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    Rouge Midi
    LA MONDIALISATION DES PEUPLES
    samedi, 29 septembre 2012 / Michel Peyret/

    Ancien député PCF de Gironde

    Je ne partage pas nécessairement toutes les idées et opinions émises par Samir Amin dans le texte ci-dessous présenté par le M’PEP. Ce ne limite pas l’intérêt que j’ai trouvé à sa lecture.
    Pour moi, l’Europe est une notion géographique. Elle va de l’Atlantique à l’Oural. Elle induit, entre autres, une partie de la Russie. Rien à voir, en conséquence, avec l’ersatz dont il est question aujourd’hui.

    Notion géographique, mais pas notion politique, ni sociale, ni économique, ni culturelle...

    Car, en fait, il y a ainsi plusieurs Europe, l’Europe méditerranéenne par exemple, mais aussi l’Europe atlantique, l’Europe scandinave, l’Europe slave, l’Europe allemande...

    D’autant plus que nous sommes entrés dans l’ère de la mondialisation, laquelle pourrait être autre chose que la mondialisation capitaliste, que la mondialisation de quelques puissances impérialistes, mondialisation de la concurrence, des néo-colonialismes et des guerres...

    Je suis pour l’existence, à l’échelle de toute l’humanité, de peuples indépendants, à commencer par leur indépendance à l’égard du capitalisme et des structures diverses qu’il a mis en place.
    Et je milite pour que ces peuples indépendants puissent tisser entre eux des rapports induits par les coopérations et les échanges les plus larges et les plus diversifiés possibles, et en tous domaines, et donc sans structures super-étatiques.

    C’est ce que j’appelle la mondialisation des peuples, mondialisation des peuples contre la mondialisation capitalisme !
    Peut-être est-ce aussi l’internationalisme dont on oublie aujourd’hui de parler !

    L’IMPLOSION PROGRAMMÉE DU SYSTÈME EUROPÉEN

    Peut-on comparer l’Europe aux États-Unis ?

    L’opinion majoritaire en Europe est convaincue que l’Europe a les moyens de devenir une puissance économique et politique comparable aux États-Unis et, de ce fait, indépendante. En additionnant les populations et les PIB concernés cela paraît évident. Pour ma part je crois que l’Europe souffre de trois handicaps majeurs qui interdisent la comparaison.

    Premièrement le continent nord-américain (les États-Unis et ce que j’appelle sa province extérieure – le Canada) bénéficie de ressources naturelles incomparables à celles de l’Europe à l’Ouest de la Russie comme en témoigne la dépendance énergétique européenne.

    Deuxièmement l’Europe est constituée d’un bon nombre de nations historiques distinctes dont la diversité des cultures politiques, sans que celles-ci ne soient nécessairement chauvines, pèse suffisamment lourd pour interdire d’y reconnaître l’existence d’un « peuple européen » à l’instar du « peuple étatsunien ». On reviendra sur cette question majeure.

    Troisièmement (et c’est là la raison principale qui interdit la comparaison) le développement capitaliste en Europe a été et demeure inégal, alors que celui-ci a homogénéisé les conditions de son déploiement dans l’espace nord-américain, tout au moins depuis la guerre de sécession.

    L’Europe – à l’Ouest de la Russie historique (qui inclut la Biélorussie et l’Ukraine) – est elle-même composée de trois strates de sociétés capitalistes inégalement développées.

    Le capitalisme historique – c’est-à-dire la forme du mode capitaliste qui s’est imposé à l’échelle mondiale – s’est constitué à partir du XVIe siècle dans le triangle Londres/Amsterdam/Paris, pour prendre sa forme achevée avec la révolution politique française et la révolution industrielle anglaise.

    Ce modèle, qui deviendra celui du capitalisme des centres dominants jusqu’à l’époque contemporaine (le capitalisme libéral pour employer les termes de Wallerstein), s’est déployé avec vigueur et rapidité aux États-Unis, après la guerre de Sécession qui met un terme à la position dominante des esclavagistes dans la gestion de l’Union ; plus tard au Japon.

    En Europe le modèle a conquis, également rapidement (à partir de 1870), l’Allemagne et la Scandinavie. Ce noyau européen (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Suisse, Autriche, Scandinavie) est aujourd’hui soumis à la gestion économique, sociale et politique de ses propres monopoles que j’ai qualifié de « généralisés », constitués comme tels dans les années 1975-1990, à partir des formes antérieures du capitalisme des monopoles.

    Or les monopoles généralisés propres à cette région européenne ne sont pas « européens » mais encore rigoureusement « nationaux » (c’est-à-dire allemands, ou britanniques, ou suédois, etc.), bien que leurs activités soient transeuropéennes et même transnationales (opérant à l’échelle de toute la planète). Il en est de même des monopoles généralisés contemporains des États-Unis et du Japon. Dans mon commentaire des travaux de recherche impressionnants qui ont été faits sur ce sujet j’ai insisté sur l’importance décisive de cette conclusion.

    La seconde strate concerne l’Italie et l’Espagne, dans lesquels le même modèle – aujourd’hui donc celui du capitalisme des monopoles généralisés – n’a pris corps que beaucoup plus récemment, après la Seconde Guerre mondiale. Les formes de la gestion économique et politique des sociétés concernées, de ce fait particulières, constituent un handicap à leur promotion au rang d’égaux de premiers.

    Mais la troisième strate, qui englobe les pays de l’ex-monde « socialiste » (à la mode soviétique) et la Grèce, n’est pas le siège de monopoles généralisés propres à leurs sociétés nationales (les armateurs grecs sont peut-être l’exception, mais leur statut est-il celui de « Grecs » ?). Tous ces pays étaient jusqu’à la Seconde Guerre mondiale encore loin de s’être constitués en sociétés capitalistes développées à l’instar de celles du noyau européen central.

    Par la suite le socialisme soviétique a fait encore reculer les embryons de bourgeoisies capitalistes nationales, en substituant à leur pouvoir celui d’un capitalisme d’État associé à des comportements sociaux, sinon socialistes. Réintégrés dans le monde capitaliste par leur adhésion à l’Union européenne et à l’Otan, ces pays sont désormais dans la situation de ceux du capitalisme périphérique : ils ne sont pas gérés par leurs propres monopoles généralisés nationaux, mais dominés par ceux du noyau européen central.

    Cette hétérogénéité de l’Europe interdit rigoureusement sa comparaison avec l’ensemble États-Unis/Canada. Mais, dira-t-on, cette hétérogénéité ne pourrait-elle pas être effacée graduellement, précisément par la construction européenne ? L’opinion européenne dominante le pense ; je ne le crois pas, et nous reviendrons sur cette question.

    Doit-on comparer l’Europe au continent des deux Amériques ?

    Pour ma part je crois plus proche de la réalité la comparaison de l’Europe avec le continent des deux Amériques (États-Unis/Canada d’une part, Amérique latine et Caraïbes d’autre part) qu’avec la seule Amérique du Nord. Le continent des deux Amériques constitue un ensemble du capitalisme mondial caractérisé par le contraste qui oppose son Nord central et dominant à son Sud périphérique et dominé.

    Cette domination, partagée au XIXe siècle entre le concurrent britannique (alors hégémonique à l’échelle mondiale) et la puissance étatsunienne montante (dont l’ambition est proclamée dès 1823 par la doctrine Monroe), est aujourd’hui désormais principalement exercée par Washington, dont les monopoles généralisés contrôlent largement la vie économique et politique du Sud, en dépit des avancées combattives récentes qui pourraient remettre en question cette domination.

    L’analogie avec l’Europe s’impose. L’Est européen est dans une situation de périphérie soumise à l’Ouest européen analogue celle qui caractérise l’Amérique latine dans ses rapports avec les États-Unis.

    Mais toutes les analogies ont leurs limites et les ignorer conduirait à des conclusions erronées concernant les avenirs possibles et les stratégies de lutte efficaces capables d’ouvrir la voie au meilleur de ces avenirs.

    Sur deux plans l’analogie cède la place à la différence. L’Amérique latine est un continent immense, doté de ressources naturelles fabuleuses – eau, terres, minerais, pétrole et gaz. L’Europe de l’Est n’est sur ce plan en rien comparable. Par ailleurs l’Amérique latine est également relativement considérablement moins hétérogène que l’Europe de l’Est : deux langues apparentées (sans ignorer ce qu’il reste des langues indiennes), peu d’hostilité chauvine entre voisins. Mais ces différences – pour importantes qu’elles soient – ne constituent pas notre motif majeur de ne pas poursuivre le raisonnement simplifié de l’analogie.

    La domination des États-Unis sur son Sud américain se déploie par des moyens qui relèvent principalement de l’économique comme en témoigne le modèle du marché commun pan-américain promu par Washington, en panne dans la tentative des États-Unis de l’imposer.

    Même dans son segment actif – NAFTA qui annexe le Mexique au grand marché Nord américain – l’institution ne remet pas en cause la souveraineté politique du Mexique dominé. Mon observation ne comporte aucun volet naïf. Je sais bien qu’il n’y a pas de cloisons étanches séparant les moyens économiques de ceux mis en œuvre aux plans de la politique. L’OEA (l’Organisation des États Américains) a été à juste titre considérée par les opposants d’Amérique latine comme « le Ministère des colonies des États-Unis », et la liste des interventions, qu’elles aient été militaires (dans les Caraïbes) ou qu’elles aient pris la forme de soutiens organisés à des coups d’États est suffisamment longue pour en témoigner.

    L’institutionnalisation des rapports entre les États de l’Union européenne relève d’une logique plus large et plus complexe. Il y a bien une sorte de « doctrine Monroe » ouest européenne (« l’Europe de l’Est appartient à l’Europe de l’Ouest »). Mais il n’y a pas que cela.

    L’Europe n’est plus seulement un « marché commun » comme elle l’avait été à l’origine, au départ limité à six pays puis étendue à d’autres en Europe de l’Ouest. Depuis le traité de Maastricht elle est devenue un projet politique. Certes ce projet politique a été conçu pour servir celui de la gestion des sociétés concernées par les monopoles généralisés. Mais il peut devenir le lieu de conflits et de remises en cause de cette vocation et des moyens mis en place pour la servir. Les institutions européennes sont censées associer les peuples de l’Union et prévoient quelques moyens à cet effet, comme la mesure de la représentation des États en fonction de leur population et non de leur PIB. De ce fait l’opinion dominante en Europe, en y incluant celle de la majorité des gauches critiques des institutions telles qu’elles sont, garde l’espoir qu’une « autre Europe » est possible.

    Avant de discuter des thèses et des hypothèses concernant les avenirs possibles de la construction européenne il nous paraît nécessaire de faire un détour par la discussion de l’atlantisme et de l’impérialisme d’une part, et de l’identité européenne d’autre part.

    Europe ou Europe atlantiste et impérialiste ?

    La Grande-Bretagne est atlantiste plus qu’elle n’est européenne, et tient cette posture de son héritage d’ancienne puissance impérialiste hégémonique, quand bien même cet héritage serait-il réduit aujourd’hui à la position privilégiée que la City de Londres occupe dans le système financier mondialisé. La Grande-Bretagne soumet donc son adhésion fort particulière à l’Union européenne à la priorité qu’elle donne à l’institutionnalisation d’un marché économique et financier euro-atlantique, qui l’emporte sur toute volonté de participer activement à une construction politique de l’Europe.

    Mais ce n’est pas seulement la Grande-Bretagne qui est atlantiste. Les États de l’Europe continentale ne le sont pas moins, en dépit de leur volonté apparente de construire une Europe politique. La preuve en est donnée par la centralité de l’OTAN dans cette construction politique. Qu’une alliance militaire avec un pays extérieur à l’Union ait été intégrée dans la « constitution européenne » constitue une aberration juridique sans pareille. Pour certains pays européens (la Pologne, les États baltes, la Hongrie) la protection de l’OTAN – c’est-à-dire des États-Unis – face à « l’ennemi russe » (!) est plus importante que leur appartenance à l’Union européenne.

    La persistance de l’atlantisme et l’expansion mondiale du champ d’intervention de l’OTAN après qu’ait disparue la prétendue « menace soviétique » sont les produits de ce que j’ai analysé comme l’émergence de l’impérialisme collectif de la triade (États-Unis, Europe, Japon), c’est-à-dire des centres dominants du capitalisme des monopoles généralisés, et qui entendent le demeurer en dépit de la montée des États émergents.

    Il s’agit là d’une transformation qualitative relativement récente du système impérialiste antérieurement et traditionnellement fondé sur le conflit des puissances impérialistes. La raison de l’émergence de cet impérialisme collectif est la nécessité de faire face ensemble au défi que constituent les ambitions des peuples et des États des périphéries d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine de sortir de leur soumission.

    Le segment européen impérialiste en question ne concerne que l’Europe de l’Ouest, dont tous les États ont toujours été impérialistes à l’époque moderne, qu’ils aient disposé de colonies ou pas, ayant tous et toujours eu accès à la rente impérialiste. Les pays de l’Europe de l’Est par contre n’ont pas accès à celle-ci, n’étant pas le siège de monopoles généralisés nationaux qui leur soient propres. Mais ils se nourrissent de l’illusion qu’ils y ont droit, du fait de leur « européanité ». J’ignore s’ils sauront se débarrasser un jour de cette illusion.

    L’impérialisme étant devenu désormais collectif il n’y a plus qu’une seule politique – celle de la triade – commune et partagée vis-à-vis du Sud, qui est une politique d’agression permanente contre les peuples et les Etats qui osent remettre en question ce système particulier de la mondialisation.

    Or l’impérialisme collectif a un leader militaire, sinon un hégémon : les États-Unis. On comprend alors qu’il n’y a plus de politique extérieure, ni de l’Union européenne, ni des Etats qui la constituent. Les faits démontrent qu’il n’y a qu’une seule réalité : l’alignement sur ce que Washington décide seul (peut être en accord avec Londres).

    L’Europe vue du Sud n’est rien d’autre que l’allié inconditionnel des États-Unis. Et s’il y a sur ce plan peut être quelques illusions en Amérique latine – du fait sans doute que l’hégémonie est exercée ici brutalement par les seuls États-Unis et non par leurs alliés subalternes européens – cela n’est pas le cas en Asie et en Afrique. Les pouvoirs dans les pays émergents le savent ; ceux qui gèrent les affaires courantes dans les autres pays des deux continents acceptent leur statut de compradores soumis. Pour tous Washington seul compte, pas l’Europe, devenue inexistante.

    Y a-t-il une identité européenne ?

    L’angle sous lequel doit être regardée cette question est cette fois intérieure à l’Europe. Car vue de l’extérieur – du grand Sud – oui « l’Europe » paraît être une réalité. Pour les peuples d’Asie et d’Afrique, de langues et de religions « non européennes », même lorsque cette réalité a été atténuée par des conversions missionnaires au christianisme ou l’adoption de la langue officielle des anciens colonisateurs, les Européens sont les « autres ». L’affaire est différente en Amérique latine qui, comme l’Amérique du Nord, est le produit de la construction de « l’autre Europe » associée nécessaire au déploiement du capitalisme historique.

    La question de l’identité européenne ne peut être discutée qu’en portant le regard sur l’Europe vue de l’intérieur. Or les thèses qui affirment la réalité de cette identité et celles qui le nient se confrontent dans des polémiques qui conduisent les uns et les autres à trop tordre le bâton en leur faveur. Les uns invoqueront donc la chrétienté, alors qu’il faudrait parler des chrétientés catholique, protestante et orthodoxe, sans oublier les sans pratique religieuse ou même sans religion qui ne comptent plus pour quantités négligeables.

    Les autres feront observer qu’un Espagnol se sent plus à l’aise avec un Argentin qu’avec un Lituanien, qu’un Français comprendra mieux un Algérien qu’un Bulgare, qu’un Anglais se déplace plus aisément dans l’espace mondial des peuples qui partagent sa langue qu’en Europe.

    L’ancêtre civilisateur gréco-romain, réel ou reconstruit, devrait faire adopter le latin et le grec et non de l’anglais comme langues officielles de l’Europe (ce qu’elles étaient au Moyen Age). Les Lumières du XVIIIe siècle n’ont guère concerné que le triangle Londres/Amsterdam/Paris, même si elles ont été exportées jusqu’en Prusse et en Russie. La démocratie électorale représentative est trop récente et encore bien incertaine pour en faire remonter les sources à la formation des cultures politiques européennes, visiblement diverses.

    Il ne serait pas difficile de faire apparaître la puissance toujours présente en Europe des identités nationales. La France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne se sont construits dans leur adversité guerrière. Et si l’insignifiant Premier ministre de Luxembourg peut déclarer que « sa patrie est l’Europe » (ou peut-être la patrie de sa banque !), aucun président français, chancelier allemand ou premier britannique n’oserait une telle sottise.

    Mais est-il nécessaire d’affirmer la réalité d’une identité commune pour légitimer un projet de construction politique régionale ? Pour ma part je crois qu’il n’en est rien. Mais à condition de reconnaître la diversité des identités (appelons les « nationales ») des partenaires et de situer avec précision les raisons sérieuses de la volonté de la construction commune. Ce principe n’est pas valable exclusivement pour les Européens ; il l’est tout également pour les peuples des Caraïbes, d’Amérique hispanique (ou latine), du monde arabe, de l’Afrique.

    Il n’est pas nécessaire de souscrire aux thèses de l’arabité ou de la négritude pour donner toute sa légitimité à un projet arabe ou africain. Le malheur est que les « européanistes » ne se comportent avec cette intelligence. Dans leur grande majorité ils se contentent de se déclarer « supra-nationaux », et « anti-souverainistes », ce qui ne veut à peu près rien dire ou même entre en conflit avec la réalité.

    Dans ce qui suit, je ne discuterai donc pas la question de la viabilité du projet politique européen en me situant sur les terrains mouvants de l’identité, mais sur celui, solide, des enjeux et des formes d’institutionnalisation de leur gestion.

    L’Union européenne est-elle viable ?

    La question que je pose n’est pas celle de savoir si « un » projet européen (lequel ? pour quoi faire ?) serait possible (ma réponse est : évidemment oui), mais si celui qui est en place est viable, ou pourrait se transformer pour le devenir. Je laisse de côté les « européanistes » de droite, c’est-à-dire ceux qui, ayant souscrit à la soumission aux exigences du capitalisme des monopoles généralisés, acceptent l’Union européenne telle qu’elle est pour l’essentiel et s’intéressent seulement à donner une solution aux difficultés « conjoncturelles » (ce qu’elles ne sont pas, à mon avis) qu’elle traverse.

    Je ne m’intéresse donc qu’aux arguments de ceux qui proclament « une autre Europe possible », en y incluant les partisans d’un capitalisme rénové, à visage humain et ceux qui s’inscrivent dans une perspective de transformation socialiste de l’Europe et du monde.

    La nature de la crise qui traverse le monde et l’Europe est au centre de ce débat. Et, pour ce qui concerne l’Europe, la crise de la zone euro – qui occupe le devant de la scène – et celle – derrière – de l’Union européenne, sont indissociables.

    La construction de l’Union européenne – au moins depuis le traité de Maastricht et, à mon avis, depuis bien plus tôt – et celle de la zone Euro, ont été conçues et édifiées systématiquement comme des blocs de construction de la mondialisation dite libérale, c’est-à-dire de celle d’un système assurant la domination exclusive du capitalisme des monopoles généralisés. Dans ce cadre il nous faut d’abord analyser les contradictions qui, à mon avis, font que ce projet (et donc le projet européen qui en relève) n’est pas viable.

    Mais, dira-t-on, en défense d’ « un » projet européen envers et contre tout, celui qui a l’avantage d’exister, d’être en place, peut être transformé. En théorie abstraite, certes. Mais quelles sont les conditions qui le permettraient.

    A mon avis un double miracle (est-il utile de dire que je crois peu aux miracles ?) :

    1) que la construction transnationale européenne reconnaisse la réalité des souverainetés nationales, de la diversité des intérêts et des enjeux, et organise sur cette base l’institutionnalisation de son fonctionnement ; et

    2) que le capitalisme – s’il s’agit de rester dans le cadre général de son mode de gestion de l’économie et de la société – puisse être contraint d’opérer d’une manière autre que celle que commande sa logique propre, aujourd’hui celle de la domination des monopoles généralisés.

    Je ne vois pas d’indications que les européanistes majoritaires acceptent de prendre en compte ces exigences. Je ne vois pas davantage que les européanistes de gauche, minoritaires, qui le voient, soient capables de mobiliser des forces sociales et politiques capables d’inverser le conservatisme de l’européanisme en place.

    C’est pourquoi je conclus que l’Union européenne ne peut être autre que ce qu’elle est, et que celle-ci n’est pas viable.

    La crise de la zone euro illustre cette impossible viabilité du projet Le projet « européen » tel que le traité de Maastricht le définit et celui de la zone euro ont été vendus aux opinions par une propagande (je n’ai pas d’autres mots pour la qualifier) mensongère et imbécile. Aux uns – les privilégiés (relatifs) de l’Europe de l’Ouest opulente – on a raconté qu’en gommant les souverainetés nationales on mettait un terme aux guerres haineuses qui avaient ensanglanté le continent (et on comprend alors le succès de ce boniment). On a rajouté la sauce : l’amitié de la grande démocratie étatsunienne, le combat commun pour la démocratie dans ce grand Sud arriéré – forme nouvelle de l’adhésion à des postures impérialistes – etc. Aux autres – les pauvres hères de l’Est – on a promis l’opulence par le « rattrapage » des niveaux de vie occidentaux.

    Les uns et les autres ont cru – dans leur majorité – à ces boniments. A l’Est on a cru, semble-t-il, que l’adhésion à l’Union européenne permettrait ce fameux « rattrapage » et que le prix en valait la chandelle. Ce prix – peut être la punition pour avoir accepté le régime du socialisme, dit communisme, soviétique – était celui d’un ajustement structurel pénible, de « quelques » années.

    L’ajustement – c’est-à-dire « l’austérité » (pour les travailleurs, pas pour les milliardaires) – a été imposé. Mais il s’est soldé par un désastre social. C’est ainsi que l’Europe de l’Est est devenue la périphérie de celle de l’Ouest. Une étude récente sérieuse nous apprend que 80% des Roumains estiment « qu’au temps de Ceaucescu, c’était mieux » (!).

    Peut-on espérer mieux en termes de délégitimation de la prétendue démocratie qui caractériserait l’Union européenne ! Les peuples concernés en tireront-ils la leçon ? Comprendront-ils que la logique du capitalisme n’est pas celle du rattrapage, mais au contraire de l’approfondissement des inégalités ? Je l’ignore.

    Si la Grèce est aujourd’hui au cœur du conflit, c’est à la fois parce que la Grèce fait partie de la zone euro, et que son peuple a cru échapper au sort des autres périphéries balkaniques (ex « socialistes »). Les « Grecs » (je ne sais pas exactement ce que cela veut dire) pensaient (ou espéraient ?) qu’ayant évité le malheur d’être gouvernés par des « communistes » (puissants dans la Grèce héroïque de la Seconde Guerre mondiale) - et cela grâce aux colonels ! – ils n’auraient pas à souffrir du prix que les autres balkaniques doivent payer.

    L’Europe et l’euro fonctionneraient autrement pour eux. La solidarité européenne, et celle plus particulière des partenaires de l’Euro, affaiblies ailleurs (pour crime de « communisme » qui doit être puni), agiraient en leur faveur. Les Grecs en sont pour leurs illusions naïves. Ils devraient savoir aujourd’hui que le système réduira leur sort à celui de leurs voisins balkaniques, la Bulgarie et l’Albanie. Car la logique de la zone euro n’était pas différente de celle de l’Union européenne ; au contraire elle en renforce la violence.

    D’une manière générale la logique de l’accumulation capitaliste produit une accusation de l’inégalité entre les nations (elle est à l’origine de la construction du contraste centres/périphéries) ; et l’accumulation dominée par les monopoles généralisés renforce encore cette tendance immanente au système. On nous rétorquera que les institutions de l’Union européenne ont prévu les moyens de corriger les inégalités intra-européennes par des soutiens financiers appropriés destinés aux pays retardés de l’Union ; et l’opinion générale y a cru.

    En réalité non seulement ces aides (qui, en dehors de l’agriculture dont je ne discuterai pas de la question ici, sont affectés en particulier à la construction d’infrastructures modernes) sont trop insuffisantes pour permettre le « rattrapage » ; mais, encore plus grave, par leur contribution à une plus grande ouverture des économies concernées, facilitent la pénétration des monopoles généralisés et donc renforcent la tendance au développement inégal. De surcroît ces aides poursuivent l’objectif de renforcer certaines régions sous-nationales (la Bavière, la Lombardie, la Catalogne par exemple) et par là affaiblir les capacités de résistance des États nationaux face aux diktats des monopoles.

    La zone euro a été conçue pour accentuer encore davantage ce mouvement. Son caractère fondamental est défini par le statut de la BCE, qui s’interdit de prêter aux États nationaux (et même à un État supranational européen s’il existait, ce qui n’est pas le cas), mais finance exclusivement les banques – à un taux ridicule – qui, à leur tour, tirent de leurs placements en titres des dettes publiques nationales une rente qui renforce la domination des monopoles généralisés.

    Ce qu’on appelle la financiarisation du système est inhérent à la stratégie des monopoles en question. Dès sa création j’avais analysé ce système comme étant non viable, appelé à s’effondrer dès lors qu’une crise sérieuse frapperait le capitalisme. Ce qui se produit sous nos yeux.

    J’avais soutenu que la seule alternative susceptible de soutenir une construction européenne graduelle et solide imposait le maintien d’une gestion nationale des monnaies articulées dans un serpent monétaire, lui-même conçu comme une structure de négociations sérieuses portant sur les taux de change et les politiques industrielles. Et cela jusqu’à ce que, éventuellement et beaucoup plus tard, la maturation des cultures politiques permette la mise en place d’un État européen confédéral se superposant aux Etats nationaux, sans annihiler ces derniers.

    La zone euro est donc entrée dans une crise prévisible qui menace réellement son existence comme on finit par l’admettre même à Bruxelles. Car on ne voit pas que l’Union européenne soit devenue capable de conduire une autocritique radicale qui impliquerait l’adoption d’un autre statut pour la gestion de la monnaie et la renonciation au libéralisme inhérent aux traités en vigueur.

    Les responsables de la faillite du projet européen ne sont pas ses victimes – les pays fragiles de la périphérie européenne – mais, à l’opposé, les pays (c’est-à-dire les classes dirigeantes de ces pays) qui ont été les bénéficiaires du système, l’Allemagne en premier lieu. Les insultes proférées à l’encontre du peuple grec n’en sont que plus odieuses. Peuple paresseux ? Tricheurs avec le fisc : Madame Lagarde oublie que les tricheurs en question sont les armateurs que les libertés de la mondialisation (défendues par le FMI) protègent !

    Mon raisonnement n’est pas fondé sur la reconnaissance du conflit des nations, même si dans les apparences les choses se passent de cette manière. Il est fondé sur celle du conflit entre les monopoles généralisés (eux-mêmes propres seulement aux pays du centre européen) et les travailleurs des centres européens comme de leurs périphéries, même si le coût de l’austérité imposé aux uns et aux autres produit des effets dévastateurs plus marqués dans les périphéries que dans les centres.

    Le « modèle allemand », vanté par toutes les forces politiques européennes de la droite et même d’une bonne partie de la gauche, a été mis en œuvre avec succès en Allemagne grâce à la docilité relative de ses travailleurs qui acceptent des rémunérations de 30% inférieures à celle des Français. Cette docilité est largement à l’origine à la fois du succès des exportations allemandes et de la croissance puissante des rentes dont les monopoles généralisés allemands sont les bénéficiaires. On comprend que ce modèle séduise les inconditionnels de la défense du capital !

    Le pire est donc encore à venir : le délitement sous une forme ou une autre – brutale ou graduelle – du projet européen, en commençant par celui de la zone euro. On retournerait alors à la case de départ : les années 1930. On aurait alors une zone mark réduite à l’Allemagne et aux pays qu’elle dominerait sur ses frontières Est et Sud, les Pays-Bas et la Scandinavie autonomes mais consentant à s’y ajuster, une Grande-Bretagne que son atlantisme éloignerait encore davantage de la politique en Europe, une France isolée (Vichy ? ou de Gaulle ?), une Espagne et une Italie incertaines et fluctuantes.

    On aurait alors associé le pire : la soumission des sociétés nationales européennes aux diktats des monopoles généralisés et du « libéralisme » mondialisé qui l’accompagne d’une part, leur gestion politique par des pouvoirs recourant d’autant plus à la démagogie « nationaliste » qu’ils resteraient impuissants. Cette gestion politique renforcerait les chances des droites extrêmes. On aurait (on a déjà ?) des Pilsudski, des Horthy, des barons baltes, des nostalgiques de Franco et de Mussolini, des Maurassiens.

    Les discours d’apparence « nationaliste » des droites extrêmes sont des discours menteurs, puisque ces forces politiques (du moins leurs dirigeants) acceptent non seulement le capitalisme en général, mais encore la seule forme qu’il peut revêtir, celle du capitalisme des monopoles généralisés. Un « nationalisme » authentique aujourd’hui ne peut être que populaire au sens vrai du terme, servir le peuple et non le tromper. Du coup le vocable de « nationalisme » doit lui-même être utilisé avec précaution et peut être vaudrait-il mieux lui substituer celui « d’internationalisme des peuples et des travailleurs ». En contrepoint la rhétorique des droites en question réduit le thème du nationalisme à des dérives de violence chauvine mise en œuvre contre les immigrés ou les Roms, accusés d’être la source des désastres. Cette droite ne manque pas d’associer dans sa haine les « pauvres », tenus responsables de leur misère et accusés d’abuser des bénéfices de « l’assistanat ».

    Voilà où conduit l’entêtement à défendre le projet européen contre vents et marées : à sa destruction.

    Y a-t-il une alternative moins désolante ? Va-t-on vers une nouvelle vague de transformations sociales progressistes !

    Certes oui, car les alternatives (au pluriel) existent toujours, en principe. Mais les conditions pour que celle-ci ou celle-là des alternatives possibles devienne réalité doivent être précisées. Il n’est pas possible de revenir à un stade antérieur de développement du capital, à un stade antérieur de la centralisation de son contrôle. On ne peut qu’aller de l’avant, c’est-à-dire en partant du stade actuel de la centralisation du contrôle du capital, comprendre que l’heure de « l’expropriation des expropriateurs » a sonné. Il n’y a pas d’autre perspective viable possible.

    Cela dit la proposition en question n’exclut pas la conduite de luttes qui, par étapes, vont dans sa direction. Au contraire elle implique l’identification d’objectifs stratégiques d’étape et la mise en œuvre de tactiques efficaces. Se dispenser de ces préoccupations de stratégies d’étape et de tactique d’action, c’est se condamner à proclamer quelques slogans faciles (« A bas le capitalisme ») sans efficacité.

    Dans cet esprit et en ce qui concerne l’Europe une première avancée efficace, qui d’ailleurs se dessine peut être, part de la remise en question des politiques dites d’austérité, associées d’ailleurs à la montée des pratiques autoritaires anti-démocratiques qu’elle exige. L’objectif de relance économique, en dépit de l’ambigüité de ce terme (relance de quelles activités ? par quels moyens ?) lui est d’ailleurs associé tout naturellement.

    Mais il faut savoir que cette première avancée se heurtera au système en place de gestion de l’euro par la BCE. De ce fait je ne vois pas qu’il soit possible d’éviter de « sortir de l’euro » par la restauration de la souveraineté monétaire des États européens. Alors et alors seulement des espaces de mouvement pourront s’ouvrir, imposant la négociation entre partenaires européens et par là même la révision des textes organisant les institutions européennes. Alors et alors seulement des mesures pourront être prises amorçant la socialisation des monopoles.

    Je pense par exemple à la séparation des fonctions bancaires, voire à la nationalisation définitive des banques en difficulté, à l’allègement de la tutelle que les monopoles exercent sur les producteurs agricoles, les petites et moyennes entreprises, à l’adoption de règles de fiscalité fortement progressive, au transfert de la propriété des entreprises qui choisiraient la délocalisation aux travailleurs et aux collectivités locales, à la diversification des partenaires commerciaux, financiers et industriels par l’ouverture de négociations, notamment avec les pays émergents du Sud, etc.

    Toutes ces mesures exigent l’affirmation de la souveraineté économique nationale et donc la désobéissance aux règles européennes qui ne les permettraient pas. Car il me paraît évident que les conditions politiques permettant de telles avancées ne seront jamais réunies en même temps dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce miracle n’aura pas lieu. Il faudra alors accepter de commencer là où on le peut, dans un ou plusieurs pays. Je reste convaincu que le processus engagé ne tarderait pas à faire boule de neige.

    A ces propositions (dont le président F. Hollande a amorcé la formulation, en partie tout au moins), les forces politiques au service des monopoles généralisés opposent déjà des contre-propositions qui en annihilent la portée : la « relance par la recherche d’une meilleure compétitivité des uns et des autres dans le respect de la transparence de la concurrence ».

    Ce discours n’est pas seulement celui de Merkel ; il est également celui de ses adversaires sociaux-démocrates, celui de Draghi, le président de la BCE. Mais il faut savoir – et le dire – que la « concurrence transparente » n’existe pas. Elle est celle – opaque par nature – des monopoles en conflit mercantile. Il ne s’agit donc là que d’une rhétorique menteuse qu’il faut dénoncer comme telle. Tenter d’en aménager la gestion, après en avoir accepté le principe – en proposant des règles de « régulation » – ne mène à rien d’efficace. C’est demander aux monopoles généralisés – les bénéficiaires du système qu’ils dominent – qu’ils agissent contre leurs intérêts. Ceux-ci sauront trouver les moyens d’annihiler les règles de régulation qu’on prétendrait leur imposer.

    Les décisions prises en septembre 2012 pour sortir de la crise de l’euro (mise en place d’un Fonds de Solidarité européen, émission d’eurobonds, rachat de la dette des États par la BCE), non seulement viennent trop tard et ne sont pas – en volume - à la hauteur des exigences, mais encore s’inscrivent toujours dans la stratégie de l’austérité qui en annule automatiquement les effets bienfaisants éventuels ; car l’austérité produira la croissance inexorable de la dette et non sa réduction ; croire le contraire est pure sottise. Conçue pour rester dans le système de la financiarisation, c’est-à-dire de la soumission aux « anticipations » des monopoles généralisés et financiarisés, cette politique de principe est vouée à laisser le champ libre à la spirale descendante de l’implosion.

    De surcroît cette politique de principe repose sur la négation de la souveraineté des États, en l’occurrence des États européens, alors que les conditions pour lui substituer la souveraineté d’un État européen n’existent pas et ne seront pas réunies dans un avenir visible. Or refuser la souveraineté des États, c’est tout simplement lui substituer celle des monopoles, et rien moins que cela. Et sans souveraineté nationale il n’y a plus de démocratie possible, comme les refus répétés de l’Union européenne de prendre en considération les opinions majoritaires, les résultats des élections et des referendums qui déplaisent au capital des monopoles l’ont amplement démontré.

    C’est pourquoi le rétablissement du respect des souverainetés nationales est une exigence pour tous les peuples de toutes les régions de la planète. Sans ce respect, le droit international bafoué laisse la place au « droit » à l’intervention des puissances impérialistes dans les affaires des nations qui refusent de céder aux injonctions du capital des monopoles mondialisés. Sans ce respect des souverainetés, il n’y a aucune alternative démocratique et progressiste de possible, ni en Europe, ni ailleurs.

    Le XXe siècle n’a pas été seulement celui des guerres les plus violentes qu’on ait connues, produites dans une large mesure par le conflit des impérialismes (alors conjugués au pluriel). Il a été aussi celui d’immenses mouvements révolutionnaires des nations et des peuples des périphéries du capitalisme de l’époque. Ces révolutions ont transformé à une allure accélérée la Russie, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine et ont constitué de ce fait la dynamique majeure dans la transformation du monde.

    Mais l’écho qu’elles ont trouvé dans les centres du système impérialiste est demeuré limité pour le moins qu’on puisse dire. Les forces réactionnaires pro-impérialistes ont conservé la maîtrise de la gestion politique des sociétés dans ce qui est devenu la triade de l’impérialisme collectif contemporain, leur permettant ainsi de poursuivre leurs politiques de « containment » (« contenir ») puis de « rolling back » (faire reculer) de cette première vague de luttes victorieuses pour l’émancipation de la majorité de l’humanité.

    C’est ce défaut d’internationalisme des travailleurs et des peuples qui est à l’origine du double drame du XXe siècle : l’essoufflement des avancées amorcées dans les périphéries (les premières expériences à vocation socialiste, le passage de la libération anti-impérialiste à la libération sociale) d’une part, le ralliement des socialismes européens au camp du capitalisme/impérialisme et la dérive de la social-démocratie devenant social libérale d’autre part.

    Mais le triomphe du capital – devenu celui des monopoles généralisés – n’aura été que de courte durée (1980-2010 ?) Les luttes démocratiques et sociales engagées à travers le monde, comme certaines des politiques des États émergents, remettent en cause le système de la domination des monopoles généralisés et amorcent une seconde vague de transformation du monde. Ces luttes et ces conflits concernent toutes les sociétés de la planète, au Nord comme au Sud.

    Car pour maintenir son pouvoir le capitalisme contemporain est contraint de s’attaquer à la fois aux États, aux nations et aux travailleurs du Sud (de surexploiter leur force de travail, de piller leurs ressources naturelles) et aux travailleurs du Nord, mis en concurrence avec ceux du Sud. Les conditions objectives pour l’émergence d’une convergence internationaliste des luttes sont donc réunies.

    Mais de l’existence de conditions objectives à leur mise en œuvre par les agents sociaux sujets de la transformation, il y a encore une distance qui n’est pas franchie. Il n’entre pas dans notre intention de régler cette question par quelques grandes phrases faciles et creuses.

    Un examen approfondi des conflits entre les États émergents et l’impérialisme collectif de la triade et de leur articulation aux revendications démocratiques et sociales des travailleurs des pays concernés, un examen approfondi des révoltes en cours dans les pays du Sud, de leurs limites et de leurs évolutions diverses possibles, un examen approfondi des luttes engagées par des peuples en Europe et aux Etats-Unis, constituent le préalable incontournable à la poursuite de débats féconds concernant « les » avenirs possibles.

    Toujours est-il que l’amorce du dépassement du défaut d’internationalisme est encore loin d’être visible. La seconde vague des luttes pour la transformation du monde va-t-elle de ce fait être un « remake » de la première ? Pour ce qui est de l’Europe, objet de notre réflexion ici, la dimension anti-impérialiste des luttes reste absente de la conscience des acteurs et des stratégies qu’ils développement, quand ils en ont. Je tenais à conclure ma réflexion sur « l’Europe vue de l’extérieur » par cette remarque, d’une importance majeure à mon avis.

    Références

    Cette étude fait référence à des concepts fondamentaux dans mon analyse du capitalisme contemporain et de sa crise, dont j’ai développé l’argumentation (dont seules les conclusions sont reprises ici) dans mes ouvrages les plus récents :

    - Au-delà du capitalisme sénile, 2002 ; Obsolescent Capitalism, 2003.
    - Pour un monde multipolaire, 2005 ; Beyond US hegemony, 2006.
    - Du capitalisme à la civilisation, 2008 ; From Capitalism to civilization, 2010.
    - La crise, sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise, 2008 ; Ending the crisis of capitalism or ending capitalism, 2010.
    - La loi de la valeur mondialisée, 2011 ; The law of worldwide value, 2010.

    Je fais référence tout particulièrement aux concepts de capitalisme des monopoles généralisés, de l’impérialisme collectif de la triade, du capitalisme historique et de ses caractères particuliers – l’accumulation par dépossession, la soupape de l’émigration vers les Amériques qui a permis le déploiement du capitalisme historique, du surplus dans le capital des monopoles et de la rente impérialiste, des deux longues crises structurelles du capitalisme des monopoles et des réponses qui ont été données à la première et de celles qui lui sont à la seconde, du conflit Nord/Sud et de celui qui oppose les pays émergents à la triade impérialiste, des deux longues vagues de luttes et de conflits anti-impérialistes (l’éveil du Sud) et anti-capitalistes (les révolutions socialistes) qui ont occupé le XXe siècle et qui s’amorce au XXIe siècle.

    Voir sur ces questions mes articles de synthèse :

    - “Capitalism, a parenthesis in history”, Monthly Review 2009.
    - “The battlefields chosen by contemporary imperialism”, Kasarinlan Philippine Journal of Third World Studies, 2009.
    - “The trajectory of historical capitalism”, Monthly Review 2011. • Audacity, site Pambazuka 01/12/2011.
    - « Capitalisme transnational ou impérialisme collectif ?”, Recherches Internationales, 2011.
    - “The Centre will not held, the rise and decline of liberalism”, Monthly Review 2012.
    - “The surplus in Monopoly Capitalism and the imperialist rent”, Monthly Review 2012.
    - The South challenges globalization, site Pambazuka 05/04/2012.

    L’analyse critique de la construction européenne et de la gestion de l’euro, objet de cet article, est replacée dans ce cadre global. Pour des développements concernant ces questions, voir :

    - « L’effacement du projet européen » (Au-delà du capitalisme sénile, 2002 ; pages 110 et suivantes).
    - « Les sables mouvants du projet européen » (Pour un monde multipolaire, 2005 ; pages 22 et suivantes).
    - « Le projet européen remis en question » (Du capitalisme à la civilisation, 2008 ; pages 151 et suivantes).
    - L’impossible gestion de l’euro, site Pambazuka 06/07/2010.

    La référence à l’étude concernant l’opinion roumaine a été faite oralement par un participant roumain au Forum Social Balkanique (Zagreb, Mai 2012).

    Par Samir Amin, directeur du Forum du Tiers Monde et président du Forum Mondial des Alternatives.

    Septembre 2012.



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  • Chercher à qui profite le crime.

    Dimanche 30 septembre 2012


    Rouge Midi 137

    Fauchées par des rafales de kalachnikov, retrouvées calcinées ou criblées de projectiles de gros calibre dans leur voiture... Depuis le début de l’année, treize personnes ont trouvé la mort dans une série de règlements de comptes souvent intervenus sur fond de trafic de stupéfiants. Mais si tout cela n’était que l’arbre qui cache la forêt des trafics de bien plus grande envergure !


    « Marseille a un territoire trois ou quatre fois plus grand que Paris et il n’y a que trois cents agents de ville. Aussi, sur la Canebière, on vole et on détrousse les gens en plein jour. Il est évident que cela ne peut plus durer... » C’était en 1907. Le tribun Georges Clemenceau haranguait les députés. Il plaidait pour une police plus mobile, mieux équipée, adaptée à la société moderne. L’année suivante, la police marseillaise était étatisée. Les effectifs augmentaient de 20 % et le budget faisait un bond de 70 %. De quoi rêver. Car si aujourd’hui le discours sur l’insécurité n’a guère évolué en dehors du Grand Paris, de nombreuses villes, par la révision générale des polices voulue par Sarkozy, ont vu les effectifs de la police ou de la gendarmerie fondre de 10 à 40 %.


    « Mais si, à Marseille et alentour, les tueries à l’arme de guerre n’étaient pas le mal lui-même mais le symptôme d’un drame plus profond ? Dans l’ensemble de la région Paca, des magistrats s’inquiètent en privé : pourquoi la police semble-t-elle paralysée face au banditisme ? » [1]


    « Les économies du Nord représentent les plus grands marchés pour les biens et services produits par l’activité criminelle du Sud », souligne Antonio Maria Costa, le directeur de l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), à l’occasion de la parution du rapport The Globalization of Crime : a Transnational Organized Crime Threat Assessment (TOCTA).


    Rouge Midi 138

    « Pourquoi n’y a-t-il plus de grosses saisies de cocaïne en Paca depuis deux ans ? Pourquoi les arrestations de gros truands échouent-elles régulièrement, les policiers faisant irruption à l’aube dans des planques récemment évacuées pour n’y trouver qu’un lit encore chaud ? » [2]


    Répondre à ces questions, ce serait régler le problème de fond alors que se focaliser sur les kalachnikovs, apparaît le plus souvent comme un leurre, les questions importantes se situant ailleurs...


    À qui profite le crime ?


    Le rapport de l’ONU démontre ainsi la dimension mondiale de la criminalité et, accessoirement, le rôle de l’Europe dans ces transferts. Le fait que les produits et les services illicites soient destinés aux plus importants partenaires commerciaux n’est en définitive que la conséquence logique de l’augmentation énorme du volume des flux au plan mondial, le monde « souterrain » devenant inextricablement lié à l’économie globale... et inversement. D’ailleurs, cette capillarité entre l’économie globale et le crime organisé est devenue tellement forte que des actions et des réponses isolées, d’Etats, ne suffisent plus. Et surtout le veulent-ils ?


    « Quant à envoyer l’armée régler la question, qui peut prendre cette proposition au sérieux ? Jamais une armée n’est efficace contre des criminels noyés dans une population complice (l’économie souterraine) ou apeurée (loi du silence). Il ne s’agit pas ici de la bataille d’Alger mais de neutraliser de fort classiques bandes criminelles, face auxquelles une police vite et bien informée est efficace. Et que la police soit vite et bien informée est un problème de choix politique, de gouvernement, puisqu’en France la police est nationale ». [3]


    Sans critiquer les outils traditionnels mis à la disposition des services de lutte contre la grande criminalité et le crime organisé, François Farcy et Jean-François Gayraud, tous deux policiers, plaident dans leur livre [4], pour l’introduction dans la sphère policière et judiciaire, du « renseignement criminel ». Ils veulent en tout cas ouvrir le débat car ils estiment que le renseignement n’a pas pour vocation à demeurer cantonné aux seules menaces anciennes, telles que l’espionnage ou le terrorisme.


    Ainsi, en matière de lutte contre les bandes criminelles le gouvernement pourrait mettre la même ardeur qu’elle met avec les services spéciaux et la police française (mais trop souvent avec des arrières pensées politiques et malsaines) vis-à-vis des islamistes : du renseignement ciblé ! Car, lorsque l’on sera à même de connaître, précisément et assez tôt, ce que prépare le milieu, quand on découvrira qui le protège et qui l’informe, le problème sera en voie de résolution.


    Rouge Midi 139

    Capitalisme et argent sale


    « Force est de constater, même si là n’est pas sa vocation, que la PJ française n’a aucune culture du renseignement, de la documentation et de l’analyse. Elle ne dispose guère davantage de spécialisation poussée sur les dossiers sur lesquels elle travaille. » [5] Comment, dans ces conditions espérer obtenir des résultats ? Pour l’instant nous assistons encore une fois à un défilé de ministres aux décisions toujours plus démagogiques et ce ne sont pas 205 policiers et gendarmes de plus à Marseille qui feront la loi là où la misère fait la sienne. Et ce ne sont certainement pas eux non plus qui desserreront l’étau mafieux qui asphyxie Marseille jusqu’aux plus hautes instances politiques.


    Les jeunes sans travail et peu éduqués qui s’engagent dans ces trafics trouvent le plus souvent la mort au bout du chemin. Cela rappelle les paroles d’une vieille chanson : « Car les brigands qui sont cause des guerres, ne meurent jamais, on n’tue qu’les innocents ». [6]


    Ceux qui profitent réellement de ces trafics sont hors d’atteinte et semblent même protégés. Le seul moyen de véritablement les combattre serait d’interdire les paradis fiscaux où ils blanchissent leur argent sale (Selon le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le blanchiment de l’argent sale est estimé à 1 600 milliards de dollars dans le monde en 2009, soit 2,7 % du PIB mondial). 


    C’est par la lutte contre le blanchiment des capitaux générés par le trafic local de drogue que les incitations à entrer dans ce type d’activité illégale seront ruinées.


    « Paris a déjà fait un premier pas vers la création d’une véritable agence nationale de renseignement criminel, sous l’impulsion du directeur général de la police, Frédéric Péchenard » (Le Figaro du 05/10/2011).


    Pourquoi nos élus ne réclament-ils pas la mise en place d’un véritable service de renseignement criminel sur notre région ? Pourquoi les « affaires » traînent-elles en longueur ?


    L’Union Européenne si prompte à punir les peuples qui ne respectent pas ses règles économiques, malgré quelques effets de manches, semble bien timorée dans ce domaine. Pourquoi ?

    La réponse serait-elle dans la question ?


    la_peniche


    Une lente évolution depuis Borsalino !


    « Marseille a été en fait le lieu de création du premier empire criminel international, de la première globalisation criminelle dans l’histoire du monde. Cette organisation s’est constituée autour du trafic humain, de la prostitution, du trafic de stupéfiant, de la lutte contre les syndicats de dockers et de la complicité des élus locaux. Aujourd’hui à Marseille, il y a autant de règlements de compte qu’il y a un siècle. La situation ne s’est ni dégradée ni améliorée, mais elle a changé. Marseille vit maintenant une guerre de succession. Les grands caïds meurent petit à petit et de nouveaux sont arrivés notamment des caïds de banlieues ».


    Alain Bauer Consultant en sécurité


    [1] Xavier Raufer (essayiste de droite, spécialisé dans la criminalité) in Valeurs Actuelles du 13 Septembre 2012.

    [2] idem

    [3] Idem

    [4] Le Renseignement Criminel, François Fracy et jean-François Gayraud, CNRS Éditions

    [5] Centre Français de Recherche sur le Renseignement.

    [6] La butte Rouge, chanson anti-guerre de 1922 faisant référence à la Guerre de 14/18.


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  • La motion « Droite forte » pourrait bien arriver en tête lors du congrès de l’UMP en novembre. Son fondateur, Guillaume Peltier, est un ancien militant du FN, et un ancien compagnon de route de Bruno Mégret puis de Philippe de Villiers, avant de rallier Nicolas Sarkozy. Son programme : la stigmatisation des « assistés », le contrôle et le fichage des salariés, « fraudeurs » en puissance, ou le démantèlement du Code du travail. Le nouveau visage de la droite extrême et anti-sociale ?

    Poursuivre « la révolution culturelle du sarkozysme » : tel est l’objectif des deux fondateurs du mouvement « Droite forte », Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, secrétaires nationaux de l’UMP. La motion qu’ils présentent pour le congrès de leur parti en novembre – intitulée « Droite forte – Génération Sarkozy » – serait soutenue par 42 % des sympathisants de l’UMP, selon un sondage réalisé par le site Atlantico. Elle devancerait largement celles de Jean-Pierre Raffarin et Luc Chatel (« L’humanisme social, libéral et européen ») ou de Laurent Wauquier (« Droite sociale ») [1] ! Un succès auprès des sympathisants qui doit beaucoup au nom de l’ancien président accolé au titre de la motion. Mais qui n’en demeure pas moins inquiétant pour la future orientation du principal parti conservateur.

    « Le sarkozysme n’est pas pour nous une nostalgie, il est bien plus qu’un héritage. Il constitue le socle de nos valeurs pour l’avenir », clament Guillaume Peltier et Geoffroy Didier. Patriotisme, récompense du travail et du mérite, autorité républicaine, lutte contre les fraudes et l’assistanat... constituent les fondements de cette droite « décomplexée » et « conquérante » que veulent incarner ces deux trentenaires aux dents longues. La clé de la victoire ? « Gagner la bataille de la communication et de la pédagogie à droite. » À coups de slogans simplistes et de recyclage des idées de l’extrême droite.

    Du FN à l’UMP en passant par le MNR, l’UDF ou le MPF...

    « Une droite molle ouvrirait un boulevard au Front national », se défend Guillaume Peltier dans une interview au Figaro. Un FN qu’il connait pourtant bien, pour y avoir milité. À 20 ans, en 1996, il est membre du Front national de la jeunesse (FNJ). Deux ans plus tard, il suit Bruno Mégret dans sa scission et s’engage au MNJ, le mouvement jeune du parti mégrétiste. En 2000, il approche Charles Millon (UDF), ancien ministre de la Défense du gouvernement Juppé, élu en 1998 président de la région Rhône-Alpes grâce à une alliance avec le FN, et qui a créé son propre mouvement : la Droite libérale-chrétienne.

    Après un passage à l’UDF, Guillaume Peltier croise la route de Philippe de Villiers. Il devient secrétaire général de son Mouvement pour la France (MPF) et sera son porte-parole lors de la campagne présidentielle de 2007. Celui que Guillaume Peltier considère comme « une marque nouvelle qu’il faut imposer sur le marché » attirera 2,2% des voix. À cette époque, il traite Nicolas Sarkozy d’imposteur. Avant d’intégrer quelques années plus tard la « cellule riposte » de celui-ci, sous la houlette de Brice Hortefeux. Puis de devenir porte-parole adjoint de Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2012.

    « Continuer à briser les tabous »

    Cinq partis en une décennie et une demi-douzaine de défaites électorales, dans la Marne puis à Tours... Avec Guillaume Peltier, nous sommes plus proches de la médaille de l’opportunisme que de la récompense du mérite et de la loyauté. Interviewé, il reconnaît que les idées qu’il défend « ne sont pas le fruit d’une réflexion menée par différents intellectuels mais [qu’]elles relaient précisément ce que disent les gens dans les bistrots » [2]. Marqué par les « marées humaines de drapeaux tricolores » de la campagne présidentielle, Peltier semble pour le moment prendre racine à l’UMP. Quitte à donner l’impression de mener quelques batailles de retard : sa motion cible comme priorité de « défendre Nicolas Sarkozy face aux attaques caricaturales de la gauche »...

    Le spectre de son mentor plane partout. « Nous ne sommes pas des sous-marins de Sarkozy, » précise Geoffroy Didier, son colistier, qui se décrit comme « sarkozien » et non « sarkozyste »... « Nous ne sommes pas dans le culte de la personnalité mais dans la défense des valeurs. » La Droite forte a tout de même pour slogan : « Le sarkozysme pour fondation, la France pour espérance, l’Europe comme horizon et le peuple comme boussole ». La croisade de Peltier ? « Continuer à briser les tabous et les codes comme il (Nicolas Sarkozy) l’a fait » [3]. Tout un programme.

    Contrôle social et stigmatisation des « assistés »

    La Droite forte aspire à valoriser les « méritants » face aux « profiteurs », pour « protéger les Français honnêtes ». Les « assistés » – comprenez allocataires de prestations sociales, bénéficiaires précaires de la Sécu, salariés protégés, fonctionnaires, et bien évidemment immigrés... – sont donc la bête noire de Guillaume Peltier. La Couverture maladie universelle (CMU) ? Supprimée, « pour mieux aider ceux qui le méritent vraiment » ! L’Aide médicale d’État (AME) ? Supprimée ! Les 35 heures ? Supprimée ! Les fonctionnaires ? A réduire ! Le Code du travail ? A réformer... La Droite forte propose aussi de développer considérablement les contrôles aux arrêts-maladies, par l’instauration de « contre-visites systématiques à l’initiative des employeurs ». « Tout particulièrement dans la fonction publique », précise la motion.

    « Lors de l’expérimentation de 2008, 70% des contrôles des cas de salariés en arrêt-maladie ont donné lieu à une reprise du travail ou à la suspension des indemnités journalières », prétend la Droite forte. Des chiffres loin de correspondre à la réalité. Sur les 1,5 million de contrôles d’arrêt maladie pratiqués par la Cnam (Caisse nationale de l’assurance maladie), un peu plus d’un sur dix se sont révélés « injustifié ou trop long » [4]. A renforcer également : les contrôles pour l’Allocation de parent isolé, l’aide au logement ou l’Allocation de rentrée scolaire « qui donnent lieu à de trop nombreuses fraudes ». Derrière chaque salarié et chaque citoyen se cache un fraudeur en puissance.

    Pour lutter contre ces profiteurs qui accablent la patrie, Guillaume Peltier et ses amis rêvent aussi de ficher les Français, grâce à un fichier national unique des prestations sociales. Et pour optimiser le contrôle social, une carte vitale sécurisée biométrique pour tous les assurés, et une nouvelle carte d’identité – biométrique et à empreinte digitale – avec toutes les informations civiles, fiscales et sociales du citoyen, qui fasse office de carte d’identité, de sécurité sociale, carte de santé, carte d’électeur. Une façon sans doute de parachever la grande œuvre sécuritaire et paranoïaque de Claude Guéant.

    Impôt minimal pour les grands groupes

    Vis-à-vis des « profiteurs du haut » (sic) et des exilés fiscaux, il faut être « intraitable » assure la motion. Eux ne font que « contourner » (re-sic) la loi (à la différence du fraudeur). « Tout déserteur fiscal tenant ses comptes dans un "paradis fiscal" dans le seul but d’échapper à l’impôt français devra, s’il veut garder la nationalité française, payer la somme qu’il doit à l’administration française ». Payer la somme que l’on doit... Voilà de quoi terrifier les 544 grands donateurs de l’UMP, dont 140 résident à l’étranger, « pour l’essentiel dans des contrées où la fiscalité est plus douce qu’en France », a révélé Mediapart, le 25 septembre dernier.

    Rassurons-nous, la Droite forte veut aussi sévir contre les entreprises tentées par l’optimisation fiscale, avec la création d’un « impôt minimal pour les grands groupes », qui « échappent trop souvent à l’impôt ». Les 147 grands donateurs qui « appartiennent au monde de la haute-finance », dont huit responsables de Goldman Sachs [5] en frémissent d’avance.

    « Droite républicaine », marque déposée par Guillaume Peltier

    Un projet qui visiblement ratisse large. Les fondateurs entendent « incarner le courant central de la droite de demain », entre Humanistes (motion de Jean-Pierre Raffarin et Luc Chatel) et Droite populaire (de Thierry Mariani). Le mouvement est soutenu par Brice Hortefeux, président de l’association Les Amis de Nicolas Sarkozy [6]. Dans le comité de parrainage de la motion Droite forte (qui compte 20 hommes et une seule femme !), figure également Édouard Courtial, directeur de la campagne de Jean-François Copé. Mais entre l’actuel dirigeant de l’UMP, et son concurrent François Fillon, les fondateurs de la Droite forte refusent pour l’instant de se positionner...

    Si lors du vote des adhérents de l’UMP, le 18 novembre, la Droite forte réalise effectivement le meilleur score de l’ensemble des motions, elle devrait fortement peser au sein du Bureau politique de l’UMP. Toute motion réalisant plus de 10% des voix peut s’instituer en « mouvement », envoie des représentants au sein de l’exécutif du parti et bénéficie des subventions que perçoit l’UMP. En attendant le congrès, pour marquer son territoire, Guillaume Peltier a déposé en mai auprès de l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle) la marque « Droite forte ». Il récidive en juillet en s’appropriant le monopole de l’expression « Droite républicaine » [7]. A ce rythme, ses adversaires n’auront plus bientôt plus aucun adjectif à apposer sur leurs affiches. Et Guillaume Peltier pourra continuer d’abreuver le parti de sa rhétorique nauséabonde, en préparant le come-back de son idole.

    Agnès Rousseaux

    Photo de une : CC UMP photos via flickr

    Notes

    [1] Avec 42% d’intentions de vote, La Droite Forte de Guillaume Peltier en tête des motions UMP (Atlantico, 27/09/12). Selon ce sondage Atlantico/Opinion Way, réalisé auprès d’un échantillon de 412 sympathisants de l’UMP, la motion Droite forte arrive en tête avec 42% des intentions de vote, devant celle de Jean-Pierre Raffarin et Luc Chatel (21%), celle de Laurent Wauquiez (18%), de Michèle Alliot-Marie (8%), Thierry Mariani (5%) et de Matthieu Schlesinger (1%). Lire aussi : Sondage : "La Droite forte" préférée chez des sympathisants UMP (Le Point, 22/09/12). Seuls les adhérents de l’UMP voteront pour le Congrès.

    [2] Source

    [3] Source

    [4] 13% pour les arrêts inférieurs à 45 jours, 11% pour les arrêts supérieurs. Et cette action a permis d’économiser seulement 0,2% des dépenses de remboursement d’indemnités journalières. Source. La fraude aux prestations sociales a un coût pour la collectivité nettement inférieur à la fraude fiscale qui représente 60 à 70% du manque à gagner.

    [5] Jean-Luc Biamonti (managing director), Charles de Croisset (vice-président Europe), Isabelle Ealet (responsable mondiale “commodities”), Laurent Dupeyron (codirigeant de l’“european equity”), Pierre-Henri Flamand (directeur du “desk global”), Hugues Lepic (banquier associé), Philippe Khuong-Huu (chef du département “global interest rates products”) et le trader Carole Bettane.

    [6] L’objectif de cette association, qui s’inscrit dans une « démarche affective » est « d’aider chacun à construire le jugement que l’Histoire portera sur ces cinq années de reformes majeures pour la France »... Car « un jour, l’Histoire rendra justice à Nicolas Sarkozy ». L’association a le statut de parti politique, et s’est doté d’une association de financement(voir les statuts). Source

    [7] Lire l’article de Rue89

    http://www.bastamag.net


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  • « Le capitalisme ne peut pas s’effondrer, c’est l’état naturel de la société. La démocratie n’est pas l’état naturel de la société. Le marché, oui. »
    Alain Minc [1]

    vive la crise !

    ce n'est pas la crise pour tout le monde !

    « Faut que ça saigne » chantait Boris Vian dans Les Joyeux Bouchers, tel est la devise des bourgeoisies européennes aux prises avec une crise majeure de leur système. Cette crise doit être payée par les exploités tant sur le plan économique que sur le plan politique. Voilà pourquoi s’installe une austérité permanente et une tendance nette à l’autoritarisme. Les travailleurs grecs ont inauguré cette politique avec des plans d’austérité à répétition qui aggravent toujours plus leurs conditions d’existence et avec le limogeage du gouvernement Papandreou décidé par le duo de choc Merkel-Sarkozy.

    Un constat s’impose : tant que le prolétariat ne sera pas écrasé la bourgeoisie sait qu’elle n’a pas gagné.

    Le nouveau traité européen que la majorité du PS et l’ensemble de la droite parlementaire se préparent à ratifier dans un touchant concert, dit traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), condense tous les enjeux de la lutte des classes en Europe. Les mots clés de ce traité sont « stabilité » et « gouvernance ».

     

     La quête de la stabilité

    La recherche de la stabilité, présentée sous ses aspects budgétaires, hante les bourgeoisies membres de l’Union européenne depuis des lustres. Le traité de Maastricht, en 1992, l’explicitait clairement, reprenant, en fait, le traité de Rome de 1957. Ce dernier instaurait un « marché commun » ou « la concurrence n’est pas faussée » [2]. Depuis les origines, ce que l’on appelle abusivement « l’Europe » cherche à se prémunir des mauvaises intentions que le prolétariat pourrait tôt ou tard nourrir à l’encontre du capitalisme. Et pour cela, la discipline budgétaire semble un argument idéologiquement convaincant. Rappelons que quand on nous parle de dépenses publiques il faut entendre la somme des budgets de l’État, des collectivités territoriales et de la… Sécurité sociale. Pour prendre un exemple parlant : combien de contre-réformes des retraites ont été imposées au nom de la discipline budgétaire ?

    L’article 104-C du traité de Maastricht indique que « les États membres évitent les déficits excessifs » et que « la Commission examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée ». La pacte de stabilité de 1997 – que Lionel Jospin a avalisé contre une simple déclaration sur l’emploi alors qu’il s’était engagé à le renégocier – ajoute l’obligation pour les États membres de notifier à la Commission le niveau de déficit et de dette ainsi que le programme pour les résorber. Aujourd’hui, le TSCG fait de l’équilibre budgétaire la règle et des déficits l’exception. Il est toléré un déficit de 0,5% du PIB.

    A titre d’exemple, pour la France, selon la Cour des comptes, en 2010 le déficit était de 5% soit environ 97 milliards d’euros. Le ramener à 0,5% équivaut à trouver la bagatelle de 87 milliards d’euros. Le projet de budget pour 2013 en dégage 30 milliards et fixe l’objectif du TSCG – non encore ratifié – pour 2015. Cela donne une petite idée des futurs sacrifices qu’entraînera la machine infernale que François Hollande vient de mettre en branle.

    Si un État membre n’est pas dans les clous, le traité de Maastricht prévoyait une longue séquence de rapport de la Commission, de recommandations du Conseil des chefs d’États et de gouvernements et en dernier recours des amendes. L’expérience a montré que tout cela n’a pas vraiment fonctionné en particulier pour la France et l’Allemagne. Par contre pour la Grèce, l’Italie ou encore l’Espagne les obligations doivent être remplies. Si l’on prend le cas de la France, le gouvernement de Lionel Jospin avait laissé un déficit public dans la norme fatidique des 3%, durant dix ans – et surtout sous le règne de Nicolas Sarkozy – le déficit et la dette ont explosé. Désormais, le TSCG prévoit des sanctions automatiques. Fini le laxisme !

    Le TSCG introduit deux nouveautés :

    1. Pour que les sanctions ne s’appliquent pas il faut une majorité qualifiée du Conseil qui se prononce contre. Depuis le traité de Maastricht c’est l’inverse (une majorité qualifiée qui se prononce en faveur des sanctions).
    2. Un État membre peut porter plainte contre un autre devant la Cour de justice européenne. La décision de cette dernière est contraignante.

    Le recours à la Cour de justice n’a rien de nouveau. Il s’agit d’une extension du rôle de cette dernière. Selon l’article 177 du traité de Maastricht elle dispose de la capacité d’interprétation des traités et de validation des actes des institutions de l’Union européenne. L’article 171 du dit traité lui accorde le droit de sanctionner tout État membre qui manquerait « à une obligation qui lui incombe en vertu du présent traité. » L’État en question n’a pas d’autre choix que de s’exécuter. En réalité ces disposition découlent de la jurisprudence de cette même Cour. L’arrêt Costa stipule que le « droit né du traité ne pouvait donc, en raison de son contenu spécifique original, se voir juridiquement opposer un texte interne [à un État] quel qu’il soit. » Cet arrêt date du 15 juillet… 1964.

    Aujourd’hui, le TSCG se contente – si l’on peut dire – d’approfondir la tendance lourde au gouvernement des juges et des experts.

    La gouvernance contre la démocratie

    Dans la démocratie classique il existe une forme plus ou moins effective de séparation des pouvoirs. Ces pouvoirs sont identifiables et par voie de conséquence contestables. Pour le capital ce principe est de plus en plus pervers. C’est ainsi que naquit la « gouvernance ». Tout le monde en parle, mais pas grand monde est capable d’en donner une définition compréhensible. Dans leur livre La Ville européenne comme société et acteur, Arnaldo Bagnasco et Patrick Le Galés présentent ainsi la gouvernance : « un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés et incertains. »

    Conclusion. Plus de classes sociales antagonistes, il n’existe que des partenaires qui agissent dans le cadre de valeurs communes. Il s’agit des normes établies par les traités de l’Union européenne et par la jurisprudence de la Cour de justice. Au passage cela implique l’intégration des organisations syndicales et le généralisation du « dialogue social ». L’État, autrement dit « le pouvoir politique » n’est plus « le résumé officiel de l’antagonisme dans la société civile » comme le caractérisait Karl Marx dans Misère de la philosophie [3].

    En somme, si ça marche, le capital aura atteint son objectif ! Son objectif : interdire toute possibilité d’alternative politique et ne permettre qu’une simple alternance gouvernementale. Comme Lionel Jospin en 1997, François Hollande s’inscrit idéologiquement dans cette démarche que le très libéral Alain Madelin qualifiait, en 1992, « d’assurance vie contre le socialisme ».

    Emile Fabrol

    1.- Le Monde du 17 décembre 1994.
    2.- Dans les articles 2 et 3.
    3.- La Pléiade, Œuvres économiques I, page 136.

    http://www.promethee-1871.com


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  • Interlude : dites “oui” à l’Europe, demain ils vous diront merci.

    L’image du haut, c’est une propagande des plus viles, ourdie par l’UDF pour faire avaler Maastricht à ses neuneus d’électeurs. Je l’ai trouvée dans le dernier numéro de l’excellentissime journal Fakir (que je vous encourage bien évidemment à acheter !)

    La photo du bas est tirée de l’avant-dernier billet. Elle est du photographe Samuel Aranda, et elle est parue dans le New-York Times du 25 septembre.

    Un homme averti en valant deux, vous savez ce qui vous reste à faire avec le TSCG. Ah, merde, j’avais oublié, maintenant ils se méfient, et ils ne nous demanderont plus jamais notre avis… C’est bien foutu comme système…

    Fakir dit toujours :à la fin, c’est nous qu’on va gagner. J’aimerais tellement en être sûr…

    http://www.superno.com/blog


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  •  

    Nous étions près de 80 000 à manifester aujourd'hui contre le scélérat traité européen. 80 000 à dire non à une souveraineté nationale en voie disparition. L'austérité tous azimuts prévue par le pacte budgétaire ne trompe plus personne. Et la démonstration de force exercée par le peuple aujourd'hui le prouve : les français ne veulent pas voir la consécration du libéralisme et l'assouvissement de l'Etat français à l'Europe financière.

     

    80 000 à Paris

    80 000 à Paris

    80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris

      80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris 80 000 à Paris


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  • Un traité européen long à traîner pour le gouvernement

    L’examen au Parlement du traité dès ce mardi matin, puis sa déclinaison en loi organique, ne signe pas la fin d’une mobilisation qui prend date jusqu’en 2013, 
avec des rendez-vous européens.

    Des journées agitées, le premier ministre en a encore de belles devant lui, alors que Jean-Marc Ayrault ouvre demain à l’Assemblée nationale une longue et délicate séquence parlementaire consacrée à la ratification et la mise en œuvre du traité budgétaire européen. Car aucune des soixante organisations qui appelaient hier à la manifestation parisienne n’a l’intention de s’en tenir à un quelconque baroud.

    Des députés contre, mais pour

    Au Parlement déjà, les députés du Front de gauche et la majorité des écologistes, ainsi que l’aile gauche du PS, ne laisseront pas passer les débats sur le traité lui-même et sa déclinaison à travers une loi organique. De l’autre côté de l’échiquier politique, le Front national et des souverainistes, comme l’ancien candidat à la présidentielle Nicolas Dupont-Aignan, joueront leur partition. Matignon devrait en revanche bénéficier de la bienveillance de l’UMP et du centre, comme de la grande majorité des parlementaires socialistes qui approuvent ce pacte signé en mars dernier par Nicolas Sarkozy et que François Hollande avait promis de renégocier.

    Le premier ministre a finalement décidé de ne pas demander aux députés un vote sur sa déclaration de mardi, estimant qu’« il n’y a pas d’autre vote à avoir » que ceux sur le traité et sur la loi organique. Le débat sur la ratification du TSCG commencera mardi soir ou mercredi, avec un vote prévu le 9 octobre. La discussion sur la loi organique est prévue le 8 et le vote le 10 octobre. Les écologistes et certains socialistes envisagent de voter contre le premier texte, mais, au prix d’une contorsion certaine, en faveur du second – la loi organique qui crée la structure chargée de contrôler le respect de la règle d’or – au prétexte qu’il est simplement « technique ». Mais pas moins austéritaire.

    Forte opposition au Sénat

    Les deux projets partiront ensuite devant le Sénat, qui examinera le traité à partir du 10 octobre, et la loi organique les 29 et 30. Comme le PS n’y a pas la majorité sans les communistes et les écologistes, les voix de la droite et du centre seront cette fois indispensables. À l’échelle européenne, la mise en œuvre du traité sera l’objet de batailles au Parlement européen sur fond de contestations fortes en Grèce ou en Espagne, tandis que la Commission suggère déjà un autre traité.

    Les forces sociales se feront entendre au-delà des hémicycles. Pour une raison simple, écrit la CGT : « Ce traité préconise des mesures ayant un impact sur la fixation et l’indexation des salaires, les processus de négociation collective, les régimes de retraite, les services de santé et les prestations sociales. » « Ce n’est pas parce que nous avons contribué à la défaite de Nicolas Sarkozy que nous allons nous taire », a prévenu Aurélie Trouvé, la coprésidente d’Attac France. Le 8 octobre se tiendra un meeting européen des forces de gauche à l’espace Reuilly, après un week-end de mobilisation les 6 et 7. Attac évoque aussi une assemblée européenne des mouvements sociaux en novembre à Florence, et un sommet altermondialiste en Grèce au premier semestre 2013.

    Barrage contre l’austérité

    "Le socle de ce qui fait la gauche 
se réunit. Parce que ceux qui étaient dans la rue hier ont 
mis à la porte Sarkozy, ils ne veulent pas le voir rentrer 
par la fenêtre. Cela signe l’impasse dans laquelle s’engage 
le gouvernement, mais aussi les chances sérieuses pour 
que les espérances populaires ne s’y perdent pas."

    Avez-vous assisté à un débat télévisé entre un partisan du oui au traité budgétaire européen et un tenant du non ? Un journaliste critiquant l’austérité forcenée imposée aux peuples européens a-t-il été convié à questionner le premier ministre sur France 2, jeudi soir ? D’autres voix que celles des experts libéraux sont-elles régulièrement conviées sur le plateau de Mots croisés ? Cet unanimisme de caserne – décalqué sur celui qui avait accompagné la tentative d’imposer une constitution européenne en 2005 –, qui fait hélas des médias dominants de grandes muettes, vient d’être déchiré par les dizaines de milliers de manifestants, hier, 
sur le pavé parisien. Que ne leur a-t-on dit pourtant pour 
les en dissuader ! Jusqu’à leur annoncer depuis Matignon une apocalypse où le non au traité ferait « disparaître l’euro »…

    Et pourquoi pas le continent tant qu’on y était ? D’autres encore, parmi les dirigeants du PS, tel Bruno 
Le Roux, tentent de transformer les échanges en un « débat de soutien ou non au président de la République ». Croit-il sérieusement que François Fillon, en proclamant qu’il votera oui, entend appuyer François Hollande ? Voit-il dans les mines réjouies de Jean-Louis Borloo ou de Jean-François Copé une nouvelle dévotion à l’égard du poing et de la rose ou, plus sérieusement, la jubilation de voir le texte signé Sarkozy et Merkel proposé au vote des députés sans 
un changement de mot, 
par un nouvel élu qui s’en disait l’adversaire ?

    La manifestation d’hier est une première 
(et une grosse !) pierre posée pour faire barrage 
à l’austérité. D’autres peuples sont engagés dans la même construction. 
À Salonique et à Lisbonne, à Bruxelles et à Madrid, 
à Athènes et à Amsterdam. Il faut apprécier comme un fait 
nouveau qu’en France, la mobilisation se déroule quelques mois après l’élection d’un gouvernement de gauche que des manifestants de gauche ne veulent pas laisser dériver sous le souffle des marchés financiers. Des commentateurs, sans doute inattentifs, s’obstinent à caractériser les adversaires du traité comme « la gauche de la gauche », une frange marginale en quelque sorte. Ils n’ont donc pas vu l’opposition de l’ensemble des syndicats européens et des plus grandes confédérations françaises, le vote massif des responsables écologistes, le cri d’alarme de Jean-Pierre Chevènement et de ses amis, les critiques de nombreux élus socialistes en dépit des rappels à l’ordre, les analyses des Économistes atterrés, la présence des principales organisations féministes, l’activité d’Attac, les appels de l’Union des familles laïques, du DAL, d’associations d’éducation populaire…

    Le socle de ce qui fait la gauche 
se réunit. Parce que ceux qui étaient dans la rue hier ont 
mis à la porte Sarkozy, ils ne veulent pas le voir rentrer 
par la fenêtre. Cela signe l’impasse dans laquelle s’engage 
le gouvernement, mais aussi les chances sérieuses pour 
que les espérances populaires ne s’y perdent pas. Les mesures d’austérité trouveront des foules pour les mettre en échec afin qu’elles n’engendrent pas la récession qu’elles promettent et qu’elles ne balaient pas sur leur passage les droits sociaux, les services publics et la souveraineté populaire sans laquelle il n’y a pas de démocratie.

    Le débat ne fait que commencer ; il va irriguer 
le pays tout entier. La mise en œuvre d’un vrai changement en France, une refondation progressiste 
de l’Europe sont indispensables à l’immense majorité de 
nos concitoyens, vitales pour beaucoup d’entre eux. 
La haine en uniforme bleu Marine rêve du contraire pour prospérer sur les désespoirs. Quelque chose de la devise 
de la République – liberté, égalité, fraternité – se joue dans 
le combat qui s’engage.

    Le socle de ce qui fait la gauche 
se réunit. Parce que ceux qui étaient dans la rue hier 
ont mis à 
la porte Sarkozy, 
ils ne veulent pas 
le voir rentrer par 
la fenêtre.

    Par Patrick Apel-Muller

     

    Contre le traité européen : après le 30 septembre on continue ! (communiqué unitaire)

    Le succès de la manifestation unitaire de Paris montre une mobilisation en forte progression dans l’ensemble du pays

    L’Assemblée nationale doit se prononcer sur la ratification du traité le mardi 9 octobre. Malgré ce calendrier parlementaire à marche forcée, nous ne lâcherons rien.

    Mobilisations décentralisées

    Nous nous engageons à continuer ensemble la mobilisation “pour une Europe Solidaire et contre le Traité d’austérité”, et pour démontrer l’illégitimité des dettes que les peuples sont contraints de payer.
    Nous appelons d’ores et déjà à un grand week-end d’initiatives décentralisées, dans toutes les villes de France les 6-7 octobre pour rappeler au Président de la République, à son gouvernement et aux élus parlementaires qu’ils doivent écouter les citoyens.
     

    Meeting européen
    Le 8 octobre nous démontrerons à nouveau que notre mouvement dépasse nos frontières avec un grand meeting européen à Paris.
    Il réunira des personnalités syndicales, associatives et politiques européennes représentatives des luttes actuelles contre les politiques de la Troïka et engagées dans la construction d’un Alter Summit, pour une Europe solidaire (sommet alternatif européen prévu au printemps 2013 en Grèce).

    Tout ne fait que commencer : Le traité ne doit pas passer !
    Une Europe solidaire, écologique et démocratique est possible !


    ÉCONOMIQUEMENT ABSURDE

    En imposant l’obligation d’équilibre budgétaire permanent, il va obliger à des coupes drastiques dans les dépenses publiques. Dans le contexte actuel, couper dans les dépenses publiques ne fera qu’accentuer la récession, aggraver le chômage et les déficits. En plus de cela, le Pacte budgétaire prive la puissance publique de moyens indispensables pour mener des politiques permettant d’engager la transition sociale et écologique.

    SOCIALEMENT INSUPPORTABLE

    Les « programmes d’ajustement structurel » aujourd’hui imposés à la Grèce et aux autres pays en difficulté réduisent les protections, accroissent les inégalités et touchent les populations les plus précaires - femmes, jeunes, ouvriers, immigré-es. Loin d’éviter aux pays du Nord de l’Europe de subir le sort de ceux du Sud, ce Pacte entraîne toute l’Union dans une spirale dépressive qui risque de généraliser la pauvreté.

    IL MENACE LA DÉMOCRATIE

    Le Pacte budgétaire prévoit des sanctions quasi automatiques en cas de non-respect. Il marginalise les Parlements nationaux et européen, et fait de la Commission et de la Cour européenne de justice, organismes non élus, les juges des budgets nationaux, niant ainsi la souveraineté populaire. Le refus de la France de ratifier ce traité serait un signal fort envoyé aux autres peuples européens afin d’ouvrir le débat sur la construction d’une autre Europe.

     

    Informez-vous !

    Documents, vidéos, visuels, informations sur les évènements prévus, réunions, meetings ainsi que sur la manifestation unitaire sont disponible sur le site du collectif

    stopausterite.org.

    Interpellez vos députés !

    Une lettre ouverte et un formulaire en ligne sont disponibles pour interpeller vos députés. L’objectif : mettre la pression sur les parlementaires de la majorité présidentielle !

    Signataires : Act-up Paris, Aitec-IPAM, AC !, ANECR, Attac, A gauche par l’exemple, CADAC, CADTM, Cedetim-IPAM, Convergence services publics, CFF (SPUCE CFDT), CGT-Cheminots, CGT Finances, CGT Educ’action, CGT Equipement-environnement, CGT Livres (Filpac), CGT Personnels des Organismes Sociaux, CGT-FSA, CGT UGFF, URIF CGT, CNDF, Démocratie Réelle Maintenant ! Paris, DIDF, Collectif des Associations Citoyennes, Les Économistes Atterrés, Fédération Droit au Logement, Fondation Copernic, Front de gauche - Parti communiste français - Parti de gauche - Gauche unitaire - FASE - République et Socialisme - PCOF - Convergences et Alternative - Gauche anticapitaliste, Femmes Egalité, FSU-Île de France, EPA/FSU, SNAC-FSU, SNASUB-FSU, SNESUP-FSU, SNETAP-FSU, SNUAS FP FSU, SNU Pôle Emploi FSU, SNUITAM FSU, SNUTEFI FSU, SNUCLIAS FSU, EE (Ecole Emancipée) FSU, Jeunes Communistes, Les Alternatifs, Les efFRONTé-e-s, Marche Mondiale des Femmes France, Mémoire des luttes, M’PEP, Marches Européennes, NPA, Osez le féminisme, Parti Fédéraliste Européen, Parti pour la décroissance, Réseau Éducation Populaire, Résistance Sociale, Solidaires Finances Publiques, Solidaires Douanes, Sud BPCE, Transform !, Union Syndicale de la Psychiatrie, Union syndicale Solidaires, UFAL, Utopia.

    Soutiens européens : Corporate Europe Observatory, Movimiento 15M, Parti de la Gauche Européenne, Réseau des Attac d’Europe, Transnational Institute

     



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  •  « Notre priorité est de renverser les discours stigmatisant la précarité, les jeunes et les assistés »

    Alors que le chômage explose en Europe, en particulier chez les jeunes, la notion de précariat, contraction de précarité et de prolétariat, devient de plus en plus d’actualité. Pour le britannique Guy Standing, professeur d’économie et promoteur d’un revenu citoyen pour tous, ce précariat rassemble aussi bien les jeunes diplômés précarisés, les enfants d’ouvriers rongés par l’incertitude que les travailleurs migrants. Il nous livre son analyse sur « cette classe sociale en devenir » et appelle à combattre les discours stigmatisant les « assistés », nouveau terreau de la montée de l’extrême droite.

    Guy Standing est professeur d’économie à l’université de Bath (Royaume-Uni) et membre fondateur du Basic Income Earth Network (Réseau pour un revenu de base universel), une organisation qui promeut un revenu citoyen pour tous. Il a travaillé de nombreuses années à l’Organisation internationale du travail (OIT) et est l’auteur de Précariat - la nouvelle classe dangereuse (2011) et Le travail après la mondialisation : construire une citoyenneté occupationelle (2009).

    Basta ! : La notion de précariat englobe celle de précarité et de prolétariat. Que signifie faire partie du précariat ?

    Guy Standing : Le précariat est un phénomène mondial apparu avec les politiques visant à rendre toujours plus flexible le marché du travail. C’est vivre en situation d’incertitude permanente vis-àvis du travail, du logement, et même de son identité. En plus de ne pas avoir de revenu stable, les personnes faisant partie du précariat n’ont plus le sentiment d’avoir une identité professionnelle, ni de se développer personnellement au travail. Le précariat est en train de devenir anomique dans le sens ou il déstructure, désespère et aliène ceux qui en font partie. Être en situation de précariat, c’est aussi avoir du mal à contrôler son temps. On cherche à l’utiliser rationnellement et de manière productive. Compte tenu des incertitudes dans lequel le précariat est forcé de vivre, cela est très stressant. Les salariés et les élites n’ont souvent aucune idée de la quantité de travail que le précariat accomplit, bien que celui-ci soit souvent inutile, comme par exemple faire la queue pendant des heures, remplir un formulaire, avec l’espoir d’obtenir quelques miettes. Dans le même temps, les riches peuvent s’acheter des conseils et des services.

    La notion de précariat ne recoupe-t-elle pas des réalités et des populations très diverses ?

    Un autre aspect spécifique du précariat est qu’il est actuellement en guerre contre lui-même. Le précariat n’est pas une classe homogène, mais une classe sociale en devenir. Une partie est issue de la classe ouvrière, ou des périphéries urbaines. Pour eux la situation est très frustrante car ils réalisent qu’ils n’auront pas ce que leurs parents ont pu acquérir. Une autre partie du précariat est issue des vagues d’immigration. La troisième population est composée des jeunes éduqués, qui sortent de l’université sans débouchés. Ces derniers souffrent tout particulièrement de la frustration de ne pas avoir de statut. Ces trois groupes ont des consciences sociales très différentes, mais ils sont de plus en plus conscients de partager leur sentiment de précarité avec d’autres groupes, et d’être à part du reste de la société. Ils voient bien que les riches et la bureaucratie vivent sur une autre planète. Pour toutes ces raisons, le précariat est de plus en plus anxieux et se sent en situation d’insécurité croissante. Ce qui est source de colère.

    Pourtant, en Europe, il existe encore un certain niveau de protection sociale ?

    Le cœur du problème est que le précariat n’a pas ou très peu accès aux prestations sociales, si ce n’est les allocations soumises à des conditions de revenus, d’activité ou d’âge. Au bout du compte, ces systèmes n’atteignent que très peu le précariat, qui passe entre les mailles du filet de sécurité. La logique utilitariste du workfare (Travailler en échange d’allocations ou de compléments de revenus, ndlr), qui s’étend en Europe, est de faire payer les coûts d’une certaine protection sociale par ceux là même qui en ont besoin.

    C’est cette même population qui est en permanence qualifiée par la droite d’« assistés » [1]...

    Puisque la politique est un marché qui consiste à dépenser de l’argent pour attirer une majorité de votes, les politiciens jouent sur les préjugés perçus par cette majorité. De même, les médias veulent vendre leurs contenus à une large audience, ce qui les amène à surfer sur les préjugés de leurs lecteurs. À droite comme au centre-gauche, on s’est donc mis à dénoncer une certaine minorité, accusée de se comporter comme des « fainéants » ou des « assistés »... Tant que diaboliser une minorité leur permet de toucher efficacement la majorité, il y aura toujours un politicien pour user de cette stratégie. Au final, c’est toujours l’extrême droite qui en profite le plus, en jouant sur des préjugés grossiers, voire méprisables.

    Quelle alternative à la logique utilitariste du workfare, censée combattre l’assistanat dans lequel se complairait une partie de la population ?

    Poursuivre la logique du workfare se traduira par la montée de l’extrême droite, que nous pouvons déjà constater. La seconde option consiste à donner aux gens un véritable droit à une sécurité financière de base, un revenu de base inconditionnel. Ce revenu accordé à tous permettra de couvrir les besoins de base, et de pouvoir vivre dignement (lire notre enquête sur le revenu garanti, ndlr.). L’avantage majeur de cette sécurité est qu’elle constitue un socle sur lequel nous pourrions tous développer notre potentiel et agir de manière plus responsable et plus rationnelle envers nos proches, nos voisins, nos collègues. On le sait : l’insécurité ronge les esprits, et détruit notre sens de l’empathie. C’est cela qu’il faut renverser. Pour le précariat, le revenu de base permettrait notamment de reprendre le contrôle du temps, et de renforcer le pouvoir de négociation vis à vis des employeurs, de l’administration, des grandes entreprises. Et des femmes vis-à-vis de leur mari.

    Dans le dernier chapitre de votre livre, vous lancez un appel aux politiciens pour qu’ils étudient ces alternatives. Pensez-vous que cet appel sera entendu à temps ?

    Je ne crois pas qu’un élu politique plein de sagesse va apparaître et mettre ces alternatives sur la table. Mais la colère doit être canalisée. Et je pense que les jeunes activistes, issus de l’éducation supérieure, soucieux de l’environnement, du respect des biens communs, ont un grand rôle à jouer. Comme une lame de fond. De plus en plus de gens vont réaliser qu’il faut un mouvement actif provenant de la société civile pour que les politiciens s’occupent des vrais problèmes. La colère peut ainsi être utile si elle force le milieu politique à prendre les bonnes décisions. A moins qu’un mouvement se forme pour défendre la sécurité financière comme un droit, je crains une poussée de fièvre du précariat.

    L’augmentation des émeutes, comme au Royaume-Uni en 2011, et les nouveaux mouvement contestant la mainmise de la finance sur leurs vies et les plans d’austérité en sont-ils le signe ?

    Le mouvement Occupy aux États-Unis et les indignés espagnols ne sont que le début. J’ai été invité plusieurs fois à parler auprès des mouvements Occupy. Selon moi, l’année 2011 n’était que l’année du grand réveil. Les gens sont devenus des rebelles « primitifs » : ils savent maintenant ce contre quoi ils sont, mais ne savent pas encore précisément ce qu’ils veulent. Au moins, cette dynamique a permis à un nombre croissant de gens de se reconnaitre mutuellement comme faisant partie du précariat. Cela va encore prendre du temps avant qu’une véritable convergence ne se fasse, mais je crois qu’elle est en train d’arriver. Maintenant, il faut continuer de travailler pour garder le rythme, se rassembler, et surtout, formuler des demandes concrètes.

    Si le précariat se révolte, n’y a-t-il pas un risque que d’autres groupes sociaux s’opposent à lui ?

    Le risque est faible dans la mesure où de plus en plus de gens sont sur le point de tomber dans le précariat, d’une manière ou d’un autre. C’est pourquoi je crois qu’une forme de solidarité va émerger au-delà des champs sociologiques classiques. En dehors des ploutocrates, qui n’a pas un ami ou proche dans le précariat – ou sur le point de le rejoindre ? Le combat du revenu de base, c’est de parvenir à un changement de tendance, de direction. La priorité est donc de renverser les discours stigmatisant la précarité, les jeunes, les « assistés »... Car c’est cette mystification qui fournit des prétextes à l’establishment pour diminuer la protection sociale tout en augmentant la coercition. Or, c’est là dessus que les partisans du revenu de base peuvent aider à gagner la bataille.

    Vous êtes donc optimiste ?

    J’ai été invité à plus de 100 réunions cette année, dans plus de 24 pays différents. Chaque fois, j’ai senti beaucoup d’énergie chez les gens que j’ai rencontrés. Alors oui, je suis optimiste sur le fait que beaucoup de gens à gauche, chez les écologistes, tous ceux qui se soucient des biens communs, de leurs enfants et de leurs proches, ceux qui sont poussés dans le précariat, pensent qu’il y a forcément une alternative au néo-libéralisme, à l’utilitarisme, et aux politiques coercitives que nous subissons. Nous sommes des millions à vouloir un changement de politique. Maintenant, c’est surtout aux jeunes engagés dans la société d’avoir le courage de nous montrer le chemin, de prendre les idées radicales, utopiques et de les pousser jusqu’à ce qu’elles deviennent soudainement réalistes. Nous devons travailler et utiliser nos talents pour diffuser cette énergie, inviter les gens à s’activer. Bien sûr, il y a toujours une sorte de défaitisme, mais cette énergie peut soudainement devenir très positive. Et beaucoup n’attendent que ça !

    Recueilli par Stanislas Jourdan

    http://www.bastamag.net


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  • Florange : Le CCE confirme l'arrêt de mort officiel des hauts fourneaux

    Le comité central d’entreprise d'ArcelorMittal s'est réuni aujourd’hui pour confirmer la fermeture de Florange. Arnaud Montebourg veut faire pression sur le groupe, mais il a déjà exclu toute idée de nationalisation en faisant valoir notamment que l'Etat "n'a pas d'argent".

    Mise à jour : La direction a bien annoncé "un projet de fermeture définitive de la filière liquide de Florange", ont expliqué les syndicats, l'un d'eux précisant que la direction entendait faire des "investissements sur le train à chaud".

    Le comité central d'entreprise d'ArcelorMittal va signer "l'arrêt de mort officiel de notre usine" de Florgange (Moselle), a affirmé ce lundi matin le délégué FO Walter Broccoli à son arrivée au siège du groupe. La direction devrait annoncer aujourd’hui l'arrêt définitif des deux hauts fourneaux de Florange, à l'arrêt depuis juillet et octobre 2011, et la fin des activités de la "phase à chaud", qui emploient 550 des 2.700 salariés du site.

    L'ensemble des représentants syndicaux, venus participer au CCE qui doit sceller le sort des deux hauts-fourneaux de Florange, ont souligné la nécessité de ne pas scinder le site mosellan. Car si ArcelorMittal veut céder les hauts fourneaux, ils veulent conserver les éléments les plus rentables. Ce qui reviendrait à signer l’arrêter de mort de l’usine : "Ils veulent céder les hauts-fourneaux sans la cokerie. Cela revient à vendre une voiture sans moteur", a expliqué Serge Fuss de la CFDT. "Personne ne rachètera Florange s'il n'y a pas toute l'usine", a confirmé le délégué CFE-CGC.

    Pas de nationalisation

    Chez FO, le responsable syndical a appelé l'Etat à "nationaliser la sidérurgie". "M. Montebourg, ayez un peu de courage", a-t-il lancé devant la presse. Idée d’ores et déjà rejetée par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg,  qui a expliqué que l'Etat "n'a pas d'argent". Il a affirmé en revanche que si ArcelorMittal devait confirmer la fermeture, l'Etat lui donnerait deux mois "pour trouver une solution de reprise".

    "Le mot nationalisation n'est peut être pas satisfaisant", a déclaré de son côté Bernard Thibault sur France Info. Mais, a-t-il poursuivi "je préférerais que de l'argent public qui aujourd'hui est distribué a des grands groupes multinationaux privés soit réorienté au bénéfice d'activités maîtrisées collectivement et publiquement". "Il serait plus opportun de réfléchir à une cohérence de maîtrise de l'ensemble du site compte tenu de la complémentarité des différente activités qui s'y développent" a-t-il ajouté.


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  • Manif_2.JPG150 000 manifestants dans les rues de Lisbonne à l'appel de la CGTP pour protester contre le « vol des salaires et des retraites » orchestré par le gouvernement et la troïka

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Ce samedi 29 octobre, ce sont plus de 150 000 manifestants qui ont répondu à l'appel du syndicat majoritaire, la CGTP, pour protester dans les rues de Lisbonne contre « le vol des salaires et des retraites » des travailleurs portugais.

     

    Depuis deux ans, les travailleurs portugais subissent une cure d'austérité permanente appliquée d'abord par le PS puis par la droite : baisse du salaire des fonctionnaires de 5%, gel des pensions hausse de la TVA de 21 à 23%, privatisation de l'électricité, recul de l'âge de la retraite à 67 ans.

     

    Cet été, le gouvernement a réduit les budgets de la santé et de l'éducation respectivement de 800 et de 600 millions d'euros. Conséquences directes : dans l'éducation, les écoles ferment tandis que 20 000 professeurs se retrouvent sans occupation. Dans la santé, pénuries de lit et de matériel, fuite des infirmiers et médecins vers le privé ou l'étranger.

     

    Au menu de la rentrée, une réforme du code du travail (« un code d'exploitation » pour la CGTP) avec autorisation des licenciements sans motif valable, instauration d'une « banque d'heures » à négocier individuellement avec le patron et enfin le non-paiement des heures supplémentaires.

     

    C'est contre ce programme de guerre contre le monde de travail, ce « pacte d'agression » comme le qualifie le Parti communiste, mis en œuvre conjointement par le gouvernement de droite et la troika (UE, BCE, FMI) que la CGTP, syndicat de classe sous influence du PCP, a lancé cet appel à manifester samedi.

     

    Un gouvernement déjà contraint de reculer sous la colère populaire organisée

     

    Discrédité aux yeux de la population portugaise, le gouvernement de droite de Pedro Coelho a dû reculer sur une de ses mesures les plus injustes : l'augmentation des cotisations salariales de 11 à 18% couplée à la réduction des cotisations patronales de 24 à 18%.

     

    Faire payer aux travailleurs de nouveaux cadeaux destinés aux patronat, la proposition a déclenché une vague d'indignation parmi les travailleurs et les jeunes portugais.

     

    Le 15 septembre dernier, ce sont de 100 000 à 1 million de manifestants, selon les estimations, qui sont descendus spontanément ans la rue exprimer leur colère vis-à-vis de ce projet inique.

     

    C'est confronté à ce potentiel de colère spontanée et les capacités d'organisation de ce mécontentement des organisations de classe existantes, en premier lieu la CGTP sur le plan syndical et le PCP au niveau politique, que le gouvernement a dû reculer.

     

    Une nouvelle victoire partielle pour la CGTP après l'abandon de l'augmentation du temps de travail d'une demi-heure dans le privé, au début de l'année.

     

    La CGTP appelle à l'intensification de la lutte et prépare la grève générale

     

    Car, contrairement à ce qui se produit en Espagne ou en Italie, où un tel potentiel de mobilisation existe et se révèle peut-être même plus massif, le Portugal possède encore un syndicat de classe qui fixe non comme objectif le « dialogue social » mais bien l'intensification de la lutte pour mettre en échec le gouvernement et ses projets.

     

    A la fin de la manifestation de samedi, le secrétaire-général de la CGTP Arménio Carlos, également membre du Comité central du PCP, a donné le ton, celui de la lutte :

     

    « La lutte ne va pas s'arrêter là, elle va s'intensifier jusqu'à que nous ayons atteint nos objectifs », a lancé le dirigeant syndical.

     

    Au lieu de faire payer les travailleurs, Arménio Carlos désigne une autre cible, les riches et le patronat :

     

    « Maintenant, c'est au tour du capital de payer. Il est temps d'aller chercher dans les proches des grandes fortunes qui se sont engraissées sur le dos du peuple et du pays ».

     

    Répondant à l'appel scandé par la foule, Arménio Carlos a annoncé l'organisation prochaine d'une mobilisation de grève générale :

     

    « Ce peuple qui a envahi le Terreiro do Paço, est-il d'accord ou non avec la décision d'une grève générale ? », et Arménio Carlos d'ajouter devant les clameurs de la foule : « Votre réponse est claire, résolue et déterminante. Nous sommes la majorité, et la majorité va se rassembler ».

     

    Le secrétaire-général de la CGTP a annoncé que la date de la grève générale serait rendue publique après la réunion de la Commission exécutive nationale le 3 octobre prochain.

     

    Les communistes à l'avant-garde de la lutte, plus populaires que jamais

     

     

    Les militants du PCP remplissent leur rôle d'impulseur des luttes, influencent le syndicat pour le maintenir sur des positions de classe. Le PCP indique également une ligne politique qui donne une orientation au mouvement et lui indique une alternative :

     

    « Les portugais sont présents ici pour dire qu'ils ne sont pas résignés, qu'il faut un changement. Ils pensent qu'il existe une alternative patriotique et de gauche », a déclaré le secrétaire-général du PCP, Jeronimo de Sousa après la manifestation de samedi.

     

    Selon les derniers sondages, le PCP serait la troisième force du pays, avec un niveau de popularité au plus haut depuis une dizaine d'années.

     

    Derrière les deux forces dominantes, PS et PSD, le PCP serait en troisième position avec 13%, juste devant le Bloc de gauche avec 11% des intentions de vote.

     

    Au-delà des échéances électorales, c'est dans les luttes que les communistes construisent l'alternative à la politique du capital. Une alternative qui passe par la rupture avec les politiques d'austérité menées en alternance par la droite et le PS, la rupture avec l'intégration européenne, machine à broyer les droits démocratiques et sociaux.


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