• Il faut sauver l’agent Snowden

    Il faut sauver l’agent Snowden

    David Pestieau

    Après George W. Bush, Barack Obama nous promettait de tourner la page de cette Amérique guerrière et antidémocratique. Mais ces derniers jours, le plus grand scandale jamais découvert d’espionnage de la vie privée a éclaté… (Photo adbusters.org)

    Les tortures à Abu Ghraïb. La prison de Guantanamo. Les vols secrets de la CIA. Les lois liberticides du Patriot Act. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan. Nous avions cru avoir tout vu avec George W. Bush. Barack Obama nous promettait de tourner la page de cette Amérique guerrière et antidémocratique.
        Cinq ans après, Guantanamo est toujours ouvert, les drones sans pilote tuent, dans le monde entier, des citoyens sans procès dont la liste est approuvée chaque mardi (« le kill-day ») à la Maison blanche, les guerres ouvertes (Afghanistan, Libye) et souterraines continuent… Et le courageux soldat Bradley Manning qui a révélé les images de crimes contre l’humanité en Irak et les câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks est aujourd’hui traîné devant un tribunal d’exception au siège de la NSA (les services de renseignements militaires), jugé par un seul colonel.
        Aujourd’hui, le plus grand scandale jamais découvert d’espionnage de la vie privée a éclaté : depuis des années, les services de renseignements US surveillent les e-mails, les conversations virtuelles, les recherches Internet de centaines de millions de gens au niveau mondial dans une opération nommée PRISM. 1,7 milliard d’e-mails, téléphones et autres communications sont ainsi surveillés chaque jour par la NSA ! « La NSA veut pouvoir être au courant de toutes les conversations et de tous les agissements de n’importe quel individu, partout dans le monde », affirme Edward Snowden, l’ex-agent de la CIA qui a révélé l’affaire.

     Tout citoyen devient ainsi un terroriste en puissance, justifiant toutes les surveillances


    La vie privée est ainsi littéralement enterrée. L’impérialisme US est sans limites : il déclenche des guerres, il occupe des pays, il envahit désormais le dernier recoin de votre téléphone mobile et de votre ordinateur. Plus le monde capitaliste s’enfonce dans la crise, plus il s’accompagne d’une répression et d’une volonté de contrôler toute tentative potentielle de contestation. Tout citoyen devient ainsi un terroriste en puissance, justifiant toutes les surveillances.
     Les déclarations outrées de dirigeants européens sont hypocrites : l’Union européenne n’est pas immunisée contre de telles dérives. Dès 2006, une directive européenne sur la rétention des données a été promulguée. Sa transposition dans le droit belge pourrait être prochainement votée par le Parlement sur base d’un avant-projet de loi de Turtelboom et Vande Lanotte (voir ici). Cette loi obligerait les sociétés de télécommunication et les fournisseurs d’accès à Internet à conserver durant douze mois toutes les communications passant par eux. La Sûreté de l’État et les renseignements militaires auront accès à ces données. Or, leur champ d’activité est tellement largement défini que la nouvelle loi permettrait de « screener » toute opposition à la politique de l’Union européenne et du gouvernement. Des situations à l’américaine ne sont plus très loin. Pour protéger notre vie privée, notre liberté d’expression et d’organisation, ce projet de loi Turtelboom-Vande Lanotte doit être arrêté. Car après les révélations de Snowden, nos députés ne pourront plus dire : « Nous ne savions pas. »

    http://www.ptb.be

    Monde - le 13 Juin 2013

    PRISM : découvre-t-on vraiment la Lune ?

    Edward Snowden peut se féliciter de l’émotion suscitée par ses informations sur PRISM. Mais cela ne doit pas occulter le fait que ce programme n’est qu’un élément d’un ensemble progressivement mis en place depuis des années, y compris en France.

    Sans forcément remonter jusqu’à Echelon, le gigantesque programme d’écoute des télécommunications mis en place depuis la fin des années 80, l’essentiel de PRISM était déjà inscrit dans le Patriot Act, que Bush junior a fait passer suite aux attentats du 11 septembre. Texte qui permettait globalement tous les passe-droits, y compris de piétiner la constitution, au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. La réelle nouveauté est finalement que plutôt que de se débrouiller grâce à Echelon pour intercepter les messages d’apprentis terroristes du monde entier qui font l’erreur d’écrire Al Qaida et bombe dans le même SMS, certains opérateurs télécoms fournissent directement et automatiquement toutes les informations à la NSA.

    Autre bonne raison de ne pas être trop surpris : les Etats-Unis, comme la France, sont pourvoyeurs de technologies qu’on retrouve dans diverses dictatures pour surveiller leur population. Dont l’américain Bluecoat, qui a efficacement équipé Bachar-al Assad en Syrie. Difficile de croire que les pays hôtes n’en « profitent » pas. Lorsque Takkiedine a permis la vente de la technologie française d’Amesys à la Libye de Kadhafi, n’avait-il pas joint la recommandation de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur ? Et qui en tant que tel, vantait la qualité des outils d’Amesys, et a même mis à disiposition du client des agents des services de renseignement français comme formateur.
    C’est que la France n’a en la matière rien à envier aux Etats-Unis. La DGSE dispose de ce qui est pudiquement appelé des centres d’écoute, dont le but est d’intercepter et d’espionner les télécommunications entrant et sortant du territoire. Comme le rappelle Le Monde daté du 12 juin, « les centres d’hébergement des sites sont pour la plupart basé à l’étranger, ce qui exonère la DGSE de répondre à la loi française ». C’est la Pnij (Plateforme nationale d’interception judiciaire) qui centralise le tout.

    Edward Snowden permet au moins de soulever un réel problème démocratique. Les Services de renseignement, au nom de la sécurité, se permettent de contourner les lois du pays et parviennent le plus souvent à se soustraire au contrôle parlementaire, toujours au nom du secret. Les agents français comme américains scrutent les télécommunications qui entrent et sortent des pays, en dehors de tout cadre légal.
    Il faut se poser de réelles questions de société, avait concédé un Obama gêné aux entournures par cette affaire le 7 juin. Les programmes de surveillance électronique et téléphonique de l'Agence de sécurité nationale (NSA) américaine auraient ainsi contribué à empêcher "des dizaines d'actes terroristes", à en croire le directeur de l'Agence, le général Keith Alexander. Et personne ne peut vérifier que c’est vrai.

    Pi.M.


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