• "régulariser tous les sans papiers", mot d'ordre antisocial et ultralibéral

    lu sur lepcf.fr

    Je pense qu’il est indispensable de sortir le PCF et le Front de gauche du gauchisme qui, bien qu’ayant donné un bon résultat à la présidentielle, les ont coupé des classes populaires et ont abouti à la division par deux du nombre de leurs députés. Ceci impose notamment de revisiter un certain nombre de dispositions programmatiques marquées du sceau de l’irréalisme et du ralliement à la mondialisation libérale.

    Rappelons d’abord ce que contient le programme "L’Humain d’abord" :

    L’immigration n’est pas un problème

    La haine des étrangers, la chasse aux immigrés défigurent notre République : il faut en finir !

    Les flux migratoires se développent dans le monde, ils mêlent des motivations diverses. La France ne doit pas les craindre, elle ne doit pas mépriser l’immense apport humain et matériel qu’ils lui ont déjà procuré. Non, la présence des immigrés en France n’est pas un problème.

    L’immigration zéro est un mythe qui divise et affaiblit notre pays. Même s’ils seront peut-être moins importants que dans le passé, la France continuera à connaître comme tous les pays du monde des flux migratoires. Il faut donc mener des politiques refusant de ghettoïser la société, qui ne soient pas guidées par l’obsession du refoulement des étrangers.

    Nous rétablirons la carte unique de 10 ans et le droit au regroupement familial, conditions d’une vie digne. Nous abrogerons les lois successives sur l’immigration adoptées par la droite depuis 2002 et nous procéderons à une refonte du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Nous régulariserons les sans-papiers dont le nombre a augmenté du seul fait des réformes de la droite. Nous décriminaliserons le séjour irrégulier, nous fermerons les centres de rétention, nous rétablirons le droit au séjour pour raison médicale.

    Nous respecterons scrupuleusement le droit d’asile qui sera déconnecté des politiques migratoires.

    Notre vision de l’avenir de la France s’appuiera sur un nouveau Code de la nationalité, fondé sur le respect intégral et automatique du droit du sol dès la naissance et sur un droit à la naturalisation permettant à tous les étrangers qui le souhaitent d’acquérir la nationalité française au-delà de cinq ans de résidence.

    -  1. Ce que ce programme dit

    Le titre et le premier paragraphe résolvent la question, avant même, finalement, de l’avoir examiné : il n’y a pas de problème. Le deuxième paragraphe énonce son opposition à l’"immigration zéro" ; sauf qu’on ne sait pas à qui s’adresse ce reproche, puisque même le Front national ne préconise pas l’immigration zéro, mais sa division par 20 (source : http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/autorite-de-letat/immigration/) : inventer un adversaire aux défauts imaginaires est typiquement un refus d’analyse concrète de la réalité concrète servant à la caricature de l’adversaire ; mais c’est aussi, et surtout, la garantie d’une action inefficace contre cet adversaire, pourtant bien réel.

    Les troisièmes et quatrièmes paragraphes entrent enfin dans le vif du sujet. C’est sur les conséquences de ces mesures que je souhaite faire quelques commentaires d’ordre général. Malheureusement, je crains de m’exposer à l’insulte de mes camarades en écrivant cela car, contaminés par une forme aiguë de gauchisme, la Vérité est leur langage, et discuter de questions de fond sans invective leur est impossible. André Gerin, certes maladroit, a ainsi subi l’opprobre générale quand il a abordé le sujet. Cette façon d’insulter sans réfléchir qui n’est pas d’accord avec eux, a été bien décrit dans le dernier article du blog de Descartes :

    Avec l’arrogance intellectuelle qui caractérise l’extrême gauche, on a excommunié par avance tous ceux qui ont voulu sortir du langage bobo-femino-libertaire-europhile (comme André Gerin, pour ne donner qu’un exemple). Ceux qui voulaient sortir de l’Euro sont des "maréchalistes", ceux qui admettent que l’immigration pose des problèmes sont des vendus au FN. Avec un tel positionnement, difficile d’élargir son électorat.

    -  2. Des raisons politiques pour refuser la régularisation massive

    Le programme du Front de gauche dit :

    Nous mettrons un terme à une politique étrangère de la France basée sur les relations néocoloniales et la Françafrique.

    Nous développerons une action de coopération avec les peuples qui cherchent à construire la démocratie et la justice sociale, notamment en Tunisie et en Égypte, et nous reconstruirons une politique de coopération véritable entre les deux rives de la Méditerranée.

    L’immigration massive vers l’Europe a des conséquences qui entrent en contradiction avec ces intentions. Les pays pauvres ont besoin, pour se développer, de main d’œuvre, de cadres formés capables d’organiser la production. Ce n’est certes pas suffisant, mais c’est absolument nécessaire. Or, dépeuplant les pays d’origine, avec qui et sur quelle base pourront-ils se développer ?

    Par ailleurs, certains pays, comme le Mali, reçoivent d’importantes quantités d’argent que leurs concitoyens vivant en France leur envoient. Ceci n’est pas sans problème : il s’agit d’abord d’une richesse produite en France, et qui n’est pas consommée ou réinvestie ici. Ces envois, ensuite, appauvrissent ceux qui les envoient, à savoir les étrangers vivant en France, les maintenant dans une situation précaire, au moins économiquement. Enfin, elle entretient une situation de dépendance économique malsaine des pays d’origine, comme une forme d’assistanat à l’échelle internationale, quand des efforts vigoureux pour relancer l’industrie et l’agriculture nationales devraient être la priorité de leur classe politique, pour gagner par soi-même son indépendance économique.

    De surcroît, concernant la Tunisie, j’ai trouvé absolument ahurissante la position des forces de gauche consistant à accueillir à bras ouverts ceux qui quittaient ce pays après la chute du dictateur Ben Ali. Pourquoi ? Je croyais me souvenir que, quand un régime politique s’effondre, ceux qui partent du pays en question sont ceux qui ont quelque chose à se reprocher au regard de leur implication dans l’ancien régime ; qui plus est, la révolution tunisienne ayant été fortement motivée par la question économique et sociale, la révolution aurait eu besoin de tous ses citoyens et de tous ses travailleurs pour reconstruire la Tunisie. Le signal envoyé en se montrant si généreux envers ceux qui fuyaient la Tunisie post-Ben Ali m’est apparu comme une aide donnée aux soutiens de son régime en fuite.

    -  3. Des raisons économiques pour refuser la régularisation massive

    Beaucoup des immigrés clandestins sont peu ou pas qualifiés ; dès lors, il ne peuvent prétendre qu’à des emplois mal payés et acceptent, de par leur précarité administrative, des conditions de travail absolument scandaleuses. Mais, ce faisant, ils forment une concurrence tout-à-fait déloyale aux travailleurs légaux, qu’ils soient français ou pas (et d’ailleurs, on voit de plus en plus de français d’origine étrangère voter à droite ou à l’extrême-droite par rejet de ce que provoque l’arrivée d’autres étrangers). Le MEDEF ne s’y est pas trompé, qui est très favorable à l’immigration en général, tout comme Christine Lagarde :

    Cet article du journal Marianne mentionne en particulier :

    Un rapport du CAE de 2009 montrait qu’une hausse de 1% de l’immigration entraînait une baisse de 1,25% des salaires des moins qualifiés.

    Puis :

    Le Medef et la CGPME, suivis par des parlementaires UMP, avaient bataillé contre un texte trop sévère contre les patrons employeurs de clandestins. Et, suite aux propos de Guéant, Alain Minc, dans L’Express a tenu à répandre la bonne parole : réduire l’immigration légale, « c’est mésestimer (…) la logique d’une économie de marché ouverte à laquelle nous devons, nous ne le répéterons pas assez, une réussite incontestable ».

    Or, loin des contingences électorales de l’UMP consistant, pour sa frange la plus à droite, à coller au FN, Alain Minc, Christine Lagarde et Laurence Parisot connaissent parfaitement bien où se situent leurs intérêts de classe. Qu’ils soient si critiques envers la limitation de l’immigration et la pénalisation des situations illégales en dit assez pour que les bonnes âmes de la gauche se posent des questions (du moins si elles défendent réellement les intérêts des travailleurs quelles que soient leur nationalité). Le "monde sans frontière" prôné par LO, le NPA ou le Front de gauche trouve avec ces apôtres du libéralisme des alliés bien encombrants.

    -  4. Des raisons humanitaires pour refuser la régularisation massive

    A l’occasion d’un voyage au Sénégal en 2011, je suis allé à Ziguinchor en Casamance. A l’occasion d’une balade en pirogue sur le fleuve Casamance, notre piroguier nous montra du doigt un atelier de pirogues, dont sortent les pirogues qui servent aux Guinéens, Sénégalais et Gambiens pour gagner les Iles Canaries, porte de l’Europe. J’ai raconté cet épisode ici. Il est clair que la régularisation massive des sans-papiers crée un appel d’air pour que d’autres tentent l’aventure affreuse de prendre la mer, avec le risque évident de s’y noyer.

    La même situation se présente quand, encadrés par les gauchistes, les sans-papiers, ici en France, en viennent à occuper des immeubles insalubres, appartenant par exemple à la Mairie de Paris (ça a été le cas avec le 51 Avenue Simon Bolivar dans le 19ème, occupé par des Tunisiens sur incitation des anarchistes et des militants d’extrême-gauche). Il est clair que le propriétaire du bâtiment, qu’il soit public ou privé, est responsable de la sécurité de l’immeuble, qu’il serait tenu pour responsable de tout incident ayant lieu en ses murs, et qu’il n’a d’autres choix que de faire intervenir les forces de l’ordre pour en exécuter l’évacuation. On peut critiquer les modalités de celle-ci, ainsi que l’absence de solution alternative mais, en l’occurrence, les éléments gauchistes préfèrent une situation pourrissante aboutissant à une conclusion extrême et, oui, difficile à supporter, pour justifier leurs invectives mettant dans le même sac la Mairie propriétaire de l’immeuble, la droite au pouvoir et l’extrême-droite officiellement raciste.

    Qu’ont gagné les malheureux sans-papiers encadrés par de tels hurluberlus ? Rien, si ce n’est le droit de vivre dehors, dans le parc des Buttes Chaumont, et probablement le sentiment d’avoir été instrumentalisé par des gens qui, finalement, se moquaient bien de leur sort mais avaient trouvé avec leur triste situation le moyen de traduire en actes leurs délires idéologiques. Mais, est-il possible de parler sereinement des questions de fond sur ce sujet ? Non plus, les éléments gauchistes ayant contaminé par leur façon de pensée lapidaire et leur discours sans nuance la gauche bien-pensante, libérale et libertaire.

    -  5. Le refus de la régularisation massive n’est pas un refus de l’immigration

    Le refus de la régularisation massive des étrangers en situation irrégulière ne doit pas être interprété, comme les gauchistes le feront immanquablement, comme une manifestation de racisme ou de méfiance envers les immigrés installés en France, dont les conditions de séjour doivent être facilitées, notamment pour l’accès à la nationalité et à la carte de séjour ; les services administratifs des préfectures doivent voir leurs moyens et leurs personnels augmentés pour mieux traiter les situations des étrangers. Les cas spéciaux d’immigration, comme les études, le droit d’asile, l’accès aux soins ou le regroupement familial doivent naturellement être encore préservés et développés, car ils sont la traduction de la vocation universaliste de la France ainsi qu’une marque d’ouverture et d’hospitalité. En outre, les diplômes obtenus à l’étranger doivent être mieux reconnus, de façon à permettre aux étrangers diplômés de prétendre à des emplois à la hauteur de leurs qualifications.

    En revanche, les étrangers en situation irrégulière doivent voir leur situation examinée au cas par cas. Ceux qui travaillent dans des conditions conformes au droit du travail, ceci devant être vérifié par l’inspection du travail, doivent voir leur situation régularisée. Ceux qui travaillent dans des conditions non conformes au droit du travail doivent voir leur patron épinglé pour mettre les conditions de travail de leurs salariés en conformité avec le droit du travail, en parallèle d’une régularisation de leur situation administrative. En revanche, ceux qui travaillent au noir, ou qui ne travaillent pas, et n’entrent pas dans les conditions énoncées plus haut (études, asile, santé, raisons familiales) n’ont aucune raison de voir leur situation régularisée.

    J’ai essayé dans ce texte de pointer le caractère irréaliste voire contreproductif de la proposition de régularisation générale, c’est-à-dire sans critères, des sans-papiers. Cette volonté s’appuie sur le soucis d’intégrer au mieux les immigrés déjà en France ainsi que ceux qui ont une raison valable de venir y vivre et s’y installer durablement, ainsi que sur le constat que notre position est incompréhensible dans l’opinion. C’est le même souci qui amenait Georges Marchais à écrire cette lettre au recteur de la Mosquée de Paris, que la droite et l’extrême-droite ont tenté de récupérer honteusement ; je mets en lien la tribune publiée par Alexis Corbière pour défendre l’honneur de Marchais dans cette histoire.

    J’attends naturellement, mais sans illusion, que mes camarades de gauche acceptent le principe d’en discuter, bien que je m’attende à un lynchage sans discussion...

    Jonathan, mardi 19 juin

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