• Tout petits, ils se rêvaient routiers

     Tout petits, ils se rêvaient routiers ; aujourd'hui, l'heure du réveil a sonné

      La Voix du Nord

    Amérique
    Ils l'aiment, leur métier, mais n'entrevoient pas pour lui un avenir radieux.

     LES VISAGES DE L'ACTUALITÉ 

    Depuis dimanche, le site de Thiant de l'entreprise de transport Norbert-Dentressangle est bloqué (notre édition d'hier). Vingt-trois postes sont menacés. Bertrand Pottier, 30 ans, Mickaël Verron et Pascal Brunet, 41 ans, abordent le virage le plus important de leur vie : quitter ou pas le métier dont ils rêvaient déjà tout petits. Ce matin, ils sauront peut-être un peu plus à quelle sauce ils seront croqués.

    Ils n'ont pas bougés, les salariés de Norbert-Dentressangle, en grève depuis dimanche matin dans la zone d'activité de Thiant. Les routiers restent sympas même s'ils en ont gros sur la patate. « Les rois de la route » ont pris en pleine face, le 23 décembre, l'annonce des suppressions d'emploi. Le 29, les lettres arrivaient dans les foyers, sonnant la fin du rêve d'une vie. « On avait la passion du "Rouge" vous savez », s'enflamme Bertrand Pottier. La couleur des camions est la sienne depuis onze ans maintenant.

      Passion mais pression

    À une époque, véritables institutions sur les routes européennes, les « Norbert » avaient même leur fan-club en Angleterre.

    L'entreprise familiale de la Drôme, aux 4 000 camions, recevait quantité de demandes de tee-shirts, casquettes, autocollants. A l'arrière de chaque véhicule, un panneau invitait à rejoindre les rangs des routiers. Un « We want you » à la française en quelque sorte.

    Le temps a passé. Le créateur de l'entreprise et son épouse, longtemps si proches de leurs salariés, n'ont pas été oubliés, mais les méthodes ont changé.

    Les actionnaires aussi.

    Bertrand Pottier, longtemps fier d'être de la belle histoire Norbert-Dentressangle, était, hier, presque désabusé. Fils de routier, il a bien tenté un bout de chemin en mécanique poids lourds mais l'envie était trop forte. A 19 ans, permis en poche, il a réalisé son rêve : conduire un gros camion « à l'international ». L'Europe en long en large, en travers. « Et encore, pas autant qu'avant », intervient Mickaël Verron, 41 ans, vingt et un ans de métier, quarante mois chez Norbert-Dentressangle Thiant : la Grèce, la Turquie, le Maroc au compteur. « Une autre époque. Celle où quand on avait une crevaison, plusieurs copains pouvaient s'arrêter pour nous aider. Aujourd'hui, les gars de la même entreprise que nous passent en klaxonnant, simplement : ils n'ont pas le temps, trop de pression. Il faut toujours aller plus vite. Un exemple : on ne prend plus la navette pour aller en Angleterre, on prend le bateau : ça prend plus de temps pour l'embarquement et le débarquement. Mais il faut arriver à la même heure ! ».

    C'est en 2005 que Norbert-Dentressangle a repris le site de Thiant. « Ils nous ont dit de remonter nos manches, car sinon ça ne tiendrait pas. On y a tous cru. On a foncé. Aujourd'hui, on nous dit que la branche "zones longues" (internationale) est déficitaire, mais on n'en a pas l'impression et les résultats de l'entreprise ne le montrent pas », explique Pascal Brunet, 41 ans, représentant de la CFDT. Cet homme-là a toujours eu un volant dans les mains. Douze ans qu'il travaille ici. D'abord sous les couleurs de Nord-Mendy puis sous celles de TNT. C'est lui, au côté des représentants de la CGT et de FO qui sera ce matin autour de la table de présentation du PSE (plan de sauvegarde de l'emploi). « Avant toute chose, il nous faudra l'assurance qu'aucune sanction ne sera prise contre les chauffeurs grévistes ! », insiste le syndicaliste. Au cours de cette réunion, il sera question de reclassement. Pas à n'importe quel prix. « On va accepter, vous croyez, un CDD de six mois à Marseille pour 1 400 E ? Tout laisser ici sans savoir ce qu'on va devenir ? » : pour Mickaël Verron ce sera non. « Aux collègues d'Autun, eux aussi en grève, on propose des emplois en Roumanie ! ».

    Incompréhension

    Alors, d'une même voix, avec la même assurance, ces trois hommes affirment vouloir prendre un grand virage : terminée la route, adieu le camion. Pourtant les mots se font traînants quand ils parlent de l'huissier venu hier prendre les clés de tous les véhicules stationnés à Thiant. Leur camion c'est leur vie. Quinze heures d'amplitude horaire parfois, des nuits souvent courtes, une attention de tous les instants, mais « même si, aujourd'hui, pour le patron, on n'est plus qu'un numéro », le bonheur de faire un métier qu'on aime.

    Les trois routiers redémarrent de plus belle au moment d'expliquer leur incompréhension face à la situation : le chiffre d'affaires de l'entreprise qui est bon les emplois qui seront supprimés ici, ailleurs, mais des routiers polonais qui sont attendus. Dans d'autres région, des hommes qui viendront de Roumanie ou de Hongrie pour conduire les camions. « On ne leur en veut pas, on ferait sans doute pareil si en Angleterre on nous proposait 4 000 E », comprend Bertrand Pottier. Pour les hommes de l'Est, employés sous la législation de leur pays (horaires, temps de travail), le salaire avoisinera de 1 300 E par mois, 900 pour les Hongrois.

    Ce matin, Pascal Brunet pour la CFDT, les représentants de la CGT et de FO demanderont, dans le cadre du PSE « des choses décentes ».

    MARTINE KACZMAREK

    Autun (71) : l'attente continue chez Dentressangle

     

    Les chauffeurs sont en grève illimitée pour protester contre une menace de fermeture de l'agence.Economie

     Les chauffeurs sont en grève illimitée pour protester contre une menace de fermeture de l'agence.

    Le comité d'entreprise organisé vendredi 11 février 2011 a tourné court.

    Le site du transporteur Norbert Dentressangle, en Saône-et-Loire, est sous pression depuis lundi dernier. L'agence autunoise est menacée de fermeture : 56 emplois sont en jeu. Les salariés attendent toujours d'être fixés sur leur sort.

     Quel avenir attend les 56 salariés du site autunois ? Ceux-ci espéraient en savoir un peu plus ce vendredi. Les grévistes voulaient obtenir des précisions sur la situation. En décembre dernier, le transporteur a perdu son principal contrat local qui représentait 80% de son activité. "Comment un groupe comme Norbert Dentressangle a pu rater un contrat pareil ?", s'interroge Frédéric Thienpot, délégué syndical FO. Ce dernier évalue le montant du marché perdu à six millions d'euros par an.

    Finalement, la réunion du comité d'entreprise a duré moins de deux heures. La direction demandait aux élus de se prononcer sur un volet du plan de restructuration du site. Mais, faute d'éléments chiffrés, les représentants des salariés ont décidé de quitter la salle. Une nouvelle réunion doit être convoquée prochainement.

    A noter qu'une autre agence du groupe est en grève depuis dimanche soir dans le nord de la France. Les salariés ont eu confirmation de la suppression de tous les postes de chauffeurs du site de Thiant (41 sur 60 salariés) et de l'embauche de 40 chauffeurs polonais sur les sites d'Arras et de Calais. Trois chauffeurs ont entamé une grève de la faim pour protester contre ces restructurations.

    Le groupe de transport et logistique Dentressangle emploie 26 450 salariés. Il a réalisé 2,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2009.


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