• Un coup de pistolet dans le concert

    Un spectre hante le monde du droit social : le retour de l’homme au couteau entre les dents. À lire le Figaro, les «DRH» du pays ont des «sueurs froides». Une association prétendument réputée d’avocats en «droit social» alerte les candidats à l’élection présidentielle face au danger imminent d’«une immense insécurité pour les employeurs, PME ou grands groupes, français ou étrangers». En cause, une double impudence : de Vivéo à Sodimedical, des salariés osent demander raison aux patrons voyous aux profits florissants, qui bradent leur savoir-faire en recourant à des plans de licenciement pour «motifs économiques» ; et des juges qui, de première en seconde instance, osent à leur tour leur donner raison. Avec une célérité qu’on ne lui connaissait guère, la Cour de cassation aura mis moins d’un an pour instruire le dossier. On a là, sur le terrain judiciaire, l’exemple même de la «lutte des classes» que le président des riches feint de croire disparue et dont il agite l’autre spectre du retour si jamais la gauche l’emportait le 6 mai prochain.

    En vérité, la lutte des classes n’a jamais été aussi impitoyable que depuis 2002 et, pis, avec l’avènement au pouvoir de la bande du Fouquet’s. Mais, en 2010 avec les mobilisations contre les retraites, et plus encore chaque mois – dont l’affaire en cours sur le plan juridique est un témoin –, quelque chose a commencé à changer. Ses premières victimes relèvent la tête, celles et ceux dont le travail, vivant ou sacrifié, des uns fait les profits et l’insolente richesse des autres – qui ne cesse de croître en dépit de la crise. Plus dur encore pour cette droite ultra-réactionnaire toute au service des intérêts de sa classe, leurs luttes n’acceptent pas de parenthèse électorale et leurs exigences font irruption dans le débat politique. Ceux qui, à gauche, sauront porter ces voix, y répondre avec le plus de précision, de crédibilité et d’efficacité contribueront de façon décisive, non seulement à changer de pouvoir, mais à ancrer dans la vie et la durée le changement nécessaire.

    De Marine Le Pen à Nicolas Sarkozy, contraints et forcés, on a cru pouvoir teinter son discours d’une soi-disant prise en compte de ces profondes aspirations populaires et sociales. Ravaler la façade xénophobe, raciste du FN, faire oublier, pour le second, la politique menée durant cinq ans et qui se conclut sur le vote à marche forcée de la TVA «sociale». Jean-Luc Mélenchon avait déjà réussi, lors de sa prestation télévisée, à faire se lézarder le masque de la première. Celui du candidat à sa propre succession, déjà las de poser au «candidat du peuple», est tombé ce week-end. Dans un cas comme dans l’autre, chassez le naturel, il revient au galop. À Marseille, Le Pen tente de faire diversion sur le terrain de l’immigration et de l’insécurité. À Bordeaux, la veille, en lieu et place des accents «gaulliens» annoncés, on a eu droit à la même musique de la haine et de la division. Des hérauts du CAC 40 à la tête du Medef, on parie sur cet air-là. La crise peut le porter. Il n’en demeure pas moins que, par dizaines de milliers, singulièrement avec la campagne collective du Front de gauche, des hommes et des femmes, de leurs luttes à leurs bulletins, commencent à faire l’effet d’un coup de pistolet dans le concert d’une campagne des plus inédites.

    Par Michel Guilloux


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