• VIH et stigmatisations : la Grèce de Charybde en Sida

    Face à la multiplication des cas d’infection au VIH, les autorités grecques ont adopté des mesures discriminantes à l’égard des migrants et des prostituées.

     

    Alors que les cas d’infection au VIH dans le pays ont augmenté de plus de 50% entre 2010 et 2011, les élections ont amené leur lot de dérives sécuritaires dans la lutte contre une maladie qui génère encore de nombreux amalgames. 

     

    Le 11 avril dernier, quatre ministres du gouvernement dont les socialistes alors détenteurs des portefeuilles de la santé et de l’intérieur ont profité de la campagne électorale pour durcir la réglementation en matière de détention des non nationaux pour raisons de santé publique. 

     

    Le virus de l’immigration

     

    Précisément, l’acte juridique qui modifie sans l’aval du parlement le décret présidentiel 114/2010 sur le statut des migrants, permet la mise en détention des non nationaux, y compris les demandeurs d’asile, dès lors qu’ils représentent « une menace pour la santé publique ». Dans le texte, il s’agit des migrants « porteurs d’une maladie infectieuse », « qui font partie d’un groupe exposé aux maladies infectieuses » ou « qui vivent dans en dehors des conditions d’hygiène minimales». 

     

    La nouvelle règlementation prévoit également la mise en place de tests de dépistage obligatoires pour les personnes concernées. Celles-ci peuvent ensuite être arrêtées, mises en détention ou expulsées. 

     

    Face au tollé provoqué par cette mesure du côté des organisations de défense des droits de l’homme, le gouvernement alors en place avait invoqué le droit international qui autorise les arrestations pour des raisons de santé publique. Mais si les conventions internationales reconnaissent bel et bien cette possibilité elles précisent que c’est seulement dans la limite du respect de certains principes tels que la « nécessité », la « proportionnalité », ou encore « la non discrimination ». Des préceptes auxquels la nouvelle règlementation grecque déroge puisque les critères d’évaluation peuvent dans ce cas être le pays d’origine, le statut de toxicomane ou encore celui de prostituée... 

     

    Sérocrimes

     

    Non contents d’avoir systématisé la relation séropositifs-migrants, les autorités grecques ont quelques jours plus tard souhaité montrer leurs muscles du côté des filles de passe. 

     

    A l’issue d’une première opération de police dans une maison close illégale d’Athènes le 27 avril, une jeune femme russe toxicomane de 22 ans est conduite au poste et soumise à un test de dépistage forcé. Révélée séropositive mais affirmant ne jamais l’avoir su, elle est mise sous les verrous, accusée d’avoir violé la loi 2734/1999 sur les travailleurs sexuels qui prévoit que les prostituées doivent avoir un permis de travail et se faire dépister tous les 15 jours. Les personnes qui se prostituent sans permis de travail encourent un à deux ans de mise en détention.

     

     

    Toutefois, comme l’explique Eva Cossé, chercheur associée à Human Rights Watch, le procureur a choisi d’engager des poursuites sur la base d’un article du code pénal bien plus lourd pour « tentative de lésions corporelles graves ». Le coup de feu est lancé, entre le 29 avril et le 4 mai dernier, une centaine de test de dépistage sont menés de force, 31 autres prostituées sont arrêtées puis poursuivies pour les mêmes motifs. Y avait-il trop de grecques et pas assez d’immigrées parmi les séropositives arrêtées pour que l’on puisse faire jouer les toutes nouvelles mesures ? Possible, on ne recense en tout cas actuellement aucun cas de migrant détenu sur la base de la nouvelle règlementation. «Avec ce chef d’accusation très grave et ces nouvelles règles, les autorités sont surtout parvenues à faire passer le message qu’elles s’emploient à nettoyer Athènes à la fois des migrants, des prostituées et des droguées», tranche Eva Cossé. Tous dans le même sac donc…

     

    KEELPNO FUTURE

     

    Sur ordre du procureur, les photos et données personnelles (noms, prénoms et âges) des personnes arrêtées ont ensuite été publiées sur le site internet de la police nationale puis relayées par la quasi totalité des médias. Le numéro d’appel du KEELPNO, le centre pour la prévention et le contrôle des maladies infectieuses sous la houlette du ministère de la santé a défilé pendant plusieurs semaines sur les écrans. 

     

    Dans cette affaire, le centre dont les unités mobiles de dépistage du VIH circulent dans la ville depuis le début de la flambée des cas d’infection laisse quelques plumes : de source policière, c’est le personnel du KEELPNO qui aurait transmis les données personnelles et médicales des prostituées arrêtées. 

     

    Plusieurs ONG demandent aujourd’hui de plus amples informations sur la nature de l’implication du centre dans les opérations d’inculpation. 

     

    Actuellement, 23 prostituées sont détenues à la prison de Korydallos dans la banlieue du Pirée. Les autres ont été internées à l’hôpital en attendant d’être jugées. Sans surprise, l’abrogation de la récente réglementation n’est pas à l’ordre du jour du nouveau gouvernement… Le premier ministre conservateur Antonis Samaras qui avait qualifié la Grèce de « centre pour immigrés clandestins » en période pré-électorale a fait campagne sur la « récupération des villes grecques » envahies par les trafiquants de drogues, les prostituées et les maladies. Comme quoi, pas besoin d’aller chercher du côté des néonazis de Chryssi Avgi pour trouver des présomptions douteuses.

     

    http://www.bakchich.info/

     


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