• FSM et anticapitalisme

    FSM et anticapitalisme

     

    Du 26 au 30 mars 2013, la capitale tunisienne accueillera une nouvelle édition du Forum Social Mondial (FSM), la toute première dans le Maghreb, la troisième en Afrique.

    Depuis sa naissance en 2001 à Porto Alegre (Brésil), suite à l’initiative d’organisations brésiliennes et européennes, le FSM a connu une intense activité. Huit éditions ont eu lieu en 12 ans, sans compter les nombreux forums locaux, régionaux, nationaux ou thématiques. Les organisateurs du FSM y attendent entre 30’000 et 50’000 participant-e-s. Les 2700 organisations inscrites et les milliers de citoyen-ne-s du monde entier qui convergeront vers Tunis doivent se sentir acteurs-actrices d’un espace démocratique ouvert appartenant à l’ensemble de la société civile planétaire.

    Grâce au FSM, la société civile, au Sud comme au Nord, dispose aujourd’hui d’un important capital : les réseaux et campagnes internationales sont fortifiés, les mouvements sociaux sont plus actifs, les ONG plus engagées et prêtes à assumer leurs responsabilités face aux problèmes globaux. Certaines idées et propositions du FSM sont également parvenues à franchir le seuil des institutions internationales.

    Toutefois, les défis à relever pour tous les acteurs sociaux et pour le Forum lui-même en tant qu’espace ouvert, horizontal et démocratique, sont gigantesques. Le premier étant de concevoir et de formuler une ou plusieurs alternatives face à la crise actuelle du système, une crise profonde et appelée à durer. Deux conceptions cohabitent principalement au sein du FSM : l’une consistant à rechercher des alternatives dans le système lui-même, l’autre visant à trouver des alternatives radicales au système. De ce débat, une certitude s’impose : pour ceux qui subissent la guerre économique en position de faiblesse en capital, comprenez les pays dits du Sud, les pays en développement, les pays de l’Est européen et la partie pauvre du continent asiatique, la volonté de remplacer le système capitaliste ultralibéral et mondialisé est devenu une question de vie ou de mort. En effet, la cupidité du 1% de la population mondiale est sans limite. Le sacrifice de populations entières ne signifie rien en face de leurs bénéfices, de leurs salaires et autres bonus et stock options.

    Si l’urgence de casser le capitalisme n’est pas encore évidente pour la majorité des Suisses vivant dans un paradis ultralibéral et prédateur des richesses des nations moins développées, elle l’est devenue en dehors du monde occidental et riche. Pour illustrer cette affirmation, analysons ce qui a été défini comme axes thématiques du Forum Social Mondial 2013.

    FSM TUNISIE 2013, AXES THEMATIQUES

    1. Pour un approfondissement radical des processus révolutionnaires et de décolonisation au sud et au nord par l’épanouissement de nouvelles expressions sociales contre les dictatures politiques et celles des marchés, et pour le rétablissement des droits des peuples à disposer d’eux mêmes et de leur souveraineté sur leurs ressources et leur destinée.

    2. Pour un monde débarrassé de toute hégémonie et de toute domination impérialiste exercée par le biais de la dette et du libre échange comme outil d’appauvrissement, d’appropriation des richesses et de soumissions des peuples, des sociétés transnationales et du capital financier, de l’oppression patriarcale et des inégalités systémiques, et par des politiques sociales néolibérales comme machines de guerre contre les peuples.

    3. Pour la construction de nouveaux universalismes - comme réponse à la crise civilisationnelle et à la marchandisation de la vie - fondée sur la justice environnementale et l’accès universel et durable de l’humanité aux biens communs, la préservation de la planète comme source de vie, en particulier de la terre, de l’eau, des forêts, des sources d’énergie renouvelable et de la biodiversité, le respect des droits des peuples indigènes, natifs, originaux, autochtones, et des diasporas, de leurs cultures, identités, territoires, langages et savoirs.

    4. Pour une société humaine fondée sur les principes et les valeurs de dignité, de diversité, de justice, d’égalité entre tous les êtres humains, indépendamment des genres, des cultures, de l’âge, des incapacités, des croyances religieuses et basée sur le respect des droits individuels et collectifs, civils et politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux ; et pour l’élimination de toutes les formes d’oppression et de discrimination basées sur le racisme, la xénophobie, les systèmes de castes, l’orientation sexuelle et autres.

    5. Pour la liberté de circulation et d’établissement de toutes et de tous, plus particulièrement des migrants et des demandeurs d’asile, des personnes victimes du trafic humain, des réfugiés, des peuples indigènes, originaires, autochtones, traditionnels et natifs, des minorités, des peuples sous occupation, des peuples en situation de guerre et conflits et pour le respect de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux.

    6. Pour la justice cognitive : pour le droit inaliénable des peuples au patrimoine culturel de l’humanité, pour la décolonisation de la pensée et la démocratisation des savoirs, des cultures, de la communication et des technologies ; pour la fin des savoirs hégémoniques et de la privatisation des savoirs et des technologies, et pour un changement fondamental du système des droits de la propriété intellectuelle et de la recherche scientifique.

    7. Pour la construction de processus démocratiques d’intégration et d’union entre les peuples pour la réalisation de leurs aspirations à la dignité et au mieux-être, et qui soient des réponses aux stratégies de division et d’hégémonie, et pour la généralisation des pratiques et des formes de solidarité qui renforcent la coopération entre les peuples.

    8. Pour un monde en paix débarrassé de la guerre comme instrument de domination économique, politique et culturelle, des bases militaires et des armes nucléaires, et respectant les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs ressources, et protégeant les peuples vivant sur des territoires occupés, sans Etats ou en situation de conflit.

    9. Pour un monde démocratique garantissant, sans discrimination aucune, la participation de toutes et de tous à la vie et aux décisions politiques et économiques à tous les niveaux, local, national et international, dans le cadre d’institutions et de modèles de gouvernance réellement démocratiques, y compris du système des Nations Unies et des institutions financières internationales.

    10. Pour la construction d’alternatives au capitalisme et à la mondialisation néolibérale régulées sur la base des principes de coopération, de justice fiscale et de redistribution internationale des richesses, centrées sur les besoins fondamentaux des peuples, mettant en avant de nouvelles manières de produire, de consommer et d’échanger, utilisant des énergies non nucléaires renouvelables, et interdisant les paradis fiscaux.

    11. L’avenir du Forum : pour une réflexion collective sur les mouvements sociaux, le sens des nouvelles luttes ainsi que sur le processus du Forum Social Mondial lui-même, les perspectives et stratégies pour l’avenir, afin de garantir la réalisation effective d’un autre monde possible et urgent pour tous et toutes.

    COMMENTAIRES

    Les thèmes ci-dessus ne laissent aucun doute quant à leur orientation anticapitaliste. Ces solutions proposées semblent frappées au coin du bon sens. Cependant, pour les voir se réaliser, il manque sans doute une prise de conscience de la majorité silencieuse mais également un remplacement global de notre système représentatif qui fixe comme horizon indépassable à gauche la sociale démocratie. En effet, la victoire des politiques ultralibérales, dont la crise globale actuelle est le résultat, a été tant celle des partis de droite que celle de la sociale démocratie. L’observateur, des années 80 à ce jour, aura vu la victoire des Partis socialistes simultanément à celle des marchés. Effectivement, en France, en Allemagne, en Angleterre, au Mexique et même aux USA, la dictature des marchés s’est imposée lorsque les sociaux démocrates étaient au pouvoir. Cette information n’est pas nouvelle mais il est important de la répéter : le changement ne s’obtiendra pas en faisant simplement confiance au système des partis actuels.

    En effet, l’autre monde possible auquel aspirent les centaines de milliers de citoyens du monde dont les revendications sont résumées ci-dessus, ne surviendra qu’après avoir rompu totalement avec l’organisation politique représentative actuelle. D’ailleurs, que pouvons-nous encore attendre de gouvernants « corrompus » qui ont abandonné les prérogatives de la gouvernance au pouvoir économique et financier, trahissant au passage leur devoir de protection des plus faibles ? Les gens qui s’engageront politiquement et socialement ne le feront plus pour un parti qui n’existe que parce qu’il fait allégeance au capital. Leurs seules actions acceptables résideront dans la mise en place d’un système solidaire, la défense des droits élémentaires de chaque être humain qui naît, le partage aussi équitable que possible des biens communs à tous, pour offrir à chacun une vie digne partout sur cette planète et pour préserver à tout prix l’écosystème nécessaire à la vie. Le bilan catastrophique au niveau développement humain et écologique des partis politiques des « démocraties représentatives » actuelles et bien sûr de la « dictature du prolétariat » invite à devoir inventer rapidement d’autres formes d’organisation. L’explosion du capitalisme par ses crises incessantes générant la paupérisation des 99%, par sa guerre permanente et inégale contre les plus pauvres et contre les immigrés, et par sa destruction industrielle et systématique de la nature nécessitera une organisation sociale et politique totalement repensée qui, pour que l’humanité survive, aura sans doute tout intérêt à s’approprier les règles de sagesse imaginées par les altermondialistes et autres anarchistes et pacifistes.

    Rémy Gyger

    http://www.suisse.attac.org/FSM-et-anticapitalisme


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