• Les effets de la libéralisation du chemin de fer en Belgique

    sncb.jpgLa libéralisation du chemin de fer en Belgique: Plus cher, moins sûr, moins ponctuel

    A la demande du gouvernement, la Banque nationale a réalisé une étude sur les résultats de la réforme du chemin de fer en Belgique et dans les pays voisins. Le résultat est tout sauf positif.

     

    De Tony Pirard et Michaël Dupuis, pour le Parti du travail de Belgique (PTB) repris par http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Baisse du transport de marchandises

     

    L’étude de la Banque nationale montre que la part du chemin de fer dans le transport de marchandises en Europe a fortement baissé depuis la montée de l’idéologie libérale (le secteur ayant été le premier visé). En 1970, la part du rail dans le transport de marchandises était de 20 %. En 2000, elle n’était plus que de 8,2 %. Soit une baisse d’au moins 60 %. Cette tendance à la baisse semble en outre empirer à mesure qu’augmente le nombre de directives européennes. En France, le transport ferroviaire de marchandises a baissé de 44 % entre 2000 et 2009. En Allemagne, entre 1990 et 2009, de 22 %. En Belgique également, le transport ferroviaire de marchandises a fortement diminué (on envisage même la faillite de SNCB-Logistics, anciennement B-Cargo, le département transport de marchandises récemment privatisé, ce qui entraînerait une augmentation de 30 000 camions par semaine sur les autoroutes belges). Premier résultat figurant au bulletin de la gestion libérale du rail : le remplacement en masse des trains par les camions, avec toutes les conséquences sur la pollution, la sécurité et le trafic sur nos routes.

    Baisse du nombre de voyageurs

    L’étude de la Banque nationale démontre aussi que la part du rail dans le transport de voyageurs a également fortement baissé depuis les années 1970. En 1970, celle-ci était de 10,4 %; en 2000, elle n’est plus que de 6,3 % – soit une baisse de 40 %. Lors de la dernière décennie, on observe une augmentation du transport intérieur de passagers en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Il est frappant de constater que, en France et en Belgique – pays où le transport intérieur de voyageurs n’est pas (encore) privatisé –, celui-ci est deux à trois fois plus important qu’aux Pays-Bas, où sa libéralisation a été complète. Pour l’Allemagne, pays où la libéralisation et la privatisation du transport intérieur des voyageurs ont atteint le stade le plus poussé, la Banque nationale constate également une baisse sur la même période.

    Baisse de la ponctualité

    Depuis la scission du groupe SNCB, la ponctualité des trains en Belgique s’est fortement détériorée. En 2005, 92 % des trains étaient à l’heure; aujourd’hui, c’est 85 %. Des dizaines de trains sont en outre chaque jour supprimés pour cause de pannes dues au manque d’entretien (notons que ces trains supprimés ne sont pas repris dans les statistiques de ponctualité). Par ailleurs, conséquence de la scission entre Infrabel et la SNCB, le personnel des deux entreprises ne peuvent plus communiquer de manière directe, ce qui entraîne le chaos sur le terrain, tant avant que pendant des événements imprévus (dérangement sur la voie, pannes, problèmes dans l’infrastructure…). Alex Migom, directeur général Stratégie & Coordination du Holding SNCB, impute la première cause de la baisse de ponctualité à la scission entre la SNCB et Infrabel.

    Problèmes de sécurité

    Les chemins de fer britanniques ont été privatisés dans les années 1990. La propriété des rails et de l’infrastructure est allée à Railtrack, une entreprise privée cotée en Bourse. Le transport des voyageurs et celui des marchandises sont alors tombés dans les mains de quelque 20 opérateurs différents. Mais, tout comme le gestionnaire privé de l’infrastructure Railtrack, ces opérateurs privés n’ont pas investi dans l’entretien du matériel roulant, ni dans les installations de sécurité, ni dans la formation du personnel. Le chaos de 25 opérateurs sur un seul réseau ferroviaire, le vieillissement du matériel et la détérioration des conditions de travail ont mené à une série d’accidents mortels (Southhall en 1997, Ladbroke Grove en 1999, Hartfield en 2000, Potters Bar en 2002, Londres-Glasgow en 2007…). La situation étant devenue intenable, l’État a dû reprendre l’infrastructure.


        En Belgique, il ressort de l’enquête sur la catastrophe de Buizingen que la sécurité du chemin de fer dépend de trois facteurs : une organisation efficace, des investissements dans des installations de sécurité, des conditions de travail adéquates pour le personnel. Trois facteurs plus que vacillants dans des chemins de fer libéralisés, cette libéralisation entraînant, selon la commission d’enquête Buizingen, une moindre efficacité dans la gestion de la sécurité. Sous la pression de l’opinion publique, la direction de la SNCB a décidé d’introduire plus rapidement le système de freinage automatique TBL1+. Vu son prix, les opérateurs privés refusent, comme SNCB-Logistics, récemment privatisé. Ce qui n’empêche pas ces opérateurs privés d’augmenter simultanément le nombre d’heures de travail des conducteurs de train (de 11 heures à 13 heures par jour dans certains cas), d’exiger davantage de flexibilité et de raccourcir leur formation. Voilà qui met également une très forte pression sur les conditions de travail. Ces dix dernières années, le groupe SNCB a perdu 12,5 % de son personnel. Un chiffre qui augmente tous les mois.

    Augmentation des dépenses

    L’étude de la Banque nationale épingle également le soi-disant avantage de la libéralisation pour le portefeuille du consommateur. Le rapport constate l’augmentation générale du prix des billets, « malgré l’instauration du jeu de la concurrence ». La libéralisation entraîne donc également des prix plus élevés, ce que le consommateur a déjà largement découvert dans d’autres secteurs (énergie, télécoms, poste...) Au Royaume-Uni, paradis de la privatisation, le billet de train est un des plus chers d’Europe : 0,32 euro/km contre 0,10 euro/km en France.


        Si l’impact touche les prix pour le voyageur, il n’épargne pas non plus le contribuable. Au Royaume-Uni, depuis la privatisation, l’État doit payer un maximum pour le chemin de fer, les partenaires privés s’étant octroyé les activités les plus rentables, laissant aux pouvoirs publics les investissements structurels et les lignes rapportant le moins. La Belgique est sur une voie similaire : les lignes les plus rentables, comme Bruxelles-Aéroport, ont déjà été partiellement privatisées (voir encadré). Ces dernières années, 400 millions d’euros ont disparu dans les poches de consultants externes, le savoir-faire interne de milliers de membres du personnel étant ignoré. Selon Jannie Haek (PDG du Holding SNCB), la scission de la SNCB en différentes entités coûte environ 100 millions d’euros par an. D’après les syndicats, des millions affluent chaque année vers de filiales privées comme SNCB-Logistics, IFB et TRW. Des informations récentes ont révélé que la SNCB paie des factures d’électricité trop élevées à Electrabel… Tout ceci constitue des postes où il est parfaitement possible de réaliser des économies sans devoir toucher au service au public.


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