• Élections en Italie : la dégénérescence de la vie politique continue

    elezioni-politiche-2013-x-300x290.jpg Élections en Italie : la dégénérescence de la vie politique continue, les communistes au plus bas depuis 1945

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Les résultats des élections législatives du 25 février confirment l'Italie comme un laboratoire de la dégénérescence de la vie politique traditionnelle : un centre-gauche aux ordres du capital et de l'UE, des « populismes » canalisant la colère populaire, des communistes effacés.

     

    Pour se faire une idée des choix du capital, il suffit de jeter un œil à la Bourse de Milan : indifférente au score du bateleur Grillo, euphorique face au score à la Chambre basse du leader du centre-gauche Bersani puis boudeuse face au retour au Sénat du démagogue Berlusconi.

     

    Le programme de la Confindustria (MEDEF italien) est clair : d'une part continuer les « réformes structurelles » et les mesures d'austérité entamées par le « dictateur » européen Monti ; d'autre part sauver l'Euro et approfondir l'intégration européenne.

     

    Le choix numéro un du patronat et de l'UE était l'ancien commissaire européen Monti, allié à la démocratie chrétienne de Casini et aux ex-néo-fascistes de Fini, l'alternative gouvernement reste l'ancien ministre de Romano Prodi, Pier-Luigi Bersani.

     

    Si l'hypothèse d'un gouvernement d'union Bersani-Monti est en suspens, c'est bien le candidat du capital Bersani qui sort vainqueur de justesse à la Chambre avec 29,7% des voix et 340 sièges (mais 31,6% au Sénat sans majorité), tandis que Monti ne totalise que 10,5% des voix et 46 sièges.

     

    Bersani, candidat de la Confindustria (MEDEF italien)

     

    Pour la Confindustria et les milieux financiers, l'ex-communiste Bersani est le candidat du « pragmatisme » et de la « rigueur », celui à même de maintenir le cap de l'intégration européenne et de l'austérité.

     

    Le programme de Bersani : maintenir l'Italie dans l'euro, défendre les mesures d'austérité de Monti et aller plus loin dans les « réformes structurelles » à commencer par une réforme du travail prévoyant des allègements de cotisations pour les entreprises au nom de la compétitivité.

     

    Le parcours de renégat de Bersani est un gage de sûreté pour le capital. Homme d'appareil par excellence, le jeune loup du PCI fait partie de l'aile « centriste » qui pense puis exécute froidement le processus de liquidation du Parti communiste au cours de l'année 1991.

     

    Ferme sur ses positions économiques libérales et européistes, Bersani reste le ministre de la privatisation de l'électricité et du pétrole en 1999, sous le gouvernement Prodi I, appliquant à la lettre les directives européennes de libéralisation.

     

    Il récidivera en 2006, dans le gouvernement Prodi II, en libéralisant certaines professions fermées (taxis, pharmacies) et ouvrant les transports urbains communaux à la concurrence privée.

     

    Alibi de gauche dans son futur gouvernement : Nichi Vendola, l'ancien liquidateur de Refondation communiste, leader du mouvement gay et intégriste catholique, gouverneur des Pouilles loué par l'ex-patronne du MEDEF italien et communiste repenti.

     

    Berlusconi, démagogue embarrassant et franc-tireur imprévisible pour le capital européen

     

    Dans ce contexte, le retour de Silvio Berlusconi embarrasse les milieux financiers et surtout le grand capital européen, avec un score inespéré de 29% à la Chambre et de 30,6% au Sénat,

     

    Franc-tireurservant tantôt les intérêts d'une fraction du capital italien tantôt mû par ses intérêts égoïstes, mais aussi porteur des aspirations contradictoires des petits entrepreneurs : les positions démagogiques du Cavaliere sont bien trop imprévisibles pour le capital et l'UE.

     

    Dans son come-back, Berlusconi a alimenté la surenchère anti-européenne. Jouant sur la colère contre la monnaie européenne, Berlusconi a pesté contre l'hégémonie allemande mais s'est bien gardé de se prononcer pour la sortie de l'euro, axant ses palabres sur la ré-orientation de la BCE.

     

    Multipliant les invectives contre Mario Monti, l' « Homme de Merkel », Berlusconi ne s'est pas privé de proposer de retirer sa candidature pour se ranger derrière l' « Homme d'Etat » Monti si celui-ci prenait la tête d'une coalition de centre-droit.

     

    Sur le plan économique, la surenchère démagogique a battu son plein avec promesses de baisses d'impôts profitant aux entreprises et aux riches : réduction de la TVA, suppression de l'impôt sur les résidences principales (IMU), baisse de l'impôt sur le revenu, exonérations patronales.

     

    Pour le capital européen, les promesses démagogiques et inconséquentes de Berlusconi sont un péril dans la période. D'une part parce qu'elles entretiennent un sentiment anti-européen. D'autre part, parce qu'elles rendent impossible l'adoption des futures réformes structurelles.

     

    Cette impasse avait en 2009 conduit à la démission forcée de Berlusconi, incapable de mettre en place la réforme des retraites, sous pression de sa base populaire. Le capital européen l'avait alors remplacé par Mario Monti qui a lancé le plus grand plan de rigueur en Italie depuis 1945.

     

    « Ni de droite, ni de gauche » : le populisme de Grillo et les dangers du qualunquisme

     

    Mais en termes de populisme échevelé, Silvio Berlusconi a peut-être trouvé son maître. Humoriste lui aussi mais volontaire, Beppe Grillo, a su manier l'invective pour fustiger, avec une violence verbale confinant souvent à l'insulte jouissive, la « caste » politique italienne.

     

    Avec 25,5% des voix et 110 sièges, il est le grand gagnant du scrutin. Grillo rassemble large, les déçus de tous les bords. Tous unis dans une même rage née de la crise économique, tous unis dans le « Qu'ils s'en aillent tous » de Grillo.

     

    Le « Vaffanculo » qui avait été le mot d'ordre qui l'avait fait connaître en 2007, trouve un nouvel élan dans le « Tutti a casa » (tous à la maison) ou « Tutti fuori » (tous dehors), un « Sortez les sortants » à l'italienne.

     

    Poujadiste, « qualunquiste » plutôt, ce vieux mouvement de fond de rejet de la politique italienne, axé sur le supposé ressenti de l'italien moyen, mêlant des sentiments contradictoires entre anti politique et anti classe politique, entre anti Etat et anti « gros ».

     

    C'est ce qui fait l'unité du mouvement, son dénominateur commun est un rejet de la « classe politique » autour d'un programme suffisamment vague pour satisfaire les déçus de la droite comme de la gauche.

     

    « Ni gauche, ni droite : contre la caste politique », le discours de Grillo est porteur en temps de crise, porteur de périls également.

     

    Le « Mouvement 5 étoiles » de Grillo est né des mouvements citoyens de base pour l'eau publique notamment, classés à gauche, mais fonctionne désormais sur un rapport organique entre un « chef », tribun et sauveur, et une « masse » subjuguée par ses diatribes enflammées sur les places.

     

    Grillo peste avec véhémence lors de ces meetings, crie tout haut ce que le patron du Nord-est, ex-électeur de la Lega Nord, anti-Etat et raciste, ou l'intellectuel précaire du Centre, déçu de la gauche, attaché au service public et à l'écologie, pense de moins en moins bas.

     

    Mais Grillo dit tout et son contraire : diminuer les taxes sur les entreprises pour relancer la croissance mais lancer une transition écologique vers la décroissance, défendre certains services publics comme l'eau mais râler contre les syndicats et les fonctionnaires planqués.

     

    Sur les questions sociétales, Grillo est le premier à défendre la « démocratie participative » mais dans un rapport quasi personnel avec le chef, il est pour lutter contre la monnaie unique européenne mais aussi contre les vagues d'immigration extra-européennes qui menacent l'Italie.

     

    Les positions de Grillo sont l'illustration d'une réelle radicalisation de parties importantes de la population italienne, de classes moyennes déclassées, une population sans repères ni perspective politique cohérentes, sujette à toutes les récupérations populistes et potentiellement réactionnaires.

     

    Les communistes au plus bas depuis 1945 : une alliance tactique qui ne paie pas

     

    Face à ce tableau désolant d'une vie politique italienne en pleine décrépitude, la nécessité d'un Parti communiste italien fort se fait sentir plus que jamais.

     

    Hélas, le choix réalisé par les deux partis communistes italiens (PdCI et Refondation communiste), celui d'un effacement tactique, parrainé stratégiquement par le Parti de la gauche européenne (PGE) ne s'est pas avéré payant électoralement.

     

    Les communistes italiens avaient fait le pari, pour revenir au Parlement, de s'effacer derrière une liste unitaire, avec les Verts et le parti centriste « Italie des Valeurs » du juge Antonio di Pietro, une liste menée par le juge anti-mafia (l'Eva Joly italien), l'intègre Antonio Ingroia.

     

    Après le fiasco de la tentative liquidatrice de l'équipe dirigeante Bertinotti-Vendola en 2008, avec la Gauche arc-en-ciel qui avait ramené les communistes italiens de 9 à 3% et les avaient exclu du Parlement, les communistes tombent encore plus bas.

     

    Avec 2,2% à la Chambre des députés et 1,8% au Sénat pour la « Révolution civile » d'Ingroia, les communistes ne reviendront pas au Parlement. Ils entraînent avec eux le parti centriste « Italie des Valeurs » qui avait réalisé 4,5% des voix en 2008 et obtenu 29 députés.

     

    Partant d'un potentiel de près de 9% en 2008, la liste de la « Révolution civile » d'Ingroia tombe à 2% sur les deux chambres, loin des prévisions des sondages plafonnant pourtant à 4-5%.

     

    Ingroia et les dirigeants de Refondation communistes ont tout de suite dénoncé le blackout médiatique dont a été victime la liste et ont surtout regretté que le PD n'ait pas pris en compte les propositions d'alliance de la coalition, préférant traiter avec Monti :

     

    « Bersani a préféré le choix suicidaire de l'alliance avec Monti plutôt que l'alliance avec nous : pourtant nous lui avions proposé mais il n'a jamais répondu », s'est lamenté Ingroia.

     

    Paolo Ferrero, secrétaire de Refondation communiste, a ajouté : « on est resté piégé entre le vote utile de Bersani et le résultat de Grillo : nous avons proposé le dialogue au PD mais la porte est restée fermée ».

     

    Nous avions en février dernier exposé nos doutes sur les choix d'alliances électorales des communistes italiens, nos camarades du PdCI avaient désiré défendre une alliance qu'ils percevaient indispensable pour sauver une représentation parlementaire.

     

    Les choix tactiques hésitant de nos camarades ont suscité le débat en Italie. Après de nouveau revers électoral, ils continueront sans nul doute à faire débat de l'autre côté des Alpes. Les communistes italiens sont les seuls à juger de leurs orientations stratégiques et tactiques.

     

    En tout cas, en Italie comme ailleurs, plus que jamais le peuple a besoin d'un Parti communiste à la hauteur de notre temps pour mener la lutte contre les politiques au service du capital, contre ceux qui les mettent en œuvre à « gauche » et ceux qui tentent de récupérer la colère populaire pour la conduire vers de dangereuses impasses.


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