• Seul le gaz chypriote intéresse les vautours européens

     Seul le gaz chypriote intéresse les vautours européens
    de : arnold
    mercredi 27 mars 2013 - 15h56
     

    Un peu d’histoire sur Chypre !

    Chypre c’est un problème gréco-turc. Vous pouvez déjà retenir cette idée. Chypre est en face de la Syrie (ce qui est très loin de Bruxelles), tout en étant membre de l’Union européenne de facto pour sa partie sud (environ 1 300 000 habitants, majoritairement grecs, avec une minorité turque ainsi que britannique installée dans des enclaves militaires sous souveraineté de la Couronne britannique). Le territoire de l’île est aujourd’hui divisé entre trois souverainetés de facto : chypriote, turc et britannique. Vous pouvez traduire que c’est un joyeux bazar sur cette île et depuis longtemps. La République de Chypre, qui est la seule internationalement reconnue, dispose d’un siège à l’ONU et est membre de l’Union européenne (UE). Elle est réputée exercer sa souveraineté sur l’ensemble de l’île ; cependant elle ne contrôle en pratique que la partie méridionale (environ 50 % du territoire, 10 % étant contrôlés par la Grande-Bretagne) ; celle de la partie nord (40 % du territoire occupés par l’armée turque depuis 1974, y compris une partie de sa capitale Nicosie) autoproclamée République turque de Chypre du Nord (RTCN) le 13 novembre 1983, qui n’est reconnue que par la Turquie. La Ligne verte dite « ligne Attila », la sépare du reste du pays. Chypre est rentrée dans l’Union européenne en 2004 et l’Union se disait réticente à accepter une île divisée (on la comprend). Cette adhésion est due en grande partie aux pressions diplomatiques de la Grèce, qui menaçait de bloquer les 9 autres adhésions prévues en 2004 (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie) si Chypre en était exclue. Le statut de l’île est donc devenu un point de contentieux majeur des relations entre la Turquie et l’Union européenne. Néanmoins sur le terrain, des progrès ont été faits vers un statut fédéral de l’île. Les deux entités ayant ouvert des points de passage dans la Ligne Attila et permis aux habitants de chaque côté de se rendre dans l’autre ! Voilà en quelques paragraphes la réalité de l’organisation de l’île de Chypre. Avouez que c’est déjà compliqué.

    Ce qu’il faut retenir

    L’île de Chypre est prise dans un conflit ethnico-religieux entre Grecs et Turcs. L’île de Chypre est géographiquement située au Moyen-Orient et à une centaine de kilomètres de la Syrie. Pendant les années de guerre civile au Liban Chypre était d’ailleurs un réceptacle de réfugiés et également une plaque tournante pas uniquement financière mais aussi pour l’armement et le trafic d’armes international, ou encore pour les agents secrets du monde entier. Pour l’Europe, Chypre est un véritable porte-avion en méditerranée à portée de toute une région stratégique (d’où aussi les bases britanniques sur place). Chypre dispose désormais de réserves de gaz prouvées très importantes (224 milliards de m3) qui lui permettraient alors que le gouvernement chypriote s’apprête à donner les permis d’exploitation d’encaisser des ressources financières importantes (entre 30 et 100 milliards d’euros). Alors comme vous le voyez l’affaire chypriote se complexifie grandement dès que l’on met tout cela dans une perspective plus géopolitique, mais ce n’est pas tout.

    Le gaz chypriote un enjeu pour « l’indépendance énergétique européenne » ?

    Elle s’appelle « Aphrodite » et fait tourner la tête de tous. Il y a de quoi. La nappe de gaz (Aphrodite) qui se niche sous la mer à plus de 100 kms de la côte sud de l’île va probablement, à elle seule, bouleverser l’avenir du pays. Dépendante en grande partie du gaz russe, l’Europe se verrait bien confier en échange de son aide financière (forcément payante) l’exploitation des ressources de gaz chypriote estimées à 224 milliards de m3. Évidemment en face, les Russes voient cela comme une menace sur leur capacité à négocier avec l’Europe puisque le gaz chypriote permettrait à l’Europe d’éloigner les « chantages » russes à l’approvisionnement. Moscou perdrait sa capacité de « nuisances » donc de facto ses capacités de négocier avec l’Europe. Mais ce n’est pas tout. La seule base navale russe est située dans un pays pour le moins instable et juste en face de Chypre… la Syrie ! Le problème là encore, c’est que la Russie qui soutient Bachar el Assad risque de se voir sortir de Syrie en cas de défaite du régime actuel soutenu par Moscou (ce qui explique en partie sa résistance depuis plus de deux ans maintenant). Si les Russes devaient quitter la Syrie, Chypre située à une centaine de kilomètres pourrait rendre le « déménagement » beaucoup plus facile et permettre à Moscou de conserver une base en Méditerranée. Enfin, Chypre est devenue en 20 ans un refuge pour les fonds plus ou moins opaques des oligarques russes et gère plusieurs dizaines de milliards d’euros… russes ! Soyons honnêtes, si demain Chypre fait faillite, c’est les Russes qui perdront de l’argent, beaucoup, beaucoup d’argent. Alors les Russes comme nous venons de le voir ont quelques raisons sérieuses de soutenir Chypre, pour ne pas dire de « racheter » Chypre. Mais évidemment l’Europe n’est pas d’accord, mais alors pas du tout d’accord. Chypre doit trouver 17 milliards d’euros pour financer ses banques. Mais elle a beaucoup perdu lors de la crise grecque : les Européens (notamment les Allemands) ont contraint les créanciers à abandonner la moitié de la valeur des créances sur l’État grec, ce qui a déjà fait perdre 4,5 milliards d’euros à Chypre. De surcroît, les filiales des banques chypriotes en Grèce ont aussi perdu de l’argent. C’est là la cause principale de la crise à Chypre qui trouve donc son origine dans la façon dont les européens ont traité la crise grecque !

    L’hypocrisie hallucinante des dirigeants européens !

    Côté face, tout le monde se renvoie la balle, personne ne voulait être méchant avec le pauvre et gentil petit peuple chypriote en allant lui voler ses dépôts. Hollande dit ce n’est pas moi, j’étais contre, les Allemands ce n’étaient pas eux non plus, les Espagnols n’ont pas eu non plus cette idée… bref, c’est la faute à personne ! Pourtant cette décision n’est pas venue par l’opération du Saint-Esprit !

    Alors pourquoi l’Europe n’est pas d’accord

    D’abord parce que l’Europe a besoin du gaz chypriote. Que les Anglais veulent conserver leurs bases à Chypre ce qui leur permet d’assurer une présence en Méditerranée sans avoir à investir dans un porte-avion. Que les Grecs et les Chypriotes pour des raisons évidentes sont très proches, les systèmes financiers grecs et chypriotes sont en plus fortement imbriqués et c’est Chypre qui finance pour une part non négligeable la Grèce. Or pourquoi le système chypriote vacille ? Parce qu’il y a quelques mois, l’Europe a imposé des pertes fortes sur les créances grecs notamment au système bancaire chypriote qui devait être soutenu… et enfin même si les Russes sont nos « grands » amis moins ils sont puissants mieux toute l’Europe se porte surtout les anciens pays de l’Est qui n’ont qu’une peur… le retour de l’Empire soviétique dont ils ne gardent pas un souvenir impérissable. Alors côté pile les Européens mettent une pression hallucinante sur Chypre même si pour jouer les gentils à la télé et face à l’émotion suscitée partout en Europe par cette décision de voler les comptes bancaires des simples gens, on dit que personne n’est responsable de cette catastrophe !

    L’Europe organise le blocus monétaire de Chypre

    C’est le titre d’un article du Figaro. Ainsi pour le Figaro, la BCE a sorti son arme de dissuasion massive : le blocus monétaire. En effet, la Banque centrale européenne (BCE) vient d’indiquer qu’elle cessait d’alimenter en liquidités les banques chypriotes tant que Nicosie n’accepte pas le plan de sauvetage alors que mercredi 20 mars la même BCE prenait acte du rejet par le Parlement chypriote de ce plan et qu’elle ferait face en donnant les liquidités nécessaires… Il faut dire qu’entre temps, les Chypriotes sont allés négocier directement une aide éventuelle de Moscou et ont mis en concurrence deux « fournisseurs » d’aides potentiels, la Russie et l’Europe. Tout bonnement inacceptable pour les Européens. Ainsi la BCE a prévenu qu’elle n’alimenterait plus les banques chypriotes en liquidités, tant que le plan de sauvetage UE-FMI ne serait pas accepté. « Les liquidités d’urgence de la BCE ne sont disponibles que pour les banques solvables, or les banques chypriotes ne sont pas solvables tant qu’elles ne seront pas recapitalisées rapidement », a indiqué Jorg Asmussen, l’un des membres du directoire de la BCE. Alors pour le moment et cela risque de durer plus longtemps que prévu, le ministre des Finances chypriote et le gouverneur de la banque centrale de l’île (dont le prénom est Panikos) n’ont pas d’autre choix que de laisser les banques fermées jusqu’à nouvel ordre… Sans blague ! Il vaut mieux car sinon nous pourrions voir en vrai ce qu’est la matérialisation d’un risque systémique au sein de l’euro !! Le Figaro conclu son article en disant que « si la situation se prolonge, le blocus monétaire peut très vite se transformer en blocus économique. Du jamais vu dans l’Union européenne ! » Et c’est vrai. L’Europe non seulement a organisé le vol sur les comptes bancaires des Chypriotes, mais les Chypriotes opposant une résistance aux braqueurs, l’Europe ne s’est pas arrêtée contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire. Non. L’Europe organise le blocus économique de l’un de ses membres. Je laisse à chacun le soin de tirer les conclusions de tels agissements de l’Europe, mais pour ma part, je constate que l’Europe ne recule plus devant rien. Il faut dire que les enjeux ne sont pas uniquement économiques. Chypre représente un enjeu géostratégique, et vous avez la preuve que l’économique n’a aucun poids lorsqu’il s’agit de géostratégie. C’est toujours le politique qui prime sur l’économique… et l’économie de Chypre sera laminée si cela est nécessaire mais l’Europe ne perdra pas Chypre ou alors au prix d’un combat de Titans. L’Europe ne veut pas laisser Chypre sortir de l’Union pour la voir aller se jeter dans les bras de Moscou. Que feront les Chypriotes ? Que feront les Russes ? Jusqu’où ira l’Union Européenne dans les rapports de forces ? Si Chypre sort de l’euro, la Grèce pourtant déjà « sauvée » plusieurs fois va s ‘effondrer, et les élections allemandes qui sont en septembre… loin beaucoup trop loin ! « Entre sauver de la banqueroute un État souverain et protéger les milliards des blanchisseurs russes, le choix est vite fait ». Voilà le genre de platitudes auxquelles nous habituent les élites européennes. S’ensuivent, pour bien asseoir ces banalités, des amalgames entre les dépôts des banques chypriotes et les fortunes en milliards des oligarques russes. Ces derniers, majoritairement séjournent à Londres, à New York ou à Moscou, et n’utilisent Nicosie que comme un chainon, certes bienveillant, pour investir à travers le monde ou rapatrier en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Russie leurs fonds issus d’activités aussi bien « intégrées » que frauduleuses. Mais, comme aux comptoirs de bistrot, plus c’est gros et mieux ça passe, d’autant plus qu’il y a toujours des médias qui, à la manière du poivrot de Wolinski, n’y trouvent rien à redire, approuvant (et perpétuant) les contre-vérités et les approximations à l’infini.

    Enfin, comment avoir confiance dans les institutions européennes alors que ces dernières ont :

    1/ demandé aux Grecs d’annuler un référendum sur l’euro ce qui est une violation de la liberté des peuples à l’autodétermination.

    2/ viré manu militari Berlusconi (élu) au profit de Mario Monti (désigné d’office) ce qui est une violation des choix démocratiques d’un peuple souverain fussent-ils mauvais (les choix).

    3/ demandé aux autorités chypriotes de faire mains basses sur les comptes bancaires des gens au mépris le plus total du principe de propriété privée ce qui constitue une violation de ce droit.

    4/ organisé le blocus économique et monétaire de Chypre pour obtenir une obéissance totale… ce qui constitue un cas grave d’oppression sur un peuple. Enfin que Mme Lagarde et la Troïka cessent d’employer le mot « solidarité », à le salir jusqu’à l’écœurement. Que l’Allemagne et ses laquais européens, dont la France, arrêtent de parler de « solution juste et équilibrée » chaque fois qu’ils mettent un pays et son peuple à genoux. Que la BCE arrête de parler d’accord chaque fois qu’elle pratique un chantage éhonté. Que nos élites politiques cessent de parler de « démocratie » chaque fois qu’elles passent outre l’avis des peuples et de leurs parlements, pris à la gorge, pour imposer leurs solutions, mille fois mises en échec par la réalité et ses cohortes de chômeurs, d’entreprises en faillite, d’usines en friche et de services de l’Etat réduits en peau de chagrin.

    À part le peuple chypriote, les retraités anglais, grecs, russes, néerlandais, etc., qui avaient leurs économies dans les deux plus grandes institutions financières de Chypre, tout le monde dans la finance trouve son compte, à commencer par les oligarques russes, qui, jusqu’à hier, étaient l’excuse de l’intransigeance européenne. L’accord colonial, que dis-je, d’occupant cynique imposé à ce pays n’a pas de précédent. L’économie et la société de Chypre feront un bon en arrière de plusieurs décennies.

    Avis aux peuples italien, français, espagnol, portugais... S’ils veulent croire encore que des mots comme Sécurité sociale, santé publique ou école pour tous ont encore un sens. Tout ce qui ne génère pas de l’argent (à la manière que le conçoit Mr Schauble et Mme Lagarde), est désormais insignifiant. Et tant pis pour les citoyens européens…

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article134364

    Lire l'article du 22 Février 2012

    http://pcautunmorvan.eklablog.com/chypre-oeil-du-cyclone-en-mediterranee-orientale-a40895602


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