 ans,

     

    - Le 8 décembre 2009, Ramón a eu sa condamnation à perpétuité ramenée à 30 ans tandis que la peine de Fernando a été ramenée de 19 à 17 ans et 9 mois.

     

    C’est mieux, mais cela reste une terrible injustice quand on est innocent ! D’ailleurs, le 27 mai 2005, le Groupe de Travail de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU sur les Détentions Arbitraires avait déclaré « arbitraire et illégale « la détention des Cinq, car le procès n’a pas eu lieu dans le climat d’objectivité et d’impartialité requis par l’article 14 de la convention internationale des droits civiques et politiques.

     

    La juge Joan Lenard du tribunal de Miami, chargée du dossier des Cinq a justifié les 17 ans et 9 mois infligés à Fernando par le fait que cette condamnation devait « servir d’exemple à ceux qui auraient l’intention de venir aux USA pour espionner des citoyens des Etats-Unis et empêcher que ceux-ci exercent leurs droits constitutionnels ». Elle confirmait ainsi que pour le gouvernement des Etats Unis, il est légitime et conforme à la constitution des U.S.A d’organiser des attentats terroristes contre un pays souverain.

     

    René conserve sa condamnation à 15 ans, il a été libéré le 7 octobre 2011, mais doit rester 3 ans aux Etats-Unis !  Gerardo garde sa double condamnation à vie plus quinze mois. Il est maintenant le seul des Cinq à être dans une prison de haute sécurité où les conditions de vie sont des plus dures.

     

    Selon l’avocat Leonard Weinglass, décédé en 2011 : « le cas de Gerardo est exemplaire car il purge deux condamnations a perpétuité plus 15 ans, alors qu’il est effectivement innocent des charges retenues. De plus, c’est la première personne dans l’histoire des USA à être accusée de la disparition d’un avion abattu par les forces armées d’un autre pays défendant son espace aérien.

     

    De plus [...] les procureurs des Etats-Unis ont reconnu à la fin du procès dans une motion de “circonstance imprévue” qu’ils n’avaient aucune preuve suffisante pour le faire condamner, en qualifiant la chose “d’obstacle insurmontable” pour obtenir une condamnation si la juge donnait aux jurés des instructions sur cette base. Cependant, l’appel [de la défense] fut refusé, les instructions données, et le jury l’a condamné. Il n’y a qu’à Miami [que c’est possible]… ».

     

    Le 14 juin 2010, une demande d’appel collatéral au nom de Gerardo a été présentée à la Cour Fédérale de Miami. C’est pour lui le dernier recours prévu par le système légal des Etats-Unis. Un des points de cet appel concerne le fait que des journalistes qui couvraient le procès des Cinq, entre décembre 1999 et décembre 2001, avaient été achetés par le gouvernement fédéral de Floride. Ces journalistes peu scrupuleux, contre de l’argent, publiaient des articles ou faisaient des reportages haineux, dans le but de monter l’opinion publique et en particulier les jurés du procès, contre ces Cubains en cours de jugement. Le sixième amendement de la Constitution Américaine qui garantit un jugement juste devant un jury impartial a bien été bafoué. Les quatre autres aussi ont fait une telle démarche !

     

    En 2011, le Procureur Général Eric Holder a demandé à la Cour en charge du dossier de refuser une  audience où seraient développés "les arguments et supposées preuves" de cet appel.

     

    Le 16 août 2011, Gerardo Hernandez  a répondu point par point au Procureur Général dans un document appelé affidavit.

     

    Gerardo Hernandez a depuis 2012 un nouvel avocat Martin Garbus. Ce dernier a présenté le 31 août 2012, un nouvel affidavit. C'est un document de 82 pages où cet avocat a stigmatisé le fait que le Procureur Général ait minimisé de façon surprenante l’impact des corruptions de journalistes. Il demande au Département de la Justice d'œuvrer pour" avoir l’espoir qu’une  telle chose ne se reproduise plus aux Etats-Unis ».

     

    le Procureur Général a présenté une motion demandant à la juge de ne pas prendre en compte le dernier affidavit de Garbus, de l'effacer complètement des actes… Gerardo a présenté avec son avocat  un nouveau document le 8 novembre 2012, dans lequel ils argumentent auprès de la juge pourquoi elle ne doit pas faire ce que le Gouvernement lui demande..."

     

    A suivre donc…mais la juge n’a pas de date butoir pour donner sa réponse.

     

    Il faut aussi savoir que les épouses de René et Gerardo ont les visas systématiquement refusés par les autorités US, elles ne peuvent donc pas rendre  visite à leurs maris, ce qui aggrave les peines, et est absolument inhumain.

     

    Jacqueline Roussie

    Monein (Pyrénées-Atlantiques - France)

    http://eldiablo.over-blog.org


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  •  La question de la propriété du capital revient à l'ordre du jour

    Poser la question de la propriété du capital, c’est poser la question de la violence à l’œuvre dans nos sociétés, du pouvoir que l’on acquiert sur l’autre pour se l’asservir.

     

    Contrairement aux fables qui nous sont tenues à longueur de temps les politiques, le MEDEF et les médias, la propriété du capital (on ne parle pas des petites entreprises familiales) ne s’est pas constituée par le travail et la vertu de l’épargne. Ce que Marx appelle « l’accumulation primitive » résulte de l’exploitation du travail des autres, du pillage des colonies, de la traite négrière, de spéculations sur les denrées de première nécessité et de trafics en tous genres.

     

    La richesse accumulée par la classe capitaliste lui a permis de se constituer en classe, d’imposer sa vision du monde et de transformer le monde selon ses intérêts. Au cours du 19ème siècle, penseurs et  courants socialistes, marxistes, anarchistes, anarcho-syndicalistes…ont posé la question de la propriété des moyens de production, sans que les diverses réponses qu’ils aient esquissées aient à ce jour fait leurs preuves. Le marxisme nous a donné pour comprendre le capitalisme des clefs dont la pertinence est toujours actuelle ; on ne peut en dire autant de la « dictature du prolétariat » et de la mobilisation de ce concept pour tenter de légitimer des exercices du pouvoir qui se sont souciés comme d’une guigne du dit prolétariat tout en s’en donnant à cœur joie côté dictature.

     

    La conjugaison des luttes ouvrières et des contradictions du capitalisme a débouché sur des compromis entre le capital et le travail, dont les formes les plus abouties se sont mis en place après la seconde guerre mondiale, en s’inspirant du fordisme, des travaux de Keynes…  De fait, une fonction sociale était reconnue au capitalisme : assurer l’expansion de l’économie, le développement technologique… La base du compromis capital-travail est constituée par la prise en compte d’une nécessaire redistribution de la richesse produite aux travailleurs  pour faire tourner la machine économique. L’affrontement entre le capital et le travail n’en était pas pour autant absent : mais il était principalement tourné vers le niveau de cette redistribution, la diminution du temps de travail, l’avancement, les conditions de travail. Mais, en échange de concessions substantielles qui ont amélioré considérablement la vie des salariés, ni la propriété des moyens de production, ni la finalité de la production n’étaient jamais mises en question.

     

    ­

    Mais ce compromis capital-travail était fondamentalement instable. Depuis le début des années 80 la réaction capitaliste s’est mise en marche, méthodiquement. Le capital s’est considérablement internationalisé et concentré ; les firmes déplacent les unités de production comme des pions. Le creusement des inégalités assure à la classe capitaliste revenus et pouvoirs, même si l’économie se contracte. Un processus de déconstruction des acquis du monde du travail s’est mis en route et actuellement il s’accélère.

     

    La question de la propriété du capital, des moyens de production revient à l’ordre du jour. Elle n’est pas posée de manière globale ou abstraite, mais elle surgit dans la foulée des pertes d’emplois, des fermetures d’entreprises et des délocalisations. Le capital est interrogé quant à sa fonction sociale, quant à ses responsabilités vis-à-vis de l’emploi, du tissu économique, de la vie des régions, de l’utilité sociale de la production, du respect de l’environnement. Devant la défaillance du capital à assurer sa fonction économique, à ne plus se montrer que sous son aspect prédateur, les droits du collectif de travail vis-à-vis de leur outil productif prennent consistance. La représentation d’une autre forme de propriété que la propriété capitaliste se dessine peu à peu. On prend conscience que l’entreprise c’est d’abord un collectif de travail, mais un collectif de travail dont la légitimité est de répondre aux besoins sociaux.  Face au risque de perdre leur emploi –la dernière chose que le capitalisme ait encore à leur offrir-, les collectifs de travailleurs prennent la parole, démontrent la viabilité de leur entreprise, proposent de nouvelles productions socialement utiles, de nouveaux procédés de production plus respectueux de l’environnement, imaginent des coopérations entre entreprises d’un même territoire, interpellent les pouvoirs publics pour qu’ils prennent leur responsabilité face au délitement du tissu économique local. Bref le temps d’une revendication, d’un projet à défendre, les travailleurs prennent à leur compte toutes les prérogatives patronales, celles de décider de l’organisation, de la finalité, de la viabilité économique de leurs propositions.

     

    Faute du soutien politique que ces expériences mériteraient –accès à des solutions de financement, solutions institutionnelles pour pérenniser la poursuite de l’activité- cette affirmation collective aboutit trop rarement. C’est pourtant là que s’élabore les jalons d’un « autre monde », d’une autre économie, de nouveaux rapports sociaux et économiques ; qu’ils s’élaborent dans les consciences,  au cœur d’expériences où ceux qui y sont engagés défendent leur identité et leur place dans le monde.

     

    (photo RTL)

    http://blog-citoyen.over-blog.fr/


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  •  Pour ceux qui ne le savaient pas ...et surtout ceux qui faisaient semblant de ne pas le savoir 

     http://www.irdes.fr/images/Graphiques/Grand/GraphMai10AccidentsTravail.gif

     

    D'habitude, cela sort le 12 juillet au soir ou au matin du 14 aout.

     

    A croire que l'attente de munitions franches pour les westerns de l'UMP laisse des blancs dans les paginations, cela sort presque en période de lecture normale.

     

    Il s'agit d'un de ces maronniers ou ce sont les salariés qui sont marons et les patrons qui se garde le blé. 

     

    Mais là ou cela prend tout son sel, c'est que le même jour se rédoule le rendez-vous annuel de la charité sociale où il est appelé à la solidarité de ceux qui ont le moins par ceux qui ont le plus, pour limiter les dégats des drainages et rétension opérés parfois avec l'aide des institutions.

     

    http://img.over-blog.com/300x222/5/11/81/78/2012.JPG

     Plus de la moitié des entreprises condamnées pour accidents du travail ou maladies professionnelles ne paient pas les indemnités légales dues à la Sécurité sociale qui subit un manque à gagner de 20 millions d'euros, selon une estimation du gouvernement révélée samedi 8 décembrPar le Parisien.

     

    Lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle est imputable à une faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit à l'indemnisation de ses préjudices.

    Les sommes lui sont alors versées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) qui se retourne ensuite contre l'employeur.

     

    Mais, selon des chiffres fournis par le gouvernement lors du débat sur le projet de loi 2013 de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) – adopté lundi par le Parlement –, "dans plus de la moitié des cas (56 %), ces sommes ne peuvent être effectivement récupérées".

     

    "OBSTRUCTION JUDICIAIRE"

     Comment les entreprises s'y prennent-elles pour ne pas payer ?

     

    Pour un quart d'entre elles, c'est en raison de la disparition ou de l'insolvabilité de l'employeur, était-il précisé dans le PLFSS.

     

    Pour les autres, c'est "tout simplement en faisant de l'obstruction judiciaire et en contestant le moindre vice de forme ou de procédure de la Sécurité sociale", écrit Le Parisien.

     

    En effet, "la reconnaissance de la faute inexcusable par le juge (...) n'empêche pas l'employeur de faire échec à la récupération des indemnités que la caisse a versées à la victime", selon le projet de budget, qui estime à "près de 20 millions d'euros", les sommes non recouvrées par an.

     

    Le quotidien cite la société Eternit, fabricant de matériaux de construction,"condamnée à 320 reprises pour faute inexcusable sur son site de Vitry-en-Charollais (Saône-et-Loire)" et qui "n'a jamais versé les 14 millions d'euros dus à ses salariés victimes de l'amiante".

     

    Pour remédier à la situation, les règles relatives à la faute inexcusable de l'employeur ont été modifiées dans l'article 66 du PLFSS 2013, qui permettra notamment "d'améliorer les moyens de recouvrement des indemnités arrêtées par le juge".

     

    Le texte prévoit également que l'employeur ne pourra "s'éxonérer vis-à-vis de la caisse des sommes dont il est redevable" au motif que "la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire dans le cadre d'une procédure administrative indépendante".

     

    Vous noterez la coincidence des chiffres : 20 millions de dettes patronales rien que sur cette première estimation liée aux AT et MP  (on ne parle pas des contestations patronales  de pathologie nouvelles non encore inscrites alors que les médeciins ont établi leur réalité) et les promesses de dons au "téléthon" en baisse à cause de la crise. Personne qui à ce moment ne parle de prendre en compte les cadeaux fiscaux aux grands groupes votés avant hier à l'Assemblée Nationale.

    http://img.over-blog.com/320x400/5/93/53/06/999/pROFIts-indus-pharmaceutique.jpg

    Personne qui ne fasse le lien entre cette journée de dupe quand les labo pharmaceutique liquide les centres de recherches alors qu'ils dégorge de profits par tout les joints de leurs écailles.

     

    Le mot a quitté le trivial pour entrer dans le camp de la colère commune : du "foutage de gueule".

     

    La sagesse populaire créée les mots dont elle a besoin pour dire le mieux possible ce qu'elle ressent.

    Par canaille le rouge


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  • grece-nazis.jpgGrèce : Sur fond de crise, l’inquiétante ascension des néonazis

    Article de Cécile Chams pour Solidaire, journal du Parti du travail de Belgique (PTB) repris par http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    A Athènes ou au Pirée, la vie des réfugiés est devenue un enfer. En journée, la police recherche les sans-papiers pour les déporter. Le soir, des néonazis organisent des ratonnades, sous l’œil complice de la police. Face au chômage qui touche 2 millions de Grecs, le parti néonazi Aube dorée propose sa solution finale.

     

    « Chaque matin, je me pose la question : comment échapper à la police ? Et chaque soir : comment échapper aux racistes ? Voilà à quoi ressemble ma vie ici. »1 Saleh Ibrahim, jeune Somalien de 26 ans et sans-papier, a été agressé par un groupe de néonazis qui lui ont cassé le bras alors qu’il traversait la place Aghios Pantéléïmonas, dans un quartier populaire au Nord d’Athènes.

     

    La situation des immigrés et réfugiés en Grèce s’est considérablement dégradée depuis les élections du 6 mai, quand les néonazis d’Aube dorée sont entrés pour la première fois au parlement. Aube dorée a obtenu 6,9 % des voix et 18 sièges au parlement aux élections du 17 juin. 

    « Ils frappent pour tuer »

     

    Contrairement à d’autres partis d’extrême droite en Europe à la façade légaliste, Aube dorée affiche ouvertement ses symboles nazis. Ses membres portent la croix gammée, des T-shirt de la Waffen SS et font le salut nazi. La principale activité d’Aube dorée aujourd’hui, c’est l’organisation de pogroms dans les rues d’Athènes et d’autres villes.

     

    « Il y a des attaques tous les jours, explique Reza Gholami, qui dirige une association de réfugiés afghans. Ces types ne veulent pas seulement effrayer les gens, ils frappent pour tuer. » Dans la nuit du 12 août, un jeune irakien de 19 ans a été assassiné. Selon la police, il a été poignardé à mort par cinq personnes qui se déplaçaient à moto. Les agresseurs avaient auparavant tenté de s'en prendre à des immigrants roumains et marocains2.

     

    Un réseau de 23 associations, regroupées autour de l’Agence pour les réfugiés des Nations Unies (UNHCR), a répertorié 87 agressions xénophobes de janvier à septembre, à Athènes, au Pirée et à Patras. Les agresseurs ont utilisé généralement des armes, comme des bâtons, des barres de fer, des chaînes, des couteaux ou des bouteilles cassées. Le réseau dénonce également le comportement de la police dans 15 de ces cas. Plutôt que d’enquêter sur les incidents, la police a mené l’enquête sur la validité du séjour des victimes. Certaines victimes sans papier ont été menacées d’arrestation et de déportation et parfois brutalisées dans les commissariats.

     

    Pour le réseau, ces 87 agressions ne sont que le sommet de l’iceberg. L’Association des travailleurs immigrés estime ainsi qu’il y a eu quelque 500 agressions à caractère raciste les six premiers mois de l’année. « La plupart des incidents ne sont pas connus, parce que les immigrés ne déposent pas plainte. Ils ont peur parce qu’ils n’ont pas de titre de séjour ou parce qu’ils n’ont pas l’argent pour payer le dépôt de plainte 4», déclare Reza Ghomali, de l’association des réfugiés afghans.

     

    Le réseau antiraciste s’est donné pour objectif de mettre fin à l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces attaques. Car pour l’heure, aucune condamnation n’a été prononcée contre des auteurs d’agression raciste. Pourtant, dans la majorité des cas répertoriés, la présence de membres d’Aube dorée a été constatée.

     

    Le 31 octobre, un groupe de 150 personnes, dont trois députés d’Aube dorée (Ilias Panagiotaros, Kostas Barbaroussis and Nikolaos Michos) ont attaqué des immigrés et endommagé leurs commerces dans le quartier d’Aghios Panteleimonas. Barbaroussis est également impliqué dans un assaut similaire en septembre à Mesolongi, à l’ouest du pays. Le parlement grec vient de voter la levée de son immunité et de celle de trois autres députés néonazis pour ces agressions.

     

    « Aube dorée a infiltré la police »

     

    Les liens étroits entre Aube dorée et certains commissariats sont connus depuis longtemps. Lors des dernières élections, près de la moitié des policiers ont voté pour les néonazis. L’ancien ministre de la Protection du Citoyen (ministre de l’Intérieur), Michalis Chrysochoidis a déclaré lors d’un interview pour le magazine Unfollow : « Je ne sais pas si c’est 50 % ou 60 %, mais ils sont nombreux. Même si c’est 40 %, c’est trop. » Et quand on lui a demandé comment c’était possible, il a répondu que les policiers sont « induits en erreur », qu’il recherchent une « protection politique ».

     

    Récemment, le quotidien britannique The Guardian a recueilli le témoignage d’un officier supérieur. Il déclare que les gouvernements successifs en Grèce ont permis à Aube Dorée d’infiltrer la police à plusieurs niveaux. Par ses services de sécurité, l’État est bien informé des activités d’Aube dorée, explique-t-il. Les chefs de la police avaient la possibilité d’isoler et de liquider ces « poches de fascisme », mais ont décidé de ne pas le faire. « L’État fait cela délibérément utiliser les fascistes à ses propres fins ».

     

    « Les néonazis peuvent ainsi être utilisés contre la gauche » qui mène des actions de protestation contre l’austérité. Ils peuvent aussi agir comme agents provocateurs pendant les manifestations, témoigne l’officier.

     

    Les autorités continuent de nier ces liens. Pourtant, un policier vient récemment d’être suspendu pour avoir participé à une attaque d’Aube dorée contre des immigrés sur un marché le 8 septembre5.

     

    Le 30 septembre 2012, un groupe de motards antifascistes ont manifesté contre Aube dorée, qui faisait la chasse aux immigrés. La police, arrivée en force, a arrêté 23 antifascistes et deux membres d’Aube dorée. Ces derniers ont été libérés après quelques heures, mais les antifascistes ont été transférés à l’état-major de la police. Ils déclarent avoir été torturés durant la nuit par la police, ce qui a été confirmé par des constats médicaux ultérieurs.

     

    Pour la journaliste et élue du Parti communiste de Grèce (KKE) Liana Kanelli, Aube dorée remplit « la mission que le système lui assigne ». Aube dorée agit aussi en soutien des employeurs qui exploitent la main-d’œuvre immigrée. « Quand un employeur veut vous faire chanter, il menace d’appeler Aube dorée. Des bandes fascistes viennent tabasser des travailleurs qui réclament leurs droits6 », explique Javed Aslam, dirigeant de la communauté pakistanaise en Grèce.

    Un climat raciste entretenu au sommet

     

    Le 4 novembre, Walid, 29 ans, travailleur immigré égyptien était retrouvé enchaîné et couvert de blessures dans l’île de Salamine, près du Pirée. L’ouvrier boulanger a été enlevé et torturé pendant 18 heures par son employeur grec et trois autres hommes liés à Aube dorée, dans le but de lui voler ses économies. Le patron, membre de la Nouvelle Démocratie, est adjoint au maire d’Ambelakio. La victime était parvenue à s’échapper avant de s’effondrer au pied d’un arbre. Une ambulance a été dépêchée sur les lieux, ainsi que la police et les pompiers, qui ont dû intervenir pour couper la grosse chaîne attachée autour du cou de la victime, avant que celle-ci ne soit transférée à l’hôpital. Après avoir reçu les premiers soins, Oualid a été arrêté et menacé d’expulsion faute de titre de séjour valable. Ses tortionnaires ont eux été libérés le 8 novembre7. La communauté égyptienne a manifesté à deux reprises devant l’ambassade d’Egypte pour demander une protection adéquate contre les attaques racistes.

     

    A Xanthi, au nord-est de la Grèce, où vit une importante minorité musulmane depuis des siècles, des fascistes harcèlent les musulmans. Et même des touristes d’Egypte, de Corée du Sud ou des États-Unis ont été victimes des fascistes ou des rafles de la police. La situation est telle que l’ambassade des États-Unis recommande la prudence à ses ressortissants « d’origine africaine, asiatique, hispanique ou moyen-orientale »8. Ces actes sont le résultat d’un climat de haine raciste entretenu au sommet de l’État.

     

    Les dirigeants d’Aube dorée peuvent ouvertement débiter leurs propos racistes et fascistes sur les chaînes de télévision. L’un d’eux a même agressé physiquement deux députées, de Syriza et du KKE, lors d’une émission en direct. Et les déclarations xénophobes de certains ministres et députés de la Nouvelle Démocratie ne font que renforcer sa popularité. Selon divers sondages récents, Aube dorée est crédité de 9 à 12 %.

     

    En avril, avant les élections, le ministre de l’Intérieur, du Pasok (Parti socialiste), Michalis Chrysochoidis, a organisé une vaste opération de contrôle dans le centre d’Athènes, dans le but d’arrêter les sans-papiers. Et il a annoncé à grand fracas la construction de 30 « centres de rétention » pour candidats réfugiés en attente d’expulsion.« Les immigrés clandestins devraient être expulsés du pays, ils sont devenus les tyrans de la société », a déclaré alors son challenger, l’actuel premier ministre, Antonis Samaras (Nouvelle Démocratie, conservateurs). Il s’était engagé à « reconquérir » les villes et arrêter « l’invasion » de l’immigration illégale. Tout en ajoutant : « Il n’y a plus de place pour les Grecs dans les jardins d’enfants. Nous allons y mettre fin.9 »

     

    La chasse aux sans-papiers a repris début août, quand le nouveau ministre de l’Intérieur, Nikos Dendias, de la Nouvelle Démocratie, a lancé l’opération « Xenios Zeus » (Dieu de l’hospitalité !). « La question de l’immigration illégale est l’un des grands problèmes du pays avec celui de l’économie10 », a dit Nikos Dendias. 7 300 demandeurs d’asile ont déjà été interpellés et 1 596 arrêtés et transférés en vue de leur déportation.

     

    « Non, l’extrême droite néonazie ne grandit pas comme une force externe au système démocratique. Le système démocratique l’a incorporée en son sein et se nazifie en reproduisant son programme comme un dogme d’organisation sociale et comme une méthode de gouvernement. En ce sens, Aube dorée est déjà au pouvoir », écrit le journaliste grec Augustine Zenakos11.

     

    Le dernier rassemblement des néonazis sur l’île de Crète le 25 novembre, montre bien leur vision de la société. Devant leurs partisans, les députés néonazis ont déployé le drapeau de la junte fasciste (1967-1974). Ils avaient même projeté de faire un tour de Crète. Mais ils en ont été empêchés par des centaines de manifestants antifascistes qui ont encerclé la salle où ils étaient réunis. La télévision grecque a montré le porte-parole d’Aube dorée, Kasidiaris, invectiver la police et exiger qu’elle chasse les manifestants antifascistes. Et celui-ci d’ajouter : « On va les baiser ! Il y aura des morts ici ce soir ! Je vous en donne ma parole ! »

     

    Dans un autre reportage, on peut voir Kasidiaris expliquer comment les 18 députés d’Aube dorée tirent avantage de leur immunité parlementaire : « Nous pouvons désormais porter légalement des armes et nous ne serons pas arrêtés sur place en cas d’incident. Cela nous permet d’être un peu plus à l’aise dans nos mouvements.12 »

    Comment expliquer leur ascension ?

     

    Aux dernières élections, 425 000 Grecs ont voté pour ce parti néonazi. Bien peu connaissent pourtant son idéologie et le pedigree de ses 18 élus. Aube dorée s’affiche « contre le système » et dénonce les « voleurs », les « banques », les « politiciens corrompus ». Il déclare qu’il veut protéger les Grecs et sa « solution » est « de chasser les immigrés ».

     

    Certains commentateurs qualifient ce parti de nationaliste. Ils ont tort. Les tirades d’Aube dorée contre Merkel et les Allemands, c’est pour la galerie. Aube dorée entretient des liens avec d’autres partis néonazis. En 2005, il a rejoint le parti allemand NPD dans une cérémonie d’hommage à Hitler. Et en 2010, son dirigeant faisait un discours devant les militants néofascistes italiens du parti Forza Nuova13. Ilias Kasidiaris, le porte-parole d’Aube dorée, a écrit récemment un article à l’occasion de l’anniversaire d’Hitler, qu’il qualifie de « grand réformateur social et organisateur d’un État modèle ».

     

    « Ils ne comprennent pas », déclare le leader d’Aube dorée, dans un discours en 201114. « Quand nous deviendrons forts, nous serons sans pitié ! S’il le faut, nous salirons nos mains ! Nous ne sommes pas des démocrates ! »

     

    Mais tout cela, beaucoup d’électeurs ne le savent pas. Ils ne savent pas non plus qu’Aube dorée soutient les armateurs, les plus riches capitalistes du pays.

     

    Alors que la population se débat dans la misère, les armateurs grecs à la tête de la 1e flotte au monde, ne paient toujours pas d’impôts. Ce privilège est inscrit dans la Constitution depuis 1967. Le parlement grec compte revoir cela. Ilias Panagiotaros, député d’Aube dorée, a exprimé au parlement, son soutien aux armateurs15 : « Le pays va recevoir 80 millions d’euros en taxant les bateaux avec pavillon grec. Quoi de plus facile pour les armateurs grecs de changer leur pavillon pour sauver leur argent ? Au lieu de cela, un accord devrait être trouvé pour qu’au lieu des 2-3 Grecs maximum sur chaque navire – dont le capitaine et le premier mécano – le reste de l’équipage soit aussi grec. »

     

    Selon le politologue Christophoros Vernardakis, les électeurs d’Aube dorée sont principalement issus de la petite classe moyenne qui s’est rapidement appauvrie avec la crise. On y trouve des petits indépendants, commerçants, agriculteurs, petits employés sans emploi et des policiers. Aube dorée exploite le désespoir, l’ignorance et la peur. Il désigne les immigrés comme responsables de la crise, alors qu’ils en sont, comme les travailleurs grecs, les premières victimes. Et en plus, il se propose de faire le sale boulot avec la complicité de la police. Il détourne ainsi une partie de la population de la lutte contre les véritables responsables du pillage du pays.

     

    « Le parti est fort dans les zones les plus touchées par la crise, mais aussi dans d’anciens fiefs des bataillons de sécurité16 », les milices armées par l’Allemagne pour lutter contre la résistance communiste, explique le politologue Elias Nikolakopoulos. C’est ainsi que l’on peut expliquer les scores du parti néonazis dans certaines régions rurales où il y a peu d’immigration.

    Saccage des revenus et des droits démocratiques

     

    « Aube dorée a toujours offert ses services au patronat et aux organisations patronales, selon le KKE. A plusieurs occasions, ses militants ont été  utilisés pour briser des grèves. Leur violence avait aussi pour but d’effrayer les travailleurs pour leur faire abandonner la lutte. » « Il faut dénoncer son rôle de soutien au système, explique Aleka Papariga, secrétaire générale du KKE. Aube dorée doit être combattue par un mouvement organisé, sur les lieux de travail, dans les secteurs, les organisations populaires. »

     

    L’ascension d’Aube dorée s’inscrit dans le saccage généralisé des revenus, des services et de l’ensemble des droits démocratiques des travailleurs et de la population en Grèce.

     

    Les conventions collectives, les obstacles au licenciement et le salaire minimum ont été abolis par les gouvernements de la Nouvelle Démocratie et du Pasok. Le 9 octobre dernier, le gouvernement a utilisé une loi datant de la junte fasciste (1967-1974) pour interdire une partie d’Athènes aux manifestants. Cette loi n’avait pas été utilisée depuis 197417. La liberté d’expression est également menacée. Le journaliste Kostas Vaxevanis peut en témoigner. Il a été arrêté pour avoir publié, dans son magazine Hot Doc, la liste des 2 000 grands fraudeurs qui avaient ouvert un compte en Suisse. Cette liste avait été remise au gouvernement grec en 2010, qui n’en n’avait rien fait, puisqu’il l’avait « perdue ».

     

      « Tout le monde n’est pas responsable de la crise en Grèce, écrit Vaxevanis18. Et tout le monde ne paye pas cette crise. Le petit club corrompu au pouvoir tente de s’en sortir en prétendant qu’il fait des efforts pour sauver la Grèce. En réalité, il exacerbe les contradictions, tandis que la Grèce est amenée au bord du gouffre. »

     

    Les 2,3 millions de Grecs vivant sous le seuil de pauvreté, les 2 millions de sans-emploi, les deux tiers de la population qui ne parvient plus à payer ses factures, sont littéralement amenés au bord du gouffre. Au lieu de les aider, Aube dorée va les pousser dans l’abîme, tout en protégeant une poignée de riches qui ont planqué leur fortune en Suisse et ailleurs.

     

    D’abord les immigrés, puis les communistes, les homosexuels, les handicapés…


    « Quand Aube dorée sera au Parlement, nous allons mener des raids dans les hôpitaux et les crèche pour jeter les immigrés et leurs enfants dans la rue, afin que les Grecs puissent prendre leur place
    19 », a déclaré un candidat du parti néonazi avant les élections. Le parti néonazi vise aussi les soupes populaires et les bureaux de chômage, qu’il veut interdire aux étrangers.


    Les immigrés sont des « sous-hommes qui transportent toutes sortes de maladies20 », a déclaré au parlement Eleni Zaroulia, députée d’Aube dorée et épouse du leader du parti. Cette députée est aussi membre du comité pour l’égalité et la non-discrimination du Conseil de l’Europe…


    Le parti néonazi a récemment demandé au ministre de l’Intérieur de fournir le nombre d’enfants étrangers accueillis dans les écoles maternelles du pays. Et le député néonazi Panayiotis Iliopoulos a écrit à l’Université de l’Egée (île de Lesbos) pour demander combien d’étudiants étrangers étaient hébergés. Le vice-recteur s’est senti « insulté » par cette question21.


    Face au désespoir de la population, Aube dorée prône un nettoyage ethnique : l’emploi, les services publics, l’enseignement, les soins de santé… réservés aux Grecs. Aube dorée annonce ses nouvelles cibles : après les immigrés, il veut s’attaquer aux homosexuels et aux handicapés, comme on peut le lire dans leur dernier tract.


    Aube dorée ne vise pas seulement les immigrés, explique Liana Kanelli, députée du Parti communiste de Grèce (KKE). « Il menace aussi les communistes et dit ouvertement : “Nous allons faire de vous du savon”. » Le 7 novembre à Thessalonique, deux membres d’Aube dorée ont attaqué avec des bâtons et des couteaux trois jeunes communistes qui distribuaient des tracts en faveur de la grève générale. Ces jeunes ont pu s’en tirer grâce à l’aide de travailleurs en grève d’une usine proche. La police n’a toujours pas arrêté ces individus.


    Le mois dernier, quatre députés et des membres d’Aube dorée, avec des intégristes et prêtres orthodoxes, ont attaqué le théâtre où se jouait la pièce de Terrence McNally Corpus Christi, où Jésus et les apôtres sont une communauté gay vivant au Texas. La police anti-émeute a encerclé le théâtre. Mais le directeur n’a pas osé sortir car les néonazis étaient toujours présents. « La dernière fois qu’une pièce de théâtre était jouée sous la garde de la police, c’était pendant la junte. Je ne veux pas croire que c’est de nouveau la junte », a-t-il déclaré.


    Un journaliste témoin de la scène a été tabassé par les fascistes, devant les policiers qui n’ont rien fait. Le journaliste n’a pas porté plainte, de crainte que son adresse ne soit transmise à Aube dorée22.


    « L’homophobie a toujours existé en Grèce », déclare Andrea Gilbert23, porte-parole d’Athens pride, une organisation de défense des droits des homosexuels. « Mais depuis un an, il y a une nette augmentation des attaques anti-gay. Les auteurs agissent avec impunité… avec le même scénario que les attaques d’Aube dorée contre les immigrés. Ces gens haïssent les immigrés, les gays, les étrangers, les femmes. Ils haïssent tout le monde. »

     

     1. RFI, 30 juillet 2012 • 2. Ekathimerini, 14 août 2012 • 3. http://1againstracism.gr/racist-violence-recording-network-findings/, 23 octobre 2012 • 4. Ekathimerini, 12 juin 2012 • 5. Ekathimerini, 11 septembre 2012 • 6. The Guardian, 26 octobre 2012 • 7. I efimerida ton syntakton, 9 novembre 2012 • 8. Ambassade des USA, 16 novembre 2012 • 9. The Guardian, 26 octobre 2012 • 10. La Libre Belgique, 9 août 2012 • 11. Augustine Zenakos, “The literality of nazism”, 13 octobre 2012 • 12. Kathimerini, 26 novembre 2012 • 13. Augustine Zenakos, 25 octobre 2012. Op. cit. • 14. Augustine Zenakos, 25 octobre 2012. Op. cit. • 15. Rizospastis, 8 novembre 2012 • 16. Le Monde, 6 octobre 2012 • 17. Okeanos, 12 octobre 2012 • 18. The Guardian, 30 octobre 2012 • 19. The Guardian, 12 juin 2012 • 20. Ekathimerini, 18 octobre 2012 • 21. Ekathimerini, 23 octobre 2012 • 22. Okeanos, 12 octobre 2012 • 23. Greek Reporter, 26 novembre 2012


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  • Pionnier de la critique interne de la télé, et placardisé à France 3 depuis 17 ans

    Michel Naudy, mort embarrassante d’un journaliste embarrassant

    par Laure Daussy (arrêt sur image)
     
    Michel Naudy, mort embarrassante d’un journaliste embarrassant

    Nous avons publié plusieurs textes de Michel, reçu avec son journal du cercle Lakanal, sa réponse à Roger Martelli en mars 2011 (Les merles, la grive et la marge, Mélenchon, la charrue et la calculette, C’est que désormais le Parti Socialiste décide tout en Juin dernier).

    Nous avons découvert avec émotion l’information de son décès, un départ terrible pour un communiste qui a été en butte professionnellement toute sa vie avec un système médiatique dont il faut bien dire le vrai sens, permettre la dictature de la bourgeoisie.

    Nous remercions l’auteur Laure Daussy pour l’avoir fait connaitre.

    Michel Naudy, journaliste et militant communiste, avait lancé en 1995 une éphémère émission de critique télé sur France 3 Île-de-France, Droit de regard. Salarié par la chaîne mais placardisé depuis dix-sept ans, il a été retrouvé mort à son domicile le 2 décembre à l’âge de soixante ans. La gendarmerie privilégie l’hypothèse du suicide.

    Pas une seule réaction officielle de France Télévisions, pas une mention à l’antenne : jusqu’à sa mort, Michel Naudy aura illustré la difficulté de la télévision à parler d’elle-même, et de la dureté, parfois, de ses rapports de force internes. Agé de soixante ans, Naudy a été retrouvé mort, atteint d’une balle dans la tête, dimanche 2 décembre à son domicile d’Ascou (Ariège). Ancien chef du service politique du quotidien l’Humanité puis cofondateur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Politis, Naudy avait été journaliste à France 3 à partir de 1981 puis rédacteur en chef de la rédaction nationale. Il avait été, en 1995, à la tête d’une des premières émissions de critique média sur France 3 Île-de-France : « Droit de regard ». Mais cette année-là, une de ses émissions avait été censurée. Il avait alors démissionné avant de revenir à France 3 où il se retrouva « placardisé », comme l’explique un responsable du SNJ-CGT de la chaîne.

    Naudy avait conservé le statut de rédacteur en chef national, sans affectation. Régulièrement, il demandait un poste à sa direction. La CGT envoyait aussi chaque année un courrier à la DRH, auquel on répondait qu’aucun poste ne correspondait à sa fonction de rédacteur en chef national. En 2008 ou 2009, alors qu’un poste de chef du service politique national de France 3 se libérait, il postula avec le soutien de la CGT devant la commission paritaire. « La commission a été très violente ». On lui aurait alors signifié qu’il ne pouvait avoir ce poste en raison de sa proximité avec le parti communiste, comme l’indique ce communiqué du SNJ-CGT publié sur Acrimed. « Il s’agit d’une discrimination professionnelle et politique » souligne notre source. Selon l’AFP, Naudy avait effectivement des engagements politiques. Il s’était présenté – sans succès – aux législatives de 2007 dans l’Ariège sous la bannière du PCF.

    Le syndicat des journalistes CGT de France Télévisions a salué sa mémoire : « Michel faisait honneur au journalisme d’investigation, au journalisme d’analyses et d’éditos, enfonçant les clous là où ça faisait mal. Le lutteur a décidé d’en finir ». Le syndicat déplore d’ailleurs le silence de la direction de France 3 après sa mort. « D’habitude, lorsqu’un ancien salarié de France 3 décède, on en parle à l’antenne, là, rien ».

    Pas de maladie incurable

    Il faut dire que le cas Naudy a tout pour embarrasser la direction de France Télévisions. Sa longue placardisation l’a-t-elle conduite au suicide ? « Il en parlait tout le temps, il vivait très mal cette mise à l’écart », assure-t-on au SNJ-CGT. A l’inverse, le site de France 3 Midi-Pyrénées a évoqué l’hypothèse d’une maladie : « Selon un proche de Michel Naudy interrogé par France 3 Midi-Pyrénées, celui-ci était très fatigué ces derniers temps et se savait malade ». Naudy aurait-il souhaité mettre fin à ses jours pour éviter de plus amples souffrances ? L’info a été reprise dans plusieurs articles, comme ici. Pourtant, il semblerait qu’il n’en soit rien. La source de France 3 Midi-Pyrénées est Jean-Pierre Petitguillaume, un ancien proche de Naudy. Ensemble, ils avaient fondé le Cercle Lakanal, un groupe ayant pour objectif de dénoncer la corruption de certains élus ariégeois. Il explique à @si que le journaliste du site de France 3 Midi-Pyrénées, avec qui il avait évoqué cette maladie, n’a pas bien compris ses propos. « Il ne s’agissait pas d’une maladie incurable », assure-t-il. « Cette maladie ne peut en rien expliquer le suicide de Naudy ».

    Autre hypothèse : Naudy devait comparaître le 4 décembre devant le tribunal correctionnel de Foix, pour diffamation envers Francis Dejean, directeur général des services du Conseil général. Dejean poursuivait le journaliste, notamment pour avoir écrit qu’il avait été condamné pour violences sur un terrain de rugby. Mais Petitguillaume se refuse à y voir une cause de son geste. « C’était un homme debout, très combatif, qui n’esquivait pas les problèmes ». Petitguillaume refuse d’ailleurs de croire à la thèse du suicide, privilégiée pour l’heure par la gendarmerie. Naudy lui aurait lancé : « Si un jour tu apprends que je me suis suicidé, demande une enquête ». Une autopsie devrait être effectuée dans les prochains jours.

    Avec le Cercle Lakanal, Michel Naudy avait dénoncé à plusieurs reprises l’irrégularité de la gestion du conseil général socialiste. France 3 Midi-Pyrénées l’interrogeait à ce sujet en octobre dernier :


    naudy_france3 par asi

    Une émission de Critique média censurée

    Naudy s’était illustré en 1995 pour avoir été à la tête, sur France 3 Île-de-France, d’un magazine critique sur les médias intitulé « Droit de regard ». Cette même année, une de ses émissions, consacrée au traitement de l’élection présidentielle par France 2, avait été déprogrammée deux heures avant sa diffusion. Xavier Gouyou-Beauchamp, directeur de France 3, considérait qu’elle était « critique » et « déséquilibrée vis-à-vis de France 2 », précisait à l’époque un article du Monde.

    L’émission censurée critiquait notamment les journalistes Alain Duhamel (France 2), et Guillaume Durand (TF1). Naudy soulignait qu’ils étaient devenus des « chronométreurs officiels d’une République en quête de convenable ». Le magazine commentait aussi une soirée électorale où « l’on se tapait sur les cuisses aux exploits motorisés de porte-micros lancés aux basques du vainqueur ». Intitulé « Télé-beauf », un montage dénonçait les blagues lourdes du duo Daniel Bilalian-Bruno Masure, perpétuellement hilares, rappelle Le Monde. Un exemple : « Je viens de voir passer une très jolie chiraquienne, toutes considérations politiques mises à part », lançait l’un d’eux, tandis qu’à plusieurs reprises ils faisaient remarquer au correspondant de France 2 qui, place de la Concorde, tendait le micro à des jeunes filles : « Vous êtes toujours sur les bons coups (…). Vous êtes toujours bien placé sur ces coups-là ». L’émission avait finalement été diffusée la semaine suivante, après que Michel Naudy eut présenté sa démission. Elle n’avait pas été reconduite à la rentrée 1995.


     

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  • BARBARIE !


    C’est le blog de René Merle, habituellement bien renseigné concernant l’histoire du mouvement ouvrier, qui reproduit cette interview de Eric Hobsbawm par Libération.

    Eric Hobsbawm y fait en quelque sorte le bilan du siècle écoulé qu’il divise en trois périodes.

    Mais il conclut ainsi :

    « Il est très difficile pour quelqu’un de ma génération d’imaginer une société qui soit basée sur l’incertitude permanente, la précarité, la poursuite du bénéfice individuel et rien de plus. Il y avait jadis l’alternative « socialisme ou barbarie ». Eh bien, on n’a pas eu le socialisme. »

    Je pense qu’il peut être intéressant de prendre connaissance des enseignements qu’il tire de son expérience et de ses analyses.

    « L’époque n’a pas cessé d’être barbare »

    Interview-Entretien avec l’historien marxiste britannique Eric Hobsbawm, auteur notamment du célèbre « Age des extrêmes ». Par ROBERT MAGGIORI 28 octobre 1999

    « Le 30 janvier 1933 est le jour où Hitler est devenu chancelier mais également celui où un enfant de 15 ans et sa petite soeur ont dû quitter leur école ». En d’autres termes, quelle est la part de l’autobiographie dans votre travail ?

    Il y a évidemment un élément subjectif assez fort, du simple fait que j’ai vécu comme « spectateur engagé » la plus grande partie de ce « court siècle ». De plus, mon livre est élaboré moins à base de littérature, de documents ou d’archives que de choses vues, de conversations, d’expériences. Il me semble que cela donne à l’« oeil analytique » de l’historien une dimension supplémentaire.

    Vous êtes né l’année de la révolution d’Octobre.

    Mais pas à Moscou, en Egypte ! Il est vrai que le hasard même de ma naissance peut illustrer l’« âge des empires », qui est le titre d’un de mes ouvrages. Ma mère est issue d’une famille bourgeoise juive de Vienne. Pour son bac on lui a offert un voyage en Egypte. Mon père, fils d’immigrés, est anglais et vient d’une famille beaucoup plus pauvre. Il a dû aller chercher un emploi dans" l’Empire britannique, en Egypte justement. Mes parents se sont donc rencontrés là, juste avant la Première Guerre. Ils se sont mariés en Suisse, à Zurich, mais n’ont pu ensuite rentrer ni en Autriche ni en Angleterre, pays belligérants. Ils sont donc retournés en Egypte, où je suis né. Puis ma mère a eu la nostalgie de son pays, et nous avons déménagé à Vienne. J’étais encore un bébé.

    A Vienne, lycéen, vous intéressiez-vous déjà à la politique ?

    Je n’étais pas très politisé. Mais on ne pouvait pas échapper à la politique, ni à l’atmosphère nationaliste, antisémite. Je dois dire que je n’en ai pas souffert. En Autriche, j’étais anglais, et non juif : pendant toute ma jeunesse, j’ai été traité comme un représentant des « gagnants » de la Première Guerre. Il est probable qu’à l’époque je me sois déjà déclaré socialiste ou social-démocrate. Mon père est mort en 1929, quand j’avais 12 ans, et ma mère quand j’en avais 14. J’ai donc rejoint une autre partie de la famille, fixée à Berlin. C’est à Berlin que j’ai vraiment pris des positions politiques. Il était impossible de ne pas le faire : c’était quelques années avant l’arrivée de Hitler, avant l’heure, pour moi, de l’exil.

    Vous entrez au Parti communiste. Cet engagement a -t-il conditionné vos premiers travaux ?

    Il a conditionné tout simplement mon intérêt pour l’histoire ! En Autriche, en Allemagne et même en Angleterre, l’enseignement de l’histoire dans le secondaire n’était pas vraiment excitant. Quand j’étais au lycée à Berlin, je me déclarais déjà communiste, mais je ne manifestais aucun intérêt pour l’histoire. Un jour un professeur m’a posé des questions et m’a dit :« Vous êtes un ignorant, allez donc à la bibliothèque et consultez quelque chose. » Eh bien, j’y ai trouvé le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels, ainsi que Socialisme utopique, socialisme scientifique d’Engels. Et ça, ça inspire ! Ce fut pour moi la grande découverte. Et cela a été probablement déterminant, plus tard, dans le choix de l’histoire comme champ professionnel. Et dans ma fidélité au marxisme.

    Cette fidélité dure encore aujourd’hui ?

    C’est, au fond, une fidélité à quelque chose comme la conception matérialiste de l’histoire. En tant que base d’un travail historique, je continue à croire que c’est essentiel. Quelques modifications sont certes nécessaires. Pour certaines époques, l’idée que la dynamique de l’histoire dépende avant tout du changement de la base productive est probablement peu utile. Mais, pour l’époque de la croissance du capitalisme, de sa conquête du monde, il me semble qu’elle demeure la méthodologie la plus utile, et qu’elle donne à la recherche, disons un ordre de priorité. Quant au reste du marxisme, j’ai beaucoup plus de réserves. Dans l’analyse économique de Marx, il y a certaines choses géniales, mais il en est d’autres, par exemple la théorie de la valeur-travail, qui à mon avis ne sont pas valables. Je crois qu’il faut ôter au marxisme son élément utopique et messianique. Mais si vous me demandez : est-il légitime de vous appeler marxiste ?, je dis somme toute oui, simplement par fidélité à un maître qui a joué un rôle énorme dans mon travail. Cela ne veut pas dire une fidélité dogmatique à quoi que ce soit.

    Ce qui a assis votre réputation d’historien, c’est que vous prenez toujours en compte des éléments dits « subalternes », le jazz, les bandits, Hollywood, le sport.

    J’ai en effet travaillé sur les rebelles, les dissidents, et même fait un petit livre sur l’orchestre de Count Basie, en comparant, sur le thème de la création et de la joie, orchestre et équipe de football. Pour la « grande histoire », j’ai toujours essayé d’explorer ce qui se passe « au-dessous » des grands événements et des grandes décisions. Je ne dis pas que cela ait des liens organiques avec le marxisme, mais avec la gauche oui, parce qu’il semble logique qu’un homme de gauche s’intéresse au peuple commun, tente de voir comment les petites gens ont vu l’histoire et quel rôle ils y ont joué. Cela a d’ailleurs une certaine importance historique, au sens où, avant la Révolution française, il est difficile de savoir ce qu’est le « peuple », ou ce qu’on peut appeler les « masses laborieuses ». Ces « masses » n’ont pas joué un rôle très actif ni régulier dans l’histoire. Ce n’est qu’à partir de la société bourgeoise qu’il devient nécessaire de tenir compte tous les jours de ce qu’elles pensent, de savoir comment se forment leurs façons de voir le monde. C’est pourquoi j’ai essayé d’introduire cette nouvelle dimension dans le champ conventionnel de l’histoire des mouvements sociaux.

    Vous avez divisé le siècle en trois grandes époques : une « ère des catastrophes », de 1914 aux suites de la Deuxième Guerre mondiale, un « âge d’or », de 1950 à 1975, et une nouvelle phase de « débâcle », qui va de 1975 à 1991 et au-delà. Avec un peu de recul, corrigeriez-vous cette périodisation, que certains historiens ont contestée ?

    On peut certes faire commencer le siècle en 1900 et le faire finir en l’an 2000 ! Une date initiale est toujours un peu arbitraire, mais il ne me semble pas que 1914 le soit. Ce qui pose problème, c’est la dernière phase. Il est certain qu’elle a commencé après le « virage » de 1973 ! quand a pris fin l’« âge d’or » de la croissance économique et des extraordinaires transformations sociales ! mais on ne sait si elle est arrivée à son terme, en tous cas il m’était impossible de le savoir quand j’ai publié le livre, en 1994. C’est pourquoi j’ai choisi pour ainsi dire comme date finale l’écroulement de l’Union soviétique ! mais je suis d’accord pour dire que c’est aussi une date arbitraire.

    Pensez-vous que le siècle a été dominé par deux totalitarismes équivalents ?

    Ce siècle a été et n’a pas cessé d’être barbare, plus barbare en un sens que tous les siècles antérieurs. Et la barbarie, il n’y a pas moyen de la défendre. Ce que je n’accepte pas, néanmoins, c’est précisément de donner la responsabilité de cette barbarie générale à un côté ou à un autre. Prenons par exemple le XVIIe siècle, barbare lui aussi. Si on regarde les choses aujourd’hui, est-ce qu’il est juste de dire que les guerres de religion, les catastrophes de la guerre de Trente Ans, les guerres espagnoles, les guerres de Louis XIV, etc. sont de la responsabilité soit des catholiques soit des protestants, d’assigner toute la responsabilité à un pays, à une idéologie, au roi de France, au pape ou à l’hérésie ? On ne peut pas faire ici ce que font avocats et procureurs dans un tribunal. Ce n’est pas comme ça que les choses se passent, et se comprennent.

    Il est courant de dire que le siècle a été dominé par deux totalitarisme, le nazisme et le stalinisme, et de les faire équivaloir. Qu’en pensez-vous ?

    On ne peut pas isoler Hitler ou Staline d’un siècle qui a vu quelque chose comme deux cent millions d’êtres humains tués. Ajoutez Hitler, ajoutez Staline, et il vous reste encore pas mal de choses. Évidemment, il faut condamner toutes les intentions meurtrières, toutes les politiques qui ont conduit à des massacres. Mais le véritable problème ne se pose pas ainsi. Rétrospectivement, regardant le XVIIe siècle, il est possible de dire : toutes ces guerres ont été en pure perte, elles n’ont servi à rien. Mais un contemporain, engagé dans les grandes affaires du XXe siècle, peut-il dire la même chose, que tous nos massacres n’ont servi à rien ? Il est impossible pour moi de croire actuellement que lutter contre le fascisme, contre Hitler, n’était pas nécessaire, ne valait pas la peine, et qu’il n’eût pas fallu combattre parce que dans cette lutte sont morts des millions de gens. Cette question de la « rétrospection » est épouvantable pour un historien.

    Vous n’avez pas répondu à la question de savoir si l’on peut « identifier » nazisme et stalinisme ?

    Il est impossible de défendre ce qui s’est passé en URSS à l’époque de Staline. Savoir si Staline a trucidé plus ou moins de gens que Hitler n’est pourtant pas le plus important. Les phénomènes, pour inacceptables qu’ils soient tous deux, ne sont pas de même nature. Certaines ressemblances existent : ce sont des mouvements antilibéraux, antidémocratiques, autoritaires, dictatoriaux. Mais ce sont des dictatures appartenant à différentes traditions intellectuelles et qui ont eu des objectifs et des fins différents. L’objectif du communisme, même du pire communisme, a été universaliste. Celui du fascisme ­nationaliste, raciste­, a été d’exclure de l’humanité une grande partie d’êtres humains, qui avaient le seul tort d’être. Le communisme n’a pas été génocidaire. Bien que Staline ait expulsé des peuples, il n’était pas dans son dessein de les éliminer totalement parce qu’ils existaient. Le parallélisme supposé entre la guerre contre une classe et la guerre contre une race n’a pas de sens historique. Il faut évidemment dénoncer les catastrophes auxquelles a conduit la Russie soviétique, mais ne pas oublier que le goulag doit beaucoup à la décision d’industrialiser avec du travail forcé. Si on demande de construire une industrie du nickel en Arctique, il n’est pas possible de le faire sans le travail forcé. Avec le recul, on voit bien que le coût humain en a été insupportable, aussi insupportable que l’esclavage. Mais ce n’est pas la même chose qu’une politique systématique de génocide ou d’exclusion de l’humanité idéale d’une partie de l’humanité.

    Un regard sur l’avenir ?

    Un regard à la fois optimiste et pessimiste. Optimiste dans la mesure où, si l’humanité a pu survivre au XXe siècle, elle survivra à tout ! Aujourd’hui, il y a trois fois plus d’hommes dans le monde qui vivent mieux, qui ne meurent pas comme ils mouraient avant, qui ont plus de chances de vie, etc. En ce sens, je crois à quelque chose comme le progrès, même si le prix payé, au XXe siècle, en a été très fort. Mais je suis aussi pessimiste, puisque je crois que le capitalisme, la machine qui fait marcher le monde, porte vers la destruction de toutes sortes de sociétés, ou de socialités, connues dans le passé. Les théologiens du libre marché, formés dans les business schools, nous disent bien que toutes les motivations anciennes sont mortes, les droits, les devoirs, la fidélité, les liens" et que seule subsiste la maximisation des avantages de l’individu. A mon avis, même le capitalisme ne peut fonctionner de cette façon-là. Je crois que des possibilités de rétablir un certain contrôle existent : si elles ne sont pas utilisées, alors l’avenir sera, me semble-t-il, assez noir. Il est très difficile pour quelqu’un de ma génération d’imaginer une société qui soit basée sur l’incertitude permanente, la précarité, la poursuite du bénéfice individuel et rien de plus. Il y avait jadis l’alternative « socialisme ou barbarie ». Eh bien, on n’a pas eu le socialisme.

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7466


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  • Annie Lacroix-Riz: «L’histoire contemporaine est en ruine»


    «L’histoire contemporaine est en ruine»Beaucoup de livres d’histoire nous tombent des mains, et ne parlons pas des émissions de télévision consacrées à l’histoire contemporaine, elles nous donnent envie de casser notre poste. 

    PAR IAN HAMEL

    Les historiens seraient-ils devenus si mauvais? Non, ils sont «sous influence» explique Annie Lacroix-Riz, agrégée d’histoire. C’est-à-dire «subventionnés» par les dirigeants d’entreprises, par les financiers.

    Fin 1942, dès que la défaite du Reich paraît inéluctable, le Vatican décide de mettre en place des «officines de transit» afin de permettre aux nazis d’échapper à la justice. Le pape va confier cette tâche à Monseigneur Montini, le futur Paul VI, à Monseigneur Hudal, «évêque autrichien nazi et “négociateur“ de la déportation des juifs de Rome d’octobre 1943», et à l’archevêque de Gênes, «port de départ des évacués outre-mer», Monseigneur Siri.

    Le sauvetage des criminels de guerre fut essentiellement, mais pas exclusivement, financé par les Etats-Unis. Quant au Vatican, cette tâche peu reluisante «absorba le plus gros de son intérêt et de ses activités à travers le monde de 1942 à 1955». Ces révélations viennent d’un petit ouvrage récent signé par Annie Lacroix-Riz, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure, et professeur d’histoire contemporaine à l’université de Paris 7, intitulé «L’histoire contemporaine toujours sous influence» (*).

    L’industrie subventionne l’histoire     

    Bien évidemment, le côté obscur du Vatican, cette «énorme machine de pouvoir, froide et dure», comme l’écrit l’historien Zeev Sternhell, est presque toujours passé sous silence dans les livres d’histoire. Auteur de l’ouvrage «Le Vatican, l’Europe et le Reich, de la Première Guerre mondiale à la guerre froide», Annie Lacroix-Riz est surtout connue comme spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.

    Elle montre très clairement comment ceux qui possèdent l’argent mettent, depuis une vingtaine d’années, l’histoire contemporaine «sous influence». En clair, quand un industriel ou un banquier subventionne des travaux de recherches, ouvre ses archives, il attend en retour que l’historien fasse l’impasse sur les épisodes les moins glorieux de la vie de son entreprise ou de son établissement financier.

    Des livres sans références   

    «La tendance non critique de certains travaux issus de la coopération entre scientifiques et donneurs d’ordres financiers a été favorisée par la méthodologie adoptée: le recours non systématique – voire le non-recours systématique – aux archives», s’indigne Annie Lacroix-Riz, auteur notamment d’«Industriels et banquiers sous l’Occupation».                  

    Sans doute avez-vous déjà lu ces livres d’histoire bien écrits, qui paraissent vraisemblables, mais qui ne possèdent ni index, ni notes. En clair, aucune preuve, aucune référence n’étayent leurs affirmations. Récemment, j’ai lu un ouvrage affirmant que la famille Ben Laden possédait une banque à Genève et que l’un des frères d’Oussama, Yeslam, en était le directeur.

    Pressions financières

    Il n’y avait ni le nom de la banque, ni son adresse, ni la moindre preuve qu’un établissement financier pouvait appartenir à la famille Ben Laden. Certes, il y a bien un Yeslam Ben Laden à Genève, mais, naturalisé suisse, il vend des montres…

    Bref, avec la crise, les groupes financiers ont pris le relais des pouvoirs publics désargentés. Adieu l’indépendance de la recherche historique. Dorénavant, la plupart des livres d’histoire écrits en français ne nous diront plus que ce que les hommes d’affaires veulent nous faire avaler.

    Le plus grave, c’est que l’opinion publique ne se rend même pas compte de ces manipulations, ignore tout des pressions financières, idéologiques et politiques des milieux dirigeants. «L’histoire contemporaine toujours sous influence» a au moins le mérite de nous ouvrir les yeux.

    (*) Éditions delga, le Temps des Cerises, 263 pages.  

    http://www.lameduse.ch/2012/12/09/annie-lacroix-riz-lhistoire-contemporaine-est-en-ruine/


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