• Versailles, prison et centre d'appels à la fois

    La maison d'arrêt de Versailles est un établissement pénitentiaire pour femmes. Et dans cette prison, comme dans d'autres, ça turbine pour des sociétés privées. En 2011, l'administration pénitentiaire dénombrait 24 934 détenus qui avaient une activité rémunérée derrière leurs barreaux.

    Une activité rémunérée, certes, mais surtout pas rétribuée au SMIC, puisque le Code du travail ne s'applique pas en prison. Et pas non plus d'indemnité en cas de chômage technique ou d'arrêt maladie. Pas plus de contrat de travail, comme le dit l'article 717-3 du Code de procédure pénale. Et depuis la loi pénitentiaire de 2009, sous Nicolas Sarkozy, les détenus signent un "contrat d'engagement" avec l'administration pénitentiaire, qui octroie de son côté des concessions au privé. Oui, même en taule, l'exploitation capitaliste est présente, en pire.

     

    Marilyn travaillait depuis le 6 septembre 2010 pour la société MKT Sociétal, une entreprise sous-traitante de Free. Téléopératrice qu'elle était, afin de vendre des Freebox. Pour cela, elle était payée, en fonction des mois, entre 2,53 et 4,65 euros par heure. Vous avez peut-être entendu dans votre téléphone sa voix, à la convivialité un peu mécanique, vous proposer un abonnement Free.

    Et puis un jour, en avril 2011, elle a craqué. Entre deux appels sur une liste d'abonnés que France télécom a vendu, elle a appelé sa soeur qui demeure dans le Gard, étant donné qu'avec la distance et le coût du trajet, personne ne vient au parloir la voir. Et comme les conversations du centre d'appels sont écoutées ou enregistrées, toc, licenciée par MKT Sociétal. Enfin, pas vraiment puisque le droit du travail ne s'applique pas en prison. Simplement lourdée.

     

    Depuis Marilyn ne bosse plus pour MKT Sociétal, mais pour une société sous traitante: elle façonne des boites de céréales, que vous achetez dans les super-marchés.

     

    Mais, avec l'aide de son avocat, elle décide de ne pas se laisser faire. Elle a attaqué MKT Sociétal devant le Conseil de prud'hommes de Paris. Au nom de la convention européenne des droits de l'homme. Elle a exigé l'égalité de salaire et de droits avec le monde extérieur à la prison. L'audience a eu lieu le 29 janvier dernier. Le délibéré serait rendu le 8 février 2013.

     

    Pourquoi MKT Sociétal avait choisi la prison de Versailles, plutôt que la Tunisie ou le Maroc pour son business? Pour "redonner une dimension sociale qui manque cruellement au milieu des centres d'appels et relocaliser la production en France avec des tarifs très compétitifs pouvant rivaliser avec ceux pratiqués off-shore".

     

    Dernière info à faire passer:

    Marilyn vient d'être reconnue comme salariée à part entière par le Conseil de prud'hommes de Paris, en ce jour 8 février 2013. De ce fait, la justice fait droit à ses demandes, à savoir: le paiement d'une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité pour non-observation de la procédure de licenciement, un rappel de salaire de 2 358 euros et les congés payés afférents, ainsi que 3000 euros de dommages et intérêts. 

     

     

    "C'est un grand jour pour tous les détenus en France et j'appelle les pouvoirs publics à s'emparer très rapidement de cette question du travail en prison", a réagi Me Fabien Arakélian, son avocat à l'issue du prononcé de la décision.

     


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