• Où en est-on dans la conjoncture mondiale?

    Yves DIMICOLI Commission économique
    15 octobre 2011


    Où en est-on dans la conjoncture mondiale?


    PLAN:

    1 – La reprise grippée après un été meurtrier
    2 – Pays émergents:une locomotive contradictoire;
    3 –États-Unis: face au chômage de masse durable;
    4 –Europe et France: de pire en pire;
    5- Rompre pour une autre logique.

    L’été a été meurtrier. La donne conjoncturelle bouge beaucoup. Tandis que semblent échouer toutes les tentatives de réponses capitalistes au choc de 2008 – 2009, on voit se développer un climat marqué tant par le ras-le-bol et la résignation que par l’émergence de luttes nouvelles mettant désormais en accusation la finance, les banques et même la BCE !

    Le FMI ne cesse d’envoyer des signaux d’alerte et des mises en garde. Son chef économiste, Olivier Blanchart, a reconnu1  avoir sous-estimé la gravité des facteurs de crise à l’œuvre dans le cadre même de la reprise mondiale depuis le deuxième semestre de 2009.

    Un  double  schéma,  très  mécaniste, de  rééquilibrage était  anticipé  qui  devait  conduire  à  une accélération progressive de la croissance mondiale et une résorption des tensions.

    D’abord un rééquilibrage intérieur des pays développés avec la demande privée qui devait prendre le relais de la relance budgétaire. Cela n’a pas eu lieu, dans un contexte de chômage persistant dans les pays développés, pour 3 raisons notamment :
        Pénurie de crédit bancaire ;
        Séquelles fortes de la spéculation immobilière ;
        Haut niveau d’endettement des ménages.

    Comme le relève Olivier Blanchart, en forme d’autocritique, ces facteurs « freinent en définitive la reprise beaucoup plus que nous ne l’avions prévu ».

    Le second rééquilibrage devait être extérieur : « Les pays avancés accusant des déficits extérieurs courants – tout particulièrement aux États-Unis – ont besoin, pour compenser la faiblesse de la demande intérieure d’un  accroissement de  la  demande  extérieure  ».  Était  donc  escompté un basculement de la demande extérieure vers la demande intérieure dans les pays émergents qui affichent des excédents courants, particulièrement la Chine.

    Mais ce second rééquilibrage ne se fait pas non plus ! D’où la crainte vive du FMI qui alerte sur les risques financiers de la période dans les pays avancés, en insistant particulièrement sur la gravité de la crise des dettes souveraines et la fragilité des banques en Europe .

    Simultanément, il note que les  pays émergents, «épargnés »,  pourraient cependant souffrir du ralentissement de leurs exportations et d’une volatilité accrue des flux de capitaux.


    1    FMI : Perspectives de l’économie mondiale - Septembre 2011


    I- LA REPRISE GRIPPEE APRES UN ETE MEURTRIER

    Quelles hypothèses ont été finalement retenues dans le scénario moyen du FMI ?

    la croissance mondiale va se modérer, tombant à un rythme d’environ 4 % jusqu’à la fin de 2012, contre + de 5 % en 2010.
    Le PIB réel des pays avancés connaîtrait une croissance anémique de 1,5 % en 2011 et de 2 % en
    2012, tandis que la croissance du PIB ralentirait dans les pays émergents et en développement, en liaison avec l’adoption de mesures de refroidissement face à l’apparition de contraintes de capacité.
    Cependant, la croissance des pays émergents se maintiendrait à un « rythme solide », de l’ordre de 6 % en 2012.
    Mais des risques de dégradation se développeraient à partir des pays avancés. Cela concernait, d'abord, la zone euro avec l'éventualité que la crise des dettes souveraines échappe au contrôle des gouvernements. Le FMI demande expressément à la Banque centrale européenne (BCE) de baisser son taux directeur « si les risques de dégradation de la croissance et de l’inflation persistent»...
    Mais cela concerne aussi les États-Unis où la croissance mollit sur fond de blocages politiques.
    Le FMI envisage alors un « scénario noir » : la zone euro et les États-Unis pourraient replonger dans la récession, l’activité se situant en 2012 prés de trois points en dessous des projections.

    Depuis, les demandes adressées à la zone euro n’ont cessé de s’amplifier, Christine Lagarde et Barak Obama lui-même sont montés au créneau, soit pour souligner la fragilité du système bancaire européen, soit pour demander des mesures de consolidation et de soutien de l’activité.

    On  a  assisté,  dans  ce  contexte, à  l’amorce de  grandes manœuvres, sur  fond  de  spéculations renforcées et de stigmatisation par les États-Unis et la Réserve fédérale (FED), elle-même, de la santé des banques européennes, avec le déclenchement d’un retrait massif d’Europe des sicav monétaires  américaines  (les  Fedfunds),  accentuant  les  difficultés  de  liquidités  en  dollars  des banques européennes.

    On assiste aujourd'hui à un engagement politique direct des États  beaucoup plus dur dans le débat économico-financier mondial.

    N’a-t-on pas vu se tenir, à Wroclaw (Pologne), le 16 septembre dernier, une réunion des ministres des finances européens en présence du secrétaire au Trésor des États-Unis, Tim Geithner ? Et n’a-t- on pas vu au, cours de la même réunion, américains et allemands se rejeter mutuellement la responsabilité des difficultés, les Européens se retrouvant divisés, mais cependant décidés à ne pas prendre d’initiative de relance?

    Dans la foulée, le 6 octobre, la BCE a décidé de dire « non » à la demande expresse du FMI de réduire son taux directeur alors que, cependant, tout laisse anticiper une dégradation persistante de la croissance et de l’inflation en zone euro.

    L’INSEE vient de produire son propre point de conjoncture intitulé « la reprise se grippe »2.

    Il  y est indiqué que les indicateurs disponibles en septembre signalent tous un retournement. L'institut  fait, lui aussi, une sorte d’autocritique, reconnaissant que les événements de l’été mettent à mal le scénario retenu jusqu’ici d’un rebond dans le monde au deuxième semestre 2011.

    Selon l’INSEE, l’activité a quasiment stagné dans les pays avancés au second trimestre 2011 avec une croissance de 0,1 % seulement :

    Le Japon a continué d’encaisser les effets du tsunami : -0,5 % au deuxième trimestre, après -0,9 %au premier trimestre
    Les États-Unis ont réalisé + 0,3 %, contre + 0,2 % pour le Royaume-Uni et la zone euro.
    Au cœur de cette langueur occidentale on retrouve la faiblesse de la consommation des ménages en liaison avec la levée des dispositifs de soutien de l’activité mis en place suite à la récession de 2009 (automobiles notamment) et, surtout, la persistance d’un chômage considérable
     L’INSEE relève que le commerce mondial s’est contracté de 0,6 % au deuxième trimestre 2011, pour la première fois depuis mai 2009, tandis que la montée des tensions sur les marchés interbancaires de la zone euro couplée à la chute importante des bourses mondiales affectent,dit-il, la perspective pour la fin 2011.

    Il salue le renforcement des interventions décidées par les banques centrales : L’opération « twist » de la Fed ( programme d’allongement des maturités des obligations fédérales qu’elle détient) et la reprise, par la BCE, des opérations d’achat d’obligations souveraines.

    L’ institut remarque que, depuis la dégradation brutale de l’été, le climat des affaires se situe légèrement au-dessus du seuil d’expansion aux États-Unis et au Japon, mais en dessous de ce seuil en zone euro.
    Si l’activité, outre atlantique, pourrait connaître une très légère accélération au troisième trimestre2011 (+ 04 % après + 03 %), pour revenir à nouveau à + 0,3 % au quatrième trimestre, la croissance en zone euro serait encore plus faible : 0,1 % au troisième trimestre et 0 % au quatrième avec une différenciation entre, d’un côté, l’Allemagne et la France qui résisteraient un peu et, de l’autre, l’Europe du Sud en récession, Italie et Espagne comprises.
    Quant aux économies émergentes, elles poursuivraient leur ralentissement du fait, tant du resserrement de politique monétaire, que du freinage sensible des pays développés.
    Le commerce mondial ne rebondirait pas d’ici la fin de l’année : après avoir stagné au troisième trimestre ils se replieraient au quatrième.

    Au total, le monde ne devrait pas retomber précocement en récession (double deep), même si un tel scénario n'est pas à écarter pour certains de ses sous-ensembles (zone euro ou États-unis) mais il connaitrait, tiré par l'activité des pays émergents, une croissance du PIB très lente, chaotique, avec une accentuation très forte du climat concurrentiel mondial.

    2   INSEE-conjoncture: « La reprise se grippe », octobre 2011.


    II – LA LOCOMOTIVE CONTRADICTOIRE DES PAYS EMERGENTS :


    La croissance de ces pays demeure forte, même si elle souffre :
        Des contrecoups du ralentissement des pays avancés, notamment du ralentissement de la conjoncture européenne si l’on sait, par exemple, que l’Europe est le premier débouché de la Chine devant les États-Unis ;
        Des mesures de refroidissement de l’activité prises dans nombre de pays émergents pour faire  face à  la  spéculation, immobilière notamment, aux  importations de  capitaux non désirés et à l’inflation des prix, notamment de l’énergie et des matières premières.

    Les pays émergent ont un PIB par habitant inférieur à celui des pays développés, mais ils jouissent d’une croissance du PIB beaucoup plus rapide. Ils représentaient un tiers du PIB mondial, il y a 30 ans, mais plus de 50 % aujourd’hui. Ils forment plus des 4/5 de la croissance du PIB mondial sur les cinq dernières années.
    Cela fait que, dans le contexte actuel de marasme que connaissent les pays avancés, les émergents apparaissent comme le nouvel eldorado vers lequel se ruent les capitalistes du monde entier.

    Il y a donc un fort courant d’investissements vers ces pays sous exigence de rentabilité financière tendant, en réalité, à y faire pression sur les salaires, l’emploi, les conditions de travail et les dépenses sociales.

    Cela souligne en retour combien les « réseaux capitalistiques et informationnels » ainsi créés pourraient aussi constituer la base d’accords de coopération tout à fait nouveau entre entreprises pour un co-développement des populations, grâce à des conditions de financement faisant reculer l’appel aux marchés financiers en utilisant la création monétaire3.

    L’avancée de  ces  emprises des  multinationales dans  les  pays  émergents tendrait  désormais  à développer le remplacement des hommes par des accumulations d’équipements matériels et un certain essor des salaires, en liaison avec les qualifications supérieures requises et les luttes sociales, tandis que, désormais, s’accentuent les mouvements de délocalisation vers les régions  aux plus bas salaires, à l’intérieur même des pays émergents et en développement.

    Ainsi,  ces  pays  contribueraient-il eux  aussi,  désormais,  à  la  préparation  d’une  nouvelle  sur- accumulation de capital matériel et financier à l’échelle planétaire et de son éclatement probable vers 2016 – 2017.

    Quelle conjoncture en Chine ?

    En 2009, au pire de la récession mondiale, la Chine a enregistré, elle, une croissance de 9,2 %, apportant 1,2 points à la croissance mondiale. Cela au moyen d’un grand plan de relance mettant l’accent sur le développement des infrastructures et l’injection massive de crédits par les banques locales.

    Cela a permis une très rapide expansion de l’investissement en 2009, largement encouragée par un important relâchement de la politique monétaire et des mesures d’incitation fiscale.

    En 2010, on assiste à une modération de la croissance de l’investissement public en réponse aux mesures de refroidissement décidée par Pékin face à la violente hausse des prix immobiliers et au gonflement de l’endettement des provinces et des municipalités.

    Mais cela n’a pas interrompu la dynamique d’expansion de la demande privée et l’élévation de la part des exportations chinoises dans le commerce mondial, dépassant 10 % en 2010.

    Américains et européens ne cessent d'accuser Pékin de « manipuler » le Yuan en maintenant sa valeur à des niveaux artificiellement bas. Tout récemment, on a vu Obama, lui-même, tenir un discours d’une fermeté proche de l'hostilité, déclarant que  la Chine aurait « été très agressive en jouant les échanges commerciaux à son avantage et au détriment d’autres pays, particulièrement les États-Unis »4. De plus, un projet de loi au Sénat américain entend taxer tous les produits en provenance de Chine à cause de la « sous-évaluation » du Yuan5.


    Effectivement, Pékin a choisi, entre juillet 2008 et juin 2010, d’ancrer le Yuan au dollar pour :
    -     Soutenir ses secteurs exportateurs et son emploi dans un contexte de crise mondiale et compte tenu du fait que les multinationales ont cherché à faire de la Chine l’atelier industriel du monde développé,
    -     Favoriser la stabilité financière.

    Pour autant, le Yuan ne cesse de s’apprécier progressivement depuis 2005 et, sans doute, devrait continuer de le faire. Entre juillet 2005 et juillet 2011, il a gagné 20 % contre le dollar en termes nominaux et s’est apprécié quasiment de la même ampleur en terme effectif réel6.

    Depuis juin 2010, il fluctue par rapport à un panier de monnaies de référence dont la composition demeure inconnue. Il s’est apprécié de 2,6 % par rapport au dollar entre juin 2010 et fin 2010, puis, à nouveau, de 2,6% au premier semestre 2011. Pour les Chinois il n’est pas question de procéder à une forte réévaluation.

    Cela  dit,  la  Croissance du  PIB  chinois, qui  était  de  +9,8%  au  quatrième trimestre 2010   en glissement annuel (GA), est passée à +9,7% au 1er trimestre 2011, puis + 9,5 % au deuxième trimestre. Elle devrait continuer de s’effriter au cours des quatre prochains trimestres.

    Mais tous les observateurs estiment que l’atterrissage chinois devrait continuer de se faire « en douceur », dans l’immédiat.

    En effet, en août dernier, les pays avancés s’enfonçaient dans la crise financière, mais les exportations chinoises continuaient d’afficher, elles, une belle performance (+ 25 % en GA).

    Certes, on note une tendance au ralentissement : la progression du total des exportations exprimées en dollars est passée de 31 % en 2010 à 24 % sur les huit premiers mois de 20117Et il est vrai que la Chine demeure très exposée aux variations de la demande américaine et européenne.

    Mais la demande intérieure semble demeurer solide, malgré des signes de modération en écho au resserrement de la politique économique.

    Dans les  prochains mois, sans doute, le  ralentissement de l’investissement manufacturier sera prononcé. Mais le gouvernement chinois dispose de marges de manœuvre avec une dette officielle inférieure à 20 % du PIB et des déficits publics inférieurs, eux, à 3 %, sans parler d' énormes réserves en devises (plus de 3000 milliards de dollars)

    Sans doute ces marges vont telles être sollicitées, car les capacités d’intervention des provinces et municipalités seront autrement plus limitées qu’en 2008, car elles se sont beaucoup endettées dans le cadre du plan de relance.

    On peut donc penser que, dans l’immédiat, la croissance chinoise, si décisive pour la conjoncture mondiale, va tenir. Mais, le problème tient dans les contradictions qu’elle accumule.

    Elles proviennent, fondamentalement, du fait que cette croissance est très insuffisamment créatrice d’emplois, encore beaucoup trop extravertie, et fondée principalement sur l’accumulation du capital avec un développement effectif, mais demeurant très insuffisant, des hommes8.

    Cela confirme que l’on assisterait en Chine à des débuts de changements fondamentaux par rapport à la croissance industrielle fondée sur les bas salaires.

    Les questions du passage à un autre modèle de croissance se poseraient, en effet, désormais de façon très forte, faisant saillir de nombreuses ambivalences.

    Il s’est ouvert en Chine un débat stratégique pour aller vers un modèle de croissance moins extraverti, moins dépendant des seules exportations de produits industriels vers les pays développés, avec la visée d’un équilibrage impliquant un poids plus élevé de la consommation et des services relativement à l’industrie et à l’investissement industriel, avec une sensible augmentation du marché intérieur encore si peu développé (800 millions de ruraux).

    Ce débat stratégique interne vient  se conjuguer  aux pressions considérables des dirigeants des pays avancés, États-Unis en tête, pour que la Chine relâche sa pression exportatrice industrielle et, en liaison avec une nouvelle réévaluation du Yuan et une déréglementation de son système de crédit, ouvre largement son marché intérieur aux occidentaux, notamment en matière de services avec l'énorme défi qui se profile sur les retraites et la sécurité sociale.

    Les dirigeants chinois, après avoir laissé pendant plusieurs années progresser les « forces du marché », s’être heurté à la montée de vives protestations sociales et au creusement formidable des inégalités, parlent désormais de mieux « commander » l’économie.

    Tout le problème est de savoir vers quels buts et en s’appuyant sur quelles forces sociales. Les ambivalences sont en effet lourdes9.

    S’agit-il de mieux collaborer avec le capitalisme occidental, mieux rivaliser dans les enjeux de domination mondiale ?  Ou bien, s’agit-il de commencer à  engager des  avancées vers une construction nationale beaucoup plus sociale et participer à des coopérations mondiales de co- développement ?

    L’actualité récente confirme les ambivalences.

    Cet été, après la dégradation à très forte portée symbolique, par Standard & Poor's, de la note des États-Unis, l’agence « Chine nouvelle » a déclaré que Pékin « a désormais tous les droits d’exiger des États-Unis qu’ils s’attaquent à leur problème structurel de dettes ».

    Joe Biden, vice-Président des Etats-unis, a été obligé d’aller à Pékin pour rassurer les dirigeants chinois sur le fait que les États-Unis « ne feraient jamais défaut » et s’assurer, en même temps, de  la  poursuite sans  histoire de  leur  coopération de  fait  pour  le  financement de  la  dette américaine.

    Celui-ci  est  parti,  semble-t-il  rassuré  dans  l’immédiat  et,  d’ailleurs,  on  a  vu  après  le déclassement de la dette américaine les taux à long terme, déjà si bas, continuer de baisser outre-Atlantique.

    Cependant, la demande chinoise d’une autre monnaies de réserve internationale que le dollar, à partir des DTS du Fonds monétaire international, est sur la table et trouve de nouveaux échos, alors même que les fragilités de l’euro rendent très difficiles, pour l’heure, de nouveaux efforts de diversification des réserves chinoises, lesquels privilégient, pour l'heure, le won coréen et le yen japonais.

    En même temps, on voit la Chine se montrer prête à aider la Grèce, le Portugal, l’Espagne. Est- ce pour se partager les dépouilles dans le cadre des privatisations considérables requises par le pacte de stabilité renforcée et le pacte de l’euro plus, ou est-ce pour une réorientation éventuelle de l’euro ?

    De plus, on se souvient des initiatives politiques nouvelle des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), conscients désormais de leur poids mondial et affirmant vouloir s’allier pour la promotion d’un monde multi-polaire, tandis que le Brésil s'est dit prêt à aider l’Europe à faire face à la crise des dettes souveraines.

    Le G20 de Cannes va être marqué par ces enjeux, en même temps que l’on sait que peuvent être travaillées de nouvelles divisions comme, par exemple, la sourde lutte commerciale entre la Chine et le Brésil, voire l’Afrique du Sud.

    Les États-Unis vont tout faire aussi s’opposer à un quelconque rapprochement entre l’Europe et les pays émergents qui puisse mettre en cause leur marge de jeu et relancé la polémique à propos du dollar.

    C’est dire l’énorme enjeu de travailler à un rapprochement entre l'Europe et les pays émergents et de promouvoir l’idée de monnaie commune mondiale, en faisant en sorte d’inscrire ces questions à l’agenda du débat de l’élection présidentielle de 2012 en France.

    3   P. Boccara: La crise systémique Europe et Monde, quelles réponses – Le Temps des cerises, col. ESPER, septembre
    2011. On se reportera tout particulièrement à la troisième partie du livre.
    4   les Échos du 10 octobre 2011.
    5   Le Sénat américain a en effet voté le 11 octobre dernier en faveur d’un texte de loi visant à mettre en place des droits de douanes supplémentaires sur les produits importés des pays qui, selon lui,  pratiquent un« dumping monétaire ». La Chine est clairement visée. Les responsables politiques américains estiment en effet que le yuan est maintenu faible par Pékin, pour gonfler ses exportations. Selon eux, cette politique permettrait aux marchandises chinoises d’afficher un avantage compétitif de l’ordre de 30% par rapport aux produits américains. L’adoption du projet de loi est une «entorse grave» aux règles de l'organisation mondiale du Commerce (OMC) susceptible de provoquer une «guerre commerciale», a réagi le ministère chinois des Affaires étrangères
    6   BNP Paribas: « Conjoncture Taux Change », Economic research department, octobre 2011.
    7   Ibid.
    8  P. Artus, Mistral M et V. Pagnol : L'émergence de la chine: impact économique et implications de politique économique"- Rapport du Conseil d'Analyse Economique(98), La documentation française,  juin 2011. On se reportera particulièrement au commentaire de J. Pisani-Ferry qui met en exergue une tendance à la "sur-accumulation de capital".
    9   P. Boccara, op.cit. .


    III-  LES ÉTATS-UNIS FACE AU CHÔMAGE DE MASSE DURABLE :

    La croissance a été décevante au premier semestre 2011 : après + 2,4 % au premier trimestre, elle a fléchi à + 1,8 % au deuxième trimestre (variations annuelles). Aucune amélioration ne semble en vue d’ ici à la fin de 2011.

    C’est la demande des ménages qui demeure le maillon faible. Elle n’a progressé que de 1,2 % (taux moyen trimestriel annualisé) au premier semestre 2011.

    Entre le point haut du troisième trimestre 2007 et le point bas du deuxième trimestre 2009, cette composante de la demande a perdu 5,3 %, amputant la croissance du PIB de 3,9 points. Depuis, elle n’a regagné que 3,3 % (à fin août).

    le revenu des ménages est plus que jamais dépendant du marché du travail qui demeure très hésitant. Et pour cause ! Entre le pic du troisième trimestre 2007 et le creux du deuxième trimestre 2009, ce sont 8 750 000 emplois qui ont été détruits. Et depuis, il ne s’en est créé que
    1,417 millions à fin août 2011.

    Le rapport sur l’emploi de septembre fait état d’un nouveau redressement : 103 000 emplois non agricoles ont été créés en septembre, alors que les estimations d’août et de juillet ont été révisées à la hausse.

    Cependant, la hausse de septembre n’est pas suffisante pour abaisser le taux de chômage officiel qui demeure rivé  à  9,1  %.  Il  est  estimé qu’il  faudrait au moins 150 000 créations nettes  par mois pour que ce taux diminue. De plus, on sait que si le redressement se confirme, des d’emplois chômeurs découragés viendraient à nouveau sur le marché du travail.

    La progression de l’emploi a été concentrée sur un petit nombre de secteurs d’activité du privé, tandis que l’emploi public continuait sur sa pente descendante10. L'État fédéral et, surtout, les collectivités locales, en proie à de grosses difficultés budgétaires, ont supprimé 34 000 postes en septembre selon le ministère.

    Le nombre de personnes contraintes de travailler à temps partiel, faute de pouvoir trouver un emploi à plein temps, a augmenté en septembre, de sorte que, si on les prend en compte, ainsi que les chômeurs exclus des statistiques pour raisons diverses, le taux de chômage réel a progressé de 0,3 point par rapport à août pour atteindre 16,5 %.

    Les chiffres montrent également, une fois de plus, une hausse du chômage de longue durée : sur les 14 millions de chômeurs officiellement recensés comme tels, 44,6 % l’étaient depuis plus de six mois... ce qui confirme, de ce point de vue, le rapprochement de la situation américaine avec celle de l’Europe.

    Cette persistance sans précédent d'un chômage à très haut niveau, alors même que la charte constitutive de la FED place le « plein emploi » au premier rang de ses objectifs, témoigne de la façon dont les investissements en technologies informationnelles, très économes en moyens, s'accompagnent d'une très insuffisante création d'emplois dés lors que leur but est la rentabilité financière.

    Avec un tel volant de chômeurs, les salaires demeurent paralysés. Selon le rapport sur l’emploi, le salaire hebdomadaire moyen a progressé en septembre de 0,4 % par rapport à août (mois au cours duquel il avait baissé) est de 2,1% sur un an, alors même que la hausse des prix annuels aurait été de 3,8 %.

    Cette situation sociale très dégradée jure avec la santé financière particulièrement florissante des grandes entreprises.

    Au deuxième trimestre 2011, les profits avant impôts ont atteint un niveau historique de 14,4 % du PIB, alors que, simultanément, la part de l’investissement des entreprises dans le PIB n’a été que de 9,9 % au deuxième trimestre 2011, contre une moyenne de long terme de 11,5 %.

    Les sociétés affichant des excédents de financement considérable.

    Le trésor de guerre des grandes entreprises américaines a été évalué à 1200 milliards de dollars. Trois-quarts de cette manne sont placés à l’étranger. Le reste est mobilisé pour des OPA de concert avec l’endettement : au premier trimestre 2011, le montant des OPA réalisées aux États- Unis a bondi de 124 % à 27 milliards de dollars. Ce surplus est mobilisé aussi pour des rachats massifs d’actions : au premier semestre 2011, les grandes entreprises ont racheté pour 124 milliards de dollars de leurs propres actions, soit 2 milliards par jour d’ouverture de la bourse.

    Si l’on prend l’ensemble des entreprises, le rapport entre leurs actifs liquides et leurs actifs totaux atteint 14 %, soit le plus haut niveau depuis 1985.

    Cette situation d’extrême aisance financière n’empêche absolument pas, semble-t-il, les entreprises américaines de s’endetter. Selon Money Week, leurs dettes cumulées auraient bondi au premier trimestre 2011 pour atteindre le niveau record de 7 300 milliards de dollars au 31 mars 2011, soit 100 milliards de dollars de plus qu’au début de l’année.

    Cette situation où les groupes disposent d’énormes surplus est en fait la contrepartie des très importantes économies de moyens humains et matériels permises par les technologies informationnelles et utilisée pour maximiser la rentabilité financière.

    Tout cela amène à dresser un constat d’échec relatif de la politique de relâchement monétaire
    (Quantitative easing) menée par la Fed, mais aussi des efforts de relance budgétaire d’Obama.

    Certes, la Fed a réussi à empêcher la déflation et un effondrement catastrophique de l’économie américaine. Mais, cependant, elle n’arrive pas à redresser l’activité et, principalement, l’emploi. La monnaie massivement créée par la Fed et les très bas taux d’intérêt ont servi, surtout, à alimenter les opérations financières, le levier des banques, les exportations de capitaux, la spéculation et les restructurations.

    Cela confirme le caractère pervers d’une création monétaire sans sélectivité incitative au développement des services publics, à l’essor de l’emploi, de la formation et de la masse salariale.

    En effet, dans le même temps, l’énorme dette publique accumulée, continue de se nourrir de déficits publics colossaux engendrés par les dépenses de guerre et de domination, le soutien aux banques et aux groupes, mais aussi par la très faible pression fiscale supportée par les grandes sociétés et les grandes fortunes11.

    Les efforts répétitifs de relâchement monétaire (QE1 +QE2) ont surtout encouragé de nouveaux affaiblissements du dollar, tout en augmentant la détention de bons du trésor des États-Unis par la Fed malgré la baisse de taux d’intérêt à long terme.

    Le taux de change effectif nominal du dollar est passé de l’indice 75 à la fin du premier trimestre 2009 à l’indice 62 à la fin de premier trimestre 2011 (-17,3 %) et cela pour un indice
    100 en 2002.

    Cela a entraîné une accentuation radicale de la pression concurrentielle des productions de la zone dollar sur la zone euro, incitant plus encore aux délocalisations. En même temps, cela a occasionné une perte de valeur des actifs en dollars détenus par l’étranger, notamment les créances chinoises.

    C’est dans ce contexte que s’est déroulée la partie de bras de fer sur le relèvement du plafond de la dette et la dégradation de la note des États-Unis.

    On sait sur quel accord bancal cela a débouché : Un relèvement immédiat du plafond de 900 milliards de dollars, en contrepartie d’une baisse des dépenses de 917 milliards de dollars sur 10 ans. Et une commission bi-partisane doit proposer, avant le 23 novembre 2011, quelque 1200 milliards de dollars de coupes supplémentaires. Si le Congrès adopte ses propositions, avant le
    23 décembre, le plafond de la dette sera, une fois de plus, relevé d’un montant correspondant.

    Mais  s’il  y  a  désaccord, alors  les  dépenses seraient  automatiquement diminuées de  1200 milliards de dollars (sur 10 ans) et le plafond de la dette relevé d’autant.

     Obama a adopté, dans cette épreuve de force, une position ambiguë : face aux blocages des républicains qui ne veulent pas entendre parler de hausses d’impôts, il opposerait son veto à tout projet de loi visant à réduire les prestations au titre du «medicare »12, sans hausses d’impôts des grandes entreprises et des plus riches. Donc il serait prêt à accepter une baisse de ce dispositif social.

    la Fed, dans ce contexte, commence à sembler un peu démunie. Bernanke a déclaré qu’il laisserait le taux des « Fed funds »13    à « des niveaux exceptionnellement bas (…) au moins jusqu’à 2013 » et il a procédé à un rallongement de la maturité du portefeuille des bons du trésor de la Fed, alors que de nombreux observateurs s’attendaient à un QE3.

    Les taux à long terme ont reculé de façon significative, alors même que l’on venait de connaître le psychodrame du déclassement de la notation américaine et du relèvement du plafond de la dette, ce qui aurait pu stimuler, au contraire, une remontée.

    Obama a décidé, en plus, de lancer un plan de 400 milliards de dollars au nom du soutien de l’emploi et qui contient, notamment, des mesures de réduction des cotisations sociales d’employeurs.

    Il est difficile, pour l’heure, d’évaluer son impact. Quoi qu’il en soit, il apparaît bien que les États-Unis ont absolument besoin d’une reprise de la demande mondiale susceptible de faire une large place à leurs exportations.

    Comme le relève P.  Artus, dans une de ses notes, les États-Unis vont essayer de faire en sorte de « voler » la croissance dont ils ont besoin et dont ils n’ont plus, pour l’heure, les ressorts internes suffisants.

    Le ralentissement est tel, outre-Atlantique, que l’on reparle du risque de « double deep » en 2012.

    C’est une possibilité et cela aurait des répercussions graves. Mais les prévisions disponibles pour l’heure font plutôt état d’une croissance très faible mais demeurant positive.

    Quoi qu’il en soit la perspective d’un krach des bons du trésor et du dollar se précise de plus en plus. .. sans doute à l’horizon 2016-2017, compte tenu de la croissance toujours robuste des pays émergents et de l’acceptation chinoise de continuer à racheter des bons du trésor des États- Unis.

    Tout  le  problème est  de  savoir  comment  les  rapports  de  forces  vont  évoluer  avant  cette échéance, et à cause d’elle, au fur et à mesure que l’on s’en rapprochera. Obama  a réussi pour l’heure à obtenir des Chinois qu’ils demeurent coopératifs, sur le fil du rasoir. Il est vrai que vu la crise de l’euro, ils n’ont guère d’alternative. Mais il en veut plus.

    Il exerce, simultanément, une pression de plus en plus forte sur les Européens et la zone euro de façon à ce que celle-ci s’inscrive dans la ligne stratégique américaine de capture de la croissance des autres.

    Les Américains pourront-ils être contraints de s’asseoir à une table de négociation avant que n’explose le dollar ? C’est le grand enjeu d’une nouvelle conférence monétaire, financière, commerciale et économique internationale qui devrait aller bien au-delà de Bretton-Woods.

    Il faut, dans ces circonstances, être très attentif à l’évolution de la situation sociale outre- Atlantique. Le succès remporté déjà par le mouvement « Occupy Wall Street” mettant en cause les banques et la finance est sans précédent depuis des décennies. Annonce-t-il une nouvelle phase du mouvement social aux États-Unis ?

    10 l’Expansion (7 octobre 2011).

    11 Ainsi, en 2007, les dépenses publiques représentaient 36,5 % du PIB, tandis que la pression fiscale n’était que de 35,5 %, soit un écart de un point. Mais en 2008, les dépenses publiques sont passées à 40,5 % du PIB et la pression fiscale à 32 %, soit un écart de 8,5 points du PIB.

    12 C'est le nom du filet de sécurité en matière d'assurance-santé géré, aux États-unis, par le gouvernement au bénéfice des personnes de plus de 65 ans ou disposant de faibles ressources.
    13 Taux à très court terme du marché monétaire aux États-unis.


    IV- EUROPE : EVITER LE PIRE EN PREPARANT PIRE ENCORE

    A –Retour sur les événements de l’été:

    En mai 2010, parallèlement au plan dit de « sauvetage de la Grèce », a été mis en place, face aux craintes de contagion, un Fonds Européen de Stabilité Financière (F. E S. F.).

    Les États membres de la zone euro s’étaient engagés à garantir les émissions d’emprunts de ce Fonds sur le marché financier pour un montant maximum de 440 milliards d’euros, la part maximum de chaque État étant calculée au prorata de sa participation au capital de la BCE.

    Cela ne veut pas dire, pour autant, que le F. E S. F aurait disposé ainsi d’une capacité effective de prêt de 440 milliards d’euros. En effet, les agences de notation avaient jugé que, pour que ces émissions bénéficient de la note «AAA », les montants prêtés ne devraient pas excéder   les garanties émises par les seuls États de la zone notés « AAA ». Or, ces États ne pouvaient s’engager qu’à hauteur de 255 milliards d’euros.

    Ce dispositif était censé ouvrir la voie à une résolution de la crise des dettes publiques, via donc un appel redoublé au marché financier, afin de continuer de préserver la création monétaire de la BCE de toute sollicitation par les dépenses publiques

    Or, depuis, la spéculation n’a pas cessé de mettre en cause la crédibilité du plan grec et du F. E S. F. lui-même. Le risque de contagion à l'Espagne et l’Italie, malgré le renchérissement des politiques d’austérité, a conduit au sommet extraordinaire du 21 juillet dernier.

    Il y a été pris quatre décisions importantes :

    1)  Ne pas instituer de taxation bancaire, un temps envisagé ;

    2)  Accorder un second plan d’aide publique à la Grèce de 109 milliards d’euros mais dont 50 milliards seulement étaient destinés à couvrir les besoins de financement courant de l’État grec14. Alors que, dans le premier plan de 2010, les États avaient accordé des prêts bilatéraux à la Grèce, les financements passeraient désormais par le F. E. S. F, comme pour l’Irlande et le Portugal. Il  a  été  aussi  convenu que  ces  trois  États  devaient bénéficier d’un  allongement important de la maturité des prêts (15 à 30 ans) et d’un abaissement de leur taux du niveau
    «punitif » de 5 %, exigé par l’Allemagne, au niveau du coût de financement du F. E S. F.

    3)  S’engager dans la voie d’une participation du secteur privé à ce plan d’aide. Les banques auraient à choisir entre plusieurs types d’opérations permettant l’échange (rollover) de titres de dette grecque arrivant à échéance avant 2019, contre des obligations de 15 à 30 ans à des conditions au-dessous de celles du marché. Effectuée sur une base strictement volontaire, la participation des banques du pays devait se traduire par une perte de 21 % de la valeur des titres échangés.

    4)  Renforcer les instruments dits  de « stabilité financière » : Déjà, en juin, les États membres s’étaient mis d’accord sur le fait d’accroître la capacité effective de prêt  du F. E S. F à 440 milliards d’euros et de l’autoriser à intervenir, de façon exceptionnelle, sur le marché primaire de la dette d’un pays sous assistance. Le 21 juillet, ils ont décidé d’étendre cette capacité d’action au marché secondaire de tous les États de la zone, ceux-ci ne pouvant cependant se faire que sur recommandation expresse de la BCE et après accord unanime de tous les États membres.  De  plus,  le  F.  E  S.  F.  sera  également  autorisé  à  re-capitaliser des  institutions financières d’un État en difficulté.

    Le processus de ratification parlementaire vient juste de prendre fin avec la Slovaquie que, déjà, les évènements bousculent la donne.

    1)  La Grèce ne peut pas payer...

    Cette évidence, déjà si forte au moment même de l'adoption du premier plan de sauvetage contre laquelle le PCF fut la seule force politique représentée au Parlement a avoir voté, s'impose largement désormais.

    Il est vrai qu’en 3 ans la Grèce a perdu, avec ce régime, 10 % de son PIB, comme le relève
    Jacques Delors15, tandis que sa dette souveraine est passée de 120 % du PIB en 2008 à 162 % en
    2011 !

    Mais cela ne fait que relancer la spéculation contre les banques porteuses de titres grecs, tandis que  s’accentuent  les  risques  de  contagion  aux  titres  espagnols  et  italiens  dont  les  bilans bancaires européens, français en particulier, sont bourrés.

    2)  ...D'où un risque de contagion systémique

    Ces développements ont fait perdre de plus en plus de sa crédibilité au F. E S. F tel qu’il a été renforcé en juillet 2010. Sa taille peut paraître insuffisante car les besoins bruts de financement de l’Espagne et de l’Italie sont estimés à plus de 200 et 350 milliards d’euros respectivement en
    2012.

    La crédibilité du F.  E. S. F. sur les marchés financiers recule d’autant plus que le doute désormais grandit sur la pérennité de la note «AAA » après l’alerte lancée par l'agence Moody’s sur la note de la France qui en est le deuxième pays contributeur.

    Aussi, déjà, monte de toutes parts l’appel à la recapitalisation des banques, tandis que commencent de circuler les esquisses de nouveaux plans beaucoup plus directifs sur les privatisations en Grèce allant jusqu’à demander une réplique des modalités retenues pour l’ex- RDA avec la Treuhandanstalt. Simultanément c’est tout le plan de sauvetage de l’euro qui pourrait être remis en question, tandis que, désormais Merkel et, derrière elle, Sarkozy parlent du besoin d’un « nouveau traité ».

    En réalité le plan de sauvetage du 21 juillet a en quelque sorte « ouvert la boîte de pandore » en remettant en cause le principe de l’intangibilité des dettes souveraines16.

    Au cours de l’été ce sont alors conjugués plusieurs facteurs d’inquiétude importants :
    1-  L’accentuation du risque de contagion de la Grèce jusqu’à l’Italie mise en demeure par la
    BCE, elle-même, d’adopter un super plan d’austérité , ce qui a été fait ;
    2-   La chute en bourse des banques européennes en écho à l’ampleur de leurs engagements sur l’Espagne et l’Italie ;
    3-  La dégradation par Standard & Poor's de la note «AAA » des États-Unis ce qui, malgré tout, a contribué à ébranler sérieusement des certitudes sur la solvabilité de ce pays dans l’avenir ;
    4-  Le reflux de l’Europe des fonds monétaires américains (Money Market Funds) : Au 30 juin
    2011 ils avaient 1570 milliards de dollars d’actifs sous gestion, composé pour moitié de bons du trésor des États-Unis et, pour moitié, de papiers à court terme émis par des banques européennes en dollars, les banques françaises pesant là-dedans pour 15 % environ. Ces fonds monétaires ont retiré des liquidités portant sur 235 milliards de dollars depuis le printemps 2011.
    5-  La nervosité d’ensemble a était très accentuée par la Fed, elle-même, qui a émis des doutes sur la stabilité des financements en dollars des banques européennes. Il faut ajouter, ensuite, les interventions pressantes d’Obama demandant aux Européens de mettre à l’ordre dans leurs affaires.

    Cela a entraîné une sorte de crise de défiance sur les places boursières dont ont pâti les banques européennes, françaises surtout avec, au cœur, la situation de la Société générale et celle de Dexia.

    Certes, cela s’est conjugué à  des tensions sur  les  taux  interbancaires bien moindres qu’au moment de la faillite de Lehman Brothers, fin 2008, mais cela est du uniquement au fait que la BCE s’est substituée au marché interbancaire pour les banques des trois pays sous plan de sauvetage européen et qu’elle s'est engagée – momentanément - à prendre le relais pour les autres banques de la zone euro afin de satisfaire leurs besoins en dollars.

    Dès lors la question se pose d’une nouvelle crise de liquidités bancaires, à partir de la zone euro cette fois-ci et dont il est sérieux de se demander si les banques centrales seront alors en mesure d’y faire face.

    Tout ceci a conduit à bousculer profondément l’idée qui s’était ancrée que la Grèce ne fera pas défaut et qu’il suffisait d’appliquer le programme du 21 juillet.

    Les avis sont en train de bouger de partout sur un fond d’unanimité cependant pour accélérer la fuite en avant dans les marchés financiers, renforcer les politiques d’austérité et le contrôle fédéraliste autoritaire de leur mise en œuvre.

    Quelles sont donc les questions sur lesquelles semblent devoir bouger des dirigeants qui, rappelons-le, reconnaissent tous qu’il n’est pas question d’abandonner l’euro ?

    a)- Le niveau de participation du secteur privé au financement de la dette grecque : les banques pourraient être contraintes d’accepter une décote de plus de 50 %.

    b) La taille  et les missions du F.E. S. F. : différents schémas seraient à l’étude  pour renforcer la force de frappe du Fonds (effet de levier, démultiplicateur, …). le F. E S. F aurait pour mission de faire des prêts de précaution aux pays fragilisés, de racheter leur dette et de re-capitaliser les banques. Cependant la France pousse l’idée de conférer une licence bancaire au F. E S. F où à son remplaçant en 2013, le mécanisme européen de stabilisation (M. E. S.) qui disposera d’un capital en propre apporté par les membres de la zone euro. Il s’agirait, ainsi, de lui permettre d’emprunter directement auprès de la BCE ou, alors, de lui faire émettre des garanties plutôt que des prêts. Cette option est combattue par l'Allemagne car elle conduirait à impliquer la BCE dans le financement d' États en difficulté, ce qui est contraire aux dogmes de Maastricht et de la Bundesbank.

    Bref, semble se chercher la possibilité de donner au F. E S. F un quasi statut de prêteur en dernier ressort à partir des marchés financiers, en essayant de ne pas impliquer la BCE et sa création monétaire et de ne pas trop peser sur la solvabilité des pays les mieux dotés.

    c)    La date de mise en place du M. E. S.:

    Il devrait succéder au F. E S. F à la mi-2013. Désormais l’Allemagne le veut pour mi- 2012. Lors d’une rencontre Merkel – Sarkozy, les discussions auraient eu lieu sur l’organisation planifiée, dans le cadre du M. E. S, d’un défaut d’un pays en difficulté de la zone euro. Le vice-chancelier allemand en charge du ministère de l’économie à parlé même d’un organisme indépendant supranational qui serait chargé de mener des négociations avec toutes les parties.

    d) La recapitalisation des banques:

    On parle d’une possible coordination au niveau européen d’un nouvel effort de recapitalisation que tend à précipiter la chute de Dexia. On parle aussi d’une application plus rapide que prévu des règles prudentielles de Bâle III qui vont pousser à des augmentations significatives de fonds propres des banques.

    Bien sûr, il semble y avoir sur tout cela un bras de fer franco-allemand avec, notamment, la volonté de Sarkozy d’empêcher que ne soient stigmatisées les difficultés spécifique du système bancaire français.

    Quoi qu’il en soit, les réflexions nouvelles engagées depuis le mois de septembre semblent aller bien au-delà de la seule question du F. E S. F et pourrait ouvrir sur quelque chose de beaucoup ambitieux à l’échelle européenne, nécessitant un nouveau traité.

    B) La conjoncture de la zone euro:

    La zone euro n’a jamais cessé de connaître des performances inférieures à celles des États-Unis. La reprise s' est quasiment arrêtée au deuxième trimestre 2011. Le PIB n’a crû que de 0,2 % d’un trimestre à l’autre, contre 0,8 % au premier trimestre 2011.

    L’activité du secteur manufacturier a été le moteur de la reprise qui a atteint son pic au premier semestre 2011. Avec les turbulences sur la dette souveraine, la croissance s’est beaucoup détériorée durant l’été.

    L’indice composite PMI de l’activité a perdu 10 points au cours des derniers mois. Il semble même signaler  une  contraction  possible  de  l’activité  en  septembre,  laissant  envisager  ensuite  une croissance très molle17.

    La vigueur de la production industrielle en juillet (+ 1 %), tirée par l’Allemagne, ne se prolongerait pas.

    Au total, selon les dernières prévisions de l’INSEE (7 octobre 2011), la production industrielle croitrait de + 0,4 % au troisième trimestre 2011. Elle stagnerait au quatrième trimestre 2011 et au premier trimestre 2012.

    L’activité  de  la  zone  euro  progresserait  au  troisième  trimestre  2011  au  même  rythme  qu’au deuxième trimestre (+ 02 %), en ligne avec le ralentissement de la production industrielle.

    Au total, après un fort rebond au premier trimestre 2011 et un repli au deuxième trimestre 2011 dans le secteur de la construction, l’investissement total serait très peu dynamique, jusqu’au premier trimestre 2012 au moins.

    Il faut dire un mot, en particulier, de la conjoncture économique allemande.

    Elle a connu un net ralentissement au deuxième trimestre 2011 (+ 0,1 % de trimestre à trimestre après + 1,3 % au premier trimestre 2011) sous l’effet d’une progression particulièrement soutenue des importations, alors que le PIB atteint à peine le précédent haut du premier trimestre 2008.

    Ce freinage serait dû au repli de la consommation privée, mais, surtout, à la contribution négative du commerce extérieur, les importations augmentant beaucoup plus désormais que des exportations.

    Celles-ci, précisément, devraient fortement pâtir du ralentissement des échanges internationaux. Les exportations de l’Allemagne représentent en effet 50 % de son PIB.  Les exportations vers la seule zone euro représentent 40 % des exportations totales de marchandises de ce pays. Et c'est sur la zone euro que l'Allemagne accumule ses plus importants excédents commerciaux.

    La production industrielle, principal moteur de la croissance allemande, a ralenti sensiblement au deuxième trimestre 2011 : + 1,1 % (de trimestre à trimestre) après + 2,3 % au premier trimestre
    2011. Cela, il faut le souligner, serait dû particulièrement à la décision de fermeture de plusieurs centrales nucléaires.

    Cependant, l’activité s’est maintenue dans les secteurs manufacturiers, particulièrement les biens d’équipement, grâce à la bonne tenue de l’investissement.

    Mais,  si  la  production industrielle a  connu  un  rebond  en  juillet, l’évolution sous-jacente des nouvelles commandes semble annoncer, selon les observateurs18, une expansion modérée au cours des prochains mois.

    L’investissement en machines et équipements a été dynamique jusqu’ici, au deuxième trimestre
    2011, il a enregistré sa sixième hausse consécutive grâce à :
        Des conditions de financement avantageuses,
        Une utilisation soutenue des capacités de production. Celle-ci selon l’I.F.O. , atteindrait 86,7
    % (contre 89,57 % au deuxième trimestre 2007).
    Mais  la  hausse de  l’investissement au  deuxième trimestre 2011  marque un  ralentissement sensible : + 1,7 % (de trimestre à trimestre) après + 2,1 % (de trimestre à trimestre) au premier trimestre 2011.

    Le tassement de la demande extérieure devrait peser sur cette dynamique au cours des prochains trimestres.

    Outre-Rhin, le chômage est orienté à la baisse depuis l’été 2009 : 6,9 % en septembre, soit son niveau le plus bas depuis 1991 (mais il y ait eu depuis, il est vrai, les réformes Hartz)..

    Ce taux de chômage évolue peu depuis plusieurs mois, malgré les nouvelles créations d’emploi, car la baisse du taux de chômage est accompagnée d’une hausse du taux d’activité (76,8 % au premier trimestre 2011).

    Mais des tensions apparaissent sur le marché du travail avec une accentuation marquée des pénuries de main-d’œuvre qualifiée notamment.

    Pourtant, alors que le taux de chômage officiel est si bas, la consommation privée marque le pas : -0,7 % au deuxième trimestre 2011, soit le premier recul depuis le 3ème trimestre 2009. Cela exprime une insuffisance de revenu qui fait écho à l’ampleur sans précédent des emplois à temps partiel. Mais il faut, bien sûr, ajouter la pression de la politique budgétaire, la hausse des prix de l’énergie et, disent les enquêtes, « la crainte de devoir contribuer davantage au plan d’aide de la zone euro ».

    L'Allemagne, dans ces conditions, présente un déficit public qui ne sera que de 1,7 % du PIB
    cette année, contre 4,3 % en 2010 ! Le gouvernement se donne pour cible un niveau inférieur à
    0,35 % du PIB en 2016 qui est inscrit dans la loi fondamentale depuis juillet 2009.

    Quant à la dette publique, elle a atteint 84,1 % du PIB en 2010, après 73,5 % 2009. Il est prévu qu’elle recule cette année à 81, 5 % du PIB.

    C’est dans ce contexte conjoncturel des plus médiocres pour les européens que la BCE a clairement refusé de faire droit aux demandes répétitives des Américains, du FMI et de l’OCDE de réduire son taux d’intérêt directeur : le dernier Conseil des gouverneurs présidé par Jean- Claude Trichet a laissé ce taux inchangé à 1,5 %.

    Cependant,  cette  décision  a  été  assortie  de  nouvelles  mesures  non  conventionnelles pour soutenir la liquidité bancaire, alors que persiste la défiance entre banques de la zone euro, leurs dépôts auprès de la BCE atteignant de nouveaux records annuels.

    La BCE a la responsabilité d’assurer la stabilité financière de la zone, le temps que soient mises en place les dispositions adoptées par les dirigeants de la zone euro le 21 juillet dernier.

    Le  train  de  mesures  exceptionnelles  décidées  il  y  a  deux  semaines  par  le  Conseil  des gouverneurs de la BCE repose sur deux piliers :

    1)  l’ouverture aux banques de deux nouvelles lignes de crédit à volume illimité sur un an, ce qui est une durée exceptionnellement longue;

    2)  La promesse de fournir aux banques 40 milliards d’euros, via le rachat d’une partie de leurs actifs, et immobiliers notamment.

    Ces décisions exceptionnelles traduisent une contradiction criante entre l’objectif de lutte contre l’inflation au service d'un « euro fort » et la préoccupation grandissante au sujet de la situation des banques.

    Jean-Claude Trichet a mis en garde ces dernières : elles doivent tout faire pour renforcer leur bilan, alors même que Dexia doit faire l’objet de ce que l’on appelle pudiquement une faillite ordonnée, après avoir été déjà remise à flot et avoir réussi, sans difficulté, les « stress – tests » passés en juillet dernier.

    Il  faut  noter  que,  parallèlement  à  ce  nouveau  train  de  mesures  de  la  BCE,  la  Banque
    d’Angleterre (BoE) a décidé, elle, de recourir aux grands moyens pour tenter de relancer une croissance quasiment à l’arrêt, suite au super plan d’austérité de Cameron, en injectant 75 milliards de Livre d’argent frais, soit 87 milliards d’euros.

    C) France : Les banques dans le champ politique:

    Le fait le plus nouveau en France concerne la défiance qui frappent les banques dont le maillon le plus faible paraît bien être leur liquidité.

    Des travaux du comité de Bâle publié fin 2010 font ainsi ressortir que, par rapport au futur ratio de liquidité à court terme requis à 100 % au 1er janvier 2015 : les 85 plus grandes banques mondiales (groupe 1 ) avaient, en moyenne, un LCR19 de 83 % à fin 2009.

    Or, si ce ratio est de 67% pour les 8 banques européennes du groupe 1, il serait inférieur à 50 %
    pour les seules banques françaises (chiffre jamais démenti). Qu’en est-il effectivement ? On ne le sait pas.
    Selon le Nouvel Économiste du 1er au 7 septembre 2011, il y aurait 3 raisons fondamentales à la faiblesse du ratio de liquidité des banques françaises :

    1)  Le très fort développement en France des sicav monétaires- génératrices de commissions – au détriment des simples dépôts, sicav que les banques font gérer par de très coûteuses filiales de  « gestion d’actifs »;

    2)  Les banques françaises sont les championnes de l’assurance vie, pourvoyeuse de fortes commissions et hors bilan ;

    3) Surtout, les grandes banques françaises ont développé considérablement des activités bancaires en devises étrangères hors de France – notamment de ruineuses salles de marché, principalement à New York depuis la fin du «Glass Steegal Act » aux États-Unis en 1999 (séparation entre banques de dépôts et banques d’affaires).

    En  liaison  avec  l’insuffisance  de  la  croissance  des  ressources  peu  coûteuses  des  dépôts salariaux, du fait d’un crédit qui ne sert pas à développer suffisamment les capacités humaines, auraient progressé une hypertrophie de l’activité de certaines banques françaises sur le marché américain et une faiblesse structurelle de leur liquidité.

    Sur fond d’augmentation du coût des ressources des banques, amenées à emprunter de plus en plus sur les marchés financiers, se serait développé un mélange hautement risqué entre les activités de placement pour compte propre et les activités de banque de détail et cela sous couvert du statut de « banque universelle » lancé en 1984 par la loi bancaire de Delors qui a mis définitivement fin à la séparation entre activités de banque de dépôts et activités de banques de marché.

    Les  problèmes  de  liquidités  en  dollars  des  banques  françaises  sont  très  préoccupants. Ils résultent certes de la faute des Américains : en août, les fonds monétaires des États-Unis ont prêté 40 % de moins aux banques françaises qu’en août 2010. Mais ce n'est pas la seule raison.

    Toutes les banques européennes sont en butte à ces difficultés. Et les travaux récents d’un économiste américain (Kash Mansouri)20, tendraient à indiquer que, pour une part non négligeable, les banques européennes ont de plus en plus de mal à trouver des dollars parce qu’elles ont, elles-mêmes, perdues confiance dans leurs consœurs. La zone euro apparaît plus que jamais dominée par le dollar et infectée par l'extraversion financière de ses systèmes bancaires.

    Sur ce fond de difficultés communes des banques européennes, celles des banques françaises apparaissent parmi  les  plus  fortes  compte  tenu  de  leur  extraversion financière et  de  leur dépendance aux marchés marchés financiers et au dollar.

    Les  banques françaises risquent  ainsi  de  perdre la  main  sur  le  financement d'importantes activités en dollars. On pense bien sûr à l’aéronautique, mais aussi à l’énergie et au négoce de matières  premières,  au  shipping,  aux  composants  électroniques,  sans  parler  -  et  c’est considérable -  de toute l’activité des crédits à l’exportation. Et cela, dans une large mesure, au profit des banques américaines et pays émergents.

    C’est aussi toute l'activité de crédit à long terme qui risque de pâtir comme le souligne P. Artus21 avec l’augmentation du coût des ressources à  long terme dont le poids relatif est devenu beaucoup plus important dans les banques françaises que dans les banques allemandes.

    Ces difficultés bancaires vont peser sur la conjoncture française par le biais du crédit, de son renchérissement et de son rationnement. Celui-ci est repérable dès juillet 2011 pour l’industrie manufacturière  et  les  PME  autonomes22.  Les  enquêtes  soulignent  un  durcissement  des conditions, ainsi que pour les collectivités locales.

    Où en sommes-nous ?

    Au premier trimestre 2011 l’activité a connu un rebond sensible (+ 0,9 % ) mais, dès le deuxième trimestre 2011, l’économie a calé (0 %).

    Cela est dû, pour une large part, à la baisse des dépenses de consommation des ménages (-0,7%) induite par la fin de la prime à la casse automobile dont le choc a été beaucoup plus fort que prévu.

    Les  dépenses  d’investissement,  tout  en  restant  mieux  orientées,  ont  connu  cependant  un freinage : + 0,6 % au deuxième trimestre après + 1,2 % au premier trimestre. Mais le commerce extérieur a subi un coup d’arrêt net23 en liaison avec le ralentissement de la demande mondiale.

    Tous les indices de confiance sont à la baisse. L’activité dans l’industrie donne des signes clairs de freinage après le rebond de juillet (+ 1,4 %). Cette décélération, comme le souligne l’INSEE, intervient alors que l’activité se maintient toujours à plus de 9 % en deçà de son point haut du début 2008. Selon la Banque de France le taux d’utilisation des capacités de production s’est replié au cours des trois derniers mois (78,7 % en août) avant même d’avoir pu retrouver sa moyenne longue (82 %).

    Le climat des affaires s’est brutalement et fortement dégradé cet été, nourrissant l’attentisme.

    Dans ces conditions, l’INSEE anticipe que le rebond attendu de la consommation restera très limité et, ceci, d’autant plus que le repli constaté du taux de chômage, à un très haut niveau, devrait s’interrompre.

    On assiste, dès le deuxième trimestre, à un freinage de la création d’emplois passant à  +33 000 contre + 78 300 au premier trimestre. Et cela est dû surtout aux services (où l’économie de moyens avec les technologies informationnelles est désormais systématiquement à l'œuvre) et dans l’intérim.

    Il semble bien que les entreprises auraient, dès cet été, commencé à se préparer à un ralentissement marqué de leur activité, alors même que les bénéfices des entreprises du CAC 40 tendent à se rapprocher du record de 2007, mais avec un taux de versement des dividendes supérieur à 45 %. Elles revendiquent également des trésoreries énormes (carburant pour la spéculation et des OPA).

    L’INSEE anticipe qu’en 2012 la croissance de l’emploi salarié risque de tomber en deçà du seuil permettant d’absorber la croissance de la population active, laquelle est actuellement stimulée par l’entrée en vigueur des réformes régressives des retraites.

    Le repli du taux de chômage, qui demeure à plus de 9 % en France métropolitaine, devrait s’interrompre avant la fin de l’année.

    Ajoutons à ce sombre panorama que le déficit commercial de la France, effectif depuis 2004, se dirige désormais vers le niveau de 75 milliards d’euros, un sommet sans précédent historique.

    C’est dans ce contexte que le gouvernement Fillon a été contraint de revoir ses prévisions de croissance à 1,75 % en 2011 et en 2012, contre respectivement 2 % et 2,25 % avant l’été.

    Elles devront sans doute être à nouveau révisées à la baisse car, compte tenu de la croissance observée au premier semestre, ceci impliquerait que le PIB progresse en moyenne de 0,3 % à
    0,4 % (de trimestre à trimestre) au deuxième semestre, + 0,5 % tout au long de 2012.

    Cette hypothèse sur laquelle est construit le projet de loi de finances pour 2012 paraît donc inatteignable.

    Le consensus des économistes estime, lui, que l’économie française ne devrait progresser que de
    0,9 % en 2012, après 1,6 % cette année. La Deutsche Bank, quant à elle, ne prévoit pour la
    France que 0,3 % l’an prochain.

    C’est dans ce contexte et au lendemain même de la victoire de F. Hollande aux primaires socialistes, après une sensible poussée à gauche au premier tour, que l’agence Moody’s a lancé sa menace sur la note « AAA » de la France.

    Et c’est un fait que cela a propulsé vers de nouveaux sommets des écarts de taux d’intérêt à 10 ans entre les titres de dettes publiques françaises et allemandes.

    Le  gouvernement  s’est  empressé  de  confirmer  comme   «   intangible  »  l’engagement  de réduction du déficit public à 5,7 % du PIB en 2011 et à 4,5 % en 2012, « quelles que soient les évolutions conjoncturelles » a martelé Valérie Pécresse, ajoutant que « nous mettrons tout en œuvre pour ne pas être dégradé, on a encore suffisamment de niches fiscales, s’il le faut, nous continuerons de les supprimer ! ».


    Clairement, on va vers un nouveau plan d’austérité, en liaison notamment avec le renflouement de Dexia, les recapitalisations bancaires à venir et l’augmentation des garanties apportées au F. E.  S.  F.  On  parle  dans  les  allées  gouvernementales  de  la  possible  création  d'un  taux intermédiaire de TVA. Cela ne ferait qu'accroitre le prélèvement sur les salariés, l'insuffisance de demande salariale, la faiblesse de la croissance et, donc les difficultés d'équilibrage des comptes publics et sociaux.

    14 Le reste devait être utilisé pour  garantir le capital réinvesti par les banques lors de l’opération d’échange de dettes du secteur privé et pour financer un programme de rachat de sa propre dette par l’État grec à un prix décoté.
    15 Le Monde du 15 octobre 2011.
    16 Ch. Nijdam – Le Nouvel Économiste -IS78- 1 au 7/10/2011.
    17 BNP Paribas: « Conjoncture Taux Change », Economic research department, octobre 2011.
    18 BNP Paribas, op. Cit.
    19 Liquidity Coverage Ratio = Actifs fortement liquides disponibles au bilan / sortie nette de cash sur 30 jours
    20 C. Chavagneux: « Les banques françaises dans la tourmente », Alternatives économiques (306), octobre 2011, pp.10-12.
    21 Flash Natixis du 5 octobre 2010.
    22 Banque de France, Statinfo, crédit aux entreprises (encours) France, juillet 2011.
    23 Croissance des exportations :   + 1,7 % au premier trimestre (par rapport au quatrième trimestre 2010), 0 % au deuxième trimestre.

    CONCLUSION : ROMPRE POUR UNE AUTRE LOGIQUE

    La conjoncture actuelle souligne le besoin urgent d’intervention du PCF et la promotion de ses propositions les plus avancées à l’intérieur du Front de gauche, au lieu de tout effacement.

    La victoire de F. Hollande aux primaires du PS accroît cette exigence tant sont insuffisants les objectifs sociaux qu’il se dit prêt, pour l’heure, à porter   et tant, cependant, ils sont contradictoires avec la nature des moyens financiers que s’apprête à mobiliser le candidat socialiste.

    Certes, il est obligé de tenir compte de la poussée à gauche nouvelle qui s’est exprimée au premier tour des primaires avec, notamment, la mise en avant comme jamais du besoin d’une nouvelle maîtrise sociale du crédit et des banques.

    Mais il est aussi le reflet du silence pesant entretenu tout au long de ces primaires par les dirigeants du PS sur l’Europe, la BCE, son interdiction de financer par création monétaire les dépenses publiques, le manque de sélectivité de son refinancement, le pacte de stabilité et celui de l'euro+, mais aussi sur le monde.

    Il est le reflet du constant consensus pour « la rigueur » face a la dette que tous les candidats PS ont exprimé et avec un plus même : on ne s’est pas seulement engagé à respecter l’engagement de porter à 3 % le déficit en 2013, F. Hollande a promis le déficit zéro en 2017 ! Bref, alors qu'il faudrait, de  façon urgente, organiser une  expansion financière pour le  développement des capacités humaines , le candidat socialiste envisage, pour l'heure, une restriction financière dont, pourtant, tout prouve qu'elle ne ferait qu'accentuer les cercles vicieux de la croissance financière et du chômage perpétuant les déficits et les dettes.

    La thématique de la dé-mondialisation mise en avant par A. Montebourg s’est accompagnée surtout d’œillades hostiles en direction de la Chine avec, derrière, l’idée d’un protectionnisme européen. Mais ça a été surtout le grand silence sur les États-Unis et le dollar, de même que sur les multinationales.

    Surtout, on sait combien le projet du PS sous-estime la gravité de la crise systémique et garde, envers et contre tout, l’espoir d’un retour de la croissance mondiale en 2012, base du projet conçu par le PS pour l'élection de 2012, mais qui est rendu largement caduque par l'évolution actuelle de la conjoncture.

    Il y a donc un énorme défi de la mise en avant audacieuse et pédagogique de nos propositions, dans des initiatives d’action rassembleuses.

    Particulièrement  celles  concernant  les  banques  et  le  crédit  pour  sécuriser  l’emploi  et  la formation, et, inséparablement, celles sur le refinancement de la BCE et l’utilisation de sa création monétaire pour une grande expansion concertée des services publics via un Fonds social et solidaire de développement européen.



    Ces propositions constituent la seule alternative cohérente face à la fuite en avant dans l’endettement sur les marchés financiers.

    Sur ces bases, on peut mettre en avant le besoin d'initiatives d'action:

        Pétition pour une commission d’enquête parlementaire sur l’État et les pratiques du système bancaire française, mais aussi des sociétés d’assurances.
        Propositions de loi pour un pôle bancaire et financier public, son articulation à la BCE et à la Banque de France, avec un nouveau crédit incitatif à la croissance de l’emploi, de la formation et donc facteur de croissance nouvelle des dépôts des salariés dans les banques vecteur de liquidité bancaire.
        Et puis, il y a le niveau mondial qui va occuper le devant de la scène avec le sommet du G20 à Cannes et avec la montée très forte à venir des antagonismes internationaux, tandis que la protestation contre le FMI va partir des pays européens, en liaison avec les plans d’ajustement imposés par la troïka. C'est l'occasion, plus que jamais, de défendre l’idée de monnaie commune mondiale à partir des DTS.

    Ces apports du PCF sont d’autant plus nécessaires que, dans ce que va porter Hollande, il y a aussi beaucoup d’ingrédients qui vont contribuer à empêcher une véritable différenciation avec la droite :
        La diabolisation du coût du travail et des prélèvements publics et sociaux au nom de la compétitivité (plutôt que les autres coûts, notamment les prélèvements financiers)
        La diabolisation de la création monétaire et du crédit pour le développement des capacités humaines, au nom de l’inflation (plutôt qu'une création monétaire et un crédit sélectifs facteur de croissance nouvelle durable).
        La diabolisation de la dette publique et le terrorisme du «AAA » avec l’appel incessant à la rigueur, au lieu de voir qu’il y a de bonnes et de mauvaises dettes selon l’utilisation que l’on en fait et qu’il n’est pas fatal de les financer par l’appel au marché financier.
     
    Face à tout cela, on mesure les limites d’une posture se contentant de frapper à bras raccourcis sur Hollande et « la gauche du renoncement », de jouer au « Monsieur plus » avec lui sur la seule fiscalité des ménages et des niches fiscales ou de prétendre que la dette n’est pas un vrai problème et que l’impôt va y pourvoir.

    Le programme populaire partagé n’est pas une œuvre achevée. Il faut sans cesse contribuer à le développer, à faire reculer ses contradictions et ses insuffisances au feu de l'actualité et des luttes qui sont appelées à se développer pour  que la gauche arrive à gagner contre Sarkozy en 2012 et réussisse après lui.


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