• La mort sans bruit de 552 accidentés du travail

    Ce matin, journauxet radios relatent les assassinats à répétition à Marseille, une tuerie dans les Alpes, le sort d’une Anglaise disparue dans l’Hérault. Et puis la mort de deux ouvriers sur le site d’Arcelor-Mittal à Gandrange. Les deux victimes, un intérimaire de 26 ans et un Alsacien de 49 ans, ont été ensevelis dans l'effondrement du toit d'un bâtiment désaffecté du site qu'ils étaient en train de démonter.

    Tous deux employés par Ferrari Démolition, une entreprise alsacienne spécialisée, ils découpaient une poutrelle depuis une nacelle à bras articulé à une vingtaine de mètres du sol, lorsque les 800m² du toit d'un atelier de l'ancien laminoir se sont effondrés sur eux.

    A n’en pas douter, l’accident rencontre un certain écho parce qu’ils travaillaient à Gandrange, là-même où fut menée ces dernières années une lutte syndicale très médiatisée contre le numéro 1 de la sidérurgie. Le lieu fait l’événement.

    Cependant, ce même mercredi, a été mis en ligne le rapport de gestion de la Caisse nationale d’Assurance maladie-risques professionnels. On y apprend que 552 personnes, de tous âges, sont mortes d’un accident du travail en 2011 (sans compter les maladies d’origine professionnelle): 514 hommes, 38 femmes.

     

     

    Le nombre d’accidents du travail mortels était de 2383 en 1971; de 1359 en 1982. Leur fréquence a baissé grâce à une meilleure réglementation (française et européenne) et à la tertiarisation des métiers. Mais depuis quelques années, le chiffre est relativement stable. Est-ce pour cela qu’on n’y prête plus attention?

    Pourtant, explique Pascal Jacquetin, statisticien à la CNAMTS (Caisse nationale d'Assurance maladie des travailleurs salariés), «lanalyse des causes montre que tout accident du travail est évitable. Si les entreprises avaient respecté les principes de prévention édictées par le Code du travail, ils auraient pu être tous évités, et même une partie des accidents de la route (112 morts en 2011). Les malaises mis à part, toutes ces morts sont scandaleuses. Il n’y a aucune fatalité dans ces accidents, même pour les chutes de hauteur dans le BTP».

    La relative stabilité des statistiques pourrait d’ailleurs choquer. Pourquoi ne parvient-on pas à faire baisser ce chiffre? En 2011, sans que Pascal Jacquetin juge cela statistiquement significatif (552 contre 529), le nombre de morts a même légèrement augmenté.  La faute aux accidents du travail sur la route. Mais également aux décès liés à une masse en mouvement - par exemple, la chute d’une charge tombée d’un camion (14 en 2010 et 29 en 2011) ou à une chute de hauteur (79 en 2011 contre 58 en 2010). 144 personnes travaillant dans le BTP sont mortes en exerçant leur travail en 2011, dont 47 en tombant.

     

     Pour Pascal Jacquetin, il est toutefois nécessaire de voir plus loin que ces morts, aussi scandaleuses soient-elles. Pour le statisticien, «il faut distinguer fréquence et gravité. Une charge qui se décroche peut tomber à 20 cm de moi, et je n’aurai rien; me tomber sur le pied, et je m’en tire avec une fracture; me tomber sur la tête, et me tuer. Pour progresser en prévention, il faut éviter que les charges ne se décrochent, et donc pas seulement compter les fois où elles sont tombées sur les têtes. C’est pourquoi les entreprises les plus en avance en matière de prévention recensent les situations de presqu’accident.» 

    http://blogs.mediapart.fr/blog/michael-hajdenberg/060912/la-mort-sans-bruit-de-552-accidentes-du-travail


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