• MAP ou RGPP: où se loge la vraie rupture ?

    MAP ou RGPP: où se loge la vraie rupture ?

    Il faudra nous y faire. Sans vouloir surjouer un pessimisme de mauvais aloi, le constat est connu depuis quelques mois.

    L'Etat n'a plus d'argent. On pourra reprocher, à juste titre, moultes choses à François Hollande, comme le TSCG, Manuel Valls, ou le rapport Gallois. Mais pas le redressement des comptes publics. Après l'un des plus gros redressements fiscaux que la France des plus hauts revenus ait connu depuis une quinzaine d'années, le même gouvernement allait aussi sabrer dans quelques dépenses publiques.

    Ayrault modernise la réforme de l'Etat.

    Vous avez dit « modernise ? »
    « Dans un pays où la dépense publique représente 57 % du PIB, alors qu'elle était de 52 % en 2007 et qu'elle est, par exemple, de 51 % en Suède, nous devons, Etat, collectivités locales et organismes de protection sociale, nous poser les mêmes questions : les politiques publiques sont-elles aussi efficaces qu'elles devraient l'être ? Le rapport entre haut niveau et efficacité de la dépense publique est-il satisfaisant ? »
    Jean-Marc Ayrault

    Damned ! Cela ressemblerait à la Révision Générale des Politiques Publiques... Celle-là même que nous dénoncions récemment à propos de l'insuffisant contrôle fiscal de nos exilés et fraudeurs. Mardi 18 décembre, quelques heures avant la fin du monde annoncée pour vendredi, le premier des ministres sortait d'un comité interministériel sur la Modernisation de l'Action Publique, la MAP. 

    Plus c'est dur, moins c'est dit. 
    Par ces quelques mots, Françoise Fressoz du Monde croyait bien faire. La journaliste du Monde aimerait mieux, plus grave, plus médiatique. Il lui manque le détail des mesures d'économies. Mais elle reconnaît l'effort, la gravité, la rupture.

    « MAP ? Modernisation de l'action publique. Le mot sonne doux, à rebours de la RGPP, la révision générale des politiques publiques voulue par Nicolas Sarkozy en 2007. Et pourtant, c’est un acte violent que la gauche s’impose à elle-même.»
    Françoise Fressoz

    Finalement, la rupture était à gauche, mais laquelle ?

    Assumer qu'il fallait nettoyer, redresser, corriger une décennie mêlant gabegie droitiste au bénéfice des plus fortunés et les effets d'une crise structurelle et détestable était la plus grande rupture. François Hollande ne l'avait pas caché, c'était même la partie la plus claire de son programme jugé trop flou. Cela faisait crier, railler ou protester. Ayrault faisait du Fillon, Hollande du Sarkozy.

    L'affaire, donc, pèse pour 10 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques chaque année. Evacuons rapidement une critique qui court à gauche. Il s'agirait d'austérité. C'est faux. L'austérité n'a pas frappé la France. L'austérité fait couler la Grèce, bientôt l'Espagne. Qu'il s'agisse d'invoquer des exemples étrangers pour faire peur sur le territoire national est une belle manoeuvre, mais surtout une simple caricature.

    Finalement, il fallait surtout lire, comme souvent, le document présenté par le premier ministre. 

    Simplifier ...
    Mardi, à l'issue d'un Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique, Ayrault a présenté 5 chantiers. Le domaine est aride mais fondamental. La  « simplification » de l’administration est la première démarche. Elle s'annonce concrète voire rapide, comme la suppression immédiate de 100 commissions consultatives (il en restera... plus de 600 !). Le gouvernement promet aussi l'accélération de la dématérialisation des procédures pour faciliter l'accès des handicapés, la mise en ligne des demandes d'aides aux logement ou des inscriptions scolaires, la création de toutes sortes de portails et bases de données (offres de formations publiques, admission universitaire, recensement des jeunes, etc).

    La simplification, surtout quand elle est numérique, doit cependant s'analyser avec vigilance. Rappelons la fracture qui se développe, sous couvert de modernisme. Sociale, elle est devenue numérique. Il y a peu, un laboratoire du CNRS révélait que près de 7 milliards d'euros d'assurance sociale ne sont pas versées à leurs bénéficiaires de droit chaque année. Rappelons aussi ces 200.000 radiés mensuellement des statistiques de Pôle Emploi, pour Cessations d'inscription pour défaut d'actualisation. La déshumanisation des guichets publics est une curieuse et détestable facette de cette ode simplificatrice. Ainsi s'inquiète-t-on de lire que sera dématérialisée la procédure de rupture conventionnelle de contrat de travail... Fichtre !

    Pour partie, la mise en ligne prétendument moderne des formulaires de demandes et suivis de dossier a dramatiquement exclu celles et ceux qui manipulent difficilement ces nouveaux outils, faute d'accès ou de formation. D'ailleurs, le gouvernement a promis d'expérimenter dans deux départements (Seine-et-Marne et Loire-Atlantique) comment simplifier pour réduire le non-recours aux prestations sociales des plus précaires (cf. décision n°5).

    Pour les entreprises, la simplification est une urgence. En 2013, seront ainsi fusionnées les déclarations sociales. Et un portail unique d'aides publiques sera mis en ligne. Le gouvernement Ayrault reprend la lutte contre l'excès de normes engagée par la précédente équipe Sarkozy (cf. décisions 15 à 18).

    ... ou économiser ?
    Plus improbable, Ayrault a communiqué sur la création d'un baromètre de l'action publique. C'est du gadget de communiquants, sauf à croire que l'Etat ne disposait d'aucun outil de mesure de ses propres performances. Cette fois-ci, le baromètre sera « indépendant ». Qui veut-on rassurer ?
    « Ce baromètre (...) est, pour les citoyens-usagers, un gage d’écoute, une preuve de la volonté de l’administration de s’améliorer et un gage de transparence de l’information puisqu’il permet aux citoyens d’être informés, à échéances régulières, de l’évolution de la qualité de service sous la forme d’informations simples, lisibles et immédiatement compréhensibles. Il comprend un nombre limité d’indicateurs (...) : l’accueil, le traitement des démarches de la vie quotidienne ou d’évènements de vie jugés prioritaires par les Français et le traitement de réclamations. »

    « L’accélération de la transition numérique » est une démarche plus positive... mais plus floue. Il y a peu, à peine 10 jours, Vincent Peillon ajoutait l'équipement numérique prioritaire des écoles et collèges à sa feuille de route. A cette exception-là, le catalogue des décisions s'avère franchement moins concret et précis que celle du précédent chapitre. Deux petites pages du document Ayrault pour expliquer combien il faudra  favoriser, rationaliser, maîtriser, renforcer, développer, réaffirmer... (cf. décisions 27 à 38).

    « L'évaluation systématique et exhaustive de toutes les politiques publiques » est la quatrième partie, la plus savoureuse. Le chantier est présenté comme novateur, c'est faux. L'évaluation était aussi le grand dada des précédents gouvernements. La RGPP chère à Chirac, Villepin ou Sarkozy était déjà une évaluation. On se souvient aussi du carnet de notes des ministres, si ridicule, défini par Nicolas Sarkozy et confié à Eric Besson dans son premier ministère en mai 2007...

    Un calendrier très précis, pour l'année 2013, a été communiqué. Une première quarantaine d'actions publiques seront évaluées. Vus les intitulés, il serait malvenu, ou malhonnête, de considérer que l'objectif d'économie prime dans la démarche. Une majorité des mesures concerne notre système social: lutte contre le décrochage scolaire, gestion de l'aide juridictionnelle, scolarisation des enfants handicapés, aides financières à la formation par l'alternance, formation professionnelle des chômeurs, pilotage de l'économie solidaire, politique d'éducation prioritaire, prévention des expulsions locatives, gouvernance de la protection de l'enfance, etc.  D'autres seront davantage sujets à polémiques, comme le pilotage de la communication gouvernementale, politique d'intégration, organisation du soutien au spectacle vivant, mobilité des fonctionnaires, ou politique agricole.

    Le cinquième et dernier chantier vise les agences de l'Etat. Ces opérateurs sont plus de 1.200. La France souffre de la multiplication de ces autorités diverses et variées. Dans un rapport cet automne, l'Inspection des Finances s'était inquiétée de l'absence de rigueur budgétaire. Ces établissements seront soumis à audit et contrôle, promet Ayrault. La première analyse concernera les établissements de moins de 50 salariés (rapport pour juin, décision N°45). L'IGF se voit également confié un audit des taxes affectées à ces opérateurs (décision N°50). Le gouvernement veut aussi renforcer sa tutelle (décision n°47). L'encadrement des rémunérations de leurs dirigeants sera établi par le ministre du Budget (décision N°48).


    A suivre...

    Lire le dossier complet.

    http://sarkofrance.blogspot.fr/


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