• Subir les mots du capitalisme financier

    Bernard GENSANE
     

    Le langage se nourrit d’expressions toute faites, d’expressions qui figent ou orientent la pensée et font des locuteurs des handicapés conceptuels : « forces vives », « opinion publique », « insécurité », « fracture sociale ». Boudieu disait qu’elles étaient « sémantiquement à peu près indéterminées, banalisées et polies par l’usure d’un long usage automatique, qui fonctionne comme des formules magiques. »

    Comme l’expliquait Umberto Eco, les humains ont inventé le langage pour dire ce qui n’est pas là. Quand je susurre au téléphone à quelqu’un : « je pense à toi », le seul mot qui renvoie à une réalité vraie, c’est « je ». En effet, rien ne dit qu’à ce moment précis je « pense », ni que je pense à « toi ». À partir de là, tout est possible : un arriviste raciste allemand peut se qualifier de socialiste alors qu’il est le pantin des banques et des grands conglomérats de son pays. Un général très étoilé peut montrer au monde entier une capsule de « poison mortel » alors qu’il tient dans la main de la poudre de perlimpinpin. Et puis un surdoué de l’écriture peut aussi nous raconter l’histoire d’un pauvre type qui « dort » dans un « val ».

    En 2009, une équipe d’universitaires a mis au point un Lexique Usuel Critique de l’Idéologie Dominante Economique et Sociale pour l’Institut d’histoire sociale de la CGT dans lequel elle analysait les mots et expressions forgés ou détournés par les idéologues et les politiques au service de la finance et des entreprises multinationales. Je reprends ici quelques exemples de mots qui nomment les maux.

    Il faut s’« adapter ». C’est en 1964 que l’économiste François Perroux a élargi l’emploi de ce terme aux différentes composantes de l’activité économique qui ne fonctionnent bien que dans « l’adéquation aux besoins de tout en constante évolution. » Certains syndicats, comme la CFDT, se sont adaptés à cette adaptation : « le monde change, changeons le syndicalisme », proclamait la grande centrale. Tandis que ceux qui persistaient à expliquer l’histoire de l’humanité par le biais de la lutte des classes devenaient des dinosaures qui disparaîtraient au profit de ceux qui acceptaient le capitalisme, la flexibilité (et sa forme plus douce, plus scandinave de « flexicurité ») etc. Ces dinosaures étaient bien sûr « archaïques ». Ainsi, la compromission de Bad-Godesberg de 1959 leur faisait horreur parce qu’ils s’accrochaient à des concepts tabous comme les classes sociales ou l’exploitation.

    En serviteurs zélés du patronat français, les idiots utiles réclament jusqu’à plus soif la disparition des « charges » sociales (feignant en fait d’oublier qu’il s’agit de « cotisations », donc de salaire différé). Ce qui « charge » (du bas latin caricare) est un fardeau. Accoler l’adjectif « social » à ce mot, c’est évidemment remettre en cause la sécurité du même nom. Mais comme cela fait exactement trente ans que les responsables patronaux expliquent que les entreprises sont « exsangues », il est impératif que les charges baissent toujours plus.

    Pour faire admettre cette aberration, il faut « communiquer ». La différence entre la communication et l’information est simple : lorsque j’informe, je m’adresse à toi, pour toi ; lorsque je communique, je m’adresse à moi, ma parole ne renvoie qu’à moi. Prosaïquement, faire de la com’, c’est déverser sa propagande, mieux, faire de la « pédagogie ». Disons : mentir. Autre détournement scandaleux car dans « pédagogie » il y a pais, enfant. Ce qui revient à dire que l’on prend le receveur de l’acte de parole pour un enfant.

    Il n’y a pas si longtemps, l’école préférait les têtes bien faites aux têtes bien pleines. Aujourd’hui, on veut ces têtes « compétentes », « qualifiées ». La qualification est devenue individuelle, alors qu’autrefois elle était collective, définie par des négociations entre syndicats et patronat. Les compétences, dans un monde qui « bouge sans cesse » doivent aujourd’hui être constamment « validées » car le monde du travail est devenu instable, « précaire » même.

    L’un des maîtres mots du capitalisme financier est « compétitivité ». Les socialistes au pouvoir en France – comme ceux des autres pays – l’ont repris à leur compte. Il a été traduit en 1960 du mot anglais « competitiveness », lui-même forgé au XIXe siècle pendant la révolution industrielle. Chez les idéologues dominants, « compétitivité » est devenu synonyme de baisse des « coûts » (le travail n’est pas un coût mais il a un prix) salariaux et sociaux. Peu importe que cette baisse entrave la demande, la consommation. Le capitalisme transnational trouvera toujours de nouveaux marchés et de nouveaux travailleurs à exploiter.

    Les « partenaires sociaux » doivent rechercher le « consensus », un compromis « équilibré », le fameux « gagnant-ganant », le win-win anglo-saxon. Ah, ces gentils partenaires sociaux ! Brandis comme des drapeaux de la collaboration, d’une connivence de classe par la CFTC. Tant pis si le compromis débouche sur de la compromission. Le contrat sera préféré à la loi, ne serait-ce que parce que cette dernière est « édictée par une autorité légitimée », alors que le contrat oblitère les rapports de travail. Le contrat place le salarié dans un « rapport de subordination ». L’important reste la pratique du « dialogue social », une expression forgée dans les années cinquante. Le piège de cette pratique est double : « l’illusion d’une communauté de vouloir et l’inéluctabilité de l’entente ». Avec comme corollaire implicite qu’un vrai syndicat est celui qui signe (surtout après une négociation marathon).

    La croissance est devenue un dogme. Lorsque Sarkozy prétend qu’il ira chercher « la croissance avec les dents », il ne précise pas de quoi cette croissance sera faite. Elle ne sera sûrement pas industrielle puisqu’on aura rarement vu autant de désindustrialisation que durant son mandat.

    L’expression « plein-emploi » date de 1949 ; la notion de « sous-emploi » date de 1962. Le concept d’« employabilité » date de 1981, en provenance de Grande-Bretagne (via le Canada) où il était apparu dès 1926. Dès lors que le niveau global de l’emploi est inférieur à la demande d’emploi, les travailleurs sont en position d’infériorité et ils doivent accepter, outre la flexibilité, une vision de l’emploi déconnectée des conditions de la productivité. 60% des intentions d’embauche adressées à l’Urssaf sont des CDD de moins d’un mois. Depuis 2008, Pôle Emploi a pour mission d’« améliorer l’employabilité des personnes ».

    L’un des fondements de la République française est l’égalité. Sous l’influence anglo-saxonne, il lui est préféré le concept d’équité, dont l’objectif est d’organiser la coopération sociale « selon des principes tenant compte des disparités existantes entre les membres d’une même société. » C’est dire que le principe de différence l’emporte sur le principe d’égalité. Les inégalités sont acceptables si elles permettent d’améliorer le sort des plus pauvres. Mais il ne convient surtout pas de penser que les inégalités ont quelque chose à voir avec l’exploitation.

    Depuis quelques années, l’idéologie dominante tend à considérer le concept de fin de l’histoire comme une patate chaude. Elle est bien obligée, même si cette philosophie a eu la vie dure, de reconnaître que l’histoire se poursuit, que la lutte des classes est un processus continuel.

    Dans un article du Monde Diplomatique de 2001, Bernard Cassen mettait en garde contre l’utilisation piégeuse du mot « gouvernance », un vieux mot français remijoté à la sauce libérale anglo-saxonne : « Si peu de citoyens ont une idée précise de ce qu’est cette fameuse « gouvernance », on ne fera pas l’injure aux décideurs de penser qu’ils emploient ce terme sans discernement. Une publication récente, mais on pourrait en citer des dizaines d’autres, atteste qu’il fait partie de leur bagage sémantique ordinaire. Ainsi le Conseil d’analyse économique créé par M. Lionel Jospin vient-il de publier en anglais un ouvrage tiré d’un colloque organisé conjointement avec la Banque mondiale - un partenariat qui met déjà la puce à l’oreille -, et dont la traduction littérale du titre est Gouvernance, équité et marchés globaux. On voit bien dans quel champ lexical se situe le concept...  » La gouvernance implique, dans un esprit responsable, l’acceptation du monde tel qu’il est, une gestion (un management ?) rationnelle, de bon sens, selon des procédures ad hoc, maîtrisées. La gouvernance présuppose l’accord de toutes les parties quant aux fondamentaux. L’un d’entre eux, et non le moindre, étant la logique du profit. Donc dans le cadre d’un État réduit à ses fonctions régaliennes et d’une Fonction publique allégée. La gouvernance est bonne fille car elle s’accommode des délocalisations « financières », des parachutes dorés, du suicide au travail (y a-t-il une différence entre le central téléphonique des années soixante et les centres d’appel d’aujourd’hui ?), des stock options et de la précarisation.

    L’individu est le commencement et la fin de la philosophie du capitalisme financier. Margaret Thatcher fut le premier personnage politique à proclamer ouvertement que la société n’existait pas, et qu’il n’y avait que des individus. L’individualisme va donc s’opposer au primat de la société sur l’individu. Pour le dire un peu grossièrement : « c’est mon choix et je t’emmerde ». Les phénomènes collectifs seront expliqués par le biais des comportements individuels. Les champions de la légende individualiste seront l’entrepreneur, l’actionnaire qui prend des risques. Ils seront repérés dès l’école maternelle par des tests individuels. Dans leur vie, ils jouiront de la plus parfaite liberté, liberté économique principalement. Ils seront « modernes », des poissons dans l’eau dans la grande mer de la « mondialisation ».

    En toute occasion, se prévaloir du « pragmatisme ». Cela nous vaccinera contre le cercle théorie/pratique cher à Marx. Un bon pragmatique n’a que faire de la spéculation, de la théorie, de la révolution. Il sera donc opposé à toute nationalisation, entrave à l’« économie réelle ». Il refusera d’aider les « canards boiteux » sauf s’il s’agit de banques, comme en 2008. Le Monde pourra alors se réjouir que « le pragmatisme l’ait emporté ». Le pragmatique s’en tient au « réel », aux « réalités ». Il s’opposera donc aux « irréalistes », comme ces cheminots français qui ne voyaient pas que leur régime de retraite était « le plus généreux du monde » (Le Point, 2 décembre 1995). Le prurit révolutionnaire (1789, 1830, 1848, 1870) revient à « fuir les réformes et les réalités » (Le Figaro, 1er décembre 1995). Mais ce faisant, comme disait le linguiste Benveniste, le réaliste « se réfère à une réalité qu’il constitue lui-même ».

    Le pragmatique aime la « réforme », mais uniquement quand elle est à la sauce libérale. Autrefois « réformer » signifiait « améliorer progressivement » afin que les conditions de vie du plus grand nombre s’améliorent. Aujourd’hui, réformer revient à s’adapter aux exigences d’un marché qui, lui, est capable de se réformer tout seul, de s’« autoréguler ». Réformer l’hôpital, autrement dit fermer des unités de soins, est présenté comme une nécessité inéluctable, un devoir pour ne pas avoir à fermer – demain – davantage d’unités de soins. Il n’est plus besoin désormais de se demander si une réforme est bonne. Dès lors que ce terme est employé par les libéraux ou les sociaux-démocrates, c’est qu’elle est mauvaise.

    René Mouriaux, André Naritsens (coordinateurs) : Lexique Usuel Critique de l’Idéologie Dominante Economique et Sociale, Paris, Institut d’Histoire Sociale, 2009.

    http://bernard-gensane.over-blog.com/

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    http://www.legrandsoir.info/subir-les-mots-du-capitalisme-financier.html

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  • Espagne. Les familles endettées occupent les banques

    Faits de société samedi 27 octobre 2012
     
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    Espagne. Les familles endettées occupent les banques
     
     

    Colère et désespérance. Les familles menacées d’expulsion multiplient ces derniers jours les actions et manifestations contre les banques, avec l’appui des indignés.

     

    Depuis lundi, une dizaine de familles campent devant le siège de Bankia à Madrid pour réclamer l’annulation de leur dette, et l’accès à un logement social. Pour ces familles, l’expulsion de leur logement ne signifie pas l’annulation de leur crédit immobilier. Ils devront continuer à payer.

    Devant l’indifférence des entités bancaires, les victimes de la bulle immobilière ont investi vendredi après-midi la succursale de Bankia à deux pas de la Puerta del Sol à Madrid. Des actions similaires sont prévues à Madrid et Barcelone les prochaines semaines.

     

    Suicide

    Selon les statistiques du pouvoir judiciaire, le rythme d’expulsions a atteint un record cette année avec une moyenne de 500 familles délogées pour impayés chaque jour, soit 20 % de plus que l’an dernier. Depuis juillet 2008, plus de 240 000 familles se sont retrouvées à la rue. Les chiffres du chômage qui a passé la barre des 25 % cette semaine n’augurent pas la baisse de ce chiffre. Ces expulsions ont conduit pour la première fois mardi dernier à un geste désespéré. José Miguel Domingo Aguila, marchand de journaux à Grenade, âgé de 54 ans, s’est donné la mort à son domicile le jour précédent la date de son expulsion.


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  • Congrès du PS : 1200 personnes manifestent pour demander "le changement c'est pour quand ?" ; les communistes remettent une lettre de Pierre Laurent à Harlem Désir

    Des centaines de salariés, syndicats et politiques de gauche ont manifesté devant le congrès du PS, à Toulouse. "Le changement, c'est pour quand ?" demandait la banderole de tête.

    A Toulouse, en marge du congrès du parti socialiste où se trouvent de nombreux ministres dont Jean-Marc Ayrault, près de 1200 manifestants ont défilé pour demander au gouvernement socialiste: "Le changement c'est pour quand?". C'était en tout cas la question posée par la banderole de tête tenue à la fois par des syndicalistes de la CGT, de la FSU et de SUD et par des militants politiques du Front de Gauche ainsi que du NPA ou d'Attac. L'intersyndicale (CFDT-SUD-CGC-CGT-FO) de Sanofi était en tête du cortège avec près de 300 des salariés du laboratoire pharmaceutique qui luttent depuis juillet contre la menace d'une fermeture de leur établissement toulousain. Les mots d'ordre y étaient plus syndicaux, même si on voyait une pancarte: "Montebourg assume ton ministère !".manif-Hollande-copie-1.jpg
    Plusieurs dizaines de salariés de France3 Midi-Pyrénées s'étaient joint au défilé pour dénoncer un plan d'économies qu'ils jugent suicidaire. "Sauvons les régions" et "France 3 plus loin de chez vous", clamaient leurs banderoles.
    Le gros du reste de la manifestation était composé de militants du Front de gauche --membres du Parti de Gauche ou gauche unitaire. Pendant ce temps une délégation du parti communiste français,  conduite par la présidente du groupe CRC au Sénat Eliane Assassi, remettait une lettre de Pierre Laurent (la lettre est reproduite ci-dessous) au nouveau secrétaire national des socialistes, Harlem Désir.
    Les manifestants ont défilé en ville dans un quartier proche du Parc des expositions où le congrès socialiste se déroule en présence de nombreux ministres, mais ils n'ont pas tenté de s'en approcher trop près.

     

    Une délégation du PCF conduite par Eliane Assassi, présidente du groupe CRC au Sénat a été reçu par Guillaume Bachelay ce samedi midi au congrès du Parti socialiste. A cette occasion cette lettre de Pierre Laurent lui a été remise pour Harlem Désir, le nouveau premier secrétaire du PS. Une réunion PCF-PS devrait se tenir d'ici une quinzaine de jours.

     

    Cher Harlem,
    Retenu   à   Paris   ce   week-end   pour   deux   importantes   réunions   du   Parti   de   la   Gauche Européenne   que   je   préside   –   son   conseil   des   présidents   et   une   réunion   exceptionnelle   de parlementaires et élus européens, le « Parlacon » – je ne peux répondre à votre invitation au Congrès.   Eliane  Assassi,   présidente   du   groupe   CRC   au   Sénat   et   membre   de   la   coordination nationale de notre parti, conduira cette délégation, également composée de Francis Parny et Marie-Pierre Vieu, membres de notre exécutif national, et de Pierre Lacaze, secrétaire départemental de la Haute-Garonne.

    Votre congrès se déroule, nous en avons conscience, dans un contexte inédit depuis 10 ans : celui de la victoire de la gauche aux élections du printemps 2012 et celui d'une crise exceptionnelle du capitalisme financier, de la zone euro et de l'Union européenne. Le Parti communiste français et ses partenaires du Front de gauche ont, en rassemblant plus de 4 millions de voix, contribué à tourner la page du sarkozysme en France. Reste pour la gauche à tourner celle de cette crise en France et en Europe.

    Le redressement de notre nation et la réorientation profonde de l'Union européenne, par une politique de combat contre le capitalisme financier et pour le monde du travail, pour une société de solidarité et de justice sociale, sont l'urgence pour engager une sortie de la crise. L'austérité et toutes les vieilles recettes patronales de compétitivité basées sur l'écrasement du « coût du travail » sont une impasse. Les derniers chiffres, alarmants, du chômage le confirment s'il en était encore besoin.
    C'est ce que nous ont dit les Françaises et les Français en votant pour le changement et la rupture avec les années Sarkozy. Il serait désastreux de les décevoir. Les communistes veulent rendre le changement possible et feront tout ce qui peut-être utile au rassemblement et à l'action pour qu'il advienne.

    La droite et le grand patronat, sonnés par la défaite de leur champion, sont vite remontés sur le ring. Ils refusent le verdict issu des urnes et mènent une offensive quotidienne qui vise à maintenir les choix gouvernementaux sous la pression constante des marchés financiers, des grands groupes, de leurs exigences de rentabilité, de la Troïka européenne et des lobbies des plus gros actionnaires.
    Il nous paraît possible d'y résister et d'engager la France dans la voie du redressement social et productif, écologique et démocratique en s'appuyant sur la volonté populaire de changement, sur la mobilisation des forces sociales, citoyennes, syndicales et politiques disponibles.
    Or, comme tu le sais, nous sommes pour le moment inquiets du cours pris par la politique gouvernementale.   La   ratification   du   traité   européen   sans   véritable   renégociation,   l'austérité budgétaire programmée pour l'Etat, la protection sociale comme pour les collectivités locales, le manque de combativité et de vision alternative face aux licenciements boursiers et aux plans massifs de suppressions d'emplois, l'absence d'ambition pour les services publics, la politique industrielle et énergétique, le renoncement au droit de vote des étrangers... tout cela nous préoccupe au plus haut point.

    Notre attitude est claire. Notre combat est en totale opposition à la droite et à l'extrême-droite. Avec le Front de gauche, nous avançons d'autres solutions et voulons convaincre la gauche qu' elles seraient plus efficaces à sortir notre peuple et notre pays de la crise. Nous appuyons tout ce qui va et ira dans le sens du changement voulu par les Français. L'ostracisme   à l'égard de nos propositions n'est pas une bonne méthode, il est même un des problèmes de la situation actuelle. C'est dans cet état d'esprit que travaillent notre parti et nos militants, nos élus à tous niveaux, nos parlementaires.

    J'espère que nous aurons l'occasion d'en parler de vive voix, ainsi qu'avec nos camarades d'Europe Ecologie Les Verts.  Nous souhaitons le débat et la confrontation constructive.
    Sois assuré, Cher Harlem, de mes salutations fraternelles.

    Pierre Laurent, Secrétaire national du PCF


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  • Jean-Louis a 59 ans. Chômeur depuis février 2009, il vit avec 525 € par mois. Aujourd'hui à bout, il sort de sa réserve pour témoigner...


    «En un an, j'ai envoyé 852 demandes d'emploi. J'ai reçu 51 réponses, obtenu 28 entretiens pour décrocher au final 1 job d'un mois...»

    Attablé dans ce qui lui sert à la fois de cuisine, de bureau, de pièce à survivre, Jean-Louis Dubois, un Ariégeois de 59 ans, feuillette ce fameux cahier d'écolier dans lequel il a tout consigné avec la méticulosité et l'écriture d'un premier de la classe. Ses douze inscriptions dans des agences d'intérim, ses 10 inscriptions dans des boîtes de gardiennage, des pompes funèbres. Et puis, noir sur blanc, il a noté toutes ses demandes aux employeurs potentiels qui ne condescendent que rarement à lui répondre. Noté les visites aux secrétaires à la bêtise hautaine, méprisantes souvent, véritables pare-feu qui, lorsqu'elles ne vous signifient pas d'aller voir ailleurs, jettent négligemment votre CV comme s'il s'agissait d'un papier gras en bout de bureau ou vous raccrochent au nez comme on vous foutrait une main en pleine gueule.

    À première vue comme ça, Jean-Louis est un type normal, simple, posé, à la politesse des humbles et le salut toujours amical. Un type en apparence sans histoire, et pourtant. Jean-Louis est un AZF social à lui tout seul. Un à un, les fils de son parachute social ont lâché sans qu'il ait le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait. Un licenciement chez Tecknal à Toulouse en octobre 2005 d'abord et c'est le début de la chute vertigineuse, pas de celle dont on fait un record et la une des journaux. Pas de boulot, et c'est le fil du ménage qui lui pète à la gueule et sa vie de couple qui part en torche, puis la banque qui lève la herse de l'interdiction bancaire, EDF qui coupe le compteur et les dernières lueurs d'espoir. Sans compter les amis qui tournent les talons, la famille qui prend ses distances et les huissiers qui eux, ne vous lâchent plus. Les impayés de loyer qui s'accumulent et la rue pour seule perspective d'avenir.

    Mais Jean-Louis n'est pas de ceux qui font le siège des bureaux de l'assistance sociale. Lui, ne veut pas faire l'aumône d'une aide palliative. Lui, c'est un job qu'il revendique pour se sortir de ce merdier sans nom. Lui qui a commencé à travailler à l'âge de 16 ans parce que son père lui a appris «la valeur du travail pour être un homme digne et debout», la fameuse «méritocratie»... «J'ai fait 27 métiers dans ma vie. Avant, on vous aurait dit "vous êtes sacrément compétent, Monsieur !" Aujourd'hui, on vous traite carrément d'instable ! Mais je ne veux pas faire de bruit, car j'espère dans le lendemain. Je veux travailler. Le travail c'est un socle. Mais je n'attends pas, j'ai demandé partout, même là où les gens ne veulent pas faire. Je force les portes parfois. Je combats jusqu'à l'extrême limite de mes forces !» témoigne avec dignité Jean-Louis.

    La «limite de ses forces», c'est 17 kg perdus en 6 mois, 144 euros par mois pour se nourrir. «Des fois, je passe 5 jours sans manger» témoigne-t-il, mal à l'aise car sa pudeur en souffre, avant de se reprendre : «Je suis un petit dans ce pays mais mon but c'est de trouver du travail… c'est ce qui me sauverait.» Enfant de Pamiers, Jean-Louis se souvient de son enfance et se souriant à lui même évoque ses amis sur le banc de l'école qui aujourd'hui sont pour certains, élus à la Ville. «Je connais du monde mais je n'ai jamais osé en parlé… Des fois, y'a des gens que tu croises dans la rue la tête basse… Ils hurlent en silence.»

    (Source : La Dépêche du Midi)

    http://comite.de.prives.d-emploi.et.precaires.cgt.ales.over-blog.fr/


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  • ♫ ♫ 75 ans, et toujours jeune grâce à ses cheminots et à ses usagers qui veulent la garder.

    http://www.crrl.fr/archives/Cheminots/01_afficheSNCF%20copie.gif

     


    Au risque de ne pas surprendre, de celui d'irriter les censeurs, La Canaille, avec satisfaction, relaye un communiqué de la fd CGT des cheminots.

     

    FÉDÉRATION CGT DES CHEMINOTS 

     75 ANS  DE LA SNCF

    Un show…business
    contre le service public

    En février 1937, la fédération CGT des cheminots et son secrétaire général de l’époque Pierre Semard (fusillé par les nazis le 7 mars 1942), face à l’importance de la question des chemins de fer et des transports pour notre pays, tant par suite des déficits des compagnies que de « la politique du laisser-faire et à la petite semaine pratiquée au regard de la concurrence entre moyens de transports » revendiquaient en visionnaires la nationalisation des moyens publics de transports (ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et aériens).

     SERVICE PUBLIC SNCF : UNE EXIGENCE DE PLUS EN PLUS MODERNE

     La création de la SNCF le 1er janvier 1938, détenue à partir de là à 51% par l’Etat (les 49 % restants appartenant aux riches actionnaires des sociétés financières ayant succédé aux six anciennes compagnies) était un premier élément de réponse à la revendication CGT d’aller vers « un seul service public de transports au service du seul intérêt général ». Il faudra cependant attendre plusieurs décennies avant que l’Etat ne devienne l’unique propriétaire de la SNCF.

    75 ans plus tard, sur fond de crise économique et sociale qui renforce la nécessité de maintenir le lien social et la citoyenneté, cette revendication est toujours aussi moderne qu’indispensable.

    D’autant que les tentations sont grandes d’opérer un catastrophique retour en arrière sur la conception même du chemin de fer afin de répondre à des ambitions personnelles de dirigeants zélés, d’offrir le ferroviaire en pâture aux mêmes élites financières hexagonales et européennes qui conduisent au délitement économique et social de notre société plutôt que de répondre aux besoins essentiels de nos concitoyens.

     La concurrence à laquelle se livrent depuis plusieurs mois Guillaume Pépy et Hubert Du Mesnil, respectivement présidents de la SNCF et de RFF, pour savoir lequel d’entre eux remportera le Graal auprès du Ministère des transports, tourne en réalité à l’acharnement contre le service public SNCF, ses personnels et les usagers.
    Un acharnement qui autorise toutes les dérives, toutes les pressions, tous les chantages.

     Dans son discours de Cannes, devant un parterre de 700 managers, le Président de la SNCF a multiplié les chantages en direction principalement de la CGT qui serait à ses yeux responsable si sa proposition d’organisation du système ferroviaire venait à ne pas être retenue par le Gouvernement.

    Un show…business contre le service public

    Il y a 75 ans, en promulguant un décret-loi le 31 août 1937 qui allait créer la SNCF, l’Etat venait à la rescousse d’un chemin de fer français moribond que les riches propriétaires des compagnies privées de l’époque avaient conduit à la faillite. Comme il y a 75 ans, alors que nous sommes à la croisée de décisions historiques qui vont structurer l’organisation du système ferroviaire pour des décennies, la CGT se mobilise pour construire une réponse durable aux besoins de transports.


    Se présentant pour la peine comme seul garant d’une culture d’ouverture et de la continuité de l’histoire de l’entreprise, le Président de la SNCF n’hésitera pourtant pas à s’arranger avec l’histoire pour commémorer en grande pompe ce qu’il appelle « les 75 ans de SNCF ». Comprenez du Groupe SNCF et non de la SNCF comme ce fût en réalité le cas.

     Ce reniement de l’histoire s’inscrit dans la croisade pour la transformation du service public SNCF, voulue et accélérée ces dernières années par Guillaume Pépy et Nicolas Sarkozy vers un grand groupe capitalistique pour transférer l’utilisation de l’argent public de la réponse aux besoins vers l’enrichissement privé.

     LE BESOIN D’UN CHOC DE QUALITÉ

     Un processus de transformation qui trouve sa traduction dans le schéma d’organisation ferroviaire proposé par G.Pépy. Un schéma qui conduirait certes à une réunification de l’infrastructure mais dans un groupe de filiales privées et privatisables, qu’il se verrait bien diriger. Ce qui dissocierait de fait, à l’instar de la proposition du Président de RFF, la roue et le rail indissociables pour une production ferroviaire efficace et sûre et concrétiserait à terme le processus de privatisation rampante que dénonce la fédération CGT des cheminots depuis 2003.

     Si les directions de la SNCF et de RFF veulent tenir la main du Ministre des Transports pour écrire en «mode business» l’avenir du transport ferroviaire de marchandises et de voyageurs en France, la CGT et les cheminots qui se sont largement mobilisés par la grève le 25 octobre 2012 ne l’entendent pas du tout ainsi. Le show opportuniste que la SNCF organise le 30 octobre 2012 pour célébrer les «75 ans de SNCF» alors qu’elle avait tout fait pour célébrer le plus silencieusement possible les 70 ans de la création de la SNCF participe de cette ambition.


    Décelant dans les politiques salariales et de l’emploi de l’entreprise les signes avant coureurs des conséquences directes qu’auraient demain les pressions sur « le coût du travail » tant souhaité par la direction, les cheminots ont montré leur volonté de faire pencher la balance dans le camp du service public et des conditions sociales de très haut niveau indispensables pour assurer une production ferroviaire de qualité.


    Ce n’est effectivement pas d’un «choc de compétitivité» qui aggraverait la capacité de la SNCF à répondre aux besoins de déplacement des biens et des personnes dont la collectivité a besoin, mais au contraire d’un «choc de qualité».
    Pour la CGT, cela passe obligatoirement par une réforme qui engage un retour à une entreprise publique unique et intégrée, qui permette de mutualiser les ressources, par une mise à disposition de moyens nouveaux afin de garantir un service public de qualité répondant mieux aux besoins tout en s’adaptant aux exigences croissantes de déplacements, aux enjeux d’aménagement du territoire et d’environnement.


    L’avenir du ferroviaire n’appartient ni à Guillaume Pépy, ni à Hubert Du Mesnil, ni au gouvernement, ni aux technocrates européens. Il appartient à la Nation. C’est aux citoyens de décider de son avenir.
    Il faut sortir le débat des cénacles d’ «initiés ».

     La CGT met au cœur de ce débat une proposition novatrice qui permettra de développer un mode ferroviaire propre, économique, fiable, sûr, capable de répondre aux besoins croissants de transports des biens et des personnes, à une ré industrialisation indispensable et un réaménagement équilibré et harmonieux des territoires.

    Montreuil, le 26 octobre 2012

     

    Ben oui, soyons clair. Autant La canaille arrive à pester sur ce qui lui paraît des insuffisances dont il faut débattre, des besoins de plus de radicalité à disccuter aussi , dont celui de sortir des impasses de la CES, autant chaque jour il mesure combien l'action de la fédération CGT des cheminots  participe à sa place à contrer la contre révolution ultra libérale.

    Et même si le mieux est sûrement, et de façon indispensable, possible, ce communiqué mis en ligne à la veille d'un changement d'heure (et dans la profession cela fait évènement) permet de prendre date pour remiser TOUS les tenants des pratiques en cours aux archives et porter par la citoyenneté des salariés et des usagers l'éclosions d'un autre avenir du Servce Public.

    Pas pour ne porter que la mémoire de Pierre Sémard, ce qui dans la période est déjà plus que nécessaire, mais confirmer avec nos moyens de 2012 qu'en 1937 il avait déjà raison.

    http://www.vireux-rive-gauche.fr/public/mc/.Pierre-Semard-portrait_s.jpg

    Par canaille le rouge


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  • wallst.jpg

    Aux États-Unis, les grandes firmes et les millardaires décident du futur président à coups de centaines de millions de dollars

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Si les élections aux Etats-unis ont toujours été une affaire d'argent, le financement privé des candidats à la présidentielle américaine ne connaît désormais plus de limites. La campagne actuelle devrait dépasser le milliard de dollars, et selon certaines estimations pourrait atteindre entre trois et six milliards de dollars.

     

    En septembre 2012, un rapport de la Commission mondiale sur les élections, la démocratie et la sécurité de l'ONU pointait du doigt dans les régimes libéraux occidentaux, en premier lieu les États-Unis, l'influence croissante de « financements dérégulés, secrets, illégaux et opaques », tendant à vider de leur sens les institutions démocratiques.

     

    Aux États-Unis, depuis un arrêt de la Cour suprême de 2010, les dons de particuliers, associations, entreprises ne sont plus plafonnés. Au nom de la liberté d'expression.

     

    Des dons privés dépassant déjà l'intégralité des dons depuis plus de vingt ans

     

    Par le biais des « super PAC » (Comités d'action politique), les grandes entreprises et les milliardaires du pays peuvent désormais financer en toute légalité les campagnes des deux principaux candidats.

     

    Là où hier les grandes entreprises devaient contourner les limites légales (30 000 $ par an et par candidat) pour investir plusieurs centaines de milliers dans les campagnes électorales, leurs dons se chiffrent désormais à plusieurs millions de dollars.

     

    Selon le dernier rapport de la Commission électorale fédérale (CEF), les dons privés, prélevés par les super PAC ou d'autres associations du même type, s'élèvent à 500 millions de $ depuis le début de la campagne. Plus que l'intégralité des dons collectés depuis 1990.

     

    Dans leur ensemble, les campagnes officielles du président Barack Obama et de Mitt Romey leur ont permis de collecter 915 millions de $ et de dépenser 756 millions de $, a indiqué la CEF. La campagne Obama a coûté à ce jour 462 millions de $, celle de Romney 294 millions.

     

    Une lutte entre fractions du grand capital américain

     

    Les richissimes donateurs injectent plusieurs millions de dollars dans la campagne.

     

    Côté républicain, le magnat de l'immobilier Bob Perry a donné 10 millions de $ à Romney, le propriétaire de casinos Sheldon Anderson 5 millions. Les dix premiers donateurs particuliers ont versé 30 millions de dollars pour la campagne de Romney.

     

    Du côté d'Obama, le patron de presse de Chicago Fred Eychaner (3,5 millions) ou le responsable de Dreamworks Jeffrey Katzenberg (3 millions) ont également contribué à cette campagne. 25 millions de $ ont été récoltés auprès des dix milliardaires les plus généreux parmi les soutiens du camp démocrate.

     

    Dans l'ensemble, selon le Center for responsive politics, Barack Obama peut compter sur le soutien officiel des entreprises de haute technologie (Microsoft, Google, IBM), du divertissement (Warner), de la grande distribution (Wal-Mart) mais aussi de certains fonds de pension privés.

     

    Mitt Romney bénéficie lui cette fois d'un soutien massif de Wall Street, avec l'appui des secteurs financiers, bancaires (Goldman Sachs, JP Morgan, Crédit Suisse) et immobiliers (52 millions de dons officiels). Les secteurs de l'énergie (pétrole texan, charbon, General Electrics) et de la santé privé figurent également parmi les principaux appuis financiers.

     

    En 2008, le soutien massif du secteur bancaire et financier qu'Obama avait joué un rôle significatif dans son accession à la tête du pays.

     

    A noter néanmoins que nombre de grandes entreprises américaines donnent à la fois le candidat démocrate et le candidat républicain pour mieux couvrir leurs arrières et s'assurer que leurs affaires continuent (« business as usual ») quel que soit le candidat élu.

     

    Parmi les entreprises repérées par le Center for responsive politics : l'entreprise de conseils Deloitte ou encore une banque comme JP Morgan.

     

    Un combat entre multi-millionnaires

     

    La campagne est également un combat entre multi-millionnaires. Un affrontement gagné haut la main par Mitt Romney, dont les 250 millions de $ de fortune personnelle contrastent avec les 8 millions de $ de la famille Obama.

     

    A l'heure actuelle, près d'un congressiste américain sur deux (250 sur 535) est millionnaire, selon les chiffres du Center for responsive politics.

     

    Le revenu médian net d'un sénateur américain est de 2,6 millions de $, un chiffre relativement plus élevé côté démocrate (2,8 millions de $) que côté républicain (2,4 millions de $).

     

    Parmi les cinq congressistes les plus fortunés, l'ancien candidat démocrate à la présidence, prédécesseur d'Obama, John Kerry dont la fortune est estimée à 230 millions de $.

     

    Sources de départ : CubaDebate, Avante, ML Today, Center for responsive politics


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  • Un gouvernement qui marche sur la tête…


    La croissance du produit intérieur brut (PIB) de la France pour 2013 reste un sujet de dissension entre le gouvernement et les économistes. Le premier maintient, officiellement, sa prévision d’une croissance faible, mais positive, de 0,8 %. Il a fondé le calcul de son budget sur cette prévision. Cependant nombre d’officiels admettent, en privé et sous réserve de ne pas être cités, que l’on sera « quelque part » entre 0,5 % et 0,3 %. Ceci est cohérent avec calculs réalisés par diverses institutions.

     

    Prévisions pour 2013

    FMI (octobre 2012) [1] : 0,4 %
    - OCDE (mai 2012) : 1,2 %
    - Commission européenne (mai 2012) : 1,3 %
    - Gouvernement (septembre 2012) : 0,8 %
    - Consensus (octobre 2012) : 0,3 %|

    On peut déjà noter qu’un réajustement a eu lieu entre les prévisions de l’OCDE ou de la Commission européenne - qui datent du printemps dernier - et celles du FMI - publiées en octobre, mais faites fin août et début septembre - et enfin du « consensus des économistes », réalisées au début du mois d’octobre. On constate que plus tardive est la prévision, plus mauvais en est le résultat. Cela n’a rien d’étonnant, la France étant clairement sur une pente d’entrée en récession. Les derniers résultats impliqueraient que sans mesures fiscales supplémentaires - pour l’instant exclues par le premier ministre - l’objectif des 3 % de déficit budgétaire pour 2013 ne pourra être tenu. Des personnalités de premier plan, comme le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone [2], ont déjà lancé des ballons d’essai sur ce point. Mais la réalité risque de se révéler bien plus sérieuse qu’un écart de 0,5 % entre les prévisions et le résultat définitif.

    Facteurs positifs et négatifs

    Commençons par un inventaire des facteurs qui vont peser sur la croissance.

    (a) L’ajustement budgétaire et fiscal.

    Cet ajustement doit porter sur 30 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB. L’impact sur la croissance dépendra bien évidemment du « multiplicateur des dépenses publiques » [3]. On sait que ce dernier oscille de 0,7, dans les modèles utilisés en prévision, à des valeurs constatées (et non prévues) de 1,7 à 2,2 dans les cas de l’Espagne et de l’Italie. Si la valeur effective du multiplicateur n’est que de 1,2, cela signifie qu’une conjonction de hausse des impôts et de baisse des dépenses de 1,5 % du PIB devrait entraîner une contraction de 1,8 % de ce dernier.
    Si la valeur du « multiplicateur » atteint 2 (intermédiaire entre la valeur observée sur l’Espagne et sur l’Italie), c’est à une baisse de 3 % de la croissance qu’il faut s’attendre. Ces projections, appliquées à la prévision réalisée en mai 2012 par l’OCDE impliquent une contraction de l’activité en 2013 comprise entre -0,6 % et -1,8 %.

    (b) L’impact des politiques d’austérité menées dans les autres pays

    Les pays dans le voisinage immédiat de la France (Espagne, Italie, Grande-Bretagne) conduisent aussi des politiques violentes d’austérité. Ceci devrait avoir un effet très négatif sur les exportations françaises en 2013.

    (c) La contraction de la demande intérieure

    Par ailleurs, la contraction de la demande intérieure risque d’être plus élevée que prévu car, avec la détérioration rapide de la situation de l’emploi, il faut s’attendre à une augmentation de l’épargne de précaution des ménages (variable traitée de manière très discutable dans les modèles de prévision). Dès lors, outre les prélèvements sur les revenus des ménages et des entreprises, une partie supplémentaire du revenu des ménages restant ne sera pas dépensée en consommation, mais sera épargnée. Ceci va entraîner une baisse plus profonde que prévu de la consommation, et donc de la demande pour les entreprises.

    (d) Les anticipations des entrepreneurs

    C’est aujourd’hui un cliché de dire que ces anticipations sont assez négatives. Les entreprises, escomptant une baisse de la demande, vont elles-mêmes réduire leur volume de production, quitte à accroître leurs prix si elles ont sous-estimé la demande. La baisse de l’investissement qui en résultera va contribuer d’autant plus à la baisse de la demande globale.

    Face à ces perspectives peu engageantes, de quels outils dispose le gouvernement pour relancer l’activité ?

    (a) La Banque publique d’investissement

    Elle doit procurer aux petites et moyennes entreprises des financements de l’ordre de 10 % de leurs besoins (20 milliards d’euros par rapport à 200 milliards de besoins exprimés). Ce n’est pas négligeable, mais ne saurait en aucun cas être suffisant pour relancer l’investissement.

    (b) Une petite partie des 40 milliards annuels

    d’investissements que le gouvernement a arrachés à l’Allemagne en contrepartie de son engagement à faire voter le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
    Ces éléments positifs - et on le regrette - sont très loin de compenser les éléments négatifs cités plus haut. La croissance réelle en 2013 sera plus probablement comprise entre -0,5 % et -0,8 % que proche des +0,8 % auxquels le gouvernement s’accroche avec l’énergie du désespoir.

    Conséquences

    Entre les prévisions du gouvernement et la réalité on doit donc s’attendre à un écart compris entre -1,3 % et -1,6%. Cet écart signifie deux choses :
    - le PIB sera inférieur aux prévisions de 26 à 32 milliards d’euros en 2013. D’où une baisse des recettes fiscales de 11,7 milliards à 14,4 milliards ;
    - la hausse du chômage sera supérieure à ce qui est attendu aujourd’hui, comme nous l’avons déjà indiqué à de multiples reprises. Ceci devrait entraîner entre 3 et 5 milliards de dépenses supplémentaires.

    On aboutit donc à un surcroît de déficit compris entre 15 milliards et 19,5 milliards. Autrement dit, le déficit devrait se monter non pas à 3%, mais entre 3,75 % et 4 % du PIB. Le gouvernement devra alors soit prélever entre 15 et 19,5 milliards d’impôts supplémentaires (ou réaliser de nouvelles compressions de dépenses publiques), avec des effets désastreux pour la croissance [4], soit se décider à laisser filer le déficit budgétaire. Il est en fait probable qu’il choisisse la seconde solution. Néanmoins, la France ne pourrait toujours pas atteindre en 2014 l’objectif des 3% de déficit budgétaire, et ceci même sans choc externe majeur en provenance d’Espagne ou d’Italie.

    La question maintenant posée est de savoir pourquoi le gouvernement s’enferre dans une politique qui n’a aucune chance de réussir et qui, par-dessus le marché, mettra la France en contravention avec un traité qu’elle a ratifié. Il n’y a là ni raison ni logique. Seule l’idéologie commune à une partie de la « gauche » et de la droite peut expliquer ce comportement. Ce qui est effrayant, dans la situation actuelle, est moins la réalité de l’économie, qui – on l’accorde – n’a rien de réjouissant, que l’écart entre une représentation « officielle », appuyée par une partie de la presse, et cette même réalité qui, inéluctablement, finira par s’imposer.

    Lénine faisait remarquer que « les faits sont têtus » [5] . Ces faits ne conduiront certes pas à l’insurrection (du moins pas encore) mais ils condamnent de manière irrémédiable la politique du gouvernement qui consiste à s’aligner sur le cours austéritaire dicté par Angela Merkel. Quand il ne passe pas son temps à se déchirer ou dans combinaisons politiques aux accents ubuesques, ce qui reste de l’UMP ne propose d’ailleurs pas autre chose.

    La politique économique du gouvernement appartient à une époque révolue. Contre la récession dans laquelle la France est déjà engagée, et surtout contre la dépression qui menace de s’abattre sur elle, avec une terrible et rapide augmentation du chômage, il faut d’urgence une autre politique.

    Par Jacques Sapir le 24/10/ 2012

    Transmis par Linsay



    Par Jacques Sapir Directeur d’études à l’EHESS et directeur du CEMI-EHESS


    [1] Voir http://russeurope.hypotheses.org/300

    [2] Le 14 octobre, il a qualifié d’« absurde » l’objectif des 3 % de déficit. Voir : http://www.europe1.fr/Deficit-a-3-u...

    [3] Sur ce point voir Jacques Sapir, “Quelques commentaires sur le rapport du FMI World Economic Report, octobre 2012 (II). Billet publié sur le carnet Russeurope le 14 octobre 2012 : http://russeurope.hypotheses.org/300

    [4] En utilisant la même méthodologie, un nouveau prélèvement de 15 milliards devrait aboutir à une nouvelle contraction du PIB de 18 à 30 milliards, soit de 1 à 1,5 %. En admettant qu’une partie de l’effet soit décalée sur 2014, la croissance serait ainsi réduite de -0,5 % à -0,7 5%, soit, compte tenu des projections à moyen terme un pronostic de -0,1 à -0,4 % pour cette année.

    [5] Lénine, « Lettre aux camarades », Œuvres Complètes, Éditions du Progrès, T. 26, pp. 139-196, 198-216 et 222-226.

    http://www.rougemidi.fr


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  • Une Mutuelle pour Tous : Hollande réinventerait-il la Sécurité Sociale

    Hollande réinventerait-il la Sécurité Sociale


    Hollande veut une mutuelle pour tous d'ici cinq ans !

    C'est ce qu'il appelle sa lutte contre les inégalités.
       .... Si de nombreux français n'ont pas de mutuelle, c'est parce qu'ils ne peuvent pas se la payer !!

    Peut-être croit-il que M Sarkozy (le frère de celui qui est parti) qui dirige Malakoff Médérick va vous l'offrir en prenant sur ses dividendes.

      Il y a un truc qui s'appelle la "Sécurité Sociale" qui est égalitaire parce qu'elle s'adresse à tous qui pourrait assurer cette mission ....

    Mais le premier budget du gouvernement Ayrault prévoit 3% de moins pour le budget de la santé 2013.

    Il est clair que si on doit se soigner, pour qu'on puisse le faire correctement il vous faudra passer encore plus vers le privé !

    http://www.mag-montlucon.fr/


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  • Le crépuscule des paysans. Texte paru dans le journal Marianne du 20 octobre 2012.

    Le crépuscule des paysans

    Vendredi 26 Octobre 2012
    Les 15es Rendez-vous de l'histoire de Blois ont été consacrés au monde rural, en proie à des bouleversements sans précédent. Rencontre avec le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui publie «la Fin du village».

    GUTNER/SIPA
    GUTNER/SIPA
     
    Paysans ! Longtemps, le mot même fut une insulte. Gambetta, en 1871, pensait ainsi qu'ils étaient «intellectuellement en retard de quelques siècles sur la partie éclairée du pays». Il n'avait pas anticipé qu'ils seraient un jour au premier plan sur l'écran de nos regrets et de nos nostalgies.

    La modernisation de l'agriculture du siècle dernier n'est pas parvenue à effacer le mot - «paysans» - tant il est chargé d'histoire, de mémoire, et continue encore à rivaliser avec celui d'agriculteur. Ce n'est donc pas un hasard si Francis Chevrier, le directeur des Rendez-vous de l'histoire de Blois - dont Marianne est partenaire cette année -, a choisi ce beau mot pour son édition qui aura lieu du 18 au 21 octobre* et qui s'annonce très fréquentée. Les paysans nourrissent notre imaginaire, mais ils nourrissent aussi l'humanité. Le terroir et les «profils paysans» de Raymond Depardon nous enchantent, tandis que le destin de la planète cultive notre désenchantement. Cette année, la géographie comme la démographie et l'écologie seront donc les alliées naturelles de l'histoire rurale. Et la longue durée, sa condition. Le succès actuel de l'agriculture durable en est d'ailleurs le signe manifeste. Un point qui sera soulevé par la géographe Sylvie Brunel lors de sa conférence inaugurale. Et qui sera repris sous toutes ses facettes au cours de tables rondes aussi variées que contrastées, telles celles consacrées aux «révoltes paysannes», aux «paysans et la ville», à la politique agricole commune ou à la faim dans le monde.

    De quoi alimenter des échanges et des controverses passionnantes, que nous ouvrons quant à nous par un entretien avec Jean-Pierre Le Goff, lui aussi invité à Blois, pour son livre sur Cadenet, un village de Provence, où les paysans ont quasiment disparu.

    Marianne : Encore un livre sur la France rurale qui annonce sa disparition ! La Fin du village, ce n'est pas un titre très encourageant. Il fait penser à la Fin des paysans (1967), du sociologue Henri Mendras, ainsi qu'au merveilleux livre de l'historien Eugen Weber (1925-2007) qui traitait de la modernisation de la France rurale de 1870 à 1914, la Fin des terroirs (1983). N'y a-t-il pas d'autres moyens pour aborder la ruralité que de parler de sa fin ?

    Jean-Pierre Le Goff : Le mot «fin» permet de mettre en lumière le contraste manifeste entre une mémoire, un imaginaire qui perdure et la réalité. Depuis la seconde moitié des années 70, nous sommes dans un moment historique particulier que l'historien Pierre Nora a mis en lumière dans ses Lieux de mémoire. Nombre de Français se passionnent pour le patrimoine ou la généalogie. Ils se replient sur un passé largement idéalisé et mythifié qui n'a plus rien à voir avec leur mode de vie dans un pays qui a changé et qui ne sait plus trop où il va. Cette perte de la dynamique de la modernité, d'une vision positive de l'avenir, va de pair avec la nostalgie et ce goût pour le patrimoine. Dans ce monde désorienté, les discours des managers et des politiques qui en appellent à la mobilisation générale pour le «changement» tombent largement à plat. Beaucoup sont las de cette fuite en avant et se réfugient dans leur communauté ou leur réseau. Désormais, au sein du «village», coexistent en un curieux mélange les restes de l'ancien et le mode de vie des plus «branchés».

    Sans doute, mais la fin des terroirs, cela voulait dire que le paysan devenait un agriculteur, malgré tout ; tandis que la fin du village, c'est une métamorphose sans lendemain.

    J.-P.L.G. : C'est en effet la fin de la collectivité villageoise qui combinait dans un même espace travail, habitation, et ce qu'on appelle aujourd'hui «loisir», avec ce qu'elle impliquait de sociabilité d'entraide et de solidarité, mais aussi de rapports de grande proximité avec leurs contraintes et leur dureté. On ne ressuscitera pas le passé.

    Oui, mais qu'est-ce qu'il y a après la fin ?

    J.-P.L.G. : Un phénomène étrange : la coexistence à l'intérieur d'un même espace géographique de catégories sociales diversifiées ayant chacune leur réseau qui déborde cette zone géographique. Cet espace est dépourvu de culture et de projet communs. Ce qui est très frappant, c'est cette coexistence pacifique dans un village qui n'en est plus un et que j'appelle le «patchwork».

    Tenez-vous pour responsable la politique agricole commune (PAC) de cette déshérence et de la disparition de la petite exploitation agricole ?

    J.-P.L.G. : Qu'est devenue aujourd'hui la «politique agricole commune» ? Que peuvent les petits exploitants agricoles face à la concurrence et aux grands circuits de distribution ? J'ai connu un jeune paysan, dans le canton que je décris dans le livre, qui faisait des melons, ensuite il s'est mis à faire des fraises... Cela changeait sans arrêt ; désormais, le vin l'emporte sur les vergers et les légumes. Et dorénavant, pour des petits exploitants, la location de gîtes fait partie de leur activité. On ne saurait généraliser une situation particulière, mais, dans le canton de Cadenet, les terres à l'abandon progressent. Cette situation est vécue comme un drame par les anciens agriculteurs dont la relève n'est plus assurée ; c'est leur vie et leur terroir qui disparaissent. D'autres s'en accommodent tant bien que mal, en espérant que leur terrain soit un jour déclaré constructible pour pouvoir finir au mieux leurs vieux jours...

    Votre livre est une vaste fresque sur la vie quotidienne d'un village français dans lequel beaucoup de lecteurs se reconnaîtront. Il est le résultat d'une longue enquête sur les transformations d'un bourg du Luberon depuis la Seconde Guerre mondiale. Quel est votre rapport personnel à ce village ?

    J.-P.L.G. : Affectif, quasi familial puisque j'y ai été introduit grâce à une ancienne famille qui m'a permis d'y louer une ferme abandonnée au début de mon immersion. Ce qui m'avait frappé dans les années 80 avec la municipalité de gauche, c'est la montée de l'animation culturelle, au moment même où le travail venait à manquer. La vannerie avait cessé, les agriculteurs disparaissaient, et il fallait redonner vie au village en mettant l'accent sur les couches nouvelles, l'animation culturelle et les associations qui étaient une sorte de substitut à l'ancienne sociabilité villageoise liée aux activités traditionnelles. J'ai donc voulu comprendre ce qui se passait. Il y avait également un parc naturel régional qui introduisait une administration de la nature d'un genre très particulier. Les soixante-huitards dont je parle ont joué un rôle important dans cette mutation.

    Vous êtes d'ailleurs plus tendre avec certains d'entre eux que dans votre essai Mai 68, l'héritage impossible (2005). En témoigne votre visite chez la bergère qui parle de ces années comme d'une époque «où l'on ne savait pas où l'on allait». En revanche, vous ne portez pas vraiment dans votre cœur ceux que vous appelez «les cultureux»...

    J.-P.L.G. : Je crois qu'il faut distinguer ceux qui vivaient intensément une utopie dans le présent, sans calculer - c'est le cas de cette bergère et des «hippies du Laval» -, et les autres venus un peu plus tard. Car après ce moment d'incandescence, il y a eu une vague de retour à la campagne, qui était beaucoup plus posée, avec l'idée de vivre et d'élever ses enfants en dehors des grandes villes et du système. C'est une deuxième vague un peu différente qui s'est installée sur place et qui a fondé des associations et occupé des postes. Une petite partie de ces gens est issue de ce qu'on a appelé la «deuxième gauche» et a adhéré au Parti socialiste.

    Votre plongée dans le monde de Cadenet commence par la description du peuple ancien et s'achève par une radiographie du village bariolé. Or ce nouveau monde est un espace économiquement fragile, culturellement décomposé, et pour tout dire une Provence «en morceaux»...

    J.-P.L.G. : Elle l'était déjà depuis un bon moment par rapport à l'image mythique de la Provence du XIXe siècle telle qu'elle nous a été transmise par une certaine littérature, c'est vrai. Mais ce qui m'intéresse, au-delà de la dimension économique et sociale, c'est de réintégrer cette dernière dans une vision anthropologique : pour moi, l'essentiel est de comprendre le type d'humanité auquel on a affaire. Par là, j'entends un rapport au monde et aux autres qui repose sur une conception de la vie, un rapport à la tradition, un attachement aux valeurs de solidarité, sans oublier un art de vivre populaire, qui est aujourd'hui érodé. Or ce type d'humanité, qui comporte sa part de rudesse et de préjugés, est aujourd'hui en voie de disparition, sous l'effet du développement d'un nouvel individualisme combiné à la crise économique et sociale. Mais ce qui est frappant, c'est que beaucoup d'amoureux de la Provence qui ont les moyens de s'y installer ont en tête des images du monde d'hier tout en vivant dans l'«entre-soi», en ne se mélangeant pas trop aux anciens Provençaux qui, à Cadenet comme dans d'autres bourgs et villages, deviennent minoritaires. Ce qui ne les empêche pas de faire appel aux autochtones pour de menus travaux ou d'apprécier d'avoir un Provençal typique à leur table comme on goûte un bon vin. J'ai vécu ces scènes.

    Vous donnez l'impression dans cet ouvrage de ne rien proposer pour sortir du marasme ou de ce que vous appelez la «déglingue», lorsque vous évoquez des habitants désœuvrés, ou bien les problèmes d'intégration. Pourquoi ce souci de ne pas outrepasser le constat ?

    J.-P.L.G. : Deux raisons. La première, c'est que je ne supporte pas un certain type de commentaire qui fleurit dans les grands médias audiovisuels en donnant des leçons. Nous sommes dans une société éminemment bavarde où nous avons l'impression d'avoir transformé le monde quand on a glosé sur son état ! En même temps, ce bavardage nous protège et nous isole de l'épreuve de la réalité. La seconde raison est celle des limites de ce que j'appelle la «sociologie plate», comme s'il suffisait de «mettre à plat» les choses, de démonter les mécanismes, d'écrire un énième rapport d'expertise pour que nous prenions conscience de l'état du pays. Aujourd'hui, il y a une difficulté à affronter l'ampleur et le caractère inédit des défis qui sont posés à la collectivité. Dans la pauvreté ancienne, on pouvait garder l'estime de soi. C'était le cas des vanniers qui étaient des catégories très pauvres mais qui avaient la fierté de «gagner leur vie» et qui vivaient dans une collectivité solidaire. Avec le chômage de masse, tout bascule. On est confronté à des individus qui ne se sentent pas utiles socialement, qui perdent l'estime d'eux-mêmes. A cette inactivité s'ajoute l'éclatement des familles. Cette combinaison du chômage, de la déstructuration des familles et des anciens liens de solidarité produit des effets puissants de déstructuration anthropologique. Mais au milieu de cette «déglingue», l'humanité demeure. C'est ce que j'ai voulu montrer avec quelques-uns des personnages que j'ai rencontrés.

    C'est ce qui est réussi dans votre livre. Grâce à vous, le Bar des Boules va devenir un lieu de pèlerinage. Et Cadenet, l'observatoire du malaise français. Mais vous ne feriez pas une bonne recrue pour la droite populaire ou la gauche du même nom. Car, au bout du compte, le peuple reste et demeure chez vous introuvable !

    J.-P.L.G. : Quand on parle du peuple, il y a deux idées qui se superposent. Il y a d'abord la citoyenneté au sens politique, qui passe par le suffrage universel et qui fait que chacun participe par son vote au destin du pays, et ensuite la manière dont la gauche a attribué une dignité et une mission particulière aux couches populaires du fait de leur position de classe, de leur situation de «dominées». La gauche officielle a toujours, selon moi, joué confusément sur les deux plans. Mais il y a une autre approche des couches populaires que je trouve plus intéressante, qui est celle d'Orwell, plus soucieux de mettre en valeur la dignité des classes pauvres, la morale populaire et un certain «sens commun». Cette approche a cependant pour référence un monde ouvrier qui, qu'on le veuille ou non, n'existe plus. Ce qui ne veut pas dire que tout est foutu, mais qu'il faut penser les choses autrement si l'on entend reconstruire.

    La Fin du village, de Jean-Pierre Le Goff, Gallimard, 577 p., 26 €.

    * www.rdv-histoire.com. Entrée libre. Tél. : 02 54 56 09 50.

    ** Entretien paru dans le numéro 809 du magazine Marianne publié le 20 octobre 2012

    http://www.marianne.net/Le-crepuscule-des-paysans_a223607.html
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  • Etrange ! Le moral des ménages français continue de se dégrader ?

    Le moral des ménages français continue de se dégrader ?

    MInce ! L'espoir né de l'élection de François Hollande serait-il retombé ?

    L'INSEE publie chaque mois un indicateur de confiance des ménages, qui, au delà du "moral" des français, permet d'anticiper aussi l'évolution de la consommation. Et on sait que la consommation des ménages est le principal moteur de la croissance économique française, loin devant les exportations !

    Et bien, cet indicateur de confiance des ménages perd un point par rapport à septembre et s'établit à 84 points. Plus gênant, c'est que depuis mai, il a perdu 7 points !

    Mai, c'était l'élection de François Hollande, suivie en juin de l'élection d'une majorité socialiste - écologiste à l'Assemblée nationale. Une perte de 7 points de confiance des ménages indique clairement que le moral des français est à la baisse. 

    L'opinion des ménages sur leur situation financière personnelle future recule de 4 points même si leur avis sur l'opportunité de faire des achats importants est stable, indique l'Insee. Ces deux soldes d'opinion restent inférieurs à leur moyenne de longue période. En clair, les français ne voient pas leurs revenus s'améliorer à la longue : ils les voient plutôt baisser ! Rien de surprenant quand le gouvernement parle d'austérité, de hausse des prix du tabac, de taxes sur les retraites, etc. ! Pour les dépenses, si les français enquêtés ne les voient pas descendre, c'est peut-être parce que beaucoup d'entre eux dépensent déjà au minimum ?

    Quant au niveau de vie futur en France en général, les ménages sont plus pessimistes qu'en septembre et le solde correspondant perd encore 3 points, soit au total une baisse de 28 points depuis juin ! "Il rejoint ainsi son minimum historique de novembre 2011", constate l'INSEE.

    28 points de chute du niveau de confiance des français sur leur niveau de vie futur depuis juin ? Ce n'est plus une chute mais un effondrement !

    Et pourtant ! La majorité parlementaire et le Président ont changé !

    Le moral des français baisse mais la popularité de François Hollande et de son premier ministre aussi !

    Rien de surprenant puisque depuis juin, la nouvelle majorité écolo-socialiste se refuse à affronter les diktats des marchés, portés par l'Europe, le Médef ou la droite ! Malgré les annonces et peut-être de la bonne volonté, ce gouvernement n'arrivera à rien s'il ne tape pas du poing sur la table et s'il continue d'accepter les règles du jeu libérales, comme il vient de le faire en ratifiant le traité européen de super austérité !

    C'est bien pour cela que les communistes n'ont pas appuyé la candidature de François Hollande aux Présidentielles et qu'ils ont mené une campagne de rassemblement autour du Front de Gauche !

    Durant des mois, nous avons mené campagne pour une rupture politique en France, pour un programme qui affronte les responsables de la crise économique, les banques et la spéculation, une politique économique qui s'appuie sur la recherche, les industries et les services publiques pour relancer l'emploi et le pouvoir d'achat en réorientant les richesses produites en France vers ces secteurs, ce que nous appelions "rendre l'argent utile" !

    Cette rupture, nous la portions au sein du Front de Gauche, avec notre candidat aux Présidentielles, Jean-Luc Mélenchon, et avec nos candidats aux Législatives, Sandrine Cocagne et Thierry Desfresnes pour notre circonscription.

    Notre programme était en effet en rupture avec trente ans de politiques libérales qui ont ouvert notre économie à la spéculation et mis en concurrence les travailleurs du monde entier, ruinant les industries européennes pour le grand bénéfice des actionnaires des groupes industriels qui se sont délocalisés dans des pays émergents.

    Aujourd'hui, l'hémorragie industrielle se poursuit : Electrolux dans les Ardennes, Sanofi, Alcatel Lucent, PSA,... ! En Belgique, c'est Ford qui veut fermer un de ses gros sites de production. Le chômage en Espagne continue de grimper (25,02 % en septembre !) malgré des cures d'austérité qui devaient tout résoudre mais qui ne conduisent qu'à détruire les droits sociaux et les services publics !

    Les discours sur la réduction de la dette, sur l'austérité, sur la compétitivité ne conduisent qu'à enrichir les plus riches et à enfoncer les peuples dans le chômage et la précarité sociale et financière.

    Englués qu'ils sont dans ces dogmes libéraux, tout aujourd'hui prouve que les engagements de François Hollande et des socialistes sur le "changement" ne pourront pas se réaliser car ce gouvernement continue d'épargner la finance et la Bourse, comme le précédent.

    La baisse continue du moral des français et de la côte de popularité de la nouvelle majorité traduisent la déception des travailleurs et leur constat de l'impuissance des socialistes à changer leur réalité économique, à créer un espoir en un avenir meilleur.

    Camarades socialistes ! Nous avons appelé à voter Hollande au second tour pour faire tomber Sarkozy et sa majorité au service des grands patrons et de l'élite financière. Nous avons voulu créer les conditions d'un changement d'air, d'une nouvelle politique.

    Maintenant, réagissez ! Il ne peut y avoir aujourd'hui de politique d'accommodement du capitalisme comme dans les années 50 ou 60 s'il n'y a pas affrontement politique avec ces élites qui profitent à fonds de la crise !

    Les spéculateurs et les banques ont peut-être l'argent mais c'est celui des richesses produites par le peuple, par les travailleurs ! Ils ont l'argent, des autres, mais nous, nous avons le nombre.

    30 % des militants socialistes ont voulu un changement d'orientation dans leur parti.

    Retrouvons nous sur le terrain social et politique, avec les syndicats, les associations et le Front de Gauche pour montrer que le peuple peut se mobiliser pour contrebalancer le poids des quelques milliers de riches profiteurs du système capitaliste !

    Ouvrons un espoir à gauche ! Montrons qu'une autre politique est possible, qu'elle peut devenir majoritaire !

    Une politique de rupture avec le libéralisme portée par une gauche combative, voilà qui redonnerait de l'espoir aux travailleurs, aux classes populaires, et créérait les conditions d'une véritable mobilisation sociale qui porterait ce changement.

    http://andree-oger-pour-deputee.over-blog.com


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