• €uro : Quand le doute s'installe chez les experts

    Appel aux gouvernements d’un groupe d’experts économiques français et allemands réunis à Düsseldorf 27 avril 2012

     

    Canaille 277

    Si la une est occupée par l'élection présidentielle, n'oublions pas que pendant ce temps les politiques induites par les signataires du traité de Lisbonne continuent leurs ravages.

     

    C'est sûr, quel que soit le prochain gardien du temple élyséen, celui-ci il devra rendre des comptes à ceux qui l'auront élu si on se place du point de vue de leur logique électoraliste, mais surtout et espérons-le  devant l'explosion des exigences sociales.

     

    Les signataires du texte ci-après ne sont pas ce qu'on peut appeler de joyeux aventuriers de l'expérimentation monétaire.

     

    Certains ont même recuits de participations dans les ministères, conseils économiques, industriels ou bancaires. Parlant de l'un d'eux, « Marianne » qui rend public leur déclaration [lien] dit : « Un peu comme si Serge Dassault s’était publiquement prononcé pour une sortie de la monnaie unique ».

     

    Leur proposition (qui n'est pas celle des adversaires résolus de la monnaie unique dont La canaille fait partie) revient à dire « on stoppe le navire calmement et on fait machine arrière toute » pour sortir d'un détroit qui ressemble de plus en plus à la porte d'une mer fermée qui s'assèche.

     

    Nombre de ceux qui font la proposition ont été officiers de quart et chefs mécaniciens du navire. Ils voient l'iceberg d'un Titanic économique ou au moins l'écueil d'un Costa Concordia sur la route qu'ils ont participé à établir, tracer et à suivre, cap qui va mettre les économies et les peuples sur le flanc avec des risques majeurs lors de l'évacuation des occupants du navire. Leur texte pose le cadre.

     

    Canaille 278

     

    « Was die Stunde hat geschlagen, sollst du deinem Volke sagen »

    [Quand  l’heure a sonné, tu dois avoir le courage de  le dire  à ton peuple]

    Heinrich Heine


    Treize ans après le lancement de l’euro, il est patent que non seulement cette expérience  n’a tenu aucune de ses promesses,  mais même que sa poursuite risque de  déboucher sur le chaos.


     

    Au lieu de la prospérité, un ralentissement de la croissance dans tous les pays de la zone, avec un  important volant de chômage.


     

    Au lieu de la rigueur, dix années d’augmentation  irresponsable des dépenses publiques et des dettes souveraines, qu’une génération de sacrifices ne suffirait pas à apurer.

     

    Au lieu d’une meilleure intégration économique, des déséquilibres entre les pays qui s’aggravent chaque jour. Les pays d’Europe du Sud, Grèce, mais aussi Portugal, Espagne, Italie, et même France voient  leur  compétitivité se dégrader depuis dix ans de manière continue.  Asséchant le pouvoir d’achat des uns, cette situation fait obstacle à la croissance des autres et donc au développement du marché unique.

     

    Au lieu d’un rapprochement des peuples, une animosité croissante entre créanciers et débiteurs.

     

    Au lieu d’un progrès de la démocratie, des décisions venues de haut  imposées à des peuples qui les refusent.

     

    Les plans successifs destinés à « sauver l 'euro » sont vains car ils ne s’attaquent, d’ailleurs avec peu d’effet, qu’aux seuls déficits publics et non à ce qui est  racine du mal : la propension différente des pays à l’inflation. La seule solution  serait la déflation des prix dans les pays déficitaires : or une telle opération n’a jamais réussi  nulle part (ex : l’Allemagne de 1930,  la France de 1934).

     

    Poursuivant un objectif qu’elle n’atteindra de toutes façons pas, l’Europe est entraînée dans une spirale de récession qui, s’agissant du premier marché mondial,  inquiète la planète toute entière.

     

    À cette récession  s’ajoute le risque d’inflation, d’autant qu’en violation  de ses statuts,  la Banque Centrale Européenne ne voit d’autre issue, pour prolonger l’euro, qu’un recours massif à la création monétaire au bénéfice des banques, trop heureuses de l’aubaine.

     

    Il est tout aussi illusoire d’espérer organiser une « Europe des transferts », qui exigerait le transfert durable de centaines de milliards d’euros vers les pays en difficulté, revenant à une collectivisation des  déficits publics. Solution refusée par les peuples que l’on voudrait mettre à contribution tout en n’offrant aucun espoir de redressement aux  plus mal en point.

     

    Cet acharnement thérapeutique, qui ne vise que le court terme, ne pourra éviter l’accélération des secousses qui touchent non  seulement la sphère  financière mais aussi l’économie réelle.

     

    S’il n’y est pas rapidement mis fin, l’expérience  de la monnaie unique se terminera de la manière la plus dramatique : détérioration de la situation économique, explosion du  chômage, désordres sociaux, montée des extrémismes, résurgence d’anciens conflits,  destruction de l’État de droit : les pays de l’Europe deviendraient ingouvernables.

     

    L’Union européenne ne saurait demeurer la marionnette des oligarchies financières qui visent la destruction de la base même de nos existences. N’est-il pas honteux de les voir soumettre les pouvoir politique et économique au gré de leurs intérêts ?

     

    Il est clair que seules des dévaluations et réévaluations réelles, adaptées à la situation de chaque pays, pourront mettre fin aux déséquilibres entre eux et, par-là, rétablir la croissance. L’histoire nous offre de nombreux  exemples de ruptures d’unions monétaires : il en ressort que non seulement il est possible de les gérer de manière ordonnée sur les plans politique et économique, mais aussi qu’elles se sont révélées bénéfiques, et cela au bout de quelques mois seulement.

     

    C’est pourquoi les économistes allemands et français signataires, réunis à Lyon en octobre 2011 et à Düsseldorf en avril 2012, appellent leurs gouvernements respectifs à convenir et à proposer aux autres États membres de l’Union européenne, de mettre fin à l’expérience de la monnaie unique et, à cet effet, de prendre sans délai les mesures suivantes :

     

    - Remplacer l’euro par de nouvelles monnaies nationales  disposant de l’ensemble de leurs prérogatives dans chacun des États, sachant que certains pays pourront passer des accords bilatéraux ou multilatéraux pour mettre en commun leur monnaie ;

     

    - Créer un nouveau système monétaire européen, comportant une unité de compte européenne, égale à la moyenne pondérée des unités monétaires nationales ;

     

    - Afficher d’emblée les parités souhaitables des monnaies nationales vis-à-vis de cette unité de compte européenne, calculées de façon à limiter la spéculation, restaurer la compétitivité de tous les États, assurer des échanges équilibrés entre eux et résorber du chômage ;

     

    - Veiller, en s’appuyant sur un Institut monétaire européen, à ce que les taux de change réels des monnaies nationales soient ensuite stabilisés, à l’intérieur d’une marge de fluctuation à déterminer ;

     

    - Convertir dans chaque pays l’ensemble des prix et salaires intérieurs ainsi que les avoirs bancaires sur la base de un euro pour chaque unité de monnaie nationale ;

    - Convertir, selon la même règle, les dettes publiques de tous les pays de l’euro en leur nouvelle monnaie nationale ;

    - Convertir les créances et dettes privées internationales dans l’unité de compte européenne.

     

    Le règlement des dettes publiques et privées pourra faire l’objet de négociations bilatérales, entre créanciers et débiteurs, à partir des deux règles de base énoncées dans les deux précédents alinéas.

     

    Dans ce contexte, une même priorité doit être donnée aux politiques nationales, celle de développer et d’adapter toutes les forces productives, afin d’accroître la productivité de l’ensemble de l’Europe.

     

    La coopération des institutions responsables doit permettre de réussir une transition en bon ordre.

     

    Cette transition doit être la plus courte possible : elle ne pose pas de problèmes techniques majeurs.

     

    Les nouvelles règles doivent être affichées clairement. Il sera demandé aux États de veiller, en s’appuyant sur leurs Banques centrales nationales, désormais autonomes, à ce que la transition décidée n’entraîne aucune déstabilisation du système financier européen et lui donne même les moyens de contribuer activement au retour de la croissance.

     

    En lançant cet appel, les économistes allemands et français signataires souhaitent ardemment contribuer, par leur expertise et leur engagement, à la relance de la construction européenne sur des bases rénovées et réalistes, en même temps qu’au redressement économique  de l’Europe.

     

    Le 27 Avril 2012.

    Bruno Bandulet, Rolf Hasse, Wilhelm Nölling, Karl Albrecht Schachtschneider, Wolf Schäfer, Dieter Spethmann, Joachim Starbatty, Alain Cotta, Jean-Pierre Gérard, Roland Hureaux, Gérard Lafay, Philippe Murer, Michel Robatel, Jean-Jacques Rosa.

     


     

    Le tableau est saisissant mais réaliste. Si La Canaille avait abordé la question de cette façon-là, sa boite @ aurait crépité de messages disant « ne bouffe pas le trait ».

     

    Wilhelm Nölling adversaire farouche de « l'aide à la Grèce et eurocrate convaincu déclarant : « Notre pays a continuellement réévalué sa monnaie pour la plus grande satisfaction de ses travailleurs, qui voyaient leur pouvoir d’achat s’apprécier, quand leurs patrons ont toujours été contre. Avec la monnaie unique, c’en est fini. L’Allemagne ne peut plus remettre sa monnaie à sa véritable valeur et limiter les déséquilibres avec les autres pays de l’Union ».

     

    A ceux qui s'interrogent sur la réalité ou pas de l'accélération, Tagada a exprimé hier « sa crainte de voir les licenciements se multiplier après le 6 mai. « Les syndicats le savent », dit-il. « Des décisions qui se préparaient ont été différées. Ce ne sera pas notre arrivée qui provoquera ces plans sociaux. Nous devons dire à ces entreprises que nous ne les accepterons pas sans réagir. ».

     

    Vite que les peuples prennent la maitrise du bateau... sinon...

     

    Canaille 279

    Canaille 280


    URL article : http://canaille-le-rouge.over-blog.com/article-uro-quand-le-doute-s-installe-chez-les-experts-104208045.html


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