• pravdaCentième anniversaire du journal fondé par Lénine, la Pravda : un siècle d'histoire communiste en Russie

     

    Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Article originel paru dans Avante, organe du PC Portugais

     

    Dans le bureau de Boris Komotskiy, chef de rédaction de la Pravda, deux éléments attirent l’œil des visiteurs; la reproduction de la fameuse photo de Lénine, lisant le journal qu'il a fondé le 5 mai 1912, et un gigantesque globe terrestre. Il en ressort un même message qui garde toute son actualité – Prolétaires de tous pays, unissez-vous !

     

    En souhaitant la bienvenue aux représentants de plus de 25 journaux de partis communistes et ouvriers qui se sont déplacés à Moscou pour participer aux commémorations du centenaire de la Pravda,Boris Komotskiy a tenu à souligner qu'il s'agit de la première fois depuis 20 ans que les communistes russes organisent une initiative de cette envergure. Sans escamoter les difficultés vécues dans la période post-soviétique et et en se rappelant des vicissitudes par lesquelles est passé le journal – « ce fut une période de trahisons, d'attaques contre nos sièges, de dilapidation du patrimoine du parti »– Komotskiy a insisté sur l'importance du jubilé d'un journal qui avait auparavant 300 journalistes et qui ne fonctionnent aujourd'hui plus qu'avec 15, six collaborateurs extérieurs et trois correspondants internationaux. « Il est temps de parler du travail, de l'importance de continuer à publier le journal sous ces nouvelles conditions politiques, de ce que cela répresente que d'être dans l'opposition, de l'importance de dire la vérité (le sens de Pravda en russe) aux lecteurs dans une société capitaliste, de la nécessité toujours actuelle d'approfondir la coopération internationale. »

     

    Ce fut le ton des interventions qui ont accueilli les visiteurs, où n'a pas manqué le témoignage plein de confiance en l'avenir de Nikolai Dmitrovitch Simokov, doyen de la rédaction, où il travaille depuis 58 ans, et la mise en garde de Yury Emelianov, universitaire émérite, sur l'importance cruciale de rappeler la vérité historique par rapport à l'Union soviétique, car « seul celui qui comprend le passé peut s'ouvrir des perspectives d'avenir ».

     

    Une réception politico-culturelle dans la Salle des colonnes de l'ex-Maison des Soviets fut le grand moment des célébrations du jubilé de la Pravda. S'adressant aux militants et aux étrangers conviés qui occupaient l'espace emblématique, Guennadi Ziuganov, dirigeant du Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF), a souligné le rôle joué par le journal créé par Lénine tout au long de son histoire, jusqu'à devenir l'organe officiel du Parti après la Révolution d'Octobre.

     

    Financée dans un premier temps par les dons des travailleurs, la Pravda – qui a été publiée la première fois dans une typographie de la rue Moika, à St-Petersbourg – fut toujours un espace ouvert à la classe ouvrière, légendaires étant les lettres qu'elle recevait, et publiait, de tous les coins de l'ex-Union soviétique, tout comme les collaborations sur lesquelles elle a toujours pu compter des plus illustres personnalités d'URSS.

     

    Aujourd'hui, dans les nouvelles conditions dans lesquelle elle est publiée, la Pravda, avec un tirage de près de 100 000 exemplaires, il ne « renaît pas seulement de ces cendres », car en vérité il n'est jamais mort pour ceux qui l'ont toujours animé. Et ce, comme l'affirme Boris Komotskiy, avec « une grande énergie et beaucoup d'inventivité »pour « continuer à résister pendant toutes ces années ».

     

    Lors de la réception, qui a pu compter sur la participation de nombreux artistes populaires et d'un chœur, un corps de ballet et l'orchestre du Ministère de l'intérieur de la Fédération de Russie, furent lus des messages de félicitations entre autres du Parti communiste du Portugal, du Parti communiste d'Ukraine, tout comme de diverses personnalités russes, y compris du président russe sortant, Dmitri Medvedev.


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    Nous n’avions pas prévu de remettre en une une fois de plus cet article ce que nous avons déjà fait 6 fois et qui est destiné à ’enrichir au fil des ans, mais l’ignorance crasse de Sarko et sa bande sur le sujet (et les mensonges éhontés qu’ils racontent sur cette journée) nous conduisent à le faire...en attendant les photos et commentaires de cette journée qui prend cette année un relief particulier.

    Les « trois huit »

    Ainsi s’appelle l’organe officiel d’organisation de la manifestation internationale du 1er Mai. Dans son édition de 1895, Jules Guesde explique ce qu’il faut entendre par ce qu’il appelle le jour social de huit heures : « Ce que nous revendiquons, c’est une loi qui interdise de faire travailler plus de huit heures par jour. » Autrement dit, huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures pour s’instruire et cultiver son corps.

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    Le décret du 2 mars 1848

    Parce qu’« un travail manuel trop prolongé non seulement ruine la santé mais en l’empêchant de cultiver son intelligence porte atteinte à la dignité de l’homme », la IIe République par voie de décret réduit d’une heure la journée de travail. Elle passe à dix heures à Paris et à onze heures en province.

    Sous la pression du patronat ce décret est abrogé quelques mois plus tard, soit le 9 septembre 1848.

    1868 : les huit heures aux États-Unis

    Le gouvernement américain accorde, en 1868, la journée de huit heures à tous les journaliers, ouvriers, artisans, employés par l’administration fédérale.

    1884 : congrès de l’American Federation of Labor

    A l’occasion du IVe congrès de l’American Federation of Labor (AFL) qui se tient à Chicago en 1884, pour la première fois dans l’histoire du mouvement ouvrier est lancée l’idée d’organiser une manifestation un 1er mai afin d’aboutir à la journée de huit heures. Les congressistes de l’époque ambitionnent d’atteindre leur objectif le 1er mai 1886.

    1886 : la grève de Chicago

    Le 1er mai à Chicago éclate une grève. Elle sera suivie le 3 mai d’une manifestation des grévistes qui sera violemment réprimée par la police. Le bilan officiel des victimes sera de 6 morts et 50 blessés. Le lendemain au cours d’une grande manifestation de protestation une bombe est lancée contre les forces de police, lesquelles tirent sur la foule. Jamais le bilan exact des victimes ne sera communiqué. En revanche des militants seront par la suite arrêtés, condamnés sans preuve et exécutés.

    1889 : le congrès de la IIe Internationale

    C’est à Paris l’année même du premier centenaire de la Révolution française que blanquistes et guesdistes tiennent au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies parisiennes, le deuxième congrès de l’Internationale socialiste. Ce congrès décide qu’il sera « organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du congrès. Attendu qu’une semblable manifestation a été déjà décidée pour le 1er mai 1890 par l’AFL, dans son congrès de décembre1888 tenu à Saint Louis, cette date est adoptée pour la manifestation. »

    1891 : Fourmies

    Dans une petite ville du nord de la France, une manifestation pacifique se rend en cortège à la mairie. La troupe, équipée des tout nouveaux fusils Lebel et Chassepot d’une portée de tir supérieure à deux kilomètres, tire à bout portant sur la foule. Parmi les morts, huit victimes ont moins de vingt et un ans, dont la jeune ouvrière Marie Blondeau et un jeune conscrit du nom d’Edouard Giloteaux. Habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, Marie Blondeau restera longtemps dans l’imagerie populaire comme une sorte de Vierge profane.

    1919 : le traité de Versailles

    La fin de la Première Guerre mondiale va sonner en deux temps l’avènement de la journée de huit heures. D’abord la loi du 23avril sur les huit heures est publiée au Journal officiel de la République française le 25avril. Ensuite, le 22 juin est signé (pour la France par Georges Clemenceau, par le président Wilson pour les États-Unis et par Llyod George pour la Grande-Bretagne) le traité de Versailles qui fixe dans son article247 « l’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue ».

    Dès lors les manifestations du 1er Mai porteront d’autres revendications que la journée de huit heures en particulier c’est lors de cette journée que s’exprimera la solidarité internationale, le refus des guerres et du racisme.

    1926 : la revendication des congés payés

    C’est sans aucun doute à l’occasion du congrès que tient la Cgt en 1926 (une partie de ses membres a fondé la Cgt Unitaire) qu’apparaît pour la première fois la revendication des congés payés pour tous les salariés (certaines professions les ont déjà obtenus). C’est également en 1926 que la Cgt prend position en faveur des assurances sociales. Une question qui n’avait rien de consensuel puisqu’à l’époque des syndicalistes étaient contre toute cotisation payée par les salariés.

    1929 : la montée des périls en Allemagne

    Dans l’histoire sociale et politique allemande ce 1er Mai 1929 restera marqué d’une pierre noire. Les manifestations sont interdites à Berlin par le préfet Zoot Giebel. Les manifestants passent outre l’interdiction. La répression sera sanglante. Elle fera trente-trois morts et deux cents blessés.

    1936 : le 1er Mai du Front populaire

    Dans l’histoire du 1er Mai l’année 1936 est certainement une des plus importantes. Plusieurs événements vont la marquer. D’abord dès le mois de mars se tient du 2 au 6 mars le congrès au cours duquel la Cgt se réunifie. Ensuite la manifestation du 1er Mai tombe deux jours avant les élections législatives qui vont porter au pouvoir les forces politiques du Front populaire. Enfin après un mouvement de grève mémorable sont signés en juin les accords de Matignon qui légalisent la semaine de quarante heures, les congés payés ainsi que les conventions collectives. L’année suivante le 1er Mai 1937 aura lieu sans doute la plus grande manifestation jamais organisée en France.

    1941 : la fête du Travail

    Si la notion de fête du Travail n’est pas une invention de la génération des années quarante puisqu’on trouve cette formule sous la plume de Jules Guesde dès 1890, c’est bien le gouvernement de Vichy qui fait du 1er Mai 1941, par la loi Belin, un jour chômé et payé. Le 1er Mai devient « la fête du Travail et de la concorde nationale ». L’idée de légaliser cette journée de manifestation internationale sera reprise à la Libération mais avec un tout autre but que la promotion de l’ordre corporatiste.

    1947 : journée chômée

    En avril 1947, sur proposition du député socialiste Daniel Mayer et avec l’accord du ministre du Travail, le communiste Ambroise Croizat, le 1er Mai devient dans toutes les entreprises publiques et privées un jour chômé et payé. Cependant le 1er Mai ne sera pas assimilé à une fête légale.

    1954 : les manifestations sont interdites

    Alors que la guerre d’Indochine se termine pour les autorités françaises avec la partition du Vietnam, une autre guerre, une guerre sans nom commence en Algérie. Elle va durer huit ans. Dès lors les manifestations seront interdites dans Paris. Celle du 1er Mai 1954 se transformera en un rassemblement sur la pelouse de Reuilly.

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    1er mai 1968 à Paris

    1er mai 1968

    Il faudra attendre quinze années pour qu’à l’initiative de la Cgt, à nouveau, le monde du travail se donne rendez-vous dans les rues de Paris pour défiler un 1er Mai. Le cortège -immense, on parle d’un million de manifestants - partira de la République pour se rendre à la Bastille symbole des libertés recouvrées.

    1975 :la fin d’une guerre.

    C’est la manifestation la plus importante de l’après mai 1968 et fête la fin de la guerre de Vietnam.

    Depuis cette date les 1er mai n’ont pas failli à la tradition et on a tous en mémoire les manifestations énormes du 1er mai 2002 situé entre les 2 tours de la présidentielle qui avait vu Le Pen être présent au second tour.

    En médaillon, la banderole de tête de 2007 à Marseille.

    http://www.rougemidi.fr


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  • http://storage.canalblog.com/12/57/937358/74188956.jpg

    Ce qui compte d'abord, c'est le mouvement populaire pas les locataires des ministères

     

     

    1948. Ils votaient massivement pour les partis de la nationalisation des charbonnages, ils ont été dépossédés de leur nationalisation par ceux   qui  de gauche à droite ou de droite à gauche courraient après ce qui deviendrait l'UE...

    Ceux qui envoient la troupe ont été pour certains élus du front populaire ...et ont trahit l'espagne. Certains ont été résistant et tourne déjà le dos au programme du CNR.

    Un syndicalisme enraciné dans les luttes et qui décide sans demander à d'autres ce qu'il doit faire va mener la contre offensive et subir la répression.

    Un PCF d'alors (il renouvellera avec grandeur en 1963) qui organisera une solidarité magnifique tout azimut.

     

     Luttes masives et solidarité de classe, un parti mobilisé pour combattre le capital et l'éliminer.

    La répression dans les entreprises et les débuts de l'UE par la CECA qui se mettait en place portée par la SFIO... la droite et l'extrême droite dont déja un tout jeune Le Pen.

    Mis en ligne ce jour, juste pour meubler... entre deux sondages.

    Juste pour ?  A vous d'y réflechir...pour l'avenir.

    Par canaille le rouge


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  • Le 17 avril 1961, après d’intenses bombardements sur les sites stratégiques de Cuba, des mercenaires, armés et encadrés par la CIA, débarquent dans la Baie des Cochons, à l'ouest de l'île.

    17 avril 1961 : Débarquement dans la Baie des Cochons

     

    Les Américains, après avoir, en janvier 1961, rompu les relations diplomatiques avec Cuba, se donnent pour objectif de renverser le régime, qui venait d’affirmer de manière irréversible son orientation anticapitaliste, C’est un soulèvement national qui accueillera les envahisseurs. La tentative échoue piteusement et 1189 assaillants furent faits prisonniers! Pour les gens de ma génération, ce fut un immense succès, qui ancrera l’admiration pour la révolution cubaine, qui s’est opposée avec succès à l’impérialisme américain.

     

    Le débarquement a été minutieusement préparé

    Le 15 avril 1961, des avions américains bombardent les aéroports et aérodromes du pays, détruisant une grande partie des avions au sol (civils et militaires). L'objectif initial de la CIA est de débarquer une force de 1 400 mercenaires, qu'elle a recrutés et formés, afin qu'ils s'emparent d'une colline près de la Baie des Cochons.

    Le matin du samedi 15 avril, six bombardiers américains B26 peints aux couleurs cubaines, en violation des conventions internationales, décollent du Nicaragua  et attaquent les bases aériennes de La Havane et de Santiago au sud du pays.

    La plupart des appareils de l’armée cubaine, plus de nombreux avions civils sont détruits au sol. Seuls neuf appareils qui n'étaient pas au sol sont restés intacts et joueront un rôle décisif 48 heures après. Le 16 avril, lors de l'enterrement des sept victimes des bombardements, Fidel Castro, après avoir comparé le débarquement à l’attaque de Pearl Harbor, lance : « Ce que les impérialistes ne peuvent nous pardonner, c'est d'avoir fait triompher une révolution socialiste juste sous le nez des États-Unis ».

    Le lendemain, le 17 avril vers 1 h 15, la brigade 2506 débarque en deux endroits, à Playa Larga et Playa Giron, c'est-à-dire au fond et à l’entrée orientale de la baie des Cochons, à 202 km au sud-est de La Havane. Au large, de nombreux cargos et autres bâtiments de guerre américains sont destinés à consolider la tête de pont. La population civile, puis les troupes de Fidel Castro et neuf avions militaires cubains (encore en état) mettent l'envahisseur en déroute et les mercenaires se rendent à l'armée cubaine le 19 avril.

    176 Cubains furent tués par les mercenaires, qui ont compté 118 pertes dans leurs rangs. 1189 furent faits prisonniers. Les prisonniers n'ont connu ni torture ni exécution. La rançon s'élèvera à 20 millions de dollars en espèce et à la valeur de 50 millions en produits laitiers, aliments infantiles et tracteurs.


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  • Raymond Aubrac, l'un des derniers cadres de la Résistance, est mort mardi soir à l'âge de 97 ans à l'hôpital militaire du Val de Grâce. Il était l'une des dernières personnalités de la Résistance à avoir connu Jean Moulin.

    Co-fondateur du mouvement "Libération Sud", Raymond Aubrac était le dernier survivant des chefs de la Résistance réunis et arrêtés en juin 1943 à Caluire (Rhône) avec le chef du Conseil national de la Résistance (CNR). Sa femme Lucie Aubrac, elle aussi héroïne de la Résistance, est morte en 2007 à l'âge de 92 ans.

    Lucie et Raymond Aubrac

    En 1947 et 1950, il avait été témoin à charge lors des deux procès du résistant René Hardy (décédé en 1987), accusé d'avoir livré Jean Moulin à la Gestapo et acquitté au bénéfice du doute.

    Né le jour de l'assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet 1914, juste avant le début de la Première Guerre mondiale dans une famille de commerçants juifs de Vesoul, de son vrai nom Raymond Samuel, Raymond Aubrac était resté un citoyen très actif, marqué à gauche, se rendant pendant des années dans les collèges et les lycées en compagnie de sa femme pour témoigner et raconter la Résistance. "Je ne supporte pas la solitude après 67 ans de vie commune. Alors quand je me suis retrouvé seul, j'ai été heureux d'avoir des invitations de scolaires qui me donnaient le sentiment d'être encore un peu dans la vie", expliquait en 2010 Raymond Aubrac à TV Tours lors de l'inauguration d'un établissement portant son nom dans cette ville.

    Il lui était alors demandé ce qu'était résister : "Surveiller ce qui se passe, essayer de comprendre ce qui se passe dans la société qui nous entoure. Et quand on a le sentiment qu'on est devant une injustice, réagir à l'injustice et ne pas se contenter de la constater mais essayer de faire quelque chose. Pour moi c'est ça la Résistance, ça couvre des petits gestes et aussi quelques aventures."

    Un temps compagnon de route du parti communiste, il avait été ovationné en février 2008 après un discours défendant la laïcité, lors du meeting de campagne de Bertrand Delanoë (PS) pour les municipales.

    Grand Croix de la Légion d'honneur, Croix de guerre 39-45, rosette de la Résistance, Raymond Aubrac avait publié en 1996 son autobiographie, "Où la mémoire s'attarde". Cet ingénieur civil des Ponts et Chaussées s'est engagé dès 1940 dans la Résistance avec Lucie, et est devenu attaché à l'état-major de l'Armée secrète. Arrêté le 21 juin 1943 à Caluire, emprisonné à Montluc, Raymond Aubrac et quatorze résistants sont libérés grâce à un intrépide raid de commando monté par Lucie, qui entrera dans la légende de la Résistance.

    Recherché par la Gestapo, le couple est parti pour Londres, puis Raymond a gagné Alger, où il est devenu délégué à l'Assemblée consultative en juin 1944. A la Libération, il est devenu commissaire régional de la République à Marseille, responsable du déminage du littoral, puis inspecteur général à la Reconstruction. En 1948, alors compagnon de route du PCF, il a renoncé à une carrière de haut fonctionnaire pour fonder le Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne (BERIM), spécialisé dans le commerce avec les pays communistes, qu'il a dirigé pendant dix ans.

    >>> Le portrait de Raymond Aubrac par l'artiste plasticien et auteur Pascal Convert : « Il faut être optimiste, c’est cela, l’esprit de la Résistance »

    >>> Lire l'entretien avec Pascal Convert qui a écrit un livre et réalisé un film, Raymond Aubrac, les années de guerre, à partir de 300 heures d’entretien avec Raymond Aubrac.

    >>> Entretien avec Raymond Aubrac en 1996 : «Les analyses marxistes restent valables»

     

    En vidéo : Raymond Aubrac,commissaire de la République à Marseille à la Libération de la ville, parle de Jean Moulin qu'il a bien connu et du programme du Conseil National de la Résistance

     

    Biographie :

    31 juillet 1914 : naissance de Raymond Samuel.
    Décembre 1939 : mariage avec Lucie Bernard.
    Juin 1940 : fait prisonnier par les Allemands, s'évade, s'installe à Lyon et entre dans la Résistance.
    Juin 1943 : arrêté par la Gestapo à Caluire, avec plusieurs responsables de la Résistance, dont Jean Moulin, et interrogé par Klaus Barbie. Sa femme organise son évasion, la troisième.
    Février 1944 : rejoint Londres.
    Eté 1944 : commissaire de la République en Provence.
    Années 60 : fonctionnaire international de la FAO.
    2007: décès de Lucie Aubrac.

    >>> Lire aussi la biographie de Raymond Aubrac sur le site du mémorial Jean-Moulin


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  • Interview Annie Lacroix-Riz sur la Synarchie par le Canard républicain, 7 avril 2012

     

    Le 6 avril 2011, sur France Culture (à 8min42s), le «philosophe» Alain-Gérard Slama, chroniqueur au Figaro-Dassault et membre du club Le Siècle, s’épancha très succinctement sur la Synarchie avec Jacques Attali, promoteur d’un gouvernement mondial « démocratique » et d’une Constituante européenne. A travers l’entretien ci-dessous, l’historienne Annie Lacroix-Riz nous éclaire sur la Synarchie.

    J.G. : Mme Lacroix-Riz, avant d’aborder les thèses synarchiques en matière d’organisation du monde, la première question semble évidente. Qu’est-ce-que la Synarchie ?

     

    Annie Lacroix-Riz :

    Jacques Attali nous offre dans l’entretien d’avril 2011 la perspective d’une « synarchie » (qui existerait, donc?) « transparente » – concepts strictement antagoniques. Je propose simplement au lecteur de s’informer sérieusement sur l’histoire du 20e siècle – celle puisée aux sources, pas celle des mythes ‑ pour juger de la « transparence » des héros « européens », d’Aristide Briand à Jean Monnet, qu’il érige en modèle de démocratie et dont l’action n’aurait rien à voir avec les intrigues que leur prêtent les « conspirationnistes » de tout poil. Passons plutôt à la synarchie, la vraie.

    _________________________________________

    En 1922, une poignée de financiers français, souvent issus des grands « corps » de la haute fonction publique (inspection des Finances, Conseil d’État, Polytechnique), redonna vie à une société secrète fondée dans les années 1880 par le polytechnicien Saint Yves d’Alveydre, le « Mouvement synarchique d'empire » ou « synarchie ». Les « fondateurs » de cette association comptaient élaborer dans ce cadre étroit le programme qui les doterait de nouvelles institutions idoines. Ainsi seraient-ils débarrassés des obstacles que le régime républicain avait dressés contre leur contrôle exclusif de la politique intérieure et extérieure française. 

    La démocratie parlementaire avait dû concéder à la population certains moyens de défense, créant autant d’entraves à la prise de décisions immédiates sur toutes les questions : le parlement, jugé trop sensible aux desiderata des électeurs, les partis, les syndicats ouvriers, etc. 

    Cléricaux, liés à l’Action française, véritable matrice du fascisme français, ces gens haïssaient la débonnaire république (qu’ils qualifiaient volontiers de « judéo-maçonnique ») presque à l’égal de la révolution bolchevique. Laquelle constituait l’autre obsession majeure de ces milieux financiers qui, en France et ailleurs, avaient perdu en novembre 1917 la tutelle sur l’économie moderne de la Russie que le régime tsariste aux abois leur avait concédée pendant 25 ans.

    Une liste de 1945 des Renseignements généraux de la Sûreté nationale recense onze des douze « fondateurs de la synarchie ». La liste est représentative des piliers de l’économie française, haute banque, Comités des houillères et des forges et grande industrie chimique : 

    1° banque et finance (frets internationaux et intérêts coloniaux), avec quatre délégués du groupe de Nervo (aussi puissant que méconnu), dont son chef, le baron Léon de Nervo ; deux de la banque Worms, son président, Hippolyte Worms, et son directeur général, Jacques Barnaud ; deux du « groupe Renaudin », puissant au Crédit industriel et commercial, « banque des milieux catholiques ultramontains […] notoirement lié à la finance suisso-allemande » ‑ et « pivot des combinaisons financières du Vatican en France »[1] ‑, Maxime Renaudin et son gendre Marcel Bourgeois ;

    2° le Comité des houillères, avec son président, Henri de Peyerimhoff ; 

    3° le Comité des Forges, avec « Louis Formery », lié à la fois à « la combinaison Schneider & Cie » et « au groupe [chimique] Kuhlmann »; 12. inconnu. »[2]. J’ignore si le douzième était un délégué de la haute banque – par exemple la Banque d'Indochine, promise ici à un rôle clé, avec son chef Paul Baudouin ‑ ou du Comité des Forges, mais l’une et l’autre disposèrent ensuite d’une place de choix dans cet aréopage, un peu élargi au fil de l’entre-deux-guerres.

     

    Le choix, pour l’Italie, de la solution fasciste par les milieux financiers, italiens et internationaux (ce pays, très endetté à l'égard de l’Entente, dépendait étroitement de leur bon vouloir) traçait la route. Bailleur de fonds internationaux et grand patronat italien considéraient, avec le soutien du Vatican[3], depuis 1920-1921 Mussolini, fondateur des « faisceaux de combat », comme seul apte à faire payer au peuple italien les conséquences de la crise de reconversion ravageuse de l’après-guerre, aux effets financiers spectaculaires, tant du point de vue de l’énorme « dette » (extérieure et intérieure) que du budget[4].

    Nul ne s’en étonnera à l’heure

    ‑ où les media dominants, en France et dans le reste de l’Union européenne, présentent à nouveau comme « technique » la dictature de gouvernements dirigés, officiellement ou non, par des financiers ès qualités (souvent banquiers), comme dans les cas italien en 1922, puis portugais, avec Salazar, « professeur d’économie » chéri du grand patronat, propulsé en 1928 au ministère des Finances, etc.

    ‑ et où un ex-ministre socialiste, ancien leader d’un courant de la gauche ressemblant comme deux gouttes d’eau à la « gauche » synarchique des années 1930, déclare, le 3 mars 2012, qu’« il ne peut y avoir d'issue en Grèce qu'avec un pouvoir militaire » car « il n'est pas possible de gouverner ce peuple en lui disant qu'il va perdre 25% de son revenu dans les dix ans si on tient à payer toutes les dettes ». Tout recours au scrutin populaire menace la survie d’un programme d’austérité ayant en trois ans déjà privé la masse de la population de 40 à 50% de son salaire réel. Cette fraction de la gauche, qui le déplore, se sent donc désormais en mesure, comme elle l’a fait au cours de la précédente crise systémique du capitalisme, de clamer qu’il convient de se passer d’élections. Je renvoie le lecteur à l’exemple de la république gérée par le parti radical, soutenu officiellement ou non par la SFIO (parti socialiste), entre Chautemps et Daladier (1937-1940); sans oublier la contribution directe à cette orientation de l’équipe gouvernementale de Blum, en particulier via son ami Spinasse, éminent synarque évoqué plus loin[5].

     

    La synarchie se constitua donc en France au moment où la haute finance planifiait une « réforme de l’État » dont les apparentes formules « modernistes » séduisirent jusqu'à la gauche non-communiste, et fortement – Léon Blum en tête[6]. Cette jolie formule masquait la réduction à néant des capacités d’intervention du parlement, élu au suffrage universel et devenu insupportable, si bridé qu’il fût par les détenteurs du véritable pouvoir, économique.

     

    Quel fut le niveau d’implication du patronat français dans cette organisation ?
     

    Annie Lacroix-Riz :

    La synarchie, créée en 1922, forme le cœur du grand patronat que le financier et ministre Étienne Clémentel, mentor financier et politique de Laval, avait doté en 1919 d’une organisation nationale de combat (la Confédération générale de la Production française (CGPF) puis en 1920 d’une organisation internationale, la « chambre de commerce internationale ». C’est au sein de cette « Société des Nations des hommes d'affaires »[7], où les grands patrons allemands demeurèrent quand leur gouvernement quitta la SDN (octobre 1933), que se nouèrent les alliances atlantique et « continentale » (allemande) de l’entre-deux-guerres.

    Au cours des années de crise, les synarques intensifièrent le recrutement dans leur milieu d'origine, les grandes écoles dont les élèves partageraient leur carrière entre haute fonction publique et grands postes privés, industriels et bancaires. En juin 1941, le rapport le plus célèbre sur la synarchie, celui du secrétaire général à la police (poste qu’occuperait Bousquet d’avril 1942 à décembre 1943) et directeur général de la Sûreté nationale, Henri Chavin[8], classa ainsi les grands « affiliés » en fonction de leur vivier : « 1° Anciens élèves de l’École Polytechnique (c’est la grande majorité) appartenant à l’administration, à la banque et à l’industrie. 2° Anciens élèves de l’École centrale (quelques clients). 3° Anciens élèves de Sciences politiques (notamment de nombreux inspecteurs des Finances). 4° Conseil d’État (assez nombreux éléments). 5° École normale supérieure (quelques éléments). 6°. Enfin quelques médecins et personnalités diverses »[9].

    La synarchie s’était étoffée depuis 1922 mais son noyau dirigeant restait étroit : en octobre 1937, « les milieux cagoulards » confièrent aux Renseignements généraux que c’était « un Comité secret économique, composé de 30 membres », dont Lemaigre-Dubreuil (maître du groupe Lesieur et autres huiles, dont la Société générale des huiles de pétrole), qui avait chargé certains sicaires de leur propre organisation d’exécuter (le 25 janvier précédent) le (petit) synarque russe Navachine[10]. La liste Chavin des « 46 affiliés les plus importants », déjà mentionnée, souligna l’importance du noyau fondateur de la banque Worms : dirigeants de banques ou d’entreprises et chefs d’administrations, alors ministres ou secrétaires généraux (grande institution étatique vichyste), ils étaient tous, sauf Du Moulin de Labarthète, homme-lige des De Nervo, liés aux banques Worms, Lehideux et d’Indochine. À l'exception de deux recrues « idéologiques » ‑ l’ancien syndicaliste des Postes René Belin, premier lieutenant et successeur présumé de Jouhaux, et le publiciste de droite Jacques Benoist-Méchin –, on n’y trouvait que des hauts fonctionnaires et des cadres dirigeants du groupe Worms : il s'agissait des « animateurs de 1e classe, des hommes qui ne sont pas considérables dans la hiérarchie capitaliste, comme Jean Coutrot, Gabriel Le Roy Ladurie [fondé de pouvoir de la banque Worms] et tant d’autres », beaucoup plus que des « chefs héréditaires de l’économie française, qui ont toujours voulu demeurer dans l’ombre. »[11]

     

    Le noyau des « Deux Cents Familles » (les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France) formant la synarchie, club de grands banquiers et industriels[12], régnait sur la Confédération générale de la Production française. Celle-ci avait changé de nom en juillet 1936, devenant Confédération générale du patronat français pour rendre plus efficace la guerre de classes, après la sérieuse alerte de mai-juin. Elle avait changé de président, débarquant officiellement l’« animateur de 1e classe » René Duchemin, roi de la chimie lourde (président de Kuhlmann), membre du Comité des experts initiateur en 1926 du programme déflationniste (des salaires) de Poincaré, fondateur du cartel international de la chimie en 1927 et devenu à cette date membre du petit groupe qu’avaient créé en septembre 1926 à Luxembourg les fondateurs (dont la dynastie Wendel) du cartel international de l'acier, le « comité franco-allemand d’information et de documentation » (CFAID) ‑ ancêtre inconnu mais incontestable du Comité France-Allemagne de Ribbentrop de novembre 1935 ‑, régent de la Banque de France depuis janvier 1933, etc. Duchemin fut maintenu au sommet réel de la CGPF, mais, son nom étant officiellement lié à la signature des accords Matignon (8 juin 1936) qu’il fallait rejeter au plus tôt, il fut publiquement remplacé par un « animateur » de moindre rang, l’idéologue Claude-Joseph Gignoux.

     

    Gignoux était (comme André François-Poncet dans la décennie antérieure) un salarié du Comité des Forges, qui l’avait depuis 1925 affecté à la direction de son quotidien La Journée Industrielle et l’avait en outre, en septembre 1931, chargé de mission dans les structures de collaboration économique avec le Reich mises en place avec la bénédiction l’État, sous une présidence du Conseil de Laval[13]. Ce cagoulard avéré avait été appelé à ce poste pour inciter « les patrons à être des patrons »[14], c’est à dire déclarer la guerre de classe et, entre autres, casser le syndicalisme renforcé par le mouvement de 1936. Sa promotion, je l’ai dit, maintenait intacte la réalité du pouvoir dans la CGPF.

     

    L’autorité suprême y demeurait détenue par le trio Banque de France, Comité des Forges et Comité des houillères, noyau initial de la synarchie auquel s’était agrégé tout ce qui comptait dans l’économie française : d’Ernest Mercier, magnat de l’électricité et chef d’une des ligues fascistes des années 1920, le Redressement français, à Jacques Lemaigre-Dubreuil, chef d’une des ligues fascistes des années 1930, celle dite des Contribuables, nommé le 15 octobre 1936 délégué des actionnaires de la Banque de France, pour succéder aux « régents » en apparence évincés par la réforme purement cosmétique du 24 juillet. Ces synarques étaient les plus gros bailleurs de fonds, et souvent les adhérents, des ligues fascistes groupées (sans disparaître individuellement) depuis 1935-1936 en Cagoule.

     

    Ils dirigeaient non seulement la politique intérieure du pays, mais aussi sa politique extérieure. Le grand historien des relations internationales Jean-Baptiste Duroselle croyait que « la politique a[vait] devancé l’économie » dans le choix de la politique d’Apaisement envers le Reich[15]. Or, « l’économie », loin de se laisser guider par les hommes politiques, dont elle contrôlait la quasi-totalité, avait elle-même fixé cette ligne depuis 1923-1924. C’est ce grand capital qui avait tramé toutes « les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés. » Marc Bloch, qui dénonça, en mars 1944 cette stratégie, jugeait « les responsabilités des militaires français » plus graves que « celles des politiciens comme Laval, des journalistes comme Brinon, des hommes d'affaires comme ceux du Creusot, des hommes de main comme les agitateurs du 6 février »[16].

     

    De fait, le groupe qui chapeautait le tout était celui « des hommes d'affaires comme ceux du Creusot » ‑ allusion à Eugène Schneider, chef de Skoda et maître de la Tchécoslovaquie depuis sa fondation sous l'égide de la France victorieuse, puis guide de son abandon consacré par les accords de Munich du 29 septembre 1938. La banque Worms y prédominait, disposant de l’énorme poids bancaire et industriel décrit par le long rapport de juin 1941 rédigé par des confrères et rivaux : « sur les 36 comités d'organisation concernant l’industrie lourde française et les industries de transports [,…] 25 […] sont, par la personne de leur directeur responsable ou par la composition de leur comité, sous l'influence directe de la banque Worms » (et peut-être indirecte dans « les 11 autres »). J’ai résumé dans Le choix de la défaite ce rapport qui dresse la banque Worms en pieuvre et son directeur général Jacques Barnaud en délégué suprême de la synarchie[17] : Barnaud, grimé en chef de cabinet de René Belin, le ministre de la production industrielle et du travail nommé en juillet 1940, guidait l’ancien syndicaliste. C’est lui qui fut l’auteur des deux décrets, signés Belin, créant les comités d'organisation (CO, 16 août 1940) et l’Office central de répartition des produits industriels (OCRPI, 1er septembre 1940) : c'est à dire les mesures phares de « l’économie dirigée » mise au service du Reich jusqu'à l’été 1944[18]. Darlan, dont le cabinet était un club synarchique quasi pur, nomma en février-mars 1941 Barnaud délégué général aux relations économiques franco-allemandes. L’équipe des synarques avait depuis l’été 1940 investi Vichy, et trusté tous les postes économiques (Pucheu, Lehideux, Bouthillier, Bichelonne, Berthelot, Barnaud, etc.).

     

    « En résumé, commenta une note d’octobre 1941 agréée en mars 1945 par les Renseignements généraux, une véritable maffia d’anciens polytechniciens et d’inspecteurs des Finances, groupés au sein d’une société secrète à ramifications internationales, a mis la main sur la quasi-totalité des leviers de commande de l’État, à la faveur de la défaite militaire de mai-juin 40 (sic). Elle organise la mise en coupe réglée de l’économie de notre pays, au profit de puissants intérêts financiers et y associant habilement certains groupes allemands[19] au moyen d’une armature législative et réglementaire nouvelle créée à cette seule fin [CO et OCRPI] et par laquelle les organismes administratifs du Nouvel État français ne sont plus que les services extérieurs de la banque Worms. »[20]

     

    Cette organisation avait-elle également infiltré le mouvement syndical ?
     

    Annie Lacroix-Riz :

    Je vais répondre à cette question d'une façon d’autant plus précise que 

    1° la vérité des sources est aujourd'hui, vu l’abîme d’ignorance sur la période concernée, plus qu’inconvenante, proprement inconcevable; 

    2° la crise des années 1930 et l’Occupation ont amené les directions syndicales contrôlées par le grand patronat à accompagner efficacement la guerre inexpiable conduite contre la majorité de la population (comportement aussi largement ignoré); 

    3° les fonctions qu’elles ont assumées alors (et je me borne ici à la CGT, en négligeant la centrale des évêques, la CFTC) n’ont pas constitué un obstacle à leur recyclage, sous le signe de la continuité patronale, dans la phase « américaine » ou « euro-américaine » qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale .

     

    L’infiltration de la synarchie dans le mouvement syndical correspondit à sa phase d’expansion politico-idéologique, contemporaine (à partir de 1933-1934) de la fixation définitive de ses plans politiques. La profondeur et la gravité de la crise menaçaient alors de radicaliser à gauche la population, bien au-delà de la classe ouvrière, y compris l’encadrement, à presque tous les niveaux[21]. Ce péril imposait un certain élargissement de la base sociale, extrêmement étroite, de la synarchie. La banque Worms joua dans cet essaimage un rôle majeur. Elle s’était aventurée hors de ses bureaux dès le début des années 1930, confiant la mission d’expansion de son influence dans ses fiefs sociologiques à Jean Coutrot, petit industriel (devenu tel par mariage) dont elle fit son grand agent idéologique et son « recruteur principal »[22]. Ancien polytechnicien (promotion 1913), celui-ci œuvra d'abord dans cette grande école, créant le comité « X-Crise » en 1930-31, comité suivi d’une série d’autres, développés ou rénovés surtout à partir de 1936, et officiellement ou non dirigés ou animés par lui[23].

     

    1934 fut une année décisive, tant par le mûrissement des projets synarchiques de destruction du régime républicain ‑ « Plans » tous azimuts de « réforme de l’État » et mise en place définitive de la formule gouvernementale Pétain-Laval, alors respectivement ministres de la Guerre et des Colonies de Doumergue – que par l’accélération du déploiement au sein de la gauche non-communiste.

    Depuis février 1934 se dessinait en effet la perspective d’un « front unique » de la gauche qui entraverait le renversement du régime républicain : c’est en effet la profonde division des forces de ce camp qui avait rendu possible l’avènement au pouvoir du fascisme tant en Italie, fin octobre 1922, qu’en Allemagne, fin janvier 1933. Les socialistes et les syndicalistes les plus violemment anticommunistes constituèrent donc, avec les radicaux, la cible de ce recrutement moins élitiste. Ces milieux étant très liés à la franc-maçonnerie, le recrutement alla bon train dans les loges, « à la Grande Loge [droitière] plus qu’au Grand Orient »[24]. Cette méthode de conquête explique que la synarchie ait été souvent qualifiée « de franc-maçonnerie blanche » lors des enquêtes policières de 1937-1938 sur les œuvres des ligues fascistes en général et de la Cagoule en particulier[25]. C’est l’explosion du « scandale » dit du « complot de la synarchie » à l’été 1941 qui imposa, et définitivement, ce dernier terme[26].

     

    La synarchie avait financé la scission « néo » de la SFIO (Marcel Déat, Adrien Marquet, etc.), en préparation depuis la fin de la décennie 1920 et devenue officielle en juillet 1933. Ce contact avec des socialistes virant au fascisme offrit le lien idéal avec les cégétistes – tous membres de la SFIO ‑ tentés par la même évolution et séduits par le « Plan », dit « plan de la CGT », mais né hors des milieux syndicaux. Coutrot et les siens visèrent surtout les intimes de Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, chef, donc, du courant « confédéré » ‑ par opposition aux « unitaires » de la CGTU. Le distinguo entre les deux courants, respectivement et globalement socialiste et communiste, fut strictement maintenu après la réunification de la CGT au congrès de Toulouse de mars 1936.

    Cette tactique patronale rencontra d'autant moins de difficultés que depuis l’été 1934 l’unification syndicale s’opérait sous la seule impulsion des « unitaires » et que la progression des effectifs, nette en 1935, considérable en 1936, leur bénéficiait presque exclusivement. L’anticommunisme des rivaux « confédérés » en fut vivement stimulé, courant dit « centriste » de Jouhaux inclus. Le secrétaire général ne songeait depuis 1920 qu’à « contrecarrer les tentatives faites par les communistes pour s’emparer des leviers de commande du mouvement syndical »[27]. Sa hantise de perdre la direction de la CGT (ce qui avait failli lui arriver en 1920-1921) explique le soutien durable qu’il apporta au confédéré qu’on peut considérer comme la « prise » syndicale la plus spectaculaire de la synarchie : René Belin, son second, fondateur et chef du courant Syndicats. Cette « tendance » avait emprunté son nom à l’hebdomadaire que Belin et son entourage avaient projeté dès le congrès de Toulouse avec le plein soutien de Jouhaux pour faire pièce à la Vie ouvrière « unitaire » : le secrétaire général lui affecta une partie de « la caisse noire » de la CGT, soustraite dès la réunification officielle de mars 1936 à la connaissance et à l’usage des unitaires[28].

    Champion du « Plan de la CGT » de 1934, lié au socialiste belge Henri de Man qui avait comme les « néos » bifurqué vers le fascisme[29], le socialiste et syndicaliste Belin fut recruté en 1934 ou 1935. Il fut parrainé par Jacques Barnaud, qui fournit à son courant ultra-droitier des sommes plus importantes que l’argent noir de la CGT : le directeur général de la banque Worms remettait « régulièrement au journal Syndicats, dirigé par Belin, les subventions […] reçues par Raymond Froideval [et…] destinées à alimenter la campagne pro-munichoise dans la CGT »[30]. Le financement s’intensifia avec les succès ouvriers de mai-juin 1936, qui firent triompher ce que le confédéré Georges Dumoulin appelait l’« arithmétique lamentable […et] imbécile » des unitaires[31]. Car, à la grande rage des dirigeants de la CGT, les unitaires, qui dirigeaient et impulsaient le mouvement social, avant et en 1936, gagnaient les élections syndicales, surtout chez les ouvriers. Leurs militants se trouvaient donc hissés aux postes de direction à tous les niveaux « ouverts » de la Centrale : syndicats, unions locales et fédérations. Mais leur progression numérique à la tête des organisations s’arrêta là car les confédérés avaient au congrès de Toulouse statutairement verrouillé la direction centrale – Comité confédéral national et commission administrative[32].

    La conquête du syndicalisme « raisonnable », en quête désespérée d’appui contre ses adversaires bolcheviques, battit son plein sous le premier cabinet de Front populaire, avec l’aide précieuse du socialiste Charles Spinasse. Nommé par son ami Léon Blum ministre de l'économie nationale, le très droitier Charles Spinasse fit de Jean Coutrot, l’ancien « industriel » financé par la banque Worms, le « conseiller intime » de son cabinet[33]. Le recrutement connut son maximum d’intensité de 1936 à 1938, via les « comités Coutrot » et par diverses voies, telle la revue Les Nouveaux Cahiers.

    Mis en train après la victoire électorale de la gauche, placé sous la tutelle de Jacques Barnaud, publié à dater du 15 mars 1937 (jusqu'au n° 57, de mai 1940), le bimensuel associa avec efficacité quelques cégétistes (Lucien Laurat) et des transfuges du PCF (Boris Souvarine) au gros bataillon fasciste d'origine des intimes – issus de la haute administration et de la grande entreprise ‑ du directeur général de la banque Worms : y tenaient la plume, outre Barnaud lui-même, Auguste Detoeuf, Raoul Dautry, l’homme de Mercier (y compris au Redressement français), Jean Coutrot, etc.

    En mars 1946, les industriels Detœuf, synarque important, et André Isambert, synarque moins notoire, tous deux amis « depuis 1930 environ » de Barnaud et de Coutrot, avouèrent à demi les objectifs de l’entreprise : œuvrer à « la disparition de l’esprit de classe », c'est à dire gagner à la collaboration de classe ouverte les cadres de la CGT (de la collaboration franco-allemande tout court ils ne dirent mot[34]). « Notre public se recruta principalement parmi des intellectuels de gauche, des membres du corps enseignant, des fonctionnaires, de jeunes industriels et ingénieurs, des syndicalistes ouvriers. Le Comité de vigilance des Intellectuels antifascistes nous fournit un assez grand nombre d’adhérents ». « Des discussions hebdomadaires », assurant un contact institutionnel régulier, mais ignoré du public salarié ‑ sans préjudice d’autres occasions de rencontre ‑, préparaient le terrain des articles[35].

    D’autres « discussions » entre la grande bourgeoisie synarchique et les cégétistes, organisées par Les Nouveaux Cahiers, revêtirent un éclat particulier : les « réunions organisées – journées de l’abbaye de Pontigny ‑, chaque année, depuis 1936, une, deux ou trois fois par an durant chacune 3 ou 4 jours. »[36] En 1938, la synarchie jugea la scission syndicale et la liquidation de la Tchécoslovaquie assez urgentes pour donner à ses liens avec les syndicalistes dépendants un éclat public exceptionnel : les « entretiens franco-suédois de Pontigny » réunirent du 24 au 27 juin, chez le synarque idéologique Paul Desjardins, de très grands patrons suédois et les dirigeants « de la Landsorganisation [LO] (CGT suédoise) » et leurs homologues patronaux et cégétistes français.

    Un n° spécial des Nouveaux Cahiers, le 15 juillet 1938, fut consacré à la session, que son hôte Desjardins avait accueillie par ces mots : « nous sommes des Européens qui réfléchissent », sans oublier de célébrer le magnifique « document […] établi en commun » par « ouvriers et patrons ». La revue de Barnaud y fit écho, s’émerveillant des prestations suédoises et citant les réponses respectives du chef syndical, Lindberg, président de LO, et du chef patronal, Söderlund, « président de l’association des employeurs de main-d'œuvre, la CGPF suédoise pour les questions sociales », à ces deux questions : 1° « que pense la CGT suédoise de la nationalisation des grandes entreprises? R[éponse]. En tant que syndicaliste, cela ne me regarde pas; en tant que socialiste, j’en suis partisan. » [les syndicalistes cajolés étaient précisément enjoints de pas faire de politique anti-patronale] : 2° que pensent les patrons suédois de la négociation de « conventions nationales » patrons-ouvrier sans intervention de l’État? « R[éponse]. L’État n’a rien à y voir ». « Aucune allusion ne fut faite aux problèmes français, quoique la plupart des questions posées fussent évidemment inspirées par le souci de ces problèmes. Aucune discussion n’eut lieu », prétendit la revue[37]. On avait au contraire beaucoup « discuté ».

    Fin octobre 1938, Georges Valois, synarque très anticonformiste, au sens réel du terme[38], et ancien chef du Faisceau, rectifia ce compte rendu pour ses auditeurs du Club du Faubourg : « Dans ce cadre bourgeois [des] réceptions grandioses de M. Desjardins, les militants des syndicats révolutionnaires perdent leurs moyens devant la grandeur du lieu et les attentions dont ils sont l'objet de la part des dirigeants patronaux. […C]es rencontres sont très dangereuses car les militants se trouvent en état de nette infériorité au sujet de la tenue, du langage et des mœurs mondaines. À cette réunion, […] se trouvaient le Jouhaux suédois, les représentants du Comité des Forges et le Mercier suédois ; du côté français, les syndicalistes réformistes [Robert] Lacoste, [Georges] Lefranc et quelques militants de la CGT, non communistes[39]. On a montré […] aux représentants français la bonne entente qui existait entre les syndicalistes et le patronat suédois, confirmée par une promenade à l’abbaye de Vézelay au cours de laquelle les Français ont pu voir le délégué ouvrier suédois donnant le bras à la déléguée du patronat et trinquant avec elle. […D]ans son ensemble la CGT était d'accord pour organiser un rapprochement entre la classe ouvrière et le patronat afin d’établir une paix sociale et de préparer la guerre internationale qui est inévitable »[40].

    Ces formules trompeuses, toujours utilisées par ces partenaires d’une « alliance [de classes] étrange » ou contre nature (Marc Bloch)[41], désignaient respectivement la guerre sociale et la quête éperdue d’un accord avec le Reich. Notons pour mémoire que les synarques syndicalistes, aussi liés à l’Allemagne que l’étaient leurs tuteurs patronaux, reçurent dès avant la guerre des financements allemands. Au congrès de la SFIO de mai 1939, Jules Moch, passé par « X-Crise » mais aucunement tenté par le nazisme (notable exception), lança un brûlot : « Une propagande habile, organisée sans doute par la Maison Brune [siège du NSDAP à Paris], a créé un trouble dans nos organisations syndicales »[42]. Les liens entre le camp syndicaliste « pacifiste », les synarques, dont Anatole de Monzie, truchement politique et gouvernemental d’Hippolyte Worms depuis la Première Guerre mondiale et une des « personnalités importantes » de la synarchie[43], et Otto Abetz, délégué de Ribbentrop, pourrisseur de la presse et des partis français pendant toute la décennie d’avant-guerre (avant de régner comme « ambassadeur du Reich » dans Paris occupé de juin 1940 à août 1944), sont avérés dans la phase préparatoire et consécutive à la conférence de Munich[44]. Il reste aux historiens à labourer ce champ quasi vierge, que Marc Bloch, dans L’étrange défaite, a commencé à défricher sans citer ni le nom de Syndicats ni celui de ses chefs unanimes à présenter aux auditoires syndicaux l’Allemagne nazie comme inoffensive ni celui de leurs bailleurs de fonds synarchiques[45]. Cet aspect essentiel des choses fait défaut au Dictionnaire du mouvement ouvrier dit Maitron, quasi muet, muet ou erroné sur les activités des leaders de Syndicats entre 1938 (et surtout 1940) et 1944[46].

    Le communiste Pierre Hervé fit écho à Valois en 1945 en rappelant qu’« aux “journées d’information” » de Pontigny de juin 1938, on avait vu « les “syndicalistes” Belin, Lefranc, Lacoste, [Lucien] Laurat[47], conférer et banqueter avec M. Detœuf (de la Banque de Paris et des Pays-Bas), associé d’Ernest Mercier, du trust de l’électricité, administrateur de l’Alsthom), avec M. Guillaume de Tarde (adjoint à Daniel Serruys, de la banque Lazard frères), avec M. [Alfred] Lambert-Ribot ([vice-président]du Comité des Forges) et avec d’autres délégués des banques et des trusts »[48] ‑ tous synarques incontestés, sauf Lambert-Ribot, très probable, en tout cas strictement entouré de synarques[49].

     

    Ce genre de manifestations tapageuses perdit en intérêt après les revers subis par la classe ouvrière. La synarchie eut moins besoin d’afficher ses auxiliaires syndicaux après l’échec de la grève générale du 30 novembre 1938 – soigneusement préparé par Jouhaux et Belin, en compagnie notamment des synarques du ministère des travaux publics Anatole de Monzie et Jean Berthelot[50] ‑ et la répression consécutive, étapes cruciales du « Munich intérieur ». Barnaud put signer dans le n° 36 des Nouveaux Cahiers du 15 décembre 1938 un éditorial triomphant, « Après la grève générale ». Le grand banquier y enjoignait le syndicalisme congru de rendre définitif le fiasco des « représentants communistes qui l’avaient réclamée » en fonction de « considérations politiques, notamment de politique étrangère ». Il avouait son impatience de les chasser des syndicats : « la seule “victoire” du patronat devrait consister dans l’espoir de voir, à la suite de cette journée, la classe ouvrière mettre partout à la tête de ses multiples organisations syndicales des hommes de valeur, compétents, désintéressés, et jouissant d’une autorité incontestée sur les adhérents de leurs syndicats. »[51]

    Moins d’un an plus tard, cette alliance permit de « mettre partout à la tête [des…] multiples organisations syndicales » les confédérés bénéficiaires de cet éloge indu : peu « désintéressés » et sans « autorité » sur les masses ouvrières, ils durent prendre d’assaut des syndicats aux effectifs en chute libre. L’État et son appareil policier et judiciaire assurèrent à dater de septembre 1939 la mise sous les verrous et la traduction en justice des dirigeants unitaires, que leurs adversaires avaient évincés de la CGT sous prétexte de non-condamnation du pacte germano-soviétique. Le grand patronat synarchique rendit ainsi aux chefs confédérés la mainmise, très ébranlée depuis 1935-1936, sur les syndicats « épurés » : il plaça là les courants « centriste » (de Jouhaux) et Syndicats (de Belin) grâce à la mise hors-jeu des adversaires communistes voués à la prison ou à la clandestinité par le décret du 26 septembre 1939 interdisant le parti communiste et organisations associées ou assimilées (et autres décrets semblables). Il leur garantit simultanément la pérennisation de cette hégémonie forcée.

    Sur fond de catastrophe sociale – une pluie drue de décrets-lois sociaux destructeurs des acquis, notamment salariaux, du Front populaire ‑, trois industriels synarques – Raoul Dautry, désormais ministre, chargé, à l'Armement, de parachever le sabotage de l’économie de guerre française, et deux piliers du Comité des Forges et de l’UIMM, Lambert-Ribot et Jacques Lenté ‑, signèrent le 7 octobre 1939 les « accords du Majestic » avec deux chefs confédérés : Léon Jouhaux et un délégué de la métallurgie, Léon Chevalme, héraut depuis février avec Marcel Roy, autre secrétaire confédéré des Métaux, de la baisse des salaires de l’aéronautique[52]. L’entrevue « se termina par une déclaration lyrique sur la “collaboration patronale, ouvrière et gouvernementale” pendant la durée des hostilités »[53] : elle annonçait « une ère de progrès dans la liberté, la concorde et le respect des droits individuels et collectifs pour l’humanité entière »[54]. Sous l’emphase mensongère se nichait l’essentiel : Jouhaux et Belin avaient obtenu que les délégués ouvriers, élus par leurs pairs depuis les accords Matignon, fussent « nommés » sur proposition des « organisations syndicales les plus représentatives ». Le décret-loi du 19 novembre 1939 consacra ce « moyen d’éliminer les unitaires »[55] (jusqu'à la Libération). Ces bienfaits furent octroyés, je l’ai dit, en plein effondrement du syndicalisme, abyssal dans les Métaux, fief unitaire, surtout en région parisienne[56].

    Cette collaboration confédérés-grand capital-État aboutit à placer dans les cabinets ministériels de la Drôle de guerre les chefs de Syndicats. Ils conservèrent leurs strapontins sous Vichy[57], en dépit de la suppression officielle de la CGT, réalisée par décret de novembre 1940 signé de Belin lui-même. Qu’on réfléchisse au sens que les bailleurs de fonds et tuteurs du « ministre » en titre, ancien lieutenant de Jouhaux promis à sa succession à la tête de la CGT, avaient affecté à ce que leur obligé prît la responsabilité personnelle de la liquidation du syndicalisme ouvrier. Le centre des prébendes allouées pour services rendus aux « hommes de valeur » loués par Barnaud fut le cabinet de Belin, ministre de la Production industrielle (PI) et du Travail de juillet 1940 à février 1941, puis, jusqu’en avril 1942, du Travail seul. Car la synarchie de haut rang prit officiellement en mains la PI à partir du cabinet Darlan, de février 1941, jugeant désormais la « couverture » syndicale inutile. Ce contrôle direct perdura jusqu'à la Libération : Pucheu fut investi ministre-secrétaire d’État en mars 1941 (Vichy et Berlin s’étaient à un moment donné entendus sur Baudouin[58], les synarques étant interchangeables). Pucheu, « ancien directeur général des usines Japy » (machines de bureau, propriété à 100% de la banque Worms) et chef des exportations du comptoir sidérurgique, et, depuis « la fin 1940, […] président du CO des machines de bureau, puis de celui des industries mécaniques », succédait de fait à ce poste à Barnaud, qui fut alors doté de la Délégation générale aux relations économiques franco-allemandes. Bichelonne, autre élu de la synarchie et du Comité des Forges, secrétaire général de la PI depuis l’été 1940, remplaça au poste de ministre son ami Pucheu d’avril 1942 à août 1944[59].

    En cette ère Laval, les riches aumônes versées aux anciens chefs de Syndicats installés au ministère du Travail furent maintenues sous les successeurs de Belin, Hubert Lagardelle, placé sous la stricte férule de Bichelonne (comme naguère Belin sous celle de Barnaud), puis Bichelonne lui-même, qui ajouta le Travail à la PI en novembre 1943. Mais il y eut bien d’autres havres vichystes, tels le Conseil national, qui accueillit 18 des lieutenants du (faux) ministre Belin[60], et les nombreux organismes du style COSI (Comité de secours immédiat aux sinistrés)[61]. Le syndicalisme félon avait, officiellement, endossé l’assassinat du syndicalisme indépendant (du patronat), mais conservé ou amélioré ses sinécures.

     

    Belin lui-même, gratifié fin 1941 de la francisque (n° 808) avec le parrainage de deux insignes synarcho-cagoulards, Du Moulin et Ménétrel[62], fut, à son éviction gouvernementale d’avril 1942, recasé par ses bienfaiteurs à la présidence de la « Caisse de prévoyance des employés des usines d’énergie électrique et du gaz ». Il y demeura jusqu'à sa « fuite en août 1944, quelques jours avant l’insurrection de Paris ». En mai 1945, époque où policiers et magistrats décrivaient encore parfois des hommes de Vichy en termes « résistants », « l’inspecteur spécial » de la PJ Vilatte, chargé de l’enquête de Haute-Cour visant Belin, décrivit ainsi l’ancien ministre « reconnu comme collaborant en plein avec les Allemands. Ambitieux, vulgaire, plein de mépris pour l’idéalisme populaire, tout gonflé par les égards intéressés que lui prodiguaient les salons conservateurs, les polytechniciens, l’Inspection des Finances et les trusts »[63]. Il convient de traduire cette dernière liste par « synarques » : le même Vilatte était d'ailleurs chargé d’une enquête approfondie « sur la synarchie » et sur les grands synarques[64].

     

    Auprès de Belin œuvraient sous l'Occupation d’autres synarques de rang inférieur : tels Laurat, ancien responsable de la formation économique à l'institut supérieur de la CGT; son pair Georges Lefranc; Froideval, chef de cabinet de Belin et « membre du comité d’honneur du cercle européen »[65], si collaborationniste – « un brave homme, adversaire du communisme », déclara le 25 décembre 1940 Ernst Achenbach, le conseiller d’Abetz à l’ambassade d'Allemagne à Paris, à Darlan[66] ‑ que le Reich l’appréciait encore plus que Belin : le projet de scission du ministère Belin prévoyait alors d’attribuer « la production à M. Baudouin et le travail à M. Froideval, chef syndicaliste proposé par les Allemands. »[67] Francis Million avait été gratifié, comme Jouhaux, d’un strapontin au conseil général de la Banque de France après la loi de « réforme » du 24 juillet 1936 : il couvrit avec zèle la politique de déflation des salaires et d’inflation des prix industriels sous la république agonisante avant d’être promu, auprès de Belin, secrétaire général à la main-d'œuvre sous le cabinet Darlan, etc.

     

    Entre autres missions collaborationnistes – dont l’achèvement du syndicalisme ouvrier via la Charte du travail d’octobre 1941 ‑, ces anciens cégétistes assumèrent la responsabilité des préparatifs puis de la mise en œuvre du service du travail obligatoire. La question du « recrutement de la main-d'œuvre française pour l’Allemagne » fut explicitement posée par l’occupant à Vichy dès le printemps 1941. Elle devint cruciale dès l’été[68], avec l’effondrement brutal du Blitzkrieg dans les plaines russes[69]. Belin réussit à faire parfois en la matière mieux que son maître, ainsi le 14 janvier 1942, où les Allemands s’en félicitèrent : Barnaud a invoqué contre la propagande du gouvernement français en faveur du recrutement des travailleurs français pour le Reich « qu’une semblable déclaration donnerait un nouvel essor à la campagne communiste et gaulliste. Par contre le ministre Belin trouvait tout à fait souhaitable que l’on publiât cet appel. Ensuite, après avoir écouté l’explication de Belin, les autres délégués français se sont déclarés prêts à y consentir. »[70]

    Dès la mi-janvier 1942, trois mois avant retour de Laval, plus d’un an avant le décret officiel sur le STO (du 16 février 1943), c’est un trio synarchique, Belin, encadré par ses tuteurs Barnaud et Lehideux, qui symbolisa la propagande officielle française en faveur du travail forcé dans le Reich : « Dans une réunion qui a eu lieu chez le commandant militaire en France et à laquelle assistaient les représentants de l’ambassade, de l’état-major et du Grand État-major, les ministres français Barnaud, Belin et Lehideux se sont déclarés prêts à soutenir de leur mieux désormais le recrutement d’ouvriers français pour l’Allemagne, tant au moyen d’une déclaration officielle du gouvernement que par n'importe quel autre moyen approprié. La déclaration du gouvernement va paraître dès que les délégués du gouvernement français, chargés de veiller aux intérêts matériels et moraux des ouvriers français en Allemagne, prendront leur fonction. »[71].

     

    Certains des synarques syndicaux, auxiliaires précieux pour neutraliser ‑ à défaut de (re)conquérir ‑ la classe ouvrière et les salariés, prirent leurs distances avec Vichy beaucoup plus tôt. La synarchie put, aux débuts de la Pax Americana, user de leurs services plus tôt ou plus ouvertement que de ceux des vedettes de Syndicats, condamnés à une certaine discrétion. À leur tête figura Robert Lacoste, ancien secrétaire de la Fédération générale des fonctionnaires de la fonction publique et ministre socialiste de la PI après la Libération : c’est lui qui, en septembre 1945, dénonça à André Tixier, son collègue socialiste de l’intérieur, l’infâme Belin, stipendié par Barnaud pour faire de la propagande munichoise « et surtout […] réduire à l’impuissance, par la calomnie, la tendance confédérale patriote et anti-allemande que dirigeaient Léon Jouhaux, Louis Saillant et moi-même. »[72] C’était oublier qu’ils avaient assidûment fréquenté les mêmes cercles patronaux synarchiques, et que Lacoste avait autant que Belin « f[a]it avant-guerre une intense propagande en faveur de l’économie dirigée et de la planification industrielle »[73]. La CGPF ‑ devenue Conseil national du patronat français (CNPF) en 1946 ‑ fit de septembre 1944 à février 1950 de sa « tête de pont au parti socialiste » un ministre inamovible de la PI, puis « de l’industrie », puis « de l’industrie et du commerce » ‑ exceptée la courte parenthèse du communiste Marcel Paul (novembre 1945-novembre 1946)[74]. Le politiste américain Henry Ehrmann, qui prétendait douter de l’existence de la synarchie mais dont chaque page ou presque de l’ouvrage La politique du patronat français 1936-1955 confirme la réalité, a décrit les « contacts étroits » entre Lacoste et « certains chefs du mouvement patronal » (tous synarques)[75].

    Tous les synarques syndicaux qui n’avaient pas brûlé leurs vaisseaux entre l’été 1940 et la Libération reprirent du service cégétiste officiel après que la Pax Americana eut remplacé l’ère allemande. Ceux qui avaient été définitivement exclus des syndicats continuèrent à servir le grand patronat synarchique, Belin et Laurat compris. Ils contribuèrent, auprès du patronat français et des nouveaux protecteurs américains, à la scission syndicale de 1947-1948 (entre CGT et Force ouvrière). Parmi eux, Georges Albertini, auxiliaire de la banque Worms avant et pendant la guerre, protégé de Bichelonne, mérite mention. À ce lieutenant de Marcel Déat au Rassemblement national populaire, alias Claude Varennes, sorti de Fresnes en février 1948, Hippolyte Worms en personne attribua aussitôt un bureau au siège de sa banque et la fonction y afférente. Financé par la banque Worms, le CNPF et la CIA – dernière donnée mieux connue[76] que le financement allemand d’avant-guerre à Syndicats ‑, l’ancien socialiste et syndicaliste anima presque jusqu'à sa mort (1981) l’inusable croisade anticommuniste et antisoviétique[77].

     

    Dans le Pacte synarchique révolutionnaire pour l’Empire Français, l’ « Union fédérative de l’Europe » ainsi que « les cinq fédérations impériales du monde actuel, déjà formées ou en formation, comme base d’une Société Universelle des Nations », sont évoquées. Cela semble être dans la lignée de ce que vous avez mentionné dans votre conférence-vidéo, Intégration européenne sous le contrôle du Reich et plans américains pour une unification de l’Europe , à partir de la 44ième minute ?

     

    Annie Lacroix-Riz :

    J’ai fait allusion à la réception à l'ambassade d'Allemagne, le 7 septembre 1941, de quinze personnalités françaises, parmi lesquelles six synarques-ministres recensés sur la liste Chavin des « 46 affiliés les plus importants » : Barnaud, délégué général aux relations économiques franco-allemandes, Jacques Benoist-Méchin, secrétaire d’État auprès du chef du gouvernement, Bichelonne, secrétaire général (et futur ministre en avril 1942) de la production industrielle, Bouthillier, ministre des Finances, Lehideux, ministre de la PI (successeur de Pucheu), et Pucheu, ministre de l'intérieur. Les autres hôtes, industriels ou/et banquiers ès-qualités, le plus souvent présidents du comité d'organisation de leur branche, étaient également synarques, plus ou moins notoires, tel Henri Ardant, président de la Société générale et du comité d’organisation des Banques [78].

    Cette manifestation mondaine franco-allemande eut lieu dans la phase la plus intense de la collaboration. L’enthousiasme avait été délirant depuis les premiers mois de 1941, pour la guerre prévue et attendue contre l’URSS : c’était la cible obsessionnelle, depuis novembre 1917, de la grande bourgeoisie française en général et de la synarchie en particulier. À la fin de l’été 1941, l’allant pro-allemand demeurait très élevé, bien que le Blitzkrieg apparût déjà en difficulté à l’Est. On était fort avancé dans la mise en œuvre des vastes projets « européens » communs, des cartels aux sociétés mixtes en passant par les cessions de titres français aux financiers allemands et les aryanisations partagées[79]. À cette occasion, « le banquier Ardant exprim[a], d’accord avec Pucheu et Bichelonne, l’espoir que les plans allemands seraient assez vastes pour décider la suppression des frontières douanières et créer une monnaie unique pour l’Europe. “Cette prise de position sans équivoque du président de la Société Générale qui doit être actuellement désigné comme le premier et le plus important des banquiers français semble particulièrement importante” », commenta le rédacteur allemand du compte rendu[80].

    En cette ère de triomphe politique absolu, la synarchie qui avait investi le cabinet Darlan proclamait les objectifs que ses auxiliaires syndicaux avaient glorifié dans les colonnes des Nouveaux Cahiers en pleine drôle de guerre. Ainsi Lucien Laurat avait-il signé, dans le n° du 1er novembre 1939, un article piaffant d’impatience sur les développements franco-allemands imminents, malgré son faux-semblant de traitement du Reich en État ennemi : « Après la guerre il faudra gagner la paix ». Le lecteur pourra aisément supprimer, pour mieux lire ce programme commun, la phrase de pure convenance : « L’Allemagne, en faillite avant même d’avoir déchaîné la catastrophe, le sera encore plein plus après avoir perdu la Guerre » : « Seule l’unification économique de l’Europe nous paraît susceptible de faciliter la solution des problèmes économiques et financiers de l’après-guerre immédiat […L]e passage de l’économie de guerre à l’économie de paix » ne trouvera de solution « que sur le plan européen. Il s'agira de payer la note. L’Allemagne, en faillite avant même d’avoir déchaîné la catastrophe, le sera encore plein plus après avoir perdu la Guerre. L’Europe ne pourra trouver les fonds nécessaires à sa restauration qu’en procédant à la compression sévère de tous ses faux-frais, à la rationalisation de sa structure économique. Là encore, la solution qui s’impose nous paraît être la création d’une économie pan-européenne sur la base de certaines réformes de structure à réaliser sur le plan intérieur des grandes nations de notre continent. »[81]

    Cette frénésie germano-européenne, affichée sans pudeur depuis Munich, explosa dans la phase allemande ascendante de l’Occupation[82]. Elle n’a aujourd'hui pas droit de cité académique, car la passion « européenne » a conduit l’historiographie dominante à entraver la connaissance historique tirée des sources d’avant-guerre et de guerre. Les auteurs et tuteurs de la bibliographie « officielle » du programme des concours d’histoire de 2007-2009, tout à leur objectif d’expier le NON au référendum de mai 2005, en endoctrinant les futurs enseignants à coup d’« europtimisme » à prétentions scientifiques, ont postulé une parenthèse de guerre 1939-1945 dans les plans « européens » : de tels plans, présumés fort aimables et pacifistes avant-guerre, et au moins aussi plaisants après mai 1945, ne pouvaient naturellement coexister avec pareil conflit qualifié d’« idéologique »[83].

    Ce choix, politique, idéologique et non scientifique, a eu pour condition sine qua non une reconstitution a posteriori des faits démentie par les archives originales. L’Occupation ne fut pas caractérisée par un « trou noir » ou une « rupture » dans les plans « européens » de la synarchie, qui avait été étroitement liée, dès l’avant-guerre, au « clan Goering ». Les « milieux bien informés » n’ignoraient pas ces liens, de plus en plus nettement perceptibles depuis Munich. Le patriote Raymond Brugère, « seul diplomate » démissionnaire le 17 juin 1940[84], avait comme ambassadeur à Belgrade (novembre 1938-juin 1940), « en la personne de Neuhausen, connu certaines tentacules [des] groupes allemands du système Goering » : Goering, délégué gouvernemental de la sidérurgie, et Frantz Neuhausen, son « ami personnel » et consul général d’Allemagne à Belgrade[85], traitaient quasi ouvertement en Yougoslavie avec « Hippolyte Worms et son équipe », adeptes d’« une politique bancaire prétendument “réaliste” »[86].

    L’Occupation ne fit que développer cette intense collaboration d’avant-guerre, qualifiée d’« européenne » ou de « continentale », sous tutelle allemande et en tous domaines. Elle permit aux partenaires de poser des jalons décisifs pour l’« Union européenne » postérieure à la guerre, y compris en matière de mariages de capitaux. Les réalisations de ce temps furent dignes du texte du télégramme que Franz von Papen, alors ambassadeur d'Allemagne à Ankara[87], adressa à « [s]on ami de longue date Benoist-Méchin », qui se targuait en permanence de la puissance politique de « [s]on groupe » (de synarques), pour le féliciter de son maintien dans le cabinet Laval d’avril 1942 : “Recevez mes meilleurs vœux pour le changement décisif qui se dessine ces jours-ci dans l’histoire de la France. Je suis plus que jamais convaincu que l’édification de la nouvelle Europe est assurée, si nos deux peuples affrontent au coude à coude la rénovation sociale de ce continent” »[88].

    Il fallut simultanément s’adapter à la perspective de plus en plus certaine – depuis la mort du Blitzkrieg ‑ de Pax Americana et d’intégration de ces plans aux plans « européens » des États-Unis[89].

     

    Que vous inspire l’appellancé dernièrement par les confédérations patronales française, allemande et italienne à davantage d’intégration européenne, ainsi que les « bonnes affaires » réalisées actuellement par le patronat allemand en Grèce ?

     

    Annie Lacroix-Riz :

    La conjoncture actuelle présente des similitudes frappantes avec les pratiques qui ont tenté de parer, depuis 1914, à ce que Lénine appelait « crise générale de l’impérialisme »[90]. Les gouvernements prétendument « techniques » ou d’« union nationale » qu’on nous fait valoir en Grèce et en Italie regroupent les mêmes forces socio-économiques que les formules fascistes que les milieux financiers ont imposées à la plupart des pays du continent européen à partir des années 1920. Je vous renvoie à cet égard à mes travaux sur l’entre-deux-guerres.

     

    Pour terminer, depuis plus d’un an, vous luttez contre la vaste entreprise de réhabilitation de Louis Renault, et avec lui, du haut patronat français sous l’Occupation. Qu’en est-il aujourd’hui de votre combat ?

     

    Annie Lacroix-Riz :

    Ce combat se poursuit activement, d’autant plus que les héritiers, qui avaient le 9 mai 2011 assigné l’État – autrement dit le contribuable ‑ en indemnisation des actifs industriels de Louis Renault confisqués par l’ordonnance du 16 janvier 1945, ont interjeté appel de la décision prise le 11 janvier 2012 par le TGI de Paris de ne pas transmettre au Conseil constitutionnel ladite assignation.

    L’interview ayant été longue, le lecteur pourra « souffler » avant de trouver réponse à la question en consultant 1° la rubrique « Dossier Renault » de mon site, www.historiographie.info, 2° ma liste de diffusion (s’inscrire via le site), sachant que les textes déjà diffusés sont systématiquement versés à la rubrique « Dossier Renault » susmentionnée; 3° le site de l’association « Esprit de Résistance » fondée en juillet 2011, http://www.espritderesistance.fr/. Y ont été versés, d’une part, les textes que j’ai rédigés sur la question depuis février 2011, et, d’autre part, des copies ou transcriptions de documents, incontestables sur la collaboration économique, politique et policière, de Louis Renault et de la direction de ses usines, collaboration sans réserves qui prolongea et aggrava sous l'Occupation des pratiques d’avant-guerre.

    La réédition d’Industriels et banquiers français sous l’Occupation tiendra compte de nombreux éléments nouveaux fournis par les sources dépouillées depuis la parution de l’ouvrage (1999) : en particulier par l’énorme fonds de Haute-Cour (microfilmé) relatif à Lehideux et au Comité d'organisation de l’automobile (3W, 217 à 234), dont la consultation m’a demandé un an de travail, et par les archives des Renseignements généraux de la Préfecture de police, très intéressantes sur la politique répressive et sur les modalités de l’exploitation ouvrière aux usines Renault (Boulogne-Billancourt seulement), tant avant que pendant l'Occupation (BA 2135 et 2136).

    Cette correspondance originale alourdit encore le tableau du collaborationnisme général de celui que ses héritiers en quête d’indemnisation osent depuis janvier 2011 présenter comme une victime de De Gaulle et de la Résistance communiste, accueillis en toute quiétude par les grands media : jusqu'ici, les journalistes leur ont épargné l’épreuve d’être confrontés à la thèse inverse. Certains des textes que j’ai rédigés sur la question évoquent la responsabilité de la grande presse, écrite et audio-visuelle, dans le négationnisme médiatique organisé sur l’affaire Renault. Ceux qui ont lu ou liront Le choix de la défaite ne seront pas surpris des similitudes entre les mœurs de la presse « gleichshaltée » de 1938-1940, financée par les marchands de canon et la haute banque (Alexander Werth), et celles de la presse contrôlée aujourd'hui par les mêmes milieux. Le service public de télévision s’est pour sa part illustré dans la défense et illustration de Louis Renault et de ses héritiers souffrants, y compris en inventant une fallacieuse « historienne » allemande ayant naguère œuvré sur commande de Mme Hélène Dingli-Renault, petite-fille de Louis Renault, et de son mari Laurent Dingli, historien officiel des héritiers Renault. Vous avez, sur votre site, publié ma lettre ouverte de protestation contre l’engagement réitéré de Gérard Grizbec au service de ces derniers (http://www.xn--lecanardrpublicain-jwb.net/spip.php?article573) – ainsi que bien d’autres textes sur le dossier. Je vous en remercie, ainsi que tous les vaillants amis de l’histoire qui, sur la toile, secondent la mission d’information historique et civique si gravement compromise par le monopole exercé par les puissants sur les grands media.

    J’ai souvent l’occasion, depuis 2011, de traiter du dossier Renault, notamment devant des auditoires de syndicalistes. Le lecteur pourra notamment consulter le n° 39 des Cahiers d'histoire de la Métallurgie CGT, mars 2012, qui reproduit une conférence sur « La collaboration du patronat » donnée le 28 avril 2011 à l’institut CGT d’histoire sociale (http://www.ftm-cgt.fr). J’y ai dit, et oublié de corriger sur la version écrite, que Villers-Saint-Sépulcre était dans la Somme : c’est dans l’Oise, avec mes excuses... Mes amis Alain et Michel Le Thomas, des Films de l’an 2 (http://vimeo.com/user4868631), ont enregistré les débats de la session de formation et discussion organisée par l’institut CGT d’histoire sociale de la chimie, les 20 et 21 mars 2012 (http://vimeo.com/38994792).

    Le 8 juin, je traiterai à Limoges du thème « La collaboration patronale : l’exemple de Louis Renault », à 20h, salle Blanqui n°3 (derrière l’Hôtel de Ville).

     


    Notes :

    Toutes les allusions sont explicitées par mes ouvrages : Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), 2e édition, 2010; Le choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, 2e édition, 2010; De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3e République, 1938-1940, 2008; Industriels et banquiers français sous l’Occupation : la collaboration économique avec le Reich et Vichy, 1999, Paris, Armand Colin (réédition très approfondie en cours, à paraître en 2013); et mes articles : « La synarchie de l’entre-deux-guerres à l’après-Libération » : 1e partie, « La direction de la synarchie (1922-années 1930) », La Raison, n° 562, juin 2011, p. 17-21; 2e partie, « La stratégie putschiste de la synarchie 1933-1939 », La Raison, décembre 2011; « Des champions de l’Ukraine indépendante et martyre à l’institut d'histoire sociale », sur mon site www.historiographie.info; « La scission de 1947 (1943-1947) », in Pierre Cours-Salies et René Mouriaux, dir., L’unité syndicale en France, 1895-1995, Paris, Syllepses, 1997, p. 31-50. D’autres références sont fournies dans le texte des notes.

     

    [1] Cette incise, Renseignements généraux de la Sûreté nationale (RGSN), X.P. 2, Paris, 14 mai 1946, « Les agissements financiers du Vatican », Archives nationales (AN), F7, vol. 15292, milieux religieux, église catholique, attitude politique des évêques et archevêques sous l’Occupation. Source du reste, n. suiv.

    [2] RGSN, note sans date, de 1945 (d'après son texte), « Fondateurs du Mouvement synarchique d'empire »,

    [3] Contribution du Vatican aux solutions fascistes nationales, France incluse, Vatican, passim (et, spécifiquement sur la France, Choix et Munich).

    [4] Douglas J. Forsyth , The Crisis of Liberal Italy : Monetary and Financial Policy, 1914–1922, Cambridge, Cambridge University Press, 1993.

    [5] Détails, Choix et Munich, et infra.

    [6] Ilan Greilsammer, Blum, Paris, Flammarion, 1996, 2e et 3e parties, passim; Lacroix-Riz, « Léon Blum et la pratique du pouvoir en 1936 et 1946 », colloque « Socialisme, république et démocratie », université Lille II et III (CRAPS et IRHiS), 17-18 novembre 2006, Actes non publiés, sur www.historiographie.info (et n. préc., index Blum).

    [7] A‑2850 sur la CGPF, 3 avril 1933, F 7, 13430, renseignements sur l’Allemagne, 1933, AN.

    [8] Que mes collègues tenants de la thèse du mythe de la synarchie présentent, depuis l’article « fondateur » et truffé d’erreurs de Richard Kuisel, « The legend for Vichy synarchy », French historical Studies, vol. VI-3, printemps 1970, p. 365-398, en policier de second rang rédigeant des rapports de fantaisie : champion français de la méthode, Olivier Dard, La synarchie ou le mythe du complot permanent, Paris, Perrin, 1998. Discussion, Choix, chap. 1. J’ai sollicité en vain depuis 2006 et la première édition du Choix un débat académique sur l’existence de la synarchie.

    [9] Rapport Chavin, juin 1941, souligné dans le texte, F7, 15343, Synarchie : études, rapports, coupures de presse, 1941-1948, AN.

    [10] Renseignements généraux de la Préfecture de police (RGPP), 8 octobre 1937, dossier Moreau de la Meuse, archives de la Préfecture de police (APP), BA, 1903, Cagoule. Sur Navachine, Choix, index.

    [11] Lettre interceptée en Haute-Savoie d’un excellent observateur de longue date de la synarchie, 26 novembre 1941, AN, 3W 222, Lehideux Synarchie (deux bobines complètes de microfilm sur « la synarchie qui n’existe pas »). Sur Belin, cf. infra. Liste des 46 en italique, Choix, p. 35-37 : Hippolyte Worms n’y figurait même pas.

    [12] Choix, chap. 1 et passim (listes de 1942-1943), résumé et tableau, Munich, p. 386-387.

    [13] Op. cit., index nominal.

    [14] Patrons, soyez des patrons!, brochure de Gignoux, 1937.

    [15] Jean-Baptiste Duroselle, Politique étrangère de la France, la décadence 1932-1939, Paris, Le Seuil, 1983 (1è éd., 1979), « Munich et l’économie », p. 372-381, citation p. 375.

    [16] Marc Bloch, Cahiers politiques n° 8, « À propos d’un livre trop peu connu », in L’étrange défaite, Paris, Gallimard, 1990 (juillet-septembre 1940, 1ère édition, 1946),Paris, Gallimard, 1990 (juillet-septembre 1940, 1ère édition, 1946), p. 253.

    [17] 70 CO regroupaient alors l’économie française. Rapport bancaire de juin 1941, PJ 40, Barnaud, APP, cité Choix, p. 551-552.

    [18] Lacroix-Riz, Industriels, chap. 3-4, et « Les comités d'organisation et l’Allemagne : tentative d’évaluation », in Hervé Joly, dir., Les comités d'organisation et l’économie dirigée du régime de Vichy, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, Seconde Guerre mondiale, 2004, p. 47-62. 

    [19] Sur ses liens avec le « groupe Goering », infra.

    [20]. Note sur la Société secrète polytechnicienne dite Mouvement synarchique d'empire, 4 octobre 1941, jugée ainsi par un rapport des RGSN de mars 1945 : « étude […] extraite d’une documentation quelque peu partiale étayée par des conversations particulières [des RG] avec des adversaires du mouvement. Dans son ensemble ce travail, bien qu’incomplet, donne malgré tout, une idée assez précise de l’existence, de l’activité et des buts de la synarchie », dossier MSE, GA, M 3, APP. Les RG marchaient sur des œufs dans ce dossier, Lacroix-Riz, Choix, chap. 1.

    [21] Ingo Kolboom, La revanche des patrons. Le patronat français face au Front Populaire, Paris, Flammarion, 1986.

    [22] RG ou informateur, « Le complot », sd, après 15 février 1945, F7 15343, AN.

    [23] « Comités Coutrot », Choix, chap. 1, 4 et 6, notamment p. 54 et 250-258.

    [24] « Rôle du patronat dans la genèse et la conduite de la guerre actuelle », RGSN, août 1943, manuscrit : XP/150 Source indirecte, F7 15343, AN.

    [25] Audition d’Olivier Rist, neveu du banquier Charles Rist, Olivier, ancien PSF (Croix de Feu) désormais cagoulard, rapport de l’inspecteur Mayzaud, Paris, 21 décembre 1938, « Enquête Jolly », Affaire Navachine, I, APP.

    [26] Lacroix-Riz, Choix, chap. 1.

    [27] RGPP, 11 septembre 1941, GA, J 4, Jouhaux, APP.

    [28] Bernard georges, Denise Tintant et Marie-Anne Renauld, Léon Jouhaux dans le mouvement syndical français [1921-1954], Paris, PUF, 1979p. 149-150 et 181-182 sq.

    [29] Note synarchie-Coutrot 1941, sans référence, F7 15343, AN.

    [30] Lettre de Robert Lacoste, MPI, au MI, 24 septembre 1945, PJ 40, Barnaud, APP.

    [31] Compte rendu 25e Congrès CGT novembre 1938, PDF site institut d'histoire sociale CGT, p. 181-182.

    [32] Lacroix-Riz, « Unitaires et Confédérés d'une réunification à l'autre (1934-1943) », Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, n° 15, 1983, p. 31-58; Munich, chap. 3; in Pierre Cours-Salies et René Mouriaux, dir., L’unité syndicale en France, 1895-1995, Paris, Syllepses, 1997.

    [33] Citation, note IG des RGSN, 15 avril 1941, F7 15343, AN.

    [34] Cf. infra.

    [35] Témoignages respectifs à H. Mathieu, 24 janvier et 8 mars 1946, PJ 40, Barnaud, APP.

    [36] Rapport Chavin, juin 1941, F7 15343, AN.

    [37] Nouveaux Cahiers, n° 29, 15 juillet 1938, 3W 51, dossier de Haute-Cour de Jacques Barnaud, AN.

    [38] Ce terme, très utilisé par les intéressés eux-mêmes et par Olivier Dard, masque le plus souvent celui de fasciste (ligueur, synarque, cagoulard, ou synarcho-cagoulard), Le rendez-vous manqué des relèves des années trente, Paris, PUF, 2002.

    [39] Tous issus de la SFIO (néos) ou demeurant membres de ce parti.

    [40] Dossier RG 230528 sur la réunion du 30 octobre 1938, GA, G 5, « Famille Gressent » (vrai nom de Georges Valois), APP.

    [41] « Les chefs des principaux syndicats [, qui] comptaient parmi les puissances de la République », s’étaient « rencontr[és], sur les routes de la capitulation, avec les ennemis-nés de leur classe et de leurs idéaux », L’étrange défaite, p. 168 et 175, et infra.

    [42] 36e Congrès SFIO, 29-31 mai 1939, 7e séance, p. 121, Mfm 270.36, BDIC.

    [43] RGSN, note de ou après janvier 1945, F7 15343, AN.

    [44] Monzie, Ci-devant, Paris, Flammarion, 1941, Lacroix-Riz, Choix et Munich, index Belin (et ses amis), Monzie et Abetz.

    [45] C’est ce seul aspect extérieur, de soutien au nazisme, que Marc Bloch traita dans L’étrange défaite, p. 168 et 172-176 : voir ma communication au colloque Marc Bloch de Rouen, février 2012 « La défaite de 1940 : l’interprétation de Marc Bloch et ses suites », Actes à paraître.

    [46] Entrées correspondantes du Maitron; des compléments, sur la base des sources, françaises et allemandes, absentes du Maitron, sur quelques chefs de Syndicats sont fournis plus loin (et communication citée n. 44).

    [47] Contributeur des Nouveaux Cahiers, voir la « Série de n° des Nouveaux Cahiers », avec table des matières générale, 3W 51, AN.

    [48] « Les synarcho-syndicalistes? Les ministres R. Lacoste et Ch. Pineau sont-ils des synarques? », Action, n° 60, 26 octobre 1945, AN 3W 222, AN.

    [49] Comme François de Wendel, il ne figure pas sur les listes de synarques consultées, mais il est lié à la plupart des grands, notamment Bichelonne et Dautry. Sources impossibles à recenser ici.

    [50] Lacroix-Riz, Munich, chap. 3, dont p. 94-99.

    [51] Article et n° cités, 3W 51, AN.

    [52] Bernard et al., Jouhaux, p. 260 et 265 ; Talbot Imlay, Facing the Second World War : Strategy, Politics, and Economics in Britain and France 1938-1940, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 279; Lacroix-Riz, Choix et Munich, index.

    [53] RGPP, 11 septembre 1941, GA, J 4, Jouhaux, APP.

    [54] Cité, avec commentaire sarcastique, Le Monde (journal de l’Internationale communiste, Bruxelles) n° 7, 21 octobre 1939, F7 14809, reconstitution et activité du parti communiste dissous, dossiers de renseignements, copies des interrogatoires députés, 1939, AN.

    [55] Circulaire 24 Vrigneaud, Métaux, Paris, 29 novembre 1939, F7 14809, AN, et Bernard et al., Jouhaux, p. 265-266 (citation « un moyen […] unitaires »).

    [56] Chiffres et sources, Munich, p. 215.

    [57] Paxton, La France, p. 262 ; Lacroix-Riz, « Unitaires », p. 52-57 ; « Les relations » ; Industriels, chap. 10 ; Bernard et al., Jouhaux, obscurs sur Jouhaux jusqu’en 1941, les chefs « légaux » et Syndicats, p. 268-292.

    [58] Télégramme Abetz 1577 pour le Dr Schwarzmann, Paris, 21 décembre 1940, 3W 353 (ou 347), archives dites de Berlin (correspondance d’Occupation entre ambassade d’Allemagne et Berlin), AN.

    [59] Sur tous ces noms (et sources), index Choix, Munich et Industriels.

    [60] Dont Georges Dumoulin et Marcel Roy : « Militants ouvriers », IG 19 à 31, I/1941, F1 a 3308, personnalités arrêtées en Allemagne, AN.

    [61] Rapport de Londres, sur le cas du Nord-Pas-de-Calais, 14 décembre 1942, état-major particulier du Général de Gaulle, F1 a, 3999, Lille région, AN, et foule d’autres cotes.

    [62] Fiche Belin, « demande acceptée au Conseil du 22.12.41 », Vichy, 21 février 1942, F7 15387, titulaires de la francisque 1940-1944, fichier alphabétique A-K ; « Militants ouvriers », IG 19 à 31, I/1941, F1 a 3308, AN.

    [63] Rapport des inspecteurs Vilatte et Guillemin sur Belin, Paris, 24 mai 1945, W3, 57, dossier de Haute-Cour de Berlin, AN, ou PJ 40, Belin, APP.

    [64] Rapport Vilatte sur la synarchie, Paris, 1er juin 1947 (après enquête sur CR de Gareau, 25 février 1946), PJ 40, Barnaud, APP, et rapports sur divers, dans les fonds 3W, AN, et PJ, APP.

    [65] « Cercle européen », liste, PJ 32, cercle européen, MSR (héritier du CSAR ou Cagoule), APP.

    [66] « Entrevue [Darlan] avec M. Hitler le 25 décembre 1940, près de la gare de La Boissière-Le Déluge (Oise) dans le train spécial du chancelier », 25 décembre 1940, 3W 210, Laval, AN.

    [67] Télégramme Abetz 1577 pour le Dr Schwarzmann, Paris, 21 décembre 1940, 3W 353 (ou 347), AN.

    [68] Information énorme dans les dossiers de Haute-Cour de Barnaud, Belin, Bouthillier, Lehideux, dits « de Berlin », etc. (série 3W, AN).

    [69] Lacroix-Riz, « L’URSS dans la Deuxième Guerre mondiale », Le Monde diplomatique, mai 2005, reproduit dans Manière de voir, n° 82, juillet 2005, p. 16-20, et n° 100, août-septembre 2008, « Le prix de la victoire sur le IIIème Reich », p. 28-32; Industriels, passim; Vatican, p. 531-532.

    [70] Note allemande anonyme pour Abetz, 14 janvier 1942, 3W 353, et note de Mourre sur la réunion du 14 janvier 1942 « sur la question du recrutement des travailleurs français pour l’Allemagne », avec Barnaud, Belin, Lehideux, Terray, Bruneton, Lombard et Mourre; Michel, Eckelmann, von Mahs, Fuhrmans, von Laroche, notamment, 3W 52, Barnaud, AN.

    [71] Télégramme 182 Schleier, Paris, 15 janvier 1942, 3W 353, AN.

    [72] Lettre de Lacoste, MPI, au MI, 24 septembre 1945, PJ 40, Barnaud, APP.

    [73] Fiche 276301 sans date, Matignon, GA 4, L 4, Robert Lacoste, APP.

    [74] Fiches RG, depuis le gouvernement provisoire (GPRF) du 9 septembre 1944, GA 4, L 4, Lacoste, APP.

    [75] Henry Ehrmann, La politique du patronat français 1936-1955, trad., Paris, PFNSP, 1959, p. 199, et 108-109.

    [76] Lacroix-Riz, « Des champions », n. 43.

    [77] Roger Faligot et Rémi Kauffer, « La revanche de M. Georges », Éminences grises, Paris, Fayard, 1992, p. 133-170; surtout RG, août 1952, GA, W 1, Hippolyte Worms, APP.; Laurent Lemire, L'Homme de l'ombre. Georges Albertini. 1911-1993, Paris, Éd. Balland 1989 ; Jean Lévy, Le Dossier Georges Albertini. Une intelligence avec l'ennemi, Paris, L'Harmattan-Le Pavillon 1992 ; Benoît Collombat et David Servenay, dir., Histoire secrète du patronat : de 1945 à nos jours. Paris, La Découverte, 2009 ; Lacroix-Riz, « Des champions »; « La scission de 1947 ».

    [78] Liste Chavin (et diverses autres listes) : confronter les noms cités (Industriels, édition de 1999, p. 433) aux index du Choix et de Munich.

    [79] Industriels, chap. 5 à 9.

    [80] Rapport Gerstner, traduction figurant dans tous les dossiers des intéressés, 3W pour les ministres de Vichy, cité dans Ministère public contre Ardant, 7 janvier 1948, F12, vol. 9569, AN. Philippe Burrin en a trouvé l’original allemand, La France à l’heure allemande 1940-1944, Paris, Seuil, 1995, p. 271.

    [81] Nouveaux Cahiers, n° 51, 1er novembre 1939, 3W, 51, AN.

    [82] Lacroix-Riz, Choix, Munich, et Industriels.

    [83] « Penser et construire l’Europe. Remarques sur la bibliographie de la question d’histoire contemporaine 2007-2009 parue dans Historiens et Géographes n°399 », La pensée, n° 351, octobre-décembre 2007, p. 145-159; version complétée, www.historiographie.info, octobre 2008. « Europtimisme », Lacroix-Riz, L’histoire contemporaine sous influence, Pantin, Le temps des cerises, 2004, 2e édition.

    [84] Tél. signalé par Jean-Baptiste Duroselle, L’Abîme 1939-1945, Paris, Imprimerie nationale, 1982, p. 187 (citation) et 216.

    [85] PV no 21 des séances du 10 au 13 septembre 1940, La Délégation française auprès de la Commission allemande d’Armistice de Wiesbaden, 1940-1941, Paris, Imprimerie Nationale, 1947, t. 2, p. 256, et infra.

    [86] Raymond Brugère, Veni, vidi, Vichy, Paris, Calmann-Lévy, 1944, p. 135-136 et précisions, Munich et Industriels (index Brugère et Neuhausen).

    [87] Instrument majeur de l’accès du NSDAP au gouvernement, Lacroix-Riz, Choix, Munich, et Vatican, index.

    [88] Télégramme 727 von Papen à Benoist-Méchin, Ankara, 24 avril 1942, 3W 352, AN.

    [89] Lacroix-Riz, Industriels, chap. 9, et L’intégration européenne de la France. La tutelle de l’Allemagne et des États-Unis, Pantin, Le temps des cerises, 2007.

    [90] Vladimir Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Paris, Le Temps des cerises, réédition, 2011.


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  • Mort de la résistante Lise LondonNée en 1916, à Montceau-les-Mines, de parents espagnols, Élisabeth Ricol était dotée d'un esprit d'une acuité rare qu'elle mit au service du combat pour l'émancipation humaine et contre la barbarie et l'injustice.

    Jeune sténodactylographe aux usines Berliet de Vénissieux, Lise s'engage très tôt au Parti communiste français qui, dès 1934, la missionna auprès du siège du Komintern, à Moscou, où elle fit la rencontre de Dolorès Ibarruri, La Pasionaria, future secrétaire générale puis présidente du Parti communiste espagnol, mais aussi d'Artur London, un communiste tchèque qui allait devenir l'amour de sa vie et son deuxième époux, après Auguste Delaune. De ce séjour, exaltant, Lise garda cependant un goût plus qu'amer au spectacle humiliant et tragique des purges staliniennes, ne pouvant savoir qu'elle y serait elle-même confrontée quelques années plus tard, dans un tout autre contexte, en Tchécoslovaquie.

    À son retour en France, à l'été 1936, Lise travaille comme secrétaire auprès du responsable de la MOI (Main-d’œuvre immigrée, section rattachée au comité central du PCF). Elle prend une part active à la mise en place des Brigades internationales de solidarité avec les Républicains espagnols, à Paris, puis à Albacete, au quartier général des Brigades internationales, auprès d'André Marty.

    Ce fut un combat fondateur pour Lise et sa génération. À chacune de nos rencontres, je retrouvais en elle l'être libre, toujours aussi droit et digne, avec, dans les yeux, toute la tendresse et toute la force qui ont été siennes au long de son existence. Les épreuves traversées, les combats menés, n'ont fait que renforcer son humanité. Et grâce à elle, le monde fut à chaque fois un peu meilleur.

    Mort de la résistante Lise LondonRejointe à Paris par son époux, en février 1939, et jeune maman d'une fille née en février 1938, Lise est des premières à s'engager, sous les ordres d'Henri Rol-Tanguy, dans la Résistance, devenant capitaine des Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Poursuivie par l'Occupant pour « assassinat, association de malfaiteurs et activités communistes », Lise est arrêtée en août 1942 par la police française. Elle donne naissance à son fils en prison à La Petite Roquette, puis après un passage à Fresnes et à la prison de Rennes, elle est livrée aux Allemands pour être déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Elle s'y lie d'amitié avec Danielle Casanova et tant d'autres femmes qui n'en reviendront jamais. Les conditions inhumaines du camp de concentration, celles infligées aux membres de sa famille entière – son père, son frère eux aussi emprisonnés et à son mari, Artur, lui aussi déporté – n'auront pas raison d'elle. A La libération, Artur et Lise s'installent en Tchécoslovaquie qui doit se reconstruire ; Artur entre au gouvernement comme vice-ministre des Affaires étrangères.

    L'épreuve qui les attendait en Tchécoslovaquie de 1951 à 1956 fut des plus tragiques. À ses procureurs staliniens, elle déclara : « J’étais, je suis et je resterai communiste, avec ou sans carte du Parti ». Sa résistance à la folie stalinienne prenant pour cible les anciens Brigadistes, et la solidarité des communistes français alertés par Raymond Guyot, auront raison de la terreur stalinienne. Libéré, Artur est enfin réhabilité en 1956. Revenus en France en 1963, le pays qu'ils ont libéré du nazisme et de la Collaboration, le pays qui a vu naître leurs enfants, Françoise et Michel, ils ne la quitteront plus.

    « Ouvrez grands les yeux, ne vous laissez pas enfermer dans les certitudes, n’hésitez pas à douter, battez-vous contre les injustices, Ne laissez pas la perversion salir les idéaux communistes. Soyez vous- mêmes », dira notre camarade Lise London à ceux qui l'interrogeaient encore sur son engagement communiste présent.

    « Ouvrez grands les yeux... soyez vous-mêmes » – Chère Lise, en chérissant ta mémoire, nous serons fidèles à ton injonction.

     

    Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

    Paris, le 1er avril 2012


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  • 28 mars 1939 : le fascisme triomphe à MadridLe 28 mars 1939, les troupes franquistes entrent à Madrid sous la conduite de leur caudillo, Francisco Franco y Bahamonde, un général de 46 ans qui dirigera l’Espagne pendant 36 ans. C'est  la fin de la «République démocratique des travailleurs de toutes classes», née par les urnes en 1931.

    De longues colonnes de réfugiés républicains se pressent à la frontière des Pyrénées et demandent asile en France. C'est la «Retirada». Beaucoup sont cantonnés dans des camps. Un certain nombre poursuivent leur route jusqu'au Mexique, voire l'URSS.

    Moins chanceux sont les 15.000 réfugiés qui ont afflué vers le port d'Alicante dans l'espoir d'y embarquer sur des navires. Pris au piège, ils sont cernés par les troupes italiennes alliées aux franquistes. Beaucoup choisissent de se suicider sur place, sous les yeux de la population. Les autres sont envoyés dans des camps de concentration ou massacrés.

    Deux semaines avant la chute de Madrid, le 15 mars, Hitler est entré à Prague. Le 7 avril suivant, Mussolini lance ses troupes à l'attaque de l'Albanie. Le fascisme a le vent en poupe.

    Fort de sa victoire, Franco instaure en Espagne un régime semblable au régime fasciste mussolinien, mais avec une présence plus marquée de la hiérarchie catholique. Les institutions prennent la forme d'une monarchie... sans roi. Comme s'il voulait enlever définitivement à son peuple l'envie de se révolter, Franco va multiplier les emprisonnements et les exécutions sommaires dans les années suivantes. Cette répression va faire autant de victimes que la guerre elle-même, soit environ 400.000.

    Le caudillo proclame sa neutralité dès le début du conflit entre l'Allemagne et les Occidentaux. Il se tient prudemment à l'écart de la Seconde guerre mondiale. Il se contente d'envoyer des troupes combattre les «hordes soviétiques».

    Cette réserve doublée d'un brevet d'anticommunisme vaut au franquisme de survivre à l'effondrement de l'Axe Berlin-Rome. Sous l’influence de l'organisation catholique Opus Dei, l’Espagne ouvre se frontières aux marchandises et aux touristes. Parallèlement à cette ouverture libérale, Les dernières années du franquisme sont marquées par la répression brutale des autonomistes basques et l'exécution à Burgos de plusieurs dissidents politiques.

    Le 20 novembre 1975, à 83 ans, Franco meurt après un mois d'une interminable agonie.

    Source: Herodote.net


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    23 mars 1919 : le fascisme naît en Italie

     

    Après la première guerre mondiale, Mussolini était (oui, c'est difficile à croire), un militant socialiste révolutionnaire d'inspiration léniniste. En effet, il avait rencontré des exilés bolcheviques en Suisseet était finalement séduit par une des théories de Lénine : l'accession au pouvoir est tributaire d'une organisation paramilitaire dans laquelle doivent oeuvrer des révolutionnaires quasi-professionnels. Prenant exemple sur Lénine, Mussolini qui est un grand orateur, essaie d'attirer des élites militaires désireuses de se reconvertir dans le civil. Il tente également de rallier à sa cause des syndicalistes ouvriers et des personnes un peu perdues, qui désirent agir pour leur pays.

    C'est ainsi que Mussolini organise une grande réunion le 23 mars 1919 à Milan, sur la place San Sepolcro. Il propose une politique fédératrice mi-socialiste, mi-nationaliste. Benito Mussolini crée ainsi les premiers Faisceaux italiens de combat, des groupes paramilitaires nommés « Fasci italiani di combattimento ».

    S'éloignant finalement de Lénineet des Bolcheviques, il revendique les territoires promis à l'Italie par le traité de Londres. Rappelons un peu les faits. Il s'agissait d'un traité secret signé le 26 avril 1915 avec l'Angleterre et la France, en guerre contre l'Allemagne et l'Autriche - Hongrie. Malgré l'accord de Triple-Alliance de 1892, l'Italie ne s'était pas immiscée dans cette guerre, les Italiens n'en voulant pas. Pourtant, Mussolini fit des pieds et des mains pour entrer en guerre aux côtés des Français et des Anglais contre l'obtention d'une partie de la côte Adriatique, de territoires turcs et de colonies. Ce traité de Londres, secret, était à l'encontre de tous les principes officiels de la France et de l'Angleterre. Ce traité signé, Mussolini avait tout intérêt à ce que l'Italie entre dans le conflit. Le roi Victor-Emmanuel III déclara donc la guerre à l'Autriche-Hongrie en mai 1915 et à l'Allemagne en 1916. Après quelques défaites contres les Autrichiens, les Italiens remportèrent la victoire de Vittorio Veneto le 28 octobre 1918. Ce fut ensuite l'armistice du 3 novembre pour l'Autriche-Hongrie et du 11 novembre pour l'Allemagne.

    À l'issue de la guerre, les Italiens sont déçus de ne pas récolter les territoires revendiqués dans le traité de Londres et le 23 mars 1919, Benito Mussolini exige l'application du traité de Londres. Il s'en prend à tout le monde : bolcheviques et capitalistes. Son programme très flou demande l'abolition du Sénat, l'élection d'une Assemblée constituante et la mise en place d'une République laïque. Il est vrai qu'après la guerre, tout n'est que confusion en Italie et Mussolini, opportuniste, adapte son programme au gré des événements.

    Fin 1919, le mouvement fasciste, c'est ainsi qu'on l'appelle désormais, est minoritaire et ne compte que quelques milliers de membres et aucun élu aux élections législatives de novembre. Benito Mussolini ne fait pas l'unanimité alors que Gabriele d'Annunzio, un poète nationaliste, fait fureur. Alors qu'il était révolutionnaire, socialiste, anticapitaliste, Mussolini change radicalement d'attitude l'année suivante. En effet, des émeutes, grèves, troubles sociaux se multiplient dans le pays. Il vire alors complètement à droite et prend alors parti pour la contre-révolution en créant des milices au sein de son mouvement. Les squadristi se signalent en portant une chemise noire. Ces miliciens armés sillonnent l'Italie et terrorisent les syndicalistes, les grévistes, les socialistes, les communistes. Ce ne sont que bastonnades et assassinats et tout le monde laisse faire : policiers, magistrats, membres du gouvernement.

    Le grand patronat finit par s'intéresser au mouvement fasciste et lui donne même des subventions. Les membres du parti sont désormais au nombre de 700 000 en 1922 mais les élections ne sont toujours pas favorables aux Fascistes.

    Mussolini prendra donc le pouvoir par la force et la menace. Le terme « fascistes » sera ensuite appliqué à partir de 1936 et de la guerre d'Espagne, à tous les mouvements totalitaires d'extrême-droite, nationalistes et antidémocratiques.


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  • Il y a 141 ans le 18 mars, le peuple de Paris empêchait la bourgeoisie versaillaise de lui reprendre ses canons.



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