• Strophes pour se souvenir, Louis ARAGON

    Louis ARAGON (1897-1982)


    Nous célébrerons cette année le trentième anniversaire de sa disparition. 


    Il était un poète appartenant au mouvement "surréaliste", il était également connu pour son engagement au sein du Parti Communiste Français de 1927 à sa mort, et dirigeant du parti.

     

    On retient de lui une oeuvre considérable, comme des recueils de poèmes (Le Roman inachevé, Les Yeux d'Elsa, ...) et des romans comme Le Paysan de Paris.

     

    Nombre de ses oeuvres ont été mises en musique par Jean Ferrat (Hereux celui qui meurt d'aimer, Un jour un jour, Aimer à perdre la raison, Que serais-je sans toi), Marc Ogeret, mais aussi Léo Ferré avec le poème qui suit, Strophes pour se souvenir. Il s'agit d'un hommage aux résistants étrangers du groupe Manouchian, qui sont morts pour la France.

     

     

    Strophes pour se souvenir

    (1955)

     

    Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes

    Ni l'orgue ni la prière aux agonisants

    Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

    Vous vous étiez servi simplement de vos armes

    La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

     

    Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes

    Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

    L'affiche qui semblait une tache de sang

    Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles

    Y cherchait un effet de peur sur les passants

     

    Nul ne semblait vous voir français de préférence

    Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant

    Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants

    Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

    Et les mornes matins en étaient différents

     

    Tout avait la couleur uniforme du givre

    À la fin février pour vos derniers moments

    Et c'est alors que l'un de vous dit calmement

     

    Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre

    Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

     

    Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

    Adieu la vie adieu la lumière et le vent

    Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent

    Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses

    Quand tout sera fini plus tard en Erivan

     

    Un grand soleil d'hiver éclaire la colline

    Que la nature est belle et que le coeur me fend

    La justice viendra sur nos pas triomphants

    Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline

    Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

     

    Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

    Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps

    Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

    Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

    Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

     

    Louis Aragon, Le Roman Inachevé


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