• Un référendum sur les chômeurs, l’idée choc de Nicolas Sarkozy

    Et si le chômage de masse, qui frôle les 10 % de la population active, pouvait être combattu par une mise au pas de ces chômeurs passifs qui attendent leurs allocations et ne se bougent pas pour retrouver un emploi ? Il fallait y penser. Nicolas Sarkozy l'a fait en présentant cette idée choc de futur candidat quasiment déclaré dans une interview au Figaro Magazine.

    En 2007, le candidat à la présidentielle avait pris un engagement audacieux lors de l'émission "A vous de juger" sur France 2 : "Je veux m'engager sur le plein emploi : 5 % de chômeurs à la fin de mon quinquennat. (...) On nous demande une obligation de résultats. La démocratie, il faut qu'elle vive. Si on s'engage sur 5 % de chômeurs et qu'à l'arrivée il y en a 10 % c'est qu'il y a un problème".  Que ferez-vous si vous n'arrivez pas à ce chiffre ? le relance la journaliste Arlette Chabot. "Je dis aux Français, c'est un échec et j'ai échoué et c'est aux Français d'en tirer les conséquences".

    Cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy a échoué et la comparaison avec l'Allemagne, où le chômage tourne autour de 6 %, montre que la crise n'est pas la seule explication. Mais le président, à défaut de reconnaître son échec, a trouvé sa parade, sa botte de Nevers : un référendum sur ce système d'indemnisation du chômage fondé sur les devoirs et obligations des chômeurs et "sur la façon dont on doit considérer le travail et l'assistanat". Et déjà la Droite sociale de Laurent Wauquiez applaudit.

    Une grande réforme de la formation professionnelle

    Concrètement, M. Sarkozy propose de "créer un nouveau système dans lequel l'indemnisation ne sera pas une allocation que l'on touche passivement, mais la rémunération que le service public de l'emploi versera à chaque demandeur d'emploi en contrepartie de la formation qu'il devra suivre". "Passé un délai de quelques mois, précise M. Sarkozy, toute personne au chômage sans perspective sérieuse de reprise d'emploi devra choisir une formation qualifiante". Celle-ci, qui sera obligatoire, sera définie par un mystérieux "comité national" (?) qui, "avec des chefs d'entreprise et des syndicalistes", identifiera "les secteurs d'avenir créateurs d'emplois".

    A l'issue de cette formation, prévient le président, "le chômeur sera tenu d'accepter la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé". Interrogé sur les moyens insuffisants du système de formation actuel, M. Sarkozy rappelle qu'il a confié une mission à Gérard Larcher, ancien ministre du travail, afin d'engager "une grande réforme de la formation professionnelle". Le chef de l'Etat vient déjà de livrer à l'ancien président du Sénat une de ses conclusions... Et "si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels s'avéraient trop puissants, souligne M. Sarkozy comme s'il s'avérait déjà convaincu qu'il n'y aurait pas de consensus entre les partenaires sociaux – ce qui est en effet plus que probable –, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français". Vive le référendum ! 

    Culpabilisation des chômeurs

    Cette idée choc soulève de multiples questions. Le système d'indemnisation du chômage relève de l'Unedic, créée en 1958 à une époque où il n'y avait quasiment pas de chômeurs. Il est basé sur l'assurance – les salariés cotisent et touchent en retour des allocations quand ils sont sans emploi –, et de l'Etat qui assure (modestement) le relais au nom de la solidarité nationale, un concept qui n'apparaît pas dans le raisonnement de M. Sarkozy.

    L'Unedic est, comme les retraites complémentaires, un vrai régime paritaire qui est géré par les syndicats et par le patronat, l'Etat ayant seulement pour rôle d'agréer les conventions d'assurance chômage. En 2000, Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, qui présidait l'Unedic, avait introduit dans la convention, au grand dam de Lionel Jospin, le "Pare", un "plan d'aide au retour à l'emploi" qui, disait-elle, obéit à "une logique d'insertion et d'intégration" et non "de contrainte et de culpabilisation".

    Il y a une grosse faille dans le projet de M. Sarkozy – qui veut visiblement court-circuiter les corps intermédiaires en songeant à un référendum – c'est qu'il parle des chômeurs de manière indifférenciée, qu'il s'agisse de salariés parfaitement formés mais licenciés de leur entreprise dans le cadre d'un plan social, de seniors congédiés avant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite, de précaires allant de contrat à durée déterminée à contrat à durée déterminée etc. Il reconnait implicitement l'échec de la formation professionnelle mais impose une formation obligatoire à tout chômeur qui sera ensuite "tenu d'accepter la première offre d'emploi". C'est un discours de culpabilisation des chômeurs qui va flatter la frange la plus à droite de son électorat, celle qui pense que derrière beaucoup de chômeurs se cachent des fraudeurs, des profiteurs du systéme.

    La meilleure réponse au projet de M. Sarkozy, qui ne manquera pas de soulever un tollé dans les organisations syndicales, se trouve dans le petit livre de Gaby Bonnand, ancien dirigeant de la CFDT, qui a été jusqu'en 2011 président de l'Unedic : "Pôle emploi, ''de quoi j'me mêle ?" (Editions de l'Atelier). "Un chômeur, écrit-il, n'est ni une touche de piano, ni un chiffre, ni une donnée, ni un flux, ni un stock". Son propos se veut "à cent lieux de cette rhétorique qui oppose les salariés aux demandeurs d'emploi alors que le système même de l'indemnisation les solidarise". Pour M. Bonnand, "l'absence de formation durant la vie professionnelle, le manque de qualifications ou des qualifications obsolètes à la sortie du systéme scolaire, le sous-emploi...  sont autant d'obstacles qui interrogent les pratiques des entreprises et les politiques publiques". Les chômeurs ont des devoirs, et même des obligations et la plupart y souscrivent, mais faut-il rappeler qu'ils ont aussi des droits?

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