• Femmes de mineurs, femmes de seigneurs ?

    Un temps fort de convivialité et d’expression revendicative. En présence de Raymond Frackowiak, le dirigeant de la Coordination des mineurs CGT du Nord-Pas-de-Calais, les veuves de mineurs n’ont pas dérogé à la tradition en célébrant la Journée de la Femme à Billy-Montigny.

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     L’occasion pour Blanche Bellanger, la responsable du « collectif des femmes », de revendiquer « la revalorisation du taux de la pension de réversion à 60 % contre 54 aujourd’hui ». « Il y a longtemps qu’on se bat pour ça ! Aujourd’hui, on ne peut même pas s’acheter de la crème pour se faire belle », se désole Bertha qui rappelle que beaucoup de ses semblables perçoivent « entre 600 et 700 euros par mois ». Un montant « anormal car les femmes se sont battues avec leur mari pour obtenir des avancées sociales ». « C’est vrai qu’elles étaient sur les piquets de grève en 1948 ou en 1963. Si les luttes ont pu s’inscrire dans la durée, c’est aussi grâce à nous », explique Blanche. Tout comme, plus tard quand l’heure de la retraite aura sonné pour le mari atteint par la silicose, elles feront preuve « de dévouement et de courage » à leur chevet.

     

    Au secours des plus jeunes

    Ce bas niveau de ressources est aujourd’hui d’autant plus durement ressenti que la plupart se trouvent dans l’obligation de secourir leurs enfants et petits-enfants frappés par le chômage ou la précarité. « Nous, on n’a pas eu toujours une vie facile, mais notre jeunesse, c’est encore pire ! On n’a perdu les mines qui n’ont pas été remplacées » se lamente Monique à l’heure où la casse du régime minier se profile à l’horizon 2013. Non remboursements de médicaments, fermeture de dispensaires de proximité qui oblige à de coûteux déplacements, menaces sur la gratuité des prestations… Heureusement, « nous bénéficions encore du logement gratuit, mais on n’a peur qu’on nous enlève aussi ce droit », commente Thérèse.

     

    « Rester mobilisées ! »

    Autant de facteurs alarmants qui les incitent à « rester mobilisées » ! « Pour conserver nos acquis, nous participons à toutes les actions. L’an dernier encore, contre la réforme du Régime minier, nous étions devant l’Assemblée nationale », souligne Blanche. Un engagement d’autant plus fondamental que le poids des veuves au sein de la CGT mineurs ne cesse de croître, surmortalité masculine et non renouvellement des effectifs obligent ! Et l’ancienne secrétaire de l’UD CGT du Nord de se féliciter du soutien sans faille des « élus communistes  ». Une « chance que la population minière soit toujours aussi respectée » des milieux progressistes ! Et toutes espérer insuffler cet esprit de résistance à leurs descendants car « c’est aussi pour eux qu’on se bat » !Dans les filatures du Nord

    Mémoire d’ouvrières

    A Sallaumines où leur collectif s’est réuni, les veuves de mineurs évoquent leur passé d’ouvrières.

    Car elles aussi ont travaillé ! A 14 ou 15 ans, « une fois le certificat en poche », elles s’embauchaient dans les usines de filature de Roubaix, Fourmies ou Provins…

    Nous sommes dans les années 1960 - 1975. « Le textile à l’époque, c’était 250.000 salariés, se souvient Blanche qui y a débuté à l’âge de 14 ans. On nous appelait les filles des mines avec un certain dédain parfois .» Des levées à 2h 30 puis des départs en bus « pas chauffés » au petit matin avec un retour douze heures plus tard ! Des cadences infernales imposées par « des contredames qui gueulaient ». Des conditions de travail qui renvoient au XIXe siècle. « Des femmes perdaient des enfants à cause des rythmes de travail. Au début, nous n’étions pas organisées. Nous sommes allées voir nos élus, les municipalités dirigées par les délégués mineurs. On leur a demandé de nous aider. Des mineurs sont venus distribuer des tracts à la porte des usines et on a créé des syndicats », poursuit Blanche. Avec à la clé de jolies conquêtes : « Grâce aux luttes, on a imposé les deux jours de repos consécutifs, des pauses pour les femmes enceintes, des retours au domicile plus tôt, le droit aux boissons chaudes, mais aussi 35 % d’augmentation de salaires en 1968, on ne le dit pas assez .» Les carrières seront rarement longues. A l’heure du premier enfant, dans la foulée du mariage, les « filles des mines » rentraient au bercail ! « A peine mariée, nous étions enceinte. Après, il fallait s’occuper des gosses. En neuf ans, j’en ai eu sept », sourit Bertha. « C’était ainsi, mais on était heureuse. On appréciait ce qu’on avait », précise Renée. Et, « les crèches n’existaient pas à l’époque. Aussi, nous ne pouvions pas continuer à travailler. Ou il aurait fallu ne pas avoir d’enfants », rappelle Marcelline. Oui, mais « de notre temps, la pilule n’existait pas ! » fait remarquer Thérèse.

    Mai 1968 ouvrira grandes les voies d’une émancipation dont elles se réjouissent. Mais, ce sont surtout leurs filles qui en bénéficieront…

    gugul-html-m65ed1c20Jacques KMIECIAK

     

     


     

     


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