• François Hollande lance l'an II du renoncement

    Politique - le 16 Mai 2013

    Edito: François Hollande lance l'an II du renoncement

    Particulièrement significative, cette phrase prononcée hier à l’Élysée, allusion aux quatre millions d’électeurs du Front de gauche qui au second tour, le 6 mai 2012, apportèrent un soutien décisif à l’actuel président: «La gauche de la gauche ne fait pas partie de la majorité.» Par Jean-Paul Piérot.

    Que retenir d’une conférence de presse présidentielle qui était annoncée comme un grand moment de « pédagogie » et d’explication face à une opinion publique pour le moins désemparée, voire déprimée par cette première année du quinquennat de François Hollande? Pour des millions de Français, notamment dans les couches populaires qui avaient été sensibles au slogan «le changement, c’est maintenant», le sentiment amer d’avoir été trompés n’a malheureusement pas été dissipé par les réponses du chef de l’État à des journalistes soigneusement triés par le service de presse de l’Élysée. Alors que l’austérité produit en France les mêmes effets calamiteux que dans les autres pays de l’Union européenne, alors que le chômage étend ses ravages dans une société qui compte une dizaine de millions de pauvres, nous n’avons rien appris que nous ne redoutions déjà: le dossier de l’allongement de l’âge de départ à la retraite, amorcé sous Sarkozy, va être remis en chantier avant la fin du printemps. En d’autres termes, l’été risque d’être meurtrier.

    C’est peu dire que le peuple de gauche avait rêvé un autre avenir en chassant du pouvoir la bande du Fouquet’s. Sans doute avait-il accordé quelque crédit à la déclaration du candidat Hollande fustigeant en pleine campagne son «véritable adversaire, qui n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, (…) le monde de la finance». Particulièrement significative, cette phrase prononcée hier à l’Élysée, allusion aux quatre millions d’électeurs du Front de gauche qui au second tour, le 6 mai 2012, apportèrent un soutien décisif à l’actuel président: «La gauche de la gauche ne fait pas partie de la majorité.» Il était d’ailleurs tout aussi significatif que le même jour à l’Assemblée nationale le gouvernement organise l’enterrement de la proposition de loi d’amnistie sociale.

    Il n’était pas dû au hasard que François Hollande ait ouvert sa conférence de presse en évoquant sa rencontre de la veille avec la Commission européenne. Le chef de l’État avait présenté à Bruxelles sa politique censée renforcer la compétitivité des entreprises et la réforme du marché du travail, marquée du sceau de la flexisécurité. Il a préconisé une sorte de fuite en avant fédéraliste européenne et est même allé jusqu’à affirmer que l’Europe avait sauvé la Grèce… S’agissant de la France, les deux ans de répit accordés par les commissaires pour attendre les 3 % de déficit public seront utilisés pour mener les réformes de structure, l’allongement de l’âge de départ à la retraite, notamment. Ce droit à la retraite que le président de la République considère comme un fardeau.

    Offensive, référence à l’an II, le chef de l’État n’a pas eu de mots assez forts pour peindre en rose une politique de renoncement qui, mutatis mutandis, s’inscrit dans une certaine continuité avec la précédente. Le pouvoir d’achat, qui a reculé cette année, l’emploi détruit au rythme des plans de restructuration sont laissés à la discrétion des directions d’entreprise aux pouvoirs renforcés. Droits des salariés, législation contre les licenciements boursiers, le renforcement du droit du travail ne figurait pas à l’ordre du jour du discours présidentiel. Quant à la gauche, elle semblait avoir déserté l’Élysée hier soir. Puisse l’an II de la mobilisation populaire bouleverser la donne.

    • A lire aussi:

    François Hollande: "il faudra encore être patient"

    Amnistie sociale: Hollande n'en veut pas, mais parle de cas par cas

    Jean-Paul Piérot

    A l’offensive... Mais contre son camp

    François Hollande se dit de nouveau « socialiste » mais l’essentiel de ses annonces sont en rupture avec les fondamentaux de la gauche.

    « Je suis socialiste. » De toutes les annonces faites par François Hollande lors de sa conférence de presse, cette réponse du président de la République à une question, qui lui demandait s’il était social-démocrate, fait figure de scoop. A double titre.

    D’abord parce que l’affirmation, un peu bravache (« Est-ce que ce serait mieux social-démocrate ? »), contredit d’abord l’aveu qu’il avait fait à David Pujadas, le 28 mars, sur France 2. Le chef de l’Etat avait alors déclaré « maintenant je ne suis plus un président socialiste », suscitant le trouble dans les rangs du PS. D’où sans doute le souci de rassurer ses troupes, juste avant une rencontre avec les parlementaires socialistes, pour la première fois depuis son élection.

    Ensuite parce que l’on cherche en vain dans les politiques annoncées ce qui le rattache encore à cette tradition politique. Que ce soit dans l’exposé de ses initiatives pour « sortir l’Europe de sa langueur » ou dans la feuille de route qu’il a tracée en politique intérieure, le parti-pris est clairement libéral. Et si, lors de sa première conférence de presse en novembre, le chef de l’Etat, avait définit sa politique comme un « socialisme de l’offre », aujourd’hui il ne reste plus de cet oxymore qu’une politique de l’offre très classique. Et nettement affirmée.

    Tout au long de cette conférence de presse de près de 2h40, François Hollande s’est méthodiquement appliqué à briser les fondamentaux de la gauche.

    Sur l’Europe, le chef de l’Etat avoue ne plus avoir l’ambition de changer le statut de la BCE : « Même si j’en avais la volonté (sic), ce ne serait pas possible », dit-il, rompant avec tous les textes du PS qui réclament ce changement de statut depuis une décennie. S’il évoque encore l’harmonisation fiscale, à laquelle devrait œuvrer le gouvernement de la zone euro qu’il propose d’installer, reprenant en cela une demande d’Angela Merkel, c’est pour palier à des distorsions de concurrence et de compétitivité.

    Quand, pour balayer les accusations d’indécision, il revendique d’avoir pris « des décisions », les exemples qu’ils citent sont emblématiques d’un ralliement à l’idéologie néolibérale. Il se félicite d’avoir pris le rapport Gallois sur la compétitivité « en totalité ». Et d’avoir réussi « la réforme du marché du travail, qu’on disait impossible » (comprendre : que Nicolas Sarkozy n’est pas parvenu à faire).

    Sur la réduction des dépenses publiques, François Hollande se vante également de faire mieux que Nicolas Sarkozy : «   Quand je regarde ce qu’a été la dépense publique de l’Etat en 2012, elle a été légèrement inférieure à celle qui a été prévue. En 2013, elle sera stable et en 2014, elle reculera de un milliard et demi. Et on viendrait nous dire que l’on n’a pas fait d’économies !  » Et veut tordre le cou à l’idée que la gauche serait synonyme de plus d’impôts.

    S’agissant des retraites, François Hollande met également ses pas dans ceux de son prédécesseur en reprenant le refrain qu’affectionnait ce dernier : « Des lors que l’espérance de vie augmente, on devra travailler aussi un peu plus longtemps. »

    Les annonces économiques vont dans le même sens :

    • L’élargissement des emplois d’avenir au secteur privé (surtout dans le tourisme et les services à la personne), constitue un nouveau cadeau fait aux entreprises, après les 20 milliards de crédit d’impôt sans contrepartie et quelques autres.
    • L’annonce d’une réforme des plus-values de cession mobilière, en présage un autre.
    • La « simplification administrative » est synonyme d’une moindre régulation.
    • La « cession de participations publiques dans des entreprises » traduit un désengagement de l’Etat.
    • L’appel à des « fonds d’investissements », « parfois même de l’étranger », pour contribuer au grand plan d’investissement sur dix ans, ne peut qu’accroître notre dépendance à la finance.

    Partisan affirmé du « consensus », François Hollande nous a gratifié d’une confidence révélatrice : « Chaque fois qu’il y a une bonne proposition venant du camp d’en face, je demande au gouvernement de s’en emparer. »

    On avait bien remarqué que ce n’est pas dans sa majorité (celle qui lui a permis d’être élu), ni même auprès des formations alliées au PS dans le gouvernement, que François Hollande puise son inspiration. Cela allait sans doute mieux en le disant.

    http://www.politis.fr/A-l-offensive-Mais-contre-son-camp,22191.html


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :