• Les réalités de la guerre en Libye

    Les réalités de la guerre en Libye 


    Louis-Dalmas.jpgLe nuage de morale martiale et "droitdel’hommiste" vaporisé par nos politiciens sur la guerre en Libye cache un certain nombre de réalités qu’il est utile de rappeler.Par Louis Dalmas *

    1) La “révolte“ libyenne n’a rien à voir avec les soulèvements populaires en Tunisie, Egypte et autres Etats arabes. Elle est une opposition politique de rivaux de Kadhafi, préparée et entretenue de l’étranger pour des motifs stratégiques (comme les “révolutions de couleur“ dans le Moyen Orient), et très différente des manifestations de masses spontanées contre les injustices et inégalités sociales de régimes quasi-féodaux.
    2) Un détail est à noter : le foyer de la “rébellion“ – l’est de la Libye, la Cyrénaïque – se recommande d’objectifs religieux et monarchiques (complètement absents des autres insurrections) et a envoyé plus d’hommes combattre l’invasion US en Irak que tous les autres pays arabes.
    3) La guerre à Kadhafi n’a rien d’une expédition humanitaire. Elle n’est qu’un épisode de plus dans la traque des chefs d’Etats de taille moyenne (Russie et Chine étant de trop gros morceaux) résistant au Nouvel ordre mondial, qui doivent être éliminés le uns après les autres. Ceaucescu, Milosevic, Noriega, Saddam Hussein l’ont déjà été. Ahmadinejad, Lukashenko, Gbagbo, Chavez sont en point de mire. Ils n’avaient –et n’ont – rien de commun, si ce n’est leur insubordination, qui suffit à les désigner comme cibles.
    4) Cette guerre a bien entendu comme enjeu principal le contrôle des sources de pétrole et de gaz. Pour donner une idée de son importance, le géant anglais BP a pour plus de 15 milliards de dollars de contrats d’exploitation offshore avec la Libye.
    5) Kadhafi a sans doute beaucoup de défauts, mais il a aussi reparti dans son peuple une partie de la manne pétrolière. Par exemple, la Libye a le meilleur Indice de développement humain (IDH) de toute l’Afrique.
    6) La notion d’ingérence “humanitaire“ s’est perfectionnée : elle est devenue totalement préventive. Elle repose toujours sur des mensonges (les “épurations ethniques“ de Milosevic ou les “armes de destruction massive” de Saddam), mais elle se justifie désormais par une simple intention. Plus la peine de dire “le criminel a commis des crimes (même inventés) ; il suffit d’affirmer qu’il va les commettre. Kadhafi n’a encore massacré personne, mais il va noyer Benghazi dans un bain de sang.
    7) Le soit-disant mandat de la Ligue arabe n’a été “voté“ que par 11 membres présents à la réunion (sur 22) dont deux – la Syrie et l’Algérie – se sont prononcés contre. Les grands médias ont complètement ignoré la résolution vigoureusement négative de l’Union africaine, qui compte 53 pays membres, et qui s’est prononcée contre toute intervention, et même contre toute interdiction de vol.
    8) L’unanimité guerrière proclamée par Sarkozy et ses médias aux ordres est un mythe : l’Allemagne, l’Italie, la Russie, la Chine, la Turquie, d’autres pays de l’Union européenne, le Vénézuéla et une grande partie de l’Amérique latine ont exprimé de vives réticences. Même le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, est revenu sur son premier accord.
    9) La profondeur du gouffre séparant les peuples de leurs dirigeants – que j’ai décrite dans mes deux derniers livres – se constate à nouveau : en Grande-Bretagne, par exemple, les députés de la Chambre des Communes ont approuvé l’engagement militaire anglais par 557 voix contre 13, alors qu’un sondage montrait au même moment que 54 % des interrogés s’opposaient à ce que leurs soldats meurent pour les insurgés libyens et que 43 % désapprouvaient les frappes aériennes.
    10) Le premier assentiment de la Ligue arabe a été le résultat d’un marché, d’un message aux divers chefs d’Etats quasi-féodaux : vous justifiez notre intervention ; en échange, on ferme les yeux sur vos écrasements de soulèvements populaires. Résultat : des répressions violentes en Arabie Saoudite, au Bahrein, en Jordanie, au Yemen, en Syrie, en Algérie, au Maroc, dont certaines comparables à celles reprochées à Kadhafi. Et une reprise en mains soigneusement calculée en Tunisie et en Egypte.
    11) Les ambassadeurs des pays de l’UE restés à Tripoli (Italie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Grèce, Pays-Bas, Malte et Chypre – les autres étant partis) ont soutenu, le 8 mars, la proposition de Kadhafi de créer une commission de l’ONU indépendante qui enquêterait sur les accusations d’abus des droits de l’homme en Libye. Elle n’a obtenu aucune réponse.
    12) Quelles que soient les déclarations rassurantes, toute guerre fait des victimes civiles, soit en les tuant directement, soit en détruisant les infrastructures de leur pays, Les morts sont souvent plus nombreuses que celles causées par le “tyran“ que l’on combat. Les ruines de la Yougoslavie, de l’Afghanistan et de l’Irak sont là pour en témoigner.
    13) Si l’on ajoute à ces différents faits qui ôtent toute crédibilité à la version officielle, la honte de voir le ministère français des Affaires étrangères désormais dirigé par un pseudo philosophe mythomane et menteur – à la grande fureur de Juppé qui n’en démissionne pas pour autant – on aura une idée de l’abîme dans lequel sombre une France dirigée par un matamore épileptique au service des Etats-Unis.


    * Journaliste et écrivain


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