À l’usine Goodyear d’Amiens, les banderoles et les pancartes sont déjà prêtes, le slogan aussi : "Hollande, qu’est-ce que tu glandes? Cette loi, tu nous la dois." La colère est d’autant plus vive que les 1.250 salariés du groupe de pneumatiques pourraient apprendre, jeudi, lors d’un comité central d’entreprise, la fermeture de leur site d’ici à 2014. "Il y a quinze mois, sur notre parking, François Hollande a promis qu’il ferait une loi pour interdire les licenciements boursiers s’il arrivait à l’Élysée, pointe le délégué CGT Mickaël Wamen. On veut lui rappeler ses promesses. Nous, on a une proposition toute prête à lui soumettre, pour que les sociétés qui font des profits ne puissent pas licencier…"
"Notre pays plonge dans une misère sociale qu’il n’a jamais connue"
Les salariés de Goodyear ne seront pas les seuls à manifester leur ras-le-bol, mardi, devant le ministère du Travail, alors que les chiffres du chômage explosent. Les représentants de 25 entreprises menacées par des plans sociaux, tous syndicats confondus, rejoindront la rue de Grenelle : Sanofi, ArcelorMittal, Peugeot, Fralib, Ford, Pilpa, Faurecia, Virgin, Sodimédical… La grogne des entreprises en difficulté, chacune soumise à un cas particulier, se mue désormais en contestation collective. "Le but est de constituer un front uni, indique Marie Lecomte, ancienne salariée des 3 Suisses, instigatrice de l’association Licenci’elles et de la manifestation. Pendant la campagne, Hollande et Montebourg ont fait beaucoup de promesses, mais on n’a rien vu venir. Désormais, on veut faire converger les luttes pour se faire entendre…"
Dans la foulée, les 700 à 1.500 participants attendus entameront une marche jusqu’à l’Assemblée. Sur les tee-shirts, un seul leitmotiv : "Non aux licenciements financiers, une loi pour une vraie sécurisation de l’emploi." Et dans leur ligne de mire, l’accord signé, il y a quinze jours, par les syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC… "Les confédérations s’engagent, mais à la base, les syndicalistes en bavent face à la détresse des salariés", souligne Marie Lecomte. "Cet accord est le plus nocif qui existe, dénonce Mickaël Wamen. Notre pays plonge dans une misère sociale qu’il n’a jamais connue. Michel Sapin doit nous rencontrer."
Au ministère du Travail, on indiquait, samedi soir, être "prêt à recevoir une délégation" si la demande en était faite. Pour Lionel Burriello, délégué CGT chez ArcelorMittal à Florange, les pouvoirs publics n’ont pas pris la mesure de l’urgence. Il sera, lui aussi, dans le cortège, avec ses collègues qui ont tenté de s’enchaîner aux grilles de Matignon, cette semaine, pour demander la nationalisation de leur usine. "La pression monte, ça devient dangereux, s’alarme-t-il. Des dizaines de communes vont souffrir. On a le sentiment que ça va péter. Et plus vite qu’on ne le croit…"
Tous comptent ressortir leurs banderoles aussi souvent que nécessaire pour obtenir le vote d’une loi contre les licenciements boursiers et tenter de sauver leurs dossiers de l’enlisement. "C’est le début d’un mouvement, confirme Laurent Besson-Imbert, délégué Sud chez Sanofi. On est prêts à faire d’autres actions s’il le faut, pour combattre les affres de la finance."